N° 2833

N° 403

ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1995 DIXIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 juin 1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 juin 1996.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI portant modification de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l 'enfance délinquante,

PAR M. RENAUD DUTREIL, PAR M. MICHEL RUFIN,

Député, Sénateur.

1 Cette commission est composée de : MM. Pierre Mazeaud, député , président ; Jacques Larché, sénateur , vice-président ; Renaud Dutreil , député ; Michel Rufin, sénateur , rapporteurs.

Membres titulaires : M. Gérard Léonard, Mme Odile Moirin, MM. Pierre Cardot, Paul-Louis Tenaillon, Mme Véronique Neiertz. députés : MM. Jean-Jacques Hyest. Paul Masson, Georges Othily, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo, sénateurs.

Membres suppléants : M. Christian Vanneste, Mme Monique Rousseau, MM. Raoul Béteille, Guy Tessier, Jean-Paul Virapoullé, Mme Frédérique Bredin, Jacques Brunhes, députés ; MM. Guy Allouche, François Blaizot, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Paul Girod, Charles Jolibois, Jean-Pierre Schosteck, sénateurs.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1 re lecture : 2573, 2655 et TA. 512.

2 e lecture : 2792.

Sénat : 1 re lecture : 300, 341 et TA. 124 (1995-1996).

Délinquance et criminalité.

MESDAMES, MESSIEURS,

La Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant modification de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante s'est réunie à l'Assemblée nationale le 4 juin 1996.

Elle a procédé à la nomination de son bureau qui a été ainsi constitué :

-- M. Pierre MAZEAUD, député, président ;

-- M. Jacques LARCHÉ, sénateur, vice-président.

La Commission a désigné :

-- M. Renaud DUTREIL, député,

-- M. Michel RUFIN, sénateur,

comme rapporteurs, respectivement pour l'Assemblée nationale et pour le Sénat.

La Commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des articles restant en discussion.

À l'article premier, relatif à la procédure de convocation par officier de police judiciaire, M. Michel Rufin, rapporteur pour le Sénat, a souligné que celui-ci avait estimé que l'instruction du procureur à l'officier ou à l'agent de police judiciaire de notifier au mineur une convocation à comparaître devait être effectuée par écrit, le cas échéant par télécopie, tout en reconnaissant que les brigades de gendarmerie n'étaient pas toutes équipées de ce mode de transmission d'information. M. Renaud Dutreil, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a confirmé le faible degré d'équipement des brigades de gendarmerie en télécopieurs, a fait valoir que cette formalité supplémentaire apparaissait contradictoire avec le souci d'accélérer les procédures, sans apporter de garantie supplémentaire au mineur et a rappelé que les procédures de traitement en temps réel étaient suffisamment rodées et ne donnaient pas lieu à des utilisations abusives. Mme Véronique Neiertz a jugé essentiel que l'officier de police puisse délivrer une convocation alors même que le mineur est présent et a confirmé le bon fonctionnement de ces procédures en temps réel dans le département où elle est élue. Après que M. Michel Dreyfus-Schmidt eût précisé que l'exigence d'un écrit avait essentiellement pour but de définir un mode de preuve et donc de limiter les demandes de nullité, la Commission a adopté cet article dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

À l'article 2 concernant le jugement du mineur dès la première comparution, M. Michel Rufin a indiqué que le Sénat avait apporté la précision selon laquelle le juge doit également prendre en compte les moyens appropriés à la rééducation du mineur, ainsi que des aménagement formels conduisant à déterminer la procédure applicable selon que les faits nécessitent ou ne nécessitent pas d'investigations supplémentaires. Sur ce dernier point, M. Renaud Dutreil a souligné que le texte adopté par l'Assemblée nationale autorisait le juge à recourir à la procédure de droit commun lorsque la complexité de l'affaire appelait des investigations complémentaires tant sur les faits que sur la personnalité du mineur en cause. Après les observations de MM. Jean-Jacques Hyest et Michel Dreyfus-Schmidt, la Commission a adopté cet article dans la rédaction du Sénat corrigée d'une précision rédactionnelle.

