Rapport n° 212 (1995-1996) de M. Jean-Marie RAUSCH , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 14 février 1996

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N° 212

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 14 février 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l ' information,

Par M. Jean-Marie RAUSCH,

Sénateur.

(1 ) Cette commission est composée de MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, vice-présidents ; Gérard César, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Minetti, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Brave, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine. Léon Fatous, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Jacques Sourdille, André Vallet, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros

Assemblée nationale (10ème législ.) : 2358. 2487. 2502 et TA. 456.

Sénat 193 (1995-1996).

Communication

Mesdames, Messieurs,

Pour nombre d'observateurs, nous vivons aujourd'hui un de ces moments importants de l'histoire où une nouvelle forme de société tend à émerger des structures économiques et sociales autour desquelles la vie des hommes et des femmes d'un pays était organisée depuis longtemps. Tout comme la société industrielle est née de la société paysanne à l'aube du siècle précédent, en cette fin de millénaire, nos sociétés industrielles semblent entrées dans une période de mutation accélérée où commence à s'esquisser les contours de ce qu'on appelle, le plus souvent, la société de l'information.

Or, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui a pour vocation de fournir aux pouvoirs publics mais aussi à nos entreprises et, par certains aspects, à nos concitoyens les moyens d'information qui leur permettront d'orienter cette marche vers la société de communication. Il tend, en effet, à permettre d'expérimenter localement, et de manière restreinte, certains des outils qui paraissent destinés à jouer un rôle majeur dans le développement de la nouvelle économie qui s'annonce, à savoir : d'une part, les télécommunications à haut débit et les technologies novatrices de diffusion audiovisuelle qu'on désigne communément sous le nom d'autoroutes de l'information, ainsi que, d'autre part, une large gamme de services dits multimédias que ces autoroutes rendent possibles.

Ce texte a donc, de ce fait, une très forte portée symbolique.

Cependant, sa portée juridique demeure extrêmement limitée puisqu'il ne remet nullement en cause les principes sur lesquels sont actuellement fondés notre législation relative aux télécommunications et celle relative à la communication audiovisuelle.

II permet simplement d'y déroger d'une manière temporaire et selon des procédures rigoureuses afin que puissent être mises en oeuvre certaines des expérimentations les plus innovantes qui ont été proposées par les différents acteurs économiques ou locaux.

C'est pourquoi, avant de présenter en détail les dispositions du projet de loi, le présent rapport s'attachera tout particulièrement à décrire le contenu et les enjeux de la notion d'autoroute de l'information.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

CHAPITRE PREMIER - LA NOTION D'AUTOROUTE DE L'INFORMATION

Au sens le plus couramment accepté, une autoroute de l'information est un réseau de communication disposant d'une capacité de débit suffisant pour faire passer, sous une forme numérisée, en temps réel et, le cas échéant, de manière interactive, des messages sonores, des données informatiques, des textes et des images fixes ou animées.

Techniquement, le très haut débit étant indispensable dans le sens émetteur/utilisateur mais pas nécessairement dans le sens inverse, une telle autoroute peut être construite à partir de réseaux de satellites ou à partir de réseaux filaires comportant, pour partie au moins, un support en fibre optique. Cependant, le satellite offrant de très faibles capacités d'interactivité, il peut être comparé à une autoroute à sens unique. Aussi, en l'état actuel des techniques, les seules inforoutes à double sens pouvant être envisagées supposent l'existence d'un fil disposant d'une voie de retour et assurant le passage de larges flux de données numérisées.

Les initiatives prises, ces dernières années, en faveur du développement de telles infrastructures reposent sur la conviction que les progrès enregistrés dans le domaine des technologies de la communication, annoncent l'avènement d'un nouvel âge économique où la prospérité dépendra de l'aptitude à faire circuler rapidement des quantités volumineuses d'informations complexes.

1. UN CONCEPT NÉ DES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES OUVERTES PAR LES PROGRÈS DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

A. LA CONVERG E NCE DES PROGRÈS TECHNIQUES DANS LES DOMAINES DU CODAGE, DU TRAITEMENT ET DE LA TRANSMISSION DE L'INFORMATION

1. la généralisation de la numérisation

La numérisation est la traduction d'une information en langage binaire. Ce langage, qui utilise un alphabet à deux valeurs, 0 et 1, permet d'exprimer des messages complexes sous une forme élémentaire (à base de longues séries de 0 et de 1) assurant leur lecture et leur traitement par un ordinateur.

Depuis longtemps appliqué au texte, ce type de codage a été étendu à la voix (téléphone numérique), à la musique (CD audio) et à l'image de synthèse (dessin, jeux vidéo). Aujourd'hui, il est également possible de traiter de cette manière des images fixes et animées qu'elles soient en noir et blanc ou en couleur.

Le développement des techniques de numérisation permet donc, désormais, de transcrire, de manière identique, sous une forme informatique aisée à stocker et à traiter, tous les types d'informations, quelle qu'en soit la présentation : message sonore, texte écrit, image fixe, image animée.

Cette unification des techniques de gestion du signe entraîne un effacement des frontières existant entre les supports de documentation jusqu'alors différents : le livre, le disque, la photographie, le film. C'est-à-dire qu'un même support, dit multimédia (CD-Rom ou CDI) peut contenir un mélange de texte, de musique, de conversations enregistrées, de photos et de séquences cinématographiques. Cela signifie également qu'un même appareil (micro-ordinateur pour le CD-Rom ou télévision pour le CDI) peut permettre d'accéder à cet ensemble d'informations là où, hier, plusieurs étaient nécessaires.

Ceci devrait enfin entraîner un renouvellement de la conception, de la présentation et du contenu des produits concernés, mais aussi la création et le développement de nouveaux produits ou services dont la jeunesse de l'outil multimédia ne permet, aujourd'hui, d'avoir qu'une vue bien approximative. Il suffit, pour s'en persuader, de se rappeler ce qu'eurent comme conséquences les grandes inventions intervenues dans les secteurs concernés : le micro-ordinateur, la télévision, la radio, le cinéma, le téléphone et... l'imprimerie.

2. L'augmentation exponentielle de la puissance des ordinateurs

L'évolution vers la numérisation de tous les types de messages s'est longtemps heurtée aux limites des capacités informatiques. Si la dactylographie, d'une page de texte sur un ordinateur, mobilise quelque 20.000 unités de code numérique (ou bits), l'enregistrement des images qui composent une seconde de film vidéo réclame 27 millions de bits. Un rapport de 1 à 1.000 !

C'est, en définitive, le formidable accroissement de puissance des micro-processeurs -le moteur des ordinateurs- qui a engendré la banalisation du support numérique. La loi formulée de manière empirique, en 1965, par Gordon Moore (l'un des fondateurs d'Intel) s'est, en effet, constamment vérifiée depuis : à prix constant, la puissance des micro-processeurs (ou puces) double tous les dix-huit mois.

Cela signifie que, pour le prix d'un micro-ordinateur acquis en 1980, on pouvait acheter un équipement 4 fois plus performant en 1983, ce rapport passant à 16 en 1986, à 64 en 1989, à 256 en 1992 et à ...1.000 en 1995.

Pour les experts, il est probable que la loi de Moore va continuer à jouer pendant encore une vingtaine d'années. Si c'est le cas, dans quinze ans, à prix constant, un micro-ordinateur sera 1.000 fois plus rapide qu'aujourd'hui -un million de fois plus qu'en 1980 !- et, en 2016, un calcul qui réclame actuellement 24 heures de traitement durera à peine plus de 5 secondes.

Avant-hier, un super-calculateur aurait été nécessaire pour manipuler les informations numériques représentant une minute de film vidéo ; hier, c'était possible sur une grosse station de travail ; aujourd'hui, un microordinateur suffit ; demain, une calculette de poche y pourvoira...

3. Le développement des techniques de transmission

Numérisation de tous les types de messages, essor des capacités informatiques sont perçus comme annonciateurs d'une véritable explosion de la diffusion et de la consommation d'informations parce que ces évolutions s'accompagnent d'importants progrès dans les techniques de transmission : compression de données, numérisation de la chaîne de transmission, commutation temporelle asynchrone (ATM) et utilisation de la fibre optique.


• Il est certes très pratique de savoir tout convertir en représentations numériques mais -nous l'avons vu- le nombre de bits nécessaires au codage de la totalité d'une information complexe peut être considérable. Le stockage d'une heure et demie de film vidéo en réclame près de 2,5 milliards, l'équivalent de ce qui est nécessaire pour emmagasiner 150.000 pages de texte. De telles quantités de codes peuvent noyer la mémoire d'un ordinateur ou mettre un temps considérable à circuler entre ordinateurs.

D'où le caractère fondamental pour le traitement et la communication de données multimédia des techniques de compression dont, pour ce qui concerne l'image, la mise au point n'a abouti que récemment car les composants électroniques nécessaires aux programmes d'exécution étaient irréalisables auparavant. Fondées sur les théories du mathématicien Claude Shannon, ces techniques permettent d'identifier et d'éliminer, comme redondantes, toutes les données qui ne fournissent pas une information unique. Or, il y a beaucoup de redondances dans les images qui composent une seconde de film vidéo. Pour une retransmission, on peut compresser l'information de 27 millions de bits à 1 million...

Dominique Nora, dans son livre « Les conquérants du Cybermonde » relève d'une formule très expressive l'intérêt d'une telle opération : « Comme la déshydratation d'un jus d'orange pressée, la compression de données multimédia change considérablement l'économie de la matière première. Dans une bouteille de capacité donnée, vous pouvez transporter beaucoup plus de concentré que de jus frais... ».

Ainsi, dans le domaine de la télévision, la combinaison des techniques de numérisation et de compression va permettre de diffuser des dizaines de programmes là où un seul était transmis. Il devrait en résulter une explosion de l'offre.

Cependant, les progrès de la compression peuvent aussi avoir comme effet de revaloriser des supports de transmission très répandus, mais ne pouvant pas transporter de très hauts débits : les fils de cuivre qui composent la plus grande partie du réseau téléphoniques. D'ores et déjà, certaines technologies assurant de très fortes compressions de l'image permettent d'assurer la circulation de l'équivalent de six programmes de télévision en simultanée sur les fils du téléphone. En bref, grâce au « tassement » des données, on peut désormais faire passer de plus en plus d'informations dans des « petits tuyaux », sans avoir à en augmenter le diamètre ou à les remplacer par des « pipe-line ».

En d'autres termes, si les avancées technologiques enregistrées en ce domaine se poursuivent, on pourrait envisager parallèlement aux grandes inforoutes à hauts débits, la transformation à moindre coût des chemins vicinaux de l'information en voies expresses départementales pouvant répondre à beaucoup des demandes des particuliers.


• Parallèlement, on assiste au début de la numérisation de l'ensemble de la chaîne de transmission (de l'émission du signal à sa réception, en passant par sa commutation). Ceci permet d'éviter les distorsions, pertes d'information ou lenteurs d'acheminement qui résulteraient de la communication d'un volume important de données sur un mode analogique (qui transforme les informations en impulsions électriques et non en code informatique).

Alors que la transmission analogique est lente et susceptible de dégradation ou de parasitage en cours de manipulation, la transmission numérique assure la reconstitution du signal originel dans toute sa pureté.

Déjà, en France, le réseau Numéris offre cette continuité numérique, mais uniquement à bas débit.


La commutation temporelle asynchrone (ATM), conçue par le Centre national d'études des télécommunications (CNET), participe au premier plan à cette adaptation des techniques de transmission aux exigences des transferts multimédia.

Elle permet d'établir des liaisons à débit variable selon la demande, et de garantir la continuité du débit avec un retard acceptable pour les communications audiovisuelles. Énorme avantage, elle permet donc de traiter indifféremment des liaisons vocales, de données et audiovisuelles, et de commuter efficacement les signaux à très haut débit.

Adoptée en 1988 par la Comité consultatif international télégraphique et téléphonique, organisme de l'Union internationale des télécommunications chargé de la normalisation, cette technique n'est pas encore déployée dans l'ensemble des réseaux de télécommunications, mais des expérimentations ont eu lieu dans de nombreux pays, et en France dès 1993.

La même technique étant également proposée par les constructeurs d'informatique pour les réseaux locaux d'entreprise, on devrait ainsi obtenir pour la première fois une homogénéité technique entre les réseaux locaux informatiques et les réseaux publics de télécommunications.


• Quelles que soient l'efficacité des nouveaux modes de transmission et celle des programmes de compression, il n'en demeure pas moins que la circulation de produits multimédia sophistiqués sur un réseau ne peut s'envisager que si ce réseau peut débiter rapidement d'importants volumes d'information.

Pour fixer les idées, rappelons si, au sein d'un même foyer, deux téléviseurs fonctionnent simultanément pendant que l'un des membres de la famille opère une consultation multimédia, la sollicitation du réseau suppose un débit 1.000 fois supérieur à celle d'une télécopie et 10.000 fois supérieur à l'emploi du Minitel.

C'est pourquoi, le support de transmission le plus souvent associe aux autoroutes de l'information est la fibre optique. Ce fil de verre ou de plastique de quelques microns d'épaisseur où les signaux binaires se déplacent sous forme de lumière modulée présente en effet le double avantage :

- d'assurer la transmission du signal sur de très longues distances (80 kilomètres in situ) sans qu'il soit nécessaire d'en prévoir une régénération et une réamplification (au contraire de ce qu'imposent les câbles électriques) ;

- de réaliser des transmissions à très haut débit dans les deux sens (une seule fibre peut véhiculer simultanément 4.000 communications téléphoniques).

France Télécom a commencé à utiliser ce support au début des années 1980 pour ses réseaux international et national. L'opérateur l'a depuis étendu à son réseau régional. A la mi-1995, il avait installé un peu moins de 50.000 kilomètres de câble en fibre optique sur l'ensemble du territoire français.

L'opérateur national ne néglige pas pour autant l'hypothèse de l'introduction de la fibre optique dans ses réseaux locaux. En 1990, il a chargé le CNET d'une mission d'étude sur ce thème, baptisée Radôme. France Télécom a ainsi exploré les diverses contraintes technico-économiques associées à trois grands scénarios : la FTTC (Fibre To The Curb, fibre jusqu'au trottoir), la FTTB (Fiber To The Building, fibre jusqu'à l'immeuble) et la FTTH (Fiber To The Home, fibre jusqu'au domicile).

Les deux premières solutions sont les moins onéreuses, car elles permettent de desservir des groupes d'abonnés et de réduire ainsi les coûts. La fibre optique s'arrêtant soit en bas de l'immeuble soit au niveau du trottoir, le client accède ensuite aux équipements communs par un raccordement classique. Les grandes entreprises de la région parisienne connaissent déjà ce type de services avec le plan de « raccordement optique flexible » (ROF). C'est un programme d'envergure, mais sans commune mesure avec une décision qui consisterait à amener un câble optique dans tous les foyers. Dans ce dernier cas, les coûts seraient beaucoup plus importants.

B. L'ÉMERGENCE D'UNE INDUSTRIE DU MULTIMÉDIA

La généralisation de la numérisation et l'unification des « techniques de gestion du signe » qui en résulte, associée aux autres évolutions qui viennent d'être décrites, entraîne une disparition des clivages existant entre des métiers et des secteurs économiques jusqu'alors séparés. Ils tendent à se fondre dans un ensemble encore flou qu'on désigne communément sous le terme « multimédia ».

Cette industrie du multimédia est en voie de constitution. Elle a vocation à englober les entreprises de télécommunications, en possession du savoir-faire, du « contenant », et les entreprises de l'informatique, de 1'audiovisuel et de la communication, qui proposent des produits ou des prestations utilisant des réseaux électroniques, c'est-à-dire le « contenu ».

1. Les regroupements d'entreprises

Les cinq dernières années ont été marquées par l'apparition accélérée d'une nébuleuse presque planétaire d'alliances, constituées par le jeu de fusions-absorptions ou des prises de participation, entre les divers pôles industriels concernés. Ces alliances ont été motivées par la recherche de complémentarités entre des entreprises qui maîtrisent les technologies de la communication et celles qui offrent des services d'information.

Il ressort ainsi d'une étude de la société Apredia, dont les résultats ont été publiés en novembre 1995, que, si 15 accords avaient été conclus en 1993, 56 l'avaient été en 1994 et 141 l'ont été sur les seuls huit premiers mois de 1995.

Sans fournir la liste exhaustive de ces alliances, ont peut citer :

Microsoft/Intel/General Instrument
Microsoft/NBC
Walt Disney/ABC
Westinghouse/CBS
MCI/NewsCorporation
AT&T/NTT/Sony/Apple
AT&T/MCA/TimeWarner/3DO
Microsoft/TCI
Viacom/Paramount
US West/Time Warner
Time Warner/TBS (CNN)
Time Warner/TCI/Sega

On remarquera que les entreprises américaines sont omniprésentes dans ces alliances. Elles sont impliquées dans 72 % d'entre elles, alors que les Japonais n'y participent que pour 20 % et les Européens pour 42 %.

S'agissant de notre pays, on évoquera quelques partenariats : France Télécom/France Télévision ; Canal Plus/CLT 1 ( * ) / Bertelsmann/ Philips. On peut, de même, rappeler la prise de contrôle de Canal Plus par la Compagnie Générale des Eaux et la Société générale, ainsi que le lancement de Multivision par la Lyonnaise-Communication, France Télécom, la CLT et TF1. On peut, enfin, évoquer la confirmation, au début de février 1996, de l'alliance entre France Télécom, Deutsche Telekom et Sprint pour les services de télécommunications aux grandes entreprises. Mais on trouve aussi un consortium regroupant le français Thomson et Toshiba ainsi que Time Warner pour le développement du CD-Rom de grande capacité (DVD).

Ces alliances en série ne remodèlent donc pas seulement l'avenir des Américains, mais aussi le nôtre. Les participations croisées qui ont été prises depuis cinq ans, entre des secteurs industriels a priori aussi disparates que ceux qui viennent d'être cités, sont autant de signes esquissés sur la carte d'un futur incertain.

2. Un enjeu économique considérable

La cartographie que dessinent ces alliances révèle les lignes de force de ce que pourrait être une économie de multimédia. Les enjeux que recèle cette émergence sont, à la fois sur le plan planétaire et pour notre pays, considérables.

a) Sur le plan international, les services vont connaître l'expansion : du téléloisir au télétravail

Beaucoup d'observateurs estiment qu'avec des réseaux à « large bande », trois grandes catégories de services sont promis à un fort développement : la télévision interactive, le télé-dialogue, la télé-consultation de données.


La télévision interactive

Susceptible d'attirer des millions de consommateurs au prix d'investissements physiques peu importants, la télévision interactive peut être, à l'heure actuelle, considérée comme un des axes du développement des services multimédias.

Selon une étude réalisée en 1994, les dépenses des prestataires de télévision interactive en Europe passeraient, de 1995 à 2005, de 649 millions de dollars à 11,4 milliards de dollars pour un revenu qui passerait, dans le même temps, de 120 millions de dollars à 13,1 milliards de dollars.

La télévision interactive permet trois services distincts, dont certains sont déjà familiers aux Français :

- la télévision à la carte ou télévision à paiement à la séance, qui consiste à diffuser « en boucle » les programmes, le téléspectateur se connectant quand il le souhaite. En France, c'est le « Visiopass » ;

- la vidéo à la demande, où le spectateur choisit sur catalogue un programme qui lui est diffusé à l'heure qu'il souhaite ;

- le dialogue avec les téléspectateurs, grâce auquel ceux-ci pourront, en temps réel, en direct, dialoguer avec l'animateur. Le câble vidéo, associé à une caméra filmant le téléspectateur, permettra ce dialogue dont le principe existe déjà sur les chaînes françaises avec des moyens téléphoniques.


• Le télédialogue
: du forum à l'entreprise virtuelle ?

En dehors de toute intervention des chaînes de télévision, les réseaux électroniques ouvrent de nouvelles formes de dialogue entre les hommes :

- les jeux entre un ou plusieurs utilisateurs et un serveur, sur la base d'un logiciel, sont une forme de ce dialogue ;

- le télédialogue ou télécourrier permettra l'échange de textes, d'images, de sons ou de données informatisées (EDI), constituant, progressivement, un forum de discussion.

Sur cette base, peuvent se constituer de véritables entreprises « virtuelles », regroupant des employés voire des apporteurs de capitaux ou de savoir-faire, dont l'implantation géographique pourra n'être matérialisée nulle part, à l'exception de la boîte postale de leur siège social. Ces entreprises, à l'instar de ce que l'on constate déjà sur Internet, peuvent être fugaces, se constituant pour un objet conjoncturel et se défaisant dès que celui-ci sera atteint. Existant déjà au niveau de la PME, elles sont parfois transnationales. Demain, elles pourraient être de grande taille et de dimension planétaire.


