Rapport n° 297 (1995-1996) de M. Robert BADINTER , fait au nom de la commission des lois, déposé le 27 mars 1996
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LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
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EXAMEN DES ARTICLES
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Article premier - Champ d'application du projet de
loi
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Article 2 - Application au tribunal international
pour le Rwanda des dispositions applicables au tribunal international pour
l'ex-Yougoslavie
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Articles 3 et 4 - Application dans les territoires
d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte
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Article premier - Champ d'application du projet de
loi
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ANNEXES
N° 297
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 27 mars 1996.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d' actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et, s'agissant des citoyens rwandais, sur le territoire d'États voisins,
Par M. Robert BADINTER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Jean-Pierre Tizon, Alex Türk, Maurice Ulrich.
Voir le numéro :
Sénat : 138 (1995-1996).
Droits de l'Homme et libertés publiques
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Réunie le mercredi 27 mars 1996 sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Robert Badinter, le projet de loi n° 138 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution n° 955 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et, s'agissant des citoyens rwandais, sur le territoire d'États voisins.
M. Robert Badinter, rapporteur, a mis en avant le bien-fondé du projet de loi en ce qu'il permettrait à la France de coopérer pleinement à la répression de crimes particulièrement graves commis au Rwanda en 1994. Citant un rapport de la commission d'experts de l'Organisation des Nations Unies (ONU) mise en place pour enquêter sur ces faits, il a indiqué que, du 6 avril au 28 juin 1994, 500.000 civils auraient été tués, certaines estimations fiables évaluant même le nombre de morts à près d'un million.
Le rapporteur a ensuite rappelé les principales étapes de l'organisation de la répression internationale des crimes contre l'humanité.
Évoquant les précédents des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, il a fait observer que s'ils avaient pu être considérés comme traduisant une « justice des vainqueurs » de la seconde guerre mondiale, ils avaient permis de poser les principes applicables à la répression de telles atrocités.
Il a indiqué que la création du tribunal international chargé de juger les personnes présumées responsables d'exactions commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie avait donné lieu à la confrontation de deux points de vue, les uns redoutant que cette création ne compromette les négociations de paix dans la mesure où les dirigeants susceptibles d'être traduits devant cette juridiction feraient obstacle à la cessation du conflit, les autres estimant que la conscience humaine ne pouvait laisser impunis certains comportements. Il s'est félicité de ce que cette seconde opinion l'ait finalement emporté, mettant en avant le rôle essentiel tenu par la France à partir de 1992 sur ce sujet.
Il a ensuite souligné que le projet de loi visait à adapter la législation française à la création d'un tribunal international pour le Rwanda sur le modèle des dispositions de la loi du 2 janvier 1995 sur le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie.
Détaillant la compétence du Tribunal pour le Rwanda, M. Robert Badinter a souligné qu'il connaîtrait des actes de génocide, des crimes contre l'humanité et des violations graves aux stipulations des conventions de Genève du 12 août 1949 pour la protection des victimes en temps de guerre.
Il a insisté sur le caractère largement accusatoire de la procédure et sur la faculté pour les juges d'émettre des opinions dissidentes.
Évoquant les relations entre le tribunal international et les juridictions nationales, il a précisé qu'elles se caractérisaient par une compétence conjointe avec primauté au tribunal international, celui-ci pouvant demander le dessaisissement sous certaines conditions et notamment si la procédure engagée ne paraissait ni impartiale ni indépendante.
Présentant les adaptations de la législation française proposées par le projet de loi, le rapporteur a indiqué qu'elles étaient identiques à celles prévues pour l'ex-Yougoslavie, à l'exception de leur champ d'application. Sur ce dernier point, il a insisté sur la technique dite de la double incrimination, selon laquelle les infractions en cause devraient à la fois être définies par la loi française et relever de la compétence du tribunal international. Il a noté que cette technique risquerait de susciter des difficultés d'interprétation dans la mesure où, la législation française ne définissant les crimes contre l'humanité que depuis le nouveau code pénal, une interprétation restrictive pourrait conduire à exclure du champ d'application du projet de loi de tels actes s'ils avaient été commis avant le 1er mars 1994, date d'entrée en vigueur dudit code. Indépendamment de ces éventuelles difficultés, il a considéré que, sur le plan juridique, les termes mêmes du statut et la spécificité du droit international humanitaire imposaient à la France de coopérer à la répression des crimes relevant de la compétence du tribunal international sans subordonner cette coopération à la définition de ces crimes par la loi interne. Il s'est en conséquence déclaré partisan de supprimer la référence expresse à la loi française.
Puis, M. Robert Badinter fait part de ses inquiétudes sur les difficultés matérielles susceptibles de gêner le bon fonctionnement du tribunal tels que le manque de places de prison, l'éparpillement du personnel entre La Haye, Arusha et Kigali et le budget fort modeste prévu par l'ONU. Il a indiqué que neuf personnes seulement avaient été incarcérées dans l'attente de leur comparution devant le tribunal.
Il a conclu son propos en préconisant l'institution d'une juridiction permanente internationale. La commission a approuvé cette suggestion.
Elle a ensuite adopté, sur la proposition de son rapporteur, l'amendement tendant à supprimer la référence à la loi française, ainsi que trois amendements d'ordre rédactionnel.
Mesdames, Messieurs,
Il est des comportements qui, par leur atrocité, heurtent la conscience de l'humanité et pour lesquels les frontières nationales ne sauraient constituer des remparts de l'impunité. Les auteurs et les complices de tels actes ne peuvent échapper à la justice au seul motif qu'ils se trouvent dans un État autre que celui sur le territoire duquel ils ont commis leurs forfaits.
Au cours de l'année 1994, le Rwanda fut ainsi le théâtre de véritables exterminations, d'actes criminels perpétrés de manière concertée, planifiée, systématique et méthodique, motivés par la haine ethnique.
Selon la commission d'experts de l'Organisation des Nations-Unies (ONU) mise en place pour enquêter sur ces faits, « on estime que 500.000 civils non armés ont été tués au Rwanda depuis le 6 avril 1994. Ce chiffre est sans doute même au-dessous de la vérité et le rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme a fait observer dans son rapport du 28 juin 1994 que, selon certaines estimations fiables, le nombre de morts serait proche du million. Il est peu probable que l'on connaisse un jour le nombre exact d'hommes, de femmes et d'enfants qui ont été victimes de cette hécatombe. »
La communauté internationale ne pouvait demeurer indifférente face à cette situation.
Riche de l'expérience du Tribunal international créé pour sanctionner les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, le Conseil de sécurité de l'ONU a donc décidé, par la résolution n° 955 en date du 8 novembre 1994, la création d'un Tribunal international chargé de poursuivre les responsables des exactions commises au Rwanda.
C'est donc la voie judiciaire qui a été retenue, plus contraignante que la voie diplomatique sans pour autant s'assimiler à l'usage de la force.
En permettant d'engager des poursuites rapides contre les responsables de génocides ou de crimes contre l'humanité, l'institution d'une juridiction internationale peut contribuer à les faire cesser ou tout au moins à les limiter en dissuadant les exécutants de se prêter à de telles exactions.
Le projet de loi soumis à notre examen a précisément pour objet d'adapter la législation française aux dispositions de la résolution 955, comme l'avait fait la loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 pour l'ex-Yougoslavie.
I. LA GENÈSE DU TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL
A. LES ORIGINES DU TRIBUNAL
La création d'une juridiction internationale chargée de juger des criminels de guerre ne procède pas d'une idée neuve.
Dès la fin de la Première Guerre mondiale, le Traité de Versailles avait prévu de traduire l'ex-Empereur Guillaume II devant une cour internationale pour « offense suprême contre la morale internationale et l'autorité sacrée des traités ». Cette juridiction ne put cependant se réunir, les Pays-Bas ayant toujours refusé de livrer l'accusé.
Cette initiative marquait néanmoins la prise de conscience de l'existence de crimes qui, par leur gravité, dépassaient les frontières nationales et dont les auteurs devaient être appelés à répondre devant la communauté internationale.
L'idée d'une juridiction internationale devait susciter de nombreux débats théoriques durant l'entre-deux guerres et donner notamment naissance à une proposition consistant à créer une chambre criminelle au sein de la Cour permanente de justice internationale.
Il fallut cependant attendre la fin du second conflit mondial pour mettre effectivement en place des juridictions internationales : les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo.
Si, sur le plan moral, et compte tenu des atrocités commises par les personnes condamnées, la légitimité de ces tribunaux ne pouvait être contestée, il en allait différemment d'un point de vue strictement juridique. Deux critiques ont à cet égard été émises :
- la première, que l'on pourrait qualifier d'« institutionnelle », tenait au caractère ad hoc desdites juridictions : créées a posteriori, elles pouvaient apparaître comme destinées à appliquer une « justice des vainqueurs » ;
- la seconde critique reposait sur la méconnaissance du principe fondamental selon lequel nul ne peut être sanctionné pour des faits qui n'étaient pas incriminés au moment où ils ont été commis ( nullum crimen sinelege).
En 1945, la gravité des faits reprochés aux personnes poursuivies avait permis d'écarter ces objections. Toutefois, pour pouvoir répondre à ces difficultés, l'Assemblée générale des Nations-Unies a, dès 1947, chargé la commission du droit international :
« a) de formuler les principes de droit international reconnus par le statut du Tribunal de Nuremberg et dans le jugement de ce tribunal ;
b) de préparer un projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité, en indiquant clairement la place qu'il convient d'accorder aux principes mentionnés (...) ci-dessus ».
La recherche d'une consécration de ce que l'on pourrait appeler un droit pénal universel devait conduire à poursuivre la réflexion sur l'institution d'une juridiction criminelle internationale chargée de l'appliquer.
Aujourd'hui, et en dépit de treize rapports déposés par M. Doudou Thiam, rapporteur de la commission depuis 1982, cette juridiction n'a toujours pas vu le jour. Pour autant, on ne saurait affirmer que les choses n'ont pas évolué en un demi-siècle.
Depuis 1945, ont en effet été adoptées des conventions ratifiées par de nombreux États et qui, pour n'être pas codifiées, n'en constituent pas moins un véritable noyau dur d'un droit pénal universel et permettent d'affirmer qu'existe aujourd'hui un véritable ordre public international. Parmi celles-ci, il convient notamment de citer :
- la convention des Nations-Unies du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du génocide à laquelle sont aujourd'hui parties plus de 110 États ;
- les conventions de Genève du 12 août 1949, relatives notamment au traitement des prisonniers de guerre et à la protection des personnes civiles en temps de guerre, auxquelles sont aujourd'hui parties plus de 150 États.
L'émergence de ce droit pénal universel, issu de la pratique conventionnelle mais aussi d'autres sources telles que les normes coutumières internationales, a permis la mise en place en 1993 d'un Tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991. Quoiqu'étant une juridiction ad hoc, il n'encourrait pas les critiques émises à l'égard des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo sur le plan juridique.
C'est dans ce contexte de la reconnaissance quasi-universelle de certains principes du droit pénal et du précédent de l'ex-Yougoslavie que fut décidée en 1994 la création d'un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et, s'agissant des citoyens rwandais, sur le territoire d'États voisins.
B. LA CRÉATION DU TRIBUNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA
1. Le choix de l'institution d'une juridiction ad hoc
a) Les objectifs du tribunal international
Tant pour l'ex-Yougoslavie que pour le Rwanda, l'institution d'un tribunal international a répondu, comme en 1945, au souci de ne pas laisser impunis des crimes particulièrement graves, des violations caractérisées des droits fondamentaux reconnus par la communauté internationale dans son ensemble.
Or, le réalisme conduisait à reconnaître que les juridictions nationales ne pourraient sanctionner de tels faits, commis -ou tout au moins ordonnés -par des dirigeants nationaux. Dès lors, seule l'institution d'un tribunal international pouvait pallier cette probable carence.
Ce faisant, les Nations-Unies ont poursuivi non seulement un objectif de répression mais aussi de prévention, en montrant qu'elles ne sauraient tolérer l'impunité des dirigeants à l'origine des pires atrocités.
Dans cette perspective, le tribunal international apparaît comme l'instrument de protection de ce que l'on pourrait appeler un ordre public international.
b) Les raisons d'un tribunal ad hoc
Une fois établie la nécessité d'une juridiction internationale, comment expliquer que celle-ci, tant pour l'ex-Yougoslavie que pour le Rwanda, ait pris la forme d'un tribunal ad hoc plutôt que permanent ?
Une réponse simple consisterait à expliquer le recours à cette technique par l'impossibilité de créer une juridiction permanente. Cette réponse, quoiqu'incontestable -car relevant du domaine des lapalissades-, paraît quelque peu rapide. Elle occulte en particulier le fait que les travaux préparatoires avaient évoqué la possibilité d'instituer un tribunal permanent. Tel fut notamment le cas de rapport du comité présidé par M. Pierre Truche, procureur général près la Cour de cassation, chargé en 1993 par M. Roland Dumas, Ministre d'État, ministre des Affaires étrangères, d'étudier la création d'un tribunal international destiné à juger les crimes commis dans l'ex-Yougoslavie. Insistant sur la nécessité de procéder très rapidement à la constitution de ce tribunal, le comité avait estimé que, « à elle seule, cette dernière exigence impose que l'on s'oriente non vers la création d'une cour criminelle internationale permanente -dont le tribunal pourrait néanmoins être le prélude- mais vers celle d'un tribunal ad hoc dont les compétences seraient précisément circonscrites. L'expérience a montré que, sans être exclue, la création d'une juridiction internationale permanente aux compétences générales et diversifiées se heurtait à de nombreux obstacles et il paraît vain de penser qu'elle pourrait intervenir dans le délai souhaitable ».
Ce n'est donc pas une impossibilité absolue de créer une juridiction permanente qui a conduit les Nations-Unies à retenir la formule du tribunal ad hoc mais l'impossibilité d'y procéder à court terme alliée à l'urgence de répondre à des comportements graves et répétés, heurtant la conscience de l'humanité tout entière.
Or, il apparaît que, de par son mode de création, un tribunal ad hoc permet de répondre à cet impératif d'urgence.
2. Le mode de création du tribunal
Sur le plan théorique, la création d'une juridiction internationale peut résulter soit de l'accord des États, soit d'une décision unilatérale d'un organe international, en l'occurrence de l'O.N.U.
a) Les obstacles à la création d'un tribunal international ad hoc par la voie conventionnelle
En 1945, c'est par la voie conventionnelle (Accord de Londres) que fut créé le Tribunal de Nuremberg. Ce procédé paraît a priori s'imposer, non seulement parce qu'il constitue la voie normale de l'élaboration du droit international écrit mais aussi parce qu'il s'agit de limiter la liberté des États dans un domaine, celui de la justice, qui touche de près à leur souveraineté.
Un large consensus s'est d'ailleurs dégagé au sein de la commission du droit international des Nations-Unies pour considérer la conclusion d'un traité comme le mode normal de création d'une éventuelle juridiction permanente.
Pourtant, force est de constater que ces considérations, parfaitement fondées s'agissant de l'institution d'une juridiction permanente, ne suffisent pas à emporter la conviction dès lors que, comme ce fut le cas pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, le choix de la communauté internationale se porte sur la mise en place d'un tribunal ad hoc. Dans cette hypothèse, la voie conventionnelle se heurte à trois obstacles difficiles, voire impossibles à surmonter :
- un obstacle philosophique tout d'abord car on pourrait contester le droit des États signataires d'imposer une juridiction à d'autres États. Cette critique, qui reprend l'une des objections formulées en 1945, n'apparaît cependant pas dirimante dès lors que l'on admet l'existence d'un droit pénal international, dominé par des principes fondamentaux universellement reconnus ;
- le deuxième obstacle, plus important, tient au fait que, selon toute vraisemblance, les États directement concernés par la juridiction envisagée refuseraient d'être parties à la convention. Ici encore, la difficulté n'est pas totalement dirimante car on peut imaginer que les dirigeants desdits États acceptent voire demandent (comme ce fut initialement le cas pour le Rwanda qui était par ailleurs membre du Conseil de sécurité lors de l'adoption de la résolution 955) une telle juridiction ;
- en fait, et c'est le troisième obstacle, la logique du choix d'un tribunal ad hoc, à savoir l'urgence, est incompatible avec l'inévitable lenteur de la négociation internationale préalable à la signature d'une convention et avec le délai nécessaire à sa ratification par les États parties.
b) La création par le Conseil de sécurité de l'ONU
C'est le chapitre VII de la Charte des Nations-Unies qui a fourni à l'ONU, pour l'ex-Yougoslavie comme pour le Rwanda, le fondement juridique d'une décision créant, de manière contraignante, une juridiction internationale. Ce chapitre confère en effet des pouvoirs au Conseil de sécurité « en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression ». En cette hypothèse, l'article 39 de la charte lui permet de décider « quelles mesures seront prises conformément aux articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».
Or, précisément, la création d'un tribunal international ad hoc a pour objectif de réprimer mais aussi de prévenir des violations caractérisées du droit international. Dès lors que l'on admet, ce qui est largement reconnu, que l'article 41 de la charte autorise à prendre toute mesure autre que l'emploi de la force armée appropriée au but poursuivi, une telle création pouvait effectivement être décidée par le Conseil de sécurité, tant pour l'ex-Yougoslavie que pour le Rwanda.
II. L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DU TRIBUNAL INTERNATIONAL
Deux textes essentiels régissent l'organisation et le fonctionnement du Tribunal international pour le Rwanda :
- la résolution n° 955 du conseil de sécurité, qui a non seulement créé le Tribunal mais en a également fixé le statut ;
- le règlement de procédure et de preuve.
A. LA COMPÉTENCE DU TRIBUNAL
Aux termes de l'article premier du statut « le tribunal international pour le Rwanda est habilité à juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d'États voisins entre 1er janvier et le 31 décembre 1994 ».
Comme le faisait observer le comité présidé par M. Pierre Truche à propos de l'ex-Yougoslavie, le Tribunal pénal international devait trouver un équilibre entre, d'une part, la limitation des compétences de celui-ci à l'objet pour lequel il est créé (à savoir, le rétablissement de la paix et de la sécurité internationales) et, d'autre part, « le souci de ne pas instituer une "juridiction de circonstances" ».
1. La compétence ratione materiae
Déterminée par les articles 2 à 4 du statut, elle est quelque peu différente de la compétence ratione materiae du tribunal pour l'ex-Yougoslavie.
Comme ce dernier, le tribunal international pour le Rwanda a compétence pour connaître :
- du génocide (article 2), défini comme un acte tel que le meurtre ou l'atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale « commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ».
- des crimes contre l'humanité (article 3), définis comme des actes graves (assassinats, exterminations, réductions en esclavage, emprisonnements, viols...) lorsqu'ils « ont été commis dans le cadre d'une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle qu'elle soit, en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse ».
Le tribunal pour le Rwanda est également compétent pour connaître des « violations graves » à certaines stipulations des Conventions de Genève du 12 août 1949 pour la protection des victimes en temps de guerre, à savoir leur article 3 commun et leur protocole additionnel II (article 4 du statut). Sur ce point, le statut ne reprend donc pas exactement la solution retenue pour le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie qui ne connaît pas des infractions prévues par le protocole additionnel -lequel ne concerne que les conflits armés internes -mais connaît de l'ensemble des violations aux Conventions de Genève -et non seulement des violations de l'article 3-.
Pour résumer, et selon un rapport du Secrétaire Général des Nations-Unies au Conseil de sécurité, « le conflit ne présentant pas un caractère international, le Conseil a inclus dans la compétence ratione materiae du tribunal les violations du droit international humanitaire qui peuvent soit être commises à la fois dans le cadre des conflits armés internationaux et de conflits armés internes, (...), soit être commises uniquement dans le cadre de conflits armés internes. »
On observera que, à la différence du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, le Tribunal international pour le Rwanda n'est pas compétent pour les violations des lois ou coutumes de la guerre (emploi d'armes toxiques, pillage ...).