À l'article 2 bis , qui détermine les personnes convoquées et informées par le juge quelles que soient les procédures, M. Renaud Dutreil a souligné que la rédaction du Sénat rompait le parallélisme entre les personnes convoquées et celles qui sont tenues informées. S'opposant également à cette rédaction, Mme Véronique Neiertz a précisé que cette disposition avait pour finalité d'organiser la convocation et l'information de la personne à qui a été effectivement confié le mineur. Après que MM. Jean-Jacques Hyest et Michel Rufin eurent observé que la personne à laquelle le mineur est confié puisse être le service d'aide à l'enfance et non une personne physique, la Commission a adopté cet article dans la rédaction de l'Assemblée nationale qui ne fait pas référence à ce service.

À l'article 3, relatif à la consultation du service éducatif auprès du tribunal pour enfants, la Commission a retenu les aménagements rédactionnels adoptés par le Sénat.

À l'article 4, qui institue la procédure de comparution à délai rapproché, M. Michel Rufin a indiqué que la rédaction du Sénat apportait, outre la réparation d'un oubli matériel, deux précisions par rapport au texte de l'Assemblée nationale : d'une part, les renseignements sur la personnalité du mineur et sur les moyens appropriés à sa rééducation doivent figurer dans le dossier consulté par l'avocat ; d'autre part, les formalités relatives aux droits de la défense du mineur doivent être mentionnées au procès-verbal sous peine de nullité. Avec l'accord de M. Renaud Dutreil, la Commission a adopté le texte du Sénat.

Elle a également adopté, sans les modifier, les articles additionnels, introduits au Sénat, 4 bis , supprimant la condition d'âge qui limite le champ d'application des mesures de protection judiciaire, et 4 ter, étendant la procédure d'ajournement devant le tribunal pour enfant afin d'aboutir à une procédure proche de la césure pénale qui était limitée, dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, aux instances devant le juge pour enfant.

Enfin, après que M. Renaud Dutreil eut fait part de son opposition aux modifications proposées par le Sénat qui, dans la louable intention d'apporter une précision, risquait de créer un doute, la Commission a adopté l'article 5 relatif à l'application de la loi dans les T.O.M. et à Mayotte dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

La Commission mixte paritaire a ensuite adopté l'ensemble du texte soumis à ses délibérations.

*

* *

En conséquence, la Commission mixte paritaire vous demande d'adopter le texte élaboré par elle et reproduit ci-après.

TEXTE ÉLABORÉ PAR LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Article premier.

L'article 5 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsqu'il saisira ledit juge des enfants ou ledit président par requête, il pourra requérir la comparution à délai rapproché du mineur en application de l'article 8-2. » ;

2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Le procureur de la République pourra également donner instruction à un officier ou un agent de police judiciaire de notifier au mineur contre lequel il existe des charges suffisantes d'avoir commis un délit une convocation à comparaître devant le juge des enfants qui en sera immédiatement avisé, aux fins d'application de l'article 8-1. Cette convocation qui vaudra citation à personne entraînera l'application des délais prévus à l'article 552 du code de procédure pénale. » ;

3° Au quatrième alinéa, les mots : « l'interrogatoire de première comparution » sont remplacés par les mots : « l'audience » ;

4° Après le septième alinéa, il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :

« La victime sera avisée par tout moyen de la date de comparution du mineur devant le juge des enfants.

« La convocation mentionnée aux alinéas précédents peut être également délivrée en vue de la mise en examen du mineur. »

Art. 2.

Après l'article 8 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, il est inséré un article 8-1 ainsi rédigé :

« Art. 8-1. -- Lorsqu'il sera saisi dans les conditions définies aux troisième à sixième alinéas de l'article 5, le juge des enfants constatera l'identité du mineur et s'assurera qu'il est assisté d'un avocat.

« I. -- Si les faits ne nécessitent aucune investigation supplémentaire, le juge des enfants statuera sur la prévention par jugement en chambre du conseil et, s'il y a lieu, sur l'action civile.

