Rapport n° 383 (1995-1996) de M. Jacques CHAUMONT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 29 mai 1996
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I. LA SITUATION AU PANAMA ET LES RELATIONS
BILATÉRALES
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II. LES DISPOSITIONS TECHNIQUES DE
L'ACCORD :
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EXAMEN EN COMMISSION
N° 383
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 29 mai 1996.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l 'accord fiscal sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama,
Par M. Jacques CHAUMONT,
Sénateur.
1 Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.
Voir le numéro :
Sénat : 160 (1995-1996).
Traités et conventions
I. LA SITUATION AU PANAMA ET LES RELATIONS BILATÉRALES
Le Panama est un petit pays - 75.000 km 2 - faiblement peuplé (2,5 millions d'habitants).
Longtemps province colombienne, le Panama a obtenu son indépendance après le refus par Bogota d'accepter en 1903 le traité proposé Par les États-Unis afin d'achever et exploiter le canal de Panama.
Celui-ci fut inauguré en août 1914 et jusqu'en 1979 demeurera placé sous le contrôle de l'armée américaine.
L'histoire récente du pays a été marquée par l'intervention des États-Unis le 20 décembre 1989 au terme de laquelle le général Antonio Noriéga fut contraint de se démettre.
Le Panama est, depuis 1994, dirigé par le président Ernesto Perez-Balladares.
A. LE PANAMA ET L'EXTÉRIEUR
Le Panama est très dépendant des États-Unis qui en sont le premier bailleur de fonds. Cependant, ceux-ci devraient rendre l'administration du Canal à l'Etat panaméen à partir de décembre 1999.
Naturellement tourné vers la zone caraïbes et l'Amérique centrale, le Panama cultive aussi d'étroites relations avec le Japon. En revanche, le pays a longtemps été exclu du bénéfice de la coopération financière et technique avec la Communauté européenne. Celle-ci n'a repris qu'en 1990, si bien qu'entre 1976 et 1994 le Panama n'a reçu de la Communauté que 7,120 millions d'écus consacrés essentiellement à des actions de formation.
Il faut rappeler que le Panama est concerné par le litige relatif aux conditions d'accès au marché communautaire de la banane.
Les relations politiques de la France avec le Panama sont empreintes d'une sympathie réciproque mais ne peuvent être considérées comme très actives.
En ce qui concerne les relations économiques et financières, nos échanges commerciaux sont excédentaires (899 millions de francs en 1994) mais notre part du marché panaméen n'est que marginale (0,8 %).
En Amérique latine, le Panama est le 7ème client de la France (3 % de nos exportations).
Sur le plan financier, Panama se trouve dans une situation d'endettement important à l'égard de la France. Le total de ses arriérés s'élevait à 100 millions de francs en 1995.
Le nombre des panaméens résidant en France est d'environ 80 personnes et le nombre de français résidant au Panama approche 500 personnes.
Une quarantaine d'entreprises françaises sont présentes dans le pays, essentiellement dans le secteur bancaire et financier.
B. SITUATION ÉCONOMIQUE
Le secteur tertiaire représente 75 % du PIB du pays. Il s'est développé à partir de la zone franche de Colon qui est la seconde au monde après Hongkong avec 10 milliards de dollars d'opérations. Le secteur bancaire est le principal moteur économique du pays.
Structurellement déficitaire sur le plan commercial, Panama compense cette situation par un excédent également structurel dans le domaine des services.
La croissance économique du pays est vive mais en ralentissement (+ 9,5 % en 1991 ; + 4 % en 1995). Elle provient, pour beaucoup, de l'essor de la construction immobilière associé à l'afflux des capitaux.
Cette situation résulte, pour beaucoup, de la législation panaméenne. Celle-ci se caractérise par un très bas niveau d'imposition et, même, pour les sociétés "offshore" qui n'exercent pas d'activités économiques dans le pays, par l'absence de toute imposition.
Il convient d'ajouter que le secret des opérations financières et commerciales est absolu au Panama.
De tout ceci, il résulte que plus de 35.000 sociétés sont créées chaque année au Panama soit près de 100 sociétés nouvelles chaque jour.