La téléconsultation de données : les téléservices

Les autoroutes de l'information offriront les services « en ligne », que sont les services de consultation de banques de données, de textes, d'images, de films, de bandes musicales, ou de services commerciaux : téléachat, télémarketing, services de réservation, renseignements touristiques -éventuellement avec visionnage des sites-, livraison à domicile, banque à domicile, services transactionnels divers.

Une des applications les plus attendues est la prestation de services éducatifs ou culturels (visite de musées, consultation de catalogues, visionnage d'oeuvres d'art, etc.). Des expérimentations s'appuyant sur le présent de loi sont, d'ailleurs, envisagées en ce domaine. Les éditeurs français ont commencé à se lancer dans la conception de programmes (Hachette, Larousse, Bordas....) parfois en recourant à l'image de synthèse ou image virtuelle.

Une étude commandée par le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et réalisée en 1993-1994 à partir des données du BIPE, de l'INSEE et de l'IDATE a présenté des prévisions de croissance des téléservices français, qui sont rassemblées dans le tableau ci-après.

LA CROISSANCE PRÉVISIBLE DES TÉLÉSERVICES EN FRANCE

Selon le consultant Big Stratégic Decisions, la progression des téléservices en Europe -dont 70 % concernent la téléphonie vocale- devrait se maintenir à hauteur de 7 % l'an jusqu'en 1998, année au cours de laquelle ces services représenteraient quelque 200 milliards de dollars.

b) Sur le plan national : l'aménagement du territoire devra accompagner l'essor industriel et l'équipement des ménages


• L'enjeu que représente, en termes d'ingénierie civile et de coût, le câblage en fibre optique est d'importance.

Le réseau national français comportait, à la mi-1995, environ 17.000 km de câbles en fibre optique ; à la fin de 1996, il en comptera 21.000 km. Dans les réseaux régionaux, 30.000 km de câbles existent ; il devrait en exister 80.000 km en l'an 2000. Au total, France Télécom prévoit d'installer, entre 1995 et 1999, quelque 200.000 km de câbles en fibre optique.

Il a été estimé que le câblage (ou le re-câblage) de tous les Français en fibre optique coûterait au minimum 150 milliards de francs.


• Deuxième enjeu au niveau national : l'équipement des ménages en matériels et services multimédia.

Il faut savoir qu'au 31 novembre 1995, on ne comptait qu'un million huit cent mille abonnés au câble, y compris les abonnements collectifs. On ne comptait, de même, que 570.000 lecteurs de CD-Rom et que 300.000 foyers équipés d'un ordinateur bénéficiant d'une configuration multimédia.

Potentiellement, le développement du marché français est loin d'être négligeable si on le rapproche du nombre d'abonnés au téléphone (31,6 millions) et du nombre de récepteurs de télévision (23,2 millions).

Selon le BIPE, dans les cinq années à venir, le parc français de micro-ordinateurs sera de 5 millions d'unités (soit 25 % des foyers), dont 80 % seront équipés d'un CD-Rom et 25 % d'un modem.

En outre, des produits nouveaux vont se substituer aux traditionnels téléviseurs : décodeurs de télévision par satellites (DSS), compact-disques interactifs (CDI, CD photo), décodeurs numériques, lecteurs de DVD (c'est-à-dire de CD-Rom de très grande capacité) et mini CD-Rom. A ce niveau, se livrent actuellement d'importantes batailles entre les constructeurs d'ordinateurs individuels et les constructeurs de téléviseurs.


• Mais l'essor industriel et l'équipement des ménages vont devoir être accompagnés d'une vigilante politique d'aménagement du territoire.

L'équipement à réaliser pour le maillage de notre territoire en réseaux électroniques de grande capacité peut, d'une certaine façon, se comparer à ce qui a été fait, dans notre pays, dans la seconde moitié du XIXème siècle pour la construction des lignes de chemins de fer. L'enjeu et ses conséquences prévisibles sont considérables.

On notera que l'article 20 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire -qui sera analysé par ailleurs- a fixé un cadre général à la préparation de cet équipement. Si les commentateurs s'accordent pour estimer qu'en 2005, toutes les villes de 10.000 habitants et plus devront être raccordées à de la fibre optique, la question est, en effet, de savoir quel sera le taux de raccordement des villes moyennes et petites et de l'espace rural.

3. Des estimations positives mais limitées pour l'emploi

Les autoroutes de l'information créeront des emplois : c'est un espoir. Elles en supprimeront : c'est une inquiétude. Des secteurs économiques comme la presse, l'édition, l'imprimerie, la poste, les télécommunications, l'enseignement sont en cause.

* Le télétravail, né de la rencontre du téléphone, du fax et du micro-ordinateur va -du moins peut-on le penser- connaître un essor grâce aux autoroutes de l'information.

L'application la plus répandue est le travail à domicile. Une enquête réalisée en 1994 a montré que 43 % des Américains effectueraient une partie de leur travail chez eux. Dans notre pays, la situation du télé-travail est plus modeste mais beaucoup considèrent qu'elle devrait croître. Le travail féminin, des mères de famille notamment, devrait en être facilité.

La sous-traitance devrait être stimulée, donnant lieu à la création de multiples petites et moyennes industries ou entreprises, notamment en matière de standard téléphonique, de comptabilité, de surveillance, de maintenance, de secrétariat voire même de consultation, de contrôle de gestion, d'audit.

Enfin, le télé-travail devrait permettre une certaine relocalisation d'emplois. 158.000 emplois seraient concernés à l'horizon 2005. De ce point de vue, le télé-travail pourrait constituer un outil de reconquête du territoire, ainsi que l'a montré la Mission sénatoriale d'information sur l'aménagement du territoire 1 ( * ) . On notera cependant que le rapport au ministre de l'Intérieur déjà évoqué sur les téléservices en France affirme : « Lorsqu'il n'y a pas de volonté affichée d'avoir un impact sur l'aménagement du territoire, les téléservices ont plutôt tendance à s'installer en zones urbaines » 1 ( * ) .

Par ailleurs, dès lors qu'il rendra possible une délocalisation de l'activité, le télé-travail pourrait aboutir à de nouvelles dénationalisations d'activités au profit de pays à faible coût de la main d'oeuvre.

Les effets éventuellement néfastes du télé-travail ne doivent donc pas être négligés.

* La mondialisation de l'offre et des marchés qu'impliquent les téléservices aura, enfin, un effet sur l'emploi. Cet effet sera toutefois limité.

Selon le rapport, déjà cité, sur « Les téléservices en France » 2 ( * ) , les emplois créés grâce au développement des téléservices pourraient, au mieux, atteindre 90.000 à l'horizon 2005 et les emplois supprimés pourraient atteindre, au pire, 30.000 dans le même délai. On voit que l'impact de l'évolution reste relativement modeste sur la décennie à venir.

L'emploi, selon le même rapport, serait créé par des offres à relativement faible valeur ajoutée. Les applications comme le téléenseignement et la télémédecine ne devraient avoir que des impacts marginaux en termes d'emploi.

C. UN PROJET FORMULÉ OUTRE-ATLANTIQUE

1. Une image simple à usage de campagne électorale

Si l'actuel Vice-Président des États-Unis, Al Gore, n'est pas le père du concept que recouvre l'expression « d'autoroutes de l'information », il est sans conteste celui de ses promoteurs qui a su en assurer le succès médiatique.

Il a popularisé la formule, à l'automne 1992, au cours de la dernière campagne présidentielle américaine, pour illustrer auprès des électeurs sa proposition d'entreprendre la conquête d'une « nouvelle frontière » : celle de l'information, à l'image du défi spatial que John Kennedy avait décidé de relever en 1961.

Derrière le projet, il y a la conviction que la mise en place d'un système de transport de l'information à haut débit -permettant notamment de connecter les foyers et les entreprises américaines aux millions d'ordinateurs stockant et traitant des masses considérables de données- aura un impact équivalent, sur le développement économique et social des États-Unis, à celui des investissements publics dans les infrastructures de transport au 19e siècle.

Le nom retenu aurait, d'ailleurs, été choisi par référence à la construction, engagée à l'époque d'Eisenhower, du réseau des autoroutes inter-États qui maille aujourd'hui l'ensemble du territoire américain.

2. Une réalité plus subtile

La métaphore routière est parlante. A preuve, son succès ! Elle n'est pas non plus sans pertinence. Il s'agit bien de construire un nouveau réseau de communication.

Cependant, elle ne reflète que partiellement l'idée qu'elle recouvre. Elle suggère, en effet, une géographie et une nécessité de déplacement. Or, le réseau dont il est question a pour première caractéristique d'éliminer les distances. Il permet, indifféremment, la connexion à un ordinateur situé dans l'immeuble d'en face ou à un autre installé aux antipodes.

Bill Gates, le Président-Directeur général de Microsoft, parle plutôt de « système d'information au bout des doigts » pour souligner que le changement fondamental induit par un réseau multimédia réside davantage dans le service que dans l'infrastructure.

Dans son dernier ouvrage, « La route du futur », il avance le terme de « marché ultime », exprimant sa conviction que ce réseau multimédia deviendra « le grand magasin planétaire », « l'endroit où les animaux sociaux que nous sommes vendront, négocieront, investiront, marchanderont, choisiront, débattront, flânerons, se rencontreront ». Et il exhorte : « Quand vous entendez « autoroutes de l'information », ne pensez pas route, mais plutôt place ou Bourse. Imaginez la foule remuante de Wall Street ou d'une foire aux bestiaux. Ou bien une librairie remplie de clients en quête d'informations et d'histoires palpitantes. ».

Cette dernière image rend, sans doute, mieux compte que celle d'Al Gore de ce qui fascine aujourd'hui les « Internautes », les utilisateurs d'Internet, la préfiguration de ce que pourrait être le futur réseau multimédia planétaire.

3. Une préfiguration : Internet

Internet constitue, en effet, le plus vaste maillage informatique existant. Ce « réseau de réseaux » est, en quelque sorte, à la fois brouillon et architecture des futures autoroutes de l'information.


Naissance et croissance de la « planète Internet »

En 1969, quelques jeunes scientifiques américains, commandités par l'Agence pour les projets de recherche avancée du Pentagone (ARPA), ont cherché un moyen de relier entre eux les ordinateurs de recherche des grandes universités américaines.

En pleine guerre froide, les États-Unis cherchaient ainsi à bâtir une infrastructure de communication capable de résister à une déflagration nucléaire.

C'est ainsi qu'est né le réseau Arpanet, financé par l'ARPA.

Mais, loin de ne servir qu'aux échanges scientifiques, le réseau est vite devenu un moyen de communication à part entière, les chercheurs ayant rapidement commencé à l'utiliser comme système de messagerie électronique pour s'envoyer des correspondances.

Il a ensuite été étendu à un certain nombre de pays étrangers. La connexion de normes très différentes a nécessité la mise en place d'un ensemble de protocoles de transmission et de routage, conçus par Vinton Cerf, qualifié pour cette raison de « père » d'Internet.

Ce système est caractérisé par « une grande faculté d'adaptation technologique, l'inter-opérabilité entre des systèmes hétérogènes, ainsi qu'un mode de transmission assez robuste pour continuer à fonctionner, même en cas de rupture de certaines liaisons » 1 ( * ) .

Comme l'explique Dominique Nora 2 ( * ) , « chaque message est en réalité coupé en petits paquets de moins de 2.000 caractères, qui peuvent emprunter des voies différentes (réseaux câblés, téléphoniques ou informatiques, ondes satellitaires) avant de venir se reconstituer sur le disque dur du destinataire final. Si, pour une raison ou pour une autre, le chemin le plus direct est interrompu, ces lots de données sont automatiquement réaiguillés sur des itinéraires alternatifs. Si bien que l'Internet se trouve parfois être la seule voie de communication fiable vers une région coupée du monde : par exemple Moscou, pendant le coup d'État d'août 1991, ou Los Angeles, après le tremblement de terre de février 1994 ».

C'est, en fait, à partir de 1986 que l'on a mesuré l'étendue des potentialités commerciales que recèle Internet et que le monde des affaires a commencé à s'y intéresser.

Depuis, le nombre d'utilisateurs connaît une progression exponentielle : + 10 % par mois en 1994.

D'une infrastructure militaro-scientifique héritée de la guerre froide, Internet est ainsi devenu, en deux décennies, un ensemble de plus de 35.000 réseaux, reliant quelque 3,5 millions d'ordinateurs hôtes et probablement plus de 30 millions d'usagers dans une centaine de pays.

Depuis 1988, le Net double chaque année le nombre de ses utilisateurs et de ses réseaux ainsi que le volume de son trafic. Si cette tendance se maintient, c'est 180 à 200 millions d'ordinateurs qui pourraient se connecter sur le réseau à la fin de l'année 2000, c'est-à-dire 600 à 700 millions de personnes. Aucune technologie électronique mise à la disposition des consommateurs ne s'est développée aussi rapidement dans le passé.


Une véritable « toile d'araignée mondiale »

En fait, le véritable facteur d'explosion d'Internet réside dans la popularité de l'un de ses sous-réseaux : le « World Wide Web », qui a été développé en 1992 et a commencé à se répandre dans le réseau en 1993.

L'idée de base du « web » est de tisser des liens entre les serveurs électroniques du monde entier. Il permet à l'usager de naviguer de façon très simple entre des dizaines de milliers de sites, rattachés les uns aux autres par des liens « hypertexte ».

La meilleure image pour se le représenter serait celle d'une « toile d'araignée mondiale », qui présenterait comme caractéristique novatrice la possibilité donnée à chacun d'être à la fois un consommateur et une source d'informations.

Le web repose sur trois concepts principaux : la navigation par « hypertexte », le support multimédia et l'intégration des services préexistants.

Comme l'explique Christian Huitema 1 ( * ) « L'organisation d'un document en « hypertexte » permet d'informatiser ce processus (de recherche itérative de l'information). Certains des mots peuvent être marqués comme des « clefs d'accès ». Quand on lit un paragraphe contenant une de ces clefs d'accès, il suffit de cliquer sur le mot correspondant pour en afficher la définition, pour continuer la lecture à la page où le mot est défini. Le web est organisé autour de ce concept. Quand on conçoit une « page web », on peut marquer certains mots comme des clefs d'accès et y associer un pointeur vers une autre page. L'autre page n'est pas tenue d'appartenir au même livre, au même serveur.

(...)

L'utilisateur du web navigue de page en page et peut ainsi parcourir l'Internet.

(...)

Le web permet des mises en pages sophistiquées. On peut organiser le texte en listes et paragraphes, insérer titres et sous-titres. On peut aussi y insérer des images et des illustrations sonores, réalisant ainsi des documents « multimédias ». On peut associer des pointeurs vers d'autres pages non seulement aux mots du texte, mais aussi aux images, voire à un morceau de ces images.

(...)

On peut aussi s'en servir pour charger des documents préexistants, par exemple des fichiers contenant des textes déjà mis en pages, des images, voire des séquences vidéo. Les dialogues entre clients et serveurs du web permettent en effet aux serveurs de signaler le « type de contenu » de la « page » accédée, en utilisant d'ailleurs exactement les mêmes codages que MIME, l'extension multimédia de ta messagerie. Pour utiliser le web, il faut activer un programme, comme par exemple Mosaic ou Netscape. Quant le client « clique sur un pointeur », ce programme envoie une requête au serveur. Si le type de contenu fait partie de ceux qui, comme le texte, les images ou le son, ont été « pré-programmés », le programme se charge lui-même de les « présenter », c'est-à-dire de les écrire, de les dessiner ou de les jouer. Sinon, si par exemple il s'agit d'une séquence vidéo, on la recopiera dans un fichier puis on appellera un autre programme pour la jouer à l'écran.

Cette capacité à traiter des documents multimédias explique pour une large part le succès du web. Mais la vitesse avec laquelle ce système s'est déployé dans l'Internet s'explique aussi par sa capacité à intégrer des services préexistants. Chacun de ces services (...) a sa propre structure de dialogue, son propre protocole d'accès. En principe, ces protocoles sont incompatibles ». Pour Christian Huitema, essayer de les brancher entre eux, c'est un peu comme : « essayer de parler hébreu à un chinois. On aura de la peine à communiquer. Mais heureusement, les protocoles d'échanges sont plus faciles à apprendre à un ordinateur que l'hébreu ou le chinois. On peut donc facilement programmer un logiciel d'accès au web pour qu'il parle plusieurs langues (...). Cela va permettre de créer des pages web qui pointent non seulement vers des serveurs web, mais aussi vers des serveurs de news, de fichiers ou de documents ».

C'est ce qu'on appelle l'inter-opérabilité ou la connectivité universelle, qui explique le succès d'Internet.

Il s'agit là d'un véritable forum de l'échange électronique, que Dominique Nora décrit ainsi :

« Les réseaux de proximité comme ECHO -en français « babillard » pour traduire le Bulletin Board System américain- ne sont que les petits « villages » d'une véritable planète de l'échange électronique. Aux États-Unis, ce mode virtuel de la communication par ordinateur, cet « au-delà de l'écran » immatériel, a un nom : le cyberspace. Le cybermonde forme à présent un univers à part entière. Il a sa matrice : l'Internet, ou réseau des réseaux, qui relie une trentaine de millions de personnes dans le monde entier. Il a ses nombreuses mégalopoles : la demi-douzaine de grandes banques de données commerciales comme Prodigy, Compuserve ou America Online totalisant mi-1995 plus de 7 millions d'abonnés. Il a, enfin, ses innombrables petits villages ou babillards comme ECHO. Les États-Unis en compteraient, à eux seuls, 45.000, soit 12 millions d'utilisateurs réguliers.

Mais, qu'ils conversent sur Internet, sur America Online ou sur ECHO, les membres d'un même groupe développent un tel sens d'appartenance qu'ils forment une véritable « communauté virtuelle », défiant souvent les contraintes de la géographie et des fuseaux horaires ».


• L'avenir de la « cyberaventure »

Géant décentralisé, présentant les avantages de la flexibilité, d'une large diffusion et d'un faible coût, Internet pourrait, selon M. Gérard Théry 1 ( * ) , « devenir, après amélioration, le vecteur américain prioritaire des autoroutes de l'information, avec le bénéfice d'une implantation internationale et d'une avance concurrentielle en termes de services et d'équipements ».

D'aucuns craignent cependant que cette sorte de « mémoire universelle » ne soit l'outil d'une société globale, voire totalitaire, du type « Big Brother ».

Mais, le caractère décentralisé du réseau prémunit contre tout excès de cette nature, puisqu'aucune autorité centrale ne gouverne Internet, qui n'est à proprement parler dirigé par aucune « tête ».

Il est pourtant vrai que les avantages d'Internet marquent aussi ses limites. Certains risques sont ainsi dénoncés, qui tiennent au non respect de la vie privée, à la propagation de la pornographie, du terrorisme, voire à la possible atteinte à la sécurité de l'État, dans la mesure où le Net ne comporte aucun système de sécurité. On sait, en effet, par exemple, que les réseaux informatiques du Pentagone ont été infiltrés.

En outre, son mode de fonctionnement coopératif, la complexité des moyens de facturation disponibles en font encore un réseau mal adapté à la fourniture de services commerciaux. Sans compter qu'il n'existe pas d'annuaire de ses utilisateurs ou des services proposés. En 1993, le chiffre d'affaires mondial qu'il engendrait ne correspondait qu'au douzième de celui du Minitel.

Cependant, son succès témoigne de la naissance, certes quelque peu anarchique, d'un monde riche de perspectives prometteuses.

Avec un chiffre d'affaires estimé à 500 millions de francs en 1994, le marché démarre à peine. Internet est aujourd'hui considéré comme une source de revenus potentiels considérables.

On peut d'ailleurs observer que nombre de personnes passent d'un comportement de crainte à une attitude très constructive à l'égard du réseau.

Selon M. Gérard Théry, Internet est un « instrument déterminant de structuration des initiatives en matière industrielle et de services ».

Les militants du « cybermonde » ne pourraient-ils pas avoir raison quand ils pronostiquent que, au début du 21e siècle, « il sera aussi ridicule d'être dépourvu d'adresse électronique que de ne pas posséder aujourd'hui de numéros de téléphone ! » 1 ( * ) ?


La nouvelle donne française

La France doit donc prendre sa place dans le monde Internet.

Conscient des enjeux, M. François Fillon, Ministre des technologies de l'information -et lui-même cybernaute...- en a fait une de ses priorités.

C'est dans ce contexte que France Télécom vient d'annoncer deux mesures très positives :

- l'ouverture d'un kiosque Internet qui, s'appuyant sur le savoir-faire en matière de Minitel, permettra à tous de « surfer sur le Net » au tarif téléphonique local (soit un maximum de 73 centimes pour 3 minutes), quelque soit la provenance de l'appel. Le kiosque rémunérera les fournisseurs d'information à la durée. Il s'agit là d'une excellente mesure en matière d'aménagement du territoire, puisqu'antérieurement dans les zones ne disposant pas d'un point d'accès à Internet -et c'était le cas de la plupart des zones rurales- l'utilisation du « réseau des réseaux » se faisait au prix des communications interurbaines ;

- l'extension de l'annuaire électronique à Internet. On disposera ainsi d'un annuaire unique incluant l'adresse électronique, à côté des numéros de téléphone et de télécopie.