« Lorsqu'il estime que l'infraction est établie, le juge des enfants pourra :

« -- s'il constate que des investigations suffisantes sur la personnalité du mineur et sur les moyens appropriés à sa rééducation ont déjà été effectuées, prononcer immédiatement l'une des mesures prévues aux 2°, 3° et 4° de l'article 8 ou, encore, ordonner une mesure ou une activité d'aide ou de réparation dans les conditions prévues par l'article 12-1 ;

« -- s'il constate que des investigations suffisantes sur la personnalité du mineur et sur les moyens appropriés à sa rééducation ont déjà été effectuées mais envisage de prononcer l'une des mesures prévues aux 5° et 6° de l'article 8, renvoyer l'affaire à une prochaine audience de la chambre du conseil, qui devra avoir lieu au plus tard dans les six mois ;

« -- s'il constate que les investigations sur la personnalité du mineur et sur les moyens appropriés à sa rééducation ne sont pas suffisantes, renvoyer l'affaire à une prochaine audience de la chambre du conseil, qui devra avoir lieu au plus tard dans les six mois. Il recueillera des renseignements sur la personnalité du mineur et sur la situation matérielle et morale de la famille dans les conditions prévues aux quatrième et cinquième alinéas de l'article 8.

« Dans le cas où le juge des enfants fait application des dispositions de l'un ou l'autre des deux alinéas qui précèdent, il pourra ordonner à l'égard du mineur, à titre provisoire, son placement dans un établissement public ou habilité à cet effet, une mesure de liberté surveillée préjudicielle ou une mesure ou activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime, avec son accord, ou dans l'intérêt de la collectivité.

« II. -- Si les faits nécessitent des investigations supplémentaires, le juge des enfants procédera comme il est dit aux articles 8 et 10. »

Art. 2 bis.

Après le premier alinéa de l'article 10 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Quelles que soient les procédures de comparution, le mineur et les parents, le tuteur, la personne qui en a la garde ou son représentant, sont simultanément convoqués pour être entendus par le juge. Ils sont tenus informés de l'évolution de la procédure. »

Art. 3.

L'article 12 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, les mots : « l'éducation surveillée » sont remplacés par les mots : « la protection judiciaire de la jeunesse » ;

2° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ce service doit également être consulté avant toute décision du juge des enfants au titre de l'article 8-1 et toute réquisition du procureur de la République au titre des articles 8-2 et 8-3. »

Art. 4.

Après l'article 8 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, il est inséré un article 8-2 et un article 8-3 ainsi rédigés :

« Art. 8-2. -- En matière correctionnelle, le procureur de la République pourra, s'il constate que les diligences et investigations prévues par l'article 8 ont déjà été accomplies, le cas échéant à l'occasion d'une procédure antérieure, et qu'elles sont suffisantes, et si des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires, requérir du juge des enfants, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 5, qu'il ordonne la comparution du mineur devant le tribunal pour enfants ou devant la chambre du conseil dans un délai qui ne pourra être inférieur à un mois ni supérieur à trois mois.

« Dans ce cas, le mineur sera immédiatement présenté au juge des enfants qui constatera son identité et l'informera qu'il a droit à l'assistance d'un avocat de son choix ou commis d'office. Lorsque le mineur ou ses représentants légaux n'auront pas fait le choix d'un avocat, le juge des enfants fera désigner sur-le-champ par le bâtonnier un avocat d'office. L'avocat pourra consulter le dossier dans lequel le juge aura préalablement versé les renseignements sur la personnalité du mineur et sur les moyens appropriés à sa rééducation dont il dispose et communiquer librement avec le mineur. Le magistrat notifiera au mineur les faits retenus à son encontre ainsi que leur qualification juridique et, l'avocat ayant été entendu, recueillera ses déclarations par procès-verbal. Les formalités prévues par le présent alinéa sont mentionnées au procès-verbal à peine de nullité.

