2. Les propositions essentielles du projet de loi : réduction du déficit prévisionnel, amorce d'une réforme du financement de l'assurance maladie, fixation d'un objectif national de dépenses
a) La réduction du déficit prévisionnel de l'assurance maladie
Lors de son discours du 15 novembre 1996, le Premier ministre avait estimé que la mise en oeuvre de son plan de réforme de la sécurité sociale permettrait de réduire notablement le déficit de la sécurité sociale en 1997 pour un retour à l'équilibre en 1998.
L'atonie des recettes de la protection sociale résultant de la situation économique et les délais de mise en oeuvre de la plupart des dispositions des ordonnances du 24 avril 1996 ont maintenu le déficit à un niveau élevé en 1996.
Le présent projet loi vise à réduire de 47,2 milliards (déficit prévisionnel) à moins de 30 milliards (29,7) le déficit du régime général en 1997.
Pour la seule branche maladie, des mesures nouvelles d'un montant de 15,3 milliards de francs permettront de faire passer le déficit prévisionnel pour 1997 de 31,2 milliards de francs à 15,9 milliards de francs.
Le schéma financier de redressement s'établit comme suit :
- fixation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie à 600,2 milliards de francs : 3,5 milliards de francs d'économies ;
- réforme du financement de l'assurance maladie : 1,3 milliard de francs ;
- majoration des droits à la consommation sur les boissons alcoolisées : 1,5 milliard de francs ;
- affectation permanente de 6,39 % des droits de consommation sur le tabac à la CNAMTS : 3 milliards de francs ;
- versement exceptionnel de l'État (règlement du contentieux EDF/URSSAF), cf. projet de loi sur la fonction publique : 3 milliards de francs ;
- intégration financière du régime militaire de sécurité sociale : transfert des réserves au régime général : 1,2 milliard de francs ;
- contribution forfaitaire de la branche accidents du travail aux charges supportées par l'assurance maladie du fait des accidents du travail et des maladies professionnelles : 1 milliard de francs.
Ces différentes mesures seront analysées dans le rapport consacré à l'examen des articles, à l'exception de la mesure EDF qui ne figure pas dans le présent projet de loi.
Sur les 15,9 milliards de francs qu'elles procureront en 1997, 4,2 milliards de francs ne pourront être retrouvés dans les recettes pour 1988 : le transfert au régime général des réserves du régime de sécurité sociale des militaires (1,2 milliard de francs) et le règlement du contentieux EDF/URSSAF ne sont que des « mesures à un coup ».
b) L'amorce d'une réforme du financement de l'assurance maladie
Au printemps dernier, le rapport du groupe de travail sur la réforme des prélèvements obligatoires, évoquant l'assurance maladie, confirmait un constat ancien : « Pour les salariés, qui représentent la majorité des personnes protégées, le système est principalement financé par des cotisations prises en charge pour la plus large part par les employeurs et par les salariés eux-mêmes. Ce système ne s'équilibre plus depuis des années et laisse de côté, malgré des mécanismes divers de prise en charge, ceux qui ne peuvent pas se rattacher à tel ou tel régime. »
Alors que, dans les années qui ont suivi la création de la sécurité sociale, l'assiette du prélèvement social constituée par la masse salariale était particulièrement dynamique et vertueuse, elle cumule aujourd'hui les inconvénients :
- assiette peu dynamique, voire se rétractant ;
- pour les entreprises, assiette pénalisant l'emploi par rapport au capital, en particulier pour les bas salaires ;
- pour les ménages, assiette pénalisant les actifs -et donc l'activité- au détriment du reste de la population.
Bien entendu, les effets négatifs de cette assiette sont renforcés compte tenu du niveau désormais très élevé des taux de cotisation.
Ces effets deviennent pervers à travers leurs conséquences sur l'emploi, l'augmentation du chômage induite contractant encore l'assiette et étant un facteur d'élévation du niveau des taux pour maintenir l'équilibre financier.
C'est pourquoi le Gouvernement a décidé d'entreprendre, dans le présent projet de loi de financement, l'amorce d'une réforme du financement de l'assurance maladie.
Elle se traduit par le basculement d'1,3 point de cotisations d'assurance maladie salariées sur 1 point de contribution sociale généralisée déductible du revenu imposable. Cette contribution sociale généralisée est dite « étendue », son assiette étant calquée, non sur celle de la CSG actuelle, mais sur celle de la contribution au remboursement de la dette sociale (à certains revenus de remplacement près).
Il s'agit d'alléger le poids du financement de l'assurance maladie sur les actifs (qui gagnent ainsi 0,45 % de pouvoir d'achat), au détriment du capital. L'opération sera neutre pour les retraités.
Si un tel élargissement des sources de financement de l'assurance maladie le rendre plus vertueux pour l'économie, il intervient aussi en prévision de la création d'une assurance maladie universelle.