Certes des incertitudes demeurent sur :

- le rythme de croissance d'Internet en France. Le prix du service complet restera, en effet, élevé en raison de la facturation à l'unité de communication, alors que pour un abonnement d'une quinzaine de dollars par mois, un américain peut faire partie du monde des « Internautes »... ;

- les risques de saturation des fournisseurs d'accès à Internet.

Quoiqu'il en soit, il faut être conscient qu'Internet n'est pas un simple phénomène de mode, chacun -administrations, universités, entreprises...- voulant afficher sa « cyberdevanture ». II s'agit véritablement d'une préfiguration de ce que seront les autoroutes de l'information.

Il est certain, comme le dit Gérard Théry, qu'Internet ne saurait « dans le long terme, constituer à lui tout seul, le réseau d'autoroutes mondial ».

Mais il est, de façon certaine, le précurseur dans ce domaine et il prouve « qu'il existe une demande fortement croissante pour un réseau universel capable de véhiculer des informations de toute nature, et en particulier du multimédia ».

4. Des incidences sociales encore difficilement évaluables

En dépit des premières illustrations données par le fonctionnement d'Internet, les incidences des autoroutes de l'information dans la sphère du social ne peuvent encore qu'être ébauchées ou soupçonnées. Certains commentateurs assurent toutefois que les conséquences culturelles, à l'échelle de la civilisation, des autoroutes de l'information pourraient être aussi importantes que celles de l'invention de l'imprimerie. La tentative d'inventaire qui suit doit donc être considérée comme relevant plus de la mise en ordre d'interrogations éparses que d'une description scientifique.


• Le concept de l'entreprise et le droit du travail, la fiscalité des entreprises
seraient fragilisés. A la limite, conserveraient-ils un sens, s'agissant d'entreprises virtuelles, fugaces, aux personnels délocalisés et aux prestations peu saisissables dans leur matérialité ? Quelle signification conserveraient des notions aussi essentielles de notre droit que : siège social, immobilisations, bénéfice consolidé ?

Ne va-t-on pas vers une redéfinition de la notion de temps de travail si se multiplient télé-travail et travail mixte ? Enfin, quelle place va tenir l'ergonomie, c'est-à-dire l'aménagement des postes de travail dans l'évolution du droit du travail et des négociations professionnelles ?


Le droit de la propriété intellectuelle, le droit de la presse et de l'édition pourraient, de même, être profondément déstabilisés. Quelle signification aurait l'interdiction de vente d'un livre sur le territoire national si on peut le lire en empruntant les autoroutes de l'information ?

Va-t-on, comme l'avancent certaines Cassandre, vers une culture hégémonique ? Peut-on parler d'un risque de « canonnière culturelle » 1 ( * ) ?

Comment pourront-être perçus des droits d'auteur si aucun organisme de contrôle -au niveau mondial- ne s'assure de leur mise en jeu ? On imagine les effectifs humains nécessaires à un tel contrôle.

Comment protéger l'enfance contre l'agression des images ou de logiciels à caractère violent ou pornographique ? Comment interdire la circulation d'images ou de logiciels de caractère raciste, ou incitant à la violence ?


Le concept de « défense tous azimuts » qui est celui de notre pays depuis plus de trente ans va devoir intégrer les potentialités de contournement que recèlent les autoroutes de l'information. La gestion médiatique des crises conduites par nos dirigeants politiques comme militaires devra désormais les prendre en compte en temps réel. Les techniques débrouillage, de masque, de leurre conservent-elles un sens dans un tel paysage ? Les règles de la censure militaire conservent-elles une logique ?


L'urbanisme pourrait, à plus long terme, être affecté, selon les plus imaginatifs des commentateurs, par les autoroutes de l'information.

D'aucuns s'attendent à ce qu'une partie de la population active soit tentée, une nouvelle fois, de rester groupée dans les centres-villes ou les quartiers d'affaires plus aisément desservis par la fibre optique.

Pour d'autres, à l'inverse, la concentration des citoyens actifs dans des immeubles voir groupes d'immeubles à usage de bureaux deviendrait moins nécessaire, du fait de la diffusion multimédia, et le marché de l'immobilier de bureaux pourrait, selon les plus pessimistes, en être affecté durablement à la baisse.

Pour la plupart, en tout état de cause, les nonnes de construction des immeubles devraient être sensiblement modifiées.


L'exclusion sociale constitue, pour finir, un risque. Après l'illettrisme, l'inadaptation à l'informatique et à la télématique pourrait être un facteur d'exclusion. Pour maintenir la cohésion sociale, une réflexion sur notre appareil d'enseignement, de formation professionnelle et d'apprentissage au regard des inforoutes s'imposerait.

5. Des interrogations sur la rentabilité

Les perspectives ouvertes par Internet ne peuvent que fasciner et, par là-même, renforcer l'intérêt pour la généralisation de réseaux large bande assurant l'accès dans les meilleures conditions au « Nouveau Monde » des services électroniques en ligne.

Cependant, la rentabilité des investissements considérables que réclamerait la construction de telles infrastructures n'est pas sans susciter certaines interrogations.

Ainsi, une étude publiée à la fin de l'an dernier par le cabinet américain Mercer Management Consulting estime, après une analyse du marché multimédia pour le grand public aux États-Unis, que : « La forte demande des consommateurs pour le marché à large bande ne sera probablement pas suffisante pour couvrir l'énorme investissement des industriels dans les nouveaux réseaux ».

Principal problème mis en lumière par cette étude : la vitesse de pénétration des nouveaux produits et services dans les foyers a fortement diminué. Alors que plus de la moitié des foyers américains étaient équipés en télévision ou en radio moins de dix après le lancement de ces produits, vingt-cinq ans après le lancement des réseaux de télévision par câble, le nombre d'abonnés dépasse à peine les 10 %. Ce phénomène se répercute donc sur le taux de croissance du marché des services multimédias. Selon l'étude citée, évalué à 60 milliards de dollars (300 milliards de francs) actuellement, ce marché n'atteindrait que 101 milliards de dollars en 2010, tandis que les analyses financières traditionnelles considèrent le plus souvent qu'il pourrait s'élever à cette date entre 140 et 190 milliards de dollars. La différence est de taille !

Autre enseignement intéressant de l'enquête du cabinet Mercer : le souhait principal des consommateurs porte sur les services de vidéo à la demande. Or, si la fourniture de tels services n'appelle pas d'investissements financiers importants, elle ne réclame pas, non plus, le développement d'infrastructures sophistiquées.

Par ailleurs, selon les auteurs, les principales conclusions de l'étude sont, en partie, transposables en Europe.

De ce point de vue, le rapport présenté, le 9 janvier dernier, au Conseil économique et social par M. Raphaël Hadas-Lebel donne, de ce côté-ci de l'Atlantique, un écho aux conclusions du cabinet américain.

Dans ce rapport consacré aux effets des nouvelles technologies sur la télévision de demain, l'auteur conclut :

« Notre hypothèse est que le rythme des changements du secteur audiovisuel, ainsi que ses modalités -triomphe de l'ordinateur interactif ou de la télévision intelligente- sera avant tout dû à la réponse des consommateurs aux nouveaux produits qui leur sont proposés, aujourd'hui à titre expérimental, demain à titre massif.

Elle relativise donc tout programme ambitieux d'équipement en infrastructure qui serait décidé non en fonction des tendances du marché mais d'un volontarisme a priori. Un tel programme ne peut, en effet, être financé que sur le long terme sans que rien ne puisse garantir que le choix technique financé au début de la mise en oeuvre du programme ne soit pas obsolète, vingt ans plus tard. »

Face aux colossaux enjeux du dossier et aux incertitudes qu'il inspire, on peut donc comprendre que le débat engagé, sur le sujet, en France ait conduit à l'adoption d'une position équilibrée consistant à évaluer plus finement le potentiel du marché multimédia avant de prendre des décisions lourdes de conséquences.

II. UN DÉBAT APPROFONDI EN FRANCE

A. LES RÉSEAUX EXISTANTS ET LEURS LIMITES

Si l'on peut dorénavant envisager de distribuer ensemble la voix, les données et l'image, n'en reste pas moins posée la question du choix des moyens de diffusion. Ce choix se trouve conditionné par la satisfaction relative que pourront donner les différents réseaux ou techniques de transmission envisageables face au développement des offres de communication.

1. L'évolution envisageable de l'offre de services

Mieux qu'une longue explication, un tableau mettant en regard, d'une part, les différents services déjà proposés et ceux commençant à émerger, avec, d'autre part, leurs exigences en capacité de débit des réseaux permet de mieux comprendre les enjeux du débat.

Les deux tableaux ci-dessous illustrent de façon chiffrée la portée exacte de ces enjeux.

LES BAS DÉBITS* QUI SE MESURENT EN KBIT/S (1)

LES HAUTS DÉBITS* QUI SE MESURENT EN MBIT/S (2)

Source (I) et (2) : Rapport au premier ministre sur les autoroutes de l'information fait par M. Gérard Théry (La Documentation française, 1994).

* Sur un réseau électronique, le débit est mesuré par la quantité de « bits » transmis par seconde et on le quantifie soit en milliers de bits par seconde (kbit/s) soit en millions de bits par seconde (Mbit/s).

2. Les réseaux de distribution disponibles

a) Les principaux éléments de classification

Les réseaux électroniques existants se déclinent autour de trois paramètres centraux :

- le support de transport qui peut être soit une onde hertzienne, soit un fil ;

- le mode d'organisation du trafic qui conditionne le potentiel d'interactivité du réseau ;

- la nature du trafic : services audiovisuels ou services de télécommunications.

S'agissant du support de transport, l'onde hertzienne peut être diffusée par des émetteurs terrestres ou par des satellites de communication tournant en orbite autour de la planète et le fil peut être soit un conducteur de nature électrique, soit un conducteur de nature optique (fibre optique). On distingue habituellement deux types de conducteurs électriques : la paire de fils de cuivre isolés et torsadés et le câble coaxial qui comprend un conducteur en cuivre entouré d'une couche d'isolant plastique elle-même entourée d'un blindage en tresse de cuivre. La « paire torsadée » constitue l'essentiel du réseau téléphonique local ; le câble coaxial est utilisé pour les circuits téléphoniques à longue et moyenne distance, ainsi que pour les circuits locaux de distribution de télévision par câble.

Concernant le mode d'organisation du trafic, on distingue entre :

- les réseaux en « étoile », dits aussi commutés, qui permettent à chacune des personnes connectées d'entrer en relation avec toutes les autres individuellement et où la ligne part de l'abonné pour se disperser ensuite vers tous les autres abonnés par l'intermédiaire de centraux d'aiguillage qui assurent sa connexion au faisceau des autres lignes et la commutation, c'est-à-dire la bonne orientation des trafics (cette architecture typique des réseaux de télécommunication assure la plus large interactivité) ;

- les réseaux en « arborescence » où la ligne descend du central puis, à l'instar des réseaux de distribution électrique, se subdivise et se ramifie à la manière des branches d'un arbre pour rejoindre l'abonné (à « l'état pur », cette architecture typique des réseaux de distribution audiovisuelle n'autorise pas ou peu d'interactivité).

Les services audiovisuels se sont longtemps satisfaits d'un mode unidirectionnel de diffusion alors que les services de télécommunications du téléphone à Transpac, ont toujours été développés sur un mode interactif. Ceci n'est pas sans importance pour comprendre la situation actuelle car, par maints aspects, les messages à transmettre ont influé sur la structure du média de transmission.

b) Les principaux réseaux disponibles


Les réseaux filaires de France Télécom

Le tableau ci-après décrit les différents réseaux actuellement gérés par France Télécom en précisant leur capacité et leur niveau d'extension.


Les réseaux de distribution audiovisuelle par câble

Ce sont des réseaux distincts des réseaux téléphoniques qui ne disposent pas de commutateurs, ni d'infrastructures de transmission à grande distance et qui demeurent, de ce fait, purement locaux.

A l'heure actuelle, les réseaux câblés tendent à faire circuler information dans un seul sens mais, sous réserve d'un équipement adapté, ils peuvent disposer d'une « voie de retour » autorisant l'interactivité. En France, à la différence des États-Unis, la grande majorité des réseaux câblés possèdent une voie de retour (à 20 Mégahertz) et des câblo-opérateurs, telle la Lyonnaise des Eaux, ont annoncé leur intention d'y transporter des données.

Il n'en demeure pas moins que la mise en place de services à forte interactivité sur le câble supposerait d'importants travaux d'infrastructures. Cependant, dans l'hypothèse où ces travaux seraient effectués et où la réglementation le permettrait, il suffirait d'interconnecter un réseau câblé avec des réseaux commutés pour que des services dits « point à point », c'est-à-dire similaire à ceux que permettent les réseaux téléphoniques, puissent être proposés sur ledit réseau câblé.

Trois types de réseaux câblés coexistent en France : les réseaux du Plan Câble qui couvrent en majorité les grandes villes, les réseaux antérieurs et les réseaux postérieurs concessifs ou privés.

Les principaux opérateurs sont les suivants :

- Compagnie générale Vidéo communications (Générale des eaux), qui dispose de 2,6 millions de prises pour 400.000 raccordés ;

- Lyonnaise communications (250.000 raccordés) ;

- l'ancien réseau de la Caisse des Dépôts, Communication Développement, qui a été partagé en 1995 entre la Lyonnaise des Eaux et France Télécom ;

- TDF qui est le quatrième câblo-opérateur français en termes d'abonnés (enquête Avica juin 1995) ;

- France Télécom, qui exploite techniquement une grande partie des réseaux (4 millions de prises sur 5,5 millions de prises commercialisables, 940.000 raccordées pour le compte de différents opérateurs) et est lui-même opérateur commercial sur certains réseaux (150.000 foyers raccordés) ;

- le groupe EDF (80.000 raccordés).

LE CÂBLE EN FRANCE

(Extraits du rapport précité de M. Hadas-Lebel devant le Conseil économique et social)

Les objectifs du Plan Câble fixés par le Conseil des ministres du 3 novembre 1982 prévoyaient l'installation de 1,4 million de prises entre 1983 et 1985 et l'implantation devait ensuite se poursuivre au rythme d'un million de prises par an. Le coût total de ce plan ambitieux était fixé à 20 milliards de francs pour 10 millions de prises.

La Cour des Comptes a estimé que le Plan Câble a, en définitive, coûté 30 milliards de francs pour 50 sites urbains et qu'il génère 1 milliard de francs de pertes par an pour seulement 6 millions de prises installées au 1er février 1995, malgré la relance du programme en 1990.

Aujourd'hui, seulement 27 % de la population française peut se raccorder, contre 95 % aux États-Unis et 70 % en Allemagne. I1 convient de noter cependant que sur les 20 millions de foyers que comptent la France (recensement 1NSEE 1992), 13,5 ne sont pas raccordables pour des raisons géographiques, parce que situés dans des zones difficilement accessibles.

Hormis quelques investisseurs américains, le programme de construction est à l'arrêt, dès lors que les opérateurs perdent de l'argent. Les principaux câblo-opérateurs français connaissent en effet des difficultés économiques importantes (350 millions de francs de pertes en 1994 pour la Compagnie générale de Video communications).

Sur les foyers raccordables, seulement 23 % ont choisi de s'abonner au câble.

Le câble souffre ainsi d'une double insuffisance : peu de foyers raccordables, peu de foyers effectivement câblés, ce que résume la statistique suivante : 1,6 à 1,8 million de foyers abonnés pour 6 millions potentiellement raccordables. De plus, le câblage a principalement profité aux grandes villes, ce qui n'est pas satisfaisant en termes d'aménagement du territoire.

Le développement du câble a été handicapé par trois types d'erreurs :

1. Le choix prématuré de la fibre optique multimodale alors que l'ensemble des acteurs avait opté pour des structures hybrides (fibre optique et câble coaxial).

2. Le fait que les investisseurs (France Télécom, communes, opérateurs commerciaux) ne sont pas toujours les exploitants (câblo-opérateurs) et nourrissent des intérêts divergents.

(...)

3. Enfin, le nombre élevé de chaînes hertziennes (6 généralistes).

Le succès de la télévision à péage hertzienne et les conditions de son attribution ont accentué ce déséquilibre, Canal Plus contrôlant 7 chaînes thématiques sur les 10 qui existent en France et mettant en oeuvre une stratégie qui repose sur le hertzien terrestre et satellitaire.

Pendant longtemps, le câble n'a pas possédé de contenu spécifique pour faire face au hertzien gratuit et à Canal Plus.

De même, la concurrence entre câble et satellite s'est trouvée déséquilibrée en raison des autorisations nécessaires à la transmission de certaines chaînes sur le câble.

Si le câble constitue pour les collectivités locales l'unique moyen d'offrir des services de proximité, ces derniers n'existent pas encore du fait de la réglementation qui interdit, par exemple, la publicité pour le secteur de la distribution.

En bref, le câble offre des capacités de débit élevées (jusqu'à 100 Mégabits), il peut être interactif, mais n'assure qu'une couverture locale, a un coût d'établissement assez élevé et enregistre aujourd'hui encore un taux de pénétration commerciale plutôt faible.


• Les réseaux terrestres de diffusion hertzienne

En France, ils servent actuellement à la diffusion de six chaînes de télévision (TF1, France 2 et France 3 sur tout le territoire ; Arte, M 6 et Canal Plus sur une grande partie du territoire) et au développement des réseaux mobiles de communication personnelle (système de téléphonie et de messagerie mobile, numérique -GSM- ou analogique - ex : Radiocom 2000-).

Ils fonctionnent autour de réflecteurs paraboliques ou de stations relais qui concentrent les ondes hertziennes en faisceaux. Les réseaux hertziens permettent de s'affranchir de tout support physique. Cependant, ce mode de transmission utilise une ressource limitée et rare, parce que beaucoup sollicitée : le spectre des fréquences hertziennes.

La transmission de programmes télévisés utilise notamment un large spectre de fréquences, car chaque émetteur doit utiliser une fréquence différente de celle de l'émetteur voisin pour ne pas le brouiller.

Votre rapporteur tient à souligner que la gamme de fréquences attribuées à l'audiovisuel est d'ores et déjà saturée par la diffusion de six chaînes à vocation nationale et que le coût de ce type de diffusion est supérieur à celui permis par un recours aux technologies utilisant le satellite. Du fait que la transmission hertzienne de programmes de télévision numérique -et non analogique comme actuellement- aggraverait encore ce phénomène de saturation, il considère qu'il est urgent de réfléchir aux moyens d'utiliser au mieux la ressource rare qu'est « l'hertzien » en la réservant au système de communication mobile (téléphone et messagerie), ainsi qu'à la couverture des zones peu denses où la pose d'infrastructures filaires peut difficilement être rentabilisée.

A défaut d'une politique rationnelle et rigoureuse en ce domaine, on assistera à un gaspillage d'une ressource précieuse pour un aménagement équilibré du territoire et au cantonnement, pour longtemps, du réseau hertzien à des services interactifs à bas débit.


• Les réseaux de télédiffusion par satellite

Quelque soit le mode de réception, un réseau de télédiffusion par satellite comprend :

- une station terrestre transmettant les flux d'informations (programmes audiovisuels, télécommunications) vers le satellite ;

- un satellite réémettant ces signaux vers une large zone géographique.

On distingue traditionnellement entre les satellites de transmission, qui transportent les informations jusqu'à des réémetteurs terrestres (par exemple : têtes de réseau câblées pour la télévision ou réémetteurs de télécommunication), et les satellites de diffusion directe qui permettent, grâce à l'achat d'une antenne parabolique, de capter directement les chaînes désirées.

Le satellite permet une diffusion à un coût minimum sur de très vastes territoires, mais il n'est que faiblement interactif.

Cependant, son intérêt ne doit nullement être négligé. Il est le support le plus économique pour une diffusion monodirectionnelle.

Il permet d'accéder à des bases de données, d'interconnecter des réseaux locaux distants, de télédécharger des fichiers importants... Déjà, des centaines de réseaux informatiques sont reliés par satellites. Nombreux sont les secteurs d'application : l'assurance (Azur), la banque (Réseau Carte Visa en Europe par France Câbles et Radio), les réseaux de concessionnaires automobiles (VAG : 1.000 points en Europe, Renault en ex-RDA), les pétroliers (Elf Aquitaine Production, Exxon), la grande distribution (Casino), l'hôtellerie (Holyday Inn), les transports (Scac-Delmas-Vieljeu et CGM...).

Son premier intérêt est de diminuer les coûts de télécommunications de 30 à 50 % par rapport aux réseaux filaires. D'un seul jet de transmission, on arrose, quel qu'en soit le nombre, tous les destinataires d'un même fichier informatique, tandis qu'avec un réseau terrestre, il faut établir une communication pour chaque site.