« Si le juge des enfants fait droit, à l'issue de la présentation mentionnée au deuxième alinéa, aux réquisitions du procureur de la République, il notifiera au mineur le lieu, la date et l'heure de l'audience. Cette notification sera mentionnée au procès-verbal, dont copie sera remise sur-le-champ au mineur et à son avocat. Les représentants légaux du mineur en seront avisés par tout moyen. Jusqu'à la comparution du mineur, le juge des enfants pourra, le cas échéant, ordonner les mesures prévues aux articles 8, 10 et 11.

« Si le juge des enfants ne fait pas droit aux réquisitions du procureur de la République, il rendra, à l'issue de la présentation du mineur, une ordonnance motivée dont copie sera remise sur-le-champ au mineur, à son avocat et au procureur de la République. Les représentants légaux du mineur en seront avisés par tout moyen.

« Le procureur de la République pourra interjeter appel de cette ordonnance au plus tard le jour suivant la notification de la décision. Cet appel sera notifié au mineur, à ses représentants légaux et à son avocat. Il sera porté devant le président de la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel ou son remplaçant qui statuera au plus tard dans les quinze jours de sa saisine. La transmission du dossier de la procédure pourra être faite par tout moyen et, notamment, par télécopie.

« Le mineur, ses représentants légaux et son avocat pourront présenter au président de la chambre spéciale des mineurs toutes observations utiles par écrit.

« Le président de la chambre spéciale des mineurs pourra, soit confirmer l'ordonnance du juge des enfants, soit ordonner la comparution du mineur devant le tribunal ou devant la chambre du conseil. Le juge des enfants sera aussitôt avisé de la décision. Lorsque le renvoi aura été ordonné, le procureur de la République devra citer le mineur à comparaître dans le délai fixé par le président de la chambre spéciale des mineurs. Jusqu'à la comparution du mineur, le juge des enfants demeurera compétent pour ordonner, le cas échéant, les mesures prévues aux articles 8, 10 et 11.

« Art. 8-3. -- En matière correctionnelle, le procureur de la République pourra, à tout moment de la procédure, faire application des dispositions de l'article 8-2, sous réserve que les conditions prévues au premier alinéa de cet article soient remplies.

« Le juge des enfants devra statuer dans les cinq jours de la réception de ces réquisitions. Son ordonnance sera susceptible d'appel dans les conditions prévues par les cinquième et sixième alinéas de l'article 8-2.

« Le procureur de la République pourra saisir le président de la chambre spéciale des mineurs ou son remplaçant lorsque le juge des enfants n'aura pas statué dans le délai de cinq jours. Cette saisine sera notifiée au mineur, à ses représentants légaux et à son avocat qui pourront présenter au président de la chambre spéciale des mineurs ou son remplaçant toutes observations utiles par écrit. »

Art. 4 bis.

Au début du premier alinéa de l'article 16 bis de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, après les mots : « Si la prévention est établie à l'égard d'un mineur », les mots : « âgé de seize ans » sont supprimés.

Art. 4 ter.

Il est inséré, après l'article 20-6 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, un article 20-7 ainsi rédigé :

« Art. 20-7. -- Les dispositions des articles 132-58 à 132-62 du code pénal relatifs à la dispense de peine et à l'ajournement sont applicables aux mineurs de treize à dix-huit ans.

« Toutefois, l'ajournement du prononcé de la mesure éducative ou de la peine pourra être également ordonné lorsque le tribunal pour enfants considérera que les perspectives d'évolution de la personnalité du mineur le justifient. L'affaire sera alors renvoyée à une audience qui devra avoir lieu au plus tard dans les six mois.

« Le tribunal pour enfants qui ajourne le prononcé de la mesure éducative ou de la peine peut ordonner à l'égard du mineur, à titre provisoire, son placement dans un établissement public ou habilité à cet effet, une mesure de liberté surveillée préjudicielle ou une mesure ou une activité d'aide ou de réparation dans les conditions prévues à l'article 12-1.

« Les dispositions des articles 132-63 à 132-70-1 du code pénal ne sont pas applicables aux mineurs. »

Art. 5.

La présente loi est applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte.

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