2. La compétence ratione temporis
La compétence ratione temporis du Tribunal se limite à l'année 1994.
Le déclenchement de la guerre civile et des atrocités qui lui sont liées ont débuté le 6 avril 1994, après le décès dans un accident d'avion des Présidents du Rwanda et du Burundi. Le Conseil de sécurité a cependant souhaité remonter au 1er janvier de cette année afin de tenir compte du climat d'extrême tension que connaissait le Rwanda plusieurs mois avant cet accident et d'intégrer dans la compétence du tribunal la planification de crimes qui aurait pu être engagée avant le 6 avril.
3. La compétence ratione loci
Il s'agit tout d'abord naturellement du territoire du Rwanda. Mais il s'agit également des États voisins pour ce qui est des faits commis par des citoyens rwandais. Selon le Secrétaire général des Nations-Unies, « en étendant ainsi la compétence territoriale du Tribunal, le Conseil avait à l'esprit essentiellement les camps de réfugiés situés au Zaïre et dans d'autres Pays voisins dans lesquels de graves violations du droit international humanitaire auraient été commises. ».
4. La compétence ratione personae
Le Tribunal international a compétence à l'égard des personnes physiques (article 5 du statut) « présumées responsables » (article premier) des violations graves du droit humanitaire précitées.
Cette compétence ratione personae devait être définie de telle manière que puissent être poursuivis ces responsables, qu'elle que fût leur niveau. Sur ce point, le comité présidé par M. Truche distinguait trois degrés :
- celui des décideurs politiques, le plus élevé, « ceux qui ont érigé la violation des droits fondamentaux de la personne humaine (...) en système permettant d'atteindre des objectifs politiques ». Soulignant les difficultés susceptibles de résulter de notions classiques comme la provocation à commettre des infractions (qui auraient subordonné la sanction des dirigeants à la preuve, fort difficile à rapporter, d'un lien entre les infractions commises par les exécutants et des directives générales et lointaines), le comité proposait de rendre passibles du tribunal international les personnes coupables du crime de « conspiracy ». Cette infraction -que l'on peut rapprocher de notre association de malfaiteurs- avait d'ailleurs été incriminée par le statut du Tribunal de Nuremberg qui la définissait comme « l'élaboration ou (...) l'exécution d'un plan concerté ou d'un complot pour commettre l'un quelconque des crimes » de la compétence du Tribunal ;
- deuxième niveau de responsabilité identifié par le comité : « celui où se donnent les ordres hiérarchiques » lesquels, « à la différence des directives générales (...) tendent à l'accomplissement d'actes constitutifs de crimes ». Sur ce point encore, une notion classique comme celle de complicité présentait ses inconvénients dans la mesure où elle n'aurait pas permis la répression des ordres imprécis ou non suivis d'effet. C'est la raison pour laquelle le comité proposait « de faire du choix d'exercer son commandement de manière délictueuse une infraction en soi plutôt que de la considérer comme une simple complicité dans l'infraction d'un exécutant » ;
- enfin, le comité se déclarait partisan d'incriminer l'exécution à un niveau subalterne, estimant que « le rappel, adressé aux exécutants directs, de leurs responsabilités individuelles pour leurs propres actes constitue une nécessaire mesure d'intimidation préventive, probablement plus efficace à la base qu'au sommet ».
Comme l'avait fait le statut du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie, le statut du Tribunal pour le Rwanda fait une large part aux suggestions du comité. L'article 6 considère ainsi comme individuellement responsable « quiconque a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime » relevant de la compétence du Tribunal.
Outre cette incrimination large, le statut distingue les trois mêmes niveaux de responsabilités que le comité :
- il refuse expressément de reconnaître ce que l'on appelle parfois « l'acte d'État » en précisant que « la qualité officielle d'un accusé, soit comme chef d'État ou de gouvernement, soit comme haut fonctionnaire, ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale et n'est pas un motif de diminution de peine » ;
- au niveau intermédiaire, il précise que le fait que l'acte ait été commis par un subordonné ne constitue nullement une cause exonératoire de responsabilité du supérieur « s'il savait ou avait des raisons de savoir que le subordonné s'apprêtait à commettre cet acte ou l'avait fait et que le supérieur n 'a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs » ;
- enfin, au niveau des exécutants, le statut refuse de considérer l'ordre d'un supérieur comme un fait justificatif mais admet que le tribunal le considère comme une circonstance atténuante.
L'expérience du tribunal pour l'ex-Yougoslavie démontre qu'un tel dispositif permet des poursuites à tous les niveaux de responsabilité : les cinquante-trois personnes accusées publiquement au 29 février 1995 occupaient pour la plupart des fonctions élevées (responsables politiques, généraux ...).
B. L'ORGANISATION DU TRIBUNAL
1. Les organes du Tribunal
Le Tribunal a son siège à Arusha, en Tanzanie. À sa tête est placé un Président, élu pour deux ans, et renouvelable une fois par les juges du tribunal. Il s'agit actuellement de M. Laïti Kama, juriste sénégalais.
Reprenant le modèle du tribunal pour l'ex-Yougoslavie, le statut prévoit trois séries d'organes : les chambres, le procureur et un greffe.
a) Les chambres
Elles comprennent en tout onze juges indépendants, ressortissant d'États différents, ainsi répartis :
- trois siègent dans chacune des deux chambres de première instance ;
- cinq siègent à la chambre d'appel.
Le Conseil de sécurité a souhaité établir des liens entre le Tribunal pour le Rwanda et son prédécesseur pour l'ex-Yougoslavie dans le double but d'obtenir une procédure et une jurisprudence analogues et d'utiliser au mieux les ressources prévues pour leur fonctionnement. À cette fin, il a notamment décidé que les juges de la chambre d'appel seraient communs aux deux juridictions.
b) Le Procureur
Responsable des poursuites, il agit, aux termes du statut, « en toute indépendance. Il ne sollicite ni ne reçoit d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucune autre source ».
Le procureur du Tribunal pour le Rwanda est la même personne que le procureur du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie. La fonction est actuellement exercée par un juriste sud-africain, M. Richard J. Goldstone, nommé par le Conseil de sécurité en juillet 1994. Il sera remplacé en octobre 1996 par Mme Louise Arbour, de nationalité canadienne, nommée le 29 février dernier.
Le procureur est assisté d'un procureur adjoint qui, pour le Rwanda, est M. Honoré Rakotomanana.
c) Le greffe
Dirigé par un greffier désigné par le secrétaire général de l'ONU, le greffe est responsable de l'administration judiciaire et du secrétariat : gestion de la procédure, rédaction du compte-rendu des réunions, publication des documents, gestion des problèmes budgétaires. C'est le greffier qui transmet les mandats d'arrêt aux autorités nationales de l'État sur le territoire duquel réside l'accusé.
Il convient également de souligner l'existence d'une division d'aide aux victimes et aux témoins, créée auprès du greffier par le règlement de procédure et de preuve. Elle est chargée de recommander l'adoption de mesures de protection de ces personnes telles que la tenue d'audience à huis-clos et la protection de l'identité des victimes. Elle joue également un rôle de conseil et d'assistance.
2. Les relations entre le Tribunal et l'ONU
Le Tribunal international pour le Rwanda est un organe subsidiaire du Conseil de sécurité au sens de l'article 29 de la Charte.
L'article 30 du statut précise que ses dépenses sont imputées sur le budget ordinaire de l'ONU.
Par ailleurs, selon l'article 30, le président du Tribunal présente chaque année un rapport au Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale.
Toutefois, s'il dépend administrativement et financièrement de l'ONU, le Tribunal est indépendant en tant qu'organe judiciaire, non seulement des États, mais aussi du Conseil de sécurité. En particulier, le fait que les juges soient nommés par l'Assemblée générale sur proposition du Conseil de sécurité (pour une période de quatre ans renouvelable) ne les empêche pas, une fois nommés, de bénéficier de toutes les garanties d'indépendance.
3. Une mise en place difficile
Votre rapporteur se montre quelque peu inquiet des moyens mis à la disposition du Tribunal qui, tant sur le plan financier que sur les plans administratif ou matériel, sont largement inférieurs à ceux dont bénéficie le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie.
Le 20 juillet 1995, l'Assemblée générale de l'ONU avait ainsi décidé d'ouvrir, pour inscription au compte spécial du Tribunal, un crédit net de 12,9 millions de dollars pour la période allant jusqu'au 31 octobre 1995. En novembre de la même année, le secrétaire général a constaté que, « le Tribunal n'étant pas pleinement opérationnel », ces crédits seraient suffisants pour couvrir une période double de celle initialement prévue, allant jusqu'au 31 décembre 1995.
Face à l'impossibilité d'établir des prévisions de dépenses détaillées pour 1996 (« le Tribunal n'étant toujours pas pleinement opérationnel »), il a été proposé d'approuver un budget couvrant le seul premier trimestre 1996, d'un montant de 7,09 millions de dollars.
Même s'il convient de se garder de toute comparaison hâtive, ce budget est largement inférieur à celui du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie (plus de 40 millions de dollars pour l'année 1996) alors même que le Tribunal pour le Rwanda doit faire face à d'importantes difficultés matérielles et notamment à l'absence de prison susceptible d'accueillir les détenus à Arusha.
Le Tribunal peut recourir aux services de 116 administrateurs, 24 agents d'exécution et 23 agents locaux. Mais ce personnel est réparti en trois lieux : Arusha, Kigali (avec notamment le bureau du Procureur) et La Haye.
Cela étant, le Tribunal a pu se mettre en place le 8 janvier 1996. Neuf personnes soupçonnées d'exactions sont d'ores et déjà emprisonnées.
Par ailleurs, le contingent de la MINUAR (Mission des Nations Unies pour l'assistance au Rwanda), soit près de 1 800 soldats, apporte sa contribution à la sécurité du Tribunal, du personnel et de ses locaux.
C. LA PROCÉDURE APPLICABLE DEVANT LE TRIBUNAL
1. Le cadre général de la procédure : le respect des principes fondamentaux de la procédure pénale
Le statut, complété par le règlement de procédure et de preuve, prévoit le respect des principes fondamentaux de la procédure pénale d'une justice impartiale.
a) Le respect des droits de la défense et de la présomption d'innocence
Le respect des droits de la défense est garanti aussi bien au cours de l'enquête que lors de la phase de jugement :
- tout suspect interrogé a le droit d'être assisté d'un conseil de son choix (y compris commis d'office) et de bénéficier, si nécessaire, de services de traduction dans une langue qu'il parle et comprend ; il peut garder le silence et doit être averti que chacune de ses déclarations sera enregistrée et pourra être utilisée comme moyen de preuve ;
- tout accusé a droit à un minimum de garanties : présomption d'innocence, droit d'être informé dans une langue qu'il comprend des motifs de l'accusation, droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et de communiquer avec le conseil de son choix, droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la comparution et l'interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions.
b) Le droit à un procès équitable dans un délai raisonnable
En vertu de l'article 19, paragraphe 1, du statut, « la chambre de première instance veille à ce que le procès soit équitable et rapide ».
Tout accusé a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et, en principe, publiquement. La personne a également le droit d'« être jugée sans retard excessif ».
L'impartialité du Tribunal est renforcée par le règlement de procédure et de preuve, notamment en son article 15 : « un juge ne peut connaître en première instance ou en appel d'une affaire dans laquelle il a un intérêt personnel ou avec laquelle il a ou il a eu un lien quelconque de nature à porter atteinte à son impartialité (...). Toute partie peut solliciter du Président de la Chambre qu'un juge de cette chambre soit dessaisi d'une affaire en première instance ou en appel (...). Aucun membre de la Chambre d'appel ne peut connaître, en cette qualité, d'une affaire dont un autre juge de la même nationalité a eu à connaître en première instance ».
c) Le principe de l'individualisation des peines
En vertu de l'article 23 du statut, la chambre de première instance ne peut imposer que des peines d'emprisonnement (elle peut également ordonner la restitution à leurs propriétaires légitimes de tous biens et ressources illicitement acquis). Une telle limitation avait d'ailleurs été préconisée par le comité présidé par M. Truche, lequel avait souligné que, compte tenu de leur gravité, les faits ne pouvaient être sanctionnés d'une simple amende sans pour autant permettre le prononcé de la peine de mort, philosophiquement injustifiable pour une démocratie, « aussi abominables que soient les infractions ».
Les peines doivent néanmoins être individualisées, ledit article 23 imposant à la chambre de première instance de tenir compte de facteurs tels que la gravité de l'infraction et la situation personnelle du condamné.
d) La reconnaissance de voies de recours
Les décisions des Tribunaux de Nuremberg et de Tokyo étaient insusceptibles de recours.
Depuis lors, la communauté internationale a posé le principe, avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lequel « toute personne déclarée coupable d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi ».
Appliquant ce principe au Tribunal international pour le Rwanda, l'article 24 du statut confère à la Chambre d'appel la connaissance des recours introduits contre les décisions des Chambres de première instance.
Le droit d'appel est reconnu aux condamnés et au procureur. Il peut porter sur une erreur de droit ou sur une erreur de fait.
Outre le droit d'appel, le statut admet la possibilité d'un recours en révision, susceptible d'intervenir à la requête d'un condamné ou du procureur en cas de fait nouveau inconnu lors du procès et qui aurait pu être un élément décisif de la décision.
Enfin, la possibilité de bénéficier d'une mesure de grâce est reconnue par le statut mais n'est pas laissée à la discrétion de l'État sur le territoire duquel est détenu le condamné : elle doit préalablement être autorisée par le président du Tribunal, en consultation avec les juges.
2. Le déroulement de la procédure
Contrairement à la solution préconisée par le rapport du comité présidé par M. Truche, qui prévoyait notamment une phase d'instruction confiée à une commission, la procédure suivie devant le Tribunal international emprunte largement au système des pays dits de « common law ». Il convient notamment de souligner l'impossibilité de toute constitution de partie civile et le caractère largement accusatoire de la procédure.
Celle-ci est marquée par trois étapes principales : l'enquête, la mise en accusation et la phase de jugement.
a) L'enquête
Elle est conduite par le Procureur, lequel peut à cette fin convoquer et interroger les suspects, entendre les victimes et les témoins ou solliciter d'une Chambre de première instance ou d'un juge le prononcé de toute ordonnance nécessaire. Il peut également obtenir l'aide de toute autorité nationale compétente et de tout organisme international, notamment l'Organisation Internationale de Police Criminelle (INTERPOL).
Le Procureur peut en particulier demander à tout État de prendre -en cas d'urgence- des mesures conservatoires telles que l'arrestation ou le placement en garde à vue d'un suspect ou la saisie d'éléments de preuves matériels.
C'est lui qui décide de l'ouverture d'une information, soit d'office, soit sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources, notamment des gouvernements, des organes de l'ONU, des organisations intergouvernementales et non gouvernementales. En précisant que le procureur « évalue les renseignements reçus ou obtenus et décide s'il y a lieu de poursuivre », le statut consacre le principe de l'appréciation de l'opportunité des poursuites.
Si le Procureur décide d'engager les poursuites, il établit un acte d'accusation qui est transmis à un juge de la Chambre de première instance.
b) La mise en accusation
Le juge saisi de l'acte d'accusation le confirme ou le rejette selon que le procureur a ou n'a pas établi de présomptions suffisantes pour engager des poursuites.
En cas de confirmation, l'acte d'accusation est en principe rendu public. Le juge saisi décerne sur réquisitions du Procureur, les ordonnances et mandats (mandats d'arrêt, de dépôt, ...) nécessaires pour la conduite du procès.
L'accusé est placé en état d'arrestation, immédiatement informé des chefs d'accusation et déféré au Tribunal international. La mise en liberté provisoire est possible mais n'est admise que dans des « circonstances exceptionnelles » (article 65).
La Chambre de première instance donne lecture de l'acte d'accusation et s'assure que les droits de l'accusé sont respectés. Elle fixe la date du procès.
Selon les informations fournies à votre rapporteur, une douzaine d'actes d'accusation publics ont été établis, et ont donné lieu à neuf incarcérations.
c) Le jugement
Les audiences obéissent au principe de la publicité des débats, la Chambre pouvant toutefois ordonner le huis-clos en considération des intérêts de la justice, pour des raisons d'ordre public ou de bonnes moeurs ou pour assurer la protection d'une victime ou d'un témoin.
Les débats font l'objet d'un enregistrement sonore.
Le jugement doit être motivé, les opinions individuelles ou dissidentes étant admises.
En cas de condamnation, la peine est exécutée au Rwanda ou dans un État désigné par le Tribunal sur une liste d'États ayant indiqué leur volonté d'accueillir des personnes condamnées. La France n'a pas fait acte de candidature afin d'éviter de poser un problème d'ordre constitutionnel tenant à l'impossibilité pour le chef de l'État de faire usage de son droit de grâce sans l'accord du Président du Tribunal.
Le transfert du condamné vers cet État est effectué aussitôt que possible après expiration du délai d'appel (en principe de trente jours à compter du prononcé de la sentence).
En cas d'appel, la Chambre peut confirmer, annuler ou réviser là décision de première instance. En cas de condamnation, l'arrêt est exécutoire immédiatement.
D. LES RELATIONS ENTRE LE TRIBUNAL INTERNATIONAL ET LES AUTORITÉS NATIONALES
Elles sont dominées par deux principes : celui de l'obligation pour les États de coopérer avec le Tribunal ; celui de la compétence concurrente du Tribunal et des juridictions nationales avec primauté au Tribunal.
1. L'obligation de coopération des États
L'article 28 du statut impose aux États une obligation de coopération et d'entraide judiciaire avec le Tribunal pour la recherche et le jugement des personnes susceptibles de lui être déférées.
Il exige qu'ils répondent « sans retard à toute demande d'assistance » émanant d'une Chambre de première instance, qui peut notamment concerner l'identification et la recherche des personnes, la réunion des témoignages et la production des preuves, l'expédition de documents, l'arrestation ou la détention de personnes où le transfert d'un accusé devant le Tribunal international;
2. La primauté du Tribunal international sûr les juridictions nationales
Le Tribunal international ne connaît pas de manière exclusive des crimes entrant dans son champ de compétence. L'article 8 du statut prévoit une compétence concurrente des juridictions nationales. Mais il pose également le principe de la primauté du Tribunal sur celles-ci auxquelles il peut demander de se dessaisir à tout stade de la procédure.
a) La procédure de dessaisissement des juridictions nationales
Elle est régie par les articles 8 à 11 du règlement de procédure et de preuve qui distingue quatre étapes :
1- la demande d'information du Procureur
Lorsqu'il apparaît au Procureur qu'une infraction relevant de la compétence du Tribunal fait ou a fait l'objet de poursuites pénales devant une juridiction interne, il peut demander à l'État concerné de lui transmettre toutes les informations pertinentes. L'État doit alors y donner suite sans, délai, conformément à son obligation de coopération.
2- la requête du Procureur aux fins de dessaisissement
La demande de dessaisissement n'émane pas du Procureur mais d'une chambre de première instance désignée à cet effet. Il appartient donc au Procureur, sil estime le dessaisissement souhaitable, de saisir ladite Chambre à cette fin. Ce pouvoir n'est d'ailleurs pas entièrement discrétionnaire mais conditionné puisque la requête aux fins de dessaisissement ne peut être présentée que :
- si l'infraction a reçu une qualification de droit commun ;
- ou s'il apparaît au Procureur que la procédure interne engagée ne serait ni impartiale ni indépendante, viserait à soustraire l'accusé de sa responsabilité pénale internationale ou ne serait pas exercée avec diligence ;
- ou si l'objet de la procédure porte sur des faits ou des points de droit qui ont une incidence sur des poursuites en cours devant le Tribunal international.