En dépit d'une économie dynamique. Panama doit affronter deux problèmes majeurs :
- un important endettement provenant de déséquilibres commerciaux structurels qui n'est supportable qu'à condition que les capitaux étrangers continuent d'irriguer le pays :
- une profonde inégalité du partage des revenus qui engendre la pauvreté d'une grande partie de la population.
II. LES DISPOSITIONS TECHNIQUES DE L'ACCORD :
La présente convention constitue une première. Si elle venait à être ratifiée, elle serait en effet la seule convention de non double imposition liant le Panama à un autre Etat.
En effet, à ce jour, seul un accord relatif au transport maritime et aérien a été conclu par le Panama et les États-Unis dont quelques clauses ont un objet fiscal.
La France et le Panama sont liés par une convention d'établissement depuis le 10 juillet 1953 et par un accord sur la protection des investissements depuis le 5 novembre 1982.
La présente convention a été conclue par échange de lettres les 6 avril et 17 juillet 1995. C'est notre pays qui a pris l'initiative de la négocier pour le motif suivant.
Les deux traités évoqués plus haut contiennent une clause d'égalité de traitement avec les nationaux. Compte tenu du régime fiscal panaméen et, en particulier, du secret absolu qui entoure les opérations financières dans ce pays, il y a là un dispositif susceptible de favoriser l'évasion et la fraude fiscale.
A titre d'exemple, il y a lieu de rappeler que, récemment, des sociétés panaméennes, arguant de la clause d'égalité fiscale, avaient obtenu le remboursement de la taxe annuelle de 3 % sur la valeur vénale des immeubles situés en France à laquelle notre pays assujettit les personnes morales dont le siège est situé dans un Etat non lié à la France par une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.
Ceci pourrait permettre à des contribuables nationaux d'échapper notamment à l'impôt de solidarité sur la fortune via la constitution de sociétés écrans localisées à Panama et détentrices de parts immobilières d'une valeur inférieure au seuil d'imposition.
Le climat de la négociation a été particulièrement facile et la procédure interne d'adoption de la convention est arrivée à son terme à Panama.
Le texte de la convention est court. Il ne comporte que 8 articles.
Les articles 1er et 2 définissent le champ de l'accord. Du côté français, les impôts visés sont l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés.
L'article 3 contient une clause inspirée du modèle de l'OCDE relatif à l'imposition des bénéfices provenant de l'exploitation d'aéronefs en trafic international ou de l'aliénation de tels bâtiments. Elle est réservée exclusivement à l'Etat contractant où se situe le siège de direction effective de l'entreprise.
L'article 4, également inspiré du modèle de l'OCDE, concerne les impositions des rémunérations et pensions publiques. Elles sont imposables dans l'Etat de la source sauf si la personne qui les reçoit est imposable dans l'autre Etat sur l'ensemble de ses revenus et en possède la nationalité sans posséder celle de l'Etat de la source. En ce cas, c'est l'Etat de destination qui bénéficie du droit exclusif d'imposition.
Le 2 de l'article 4 précise que les rémunérations et pensions payées à raison d'une activité industrielle et commerciale sont imposables dans l'Etat de destination.
Enfin, l'article réserve le droit de la France d'imposer les rémunérations et pensions publiques versées par Panama tout en accordant au contribuable un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus. Cette clause classique revient à instituer un mécanisme d'exonération totale qui, toutefois, préserve la progressivité de l'impôt sur le revenu français.
L'article 5 est au coeur du processus conventionnel. Il ôte toute portée fiscale - dont on a vu plus haut les implications - aux stipulations des conventions du 10 juillet 1953 et du 5 novembre 1992.
Les articles 6 et 8 traitent des conditions d'application et de dénonciation de l'accord.
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Telles sont les principales dispositions de l'accord. Malgré la modestie de sa portée, votre rapporteur, compte tenu des objectifs qu'il poursuit vous en recommande l'adoption.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 29 mai 1996, sous la présidence de M. Jean Cluzel, vice-président, la commission a procédé, sur le rapport de M. Jacques Chaumont, à l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord fiscal, sous forme d'échange de lettres, entre la France et le Panama.
Article unique
``Est autorisée l'approbation de l'accord fiscal sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama, signé à Paris le 6 avril 1995 et à Panama le 17 juillet 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi.''