En outre, les coûts sont prévisibles, voire presque fixes, même si le débit augmente considérablement. D'après les experts, si le volume de trafic double, la hausse de la facture n'est que de 20 % ; s'il quadruple, cette hausse ne dépasse pas 35 %. Ceci, indépendamment de la distance ! Or, les entreprises savent que, dans les cinq prochaines années, leur trafic va considérablement augmenter, ainsi que leurs frais de transmission, même si elles ignorent quand et dans quelles proportions. La possibilité de prévoir et de maîtriser ces coûts justifie donc leurs investissements dans le satellite.

Quant au déploiement du réseau, il est assez rapide. En procédure standard, une station s'installe en moins d'une semaine. De plus, le satellite semble avoir pris une avance notable dans le domaine de la numérisation des programmes et des équipements de diffusion.

Comme le signale le rapport Hadas-Lebel déjà cité :

« Depuis avril 1994, DSS (Digital satellite System), le premier satellite de télévision numérique dont Direct TV est, aux États-Unis, le service commercial le plus connu, connaît un foudroyant succès ; il comptait 600.000 abonnés à la fin de 1994 soit 200.000 de mieux que les prévisions.

Le satellite de Hugues Electronics, filiale de General Motors, offre 150 chaînes de TV et 30 programmes de radio, une qualité d'image numérique, une forme d'interactivité grâce au guide des programmes et à l'accès au « pay per view », le tout par le biais du système DSS composé d'une petite antenne de 46 cm de diamètre, d'un décodeur-décompresseur numérique de la taille d'un magnétoscope, pour un prix abordable (699 dollars au début de 1995). Cet équipement a été fabriqué et commercialisé par Thomson sous le label de sa filiale RCA. En avril 1995 le groupe français avait vendu un million de décodeurs.

Trois millions d'abonnés sont attendus d'ici 1999 tandis qu'un deuxième satellite a été lancé en août 1994. Ce succès d'une ampleur imprévue, et dont une extension est à l'étude pour l'Amérique du Sud, inquiète les câblo-opérateurs américains. "

Principale limite : le satellite convient surtout à des débits relativement peu élevés (de 9.600 à 19.200 bits par seconde) et à des applications qui supportent des temps de réponse assez longs, puisque la durée de transmission ascendante et descendante est d'une demi-seconde par requête. Il est donc assez peu adapté à des échanges bidirectionnels de forte intensité.

Cependant, ce handicap pourrait s'estomper sous l'effet des progrès technologiques (développement d'antennes émettrices à haut débit d'un coût abordable) et de la mise en oeuvre de certains projets visionnaires qui proposent la construction de réseaux de satellites à basse altitude permettant davantage d'interactivité que des satellites géostationnaires (projet Teledesic de Bill Gates, le patron de Microsoft, et de Craig Mac Caw, le milliardaire américain du téléphone mobile ; projet Sativod d'Alcatel).

B. LE RAPPORT THÉRY

En février 1994, M. Édouard Balladur a chargé M. Gérard Théry, directeur général des télécommunications de 1974 à 1981, d'étudier l'avenir des autoroutes de l'information en France.

Rendu public à la fin du mois d'octobre 1994, ce rapport a marqué le début d'une mobilisation -assez tardive par rapport aux États-Unis et à l'Allemagne- des différents acteurs français sur ce sujet.

Donnant la priorité aux infrastructures, le rapport Théry prône un service universel de diffusion du progrès technologique reposant sur une politique d'équipement massive et volontariste de la France en fibre optique.

Il suggère donc au Gouvernement de se fixer un double objectif :

- « la mise à disposition de tous les citoyens, d'ici à l'an 2015, des autoroutes de l'information, chez eux et sur tous leurs lieux d'activité ;

- l'égalité de tous dans l'accès aux autoroutes de l'information, c'est-à-dire l'élargissement aux nouveaux services offerts par les autoroutes du service universel déjà applicable au téléphone. »

L'équipement de l'ensemble du territoire en fibre optique devait, selon M. Théry, permettre la création de 300.000 emplois. Le coût des investissements nécessaires à sa réalisation était évalué entre 150 et 200 milliards de francs.

Selon le rapport, quatre actions de base devraient être conduites pour permettre la réalisation de cet objectif :

- procéder à un premier déploiement rapide de 4 à 5 millions de lignes de fibre optique de façon à rentabiliser les investissements industriels ;

- mettre en place des plates-formes pour expérimenter les services sur les réseaux en fibre optique, et tester les marchés ;

- développer les logiciels de service et de contenu ;

- accélérer le développement de l'ATM (Commutation temporelle asynchrone) dans les réseaux.

L'opérateur public, France Télécom, devait jouer un rôle essentiel dans cette stratégie du « tout optique ».

La stratégie proposée s'est cependant heurtée à deux obstacles majeurs. Le premier tient à son coût, dont on a vu qu'il était assez considérable : 150 à 200 milliards de francs. A cet égard, rappelons que, pour France Télécom, la facture liée à la réalisation du réseau Minitel s'est élevée à 56 milliards de francs sur dix ans. Tant la situation d'endettement que la disparition du monopole de France Télécom sur la téléphonie de base à compter de 1998, ont amené à considérer comme prohibitif ce coût du câblage optique.

Le second obstacle tient à la nécessaire prudence à laquelle ne peut qu'inciter la succession des déconvenues qui ont marqué les politiques publiques volontaristes menée, en France, en matière audiovisuelle au cours des cinquante dernières années. Il suffit de rappeler les échecs patents qu'ont représentés le bi-standard de télévision, le SECAM, les satellites à forte puissance, le plan câble, le D2 Mac...

Tous ces éléments expliquent que le Gouvernement ait, en définitive, arbitré dans un sens sensiblement éloigné de celui prôné par le rapport Théry.

C. LE CHOIX PRAGMATIQUE DU GOUVERNEMENT

Plutôt que de se lancer dans une politique volontariste, privilégiant une technique au détriment des autres, le Gouvernement a opté pour le pragmatisme.

Il est certes probable qu'à terme les autoroutes de l'information se développeront de façon privilégiée sur la fibre optique. Il n'en est pas moins évident que, dans les vingt prochaines années, les différents réseaux seront nécessaires pour permettre à l'ensemble du territoire d'être irrigué par les nouveaux services multimédias.

Le Gouvernement a donc choisi de donner la priorité au développement du contenu de ces services, à la recherche et au développement.

Il a souhaité privilégier les expérimentations susceptibles de tester techniquement et commercialement les services et les techniques en grandeur réelle.

A cette fin, il a décidé de mettre en place, fin 1994, un comité interministériel chargé de sélectionner les expérimentations à mettre en oeuvre.

Un appel à propositions fut lancé auprès de toutes les entreprises ou collectivités intéressées.

Sur 635 propositions, 170 projets qualifiés « d'intérêt public » ont été retenus à ce jour, ceci en plusieurs phases.

Le 28 février 1995, ce sont 49 projets qu'il a été décidé de mettre en oeuvre immédiatement.

Par ailleurs, 218 projets furent déclarés éligibles au regard des critères définis dans l'appel à propositions, mais leur mise en oeuvre fut différée en raison des obstacles réglementaires ou financiers qu'ils rencontraient. Le comité interministériel, sous la présidence du Premier Ministre, estima que 287 projets nécessitaient un approfondissement et en écarta 81 qui ne répondaient pas aux critères.

Le 16 octobre 1995, le comité retint 121 projets supplémentaires, ce qui porta leur nombre à 170. En outre, il sélectionna 194 projets qui nécessitaient un complément d'analyse avant une éventuelle décision de mise en oeuvre.

M. François Fillon, ministre délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace a annoncé 1 ( * ) que 80 projets supplémentaires seraient prochainement labellisés.

Les 170 projets labellisés à ce jour se répartissent ainsi :

- plates-formes : 55, dont 3 plates-formes nationales 2 ( * ) , 30 plates-formes régionales d'infrastructures expérimentales et 4 plates-formes à vocation internationale, 9 plates-formes nationales et 9 plates-formes régionales qui n'expérimenteront pas de nouveaux services ;

- télé-enseignement et éducation : 27

- téléservices : 24

- place de marché financier, économique ou commercial : 15

- culture : 11

- administration : 7

- audiovisuel : 6

- presse : 6

- santé : 6

- transports : 6

- recherche : 5

- tourisme : 2

La liste ci-après permet d'avoir une vision exhaustive des 30 plates-formes régionales classées par thème.

PLATES-FORMES REGIONALES D'INFRASTRUCTURES EXPERIMENTALES

D. LES TRAVAUX DU SÉNAT

Le Sénat n'a pas attendu le dépôt du projet de loi commenté dans le cadre du présent rapport pour avancer sa réflexion sur les autoroutes de l'information.

Comment s'en étonner d'ailleurs quand l'on sait que son Président, M. René Monory, est le fondateur du Futuroscope, que le technopole de Sofia-Antipolis a été créé à l'initiative de M. Pierre Laffitte, membre de sa Commission des Affaires culturelles et rapporteur pour avis du texte examiné, et qu'en leur qualité d'élus locaux beaucoup de sénateurs ont, dans leur commune ou leur département, impulsé de nombreux développements dans le domaine des services télématiques et de la communication audiovisuelle.

1. Les réflexions des commissions, de l'Office des choix technologiques et de la Mission d'information sur l'Aménagement du territoire


Les instances permanentes du Sénat ont donné un large écho à la curiosité qu'ont éveillée chez les sénateurs les perspectives ouvertes par les nouvelles techniques de communication.

Votre commission des Affaires économiques a, elle même, participe à ce mouvement d'intérêt. Le rapport d'information sur l'avenir du secteur des télécommunications en Europe présenté en son nom, en novembre 1993, par M. Gérard Larcher, soulignait le profond remodelage qu'avait déjà subi ce secteur, au cours des quinze dernières années, sous l'influence des changements technologiques et s'attachait, tout particulièrement, à exposer pour l'avenir « les bouleversements pouvant résulter des convergences multimédias ».

Avant même la publication de ce rapport, votre commission avait d'ailleurs saisi l'office parlementaire des choix technologiques de l'intérêt que présentait l'engagement d'une étude sur les réseaux à haut débit et leur contenu.

D'autres commissions ont également examiné de près ce dossier. Ainsi, une délégation 1 ( * ) de votre commission des Affaires culturelles a effectué, en septembre 1994, une mission d'information aux États-Unis afin d'y étudier le développement des nouveaux services de communication visuelle et de l'industrie multimédia. Le rapport sur les autoroutes de l'information et la mise en place d'une industrie globale de l'information aux États-Unis qu'elle a publié à la suite de ce déplacement, en avril 1995, insistait notamment sur la mobilisation des pouvoirs publics américains sur ce dossier. Il relevait toutefois l'implication progressive des opérateurs en mettant en avant « l'incertitude des marchés ».

L'office parlementaire des choix technologiques a, lui aussi, fortement contribué aux investigations menées par notre Haute Assemblée.

Saisi par votre commission des Affaires économiques, il a confié à M. Pierre Laffitte, le 24 novembre 1993, le soin d'élaborer un rapport sur les réseaux à haut débit et leur contenu. Le rapporteur a tenu de nombreuses auditions sur ce thème au cours des années 1994 et 1995. A l'issue de ces travaux, l'office a organisé, le 11 octobre 1995, un colloque au Sénat au cours duquel une large confrontation d'idées a pu avoir lieu. Un rapport concluant ces investigations poursuivies pendant près de deux ans devrait être édicté prochainement.

Parallèlement, saisi en janvier 1993 par le Bureau du Sénat, l'office avait donné mandat à M. Frank Sérusclat de préparer un rapport sur « Les nouvelles techniques d'information et de communication : l'homme cybernétique ? ». Ce rapport a été publié en mars 1995 (Sénat, n° 232, 1994-1995) et, en prolongation aux échos qu'il a suscité, M. Frank Sérusclat a patronné au Palais du Luxembourg, en novembre 1995, un colloque sur le thème : « Hic et nunc - Les nouvelles techniques d'information et de communication : des usages sociaux de l'entreprise à la cité ».


• Antérieurement à la conclusion de ces travaux d'envergure entrepris dans le cadre de l'office, la Mission commune d'information sur l'aménagement du territoire -constituée à l'initiative de la commission des Affaires économiques- avait proposé un certain nombre d'orientations concrètes.

Dans les propositions qu'elle avait soumises à discussion publique en janvier 1994 1 ( * ) , elle avait notamment été amenée à examiner la question du câblage de la France en fibre optique.

Elle avait estimé que des réseaux tels « Numéris » et « Transpac » avaient des niveaux de performances qui leur permettaient de répondre à l'essentiel des demandes. Elle avait également observé que le câblage en fibre optique exigeait des investissements considérables pour une utilisation encore relativement restreinte en milieu rural. Aussi la Mission n'avait-t-elle pas, par souci de réalisme, préconisé que les campagnes soient toutes équipées en fibre optique à l'horizon de quelques années. Elle avait simplement demandé que, dans le cadre du programme lancé par France Télécom pour relier en fibre optique toutes les villes de 100.000 habitants, soient dégagés les moyens nécessaires « pour financer la desserte expérimentale en fibre optique des bourgs ruraux où des projets viables de téléservices, nécessitant une telle infrastructure, sont envisagés ».

Cependant, le même souci de réalisme l'avait conduit à estimer indispensable le câblage optique de la totalité du territoire à l'horizon 2015/2020.

Plusieurs raisons l'avaient conduite à cette conclusion.

Elle était, tout d'abord, convaincue que les métiers de demain exigeront qu'on mette à la disposition des professionnels des réseaux à très haut débit d'informations car, selon toute probabilité, la plupart de ces métiers devraient exiger la manipulation en temps réel d'images animées complexes.

Sans mésestimer les possibilités ouvertes par les techniques de compression d'images pour répondre aux besoins des cinq à dix prochaines années, elle les avait jugées insuffisantes pour répondre à l'évolution des besoins en considérant que le recours à la compression se heurterait ensuite à deux obstacles :

« l'exigence d'une qualité d'images de plus en plus élevée ;

la perspective d'investissements (et donc de coûts) sans cesse croissants dans les systèmes de compression, avec une efficacité marginale progressivement décroissante ».

Au vu des capacités de la fibre optique qui offre des débits physiques 10 millions de fois supérieurs à ceux du câble coaxial -débits qui peuvent être, eux mêmes, démultipliés par la compression de l'information- elle avait donc conclu qu'il était indispensable de prendre, sans délai, « les moyens d'inverser les tendances lourdes qui conduisent à la ségrégation territoriale ». Les investissements coûteux qu'impliquaient le câblage optique des villes et des campagnes lui paraissait, à l'aune de l'ambition de revitalisation rurale, parfaitement supportables si on en étalait le financement sur 20 à 25 ans.

2. La position prise lors de l'examen de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire

Cette analyse a fortement influencé les travaux de la Commission spéciale constituée au Sénat pour l'examen du projet de loi relatif à l'aménagement et au développement du territoire.

Lors de l'examen de ce texte en première lecture par la Haute Assemblée, son rapporteur, M. Gérard Larcher 1 ( * ) a proposé un article additionnel visant à établir le principe d'un schéma national des télécommunications ayant à définir les modalités de réalisation de trois objectifs :

- organiser, à l'horizon 2015, le développement des réseaux interactifs à haut débit de manière à ce qu'ils couvrent la totalité du territoire et qu'ils soient accessibles à l'ensemble de la population et des acteurs économiques ;

- fixer le cadre des politiques industrielles et de recherche à engager à cet effet ;

- préciser les conditions dans lesquelles l'État peut favoriser la promotion de services utilisant des réseaux interactifs à haut débit, à travers notamment la réalisation de projets expérimentaux.

Convaincue que les réseaux à haut débit constituaient un enjeu fondamental, tant au plan économique qu'au plan de l'aménagement du territoire, la Commission spéciale puis le Sénat dans son ensemble avaient adopté cet article additionnel. Il avait notamment été argué que « si demain, dans l'espace rural, l'information circule sur des « chemins vicinaux » et non sur des « autoroutes », les problèmes auxquels sont confrontés ces territoires auront, peut être, changés de forme mais ils ne seront pas résolus ».

Et en séance publique, le rapporteur avait fait valoir que pour relever un tel défi, la France ne pouvait se contenter de s'en remettre aux forces du marché et qu'il convenait que l'État prenne ses responsabilités pour que les moyens industriels et de recherche soient mobilisés à la hauteur des ambitions du pays dans le secteur des télécommunications.

Le dispositif retenu par le Sénat avait été assez sensiblement amendé par l'Assemblée nationale en seconde lecture mais la commission mixte paritaire l'avait, à une modification formelle près, rétabli dans sa rédaction initiale. Il est devenu l'article 20 de la loi définitive. Son contenu est rappelé ci-après :

ARTICLE 20 DE LA LOI N° 95-115 DU 4 FÉVRIER 1995 D'ORIENTATION POUR L'AMÉNAGEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE

« Un schéma des télécommunications est établi. Il organise le développement des réseaux de télécommunications, notamment des réseaux interactifs à haut débit, de manière que, à l'horizon 2015, ces derniers couvrent la totalité du territoire, qu'ils soient accessibles à l'ensemble de la population, des entreprises et des collectivités territoriales et qu'ils offrent des services équitablement répartis et disponibles, notamment dans les zones rurales.

« Le schéma détermine les moyens à mettre en oeuvre pour développer les équipements et les logiciels nécessaires à la réalisation de ces objectifs. Il fixe le cadre des politiques industrielles et de recherche à engager à cet effet. Il évalue les investissements publics et privés nécessaires au financement de ces politiques. Il définit les charges qui en résultent pour le ou les opérateurs de télécommunications autorisés.

« Le schéma arrête les principes que devraient respecter les tarifs du ou des opérateurs précités. Ces principes tendent à assurer, d'une part, l'égalité des conditions d'accès aux services de télécommunications conformément aux dispositions de l'article 1er, et, d'autre part, l'égalité des conditions de concurrence entre les opérateurs.

« Le schéma définit également les conditions dans lesquelles l'État peut favoriser la promotion de services utilisant des réseaux interactifs à haut débit, à travers notamment la réalisation de projets expérimentaux et le développement de centres de ressources multimédias. En application du principe d'égalité d'accès au savoir fixé à l'article 1er, le schéma examine les conditions prioritaires dans lesquelles pourraient être mis en oeuvre les raccordements aux réseaux interactifs à haut débit des établissements et organismes éducatifs, culturels ou de formation ».

Par bien des aspects, la loi d'orientation et les débats qu'ont engendrés, parallèlement à son élaboration parlementaire, les conclusions du rapport Théry ont conduit à infléchir la politique du Gouvernement dans la direction que traduit le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui.

CHAPITRE II - LE PROJET DE LOI

La sélection des projets les plus innovants réalisée dans le cadre de l'appel à proposition a mis en évidence que la législation en vigueur était quelque peu inadaptée à l'exploitation de produits ou de services multimédias sur les autoroutes de l'information. En effet, celles-ci ont vocation à transporter pêle-mêle de la voix, des données, des textes, de la musique et des images, alors que les textes légaux existants organisent un certain cloisonnement entre deux modes de transmission de l'information, considérés jusqu'à présent comme distincts : les télécommunications (téléphonie vocale, transferts de données alphanumériques...) et la communication audiovisuelle (programmes de radiodiffusion et de télévision).

Plus précisément, l'examen des conditions de lancement des expérimentations les plus innovantes a fait apparaître deux obstacles de nature législative auxquels elles étaient susceptibles de se heurter :

1- l'exclusivité reconnue à France Télécom pour, d'une part, établir des réseaux filaires de télécommunications ouverts au public (article L.33-1 du code des P et T) et, d'autre part, fournir au public des prestations de téléphonie vocale entre points fixes (article 34-1 du code des P et T).

2- les obligations imposées à la diffusion et à la protection de services audiovisuels dont la rigueur aboutissait à freiner l'utilisation des techniques de diffusion numérique -qui permettent de proposer plusieurs programmes sur un même canal- et à paralyser l'offre de services audiovisuels à la demande.

En bref, dans notre législation, l'idée de réseau ouvert n'a pas cours.

Or, comme l'a fait valoir M. François Fillon. ministre délégué à la Poste, aux Télécommunications et à l'Espace, lors de son audition conjointe par votre Commission des Affaires économies et votre Commission des Affaires culturelles, le 7 février dernier, il est impératif de pouvoir lancer des expérimentations dérogeant aux règles en vigueur, avant même que ces règles ne soient changées globalement -ce qui d'ores et déjà prévu pour le 1er janvier 1998 dans le domaine des télécommunications, en raison des décisions prises dans le cadre de l'Union européenne- si on veut éviter que les opérateurs français ne prennent du retard sur leurs concurrents européens.

En outre, il est nécessaire que les pouvoirs publics puissent assez rapidement disposer d'éléments d'informations résultant d'expériences concrètes et non pas seulement d'analyses abstraites pour pouvoir prendre les meilleures décisions dans le domaine -oh combien stratégique- que constitue le développement des inforoutes.