3- la demande officielle de dessaisissement
Elle émane de la Chambre de première instance saisie si la requête du Procureur lui apparaît fondée ; il lui appartient donc de vérifier que l'une au moins des trois conditions précitées est remplie.
La demande de dessaisissement apparaît particulièrement large puisqu'elle porte aussi sur la transmission des éléments d'enquêtes, des copies du dossier d'audience et, le cas échéant, d'une expédition du jugement. Elle est notifiée par le greffier.
En cas de dessaisissement, la procédure est portée devant la Chambre de première instance qui n'a pas formulé la demande officielle.
4.- la sanction du non-respect d'une demande officielle de dessaisissement
L'État doit fournir à la Chambre l'assurance qu'il a pris ou entend prendre les mesures voulues pour se conformer à une demande officielle de dessaisissement dans les soixante jours à compter de sa notification.
À défaut, la Chambre peut demander au président du Tribunal de soumettre la question au Conseil de sécurité.
b) Le principe non bis in idem
En vertu de ce principe, reconnu expressément par l'article 9 du statut, nul ne peut être traduit devant une juridiction nationale pour des faits pour lesquels il a déjà été jugé par le Tribunal.
Inversement, les personnes traduites devant une juridiction nationale ne peuvent plus être traduites devant le Tribunal sauf si :
- soit le fait pour lequel elles ont été jugées était qualifié de crime de droit commun ;
- soit la juridiction interne n'a pas jugé de façon impartiale ou indépendante, ou la procédure visait à soustraire les accusés à leur responsabilité pénale internationale ou la poursuite n'a pas été exercée avec diligence.
III. LES ADAPTATIONS PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI
Selon l'article 25 de la charte de l'ONU, les résolutions du Conseil de sécurité s'imposent directement aux États. S'agissant plus particulièrement de la résolution 955, il est demandé aux États de prendre « toutes mesures nécessaires en vertu de leur droit interne pour mettre en application » ses dispositions ainsi que celles du statut du Tribunal international.
Plusieurs États ont d'ores et déjà modifié leur législation interne pour l'adapter auxdites dispositions. Tel est notamment le cas de l'Italie, de la Suisse, de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie. Le Parlement de Belgique a été saisi en janvier dernier d'un projet de loi « relatif à la coopération judiciaire avec le Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie et le Tribunal international pour le Rwanda ».
Le projet de loi soumis à notre examen vise également à adapter la législation française aux dispositions de la résolution 955, conformément au principe « Pacta sunt servanda ». Ce texte apparaît relativement simple dans sa présentation en ce qu'il rend applicables au Tribunal pour le Rwanda les adaptations prévues par la loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 à propos du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie. Il ne se distingue donc de celle-ci que par son champ d'application.
A. LE CHAMP D'APPLICATION DU PROJET DE LOI
L'article premier pose le principe de la participation de la France à la répression des infractions entrant dans la compétence du Tribunal international et de sa coopération avec cette juridiction.
Il détermine ensuite le champ d'application du projet de loi selon la technique dite de la « double incrimination », déjà retenue à propos du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie. Ainsi, les infractions concernées doivent constituer à la fois :
- des infractions entrant dans la compétence du Tribunal international (génocides, crimes contre l'humanité ou violation des conventions de Genève) ;
- et des crimes ou des délits définis par la loi française.
Votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité de recourir à cette technique de la double incrimination dans la mesure où, en vertu de l'article 8 du statut, la compétence des juridictions françaises porte sur les « violations graves du droit international humanitaire » sans exiger que ces infractions soient définies par le droit interne.
En effet, la spécificité du droit international humanitaire le rend applicable indépendamment des incriminations définies par les législations internes.
Ainsi, l'article 15, paragraphe 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques précise que le principe de non-rétroactivité de la loi pénale « ne s'oppose (pas) au jugement ou à la condamnation de tout individu en raison d'actes ou omissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels, d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations ». La Convention européenne des Droits de l'Homme apporte une précision identique en son article 7, paragraphe 2. La spécificité du droit international humanitaire est par ailleurs implicitement reconnue par le projet de loi qui, par dérogation aux règles d'application de la loi pénale dans l'espace, confère, ainsi que nous le verrons, une compétence universelle aux juridictions françaises, susceptibles de connaître des infractions visées par le statut du tribunal quel que soit le lieu où elles ont été commises, quand bien même leurs auteurs ou les victimes n'auraient pas la nationalité française.
Aucune considération juridique n'impose donc le recours à la double incrimination. Le statut du tribunal et la spécificité du droit international humanitaire interdisent même de subordonner la coopération d'un État à la définition par le droit interne de celui-ci des crimes entrant dans la compétence du tribunal.
Telles sont les raisons pour lesquelles il paraît souhaitable de définir le champ d'application du projet de loi par référence à la compétence du Tribune international.
B. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMPÉTENCE ET AU DESSAISISSEMENT DES JURIDICTIONS FRANÇAISES
Conformément au statut, le projet de loi prévoit, par renvoi à la loi n° 95-1, la compétence des juridictions françaises avec primauté au Tribunal international. Il vise à donner une traduction concrète au droit de préemption internationale.
1. La compétence universelle des juridictions françaises
Aux termes de l'article 2, premier alinéa, de la loi n° 95-1, les auteurs ou complices d'une infraction entrant dans le champ d'application de celle-ci « peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises, s'ils sont trouvés en France ». Est ainsi reconnue la compétence universelle des juridictions françaises, dérogation au droit commun, que le statut du Tribunal n'exigeait pas des États et qui marque la solidarité de la France dans la lutte contre les crimes commis dans le cadre du conflit rwandais, conformément au principe aut dedere, aut punire.
En effet, s'agissant d'un crime par hypothèse commis hors du territoire de la République, l'application du droit commun aurait cantonné la compétence des juridictions françaises aux faits commis par ou sur des Français (articles 113-6 et 113-7 du code pénal).
Le projet de loi permet en revanche de poursuivre tout criminel justiciable du Tribunal international qui chercherait refuge en France, quelles que soient sa nationalité et celle de ses victimes. Ce faisant, il reprend une solution qui, pour être dérogatoire au droit commun, ne constitue pas pour autant une innovation. En effet, le premier cas de compétence universelle remonte à une loi du 10 avril 1825, toujours en vigueur, qui permet aux tribunaux maritimes de connaître de certains actes de piraterie sans distinguer selon la nationalité des prévenus. Plus récemment, la compétence universelle des juridictions françaises a été reconnue pour l'application de plusieurs conventions internationales telles que :
- la convention de New-York du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 689-2du code de procédure pénale) ;
- la convention européenne pour la répression du terrorisme (article 689-3 du code de procédure pénale) ;
- la convention de La Haye du 16 décembre 1970 sur la répression de la capture illicite d'aéronefs (article 689-6 du code de procédure pénale).
La compétence universelle ne joue cependant qu'à l'égard des personnes trouvées en France, comme l'a précisé la loi n° 95-1.
2. Le dessaisissement des juridictions françaises
Les articles 3 à 6 de la loi n° 95-1 organisent le dessaisissement des juridictions françaises, conformément à la primauté donnée au Tribunal international par le statut. Comme le fait observer la circulaire d'application du 10 février 1995, « l'économie générale de ces dispositions repose sur la compétence exclusive conférée à la Chambre criminelle de la Cour de cassation pour ordonner le dessaisissement, étant précisé que les demandes de la juridiction internationale transitent par le ministère de la justice ».
La Chambre criminelle exerce ce que l'on pourrait appeler, par analogie avec le droit administratif, un « contrôle minimum » puisqu'il lui appartient de vérifier que les faits, objet de la demande de dessaisissement, entrent dans le champ d'application de la loi « et qu'il n'y a pas d'erreur évidente ». Elle ordonne alors le dessaisissement et le dossier de la procédure est adressé par le ministre de la justice au Tribunal international.
C. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA COOPÉRATION JUDICIAIRE
La loi n° 95-1 distingue sur ce point entre l'entraide judiciaire et les demandes d'arrestation et de remise.
1. L'entraide judiciaire
Dans un souci de simplification et de rapidité, les demandes d'entraide judiciaire émanant du Tribunal ou de son procureur -qui, sauf urgence, doivent être adressées au ministre de la justice- sont centralisées à Paris. Il appartient au procureur de la République ou au juge d'instruction de les exécuter. À cette fin, la compétence de ces magistrats est étendue à l'ensemble du territoire national.
2. L'arrestation et la remise
Comme le souligne la circulaire d'application, les dispositions de la loi n° 95-1 qui traitent de l'arrestation et de la remise sont largement inspirées de la procédure de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers. Il convient toutefois de noter deux différences essentielles :
- d'une part, l'obligation d'arrestation et de remise ne résulte pas d'un texte de nature conventionnelle mais du devoir de tout État membre de l'ONU d'exécuter les décisions du Conseil de sécurité ;
- d'autre part, comme le note la circulaire, la remise n'est pas effectuée au profit d'une autorité étatique mais d'une juridiction, le Tribunal international.
Ces différences, et particulièrement la seconde, ont des conséquences importantes : l'autorité judiciaire française n'a notamment pas à vérifier que les conditions de fond de l'extradition sont effectivement remplies. C'est la raison pour laquelle la chambre d'accusation de Paris, à laquelle est confiée la procédure, exerce un contrôle minimum, limité à la constatation que les faits, objet de la demande d'arrestation aux fins de remise, entrent dans le champ d'application de la loi et qu'il n'y a pas d'« erreur évidente » ».
La décision de la chambre d'accusation est susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation.
IV. L'EXAMEN PAR VOTRE COMMISSION DES LOIS
A. L'APPROBATION DU PROJET DE LOI
La création du Tribunal international traduit le souci de l'ONU de poursuivre et de sanctionner les personnes coupables d'actes de génocides ou d'autres crimes contre l'humanité et, ce faisant, de prévenir la réitération de telles atrocités.
Ce Tribunal a vocation à être l'instrument judiciaire international par lequel la justice sera rendue. Il pourra également contribuer au rétablissement de la paix ainsi qu'à la réconciliation nationale au Rwanda.
Ses moyens ne sont certes pas à la hauteur de ceux dont bénéficie le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie. Mais son existence elle-même doit être approuvée. Elle permet de stigmatiser les auteurs d'exactions abominables. Elle fait également peser sur ceux-ci la menace perpétuelle d'une épée de Damoclès car, ne l'oublions pas, le génocide et les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles.
Aussi votre commission a-t-elle pleinement approuvé le projet de loi. Elle ne vous propose que quatre amendements d'ordre rédactionnel. Il s'agit de supprimer une référence inutile, d'apporter une précision et de réparer une omission. Le quatrième amendement supprime la référence expresse à la double incrimination pour les raisons indiquées ci-dessus.
Mais, au-delà de cette approbation de principe, votre commission a procédé à un large échange de vues sur les perspectives de la justice pénale internationale.
B. LE TRIBUNAL INTERNATIONAL AD HOC : SUBSTITUT OU EMBRYON D'UNE JURIDICTION PERMANENTE ?
Pour les raisons indiquées précédemment, tenant notamment à l'urgence, la formule de la juridiction ad hoc a été retenue tant pour l'ex-Yougoslavie que pour le Rwanda.
Il convient cependant de souligner le fait que, quelle que soit son utilité, cette solution du « cas par cas » contient en elle-même ses limites.
En intervenant par hypothèse a posteriori, après le début d'un conflit et la commission de crimes, son caractère préventif se limite à la période courant de sa création (ou, au mieux, de l'annonce de sa création) à la fin du conflit auquel elle s'applique.
En outre, comme tous les organes subsidiaires du Conseil de sécurité, les tribunaux ad hoc sont soumis au principe de spécialité : leur objet demeure limité au règlement de la crise qui a justifié leur création.
Or, rien ne permet d'assurer que tous les génocides et crimes contre l'humanité donneront lieu à l'institution d'une juridiction internationale. Il est même vraisemblable que celle-ci ne verrait jamais le jour dans la mesure où la voie diplomatique apparaîtrait comme susceptible de mettre fin au conflit ; le prix de la paix serait alors l'impunité des dirigeants coupables d'exactions. C'est cette situation que résume le slogan certes simplificateur mais évocateur : « une impossible justice sans paix ou une paix sans justice ».
Autant de raisons qui plaident pour la création d'une juridiction internationale permanente que votre rapporteur appelle personnellement de ses voeux.
Au cours de l'examen du présent projet de loi par votre commission, ce souhait a notamment été expressément partagé par nos collègues MM. Patrice Gélard et Jacques Mahéas.
Il apparaît aujourd'hui du domaine du réalisable comme en témoigne le rapport de juillet 1994 de la commission du droit international de l'ONU. Celui-ci présente un projet de statut d'une cour criminelle internationale, qui comprend 60 articles et tient compte de l'expérience qu'a constitué le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie.
Ce projet de statut fait montre de réalisme. Il limite la compétence de la Cour aux « crimes les plus graves qui intéressent la communauté internationale dans son ensemble » (génocide, crime d'agression, violations graves des lois et coutumes applicables dans les conflits armés, crimes contre l'humanité notamment). Aux yeux de la commission « le statut est censé s 'appliquer en particulier dans les cas où rien ne permet d'escompter que les intéressés seront dûment jugés par des juridictions nationales. La Cour est ainsi envisagée surtout comme un organe qui viendra compléter les juridictions nationales ainsi que les procédures existantes de coopération judiciaire internationale en matière pénale et n 'est pas censé exclure la juridiction des tribunaux nationaux compétents ni porter atteinte au droit des États de requérir l'extradition et d'autres formes d'assistance judiciaire internationale en vertu des arrangements en vigueur ».
La Cour comprendrait dix-huit juges élus pour neuf ans au scrutin secret à la majorité absolue des États. Renouvelés par tiers tous les trois ans, ils ne seraient pas rééligibles.
Une chambre des recours serait constituée après chaque renouvellement et comprendrait six juges. En première instance, c'est une chambre constituée pour une affaire donnée, composée de cinq juges, qui serait saisie. À l'exception de la faculté reconnue au Conseil de saisir la Cour d'une situation à laquelle s'appliquerait le chapitre VII de la charte, l'accès à la Cour par voie de plainte serait limité aux États.
L'enquête serait confiée à un parquet indépendant, avec à sa tête un procureur.
La commission du droit international ne préconise pas une phase d'instruction pour les motifs suivants : « Premièrement, le statut offre ses propres garanties en ce qui concerne l'indépendance du processus judiciaire et les droits du suspect. Deuxièmement, les plaintes ne seront pas déposées devant la Cour sans une enquête préalable par l'État plaignant, qui peut remplacer dans une certaine mesure l'enquête préliminaire par une autre forme d'instruction. Troisièmement, le statut doit créer une structure souple qui n'entraîne pas de dépenses excessives ni une prolifération de services ».
Comme pour les tribunaux ad hoc créés pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, le procureur devrait établir un acte d'accusation pour déclencher la phase proprement judiciaire.
Le projet de statut prévoit évidemment l'application à la Cour des principes fondamentaux du droit pénal de la procédure pénale (principe de légalité, présomption d'innocence, délai raisonnable, droits de la défense, non bis in idem...).
Il reste bien entendu à résoudre le problème essentiel du mode de création de cette juridiction internationale. La majorité de la commission du droit international s'est prononcée pour la voie conventionnelle, solution qui paraît la plus satisfaisante dans la mesure où, d'une part, le bon fonctionnement de la Cour internationale supposerait la coopération et donc l'adhésion des États (par exemple pour le transfèrement des accusés). Au surplus, l'institution d'une juridiction permanente ne présente pas un degré d'urgence incompatible avec les lenteurs de la procédure conventionnelle (à la différence de la création d'une juridiction ad hoc).
D'autres problèmes que le mode de création devront être résolus : faut-il véritablement retenir une procédure à dominante accusatoire ? Ne faudra-t-il pas, s'agissant de la France, adapter notre Constitution sur certains points, concernant notamment le droit de grâce ?
Il n'en reste pas moins que la réflexion mérite d'être poursuivie et qu'il convient de se féliciter de l'accord de principe de la France à l'institution d'une cour criminelle internationale.
C'est parce qu'il considère la création d'une telle juridiction comme souhaitable (et même nécessaire) et possible (car l'expérience des tribunaux ad hoc a permis de sortir du niveau d'abstraction auquel s'est longtemps située la réflexion) que votre rapporteur l'appelle personnellement de ses voeux et suivra avec une particulière attention l'évolution des travaux conduits au sein de l'ONU.
Sous le bénéfice de ces observations et des quatre amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier - Champ d'application du projet de loi
Cet article a pour objet de définir le champ d'application du projet de loi.
Il pose le principe de la participation de la France à la répression des infractions et de sa coopération avec le tribunal international pour l'application de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations-Unies du 8 novembre 1994.
Le champ d'application du projet de loi est défini par trois séries de critères : la nature des actes incriminés, la date et le lieu de leur commission.
1) Le champ d'application ratione materiae
Conformément au texte de la résolution n° 955, repris par l'article premier du statut du tribunal international pour le Rwanda, celui-ci est appelé à connaître des « actes de génocide » et « autres violations graves du droit international humanitaire ».
Le second alinéa précise ces notions selon la technique de la « double incrimination », déjà retenue par la loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 à propos du tribunal international pour l'ex-Yougoslavie. En vertu de cette technique, le tribunal international ne sera compétent que pour des actes définis à la fois par le droit international et par le droit interne.
•
S'agissant du droit international,
le projet de loi renvoit aux actes visés par les articles 2
à 4 du statut du tribunal international, à savoir :
- le génocide (article 2 du statut), défini comme un acte « commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel », dès lors que cet acte consiste en un meurtre, en une atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale, en une soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, en des mesures visant à entraver les naissances ou au transfert forcé d'enfants. Sont punissables non seulement le génocide ainsi défini, mais également l'incitation directe et publique à le commettre, la tentative, la complicité et l'entente en vue de commettre le génocide ;
- les crimes contre l'humanité (article 3 du statut), défini comme les assassinats, exterminations, réductions en esclavage, expulsions, emprisonnement, tortures, viols, persécutions ou autres actes inhumains « commis dans le cadre d'une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle qu'elle soit, en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse » ;
- les violations de l'article 3 commun aux conventions de Genève du 12 août 1949 et de leur protocole additionnel II en date du 8 juin 1977 (article 4 du statut). Ces violations comprennent notamment les atteintes à la vie, les tortures, les prises d'otages, les actes de terrorisme, le viol, l'esclavage et le pillage.
On observera que le projet de loi intègre dans le champ de compétence du tribunal international les « violations des lois ou coutumes de la guerre » alors même que, à la différence du statut du tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, le statut du tribunal international pour le Rwanda ne le prévoit pas. Par analogie avec l'énumération donnée par le statut du tribunal international pour l'ex-Yougoslavie (article 3), on peut entendre par « violations des lois ou coutumes de la guerre » des comportements tels que l'emploi d'armes toxiques ou autres armes conçues pour causer des souffrances inutiles, la destruction sans motif des villes ou des villages, la destruction d'édifices consacrés à la religion ou le bombardement de villages, habitations ou bâtiments non défendus.
Afin d'éviter toute difficulté d'interprétation, votre commission vous propose deux amendements tendant à reprendre au sein du projet de loi les termes mêmes du statut du tribunal : le premier supprime cette référence aux violations des lois et coutumes de la guerre ; le second précise le champ d'application du projet de loi s'agissant des infractions aux conventions de Genève.