Évoquant ce chantier, le rapport du groupe de travail sur la réforme des prélèvements obligatoires, dit « La Martinière », a formulé plusieurs observations intéressantes dont il convient de prendre la mesure au moment ou le Parlement doit se prononcer sur sa toute première étape.
Évoquant le taux d'une contribution appelée à financer l'assurance maladie universelle (qui n'inclurait pas les indemnités journalières maladies, celles-ci continuant légitimement à être financées par une technique assurancielle reposant sur des cotisations), ce rapport estime qu'un taux de 4,5 % serait suffisant si son assiette était très large. Il recommande à cet égard de prendre pour référence l'assiette de la CRDS, souhait auquel le gouvernement ne s'est pas totalement conformé dans le projet de loi.
Ce « prélèvement proportionnel unifié sur tous les revenus à l'exception des minimas sociaux, à assiette large et à taux modéré » constituerait un financement adéquat d'une assurance maladie fondée désormais sur un principe de solidarité.
Le rapport La Martinière estime à cet égard que « l'association de tous le revenus et de la grande majorité des résidents à l'effort exigé en matière d'assurance maladie pourrait être (...) le moyen de les faire participer au succès de la politique de modération (des dépenses) qui vient d'être mise en oeuvre ».
Il recommande que toute modification entraînant un élargissement d'assiette du prélèvement social s'accompagne d'une rééducation à due concurrence des cotisations, recommandation que fait mieux que respecter le gouvernement dans la mesure où la mesure envisagée par le présent projet de loi procurera aux actifs un gain de pouvoir d'achat, et de ne pas envisager la déductibilité de la nouvelle CSG avant l'achèvement de la montée en puissance du nouveau prélèvement maladie, souhait que n'a pas suivi le gouvernement.
Enfin, le rapport La Martinière évoque les conséquences de l'institution d'une assurance maladie universelle dur les finances départementale. Il estime, comme votre commission, qu'elle doit faire disparaître la prise en charge par les départements de certaines cotisations d'assurance personnelle, d'un montant de 3 milliards de francs.
Cette disparition conduira aussi nécessairement votre commission à s'interroger sur la nécessité de maintenir les compétences départementales en matière de prévention sanitaire.
c) La fixation d'un objectif national de dépenses d'assurance maladie
La loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 a prévu, en son article premier, que chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.
Cet objectif est prévisionnel, et n'est pas opposable aux assurés sociaux qui ne verront pas leurs remboursements limités ou supprimés en cas de dépassement.
Il est, en revanche, pleinement opposable aux professionnels et établissements de santé qui devront prendre les mesures appropriées afin de le respecter, sous peine de sanctions financières dont le principe est inscrit dans le code de la sécurité sociale et les modalités définies par voie conventionnelle.
Afin de renforcer, s'il en était besoin, la crédibilité de l'opposabilité de cet objectif, le gouvernement a choisi de retenir une acception étroite de la notion de « dépenses d'assurance maladie ».
L'exposé des motifs de l'article 4 du projet de loi confirme bien en effet que les dépenses prises en compte dans l'objectif excluent les rentes d'accidents du travail, les indemnités journalières du risque maternité (mais non celles du risque maladie), les dépenses de gestion administrative, d'action sanitaire et sociale, les dépenses des fonds de prévention, les transferts et frais financiers.
N'ont été retenues dans le champ de l'objectif que les dépenses « engagées » par les professionnels de santé à l'occasion des soins qu'ils délivrent ou des prestations qu'ils fournissent.
Ce parti pris est généreux : toute augmentation des dépenses de prévention des caisses d'assurance maladie, pourtant bénéfiques à la santé et entrant bien dans le champ des « dépenses d'assurance maladie » se fera en plus des 600,2 milliards de francs prévus dans l'enveloppe fixée par l'article 4 du projet de loi.
Ce parti pris doit également être considéré comme juste, les professionnels de santé ne pouvant pas se voir reprocher, par exemple, une augmentation des dépenses d'action sociale engagées par l'assurance maladie.
Pour la première fois dans l'histoire de la sécurité sociale, les règles du jeu sont parfaitement claires en début d'année pour les professionnels de santé : le Parlement décide de l'objectif, après un débat public, et ne pourra le modifier en cours d'année qu'exceptionnellement et selon des formes très solennelles (adoption d'une loi de financement rectificative).
Chacun, qu'il soit citoyen, professionnel de santé ou usager du système de soins, doit s'en féliciter.
Ceci étant dit, votre commission proposera un amendement tendant à augmenter l'objectif national de dépenses d'assurance maladie grâce à des ressources nouvelles qu'elle aura par ailleurs dégagées. Cette augmentation constituera une enveloppe supplémentaire, de plus d'un milliard de francs, qui servira exclusivement à financer des priorités de santé publique définies par le gouvernement ou par voie conventionnelle.