Enfin, ainsi que le rappelle l'exposé des motifs du projet de loi, il s'agit de créer l'environnement permettant d'atteindre l'objectif fixé -à l'initiative du Sénat- par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire d'une couverture du territoire national par les autoroutes de l'information en 2015.

Telles sont, en définitive, les grandes sources d'inspiration du projet de loi.

I. LE TEXTE SOUMIS AU SÉNAT

A. LES ORIENTATIONS DU PROJET DE LOI INITIAL

Le texte adopté en Conseil des Ministres et examiné en premier lieu par l'Assemblée nationale comportait cinq articles et s'articulait en trois volets :

- un volet édictant les règles générales des régimes dérogatoires qu'il est proposé d'instituer (articles premier et cinq) ;

- un volet précisant le contenu du régime dérogatoire applicable en matière de télécommunications (article 2) ;

- un volet adaptant les règles en vigueur dans le domaine de la communication audiovisuelle (articles 3 et 4).

L'économie générale de ce dispositif n'ayant pas été remise en cause par les Députés, la présentation de sa version initiale reste valable aujourd'hui.

ï Les articles premier et cinq proposent d'instaurer un régime de licences expérimentales pouvant être délivrées, de manière dérogatoire au cadre législatif actuel, durant les trois années suivant la publication de la loi (article 5) et pour une durée maximale de cinq ans (article premier). Il est également prévu que ce régime exceptionnel sera réservé à un petit nombre de projets d'ampleur limitée, présentant un intérêt général, apprécié au regard de leur degré d'innovation, de leur viabilité économique, de leur impact potentiel sur l'organisation sociale et le mode de vie, ainsi que de l'association des utilisateurs à leur élaboration et à leur mise en oeuvre (article premier). Les autorisations de recourir à ce régime exceptionnel ne peuvent, en tout état de cause, être délivrées qu'après avis des ministres chargés des technologies de l'information, des télécommunications et de la communication.

ï En matière de télécommunications, l'article 2 s'attache à lever deux types d'obstacles juridiques à la réalisation d'expérimentations innovantes en permettant :

- la réalisation et la gestion de plates-formes offrant sur une zone donnée un large éventail de services et de fonctionnalités avancées de télécommunications, comme par exemple les « téléports », ou l'exploitation d'infrastructures filaires détenues par d'autres que l'opérateur téléphonique historique :

- l'utilisation des réseaux câblés de télédistribution pour offrir, au sein d'une gamme de services multimédias, le service téléphonique.

Il est toutefois parfaitement clair, pour le Gouvernement et votre commission, que la possibilité de délivrance de licences expérimentales en ce domaine ne constitue, en aucune façon, une remise en cause de l'actuelle réglementation des télécommunications. L'octroi des autorisations est subordonné au respect d'un cahier des charges calqué sur ceux institués actuellement pour les opérateurs de téléphonie mobile. En outre, l'article premier prévoit explicitement la révision des prescriptions ainsi imposées, afin qu'elles puissent être alignées sur le droit commun qui résultera de la future loi de réglementation des télécommunications (celle-ci devant entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 1998).


Dans le secteur audiovisuel, la mise en oeuvre d'expérimentations fondées sur des technologies nouvelles conduit le Gouvernement à proposer d'attribuer au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) le pouvoir d'adapter les règles en vigueur pour prendre en compte l'apport et la spécificité de ces innovations, dans le respect des principes de l'article premier de la loi du 30 septembre 1986.

Afin de mettre rapidement en oeuvre des expérimentations fondées sur la technique de diffusion multiplexée, sur canal micro-ondes ou la technologie dite « DAB digicast » ou sur les autres techniques de diffusion numérique, il est prévu de permettre de ne pas recourir à la procédure d'appel aux candidatures prévue aux articles 29 et 30 de la loi du 30 septembre 1986 (article 3).

Il est également prévu que le CSA puisse adapter les règles en matière d'obligations de diffusion et de production pour tenir compte de l'innovation technologique que constitue la diffusion numérique qui permet d'offrir plusieurs services sur un même canal (article 3).

On relèvera que le caractère étroitement circonscrit, dans le temps et dans l'espace, de l'expérimentation rend la démarche conforme aux exigences constitutionnelles posées par le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 93-333 du 21 janvier 1994 sur la loi n° 94-88 du 1er février 1994 (cf. ci-après examen de l'article 3).

Enfin, l'article 4 fournit une base juridique au développement de services audiovisuels fournis à la demande d'une personne (vidéo à la demande) dont l'offre se trouve actuellement entravée par les règles en vigueur. A cet effet, cet article confère au Conseil supérieur de l'audiovisuel la possibilité d'assouplir les règles en matière d'obligations de production ou de diffusion afin de tenir compte de la nature particulière de ces services.

B. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Les Députés ont retenu l'essentiel du dispositif qui vient d'être présenté mais ils l'ont complété et précisé sur plusieurs points.

ï En ce qui concerne le volet relatif aux règles générales des régimes dérogatoires (articles premier et 5), ils n'ont apporté qu'une seule modification (à l'article premier), celle-ci visant à rendre obligatoire et non plus facultative l'adaptation des licences expérimentales en cas de modification de la législation en vigueur.

ï A l'article 2 organisant un régime dérogatoire au droit des télécommunications, l'Assemblée nationale, outre deux modifications de pure forme, a précisé les conditions et le champ d'application de l'ensemble du dispositif aux réseaux câblés.

L'essentiel des amendements adoptés par nos collègues Députés a, en définitive, concerné le volet audiovisuel du texte.


• A l'article 3
qui fixe le cadre juridique dérogatoire des expérimentations faisant appel dans le domaine audiovisuel, à la voie hertzienne terrestre, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements rédactionnels, présentés par sa commission de la production et des échanges pour l'un et par la commission des affaires culturelles pour les deux autres. Sur le fond, elle a souscrit au dispositif proposé, le rapporteur soulignant que le CSA ne serait aucunement écarté de la procédure, puisqu'il conventionnerait tous les services expérimentaux utilisant une bande de fréquences dont il a la gestion.


• Elle a également introduit un article additionnel (3 bis nouveau) après l'article 3, qui a pour objet de donner une base légale à la diffusion multiplexée de services audiovisuels. On se souvient qu'un multiplex permet de reprendre, intégralement ou non, des programmes audiovisuels et de les diffuser de façon décalée dans le temps par rapport au programme originaire. Pour permettre une telle diffusion multiplexée, l'Assemblée nationale a décide de reprendre le système de conventionnement globalisé -ou « mutualisé », selon l'heureuse expression employée par nos collègues députés- qui permet de respecter les règles des quotas de diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles définies par la loi du 30 septembre 1986.


• Enfin, l'Assemblée nationale a sensiblement modifié le dispositif proposé par l'article 4 du présent projet de loi, relatif aux expérimentations de services audiovisuels à la demande.

Elle a, en premier lieu, adopté une nouvelle rédaction du premier alinéa, de façon à en ôter toute difficulté d'interprétation.

Elle a, en second lieu, introduit deux dispositions de nature à harmoniser le cadre juridique des services audiovisuels à la demande avec celui des vidéocassettes. Celles-ci concernent, l'une, le régime du délai à l'issue duquel de tels services peuvent diffuser un film après sa première exploitation en salle, et l'autre, le respect des deux obligations suivantes :

la contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle, tant européenne que d'expression originale française ;

- la réalisation d'un certain montant de « dépenses consacrées à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques ».

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A l'issue des travaux de son rapporteur et après avoir entendu en audition le ministre en charge du dossier, votre Commission a été amenée à adopter une position qui s'inscrit dans la logique de celle retenue par l'Assemblée nationale. Elle consiste à retenir l'ensemble des orientations du texte présenté, tout en s'attachant, tout à la fois, à en préciser la portée et à en rendre plus compréhensible la rédaction.


• Ainsi, vous présentera-t-elle un amendement de précision et une modification rédactionnelle à l'article premier, ainsi qu'un amendement visant essentiellement à obtenir du Gouvernement une clarification publique d'une notion juridique aux contours flous établie par l'article 2.


• A l'article 3,
votre commission a approuvé le principe des expérimentations dans le domaine de la communication audiovisuelle, qui emprunteront les réseaux les réseaux hertziens terrestres. Ceci devrait permettre d'apprécier concrètement les potentialités et les atouts des nouvelles techniques ainsi que les problèmes qui pourraient surgir, du fait de l'encombrement des fréquences notamment.

Autant votre rapporteur soutient la démarche pragmatique suivie ici, autant, il jugerait regrettable, après toutes les erreurs commises dans le domaine de l'audiovisuel depuis près de cinquante ans, d'aggraver par le développement excessif de techniques inappropriées, les difficultés auxquelles est confronté le câble dans notre pays.

C'est pourquoi, votre commission a approuvé que l'article 3 évite de mettre inutilement en concurrence deux systèmes qui ne bénéficient pas des mêmes armes, en limitant le champ des autorisations, pour le multiplexage sur canal micro-ondes, aux zones que ne desservent pas le câble. Elle a adopté un amendement visant à donner sa pleine portée à cette mesure.


• A l'article 3 bis, votre Commission ne peut que donner un accord de principe à toute expérimentation qui ouvre une voie nouvelle en recourant à la technologie du multiplexage.

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale présentait toutefois l'inconvénient d'être d'une lecture malaisée du fait de l'emploi de termes techniques, comme le « multiplexage » et de tournures un peu redondantes.

La commission vous propose, en conséquence, une rédaction clarifiée de l'article 3 bis.


• Votre commission vous proposera d'adopter une nouvelle rédaction de l'article 4, relatif aux services audiovisuels à la demande, dans un double but. Il s'agit :

- en premier lieu, de modifier l'ordre des alinéas, afin d'améliorer la cohérence interne de l'article et d'en ôter toute ambiguïté et difficulté d'interprétation ;

- en second lieu, de préciser la rédaction de son quatrième alinéa, introduit par l'Assemblée nationale, de façon notamment à l'harmoniser avec le 3° de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986. Celui-ci concerne les obligations en matière de contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle, tant européenne que d'expression originale française et de réalisation d'un montant minimal de dépenses consacrées à l'acquisition de droits d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier - Régime des licences expérimentales

L'article premier définit les critères généraux et la procédure juridique applicables aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information, dont la mise en oeuvre suppose une dérogation à l'actuelle législation.


L'alinéa premier fixe le cadre de ces dérogations. Elles ne peuvent concerner que des expérimentations favorisant le développement des infrastructures et des services de télécommunication et de communication audiovisuelle.

Rappelons qu'au sens de l'article L.32 du code des postes et télécommunications : « on entend par la télécommunication toute transmission, émission ou réception de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de renseignements de toute nature, par fil, optique, radioélectricité ou autres systèmes électromagnétiques » (article 2 de la loi n° 90-1170 du 29 décembre 1990 relative à la réglementation des télécommunications). Par ailleurs, l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précise que la communication est la « mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de télécommunication, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou d'images de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée. »

Se trouvent donc visés par le présent dispositif : des créations ou des extensions tant de réseaux et de matériels de transmission que de prestations de services à distance n'utilisant pas de support écrit et ce que les messages échangés aient ou non le caractère d'une correspondance privée. La liste des projets labellisés figurant en annexe au présent rapport illustre l'étendue du champ d'application couvert.


Le deuxième alinéa précise les critères que les projets entrant dans le cadre précédemment établi devront respecter pour pouvoir bénéficier d'une autorisation. Il s'agit du degré d'innovation des expérimentations, de leur viabilité économique, de leur impact potentiel sur l'organisation sociale et le mode de vie et de l'association des utilisateurs à leur élaboration et à leur mise en oeuvre.

Ces critères n'appellent que de brefs commentaires. S'agissant d'expérimentations, la vérification de leur caractère innovant et de l'association des utilisateurs à leur réalisation apparaît indispensable puisqu'en définitive, elles ont pour principal objet de tester l'impact de nouveaux produits sur une clientèle potentielle. De même, l'exigence d'évaluer leur impact permettra non seulement de prendre en compte leur intérêt en termes social et familial, mais aussi, dans une perspective d'aménagement du territoire.

Cependant, en raison des observations que la Commission supérieure du service public des Postes et Télécommunications a présenté sur ce point, il est utile de préciser que la « viabilité économique » d'un projet ne signifie pas nécessairement sa rentabilité. Si la rentabilité financière est un facteur de viabilité économique, cette dernière peut également être garantie par des subventions ou des conditions de fonctionnement dérogeant aux règles du marché qui pourraient notamment être permises, par des soutiens administratifs. Pour être reconnu comme viable, un projet devra donc simplement présenter des caractéristiques démontrant qu'il peut durer et se développer.

De ce point de vue, il apparaît à votre commission que la viabilité d'un projet ne peut se réduire à son seul aspect économique et qu'il convient aussi de prendre en compte sa cohérence technique. C'est pourquoi, elle vous présentera un amendement visant à préciser en ce sens la notion de viabilité.

Elle vous soumettra, en outre, un amendement de nature rédactionnelle visant à faciliter la lecture du deuxième alinéa.


Le troisième alinéa de l'article premier dispose que les licences expérimentales sont délivrées après avis des ministres chargés des technologies de l'information, des télécommunications et de la communication. Plus précisément, elles seront attribuées par le ministre des télécommunications si elles relèvent de l'article 2 1 ( * ) ou par conventionnement du Conseil supérieur de l'audiovisuel si elles entrent dans le cadre des articles 3, 3 bis et 4 2 ( * ) .

L'autorité compétente est tenue de conférer à l'autorisation une durée adaptée aux nécessités de l'expérience. Cette durée ne peut toutefois excéder cinq ans.

A expiration, les licences ne peuvent pas être renouvelées sur le fondement du régime dérogatoire prévu par le projet de loi.

A contrario, ces licences pourraient être reconduites dans les conditions du droit commun des télécommunications ou de la communication audiovisuelle, dans l'hypothèse où le droit commun aurait été modifié entre le moment de leur entrée en vigueur et leur terme.

Une telle modification se trouve, d'ores et déjà, prévue dans le domaine des télécommunications, en raison de la décision, prise au niveau communautaire, d'ouvrir à la concurrence, au 1er janvier 1998, l'ensemble des services et des infrastructures de téléphonie (résolution du Conseil en date du 23 juillet 1993). En outre, le Gouvernement a récemment fait part de son intention de proposer, prochainement, une actualisation de la loi de 1986 sur la communication audiovisuelle.

Il n'en demeure pas moins que l'adaptation, in fine, d'une licence obtenue sous régime dérogatoire pourra parfois poser problème. C'est pourquoi le projet de loi initial prévoyait la possibilité d'inscrire dans de telles licences une clause permettant leur révision en cas de changement de législation. Sur proposition de sa commission de la Production, saisie au fond, l'Assemblée nationale a décidé de rendre obligatoire de telles clauses. Votre commission approuve cette modification qui ne peut que faciliter une évolution harmonieuse du régime juridique des licences expérimentales.

Le texte prévoit également, pour permettre d'apprécier l'intérêt de l'expérimentation à son achèvement, que les licences comportent des dispositions précisant les conditions dans lesquelles leur titulaire fournisse un bilan d'application et les éléments de son évaluation.

Ces mesures apparaissent à votre commission entièrement pertinente.

Elle vous propose, en conséquence, d'adopter l'article premier avec les amendements qu'elle vous a présentés.

Article 2 - Les expérimentations dérogeant à la réglementation des télécommunications

Actuellement, en droit français, l'article L.34-1 du code des télécommunications (article 5 de la loi n° 90-1170 du 29 décembre 1990) réserve à France Télécom l'exclusivité du service téléphonique entre points fixes, ainsi que l'établissement et l'exploitation des installations permettant au public d'accéder à ce service.


• L'article 2 du présent projet de loi tend à instituer une dérogation à ce dispositif, afin de permettre des expérimentations incluant la fourniture du service téléphonique entre points fixes par l'intermédiaire :

- d'une part, de téléports ou d'infrastructures alternatives de télécommunications ;

- et, d'autre part, de réseaux câblés.

Pour comprendre la portée du dispositif, il convient donc d'avoir présent à l'esprit ce qu'on entend par téléport, par infrastructure alternative et par réseaux câblés.

Un téléport regroupe sur un point du territoire des équipements (centraux de commutation, infrastructures filaires, matériel d'émission et de réception des signaux transmis par voie hertzienne ou satellitaire...) offrant la plus large palette de moyens de communication-Il a pour vocation d'attirer, les entreprises ayant d'importants besoins en ce domaine et de favoriser ainsi le développement local.

Une infrastructure alternative est une infrastructure de télécommunications n'appartenant pas à France Télécom, installée et exploitée par des entreprises afin de résoudre leurs besoins internes d'échanges d'informations. Ces réseaux internes d'entreprises sont de taille et de capacité variable. Ils maillent parfois l'ensemble du territoire national, tels ceux d'EDF, de GDF, d'Air France, des sociétés concessionnaires d'autoroutes et de la SNCF. Mais ils peuvent aussi être circonscrits au territoire d'une agglomération (exemple : les réseaux de certaines régies municipales de transport telles celles de Lille, Lyon et Marseille).

Les réseaux câblés sont ceux qui ont été développés au plan local, le plus souvent autour d'une infrastructure en câble coaxial, pour assurer la diffusion de programmes audiovisuels dans une zone géographique donnée (ville ou conurbation). Ils sont gérés soit par France Télécom, opérateur de télécommunications, soit par des câblo-opérateurs dont les deux plus importants sont des filiales des compagnies des eaux (Compagnie générale des Eaux et Lyonnaise des Eaux).

Avant d'examiner en détail les règles juridiques retenues pour mettre en oeuvre l'objectif poursuivi, il est également nécessaire de souligner que ces règles n'auront qu'une durée d'application limitée puisqu'en vertu des décisions prises par l'Union européenne, les services et les infrastructures de téléphonie entre points fixes seront ouverts à la concurrence au 1er janvier 1998, étant entendu que les propriétaires d'infrastructures alternatives auront le droit, à compter du 1er juillet 1996, de les utiliser pour offrir au public des services de télécommunications déjà libéralisés, c'est-à-dire -pour résumer- ceux qui ne relèvent pas de la téléphonie fixe.

Ajoutons, pour information, que la SNCF a, d'ores et déjà, été autorisée à louer son réseau à la SFR (filiale de téléphonie mobile de la Générale des Eaux) pour des prestations de radiotéléphonie ouvertes à la concurrence depuis 1990.


Les trois premiers alinéas de l'article 2 visent à habiliter le ministre des télécommunications à autoriser des expérimentations dérogeant au monopole de France Télécom en matière de téléphonie fixe. Ils fixent toutefois un certain nombre de limites à ces possibilités de dérogation. Il ne s'agit, en effet, en aucun cas -votre rapporteur l'a déjà fait valoir avec force- d'anticiper sur les échéances fixées par Bruxelles.

1- En ce qui concerne les téléports et les infrastructures alternatives à partir desquels il est techniquement possible de joindre un grand nombre de personnes, il est précisé que leur établissement et leur exploitation en vue de la fourniture de prestations englobant la téléphonie fixe ne peut s'effectuer que sur des sites géographiques limités et pour la desserte d'un nombre maximum de 20.000 utilisateurs.

Ce chiffre a été fixé de manière empirique au vu du projet d'expérimentation le plus important qui était, d'ailleurs, présenté par France Télécom. Il constitue apparemment une référence plus précise que celle de sites géographiques limités. Cependant, à l'analyse, il apparaît renvoyer à une notion, assez floue. Qu'est-ce, en effet, « l'utilisateur » d'un réseau ? L'utilisateur direct de ce réseau, par exemple un site d'entreprise regroupant quelque centaines de salariés ? L'utilisateur final -fût-il indirect- de ce réseau, c'est-à-dire, pour reprendre l'exemple précédent, le salarié de l'entreprise connectée au réseau ? Dans le second cas, les expérimentations seront fort limitées. Mais dans la première hypothèse, elles peuvent être d'une ampleur non négligeable si le site géographique limité retenu est de même nature que le quartier de la Défense.

Aussi, votre commission souhaite-t-elle, vivement pouvoir obtenir du Gouvernement en séance publique, des explications précises sur l'interprétation qu'il entend donner au mot « utilisateur ».

2- S'agissant des réseaux câblés à partir desquels il n'est techniquement possible de joindre qu'un nombre limité de personnes -puisque leur implantation est exclusivement locale-, il a été imposé, par l'Assemblée nationale, que l'autorisation ministérielle ne soit donnée qu'à la demande ou après avis des communes, de leurs groupements ou de syndicats mixtes.

Parallèlement, à l'initiative de sa commission au fond, l'Assemblée nationale étendu le champ d'application du dispositif en ajoutant aux réseaux câblés établis en application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, ceux établis antérieurement au vote de cette loi et exploités sur le fondement de ses dispositions.