•
S'agissant du droit interne,
il
est précisé que ces actes doivent constituer des crimes ou
délit définis par la loi française.
L'attention de votre rapporteur a été attirée sur le fait que cette exigence réduirait par trop le champ d'application de la coopération française. Déjà, à propos du projet de loi concernant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, M. Daniel Picotin, rapporteur à l'Assemblée nationale, faisait valoir que « certaines (...) infractions -comme le génocide- n'ayant reçu, en tant que telles, de qualification pénale en France que depuis le 1er mars 1994, date d'entrée en vigueur du nouveau code pénal (cette adjonction) risquerait de les exclure de la compétence des tribunaux français si elles ont été commises avant le 1er mars 1994. ».
Quand bien même, compte tenu de leur gravité, les comportements entrant dans la compétence du tribunal constitueraient toujours des crimes et délits définis par la loi française, il a été indiqué dans l'exposé général du présent rapport les raisons juridiques pour lesquelles la technique de la double incrimination ne saurait être retenue.
Aussi votre commission a-t-elle adopté, sur la proposition de votre rapporteur, un amendement tendant à supprimer cette référence.
2) Le champ d'application ratione temporis et ratione loci
Comme précédemment, il est déterminé par la compétence du Tribunal international.
•
S'agissant du champ d'application
ratione temporis,
les agissements entrant dans le champ de la
compétence
ratione materiae
du tribunal international ne
pourront lui être soumis que dans la mesure où ils auront
été commis entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.
Cette période a été fixée par la résolution 955 elle-même.
•
S'agissant du champ d'application
ratione
loci,
conformément à ce que
prévoit la résolution 955, reprise sur ce point par l'article 7
du statut, la compétence du tribunal international pour le Rwanda
s'étend :
- aux infractions commises sur son territoire, quelle que soit la nationalité de leurs auteurs ;
- aux infractions commises sur le territoire d'États voisins (soit le Zaïre, l'Ouganda, la Tanzanie et le Burundi) lorsqu'elles l'ont été par des citoyens rwandais.
Votre commission vous propose d'adopter cet article modifié par les trois amendements indiqués ci-dessus.
Article 2 - Application au tribunal international pour le Rwanda des dispositions applicables au tribunal international pour l'ex-Yougoslavie
Cet article prévoit l'application aux actes entrant dans la compétence du tribunal international pour le Rwanda des dispositions de la loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 concernant le tribunal international pour l'ex-Yougoslavie.
Sans entrer dans le détail de ces dispositions, qui ont été présentées par notre ancien collègue Jacques Bérard dans son rapport fait au nom de votre commission des Lois lors de l'examen de la loi n° 95-1 par le Sénat (1994-1995, n° 59), on rappellera les deux principes essentiels posés par celle-ci : le principe de la compétence concurrente des juridictions françaises et du tribunal international et celui de la coopération judiciaire.
1) La compétence concurrente des juridictions françaises et du tribunal international (articles 2 à 6 de la loi n° 95-1)
a) La compétence universelle des juridictions françaises
En vertu de l'article 2 de la loi n°95-l, les auteurs ou complices d'infractions relevant du tribunal international peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises s'ils sont trouvés en France. C'est le principe de la compétence universelle des juridictions françaises. Allant plus loin que le statut du tribunal international (qui se limite à poser le principe de la compétence concurrente pour le jugement de ces personnes), il permet notamment de poursuivre un criminel trouvé en France, quand bien même il ne serait pas recherché par le tribunal international. Toute personne qui se prétend lésée par l'une de ces infractions peut alors, dans les conditions prévues par le code de procédure pénale, se constituer partie civile en portant plainte devant le juge d'instruction.
Le tribunal international est informé de toute procédure en cours sur des faits qui pourraient relever de sa compétence.
b) La priorité accordée au tribunal international : le dessaisissement des juridictions françaises
Les articles 3 à 6 de la loi n° 95-1 organisent le dessaisissement des juridictions françaises qui, intervenant à la requête du tribunal international, obéit à une procédure en trois étapes :
- la demande de dessaisissement (article 3 de la loi n°95-l) : formulée par le tribunal international, elle est adressée au ministre de la justice qui, après s'être assuré de la régularité formelle, la transmet au procureur général près la Cour de cassation. La demande est signifiée aux parties qui disposent de quinze jours pour déposer un mémoire au greffe de la Cour de cassation ;
- la décision relative au dessaisissement (article 5 de la loi n° 95-1) : elle relève de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui statue dans le délai d'un mois. Le dessaisissement est ordonné si les faits, objet de la demande de dessaisissement, entrent dans la compétence du tribunal international « et qu'il n'y a pas d'erreur évidente » ;
- la transmission du dossier au tribunal international (article 5 de la loi n° 95-1). Elle est effectuée par le ministre de la justice.
On observera que le dessaisissement ne fait pas obstacle aux droits de la partie civile.
2) La coopération judiciaire (articles 7 à 16 de la loi n° 95-1)
L'article 28 du statut du tribunal international pour le Rwanda (qui reprend littéralement le texte de l'article 29 du statut du tribunal pour l'ex-Yougoslavie) impose aux États de collaborer avec celui-ci « à la recherche et au jugement des personnes d'avoir commis des violations graves du droit international humanitaire ». Il exige que « les États répondent sans retard à toute demande d'assistance ou à toute ordonnance émanant d'une Chambre de première instance et concernant, sans s'y limiter :
- l'identification et la recherche des personnes ;
- la réunion des témoignages et la production des preuves ;
- l'expédition des documents ;
-1'arrestation ou la détention des personnes ;
- le transfert ou traduction de l'accusé devant le tribunal international. »
L'application du tribunal pour le Rwanda des articles 7 à 16 de la loi n° 95-1 permettrait d'adapter la législation française à la résolution n° 955 :
- les articles 7 et 8 traitent des modalités de l'entraide judiciaire : les demandes émanant du tribunal ou de son procureur sont, en principe, adressées au ministre de la justice puis transmises au procureur de la République de Paris qui leur donne toutes suites utiles. L'exécution des demandes d'entraide relève, selon les cas, du procureur de la République ou du juge d'instruction de Paris qui agissent sur l'ensemble du territoire national en présence, le cas échéant, du procureur près le tribunal international ;
- les articles 3 à 16 traitent de l'arrestation et de la remise des personnes : les demandes émanant du tribunal ou de son procureur sont, en principe, adressées au ministre de la justice. Celui-ci les transmet au procureur général près la Cour d'appel de Paris et, dans le même temps, les met à exécution.
La procédure applicable aux personnes ainsi appréhendés est la suivante : présentation au procureur de la République dans les vingt-quatre heures (les personnes disposant, durant ce délai, des garanties prévues pour toute garde à vue), puis comparution devant le procureur général de Paris dans les cinq jours (la personne bénéficiant de l'assistance d'un avocat), enfin comparution, dans un délai de huit jours, devant la Chambre d'accusation ; il appartient à celle-ci d'ordonner la remise de la personne réclamée après avoir constaté « que les faits, objet de la demande d'arrestation aux fins de remise, entrent dans le champ d'application de l'article 1er et qu'il n'y a pas d'erreur évidente ». La personne réclamée est, en principe, remise dans un délai d'un mois à compter du jour où la décision est devenue définitive.
Votre commission vous propose d'adopter cet article modifié par un amendement ayant pour simple objet de réparer une omission.
Articles 3 et 4 - Application dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte
Ces articles ont pour objet de rendre applicables dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte non seulement la loi présentement soumise à notre examen (article 3) mais aussi la loi n° 95-1 (article 4).
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'ensemble du présent projet de loi ainsi modifié.
Votre commission vous propose de les adopter sans modification.
ANNEXES
ANNEXE I - RÉSOLUTION 955 DU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L'ORGANISATION DES NATIONS-UNIES ET STATUT DU TRIBUNAL
3. Seront punis les actes suivants
- le génocide ;
- 1'entente en vue de commettre le génocide ;
- 1'incitation directe et publique 0 commettre le génocide ;
- la tentative de génocide ;
- la complicité dans le génocide.
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant toutes ses résolutions antérieures sur la situation au Rwanda.
Ayant examiné les rapports que le Secrétaire général lui a présentés conformément au paragraphe 3 de sa résolution 935 (1994) du 1 er juillet 1994 (S/1994/879 et S/1994/906), et ayant pris acte des rapports du Rapporteur spécial pour le Rwanda de la Commission des droits de l'homme des Nations unies (S/1994/1157, annexe I et annexe II),
Saluant le travail accompli par la Commission d'experts créée en vertu de sa résolution 935 (1994), en particulier son rapport préliminaire sur les violations du droit international humanitaire au Rwanda que le Secrétaire général lui a transmis dans sa lettre du 1 er octobre 1994 (S1994/1125).
Se déclarant de nouveau gravement alarmé par les informations selon lesquelles des actes de génocide et d'autres violations flagrantes, généralisées et systématiques du droit international humanitaire ont été commises au Rwanda.
Constatant que cette situation continue de faire peser une menace sur la paix et la sécurité internationales.
Résolut à mettre fin à de tels crimes et à prendre des mesures efficaces pour que les personnes qui en sont responsables soient traduites en justice.
Convaincu que, dans les circonstances particulières qui règnent au Rwanda, des poursuites contre les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire permettraient d'atteindre cet objectif et contribueraient au processus de réconciliation nationale ainsi qu'au rétablissement et au maintien de la paix.
Estimant que la création d'un tribunal international pour juger les personnes présumées responsables de tels actes ou violations contribuera à les faire cesser et à en réparer dûment les effets,
Soulignant qu'une coopération internationale est nécessaire pour renforcer les tribunaux et l'appareil judiciaire rwandais, notamment en raison du grand nombre de suspects qui seront déférés devant ces tribunaux.
Considérant que la Commission d'experts créée en vertu de la résolution 935 (1994) devrait continuer à rassembler de toute urgence des informations tendant à prouver que des violations graves du droit international humanitaire ont été commises sur le territoire du Rwanda, et qu'elle devrait présenter son rapport final au Secrétaire général le 30 novembre 1994 au plus tard.
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations unies.
I. Décide par la présente résolution, comme suite à la demande qu'il a reçue du Gouvernement rwandais (S/1994/1115), de créer un tribunal international chargé uniquement de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'États voisins, entre le 1 er janvier et le 31 décembre 1994, et d'adopter à cette fin le Statut du Tribunal criminel international pour le Rwanda annexé à la présente résolution ;
2. Décide que tous les États apporteront leur pleine coopération au Tribunal international et à ses organes, conformément à la présente résolution et au Statut du Tribunal international et qu'ils prendront toutes mesures nécessaires en vertu de leur droit interne pour mettre en application les dispositions de la présente résolution et du Statut, y compris l'obligation faite aux États de donner suite aux demandes d'assistance ou aux ordonnances émanant d'une Chambre de première instance, conformément à l'article 28 du statut, et prie les États de tenir le Secrétaire général informé des mesures qu'ils prendront ;
3. C onsidère qu'une notification devrait être adressée au Gouvernement rwandais avant que des décisions ne soient prises en vertu des articles 26 et 27 du Statut ;
4. Prie instamment les États ainsi que les organisations intergouvernementales et non gouvernementales d'apporter au Tribunal international des contributions sous forme de ressources financières, d'équipement et de services, y compris des services d'experts ;
5. Prie le Secrétaire général de mettre en oeuvre d'urgence la présente résolution et de prendre en particulier des dispositions pratiques pour que le Tribunal international puisse fonctionner effectivement le plus tôt possible, notamment de lui soumettre les recommandations quant aux lieux ou le siège du Tribunal international pourrait être établi, et de lui présenter des rapports périodiques ;
6. Décide qu'il choisira le siège du Tribunal international en fonction de critères de justice et d'équité ainsi que d'économie et d'efficacité administrative, notamment des possibilités d'accès aux témoins, sous réserve que l'Organisation des Nations unies et l'État où le Tribunal aura son siège concluent des arrangements appropriés qui soient acceptables pour le Conseil de sécurité, étant entendu que le Tribunal international pourra se réunir ailleurs quand il le jugera nécessaire pour l'exercice efficace de ses fonctions ; et décide d'établir un bureau au Rwanda et d'y conduire des procédures, si cela est possible et approprié, sous réserve de la conclusion d'arrangements adéquats analogues ;
7. Décide d'envisager d'augmenter le nombre de juges et de chambres de première instance du Tribunal international si cela s'avère nécessaire ;
8. Décide de rester activement saisi de la question.
Annexe
Statut du Tribunal international pour le Rwanda
Créé par le Conseil de sécurité agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations unies, le Tribunal criminel international chargé de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'États voisins entre le 1 e janvier et le 31 décembre 1994 (ci-après dénommé « Tribunal international pour le Rwanda ») exercera ses fonctions conformément aux dispositions du présent statut.
Article premier
Compétence du Tribunal international pour le Rwanda
Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité à juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d'États voisins entre le 1 er janvier et le 31 décembre 1994, conformément aux dispositions du présent statut.
Article 2
Génocide
1. Le Tribunal international pour le Rwanda est compétent pour poursuivre les personnes ayant commis un génocide, tel que ce crime est défini au paragraphe 2 du présent article, ou l'un quelconque des actes énumérés au paragraphe 3 du présent article.
2. Le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
- meurtre de membres du groupe ;
- atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
- soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle :
- mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
- transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.
Article 3
Crimes contre l'humanité
Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité à juger les personnes présumées responsables des crimes suivants lorsqu'ils ont été commis dans le cadre d'une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle qu'elle soit, en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse
- assassinat ;
- extermination ;
- réduction en esclavage ;
- expulsion ;
- emprisonnement ;
- torture ;
- viol ;
- persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses ;
- autres actes inhumains.
Article 4
Violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II
Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité à poursuivre les personnes qui commettent ou donnent l'ordre de commettre des violations graves de l'article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949 pour la protection des victimes en temps de guerre, et du Protocole additionnel II auxdites Conventions du 8 juin 1977. Ces violations comprennent, sans s'y limiter :
- les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles ;
- les punitions collectives ;
- la prise d'otages ;
- les actes de terrorisme ;
- les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur ;
- le pillage ;
- les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés ;
- la menace de commettre les actes précités.
Article 5
Compétence ratione penonae
Le Tribunal international pour le Rwanda a compétence à l'égard des personnes physiques conformément aux dispositions du présent statut
Article 6
Responsabilité pénale individuelle
1. Quiconque a planifié, incite a commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aide et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime vise aux articles 2 à 4 du présent statut est individuellement responsable dudit crime-
2. La qualité officielle d'un accusé, soit comme chef d'État ou de gouvernement, soit comme haut fonctionnaire, ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale et n'est pas un motif de diminution de la peine.
3. Le fait que l'un quelconque des actes visés aux articles 2 à 4 du présent statut a été commis par un subordonné ne dégage pas son supérieur de sa responsabilité pénale s'il savait ou avait des raisons de savoir que le subordonné s'apprêtait à commettre cet acte ou l'avait fait et que le supérieur n'a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs.
4. Le fait qu'un accusé a agi en exécution d'un ordre d'un gouvernement ou d'un supérieur ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale mais peut être considéré comme un motif de diminution de la peine si le Tribunal international pour le Rwanda l'estime conforme à la justice.
Article 7
Compétence ratione loci et compétence ratione temporis
La compétence ratione loci du Tribunal international pour le Rwanda s'étend au territoire du Rwanda, y compris son espace terrestre et son espace aérien, et au territoire d'États voisins en cas de violations graves du droit international humanitaire commises par des citoyens rwandais. La compétence ratione tempons du Tribunal international s'étend à la période commençant le 1 er janvier 1994 et se ter minant le 31 décembre 1994.
Article 8
Compétences concurrentes
1. Le Tribunal international pour le Rwanda et les juridictions nationales sont concurremment compétents pour juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda, et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d'États voisins entre le 1 er janvier et le 31 décembre 1994.
2. Le Tribunal international pour le Rwanda a la primauté sur les juridictions nationales de tous les États. À tout stade de la procédure, il peut demander officiellement aux juridictions nationales de se dessaisir en sa faveur conformé ment au présent statut et à son règlement.
Article 9
Non bis in idem
1. Nul ne peut être traduit devant une juridiction nationale pour des faits constituant de graves violations du droit international humanitaire au sens du présent statut s'il a déjà été jugé pour les mêmes faits par le Tribunal international pour le Rwanda.
2. Quiconque a été traduit devant une juridiction nationale pour des faits constituant de graves violations du droit international humanitaire ne peut subséquemment être traduit devant le Tribunal international pour le Rwanda que si :
- le fait pour lequel il a été jugé était qualifié crime de droit commun ; ou
- la juridiction nationale n'a pas statué de façon impartiale ou indépendante, la procédure engagée devant elle visait à soustraire l'accuse à sa responsabilité pénale internationale ou la poursuite n'a pas été exercée avec diligence.
3. Pour décider de la peine à infliger à une personne condamnée pour un crime vise par le présent statut, le Tribunal international pour le Rwanda tient compte de la mesure dans laquelle cette personne a déjà purge toute peine qui pourrait lui avoir été infligée par une juridiction nationale pour le même fait.
Article 10
Organisation du Tribunal international pour le Rwanda
Le Tribunal international comprend les organes suivants :
- les Chambres, soit deux Chambres de première instance et : une Chambre d appel ; - le procureur ; et - un greffe.
Article 11
Composition des Chambres
Les Chambres sont composées de 11 juges indépendants, ressortissants d'États différents et dont :
- trois siègent dans chacune des Chambres de première instance ; et
- cinq siègent à la Chambre d'appel.
Article 12
Qualifications et élection des juges
1. Les juges doivent être des personnes de haute moralité, impartialité et intégrité possédant les qualifications requises, dans leurs pays respectifs, pour être nommés aux plus hautes fonctions judiciaires. Il est dûment tenu compte, dans la composition globale des Chambres, de l'expérience des juges en matière de droit pénal et de droit international, notamment de droit international humanitaire et des droits de l'homme.
2 . Les juges siégeant à la Chambre d'appel du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie pour 1991 (ci-après dénommé « le Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie ») siègent également à la Chambre d'appel du Tribunal international pour le Rwanda.
3. Les juges des Chambres de première instance du Tribunal international pour le Rwanda sont élus par l'Assemblée générale sur une liste présentée par le Conseil de sécurité, selon les modalités ci-après :
- le Secrétaire général invite les États membres de l'Organisation des Nations unies et les États non membres ayant une mission d'observation permanente au Siège de l'Organisation à présenter des candidatures ;
- dans un délai de 30 jours à compter de la date de l'invitation du Secrétaire général, chaque État peut présenter la candidature d'au maximum deux personnes réunissant les conditions indiquées au paragraphe 1 ci-dessus et n'ayant pas la même nationalité et dont aucune n'a la même nationalité que l'un quelconque des juges de la Chambre d'appel ;
- le Secrétaire général transmet la candidature au Conseil de sécurité. Sur 1a base de ces candidatures, le Conseil dresse une liste de 12 candidats au minimum et 18 candidats au maximum en tenant dûment compte de la nécessité d'assurer au Tribunal international pour le Rwanda une représentation adéquate des principaux systèmes juridiques du monde ; - le président du Conseil de sécurité transmet la liste de candidats au président de l'Assemblée générale. L'Assemblée élu sur cette liste les six juges des Chambres de première instance. Sont élus les candidats qui ont obtenu la majorité absolue des voix des États membres de l'Organisation des Nations unies et des États non membres ayant une mission d'observation permanente au Siège de l'Organisation. Si deux candidats de la même nationalité obtiennent la majorité requise, est élu celui sur lequel se sont portées le plus grand nombre de voix.
