2. Les comptes non budgétisés
Une série de compte extrabudgétaires sont traditionnellement rattachés à la Direction de la Comptabilité publique, à la Direction générale des impôts ou encore à la Direction générale des douanes et des droits indirects.
Les différents comptes concernés sont rappelés dans le tableau qui suit :
Comptes rattachés à la Direction de la Comptabilité publique
Comptes rattachés à la Direction générale des impôts
Comptes rattachés à la Direction générale des douanes et des droits indirects
Il faut y ajouter le compte 451 "Fonds particuliers" destiné à retracer les mouvements enregistrés sur les comptes de dépôt de fonds des particuliers tenus sous la responsabilité des trésoriers-payeurs-généraux et qui comporte également en ressources une série de versements correspondant aux activités exercées par les comptables comme préposés de la Caisse des dépôts et consignations.
Le tableau qui suit retrace l'évolution des dépenses de ces comptes hors "masse des douanes" et "crédits du compte 451".
Évolution des dépenses extra-budgétaires 1992-1994
Source : Cour des Comptes
Les sommes recensées représentaient, en 1994, 0,6% des dépenses de personnel et 3 % de celles de fonctionnement.
Elles n'épuisent pas le montant des dépenses extrabudgétaires. Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution du budget pour 1995 :
"Une partie non négligeable des indemnités versées à certains personnels des services financiers n'est pas comptabilisée comme dépense, hormis une centralisation statistique annuelle. En 1994, elles concernaient un montant de 724 millions environ, soit 10 % des indemnités totales. Il s'agit de sommes encaissées directement par les agents, pour environ 560 millions au titre de remises et commissions de la collecte de l'épargne, pour environ 140 millions au titre de conseil aux collectivités locales et pour une somme d'environ 30 millions (apparaissant avec d'autres recettes aux Charges Communes) au titre des indemnités versées aux agents-huissiers du Trésor au prorata des actes exécutés".
Au total, le montant des dépenses extrabudgétaires des services financiers se serait élevé, en 1994, hors masse des douanes et "compte 451" à 1.184,7 milliards de francs, se répartissant entre des dépenses indemnitaires pour 900,2 millions de francs et des crédits affectés au fonctionnement des services pour 284,5 millions de francs.
Pour 1994, le cumul des fonds de concours et des crédits extrabudgétaires ayant fait l'objet d'un recensement se serait élevé à près de 11,8 milliards de francs, soit 26,8 % de l'autorisation budgétaire initiale.
Ces pratiques ne vont pas sans poser de sérieux problèmes juridiques et d'introduire de l'opacité là où la transparence s'impose.
b) De quelques problèmes posés par ces méthodes
• Le défaut d'évaluation des fonds
de concours en loi de finances initiale est peu justifié.
Cette situation peut s'expliquer pour les fonds de concours dont le versement dépend d'une intention libérale affectée par nature d'une part d'incertitude.
Elle ne paraît pas justifiée pour les fonds de concours qui, du fait des conditions de leur versement et de leur rattachement, présentent des caractéristiques telles que leur évaluation soit possible sans risque majeur d'erreur.
Or, tel est le cas pour la plupart des fonds de concours alimentant le budget des services financiers.
•
Certaines ressources ne peuvent être
considérées comme des fonds de concours que par abus.
Il en va d'abord ainsi du prélèvement sur le produit des impositions locales.
L'intitulé du prélèvement ne doit, en outre, pas tromper : il n'est en aucune manière assimilable à une redevance pour services rendus.
Son traitement budgétaire est d'ailleurs hybride.
La loi de finances initiale pour 1996 comporte d'abord une ligne de recettes n° 309 intitulée "Frais d'assiette et de recouvrement des impôts et taxes établis ou perçus au profit des collectivités locales et de divers organismes". Son produit, évalué à 9,2 milliards de francs en 1995, devrait s'élever, en 1996, à 9,7 milliards de francs.
Le montant de 9,7 milliards de francs inscrit pour 1996 à la ligne 309 des ressources non fiscales n'épuise pas le produit du prélèvement opéré par l'Etat à ce titre.
Une autre partie du produit du prélèvement est considéré comme un fonds de concours.
Pour 1996, l'enveloppe ainsi traitée s'élèverait à 4,7 milliards de francs.
Compte tenu de la nature du prélèvement étudié, il semble qu'une stricte application des règles budgétaires devrait conduire à réintégrer les sommes considérées jusqu'à présent comme des fonds de concours sous la ligne n° 309 des recettes de l'Etat et ainsi à cesser de leur réserver le sort des fonds de concours.
Cette solution aurait au moins deux vertus :
- Elle remédierait aux problèmes de lisibilité posés par la situation actuelle qui, en éclatant le produit de la taxe, ne favorise par le contrôle de son évolution par les différents intéressés.