Votre rapporteur ne peut que s'en féliciter, puisque cette rédaction permet au réseau câblé de la ville de Metz -dont il est le maire- d'entrer dans le champ de la dérogation.


Le quatrième alinéa du présent article soumet les expérimentations autorisées au régime général institué par le code des postes et télécommunications, tout en précisant qu'elles peuvent, en tant que de besoin, déroger à certaines des dispositions de ce code : articles L.33-1 (premier alinéa du I et du II), L.32-2, L.34-1 et L.34-4 (1ère phrase du 1er alinéa).

Mieux qu'un commentaire abstrait de chacune desdites dispositions, leur présentation exhaustive permet d'apprécier la portée des exemptions autorisées.

DISPOSITIONS DU CODE DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS AUXQUELLES IL PEUT ÊTRE DÉROGÉE EN VERTU DU QUATRIÈME ALINÉA DE

L'ARTICLE 2 DU PROJET DE LOI

1- Article L. 33-1 (premier alinéa du I et du II)

« I.- Les réseaux de télécommunications ouverts au public ne peuvent être établis que par l'exploitant public.

« II.- Sous réserve des engagements internationaux souscrits par la France comportant une clause de réciprocité applicable au secteur des télécommunications, l'autorisation visée au présent article ne peut être accordée à une société dans laquelle plus de 20 p. 100 du capital social ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par des personnes de nationalité étrangère ».

2- Article L. 33-2

« L'établissement des réseaux indépendants, autres que ceux visés à l'article L. 33-3, est autorisé par le ministre chargé des télécommunications.

« Le ministre précise par arrêté les conditions dans lesquelles les réseaux indépendants et les réseaux mentionnés au 1° de l'article 33 peuvent, à titre exceptionnel, et sans permettre l'échange de communications entre personnes autres que celles auxquelles l'usage du réseau est réservé, être connectés à un réseau ouvert au public. »

3- Article L. 34-1

« Le service téléphonique entre points fixes et le service télex ne peuvent être fournis que par l'exploitant public.

« Les installations permettant au public d'accéder, sur le domaine public à titre onéreux, aux services mentionnés au présent article ne peuvent être établies et exploitées que par l'exploitant public. »

4- Article L. 34-4 (première phrase du premier alinéa)

« La fourniture de services de télécommunications, autres que ceux mentionnés à l'article L.34-1, sur les réseaux établis en application de l'article 34 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est soumise à une autorisation préalable délivrée, sur proposition des communes ou groupements de communes, par le ministre chargé des télécommunications ».

Il n'est prévu que la dérogation à ces textes n'intervienne que, le cas échéant, car -il ne faut pas l'oublier- France Télécom qui est habilité à réaliser des expérimentations -et en propose d'ailleurs un grand nombre- n'a pas besoin d'autorisation ministérielle pour mettre en place un service de téléphonie fixe sur un réseau câblé qu'elle exploite ou sur de nouvelles infrastructures filaires. Pour l'opérateur public, seule l'exploitation d'un réseau radioélectrique nécessite une allocation préalable de fréquences hertziennes par l'autorité ministérielle.


Le cinquième alinéa fixe les conditions de délivrance de l'autorisation ministérielle. Celle-ci est subordonnée au respect d'un cahier des charges dont les prescriptions sont établis par référence à celles imposées aux autorisations de réseaux radioélectriques ouverts au public par les onze derniers alinéas de l'article L.33-1 du code des postes et télécommunications, à savoir :

« a) la nature, les caractéristiques et la zone de couverture du service ;

« b) les conditions de permanence, de qualité et de disponibilité du service ;

« c) les conditions de confidentialité et de neutralité du service au regard des messages transmis ;

« d) les normes et spécifications du réseau et du service ;

« e) l'utilisation des fréquences allouées ;

« f) les prescriptions exigées par la défense et la sécurité publique ;

« g) les redevances dues pour l'utilisation du spectre radioélectrique et les conditions pour frais de gestion et de contrôle ;

« h) la contribution de l'exploitant à la recherche, à la formation et a la normalisation en matière de télécommunications ;

« i) les conditions d'interconnexion et, le cas échéant, le principe du paiement de charges d'accès au réseau public ;

« j) les conditions d'exploitation commerciale nécessaires pour assurer une concurrence loyale et l'égalité de traitement des usagers ;

« k) la durée, les conditions de cessation et de renouvellement de l'autorisation.

Comme pour l'autorisation d'un réseau radioélectrique, le ministre chargé des télécommunications pourra estimer qu'en raison de l'objet ou des caractéristiques d'une expérimentation, aucune exigence n'a à être exprimée sur un ou plusieurs de ces onze points.

Cependant, lorsque le projet contiendra une offre au public de service téléphonique entre points fixes, il ne pourra être dérogé à la prescription du point i) cité ci-dessus qui édicte le principe de paiement de charges d'accès au réseau public, dès lors qu'un titulaire d'une autorisation souhaite se connecter à ce réseau.

Le cahier des charges de France Télécom fixe les conditions dans lesquelles ces charges sont perçues. Leur montant est déterminé en fonction du coût de l'interconnexion entre le réseau public et le réseau privé auquel s'ajoute éventuellement, une compensation financière évaluée en fonction du déficit de financement des missions de service public, entraîné par l'offre des services utilisant le réseau public.


Le dernier alinéa de l'article 2 définit les responsabilités du titulaire d'une autorisation délivrée au titre du 1° de l'article (téléports et infrastructures alternatives), au regard des principes de respect de la personne et de protection de la jeunesse et du consommateur posés par l'article 43 de la loi n° 86-1067 du 30 décembre 1986 relative à la liberté de communication. Ce titulaire doit veiller au respect desdits principes par les fournisseurs de services auxquels il donne accès à son réseau.

Cette disposition tire les enseignements des corrections qu'il a été nécessaire d'apporter aux dérives constatées dans le domaine de l'offre de services télématiques (messageries roses -pornographiques-, brunes -véhiculant une idéologie nationale-socialiste- ou noires-racistes). Une telle précaution se révèle tout à fait nécessaire car les services concernés par l'article 43 précité ne sont pas, contrairement aux services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne ou par câble grand public, soumis à autorisation préalable mais seulement à une déclaration préalable. Elle est donc approuvée sans réserve par votre commission des affaires économiques.

Celle-ci vous demande, en conséquence, d'adopter l'article 2 sans modification.

Article 3 - Dérogations à la législation sur la communication audiovisuelle au profit des expérimentations par voie hertzienne terrestre

Comme celui des télécommunications, le domaine de la communication audiovisuelle bénéficie d'innovations technologiques dont l'évaluation et le développement risquent d'être entravés, si les adaptations juridiques nécessaires ne sont pas apportées en temps utile.

Dans le cadre de la démarche pragmatique et progressive retenue par le projet de loi, le présent article tend à fournir un environnement juridique propice au lancement des expérimentations faisant appel à la technique numérique et utilisant la voie hertzienne terrestre.

Deux procédés sont spécifiquement visés :

- en premier lieu, la technique de diffusion numérique appliquée aux services de radiodiffusion sonore et aux services de télévision.

La numérisation des supports audiovisuels de l'image doit permettre la multiplication des programmes susceptibles d'être offerts sur un même canal, avec notamment pour conséquences un abaissement des coûts de diffusion et la possibilité d'offrir des « bouquets de services ».

En ce qui concerne la radio, la technique dite du DAB (Digital Audio Broadcast) rend possible la diffusion numérique par voie hertzienne terrestre sur plusieurs fréquences vers les nouvelles radios de qualité numérique, qui assurent une qualité constante en cas de déplacement du récepteur. Elle offre des perspectives prometteuses pour les autoradios, mais aussi pour d'autres applications puisqu'elle rend techniquement possible la diffusion simultanée des messages sonores, des textes, voire des images.

Radio France envisage d'expérimenter en Île-de-France la diffusion d'environ 5 programmes de radio numérique de haute qualité, principalement destinée à la radiomobile. Ces programmes seront enrichis par la diffusion simultanée d'informations concernant la circulation routière, la situation des parkings...

- en second lieu, est concerné le système de diffusion sur micro-ondes, MMDS (Microwaves Multichannel Distribution System), qui permet le multiplexage de chaînes sur une même fréquence.

Connu depuis longtemps aux États-Unis, il rend possible la transmission sur des fréquences supérieures aux fréquences VHS et UHF (de 2 GHz à 60 GHz contre 400 à 900 MHz). Le MMDS peut être utilisé en réception directe avec une antenne appropriée et également en tête de réseau local, pour la distribution par câble. Ce mode de transmission apparaît particulièrement adapté aux zones rurales dont la desserte par câble se heurte encore à l'heure actuelle, à des difficultés d'ordre économique.

L'exploitation de ce système en France, pour la communication audiovisuelle est actuellement régie par l'article 34 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui en réserve l'utilisation aux zones d'habitat dispersé -de moins de 5.000 habitants-définies par décret.

Le Conseil supérieur de l'Audiovisuel est, sur cette base, actuellement en mesure de gérer la bande de fréquence 3,6 - 3,8 GHz. Rappelons qu'en raison de la rareté de la ressource, l'utilisation des fréquences est soumise un triple niveau de contraintes : international, européen et national.

Alors que le système MMDS peut, aux États-Unis, utiliser la bande de fréquence de 2,5 GHz, ceci serait impossible en France où elle est réservée aux armées.

1. L'application des principes généraux régissant la communication audiovisuelle

Les projets qui seront autorisés en vertu du présent article devront pour l'essentiel se conformer à la législation en vigueur. Ils seront en effet soumis à la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, sous réserve d'y déroger sur certains points, pour la période limitée de l'expérimentation.

En particulier, ils devront respecter le principe de la liberté de communication tel que l'énonce l'article premier de la loi de 1986. Rappelons que celui-ci confie au Conseil supérieur de l'Audiovisuel (CSA) le soin d'assurer l'égalité de traitement, de garantir l'indépendance et l'impartialité du secteur public, de favoriser la libre concurrence, de veiller à la qualité et à la diversité des programmes, au développement de la production et de la création audiovisuelles nationales, ainsi qu'à la défense et à l'illustration de la langue et de la culture françaises.

2. Un dispositif strictement encadré

Seuls pourront bénéficier de ce régime dérogatoire les projets précis répondant aux critères énumérés par l'article premier du projet de loi.

Ils seront, de plus, soumis à une triple limitation, dans le temps, dans l'espace et par rapport aux autres techniques.

a) La limitation dans le temps

L'autorisation, ainsi que le précise l'article premier, est délivrée pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. Pendant cette période maximale, elle peut faire l'objet d'adaptations en cas de modification des dispositions législatives en vigueur.

En revanche, elle ne pourra être renouvelée selon le même régime dérogatoire.

Enfin elle ne pourra être accordée que pendant la période de trois ans suivant la publication de la loi.

b) La limitation dans l'espace

Le deuxième alinéa du I du présent article précise expressément que l'autorisation ne pourra être délivrée que pour un site géographique limité.

De plus, aux termes du troisième alinéa du I, les services audiovisuels autorisés dans le cadre de l'expérimentation devront, pour éviter de tomber sous le coup du dispositif anti-concentration défini par le deuxième alinéa de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986, desservir une zone dont la population recensée ne dépasse pas 100.000 habitants (cf.infra, 3 c)

c) La limitation par rapport aux autres techniques

Enfin, l'autorisation ne pourra être accordée au profit de services visant à assurer une diffusion en multiplexage sur canal micro-ondes, dans les zones déjà « effectivement desservies par un réseau de distribution par câble ».

Compte tenu des investissements qu'implique la mise en place d'un réseau câblé et des difficultés rencontrées par les câblo-opérateurs pour assurer la rentabilité de leurs équipements, il est clair que si l'on autorisait sur les mêmes sites des expérimentations faisant appel à la transmission par micro-ondes, moins onéreuse, on fausserait totalement le jeu de la concurrence. Le système de diffusion micro-onde a, sans doute, encore un rôle à jouer dans les zones à habitat diffus que n'atteint pas actuellement le câble. Il est donc complémentaire de ce dernier, mais il ne saurait sans dommage le concurrencer sur son propre terrain.

Votre rapporteur approuve donc pleinement l'interdiction ainsi faite de mettre en concurrence le procédé micro-ondes avec le câble, dans les zones desservies par celui-ci. Toutefois, il s'est interrogé sur la restriction apportée par l'adverbe « effectivement ».

On rappellera que les réseaux câblés offrent aujourd'hui un potentiel de 6 millions de foyers raccordables, alors qu'on ne compte effectivement que 1,6 à 1,8 million de foyers d'abonnés.

La délimitation des zones « effectives » de desserte risque dans ces conditions de se révéler problématique et source de contentieux de toutes sortes. C'est pourquoi votre commission a adopté un amendement tendant à supprimer cet adverbe.

Cet encadrement strict permettra de satisfaire aux conditions posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 93-333 DC du 21 janvier 1994 sur la loi n° 94-88 du 1er février 1994 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, pour rendre compatibles les expérimentations qu'autorisait cette loi, avec les principes constitutionnels de liberté d'expression et d'information et d'égalité devant la loi.

Le Conseil constitutionnel a en effet jugé que l'article 1er de cette loi qui autorisait le CSA à déclarer des autorisations sans procéder aux appels à candidatures, ne dérogeait ni aux principes posés par l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986, ni aux dispositions de l'article 28 de la même loi, non plus qu'aux règles relatives à la transparence et au contrôle des concentrations. Il a estimé en effet que dès lors que l'autorisation avait un caractère temporaire, qu'elle ne permettait pas de renouvellement immédiat, elle ne méconnaissait aucune règle de valeur constitutionnelle.

3. Un régime dérogatoire adapté aux besoins de l'expérimentation

Quatre grandes catégories de dérogations sont apportées au cadre législatif applicable à la communication audiovisuelle :

- suppression de l'appel aux candidatures ;

- établissement d'une distinction entre l'autorisation accordée à l'utilisateur de fréquence pour un « bouquet de services » et les conventions qui devront être passées entre le CSA et chacun de ces services ;

- adaptation du dispositif « anti-concentration » ;

- mutualisation du régime des quotas de diffusion d'oeuvres audiovisuelles françaises et européennes.

a) La dispense d'appel aux candidatures

Les expérimentations faisant appel à la compression numérique ou à la transmission hertzienne par micro-ondes pourront bénéficier d'une procédure d'autorisation simplifiée, sans appel préalable aux candidatures.

On peut, d'ailleurs, considérer que sous une forme différente, un appel à candidatures a eu lieu lors du lancement de l'expérimentation par le gouvernement de M. Balladur.

Les 170 projets « d'intérêt public » retenus par le comité interministériel du 16 octobre 1995, sur les 635 dossiers présentés, puis les 80 projets qui s'y sont ajoutés plus récemment, représentent une sélection parmi ces candidatures, fondée sur le caractère innovant des projets.

Il reviendra, ensuite, au CSA, dans le respect des principes généraux de la liberté de communication, d'accorder l'autorisation d'usage de fréquence, sans recourir à la procédure d'appel aux candidatures prévue à l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, pour la radio-diffusion et à son article 30, pour la télévision.

Les mesures dérogatoires figurant au présent article, s'inscrivent dans le fil de l'article 11 de la loi du 1er février 1994 modifiant la loi du 30 septembre 1986, qui permettait déjà au CSA de délivrer des autorisations à des services de télévision hertzienne, sans procéder à un appel à candidatures, pour une durée n'excédant par six mois.

Pour les projets sélectionnés dans le cadre de l'expérimentation, le CSA n'en devra pas moins, avant d'accorder l'autorisation, vérifier que le projet qui lui est soumis respecte bien les critères prévus par l'article 29 précité.

Il aura ainsi à apprécier l'intérêt de chaque projet pour le public notamment, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, la nécessité d'éviter les abus de position dominante, ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence.

L'article 29 énumère également les autres critères (expérience des candidats, conditions de financement et d'exploitation du service, participations détenues par le candidat dans le capital de régies publicitaires ou d'entreprises de presse...) sur lesquels le Conseil supérieur de l'Audiovisuel fonde sa décision.

Les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 seront applicables à ces autorisations, à l'exception des articles suivants :

- l'article 27 (décrets fixant les principes généraux qui définissent les obligations des différentes catégories de services de communication audiovisuelle, diffusés par voie hertzienne) ;

- l'article 28 (autorisation d'usage des fréquences et régime de convention passée entre le CSA et le titulaire de l'autorisation) ;

- l'article 28-1 (durée maximale de l'autorisation et modalités de reconduction) ;

- l'article 70 (diffusion des oeuvres cinématographiques par les services publics et privés de communication audiovisuelle)

- et l'article 70-1 (fixation par décret des délais applicables pour l'exploitation des oeuvres cinématographiques par les services de communication audiovisuelle).

Le titulaire de l'autorisation ne sera, en outre, pas soumis aux articles 93-2 et 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, qui définit le régime de responsabilité du directeur de publication, dont les services de communication audiovisuelle doivent être dotés.

b) Dissociation de l'autorisation et des conventions

La procédure définie au présent article établit un découplage entre l'autorisation qui est accordée pour l'usage de fréquences dans les conditions qui viennent d'être examinées ci-dessus (article 3-1) et le conventionnement requis de l'ensemblier pour le bouquet de services (article 3-II).

Selon l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986, l'opérateur bénéficiaire de l'autorisation doit passer une convention avec le CSA. Cette convention porte sur un ou plusieurs des points énumérés par l'article 28 :

- durée et caractéristiques du programme ;

- temps consacré à la diffusion d'oeuvre d'expression original française ;

- temps maximum consacré à la publicité ;

- règle de parrainage ;

- diffusion d'oeuvres éducatives et culturelles ;

- indépendance des producteurs à l'égard des diffuseurs, etc.

Le régime de conventionnement prévu par le présent article est doublement original. D'une part, ce n'est pas nécessairement avec le titulaire de l'autorisation d'usage de fréquences que doit être conclue la convention prévue par l'article 28.

D'autre part, cette convention n'est pas unique : il est prévu que le CSA conclut une telle convention avec chacun des services de communication audiovisuelle formant le « bouquet », ici désigné sous le terme « d'ensemble de services ». Les services ainsi conventionnés seront considérés comme des services autorisés au sens de la loi du 30 septembre 1986.

Ils pourront néanmoins déroger sur plusieurs points à cette dernière, dans la mesure où ses articles 25, 28 (premier alinéa), 28-1, 29, 30, 39 et 41 (deuxième et cinquième alinéas) ne leur seront pas applicables.

L'article 25 subordonne l'usage des fréquences au respect de conditions techniques définies par le CSA, qui peut soumettre l'utilisateur d'un site d'émission à des obligations particulières et qui détermine le délai maximum dans lequel doit commencer à être utilisée la fréquence.

Rappelons que le premier alinéa de l'article 28 établit le lien entre la délivrance des autorisations d'usage des fréquences et la conclusion de la convention entre le CSA et le bénéficiaire de l'autorisation. Il est donc logique qu'il ne s'applique pas ici.

L'article 28-1 est relatif à la durée maximale de l'autorisation initiale (dix ans pour les services de télévision et cinq ans pour les services de radiodiffusion) et aux modalités de sa reconduction éventuelle.

Les articles 29 et 30, déjà évoqués ci-dessus (a), fixent le régime d'autorisation par le CSA de l'usage des fréquences, le premier pour la diffusion de services de radiodiffusion sonore, le second pour la diffusion de services de télévision par voie hertzienne terrestre.

c) Adaptation du dispositif anti-concentration

Les articles 39 et 41 de la loi du 30 septembre 1986 qui définissent de manière stricte les règles relatives aux limitations dans le cumul des autorisations, le pourcentage maximal du capital autorisé, s'appliquent aux expérimentations, avec toutefois la fixation d'un seuil démographique de 100.000 habitants.

L'article 39 impose aux sociétés de télévision nationales et privées, émettant par voie hertzienne terrestre et par satellite, des règles relatives à la composition du capital et aux droits de vote, ayant pour objet de limiter les concentrations.

Le deuxième alinéa de l'article 41 interdit à une même personne d'être titulaire de deux autorisations relatives chacune à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre ou d'une autorisation relative à un service national et une de même nature autre que nationale.

Le cinquième alinéa du même article interdit l'exploitation simultanée de plus d'un service de télévision par voie hertzienne dans une même zone.

Pour l'application du deuxième alinéa de l'article 41, ne seront prises en compte que les autorisations pour des services desservant une zone géographique dont la population est supérieure à ce seuil.

Autrement dit, seules pourront échapper aux règles anti-cumul, les expérimentations limitées à une zone géographique étroite ou peu dense. Les grands opérateurs de radio ou de télévision déjà titulaires d'une autorisation nationale, ne seront par conséquent pas mis à même d'exploiter des services de télévision numérique par voie hertzienne terrestre dans les grandes villes, voire à l'échelle d'un département rural ou semi rural.