4. Si un siège à 1'une des Chambres de première instance devient vacant, le Secrétaire général, après avoir consulté les présidents du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale, nomme une personne réunissant les conditions indiquées au paragraphe 1 ci-dessus pour siéger jusqu'à l'expiration du mandat de son prédécesseur.
5. Les juges des Chambres de première instance sont élus pour un mandat de quatre ans. Leurs conditions d'emploi sont celles des juges du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie. Ils sont rééligibles.
Article 13
Constitution du bureau et des Chambres
1. Les juges du Tribunal international pour le Rwanda élisent un président.
2. Après les avoir consultés, le président nomme les juges du Tribunal international pour le Rwanda à l'une des Chambres de première instance. Les juges ne siègent qu'à la Chambre à laquelle ils ont été nommes.
3. Les juges de chaque Chambre de première instance choisissent un président qui conduit toutes les procédures devant cette Chambre.
Article 14
Règlement du Tribunal
Les juges du Tribunal international pour le Rwanda adopteront, aux fins de la procédure du Tribunal international pour le Rwanda, le règlement du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie régissant la mise en accusation, les procès en première instance et les recours, la recevabilité des preuves, la protection des victimes et des témoins et d'autres questions appropriées, en y apportant les modifications qu'ils jugeront nécessaires.
Article 15
Le procureur
1. Le procureur est responsable de l'instruction des dossiers et de l'exercice de la poursuite contre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d'États voisins entre le 1 er janvier et le 31 décembre 1994.
2. Le procureur, qui est un organe distinct au sein du Tribunal international pour le Rwanda, agit en toute indépendance, il ne sollicite, ni ne reçoit, d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucune autre source.
3. Le procureur du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie exerce également les fonctions de procureur du Tribunal international pour le Rwanda. Il dispose, pour le seconder devant le Tribunal international pour le Rwanda, de personnel supplémentaire, dont un procureur adjoint supplémentaire. Ce personnel est nommé par le Secrétaire général sur recommandation du procureur.
Article 16
Le greffe
1. Le greffe est chargé d'assurer l'administration et les services du Tribunal international pour le Rwanda.
2. Le greffe se compose d'un greffier et des autres fonctionnaires nécessaires.
3. Le greffier est désigne par le Secrétaire général après consultation du président du Tribunal international pour le Rwanda pour un mandat de quatre ans renouvelable. Les conditions d'emploi du greffier sont celles d'un sous-secrétaire général de l'Organisation des Nations unies.
4. Le personnel du greffe est nomme par le Secrétaire général sur recommandation au greffier
Article 17
Information et établissement de l'acte d'accusation
1. Le procureur ouvre une information d'office ou sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources, notamment des gouvernements, des organes de l'Organisation des Nations unies, des organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Il évalue les renseignements reçus ou obtenus et décide s'il y a lieu de poursuivre.
2. Le procureur est habilité à interroger les suspects, les victimes et les témoins, à réunir des preuves et a procéder sur place à des mesures d instruction. Dans l'exécution de ces tâches, le procureur peut, selon que de besoin, solliciter le concours des autorités de l'État concerné.
3. Tout suspect interrogé a le droit d'être assisté d'un conseil de son choix, y compris celui de se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, s'il n'a pas les moyens de le rémunérer et de bénéficier, si nécessaire, de services de traduction dans une langue qu'il parle et comprend et à partir de cette langue.
4. S'il décide qu'au vu des présomptions, il y a lieu d'engager des poursuites, le procureur établit un acte d accusation dans lequel il expose succinctement les faits et le crime ou les crimes qui sont reprochés à l'accusé en vertu du statut. L'acte d'accusation est transmis à un juge de la Chambre de première instance.
Article 18
Examen de l'acte d'accusation
1. Le juge de la Chambre de première instance saisi de l'acte d'accusation examine celui-ci. S'il estime que le procureur a établi qu'au vu des présomptions il y a lieu d'engager des poursuites, il confirme l'acte d'accusation. À défaut, il le rejette.
2. S'il confirme l'acte d'accusation, le juge saisi décerne, sur réquisition du procureur, les ordonnances et mandats d'arrêt, de dépôt, d'amenée ou de remise et toutes autres ordonnances nécessaires pour la conduite du procès.
Article 19
Ouverture et conduite du procès
1. La Chambre de première instance veille à ce que le procès soit équitable et rapide et à ce que l'instance se déroule conformément au règlement de procédure et de preuve, les droits de l'accusé étant pleinement respectés et la protection des victimes et des témoins dûment assurée.
2. Toute personne contre laquelle un acte d'accusation a été confirmé est, conformément à une ordonnance ou un mandat d'arrêt décerné par le Tribunal international pour le Rwanda, placée en état d'arrestation, immédiatement informée des chefs d'accusation portés contre elle et déférée au Tribunal international pour le Rwanda.
5. La Chambre de première instance donne lecture de l'acte d'accusation, s'assure que les droits de l'accusé sont respectés, confirme que l'accusé a compris le contenu de l'acte d'accusation et l'invite à faire valoir ses moyens de défense. La Chambre de première instance fixe alors la date du procès.
4. Les audiences sont publiques à moins que la Chambre de première instance décide de les tenir à huis clos conformément à son règlement de procédure et de preuve.
Article 20
Les droits de l'accusé
1. Tous sont égaux devant le Tribunal international pour le Rwanda.
2. Toute personne contre laquelle des accusations sont portées a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, sous réserve des dispositions de l'article 21 du statut.
3. Toute personne accusée est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie conformément aux dispositions du présent statut.
4. Toute personne contre laquelle une accusation est portée en vertu du présent statut a droit, en pleine égalité au moins aux garanties suivantes :
- à être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de 1'accusation portée contre elle ;
- à disposer du temps et des facilités nécessaires à la prépa ration de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix ;
- à être jugée sans retard excessif ;
- à être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir l'assistance d'un défenseur de son choix : si elle n'a pas de défenseur, à être informée de son droit d'en avoir un, et chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, à se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, si elle n'a pas les moyens de le rémunérer ;
- à interroger ou faire interroger les témoins à charge et à obtenir la comparution et l'interrogatoire des témoins a décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
- à se faire assister gratuitement d'un interprète si elle ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience :
- à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable.
Article 21
Protection des victimes et des témoins
Le Tribunal international pour le Rwanda prévoit dans son règlement de procédure et de preuve des mesures de protection des victimes et des témoins. Les mesures de protection comprennent, sans y être limitées, la tenue d'audience à huis clos et la protection de l'identité des victimes.
Article 22
Sentence
1. La Chambre de première instance prononce des sentences et impose des peines et sanctions à l'encontre des personnes convaincues de violations graves du droit international humanitaire.
2. La sentence est rendue en audience publique à la majorité des juges de la Chambre de première instance. Elle est établie par écrit et motivée, des opinions individuelles ou dissidentes pouvant y être jointes.
Article 23
Peines
1. La Chambre de première instance n'impose que des peines d'emprisonnement. Pour fixer les conditions de l'emprisonnement, la Chambre de première instance a recours à la grille générale des peines d'emprisonnement appliquée par les tribunaux du Rwanda,
2. En imposant toute peine, la Chambre de première instance tient compte de facteurs tels que la gravite de l'in fraction et la situation personnelle du condamné.
3. Outre l'emprisonnement du condamné, la Chambre de première instance peut ordonner la restitution a leurs propriétaires légitimes de tous biens et ressources acquis par des moyens illicites, y compris par la contrainte.
Article 24
Appel
1. La Chambre d'appel connaît des recours introduits soit par les personnes condamnées par les Chambres de première instance, soit par le procureur, pour les motifs suivants : a) erreur sur un point de droit qui invalide la décision ; ou
b) erreur de fait qui a entraîné un déni de justice.
2. La Chambre d appel peut confirmer, annuler ou réviser les décisions des Chambres de première instance.
Article 25
Révision
S'il est découvert un fait nouveau qui n'était pas connu au moment du procès en première instance ou en appel et qui aurait pu être un élément décisif de la décision, le condamne ou le procureur peut saisir le Tribunal international pour le Rwanda d'une demande en révision de la sentence.
Article 26
Exécution des peines
Les peines d'emprisonnement sont exécutées au Rwanda ou dans un État désigne par le Tribunal international pour le Rwanda sur la liste des États qui ont fait savoir au Conseil de sécurité qu'ils étaient disposés à recevoir des condamnés. Elles sont exécutées conformément aux lois en vigueur de l'État concerné, sous la supervision du Tribunal.
Article 27
Grâce et commutation de peine
Si le condamné peut bénéficier d'une grâce ou d'une commutation de peine en vertu des lois de l'État dans lequel il est emprisonné, cet État en avise le Tribunal international pour le Rwanda. Une grâce ou une commutation de peine s'est accordée que si le président du Tribunal international pour le Rwanda, en consultation avec les juges, en décide ainsi dans l'intérêt de la justice et sur la base des principes généraux du droit.
Article 28
Coopération et entraide judiciaire
1. Les États collaborent avec le Tribunal international pour le Rwanda à la recherche et au jugement des personnes accusées d'avoir commis des violations graves du droit international humanitaire. 2. Les États répondent sans retard à toute demande d'assistance ou à toute ordonnance émanant d'une Chambre de première instance et concernant, sans s'y limiter :
- l'identification et la recherche des personnes ;
- la réunion des témoignages et la production des preuves ;
- l'expédition des documents ;
- l'arrestation ou la détention des personnes :
- le transfert ou la traduction de l'accusé devant le Tribunal international pour le Rwanda.
Article 29
Statut, privilèges et immunités du Tribunal international pour le Rwanda
1. La Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies en date du 13 février 1946 s'applique au Tribunal international pour le Rwanda, aux juges, au procureur et à son personnel ainsi du au greffier et à son personnel.
2. Les juges, le procureur et le greffier jouissent des privilèges et immunités, des exemptions et des facilités accordés aux agents diplomatiques, conformément au droit international.
3. Le personnel du procureur et du greffier jouit des privilèges et immunités accordés aux fonctionnaires des Nations unies en vertu des articles V et VII de la Convention visée au paragraphe I du présent article.
4. Les autres personnes, y compris les accusés, dont la présence est requise au siège ou au lieu de réunion du Tribunal international pour le Rwanda bénéficient au traitement nécessaire pour assurer le bon fonctionnement du Tribunal.
Article 30
Dépenses du Tribunal international pour le Rwanda
Les dépenses du Tribunal international pour le Rwanda sont imputées sur le budget ordinaire de l'Organisation des Nations unies conformément à l'article 17 de la Charte des Nations unies.
Article 31
Langues de travail
Les langues de travail du Tribunal international sont l'anglais et le français.
Article 32
Rapport annuel
Le président du Tribunal international pour le Rwanda présente chaque année un rapport du Tribunal international pour le Rwanda au Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale.
ANNEXE II - RÈGLEMENT DE PROCÉDURE ET DE PREUVE DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Chapitre Premier
Article I
Entrée en vigueur
Le présent Règlement de procédure et de preuve, adopté conformément aux dispositions de l'article 14 du Statut du Tribunal, entre en vigueur le 29 juin 1995.
Article 2
Définitions
(A) Sauf incompatibilité tenant au contexte, les expressions suivantes signifient :
Règlement : le Règlement visé à l'article 1 ci-dessus :
Statut : le Statut du Tribunal adopté par le Conseil de sécurité dans sa résolution 955 du 8 Novembre 1994 ;
Tribunal : le Tribunal pénal international chargé de juger les personnes présumées responsables d'actes de Génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda, et les citoyens Rwandais Présumes responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'États voisins entre le 1er Janvier et le 31 décembre 1994, créé par le Conseil de sécurité dans sa résolution 955 du 8 novembre 1994 ;
Accuse : toute personne physique taisant l'objet d'un acte d'accusation conformément à l'article 47 ci-après ;
Arrestation : l'acte par lequel une autorité nationale appréhende et place en garde a vue un suspect ou un accusé.
Bureau : organe constitue du Président, du Vice-Président et du doyen des Présidents des Chambres de première instance ;
Enquête : tous les actes accomplis par le Procureur conformément au Statut et au Règlement afin de rassembler des informations et des éléments de preuve :
Partie : le Procureur ou l'accusé.
Président : le Président du Tribunal.
Procureur : le Procureur désigne conformément a l'article 15 du Statut ;
Règlements internes : toute réglementation adoptée par le Procureur en application du paragraphe (A) de l'article 37 dans le but d'organiser les activités du Bureau du Procurer ;
Suspect : toute personne physique au sujet de laquelle le Procureur possède des informations fiables qui tendent à montrer qu'elle aurait commis une infraction relèvent de la compétence du Tribunal.
Entreprise criminelle : un certain nombre d'actions ou d'omissions survenant à l'occasion d'un seul événement ou de plusieurs, en un seul endroit ou en plusieurs, et faisant partie d'un plan, d'une stratégie ou d'un dessein commun ;
Victime : toute personne physique à l'égard de laquelle aurait été commise une infraction relevant de la compétence du Tribunal.
(B) Aux fins du présent Règlement, l'emploi du masculin et du singulier comprend le féminin et le pluriel et inversement.
Article 3
Emploi des langues
(A) Les langues de travail du Tribunal sont le français et l'anglais.
(B) L'accusé a le droit de parler sa propre langue.
(C) Toute autre personne, à l'exception du conseil de l'accusé, comparaissant devant le Tribunal peut, sous réserve du paragraphe (D) du présent article, employer sa propre langue si elle n'a pas une connaissance suffisante de l'une ou l'autre des deux langues de travail.
(D) Le conseil de l'accusé peut demander au Président d'une Chambre l'autorisation d'employer une langue autre que les deux langues de travail ou celle de l'accusé. Si une telle autorisation est accordée, les frais d'interprétation et de traduction sont pris en charge par le Tribunal dans les limites éventuellement fixées par le Président compte tenu des droits de la défense et de l'intérêt de la justice.
(E) Le Greffier prend les dispositions voulues pour assurer la traduction des pièces et l'interprétation des débats dans les langues de travail
Article 4
Réunions hors le siège du Tribunal
Une Chambre peut, avec l'autorisation du Président, exercer ses fonctions hors du siège du Tribunal si l'intérêt de la justice le commande.
Article 5
Effet d'une violation du Règlement
Toute exception soulevée par une partie a l'égard d'un acte d'une autre partie et fondée sur une violation du Règlement ou des règlements internes, doit l'être dès que possible : elle n'est accueillie et l'acte déclaré nul que si ce dernier est incompatible avec les principes fondamentaux de l'équité et a entraîné effectivement un mauvais fonctionnement de la justice.
Article 6
Modification du Règlement
Tout article du Règlement peut être modifié à la demande d'un juge, du Procureur ou du Greffier. Une réunion plénière est convoquée à cet effet. Chaque juge reçoit communication de la proposition de modification. Celle-ci est adoptée par en vote favorable de sept juges au moins.
S'il n'est pas procédé comme prévu au paragraphe (A) ci-dessus, les modifications du Règlement ne peuvent être adoptées qu'a l'unanimité.
(A) Les modifications entrent en vigueur immédiatement, sans préjudice du respect des droits de l'accusé dans les affaires en instance
Article 7
Textes authentiques
Les textes en français et en anglais du Règlement font également foi. En cas de divergence, le texte qui reflète le plus fidèlement l'esprit du Statut et du Règlement prévaut.
CHAPITRE DEUXIEME Article 8
PRIMAUTÉ DU TRIBUNAL Demande d'information
Lorsqu'il apparaît au Procureur qu'une infraction relevant de la compétence du Tribunal fait ou a fait l'objet d'enquêtes ou de poursuites pénales devant une juridiction interne, il peut demander à l'État dont relève cette juridiction de lui transmettre toutes les informations pertinentes. L'État transmet sans délai au Procureur ces informations, en application de l'article 28 du Statut.
Article 9
Requête du Procureur aux fins de dessaisissement
S'il apparaît au Procureur, au vu des enquêtes ou poursuites pénales engagées devant une juridiction interne comme cela est prévu a l'article 8 ci-dessus, que :
(i) l'infraction a reçu une qualification de droit commun ; ou
(ii) la procédure engagée ne serait ni impartiale ni indépendante, viserait à soustraire l'accusé à sa responsabilité pénale internationale ou n'aurait pas été exercée avec diligence ; ou
(iii) l'objet de la procédure porte sur des faits ou des points de droit qui ont une incidence sur des enquêtes ou des poursuites en cours devant le Tribunal,
le Procureur peut saisir la Chambre de Première instance désignée à cet effet par le Président d'une requête aux fins de demander officiellement le dessaisissement de cette juridiction en faveur du Tribunal.
Article 10
Demande officielle de dessaisissement
S'il appareil à la Chambre de première instance saisie d'une telle requête de la part du Procureur, qu'elle est fondée conformément à l'article 9 ci-dessus, la Chambre de première instance peut demander officiellement à l'État dont relève la juridiction, que celle-ci se dessaisisse en faveur du Tribunal.
(A) La demande de dessaisissement porte également sur la transmission des éléments d'enquêtes, des copies du dossier d'audience et le cas échéant, d'une expédition du jugement.
(B) Lorsque le dessaisissement a été demandé par une Chambre de première instance, toute procès ultérieure est portée devant l'autre Chambre de première instance.
Article 11
Non-respect d'une demande officielle de dessaisissement
Si, dans un délai de soixante jours à compter de la date à laquelle le Greffier a notifié la demande de dessaisissement à l'État dont relève l'institution judiciaire ayant connu de l'affaire dont il s'agit, l'État ne fournit pas à la Chambre de première instance l'assurance qu'il a pris ou entend prendre les mesures voulues pour se conformer a cette demande, la Chambre peut prier le Président de soumettre la question au Conseil de sécurité.
Article 12
Décisions des juridictions internes
Sous réserve du paragraphe 2 de l'article 9 du Statut, les décisions des juridictions internes ne lient pas le Tribunal.
Article 13
Non bis in idem
Si le Président est valablement informé de poursuites pénales engagées contre une personne devant une juridiction interne pour des faits constituant de graves violations du droit international humanitaire au sens du Statut pour lesquels l'intéressé a déjà été jugé par le Tribunal, une Chambre de première instance rend conformément à la procédure visée à l'article 10, mutatis mutandis, une ordonnance motivée, invitant cette juridiction à mettre fin définitivement aux poursuites. Si cette juridiction s'y refuse, le Président peut soumettre la question au Conseil de sécurité.
CHAPITRE TROISIÈME
ORGANISATION DU TRIBUNAL
Section I Les juges
Article 14
Déclaration solennelle
(A) Avant de prendre ses fonctions, chaque juge fait la déclaration solennelle suivante :
"Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai mes attributions de juge du Tribunal pénal international chargé de juger les personnes présumées responsables d'actes de Génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda, et les citoyens Rwandais Présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'États voisins entre le 1er Janvier et le 31 décembre 1994 en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et en toute conscience."
(B) Le texte de cette déclaration, signé par le juge en présence du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies ou de son représentant, est verseaux archives du Tribunal.
Article 15
Récusation et empêchement de juges
(A) Un juge ne peut connaître en première instance ou en appel d'une affaire dans laquelle il a un intérêt personnel ou avec laquelle il a ou il a eu un lien quelconque de nature à porter atteinte a son impartialité. En ce cas, il doit se dessaisir de cette affaire. Lorsque le juge renonce à siéger au sein d'une Chambre de première instance, le Président désigne un autre juge de Première instance pour siéger a sa place. Lorsqu'un luge renonce à siéger au sein de la Chambre d'appel, le Président de la Chambre d'appel désigne un autre juge pour siéger a sa place.