- Elle contribuerait à une évaluation plus fidèle des recettes de l'Etat 11 ( * ) .
Car, en s'abstenant d'évaluer l'ensemble du produit de la taxe au stade de la loi de finances initiale, l'Etat paraît manquer à son devoir de sincérité dans l'évaluation des recettes fiscales. Dans les faits, celles-ci en ont été minorées de l'ordre de 4,7 milliards de francs en 1996.
Les problèmes pratiques posés par cette solution d'orthodoxie budgétaire ne se manifesteraient que pour autant qu'elle se traduirait par une banalisation de l'ensemble de la recette et par un changement de la nature des dépenses financées.
Il en va également ainsi du prélèvement sur le produit du contrôle fiscal (article 5 de la loi du 17 août 1948).
Il est fondé sur l'article 5 de la loi du 17 août 1948 qui constitue à l'évidence une survivance après l'entrée en vigueur de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
Cette situation avait appelé l'an dernier l'attention de la commission des finances du Sénat.
Au cours de la séance publique du 27 novembre 1995, l'attention du ministre du budget avait été appelée sur le "caractère incertain et quelque peu obsolète du fondement juridique de l'article 5 de cette loi de 1948, qui n'est pas en complète cohérence avec les principes de l'ordonnance de 1959, ainsi que sur l'effort qui serait justifié, et pour lequel il est normal, d'ailleurs, que les assemblées et le Gouvernement coopèrent, pour ramener au principe budgétaire ordinaire le traitement de ce prélèvement sur le produit des redressements fiscaux".
En réponse, le ministre du budget avait indiqué : "Quant aux recettes de l'article 5 de la loi de 1948, en vertu du nouvel article 68 quater, elles seront récapitulées dans le "jaune" qui donne l'état récapitulatif des crédits des fonds de concours. Je considère que c'est un progrès très important dans le domaine de la transparence. Ce n'est peut-être pas suffisant et nous devons maintenant envisager les modalités pratiques. Nous sommes tout à fait disposés à y travailler lors de l'élaboration du projet de loi de finances pour 1997, en étroite coordination avec les rapporteurs intéressés, tant de l'Assemblée nationale que du Sénat...".
Ce débat s'était instauré après le vote par l'Assemblée nationale d'une disposition appelée à devenir l'article 111 de la loi de finances pour 1996 aux termes duquel : "A compter du projet de loi de finances pour 1997, les crédits rattachés au budget des services financiers et correspondant au prélèvement institué par le dernier alinéa de l'article 5 de la loi n° 48-1268 du 17 août 1948 tendant au redressement économique et financier font l'objet d'une évaluation par chapitre, pour l'exercice dont les crédits sont soumis à l'examen du Parlement, dans l'annexe donnant l'état récapitulatif des crédits de fonds de concours".
Cette disposition ne levait, à l'évidence, pas les interrogations sur la validité de la loi de 1948 et ne pouvait dès lors être considérée autrement que comme une solution offrant une amélioration transitoire à la situation antérieure à son adoption.
Aucun progrès réel n'a, depuis, été apporté à la résolution des problèmes pendants.
Il y a lieu de le regretter et de souhaiter que dès l'année prochaine, des solutions définitives interviennent.
• L'existence des comptes
extrabudgétaires semble assise sur des bases légales incertaines
et n'est pas conforme aux principes de notre droit
budgétaire.
C'est la raison pour laquelle, à l'initiative de l'Assemblée nationale, avait été voté l'article 110 de la loi de finances pour 1996 qui dispose : "A compter du projet de loi de finances pour 1997, les recettes et dépenses extrabudgétaires de toutes les administrations d'Etat sont réintégrées au sein du budget général".
Votre commission avait reconnu qu'il s'agissait là d'un progrès. Cependant, ayant fait remarquer que cet article ne régirait pas les fonds de concours à proprement parler, elle avait exprimé le voeu que la solution prévue pour les crédits extrabudgétaires soit étendue aux vrais fonds de concours, c'est-à-dire aux versements correspondant à la définition de l'ordonnance du 2 janvier 1959, et être informé des mesures prises pour assurer l'effectivité d'un dispositif que, par sous-amendement, le Gouvernement avait souhaité étendre à l'ensemble des administrations d'Etat.
Ni l'un ni l'autre des voeux exprimés ne semblent avoir reçu satisfaction.
Dans ces conditions, l'application de l'article 110 de la loi de finances pour 1996 n'apparaît pas effective ce qui est, pour le moins, peu admissible.
* 11 Toutefois, à l'inverse des conséquences de certaines imputations budgétaires retenues pour d'autres fonds de concours, on ne peut relever en l'espèce d'impact sur la sincérité du solde budgétaire prévisionnel. Celui-ci n'est pas affecté puisque les recettes éludées ont pour corollaires des dépenses qui ne sont elles-mêmes pas évaluées à ce stade.