L'article 39, ainsi que les deuxième et cinquième alinéas de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986, ne seront, en revanche, pas opposables aux services appelés à être conventionnés par le CSA, sur la base de l'autorisation. Ceci paraît logique puisque c'est au niveau de cette dernière que s'exercera le contrôle.

d) Mutualisation du régime des quotas

Les conventions que passera le CSA avec chacun des services fixeront les modalités selon lesquelles devront être assurées les obligations de production et de diffusion prévues par les 2° et 3° de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986.

Lorsqu'elles seront « formulées en termes de pourcentages du temps de diffusion ou du chiffre d'affaires » ces obligations pourront être globalisées.

Ainsi, les quotas d'oeuvres audiovisuelles françaises et européennes pourront être mutualisés entre les différents services diffusés sur un même canal. Ceci devrait renforcer l'intérêt de la technique numérique, grâce à laquelle pourront être offerts plusieurs programmes à partir d'un même canal.

Votre commission a, comme l'Assemblée nationale, approuvé l'économie générale de cet article.

Le dispositif s'inscrit en effet dans la démarche pragmatique et progressive des expérimentations que va rendre possibles le projet de loi. Il devrait permettre d'apprécier tout à la fois la faisabilité des projets, leur impact culturel et social, l'existence éventuelle d'un marché, ainsi que les évolutions juridiques que rendra nécessaire le développement des nouveaux réseaux et de leurs contenus.

C'est pourquoi, il vous est demandé d'adopter le présent article avec l'amendement qui vous est soumis.

Article 3 bis (nouveau) - Dérogations pour la reprise par multiplexage d'éléments de programmes audiovisuels

L'article 3 bis (nouveau) résulte de l'adoption par nos collègues députés d'un amendement de la Commission de la Production et des Échanges, auquel le Gouvernement a donné un avis favorable sous réserve de l'adoption d'un sous-amendement de clarification rédactionnelle.

L'objet de cet article est de donner une base légale à la diffusion multiplexée de services audiovisuels.

Alors que l'article 3 du projet ne vise que les expérimentations diffusées par la voie hertzienne terrestre, des « ensembles de services » pourraient être expérimentés prochainement sur des réseaux câblés ou par satellite. Des services hertziens terrestres de radiodiffusion sonore et de télévision qui bénéficient de l'autorisation du Conseil supérieur de 1'audiovisuel seraient ainsi en mesure d'offrir, par le câble ou le satellite, leurs programmes sous la forme d'un multiplex.

Rappelons qu'un multiplex permet de reprendre, en tout ou partie, des programmes audiovisuels et de les diffuser de manière non simultanée par rapport aux programmes d'origine.

Concrètement, une telle mesure pourrait intéresser Canal Plus qui, selon les informations fournies à votre rapporteur, serait en mesure de diffuser, à partir du mois de mars 1996, son programme, via le satellite Astra et, sur deux autres canaux, deux programmes, baptisés Canal Plus jaune et Canal Plus bleu, offrant les mêmes programmes à des horaires différents.

En adoptant l'article 3 bis nouveau, nos collègues députés ont voulu permettre une telle diffusion multiplexée.

La difficulté était de respecter les règles de quotas de diffusion d'oeuvres cinématographiques définies par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée. L'article 3 bis (nouveau) tend, à cette fin, à "mutualiser ", en quelque sorte, les obligations liées aux quotas.

S'agissant du régime de diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles (5° de l'article 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifié), et s'agissant de l'obligation de consacrer, dans les diffusions d'oeuvres cinématographiques de longue durée, en particulier aux heures de grande écoute, des proportions au moins égales à 60 % à des oeuvres européennes et des proportions au moins égales à 40 % à des oeuvres d'expression originale française (2° de l'article 70 de la même loi), la solution retenue par l'Assemblée nationale a été celle du conventionnement.

La forme de convention retenue est celle prévue, pour les services distribués par réseaux câblés, par l'article 34-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication. Cet article est ainsi rédigé :

« Les services de radiodiffusion sonore et de télévision qui ne consistent pas en la reprise intégrale et simultanée soit d'un service fourni par une société nationale mentionnée a l'article 44 ou par la chaîne culturelle européenne, issue du traité signé le 2 octobre 1990, soit d'un service soumis au régime de la concession de service public ne peuvent être distribués par les réseaux câblés établis en application du présent chapitre qu'après qu'a été conclue avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel une convention définissant les obligations particulières à ces services.

« La condition de simultanéité n'est pas exigée lorsque le service est mis a disposition directe du public dans les départements d'outre-mer, les territoires de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française, des îles Wallis-et-Futuna et dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

« Cette convention, qui ne peut être conclue qu' 'avec une personne morale, définit, dans le respect des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de son article 33, les obligations particulières au service considéré ainsi que les prérogatives et les pénalités contractuelles dont dispose le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour assurer le respect des obligations conventionnelles. Elle peut, dans les limites fixées par le décret prévu a l'article 33, prévoir une application progressive des règles qui y sont prévues, en fonction notamment du nombre de foyers recevant ou pouvant recevoir ce service, sans que ce délai puisse toutefois excéder cinq années. »

Il pourrait paraître insolite de soumettre à conventionnement des services qui ne sont que la reprise non simultanée de programmes déjà autorisés. Il convient de rappeler que le présent projet de loi ne vise pas à établir un régime juridique pour le multiplex sur câble ou par satellite. L'objectif est de permettre à des services innovants de se mettre en place dans un cadre légal. Le conventionnement prévu pour les services diffusés par réseau câblé est apparu à nos collègues de l'Assemblée nationale offrir le cadre juridique le mieux adapté et le moins éloigné des règles existantes.

Dans le cadre des modalités précisées par les conventions, les obligations évoquées plus haut seront appréciées en termes de pourcentage de temps de diffusion de façon globale sur tout ou partie des services -c'est là que réside l'originalité de l'article et son effet mutualisateur.

Sur cette base, les conventions passées avec chaque service pourront individualiser les obligations de diffusion et de production à la condition que les quotas légaux de diffusion (c'est-à-dire 60 % d'oeuvres européennes et 40 % d'oeuvres françaises) et/ou de production soient globalement réalisés par l'ensemble (ou une partie) des services diffusés sur un même canal.

Cet assouplissement permettra à de véritables « bouquets de services » d'offrir des programmes répondant aux attentes de différents publics, et de présenter une offre audiovisuelle plus diversifiée et, dans le même temps, plus ciblée.

Dans l'esprit des auteurs de l'article 3 bis, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) appréciera, au cas par cas, les modalités pratiques de mise en oeuvre de ces dérogations.

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale a inclu, sur la suggestion de notre collègue député M. Laurent Dominati, les services multiplex diffusés par satellite. Au demeurant, le CSA semble considérer que, dès lors que le service a fait l'objet d'une convention et qu'il a autorisé l'utilisation de la fréquence dite montante pour transmettre le signal à un satellite de télédiffusion, la chaîne de télévision ou de radio peut ne pas emprunter un réseau câblé pour atteindre le téléspectateur ou l'auditeur, mais l'offrir par réception directe du signal satellitaire.

L'Assemblée nationale, adoptant un sous-amendement de notre collègue député M. Christian Kert, a, en outre, inclu dans le champ d'application de l'article les programmes diffusés par voie filaire.

On notera, pour finir, que, dans sa rédaction actuelle, l'article 3 bis (nouveau) ne fait du conventionnement mutualisé qu'une possibilité.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 bis (nouveau) sous réserve d'un amendement qui procède à une ré-écriture de l'article dans le double but d'en faire disparaître certaines tournures redondantes ou termes de jargon (multiplexage) et d'en confirmer l'articulation logique avec les dispositions de l'article premier.

Article 4 - Les expérimentations de services audiovisuels à la demande


• Les trois types de services audiovisuels

Rappelons, tout d'abord, qu'on distingue trois types de services audiovisuels :

- les services diffusés, tels que la radio et la télévision d'aujourd'hui, où un émetteur adresse au consommateur un programme construit à l'aide d'une grille établie et publiée à l'avance. Le principal critère permettant de caractériser un service diffusé est ce concept de grille, qui constitue le coeur du métier de la télévision actuelle ;

- les services téléchargés à la demande, où les programmes stockés en tête de réseau peuvent être sélectionnés individuellement par chaque client raccordé au réseau. Le minitel en est un exemple ;

- les services commutés, tel que le téléphone, où la communication s'opère entre deux individus, librement, à la fois dans son contenu et dans le choix des personnes. Le visiophone fera partie de ces services commutés.

L'article 4 du présent projet de loi concerne un nouveau type de service téléchargé, par voie hertzienne ou par câble : il s'agit des services audiovisuels à la demande.


• Qu'est-ce qu'un service audiovisuel à la demande
?

Il n'existe pas de définition officielle de la vidéo et de la radio à la demande. Le premier alinéa de l'article 4 du projet de loi définit, de façon assez générale, le service de vidéo à la demande comme un service de communication audiovisuelle permettant la transmission de programmes, à la demande, et, le cas échéant, contre rémunération.

Cette technique permet à un particulier de commander un programme de radiodiffusion sonore ou de télévision à partir d'un fichier ou, en quelque sorte, d'un catalogue établi par un opérateur. Le programme choisi est envoyé à l'intéressé, le cas échéant après paiement, par l'intermédiaire d'un réseau sur son téléviseur. C'est un service « point à point ».

L'Assemblée nationale a retenu la terminologie générale de « programmes », en supprimant la précision qu'apportait le projet de loi initial indiquant que l'on visait les programmes « de radiodiffusion sonore ou de télévision ».

Votre commission se félicite de cette rédaction qui ôte ainsi toute ambiguïté quant au champ d'application du droit de la propriété intellectuelle, d'une part, et du droit de la communication audiovisuelle, d'autre part.

Cette technique se distingue du « paiement à la séance » (« pay per view »), dont le régime juridique est défini par les articles 19, 20 et 21 du décret n° 92-882 du 1er septembre 1992 portant application de l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986.

Ce décret définit le « paiement à la séance » comme « un service de télévision faisant appel à une rémunération de la part des usagers directement liée soit à la durée de visionnage du service, soit à l'émission visionnée ». Le paiement à la séance est un service « point-multipoint », c'est-à-dire diffusé en même temps à plus d'un point de réception. Il est, en outre, basé sur une grille de programme dans laquelle on fait son choix entre plusieurs possibilités à une heure donnée.

La vidéo à la demande se distingue également de la « quasi vidéo à la demande » (« near video on demand » ou NVOD) qui est un service multiplexe de paiement à la séance, également « point-multipoint » et bâti sur une grille de programmes.

Ce service repose sur la diffusion d'un programme sur plusieurs canaux avec des horaires de début échelonnés. Ainsi, par exemple, si les démarrages sont décalés de quart d'heure en quart d'heure, le spectateur se trouve toujours à moins d'un quart d'heure d'un début de séance.

Il est possible, sur le plan technique de considérer que la vidéo à la demande s'apparente à un service de télécommunication, car il existe une fonction d'adressage et d'acheminement, caractéristique traditionnelle des services de télécommunication. En revanche, au niveau du contenu, il paraît évident que la vidéo à la demande reste un service de communication audiovisuelle, car il y a mise à disposition du public, ou de catégories de publics, d'images et/ou de sons qui n'ont pas le caractère de correspondance privée.


• Le téléachat est exclu du champ d'application de l'article 4

L'article 4 vise les services de communication audiovisuelle autres que les services de téléachat.

Rappelons qu'il s'agit là d'émissions consacrées, en tout ou partie, à la présentation et à la promotion de biens ou services directement offerts à la vente.

Ces services bénéficient, en effet, d'un cadre juridique spécifique et sont notamment soumises, d'une part, à la directive « Télévision sans frontières » et, d'autre part, à la loi n° 88-21 du 6 janvier 1988 relative aux opérations de télé-promotion avec offre de vente, dites de « téléachat ».


L'intérêt de procéder à des expérimentations

Ces services à la demande posent de grandes difficultés techniques de mise en place, en raison des configurations que doivent avoir la bibliothèque faisant office de serveur et le logiciel de gestion du service. En effet, un même programme peut être demandé au même moment, à des heures légèrement décalées, par plusieurs dizaines ou centaines de personnes. De plus, la bibliothèque doit pouvoir stocker, et les robots manier, des milliers de cassettes audiovisuelles.

C'est pourquoi, à l'heure actuelle, un seul service de ce type existe, en Floride, où il dessert 4.000 foyers.

D'où l'intérêt de permettre des expérimentations en France dans ce domaine. Pour ce faire, trois sites ont été retenus : Metz (Metz Interactive), Boulogne-Billancourt (Hôtel Latitude : depuis juillet 1995, une douzaine de chambres bénéficient du service de vidéo à la demande), tous deux réalisés en partenariat avec TF1, et Annecy sur le réseau câblé de Citévision (Lyonnaise Communications) dans le cadre du projet Multicom.


Le régime juridique applicable est celui de la loi de 1986 sur l'audiovisuel, qu'il sera cependant possible d'adapter sur certains points.

Par voie de conséquence, le service à la demande est soumis au respect de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et doit donc faire l'objet d'un conventionnement par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

L'article 4 du présent projet de loi prévoit cependant qu'il sera permis de déroger à certaines de ses dispositions. Il n'est pas en contradiction avec la directive « Télévision sans frontières » du 3 octobre 1989, dans la mesure où celle-ci ne vise pas les services audiovisuels à la demande. En effet, la définition de la radiodiffusion télévisuelle combine deux critères : la mise à disposition du public et l'existence d'un programme télévisé. Le service à la demande répond bien au premier critère, mais ne satisfait pas le second puisque, on l'a dit, il ne propose pas un programme constitué d'une suite d'émissions organisées selon une grille de programmation, mais véritablement un catalogue de services, accessibles dès lors qu'ils sont demandés par l'utilisateur.

La directive « Télévision sans frontières » vise, en réalité, les services du type « point à multipoint », c'est-à-dire ceux qui sont diffusés en même temps à plus d'un point de réception et non aux services « de point à point ».

L'article 4 prévoit que les conventions conclues entre les opérateurs et le Conseil supérieur de l'audiovisuel pourront prévoir des adaptations à certaines des dispositions de la loi de 1986.

En effet, comment faire respecter à des services de vidéo à la demande, qui ne sont pas maîtres de leur grille de programmation, des quotas de diffusion d'oeuvres européennes ? Rien n'empêchera, en effet, l'utilisateur de ne visionner que des oeuvres américaines ou autres.

L'article 4 a donc pour objet de donner un cadre légal à ces expérimentations, en s'appuyant sur celui de la loi du 30 décembre 1986 relative à la liberté de communication. Des conventionnements par le Conseil supérieur de l'audiovisuel sont donc nécessaires. Cependant, le projet de loi permet d'adapter certaines dispositions de la réglementation de la communication audiovisuelle incompatibles avec ce nouveau type de services. Il s'agit :

- des 2° et 3° de l'article 27 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, qui impose des obligations en matière de diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française, d'acquittement d'une contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle, de dépenses minimales pour l'acquisition de droits de diffusion de ces oeuvres ;

- des 3° et 5° de l'article 33 de la loi précitée, qui encadre les conditions générales de production des oeuvres diffusées et le régime de diffusion ;

- de l'article 70 de la même loi, qui impose des obligations de contribution au développement des activités cinématographiques nationales et de diffusion d'oeuvres européennes et d'expression originale française, limite le nombre annuel de films diffusés et encadre l'horaire de leur diffusion et le délai à l'issue duquel ils peuvent être diffusés après délivrance du visa d'exploitation.

L'article 4 a donc pour effet d'harmoniser le régime juridique du service audiovisuel à la demande avec celui du service de location de vidéo cassettes. En effet, un service de vidéo à la demande peut en réalité être considéré comme un loueur de cassettes vidéo utilisant l'atout de nouvelles technologies (numérique, téléchargement, etc.). La création de tels services, à la place du traditionnel magasin, paraît peu probable s'ils doivent se voir imposer des obligations légales sans commune mesure avec celles des loueurs de vidéo (obligation de diffusion d'oeuvres européennes, obligation de contribution à la production d'oeuvres indépendantes, interdiction de la pornographie, interdiction de diffusion en fin de semaine...).

Il faut cependant insister sur une précision terminologique importante.

Le premier alinéa autorise des « adaptations » de ces dispositions, « pour tenir compte de la nature particulière des services » concernés.

On permet donc l'aménagement des dispositions précitées de la loi de 1986, mais non leur suppression pure et simple.

Dans le but de clarifier ce point, l'Assemblée nationale a » d'ailleurs, introduit un quatrième alinéa qui dispose que les conventions « doivent prévoir une contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle européenne et d'expression originale française, ainsi que les dépenses consacrées à l'acquisition de droits d'oeuvres cinématographiques ».

Ceci, alors même que des « aménagements » sont permis au 3° de l'article 27 de la loi de 1986, qui vise notamment ce type d'obligations.

Ces deux alinéas -le premier et le quatrième- sont donc complémentaires, mais le fait qu'ils soient entrecoupés de deux autres alinéas introduit une certaine ambiguïté dans leur interprétation.

C'est pourquoi, votre commission vous propose une nouvelle rédaction de l'article 4, qui a pour but, d'une part, d'inverser l'ordre des alinéas, et en particulier, de placer le quatrième alinéa juste à la suite du premier et, d'autre part, de préciser la rédaction de cette nouvelle disposition, afin notamment de l'harmoniser avec celle du 3° de l'article 27 de la loi de 1986. Il s'agit de viser « les dépenses minimales consacrées à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française ».

Le deuxième alinéa de l'article 4, dans la rédaction adoptée par 1'Assemblée nationale, prévoit que les programmes transmis à la demande ne peuvent pas être interrompu par des messages publicitaires. Votre commission vous propose de renvoyer cet alinéa à la fin de l'article 4.

Enfin, l'Assemblée nationale a introduit un troisième alinéa, dont 1'objet est de préciser la manière dont le service audiovisuel à la demande se verra appliquer les obligations prévues à l'article 70-1 de la loi de 1986 (dont le texte figure en annexe au présent rapport). Celles-ci imposent des délais, dont la fixation est renvoyée à un décret en Conseil d'État, pour l'exploitation successive des oeuvres cinématographiques entre leur première exploitation en salle, leur diffusion par les services pratiquant le paiement à la séance, leur vente ou leur location pour l'usage privé du public sous forme de vidéocassettes ou de vidéodisques, leur diffusion par des services de télévision payante consacrés au cinéma et leur diffusion par les autres services de communication audiovisuelle. Les décrets n° 92-881 du 1er septembre 1992 et n° 95-77 du 24 janvier 1995 portant modification du précédant décret ont arrêté ces délais. Le délai de référence est celui fixé par l'article premier du décret n° 83-4 du 4 janvier 1983, qui prévoit que « le délai avant l'expiration duquel aucune oeuvre cinématographique exploitée dans les salles de spectacles cinématographiques ne peut faire l'objet d'une exploitation simultanée sous forme de supports destinés à la vente ou à la location pour l'usage privé du public, et notamment sous forme de vidéocassettes et de vidéodisques, est fixé à un an à compter de la délivrance du visa d'exploitation prévu à l'article 19 du code de l'industrie cinématographique. »

Par voie de dérogation, le délai d'un an peut être réduit jusqu'à quatre mois pour un film qui n'a eu qu'une audience marginale en salle. En pratique, le délai moyen pour l'exploitation en vidéocassettes et de six à sept mois.

Le délai pour les services de télévision pratiquant le paiement à la séance a été assimilé au délai applicable aux vidéocassettes.

Or, les décrets des 1er septembre 1992 et 24 janvier 1995 ne prennent aucunement en compte les services à la demande, qui se trouveraient de facto exemptés de cette obligation.

C'est pourquoi, l'Assemblée nationale a prévu d'assujettir à cette dernière les services audiovisuels à la demande.

Votre commission vous demande d'adopter l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 - Durée d'application du régime des licences

L'article 5 limite aux trois années suivant la publication de la loi l'intervention d'autorisations ou de conventions établies sur le fondement de ses dispositions.

Combinée avec la règle posée à l'article premier qui fixe à cinq ans la durée maximale des licences expérimentales, cette disposition entraîne que le texte examiné n'aura plus aucun effet juridique en 2004 au plus tard.

Il est toutefois indispensable qu'un premier bilan de sa mise en oeuvre puisse être dressé bien avant cette date, afin d'éclairer les décisions politiques qui devront être prises dans le domaine des autoroutes de l'information, au cours des prochaines années.

Souhaitant vivement que cette observation soit suivie d'effets, votre Commission des Affaires économiques vous propose d'adopter l'article 5 sans modification.

Sous réserve des amendements qu'elle vous a présentés, votre commission vous propose, en conséquence, d'adopter le présent projet de loi relatif aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information.

ANNEXE 1 - Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle

Art. 93-2. - Tout service de communication audiovisuelle est tenu d'avoir un directeur de la publication.