(B) Toute partie peut solliciter du Président de la Chambre qu'un juge de cette Chambre soit dessaisi d'une affaire en première instance ou en appel pour les raisons ci-dessus énoncées. Après que le Président de la Chambre en ait conféré avec le juge concerné, le Bureau statue si nécessaire. Si le Bureau donne suite a la demande, le Président désigne un autre luge pour remplacer le juge dessaisi
(C) Le juge d'une Chambre de première instance qui examine un acte d'accusation conformément a l'article 18 du Statut et a l'article 47 du Règlement ne peut siéger a lu Chambre appelée a juger ultérieurement l'accuse.
(D) Aucun membre de la Chambre d'appel ne peut connaître, en cette qualité, d'une affaire dont un autre juge de la même nationalité a eu a connaître en première instance.
(E) Si, pour une raison quelconque, un membre d'une Chambre est empêché de siéger à l'instance, le Président de la Chambre peut, si l'empêchement semble devoir être de courte durée, surseoir à la procédure ; dans le cas contraire, il en rend compte au Président, lequel peut désigner un autre juge et ordonner soit la réouverture soit la poursuite des débats.
Toutefois, après les déclarations liminaires prévues par l'article 84, ou le début de la présentation des preuves en application de l'article 85, la poursuite des débats ne peut être ordonnée qu'avec le consentement de l'accusé.
Article 16
Démission
La démission d'un juge est adressée par écrit au Président pour être transmise au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.
Article 17
Préséance
(A) Tous les juges sont égaux dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, quels que soient la date de leur élection ou de leur nomination, leur âge ou la durée des fonctions déjà exercées.
(B) Après le Président et le Vice-Président, les Présidents des Chambres prennent rang entre eux selon l'ancienneté d'âge.
(C) Les juges élus ou nommés à des dates différentes prennent rang selon la date de leur élection ou de leur nomination ; les juges élus ou nommés à la même date prennent rang entre eux selon l'ancienneté d'âge.
(D) En cas de réélection, il est tenu compte de la durée totale des fonctions déjà exercées par le juge intéressé
Section 2 Présidence du Tribunal
Article 18
Élection du Président
(A) Le Président est élu pour une période de deux ans, dès lors que cette période ne dépasse pas sa durée de fonctions en tant que juge. Le Président est rééligible une fois.
(B) Si le Président cesse d'être membre du Tribunal ou démissionne avant l'expiration normale de son mandat, les juges du Tribunal élisent parmi eux son successeur pour le reste de son mandat.
(C) Le Président est élu i la majorité des juges du Tribunal. Si aucun juge ne recueille la majorité, il est procédé à un nouveau tour de scrutin entre les deux juges qui ont obtenu le plus de voix. En cas de partage des voix au second tour, est élu le juge qui a préséance conformément i l'article 17 ci-dessus.
Article 19
Fonctions du Président
Le Président préside toutes les réunions plénières du Tribunal, coordonne les travaux des Chambres, contrôle les activités du Greffe et s'acquitte de toutes les autres fonctions qui lui sont confiées par le Statut et par le Règlement.
Article 20
Le Vice-Président
(A) Le Vice-Président est élu pour une période de deux ans. dès lors que cette période ne dépasse pas sa durée de fonctions en tant que juge. Le Vice-Président est reéligible une fois
(B) Les dispositions prévues aux paragraphes |B) et (C) de l'article 18 s'appliquent mutatis mutandis au Vice-Président
Article 21
Fonctions du Vice-Président
Le Vice-Président exerce les fonctions du Président si celui-ci est absent ou empêché.
Article 22
Remplacement du Président et du Vice-Président
(A) Si le Président et le Vice-Président sont l'un et l'autre empêchés d'exercer la Présidence, celle-ci est assurée par le juge doyen de la Chambre de première instance conformément à l'article 17 ci-dessus.
Section 3 Fonctionnement interne du Tribunal
Article 23
Le Bureau
(A) Le Bureau est constitué du Président, du Vice-Président et du doyen des Présidents des Chambres de première instance. Lorsque le doyen des Présidents des Chambres de première instance exerce la fonction de Président ou de Vice-Président, le Président de l'autre Chambre de première instance devient membre du Bureau.
(B) Le Président consulte les autres membres du Bureau au sujet de toutes les questions importantes liées au fonctionnement du Tribunal.
(C) Tout juge peut appeler l'attention d'un membre du Bureau sur les questions qui méritent à son avis d'être examinées par le Bureau ou d'être soumises à une réunion plénière du Tribunal.
Article 24
Réunions plénières du Tribunal Les juges se réunissent en plénière pour :
(i) l'élection du Président et du Vice-président :
(ii) l'adoption et la modification du Règlement :
(iii) l'adoption du Rapport annuel prévu à l'article 32 du Statut :
(iv) l'adoption de décisions sur les questions liées au fonctionnement interne des Chambres et du Tribunal.
(v) la détermination ou le contrôle des conditions de détention :
(vi) l'accomplissement de toute autre tâche prévue dans le Statut ou le
Règlement.
Article 25
Sessions plénières
(A) En principe, le Tribunal arrête au mois de juillet les dates et la durée de ses réunions plénières ordinaires pour l'année civile suivante.
(B) Si, au moins six juges le demandent, le Président doit convoquer d'autres réunions plénières ; il peut aussi en convoquer dans tous les cas où l'exigent les fonctions que lui confèrent le Statut ou le Règlement.
Article 26
Quorum et vote
(A) Un quorum de sept juges est requis pour chaque réunion plénière du Tribunal.
(B) Sous réserve des dispositions des paragraphes (A) et (B) de l'article 6 ci-dessus et des paragraphes (B) et (C) de l'article 18 ci-dessus, les décisions adoptées par le Tribunal en plénière sont prises a la majorité des juges présents. En cas de partage des voix, celle du Président ou du juge faisant fonction est prépondérante.
Section 4 Les Chambres
Article 27
Roulement des juges
(A) L'affectation des juges aux Chambres de première instance se fait par roulement périodique, compte tenu de la nécessité d'assurer la bonne expédition des affaires.
(B) Les juges prennent leurs fonctions a la Chambre à laquelle ils sont affectés dés que le Président le juge opportun, compte tenu de la nécessité d'expédier des affaires en instance.
(C) Le Président peut à tout moment affecter temporairement un membre d'une Chambre de première instance à une autre Chambre.
Article 28
Affectation aux fins de l'examen des actes d'accusation
Au mois de juillet de chaque année et après avoir consulté les juges, le Président désigne, pour chaque mois de l'année civile à venir, un juge dans chaque Chambre de première instance auquel les actes d'accusation seront transmis pour examen conformément a l'article 47 ci-après et en publie la liste.
Article 29
Délibéré Les délibérations des Chambres sont et demeurent secrètes.
Section 5 Le Greffe
Article 30
Nomination du Greffier
Avant de donner son avis au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies conformément au paragraphe 3 de l'article 16 du Statut, le Président recueille l'opinion des juges au sujet des candidats à la fonction de Greffier.
Article 31
Nomination du Greffier adjoint et du personnel du Greffe
Après avoir consulté le Président, le Greffier recommande au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies la personne à nommer aux fonctions de Greffier adjoint ainsi que les autres membres du personnel du Greffe.
Article 32
Déclaration solennelle
(A) Avant son entrée en fonctions, le Greffier fait devant le Président la déclaration suivante :
"Je déclare solennellement que je remplirai en toute loyauté, discrétion et conscience les devoirs qui m'incombent en ma qualité de Greffier du Tribunal pénal international chargé de juger les personnes présumées responsables d'actes de Génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda, et les citoyens Rwandais Présumes responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'États voisins entre le 1er Janvier et le 31 décembre 1994 et que j'observerai fidèlement toutes les prescriptions du Statut et du Règlement du Tribunal.''
(B) Le Greffier adjoint fait devant le Président une déclaration semblable avant son entrée en fonctions.
(C) Tout membre du personnel du Greffe fan une déclaration semblable devant le Greffier,
Article 33
Fonctions du Greffier
Le Greffier apporte son concours aux Chambres et lors des réunions plénières du Tribunal, ainsi qu'aux juges et au Procureur dans l'exercice de leurs fonctions. Sous l'autorité du Président, il est responsable de l'administration et du service du Tribunal et est chargé de toute communication émanant du Tribunal ou adressée a celui-ci
Article 34
Division d'aide aux victimes et aux témoins
(A) Il est créé auprès du Greffier une Division d'aide aux victimes et aux témoins, composée d'un personnel qualifié et chargée de :
(i) recommander l'adoption de mesures de protection des victimes et des témoins conformément à l'article 21 du Statut ;
(ii) fournir conseils et assistance aux victimes et aux témoins, particulièrement en cas de viols et violences sexuelles.
(B) Il est dûment tenu compte, lors de la nomination du personnel de la Division, de la nécessité d'y employer des femmes ayant une formation spécialisée
Article 35
Procès-verbaux
Hormis les cas de compte-rendu intégral prévu à l'article 81 ci-après, le Greffier ou les fonctionnaires du Greffe désignés par lui établissent les procès-verbaux des réunions plénières du Tribunal et des audiences des Chambres, a l'exception des délibérations à huis clos.
Article 36
Répertoire général
Le Greffier tient un répertoire général indiquant, pour chaque affaire portée devant le Tribunal, sous réserve de l'article 53. tous les renseignements pertinents Le répertoire général est ouvert au public.
Section 6 Le Procureur
Article 37
Fonctions du Procureur
(A) Le Procureur remplit toutes les fonctions prévues par le Statut conformément au Règlement et aux règlements internes qu'il adopte, pour autant que ceux-ci soient compatibles avec le Statut et te Règlement. Toute incompatibilité présumée des règlements internes est portée à la connaissance du Bureau, dont l'opinion prévaut.
(B) Les pouvoirs du Procureur tels que définis aux chapitres quatre à huit du Règlement, peuvent être exercés par le personnel du Bureau du Procureur qu'il autorise à cette fin ou par toute personne mandatée par lui i cet effet.
Article 38
Procureur adjoint
(A) Le Procureur recommande au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies la personne à nommer aux fonctions de Procureur adjoint.
(B) Le Procureur adjoint remplit les fonctions du Procureur en cas d'absence ou d'incapacité ou sur instructions formelles du Procureur.
CHAPITRE QUATRIÈME
ENQUÊTES ET DROITS DES SUSPECTS
Section I Enquêtes
Article 39
Déroulement des enquêtes
Aux fins de ses enquêtes, le Procureur est habilité à :
(i) convoquer et interroger les suspects, entendre les victimes et les témoins, enregistrer leurs déclarations, recueillir tous éléments de preuve et enquêter sur les lieux :
(ii) prendre toutes autres mesures jugées nécessaires aux fins de l'enquête et aux fins de soutenir l'accusation au procès, y compris des mesures spéciales nécessaires à la sécurité d'éventuels témoins et informateurs :
(iii) obtenir à ces fins, l'aide de toute autorité nationale compétente, ainsi que de tout organisme international, y compris l'Organisation Internationale de Police Criminelle (INTERPOL) ;
(iv) solliciter d'une Chambre de première instance ou d'un juge le prononcé de toute ordonnance nécessaire.
Article 40
Mesures conservatoires
En cas d'urgence le Procureur peut demander a tout État :
(i) de procéder à l'arrestation et au placement en garde à vue d'un suspect.
(ii) de saisir tous éléments de preuves matériels ;
(iii) de prendre toute mesure nécessaire pour empêcher l'évasion du suspect ou de l'accuse, l'intimidation ou les atteintes a l'intégrité physique des victimes ou des témoins, ou la destruction d'éléments de preuve
L'État concerne s'exécute sans délai, en application de l'article 28 du Statut.
Article 41
Conservation des informations
Le Procureur est responsable de la conservation, la garde et la sécurité des informations et des éléments de preuve matériels recueillis au cours des enquêtes.
Article 42
Droits du suspect pendant l'enquête
(A) Avant d'être interroge par le Procureur, le suspect est informé de ses droits dans une langue qu'il parle et comprend, à savoir :
(i) son droit i l'assistance d'un conseil de son choix ou s'il est indigent à la commission d'office d'un conseil à titre gratuit :
(ii) son droit i l'assistance gratuite d'un interprète s'il ne comprend pas ou ne parie pas la langue utilisée lors de l'interrogatoire et :
(iii) son droit de garder le silence et d'être averti que chacune de ses déclarations sera enregistrée et pourra être utilisée comme moyen de preuve.
(B) L'interrogatoire d'un suspect ne peut avoir lieu qu'en présence de son conseil, à moins que le suspect n'ait renoncé à son droit à l'assistance d'un conseil. L'interrogatoire doit néanmoins cesser si un suspect qui a initialement renoncé à son droit i l'assistance d'un conseil, s'en prévaut ultérieurement ; l'interrogatoire ne doit reprendre que lorsque le suspect a obtenu de son chef ou d'office l'assistance d'un conseil.
Article 43
Enregistrement des interrogatoires des suspects
Le Procureur ne peut interroger un suspect que si l'interrogatoire est consigne sous forme d'enregistrement sonore ou vidéo selon les modalités suivantes :
(i) le suspect est informé, dans une langue qu'il parle et comprend, de ce
Article 46
Discipline
(A) Une Chambre peut, après un rappel à l'ordre resté sans effet, refuser d'entendre un conseil si elle considère que son comportement est offensant ou entrave le bon déroulement de l'audience.
(B) Un juge ou une Chambre de première instance peut, avec l'accord du Président, signaler tout manquement du conseil i l'Ordre des avocats dans le pays où il est admis à l'exercice de sa profession ou. si l'intéressé est professeur et n'est pas avocat à l'Université ont il relève.
CHAPITRE CINQUIÈME
MISE EN ACCUSATION Article 47
Section I L'acte d'accusation Présentation de l'acte d'accusation par le Procureur
(A) Lorsque l'enquête permet au Procureur d'établir qu'il existe des éléments de preuve suffisants pour soutenir raisonnablement qu'un suspect a commis une infraction relevant de la compétence du Tribunal, le Procureur établit et transmet au Greffier pour confirmation par un juge un acte d'accusation auquel il joint tous les éléments justificatifs.
(B) L'acte d'accusation indique le nom du suspect et les renseignements personnels le concernant ainsi qu'une relation concise des faits de l'affaire et la qualification qu'ils revêtent.
(C) Le Greffier transmet l'acte d'accusation et les pièces jointes à l'un des juges désigné conformément a l'article 28 ci-dessus, lequel informe le Procureur de la date fixée pour l'examen de l'acte d'accusation.
(D) Au cours de son examen, le juge entend le Procureur. Ce dernier peut présenter tout élément supplémentaire à l'appui d'un chef d'accusation. Le juge peut confirmer ou rejeter chaque chef d'accusation. Il peut également surseoir à sa décision.
(E) Le rejet d'un chef d'accusation n'interdit pas au Procureur d'établir ultérieurement un nouvel acte d'accusation sur la base des faits ayant fondés le chef d'accusation rejeté, pour autant que soient produits à l'appui des éléments de preuve supplémentaires.
Article 48
Jonction d'instances
Des personnes accusées d'une même infraction ou d'infractions différentes commises a l'occasion de la même entreprise criminelle peuvent être mises en accusation et jugées ensemble.
Article 49
Jonction de chefs d'accusation
Plusieurs infractions peuvent faire l'objet d'un seul et même acte d'accusation si les actes incriminés ont été commis à l'occasion de la même opération et par le même accuse.
Article 50
Modifications de l'acte d'accusation
Le Procureur peut, sans autorisation préalable, apporter des modifications a l'acte d'accusation à tout moment avant sa confirmation. Postérieurement, il ne peut le faire qu'avec l'autorisation du juge ayant confirmé ou, au cours du procès, avec l'autorisation de la Chambre de première instance. Si une telle autorisation est accordée, l'acte d'accusation modifié est communiqué à l'accusé et à son conseil et si nécessaire la date du procès est repoussée pour donner à la défense le temps de se préparer.
Article 51
Retrait d'un acte d'accusation
(A) Le Procureur peut, sans autorisation préalable, retirer un acte d'accusation à tout moment avant sa confirmation. Postérieurement il ne peut le faire qu'avec l'autorisation du juge l'ayant confirmé ou. au cours du procès, avec l'autorisation de la Chambre de première instance.
(B) Le retrait de l'acte d'accusation est notifié sans délai au suspect ou a l'accusé et à son conseil.
Article 52
Publicité de l'acte d'accusation
Après la confirmation par le juge de première instance, et sous réserve de l'article 53 ci-après, l'acte d'accusation est rendu public.
Article 53
Non-divulgation
(A) Lorsqu'il confirme un acte d'accusation, le juge peut, après avis du Procureur, ordonner sa non-divulgation au public jusqu'à sa signification à l'accusé ou en cas de jonction d'instances, à tous les accusés.
(B) Un juge ou une Chambre de première instance, après avis du Procureur, peut également ordonner la non-divulgation au public de tout ou partie de l'acte d'accusation, de toute information et de tout document particuliers, si l'un ou l'autre est convaincu qu'une telle ordonnance est nécessaire pour donner effet à une disposition du Règlement ou pour préserver des informations confidentielles obtenues par le Procureur ou encore que l'intérêt de la justice le commande.
Section 2 Ordonnances et mandats
Article 54
Disposition générale
A la demande d'une des parties ou de sa propre initiative un juge ou une Chambre de première instance peut délivrer les ordonnances, citations a comparaître, assignations et mandats nécessaires aux fins de l'enquête, de la préparation ou de la conduite du procès.
Article 55
Exécution des mandats d'arrêt
(A) Tout mandat d'arrêt doit être signé par un juge et revêtu du sceau du Tribunal. Il est accompagné d'une copie de l'acte d'accusation et d'un document rappelant les droits de l'accusé. Au titre de ces droits figurent ceux qui sont énoncés à l'article 20 du Statut et. mutatis mutandis, aux articles 42 et 43 ci-dessus, ainsi que le droit de conserver le silence et la mise en garde selon laquelle toute déclaration faite par l'accusé est enregistrée et peut être retenue contre lui.
(B) Le Greffier transmet le mandat aux fins d'arrestation et l'ordonnance de déferrement de l'accusé aux autorités nationales de l'État sur le territoire ou sous la juridiction ou le contrôle duquel l'accusé réside ou a eu sa dernière résidence connue. Ce mandat est accompagné d'instructions selon lesquelles au moment de son arrestation, l'acte d'accusation, le document rappelant les droits de l'accusé et la mise en garde prévus au paragraphe (A) ci-dessus, doivent lui être lus dans une langue qu'il comprend.
(C) Lorsqu'un mandat d'arrêt émis par le Tribunal est exécuté, un membre du Bureau du Procureur peut être présent à compter du moment de l'arrestation.
Article 56
Coopération des États
L'État auquel est transmis un mandat d'arrêt, agit sans larder et avec toute la diligence voulue pour assurer sa bonne exécution, conformément à l'article 28 du Statut.
Article 57
Procédure après l'arrestation
Après l'arrestation de l'accusé, l'État concerné détient l'intéresse et en informe sans délai le Greffier. Le transfert de l'accuse au siège du Tribunal ou à tout autre lieu que le bureau peut fixer, après consultation du Procureur et du Greffier, est organisé par les autorités nationales intéressées en liaison avec les autorités du pays hôte et le Greffier.
Article 58
Dispositions de droit interne relatives à l'extradition
Les obligations énoncées à l'article 28 du Statut prévalent sur tous obstacles juridiques que la législation nationale ou les traités d'extradition auxquels l'État intéressé est partie pourraient opposer à la remise ou au transfert de l'accusé au Tribunal.
Article 59
Défaut d'exécution d'un mandat d'arrêt
(A) Lorsque l'État auquel un mandat d'arrêt a été transmis n'a pu l'exécuter, il en informe sans délai le Greffier et en indique les raisons.
(B) Si dans un délai raisonnable, il n'est pas rendu compte des mesures prises. l'Eut est réputé ne pas avoir exécuté le mandat d'arrêt et le Tribunal, par l'intermédiaire du Président, en informe le Conseil de Sécurité.
Article 60
Publication de l'acte d'accusation
À la demande du Procureur, le Greffier transmet le texte d'une annonce aux autorités nationales de l'État ou des États sur les territoires desquels le Procureur a des raisons de croire que l'accuse peut se trouver, aux fins de publication dans des journaux a grande diffusion. L'annonce porte a la connaissance de l'accuse que l'on cherche a lui notifier un acte d'accusation le concernant.
Article 61
Procédure en cas d'inexécution d'un mandat d'arrêt
(A) Si le mandat d'arrêt n'a pas été exécuté et dès lors l'acte d'accusation n'a pas été signifié à l'accusé, et si le Procureur établit devant le juge de première instance qui a confirmé l'acte d'accusation que :
(i) le Procureur a pris toutes les mesures raisonnables pour effectuer la signification à personne, notamment en ayant recours aux autorités compétentes de l'État sur le territoire ou sous la juridiction ou le contrôle duquel l'accuse réside ou avait sa dernière résidence connue, et
(ii) le Procureur a essayé selon d'autres modalités d'informer l'accusé de l'existence de l'acte d'accusation en cherchant à publier des annonces appropriées dans les journaux dudit État conformément à l'article 60 ci-dessus, le juge ordonne que le Procureur saisisse la Chambre de première instance à laquelle il est effecté de l'acte d'accusation.
(B) Dès le prononcé d'une telle ordonnance, le Procureur soumet l'acte d'accusation à la Chambre de première instance en audience publique, en y joignant tous les éléments de preuve présentés au juge qui a initialement confirmé l'acte d'accusation. Le Procureur peut également citer à comparaître et interroger, devant la Chambre de première instance, tout témoin dont la déclaration a été soumise au juge ayant initialement confirmé l'acte d'accusation.
(C) Si la Chambre de première instance considère, sur la base de ces éléments de preuve ainsi que de tous autres que le Procureur pourra produire, qu'il existe des raisons suffisantes de croire que l'accusé a commis une ou toutes les infractions mises a sa charge dans l'acte d'accusation, elle statue en conséquence La Chambre prie le Procureur de donner lecture des parties pertinentes de l'acte d'accusation et de rendre compte des efforts déployés pour effectuer la signification tels que prévus au paragraphe (A) ci-dessus
(D) En outre, la Chambre de première instance délivre contre l'accuse un mandai d'arrêt international qui est transmis a tous les États.
(E) Si le Procureur établit à l'audience devant la Chambre de première instance que le défaut de signification de l'acte d'accusation est imputable en tout ou en partie au défaut ou au refus de coopération d'un État avec le Tribunal contrairement à l'article 28 du Statut, la Chambre de première instance en dresse constat et le Président en informe le Conseil de sécurité.
Article 62
Comparution initiale de l'accuse
Après son transfert au Tribunal, l'accusé comparait sans délai devant une Chambre de première instance et est officiellement mis en accusation. La Chambre de première instance :
(i) s'assure que le droit de l'accuse à l'assistance d'un conseil est respecté ;
(ii) donne lecture ou fait donner lecture de l'acte d'accusation à l'accusé dans une langue qu'il parle et comprend, et s'assure que l'intéresse comprend l'acte d'accusation :
(iii) invite l'accusé à plaider coupable ou non coupable, pour chaque chef d'accusation et, à défaut pour l'accusé de plaider, inscrit en son nom au dossier qu'il a plaidé non coupable ;
(iv) au cas où l'accusé plaide non coupable, donne instruction au Greffier de fixer la date du procès ;
(v) au cas où l'accusé plaide coupable, donne instruction au Greffier de fixer la date de l'audience préalable au prononcé de la sentence :
(vi) donne instruction au Greffier de fixer toute autre date appropriée.
Article 63
Interrogatoire de l'accusé
Après la comparution initiale de l'accusé, le Procureur ne peut l'interroger qu'en présence de son conseil et pour autant que l'interrogatoire soit consigné sous forme d'enregistrement sonore ou vidéo conformément à la procédure prévue à l'article 43. Le Procureur informe en outre l'accuse préalablement a l'interrogatoire de ce qu'il n'est pas obligé de parler et que, s'il choisit de parler, ce qu'il dira pourra être retenu contre lui.
Article 64
Détention préventive
Après son transfert au Tribunal, l'accusé est détenu dans les locaux mis a disposition par le pays hôte ou par un autre pays. Le Président peut à la requête d'une des parties demander de modifier les conditions de la détention de l'accusé.
Article 65
Mise en liberté provisoire
(A) Une fois détenu, l'accusé ne peut être mis en liberté provisoire que sur ordonnance d'une Chambre de première instance.
(B) La mise en liberté provisoire ne peut être ordonnée par la Chambre de première instance que dans des circonstances exceptionnelles, après avoir entendu le pays hôte, et pour autant qu'elle ait la certitude que l'accuse comparaîtra et, s'il est libéré, ne mettra pas en danger une victime, un témoin ou toute autre personne.
(C) La Chambre de première instance peut subordonner la mise en liberté provisoire aux conditions qu'elle juge appropriées, y compris la mise en place d'un cautionnement et. le cas échéant, l'observation des conditions nécessaires pour garantir la présence de l'accuse au procès et la protection d'autrui.
(D) Si besoin est, la Chambre de première instance peut délivrer un mandat d'arrêt pour garantir la comparution d'un accusé précédemment mis en liberté provisoire ou en liberté pour toute autre raison.
Section 3 Production de moyens de preuve
Article 66
Communication de pièces par le Procureur
(A) Dès que possible après la comparution initiale de l'accuse, le Procureur communique a la défense copie de toutes les pièces jointes à l'acte d'accusation lors de la demande de confirmation ainsi que toutes les déclarations préalables de l'accusé ou des témoins à charge recueillies par le Procureur.
(B) À la demande de la défense, le Procureur doit, sous réserve du paragraphe
(C) permettre à celle-ci de prendre connaissance des livres, photographies, pièces à conviction et tous documents se trouvant en sa possession ou sous son contrôle qui. soit sont nécessaires à la défense de l'accusé, soit seront utilisés par le Procureur comme moyens de preuve au procès, soit ont été obtenus de l'accusé ou lui appartiennent.
(C) Dans le cas où la communication de pièces se trouvant en la possession du Procureur pourrait nuire à de nouvelles enquêtes ou à des enquêtes en cours, ou pour toute autre raison pourrait être contraire à l'intérêt public ou porter atteinte à la sécurité d'un État, le Procureur peut demander à la Chambre de première instance siégeant à huis clos d'être dispensé de l'obligation visée au paragraphe B ci-dessus. En formulant sa demande le Procureur fournira à la Chambre de première instance (mais uniquement la Chambre de première instance) les pièces dont la confidentialité est recherchée.
Article 67
Échange des moyens de preuves
(A) Dès que possible et en toute hypothèse avant le début du procès ;
(i) le Procureur informe la défense du nom des témoins à charge qu'il a l'intention d'appeler pour établir la culpabilité de l'accusé et pour réfuter tout moyen de défense dont le Procureur a été informé conformément au paragraphe ( ii) ci-dessous :
(ii) la défense informe le Procureur de son intention d'invoquer :
a) une défense d'alibi, avec indication du lieu ou des lieux spécifiques où l'accusé prétend s'être trouvé au moment des faits incriminés, des nom et adresse des témoins ainsi que tous autres éléments de preuve sur lesquels l'accusé a l'intention de se fonder pour établir sa défense d'alibi :
b) un moyen de défense spécial, y compris le défaut total ou partiel de responsabilité mentale, avec indication des nom et adresse des témoins ainsi que tous autres éléments de preuve sur lesquels l'accusé a l'intention de se fonder pour établir ce moyen de défense.
(B) Le défaut d'une telle notification par la défense ne limite pas le droit de l'accusé d'invoquer ces moyens de défense.
(C) Si la défense introduit la requête prévue au paragraphe (B) de l'article 66 ci-dessus, le Procureur peut à son tour prendre connaissance des livres, photographies, pièces à conviction et tous documents en la possession ou sous le contrôle de la défense et qu'elle entend produire.
(D) Si l'une ou l'autre des parties découvre des éléments de preuve ou informations supplémentaires qui auraient dû être produits conformément au Règlement, elle en informe sans tarder l'autre partie et la Chambre de première instance.
Article 68
Communication des moyens de preuve a décharge
Le Procureur informe la défense aussitôt que possible de l'existence d'éléments de preuves dont il a connaissance qui sont de nature a disculper en tout ou en partie l'accuse ou qui pourraient porter atteinte a la crédibilité des moyens de preuve a charge.
Article 69
Protection des victimes et des témoins
Al Dans des cas exceptionnels, le Procureur peut demander à la Chambre de première instance d'ordonner la non-divulgation de l'identité d'une victime ou d'un témoin pour empêcher qu'ils ne courent un danger ou des risques, et ce jusqu'au moment ou ils seront placés sous la protection du Tribunal.
(B) En déterminant les mesures de protection destinées aux victimes ou témoins, la Chambre de première instance peut consulter la Division d'aide aux victimes et aux témoins.
(C) Sans préjudice des dispositions de l'article 75 ci-dessous, l'identité de cette victime ou de ce témoin devra être divulguée avant le commencement du procès et dans des délais permettant à la défense de se préparer.
Article 70
Exception à l'obligation de communication
(A) Nonobstant les dispositions des articles 66 et 67 ci-dessus, les rapports, mémoires ou autres documents internes établis par une partie, ses assistants ou ses représentants dans le cadre de l'enquête ou de la préparation du dossier n'ont pas a être communiques ou échanges.
(B) Si le Procureur possède des informations qui ont été communiquées à titre confidentiel et dans la mesure où ces informations n'ont été utilisées que dans le seul but de recueillir des éléments de preuve nouveaux, le Procureur ne peut divulguer ces informations initiales et leur source qu'avec le consentement de la personne ou de l'entité les ayant fournies. Ces informations et leur source ne seront en aucun cas utilisées comme moyens de preuve axant d'avoir été communiquées à l'accuse.
Section 4 Dépositions
Article 71
Dépositions
(A) En raison de circonstances exceptionnelles, et dans l'intérêt de la justice, la Chambre de première instance peut ordonner à la demande de l'une des parties qu'une déposition soit recueillie en vue du procès. La Chambre mandate à cet effet un officier en charge, qui préside à la prise de déposition.
(B) La requête visant à faire recueillir une déposition est présentée par écrit. Elle mentionne les nom et adresse du témoin, les conditions de date et de lieu de la déposition, l'objet de cette déposition ainsi que les circonstances exceptionnelles qui la justifient.
(C) S'il est fait droit à la requête, la partie ayant demandé la déposition en donne préavis raisonnable à l'autre partie qui aura le droit d'assister a la déposition et de contre-interroger le témoin.
(D) La déposition peut aussi être recueillie par voie de vidéoconférence.
(E) L'officier en charge, s'assure que la déposition et le cas échéant le contre-interrogatoire sont recueillis et enregistrés selon les formes prévues au Règlement : il reçoit et réserve a la décision de la Chambre les objections soulevées par l'une ou l'autre des parties. Il transmet tout le dossier à la Chambre de première instance.
Section 5 Exceptions préjudicielles
Article 72
Disposition générale
(A) Après la comparution initiale de l'accuse, l'une ou l'autre des parties peut soulever devant la Chambre de première instance une ou plusieurs exceptions préjudicielles. La Chambre décide si l'exception est présentée sous forme écrite ou orale.
(B) La Chambre se prononce sur les exceptions préjudicielles in limine litis. Les décisions ainsi rendues ne sont pas susceptibles d'appel sauf dans le cas où la Chambre a rejeté une exception d'incompétence.
Article 73
Exceptions préjudicielles soulevées par l'accusé
(A) Les exceptions préjudicielles soulevées par l'accusé sont :
(i) l'exception d'incompétence :
(ii) l'exception fondée sur des vices de forme de l'acte d'accusation :
(iii) l'exception aux fins d'irrecevabilité d'éléments de preuve obtenus de l'accuse ou lui appartenant :
(iv) l'exception aux fins de disjonction des chefs d'accusation joints conformément à l'article 49 ci-dessus, ou de disjonction d'instances conformément au paragraphe (B) de l'article 82 ci-aprés :
(v) l'exception fondée sur le rejet d'une demande de commission d'office d'un conseil.
(B) Les exceptions ci-dessus doivent être soulevées par l'accusé dans les soixante jours suivant sa comparution initiale et en toute hypothèse avant l'audience au fond.
(C) Le défaut par l'accusé de soulever les exceptions préjudicielles ci-dessus dans les délais prescrits vaut renonciation de sa part. La Chambre de première instance peut néanmoins déroger a ces délais pour des raisons jugées valables.
CHAPITRE SIXIÈME
LE PROCÈS EN PREMIÈRE INSTANCE
Section 1 Dispositions générales
Article 74
Amicus Curiae
Une Chambre peut, si elle le juge souhaitable dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, inviter ou autoriser tout État, toute organisation ou toute personne à faire un expose sur toute question qu'elle juge utile.
Article 75
Mesures destinées à assurer la protection des victimes et des témoins
(A) Un juge ou une Chambre peut, de sa propre initiative ou à la demande d'une des parties ou de la victime ou du témoin intéressé, ou de la Division d'aide aux victimes et aux témoins, ordonner des mesures appropriées pour protéger la vie privée et la sécurité de victimes ou de témoins, à condition toutefois que lesdites mesures ne portent pas atteinte aux droits de l'accusé.
(B) Une Chambre peut tenir une audience à huis clos pour déterminer s'il y a lieu d'ordonner notamment :
(i) des mesures de nature à empêcher la divulgation au public ou aux médias de l'identité d'une victime ou d'un témoin, d'une personne qui leur est apparentée ou associée ou du lieu où ils se trouvent, telles que :
a) la suppression, dans les dossiers du Tribunal, du nom de l'intéresse et des indications permettant de l'identifier.
b) l'interdiction de l'accès du public à toute pièce du dossier identifiant la victime.
c) lors des témoignages, l'utilisation de moyens techniques permettant l'altération de l'image ou de la voix ou l'usage d'un circuit de télévision ferme, et
d) l'emploi d'un pseudonyme :
(ii) la tenue d'audiences à huis clos conformément à l'article 79 ci-après.
(iii) les mesures appropriées en vue de faciliter le témoignage d'une victime ou d'un témoin vulnérable, par exemple au moyen d'un circuit de télévision terme unidirectionnel.
(C) La Chambre assure le cas échéant le contrôle du déroulement des interrogatoires aux fins d'éviter toute forme de harcèlement ou d'intimidation.
Article 7 6
Déclaration solennelle des interprètes et des traducteurs
Avant de prendre ses fonctions, tout interprète ou traducteur prononce une déclaration solennelle aux termes de laquelle il s'engage à accomplir sa tâche avec dévouement, indépendance et impartialité et dans le plein respect de son devoir de confidentialité.
Article 77
Outrage au Tribunal
(A) Sous réserve des dispositions du paragraphe (E) de l'article 90, un témoin qui refuse de répondre à une question en rapport avec l'affaire dont la Chambre est saisie, ou qui persiste dans son attitude, peut être déclaré coupable d'outrage au Tribunal et condamné à une amende ne dépassant pas 10 000 US dollars ou à une peine de prison de six mois au maximum.
(B) Toutefois, si elle le juge approprié, la Chambre peut relever le témoin de son obligation de répondre.
(C) Toute personne cherchant à intervenir auprès d'un témoin ou à l'intimider peut être déclarée coupable d'outrage et condamnée en application du paragraphe (A).
(D) Tout jugement prononce en vertu du présent article est susceptible d'appel.
(E) L'amende est payée au Greffier, qui la verse à un compte distinct.
Article 78
Audiences publique
Sauf disposition contraire, la procédure devant une Chambre de première instance est publique, à l'exception du délibéré.
Article 79
Audiences à huis clos
(A) La Chambre de première instance peut ordonner que la presse et le public soient exclus de la salle pendant tout ou partie de l'audience :
(i) pour des raisons d'ordre public ou de bonnes moeurs ;
(ii) pour assurer la sécurité et la protection d'une victime ou d'un témoin ou pour éviter la divulgation de son identité en conformité à l'article 75 ci-dessus ; ou
(iii) en considération de l'intérêt de la justice.
(B) La Chambre de première instance rend publiques les raisons de sa décision.
Article 80
Maintien de l'ordre
(A) La Chambre de première instance peut ordonner que toute personne soit exclue de la salle afin de sauvegarder le droit de l'accusé à un procès équitable et public ou afin de maintenir l'ordre.
(B) La Chambre de première instance peut ordonner l'exclusion de l'accusé de la salle d'audience et poursuivre les débats en son absence si l'accuse, après avoir été averti que son comportement risque de justifier son exclusion de la salle d'audience, persiste dans ce comportement.
Article 81
Enregistrement des débats et conservation des preuves
(A) Le Greffier établit et conserve un compte rendu intégral de tous les débats. y compris un enregistrement sonore, sa transcription et. lorsque la Chambre de première instance le juge nécessaire, un enregistrement vidéo.
(B) La Chambre de première instance peut ordonner la divulgation de tout ou partie du compte rendu des débats à huis clos lorsque les raisons qui ont motivé le huis clos ont disparu.
(C) Le Greffier assure la conservation et la garde de tous les éléments de preuve matériels produits au cours des procédures.
(D) La Chambre de première instance détermine si des photographies, des enregistrements vidéo ou des enregistrements sonores peuvent être pris lors de l'audience autrement que par le Greffe.
Section 2 Déroulement du procès
Article 82
Jonction et disjonction d'instances
(A) En cas d'instances jointes, chaque accusé a les mêmes droits que s'il était jugé séparément.
(B) La Chambre de première instance peut ordonner un procès séparé pour des accusés dont les instances avaient été jointes en application de l'article 48, pour éviter tout conflit d'intérêts de nature à causer un préjudice grave à un accusé ou, pour sauvegarder l'intérêt de la justice.
Article 83
Instruments de contrainte
Les instruments de contrainte, tels que les menottes, ne sont pas utilisés si ce n'est pour éviter un risque d'évasion au cours du transfert ou pour des raisons de sécurité ; ils sont retirés lorsque l'accusé comparait devant la Chambre.
Article 84
Déclarations liminaires
Avant la présentation par le Procureur de ses moyens de preuves, chacune des parties peut faire une déclaration liminaire. Toutefois la défense peut décider de faire sa déclaration après que le Procureur ait présenté ses moyens de preuve et avant de présenter elle-même ses propres moyens de défense.
Article 85
Présentation des moyens de preuve
(A) Chacune des parties peut appeler des témoins à la barre et présenter des moyens de preuve. A moins que la Chambre n'en décide autrement dans l'intérêt de la justice, les moyens de preuve sont présentes dans l'ordre suivant :
(i) preuves du Procureur ;
(ii) preuves de la défense ;
(iii) réplique du Procureur ;
(iv) duplique de la défense ;
(v) moyens de preuve ordonnés par la Chambre de première instance conformément à l'article 98 ci-après.
(B) Chaque témoin peut après son interrogatoire principal, faire l'objet d'un contre-interrogatoire et d'un interrogatoire supplémentaire. Toutefois le juge peut également poser toute question au témoin à quelque stade que ce soit. Le témoin est d'abord interrogé par la partie qui le présente.
(C) L'accusé peut s'il le souhaite comparaître en qualité de témoin pour sa propre défense.
Article 86
Plaidoiries
Après présentation de tous les moyens de preuve, le Procureur peut présenter son réquisitoire, et la défense y répondre. S'il le souhaite, le Procureur peut répliquer et la défense présenter une duplique.
Article 87
Délibéré
(A) Après les plaidoiries des parties, le Président de la Chambre déclare clos les débats et la Chambre se retire pour délibérer à huit clos. L'accusé n'est déclaré coupable que lorsque la majorité de la Chambre de première instance considère que la culpabilité de l'accusé a été prouvée au-delà de tout doute raisonnable.
(B) La Chambre de pre m iè re instance vote séparément sur chaque chef visé dans l'acte d'accusation. Si deux ou plusieurs accusés sont jugés ensemble, en application de l'article 48 ci-dessus, la Chambre statue séparément sur le cas de chacun d'eux
Article 88
Jugement
(A) Le jugement est prononcé en audience publique à une date qui a été notifiée aux parties et aux conseils. Ces derniers sont en droit d'être présents.
(B) Si elle juge l'accusé coupable de l'infraction et si à l'examen des preuves il est établit que l'infraction a donné lieu à l'acquisition illicite d'un bien, la Chambre de première instance le constate spécifiquement dans son jugement et peut ordonner la restitution de ce bien conformément à l'article 105 ci-après.
(C) Le jugement est adopté à la majorité et est motive par écrit dans les meilleurs délais possibles. Des opinions individuelles ou dissidentes peuvent être jointes.
Section 3 De la preuve
Article 89
Dispositions générales
(A) En matière de preuve, les règles énoncées dans la présente section s'appliquent à toute procédure devant les Chambres. La Chambre saisie n'est pas liée par les règles de droit interne régissant l'administration de la preuve.
(B) Dans les cas où le Règlement est muet, la Chambre applique les règles d'administration de la preuve propres à parvenir, dans l'esprit du Statut et des principes généraux du droit, à un règlement équitable de la cause.
(C) La Chambre peut recevoir tout élément de preuve pertinent quelle estime avoir valeur probante.
(D) La Chambre peut demander à vérifier l'authenticité de tout élément de preuve obtenu hors audience.
Article 90
Témoignages
(A) En principe, les Chambres entendent les témoins en personne a moins qu'une Chambre n'ordonne qu'un témoin dépose selon les modalités prévues à l'article 71.
(B) Avant de témoigner, tout témoin fait la déclaration solennelle suivante : "Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité".
(C) Un enfant qui. de l'avis de la Chambre, ne comprend pas la nature d'une déclaration solennelle, peut être autorisé à témoigner sans cette formalité, si la Chambre estime qu'il est suffisamment mûr pour être en mesure de relater les faits dont il a eu connaissance et qu'il comprend ce que signifie le devoir de dire la vérité. Un jugement, toutefois, ne peut être fondé sur un seul témoignage de ce type.
(D) Un témoin, autre qu'un expert, qui n'a pas encore témoigne ne doit pas être présent lors de la déposition d'un autre témoin. Toutefois, s'il a entendu cet autre témoignage, le sien n'est pas pour autant irrecevable.
(E) Un témoin peut refuser de faire toute déclaration qui risquerait de l'incriminer. La Chambre peut, toutefois, obliger le témoin à répondre. Aucun témoignage obtenu de la sorte ne pourra être utilisé par la suite comme élément de preuve contre le témoin, hormis le cas de poursuite pour faux témoignage.
Article 91
Faux témoignage sous déclaration solennelle
(A) De sa propre initiative ou à la demande d'une partie, la Chambre avertit le témoin de son obligation de dire la vérité et des conséquences pouvant résulter d'un faux témoignage.
(B) Si la Chambre a de bonnes raisons de croire qu'un témoin a sciemment et volontairement fait un faux témoignage, elle peut demander au Procureur d'examiner l'affaire en vue de préparer et de soumettre un acte d'accusation pour faux témoignage.
(C) Les dispositions de procédure et de preuve prévues aux chapitres quatre à huit du Règlement s'appliquent, mutatis mutandis. aux procédures visées au présent article.
(D) Un juge ayant siégé à la Chambre de première instance devant laquelle le témoin a comparu, ne peut connaître des procédures pour faux témoignage dont le témoin est l'objet.
(E) Le faux témoignage sous déclaration solennelle est passible d'une amende ne pouvant excéder 10.000 US dollars ou d'une peine d'emprisonnement de 12 mois maximum, ou des deux. L'amende est payée au Greffier, qui la verse au compte distinct visé au paragraphe (E) de l'article 77 ci-dessus.
Article 92
Aveux
Sous réserve du respect rigoureux des conditions visées à l'article 63 ci-dessus, l'aveu de l'accusé donné lors d'un interrogatoire par le Procureur, est présume libre et volontaire jusqu'à preuve du contraire.
Article 93
Ligne de conduite délibérée
(A) Les éléments de preuve permettant d'établir l'existence d'une ligne de conduite délibérée, dans laquelle s'inscrivent des violations sérieuses du droit international humanitaire au sens du Statut, sont recevables dans l'intérêt de la justice.
(B) Les actes qui tendent a démontrer l'existence d'une telle ligne de conduite font l'objet d'une communication a la défense par le Procureur, conformément a l'article 66.
Article 94
Faits de notoriété publique
La Chambre de première instance n'exige pas la preuve de ce qui est de notoriété publique, mais en dresse le constat judiciaire.
Article 95
Irrecevabilité des éléments de preuve du fait des procédés par lesquels ils sont obtenus
N'est recevable aucun moyen de preuve obtenu par des procédés qui entament fortement sa fiabilité ou dont l'admission irait à rencontre d'une bonne administration de la justice et lui porterait gravement atteinte.
Article 96
Administration des preuves en matière de violences sexuelles
En cas de violences sexuelles :
(i) Nonobstant les dispositions prévues au paragraphe (C) de l'article 90. la corroboration du témoignage de la victime par des témoins n'est pas requise :
(ii) le consentement ne pourra être utilisé comme moyen de défense lorsque la victime :
(a) a été soumise i des actes de violence ou si elle a été contrainte, détenue ou soumise i des pressions psychologiques ou si elle craignait de les subir ou était menacée de tels actes, ou
(b) a estimé ra iso nn ablement que, si elle ne se soumettait pas, une autre pourrait subir de tels actes, en être menacée ou contrainte par la peur ;
(iii) avant que les preuves du consentement de la victime ne soient admises, l'accuse doit démontrer a la Chambre de première instance siégeant à huis clos que les moyens de preuve produits sont pertinents et crédibles ;
(iv) le comportement sexuel antérieur de la victime ne peut être invoqué comme moyen de défense.
Article 97
Secret des communications entre avocat et client
Toutes les communications échangées entre un avocat et son client sont considérées comme couvertes par le secret professionnel, et leur divulgation ne peut pas être ordonnée à moins que :
(i) le client ne consente à leur divulgation : ou
(ii) le client n'en n'ait volontairement divulgué le contenu à un tiers et que ce tiers n'en fasse état au procès.
Article 98
Pouvoir des Chambres d'ordonner de leur propre initiative la production de moyens de preuve supplémentaires
La Chambre de première instance peut ordonner la production de moyens de preuve supplémentaires par l'une ou l'autre des parties. Elle peut de sa propre initiative citer des témoins à comparaître.
Section 4 Sentence
Article 99
Statut de la personne acquittée
(A) En cas d'acquittement, l'accuse est remis en liberté.
(B) Si, lors du prononcé du jugement, le Procureur fait part en audience publique de son intention d'interjeter appel conformément à l'article 108, la Chambre peut émettre un mandat d'arrêt contre l'accusé qui prend effet immédiatement sans préjudice des dispositions de l'article 108 ci-après.
Article 100
Procédure préalable au prononcé de la sentence
Après jugement de culpabilité, le Procureur et la défense peuvent présenter toutes informations pertinentes permettant à la Chambre de première instance de décider de la sentence appropriée.
Article 101
Peines
(A) Toute personne reconnue coupable par le Tribunal est passible de l'emprisonnement pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement a vie.
(B) Lorsqu'elle prononce une peine la Chambre de première instance tient compte des dispositions prévues au paragraphe (2) de l'article 23 du Statut, ainsi que :
(i) de l'existence de circonstances aggravantes :
(ii) de l'existence de circonstances atténuantes, y compris le sérieux et l'étendue de la coopération que l'accusé a fournie au Procureur avant ou après sa déclaration de culpabilité :
(iii) de la grille générale des peines d'emprisonnement telles qu'appliquées par les Tribunaux au Rwanda :
(iv) de la durée de la période le cas échéant, pendant laquelle la personne reconnue coupable avait déjà purgé une peine imposée à raison du même acte par une juridiction interne, en application du paragraphe (3) de l'article 9 du Statut,
(C) En cas de multiplicité des peines, la Chambre de première instance détermine si celles-ci doivent être purgées de façon consécutive ou si elles doivent être confondues.
(D) La sentence est prononcée en audience publique et en présence de la personne reconnue coupable sous réserve du paragraphe (B) de l'article 102 ci-après.
(E) La durée de la période pendant laquelle la personne reconnue coupable a été gardée à vue en attendant d'être remise au Tribunal ou en attendant d'être jugée par une Chambre de première instance ou la Chambre d'appel est déduite de la durée totale de sa peine.
Article 102
Statut du condamné
(A) La sentence emporte immédiatement exécution dès son prononcé conformément au paragraphe (D) de l'article 101 ci-dessus. Toutefois, dés notification d'appel, il est sursis a l'exécution de la sentence jusqu'au prononcé de la décision d'appel, le condamné restant néanmoins détenu comme prévu à l'article 64 ci-dessus.
(B) Si, conformément a une décision antérieure de la Chambre, le condamné est en liberté provisoire ou est en liberté pour toute autre raison, et n'est pas présent au moment du prononce du jugement la Chambre émet un mandat d'arrêt à son encontre. Lors de son arrestation, notification lui est alors donnée de la déclaration de culpabilité et de la sentence, après quoi il est procédé conformément à l'article 103 ci-après.
Article 103
Lieu d'emprisonnement
(A) La peine de prison est exécutée au Rwanda ou dans un État désigné par le Tribunal sur une liste d'États ayant indiqué leur volonté d'accueillir des personnes condamnées pour l'exécution de leur peine. Avant qu'une décision ne soit prise concernant le lieu de l'emprisonnement, la Chambre en notifie le Gouvernement rwandais.
(B) Le transfert du condamné vers cet Eut est effectué aussitôt que possible après expiration du délai d'appel.
Article 104
Contrôle de l'emprisonnement L'exécution de toutes les peines de prison est soumise au contrôle du Tribunal ou d'un organe désigne par lui
Article 105
Restitution de biens
(A) Après jugement de culpabilité contenant le constat spécifique prévu au paragraphe (B) de l'article 88. la Chambre de première instance doit, sur requête du Procureur, ou peut, de sa propre initiative, tenir une audience spéciale pour déterminer les conditions spécifiques dans lesquelles devra être restitué le bien en question ou le produit de son aliénation. La Chambre peut ordonner dans l'intervalle les mesures conservatoires qu'elle juge appropriées pour la préservation et la protection du bien et du produit de son aliénation.
(B) La décision de restitution s'étend au bien et au produit de l'aliénation du bien même s'il se trouve entre les mains de tiers n'ayant aucun rapport avec les infractions dont l'accuse a été reconnu coupable.
(C) Les tiers sont cites à comparaître devant la Chambre de première instance et ont la possibilité de justifier leur possession du bien ou du produit de son aliénation.
(D) Si la Chambre de première instance peut, a l'examen des preuves et de leur force probante, déterminer qui est le propriétaire légitime, elle ordonne la restitution à ce dernier du bien ou du produit de son aliénation, ou prend toute autre mesure qu'elle juge appropriée.
(E) Si la Chambre de première instance ne peut pas déterminer qui est le propriétaire légitime du bien, elle en informe les autorités nationales compétentes et leur demande de le déterminer.
(F) Après notification par les autorités nationales quelles ont procédé à cette détermination, la Chambre de première instance ordonne la restitution du bien ou du produit de son aliénation, selon le cas, ou prend toute autre mesure qu'elle juge appropriée.
(C) Le Greffier transmet aux autorités nationales compétentes les citations, les
ordonnances et les demandes rendues par une Chambre de première instance conformément aux paragraphes (C), (D), (E) et (F) du présent article.
Article 106 Indemnisation des victimes
(A) Le Greffier transmet aux autorités compétentes des États concernes, le jugement par lequel l'accuse a été reconnu coupable d'une infraction qui a causé des dommages a une victime.
(B) La victime ou ses ayants droit peuvent, conformément à la législation nationale applicable, intenter une action devant une juridiction nationale ou toute autre institution compétente, pour obtenir réparation du préjudice.
(C) Aux fins d'obtenir réparation du préjudice conformément au paragraphe (B) ci-dessus, le jugement du Tribunal est définitif et déterminant quant à la
CHAPITRE SEPTIÈME
L'APPEL
Article 107
Disposition générale
Les dispositions du Règlement en matière de procédure et de preuve devant les Chambres de première instance s'appliquent, mutatis mutandis. à la procédure devant la Chambre d'appel.
Article 108
Acte d'appel
(A) Sous réserve des dispositions du paragraphe (B), toute partie qui souhaite interjeter appel d'un jugement ou d'une sentence doit, dans les trente jours suivant son prononce, déposer auprès du Greffier et signifier aux autres parties l'acte d'appel, écrit et motivé.
(B) Ce délai est ramené à quinze jours pour les appels de jugements ayant rejeté une exception d'incompétence ou de décisions prises en application des articles 77 ou 91.
Article 109
Dossier d'appel
(A) Le dossier d'appel est constitué des éléments du dossier de première instance certifié par le Greffier, qui sont désignés par les parties.
(B) Dans les trente jours de la certification du dossier de première instance par le Greffier, les parties se mettent d'accord sur les éléments du dossier qui selon elles sont nécessaires a la décision d'appel.
(C) En cas de désaccord au terme de ce délai, l'appelant et l'intime disposent d'un délai de soixante jours a compter de la certification par le Greffier, pour désigner les éléments du dossier que chacun considère nécessaires à la décision d'appel.
(D) La Chambre d'appel reste libre de demander la transmission du dossier complet de première instance.
Article 110
Copies du dossier d'appel
Le Greffier fait autant de copies du dossier d'appel qu'il y a de parties et de juges en Chambre d'appel.
Article 111
Mémoire de l'appelant
Le mémoire de l'appelant comporte tous les éléments de droit et de fait. Il est déposé auprès du Greffier et est signifié à l'autre partie dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la certification du dossier.
Article 112
Mémoire de l'intimé
Le mémoire de l'intimé comporte tous les éléments de droit et de fait. Il est déposé auprès du Greffier et est signifié à l'autre partie dans un délai de trente jours à compter du dépôt du mémoire de l'appelant.
Article 113
Mémoire en réplique
L'appelant peut déposer un mémoire en réplique dans un délai de quinze jours à compter du dépôt du mémoire de l'intimé.
Article 114
Date d'audience
Après l'expiration des délais de dépôt des mémoires prévus aux articles III. 112 et 113 ci-dessus, la Chambre d'appel fixe la date d'audience et le Greffier en informe les parties.
Article 115
Moyens de preuve supplémentaires
(A) Une partie peut demander a pouvoir présenter devant la Chambre d'appel des moyens de preuve supplémentaires, dont elle ne disposait pas au moment du procès en première instance. Une telle demande doit être déposée auprès du Greffier et signifiée à l'autre partie au moins quinze jours avant la date fixée pour l'audience.
(B) La Chambre d'appel autorise la présentation de ces moyens de preuves, si elle considère que l'intérêt de la justice le commande.
Article 116
Report des délais
La Chambre d'appel peut faire droit a une demande de report de délais si elle le considère justifié.
Article 117
Procédure d'appel simplifiée
(A) Tout appel interjeté en vertu du paragraphe 108(B) fait l'objet d'une procédure simplifiée sur la base du dossier d'audience de la Chambre de première instance, sans qu'il soit nécessaire de déposer un mémoire.
(B) Les délais et autres formalités nécessaires sont fixés par le Président dans une ordonnance rendue soit à la demande de l'une des parties, soit de sa propre initiative si une telle demande n'est pas introduite dans les quinze jours suivant le dépôt de l'acte d'appel.
(C) Les articles 109 à 114 ne trouvent pas application dans le cas de cette procédure.
Article 118
Arrêt
(A) La Chambre d'appel rend son arrêt en se fondant sur le dossier d'appel, et le cas échéant, sur les nouveaux éléments de preuve qui lui ont été présentés.
(B) L'arrêt est adopté à la majorité et est motivé par écrit dans les meilleurs délais possibles. Des opinions individuelles ou dissidentes peuvent être jointes.
(C) Lorsque les circonstances le requièrent, la Chambre d'appel peut renvoyer l'affaire devant la Chambre de première instance pour un nouveau procès.
(D) L'arrêt est prononce en audience publique à une date qui a été notifiée aux parues et aux conseils. Ces derniers sont en droit d'être présents.
Article 119
Statut de l'accusé après l'arrêt d'appel
(A) En cas de condamnation, l'arrêt est exécutoire immédiatement.
(B) Si l'accuse n'est pas présent au jour du prononcé de l'arrêt, soit en raison de son acquittement en première instance, soit en raison d'une ordonnance prise conformément a l'article 65 ci-dessus ou pour toute autre cause, la Chambre d'appel rend son arrêt en son absence et ordonne son arrestation et sa mise à disposition du Tribunal, hormis le cas de l'acquittement.
CHAPITRE HUITIÈME
RÉVISION
Article 120
Demande en révision
S'il est découvert un fait nouveau qui n'était pas connu de la partie intéressée lors de la procédure devant une Chambre ou dont la découverte n'avait pu intervenir malgré toutes les diligences effectuées, la défense ou. dans l'année suivant le prononcé du jugement définitif, le Procureur peut soumettre à la même Chambre, dés lors qu'elle peut être reconstituée ou. à défaut, à la Chambre appropriée du Tribunal, une demande en révision du jugement.
Article 121
Examen préliminaire
Si la Chambre qui a statué sur l'affaire convient que le fait nouveau, s'il avait été établi, aurait pu être un élément décisif de la décision, la Chambre révise le jugement et prononce un nouveau jugement après audition des parties.
Article 122
Appel
Après révision, le jugement prononcé par la Chambre de première instance peut faire l'objet d'un appel conformément au chapitre 7 ci-dessus.
Article 123
Renvoi de l'affaire devant la Chambre de première instance
Si le jugement à réviser est frappé d'appel lors du dépôt de la demande en révision, la Chambre d'appel peut renvoyer l'affaire à la Chambre de première instance pour qu'elle statue sur la demande.
CHAPITRE NEUVIÈME
GRACE ET COMMUTATION DE PEINE
Article 124
Notification par les États
Si selon la législation de l'État sur le territoire duquel est incarcéré le condamné, ce dernier peut faire l'objet d'une grâce ou d'une commutation de peine, l'État en informe le Tribunal conformément à l'article 27 du Statut.
Article 125
Appréciation du Président
Le Président, au vu de cette notification, apprécie, en consultation avec les juges, et après notification adressée au gouvernement Rwandais, s'il y a lieu d'accorder une grâce ou une commutation de peine.
Article 126
Critères généraux d'octroi
Aux fins d'apprécier de l'opportunité d'une grâce ou d'une commutation de peine, le Président du Tribunal tient compte, entre autres, de la gravité de l'infraction commise, du traitement réservé aux condamnes se trouvant dans la même situation, de la volonté de réinsertion sociale dont fait preuve le condamné ainsi que du sérieux et de l'étendue de la coopération fournie au Procureur.