Lorsque le directeur de la publication jouit de l'immunité parlementaire dans les conditions prévues par l'article 26 de la Constitution et par les articles 9 et 10 du protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des communautés européennes, il désigne un codirecteur de la publication choisi parmi les personnes ne bénéficiant pas de l'immunité parlementaire et, lorsque le service de communication est assuré par une personne morale, parmi les membres de l'association, du conseil d'administration, du directoire ou les gérants suivant la forme de ladite personne morale.

Le codirecteur de la publication doit être nommé dans le délai d'un mois à compter de la date à partir de laquelle le directeur de la publication bénéficie de l'immunité mentionnée à l'alinéa précédent.

Le directeur et, éventuellement, le codirecteur de la publication doivent être majeurs, avoir la jouissance de leurs droits civils et n'être privés de leurs droits civiques par aucune condamnation judiciaire.

Toutes les obligations légales imposées au directeur de la publication sont applicables au codirecteur de la publication.

Lorsque le service est fourni par une personne morale, le directeur de la publication est le président du directoire ou du conseil d'administration, le gérant ou le représentant légal, suivant la forme de la personne morale.

Lorsque le service est fourni par une personne physique, le directeur de la publication est cette personne physique.

Art. 93-3. - Au cas où l'une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication audiovisuelle, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable à sa communication au public.

A défaut, l'auteur, et à défaut de l'auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal.

Lorsque le directeur ou le codirecteur de la publication sera mis en cause, l'auteur sera poursuivi comme complice.

Pourra également être poursuivie comme complice toute personne à laquelle l'article 121-7 du code pénal sera applicable.

......................................................................................

Loi n° 86-1067 du 30 septembrel986 relative à la liberté de communication

...........................................................................................................

Art. 25. - L'usage des fréquences pour la diffusion de services de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre est subordonné au respect des conditions techniques définies par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et concernant notamment :

l° Les caractéristiques des signaux émis et des équipements de diffusion utilisés ;

2° Le lieu d'émission ;

3° La limite supérieure de puissance apparente rayonnée ;

4° La protection contre les interférences possibles avec l'usage des autres techniques de télécommunications.

Le conseil peut soumettre l'utilisateur d'un site d'émission à des obligations particulières, en fonction notamment de la rareté des sites d'émission dans une région. Il peut, en particulier, imposer le regroupement de plusieurs utilisateurs sur un même site.

Il détermine le délai maximum dans lequel le titulaire de l'autorisation doit commencer de manière effective à utiliser la fréquence dans les conditions prévues par l'autorisation.

..............................................................................

Art. 27 . - Compte tenu des missions d'intérêt général des organismes du secteur public et des différentes catégories de services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite, des décrets en Conseil d'État fixent les principes généraux définissant les obligations concernant :

1 ° La publicité et le parrainage ;

2° La diffusion, en particulier aux heures de grande écoute, de proportions au moins égales à 60 % d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et de proportions au moins égales à 40 % d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles d'expression originale française ;

Toutefois, pour l'application des dispositions prévues à l'alinéa ci-dessus aux oeuvres audiovisuelles diffusées par les services autorisés, le Conseil supérieur de l'audiovisuel pourra substituer aux heures de grande écoute des heures d'écoute significatives qu'il fixera annuellement, pour chaque service, en fonction notamment des caractéristiques de son audience et de sa programmation ainsi que de l'importance et de la nature de sa contribution à la production ;

3° La contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle et les dépenses minimales consacrées à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles ainsi que l'indépendance des producteurs à l'égard des diffuseurs.

Ces décrets peuvent fixer des règles différentes selon que la diffusion a lieu par voie hertzienne terrestre ou par satellite, selon qu'elle a lieu en clair ou fait appel à une rémunération de la part des usagers, ou selon l'étendue de la zone géographique desservie.

Ces décrets sont pris après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Cet avis motivé est publié au Journal officiel de la République française, ainsi que le rapport de présentation du décret.

Art. 28. -La délivrance des autorisations d'usage des fréquences pour chaque nouveau service de radiodiffusion sonore ou de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre ou par satellite, autres que ceux exploités par les sociétés nationales de programme, est subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel au nom de l'État, et la personne qui demande l'autorisation.

Dans le respect de l'honnêteté et du pluralisme de l'information et des programmes et des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de son article 27, cette convention fixe les règles particulières applicables au service, compte tenu de l'étendue de la zone desservie, de la part du service dans le marché publicitaire, du respect de l'égalité de traitement entre les différents services et des conditions de concurrence propres à chacun d'eux.

La convention porte notamment sur un ou plusieurs des points suivants :

1 ° La durée et les caractéristiques générales du programme propre ;

2° Le temps consacré à la diffusion d'oeuvres audiovisuelles d'expression originale française en première diffusion en France, la part du chiffre d'affaires consacrée à l'acquisition des droits de diffusion de ces oeuvres ainsi que la grille horaire de leur programmation ;

bis La proportion substantielle d'oeuvres musicales créées ou interprétées par des auteurs et artistes français ou francophones, devant atteindre avant le 1 er janvier 1996 un minimum de 40% de chansons d'expression française, dont la moitié au moins provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions, diffusées aux heures d'écoute significatives par chacun des services de radiodiffusion sonore autorisés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, pour la part de ses programmes composée de musique de variété ;

3° La diffusion, au moins deux fois par semaine, à des heures de grande écoute d'émissions d'expression originale française ou originaires de la Communauté économique européenne ;

4° La part du chiffre d'affaire consacrée à l'acquisition des droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques d'expression originale française ;

bis Les dispositions propres à assurer le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie ;

5° La diffusion de programmes éducatifs et culturels ainsi que d'émissions destinées à faire connaître les différentes formes d'expression artistique ;

6° Les dispositions propres à assurer l'indépendance des producteurs à l'égard des diffuseurs ;

7° La contribution à des actions culturelles, éducatives et de défense des consommateurs ;

8° La contribution à la diffusion d'émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer, à la connaissance, en métropole, de ces départements, territoires et collectivités territoriales et à la diffusion des programmes culturels de ces collectivités ;

9° La contribution à la diffusion à l'étranger d'émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision ;

10° Le temps maximum consacré à la publicité, aux émissions parrainées, ainsi que les modalités de leur insertion dans les programmes ;

11° Le concours complémentaire au soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'industrie de programmes audiovisuels, dans les conditions d'affectation fixées par la loi de finances ;

12° Les conditions dans lesquelles les services de télévision bénéficiant d'une autorisation nationale en clair sont autorisés à effectuer des décrochages locaux sous leur responsabilité éditoriale, dans la limite cumulée de trois heures par jour, sauf dérogation du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Les décrochages locaux visés au présent alinéa ne sont pas considérés comme des services distincts bénéficiant d'autorisations locales et ne peuvent comporter de messages publicitaires ni d'émissions parrainées.

La convention mentionnée au premier alinéa définit également les prérogatives et notamment les pénalités contractuelles dont dispose le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour assurer le respect des obligations conventionnelles. Ces pénalités ne peuvent être supérieures aux sanctions prévues aux 1°, 2° et 3° de l'article 42-1 de la présente loi ; elles sont notifiées au titulaire de l'autorisation qui peut, dans les deux mois, former un recours devant le Conseil d'État.

Pour l'application des dispositions du 2° bis du présent article, le Conseil supérieur de l'audiovisuel adaptera, dans les six mois à compter de la publication de la loi n° 94-88 du 1 er février 1994 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les conventions déjà conclues avec les services de radiodiffusion sonore autorisés

Art. 28-1 . - La durée de l'autorisation initiale ne peut excéder dix ans pour les services de télévision et cinq ans pour les services de radiodiffusion sonore, diffusés par voie hertzienne terrestre.

Cette autorisation est reconduite, par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, hors d'appel aux candidatures, dans la limite de deux fois et chaque fois pour une durée de cinq ans, sauf :

1° Si l'État a modifié la destination de la ou des fréquences considérées en application de l'article 21 ;

2° Si le Conseil supérieur de l'audiovisuel estime que la ou les sanctions dont le titulaire de l'autorisation a fait l'objet ou que la ou les astreintes liquidées à son encontre justifient, en raison de la gravité des agissements qui les ont motivées, que cette autorisation ne soit pas reconduite hors appel aux candidatures ;

3° Si le Conseil supérieur de l'audiovisuel estime que la reconduction de l'autorisation hors appel aux candidatures porte atteinte à l'impératif de pluralisme sur le plan national ou sur le plan régional et local.

Un an avant l'expiration de l'autorisation pour les services de télévision et de radiodiffusion sonore, le Conseil supérieur de l'audiovisuel statue sur la possibilité de reconduction hors appel aux candidatures. Dans l'affirmative, il procède, de sa propre initiative ou à la demande du titulaire de l'autorisation, et en accord avec ce dernier, à la modification de la convention prévue à l'article 28.

A défaut d'accord six mois au moins avant la date d'expiration de l'autorisation pour les services de télévision et de radiodiffusion sonore, l'autorisation n'est pas reconduite hors appel aux candidatures. Une nouvelle autorisation d'usage de fréquences ne peut être alors délivrée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel que dans les conditions prévues aux articles 29 et 30.

Les décisions de reconduction d'autorisation sont publiées au Journal officiel de la République française.

La procédure définie au présent article est applicable aux autorisations venant à expiration à une date postérieure au 28 février 1995.

...................................................................................

Art. 29. - Sous réserve des dispositions de l'article 26 de la présente loi, l'usage des fréquences pour la diffusion de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre est autorisé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans les conditions prévues au présent article.

Pour les zones géographiques et les catégories de services qu'il a préalablement déterminées, le conseil publie un appel aux candidatures. Il fixe le délai dans lequel les candidatures doivent être déposées.

Les déclarations de candidature sont présentées soit par une société, soit par une fondation, soit par une association déclarée selon la loi du 1 er juillet 1901, relative au contrat d'association, ou une association à but non lucratif régie par la loi locale dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Ces déclarations indiquent notamment l'objet et les caractéristiques générales du service, les caractéristiques techniques d'émission, les prévisions de dépenses et de recettes, l'origine et le montant des financements prévus ainsi que la liste des administrateurs, la composition du ou des organes de direction, les statuts de la personne morale qui fait acte de candidature et, le cas échéant, la composition du capital. Elles sont également accompagnées des éléments constitutifs d'une convention comportant des propositions sur un ou plusieurs des points mentionnés à l'article 28.

A l'issue du délai prévu au deuxième alinéa ci-dessus, le conseil arrête la liste des candidats.

Au vu des déclarations de candidature enregistrées, le conseil arrête une liste de fréquences pouvant être attribuées dans la zone considérée, accompagnée des indications concernant les sites d'émission et la puissance apparente rayonnée.

Les candidats inscrits sur la liste prévue au cinquième alinéa du présent article font connaître au conseil la ou les fréquences qu'ils souhaitent utiliser pour diffuser leur service.

Le conseil accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence.

Il tient également compte :

l° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ;

2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ;

3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ;

4° (abrogé, loi n° 89-25 du 17 janvier 1989, article 14--III).

Art. 30 . - Sous réserve des dispositions des articles 26 et 65 de la présente loi, l'usage des fréquences pour la diffusion de services de télévision par voie hertzienne terrestre est autorisé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans les conditions prévues au présent article.

Pour les zones géographiques et les catégories de services qu'il a préalablement déterminées, le conseil publie une liste des fréquences disponibles ainsi qu'un appel aux candidatures. Il fixe le délai dans lequel les candidatures doivent être déposées.

La déclaration de candidature est présentée par une société. Elle indique notamment l'objet et les caractéristiques générales du service, les caractéristiques techniques d'émission, la composition du capital, ainsi que la liste des administrateurs, les prévisions de dépenses et de recettes, l'origine et le montant des financements prévus. Les déclarations de candidature sont également accompagnées des éléments constitutifs d'une convention comportant des propositions sur un ou plusieurs des points mentionnés à l'article 28.

A l'issue du délai prévu au deuxième alinéa ci-dessus et après audition publique des candidats, le conseil accorde l'autorisation en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires mentionnés au huitième alinéa de l'article 29.

Il tient également compte des critères figurant aux trois derniers alinéas (1°, 2°, 3°) de l'article 29.

.................................................................................

Art. 33. - Un décret en Conseil d'État pris après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel fixe pour chaque catégorie de service de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par câble :

1° La durée maximale des conventions prévues à l'article 34-1 ;

2° Les règles générales de programmation ;

2 bis° Les dispositions propres à assurer le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie ;

3° Les conditions générales de production des oeuvres diffusées ;

4° Les règles applicables à la publicité et au parrainage ;

5° Le régime de diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles

Art. 34. -Les communes ou groupements de communes établissent ou autorisent l'établissement sur leur territoire de réseaux distribuant par câble des services de radiodiffusion sonore et de télévision, en veillant à assurer, dans l'intérêt général, la cohérence de l'ensemble des infrastructures de télédistribution et à respecter la qualité esthétique des lieux, notamment dans les périmètres faisant ou ayant fait l'objet d'une opération d'aménagement prévue par le titre Ier du livre III du Code de l'urbanisme.

Les communes autorisent l'établissement et les modifications des antennes collectives dans les conditions prévues à l'alinéa précédent.

Dans les zones d'habitat dispersé dont les caractéristiques sont définies par décret, un tel réseau peut comporter, pour l'usage exclusif de la transmission interne à ce réseau des services de radiodiffusion sonore ou de télévision, une ou plusieurs liaisons radioélectriques, après que l'autorisation d'usage de la ou des fréquences nécessaires a été délivrée par l'autorité compétente en vertu de l'article 21.

Les réseaux doivent être conformes à des spécifications techniques d'ensemble définies par arrêté conjoint des ministres chargés de l'industrie, des télécommunications et de la communication, pris sur avis conforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Ils sont soumis au contrôle technique des ministres précités.

L'exploitation des réseaux ainsi établis est autorisée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel sur proposition des communes ou groupements de communes dans les conditions définies par décret en Conseil d'État. Toute modification de l'autorisation d'exploitation est autorisée dans les mêmes conditions que l'autorisation initiale. Le décret précité fixe le cas où le silence gardé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pendant plus de soixante jours vaut décision implicite de modification de l'autorisation.

L'autorisation d'exploitation ne peut être délivrée qu'à une société, un organisme d'habitations à loyer modéré au sens de l'article L. 411-2 du Code de la construction et de l'habitation ou à une régie communale ou intercommunale telle que prévue à l'article L. 329-9 du Code des communes ou prévue par la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz et ayant la personnalité morale et l'autonomie financière. Elle précise sa durée ainsi que le nombre et la nature des services à distribuer. Elle peut comporter des obligations dont elle définit les modalités de contrôle. Ces obligations ne peuvent porter que sur un ou plusieurs des points suivants :

1° La retransmission de services diffusés par voie hertzienne normalement reçus dans la zone ;

2° La distribution d'un nombre minimal de programmes propres ;

3° L'affectation d'un canal à temps complet ou partagé à la commune ou au groupement de communes intéressés, destiné aux informations sur la vie communale, et le cas échéant, intercommunale ;

4° La distribution d'un nombre minimal de programmes édités par des personnes morales indépendantes de l'exploitant effectif du réseau ;

5° Le paiement par l'exploitant d'une redevance à la commune ou au groupement de communes intéressés.

Art. 34-1. - Les services de radiodiffusion sonore et de télévision qui ne consistent pas en la reprise intégrale et simultanée soit d'un service fourni par une société nationale mentionnée à l'article 44 ou par la chaîne culturelle européenne, issue du traité signé le 2 octobre 1990, soit d'un service bénéficiaire d'une autorisation en application des articles 29, 30, 31 et 65, soit d'un service soumis au régime de la concession de service public ne peuvent être distribués par les réseaux câblés établis en application du présent chapitre qu'après qu'a été conclue avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel une convention définissant les obligations particulières à ces services.

La condition de simultanéité n'est pas exigée lorsque le service est mis à disposition directe du public dans les départements d'outre-mer, les territoires de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française, des îles Wallis-et-Futuna et dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cette convention, qui ne peut être conclue qu'avec une personne morale, définit, dans le respect des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de son article 33, les obligations particulières au service considéré ainsi que les prérogatives et les pénalités contractuelles dont dispose le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour assurer le respect des obligations conventionnelles. Elle peut, dans les limites fixées par le décret prévu à l'article 33, prévoir une application progressive des règles qui y sont prévues, en fonction notamment du nombre de foyers recevant ou pouvant recevoir ce service, sans que ce délai puisse toutefois excéder cinq années.

......................................................................................

Art. 39. - I.- Une même personne physique ou morale agissant seule ou de concert ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 49 % du capital ou des droits de vote d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service national de télévision par voie hertzienne terrestre.

Lorsqu'une personne physique ou morale détient, directement ou indirectement, plus de 15 % du capital ou des droits de vote d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service national de télévision par voie hertzienne terrestre, elle ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 15 % du capital ou des droits de vote d'une autre société titulaire d'une telle autorisation.

Lorsqu'une personne physique ou morale détient, directement ou indirectement, plus de 5 % du capital ou des droits de vote de deux sociétés titulaires d'une autorisation relative à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre, elle ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 5 % du capital ou des droits de vote d'une autre société titulaire d'une telle autorisation.

IL- Une même personne physique ou morale ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service de télévision diffusé exclusivement sur les fréquences affectées à la radiodiffusion sonore et à la télévision par satellite.

Lorsqu'une personne physique ou morale détient, directement ou indirectement, plus du tiers du capital ou des droits de vote d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service de télévision diffusé exclusivement sur les fréquences affectées à la radiodiffusion sonore et à la télévision par satellite, elle ne peut détenir, directement ou indirectement, plus du tiers du capital ou des droits de vote d'une autre société titulaire d'une telle autorisation.

Lorsqu'une personne physique ou morale détient, directement ou indirectement, plus de 5 % du capital ou des droits de vote de deux sociétés titulaires d'une autorisation relative à un service de télévision diffusé exclusivement sur les fréquences affectées à la radiodiffusion sonore et à la télévision par satellite, elle ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 5 % du capital ou des droits de vote d'une autre société titulaire d'une telle autorisation.

III.- Une même personne physique ou morale ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre desservant une zone dont la population recensée est comprise entre deux cent mille et six millions d'habitants.

IV.- Les dispositions du présent article s'entendent sous réserve du respect des situations légalement acquises.

V.- Le franchissement de la fraction du capital ou des droits de vote prévu par les règlements pris pour l'application de l'article 6 bis de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988 sur les bourses de valeurs n'entraîne l'obligation de déposer un projet d'offre publique qu'à hauteur de la quotité de capital ou des droits lui permettant d'atteindre la limite applicable en vertu du présent article.

..................................................................................

Art. 41. - Une même personne physique ou morale ne peut, sur le fondement d'autorisations relatives à l'usage de fréquences dont elle est titulaire pour la diffusion d'un ou de plusieurs services de radio-diffusion sonore par voie hertzienne terrestre, ou par le moyen d'un programme qu'elle fournit à d'autres titulaires d'autorisation, disposer en droit ou en fait de plusieurs réseaux que dans la mesure où la somme des populations recensées dans les zones desservies par ces différents réseaux n'excède pas 150 millions d'habitants.

Nul ne peut être titulaire de deux autorisations relatives chacune à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre, ni être simultanément titulaire d'une autorisation relative à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre et d'une autorisation relative à un service de même nature autre que national.

Une personne ne peut être titulaire de plus de deux autorisations relatives chacune à un service de télévision diffusé exclusivement sur des fréquences affectées à la radiodiffusion sonore et à la télévision par satellite.

Une personne titulaire d'une ou de plusieurs autorisations relatives chacune à un service de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre autre que national ne peut devenir titulaire d'une nouvelle autorisation relative à un service de même nature autre que national si cette autorisation devait avoir pour effet de porter à plus de six millions d'habitants la population recensée des zones desservies par l'ensemble des services de même nature pour lesquels elle serait titulaire d'autorisations.

Une personne titulaire d'une autorisation pour l'exploitation d'un service de télévision par voie hertzienne terrestre dans une zone déterminée ne peut devenir titulaire d'une nouvelle autorisation relative à un service de même nature diffusé en tout ou partie dans la même zone.

Une personne titulaire d'une ou de plusieurs autorisations relatives chacune à l'exploitation d'un réseau distribuant par câble des services de radiodiffusion sonore et de télévision ne peut devenir titulaire d'une nouvelle autorisation relative à un service de même nature si cette autorisation devait avoir pour effet de porter à plus de huit millions d'habitants la population recensée des zones desservies par l'ensemble des réseaux qu'elle serait autorisée à exploiter.

....................................................................................

Art. 43. - Sont soumis à déclaration préalable :

1° Les services de communication audiovisuelle autres que le services prévus aux chapitres Ier et II du présent titre et aux titres III et IV de la présente loi ;

2° Par dérogation aux articles 34 et 34-1 de la présente loi :

a) L'exploitation des réseaux qui desservent moins de cent foyers et qui ne distribuent que des services de radiodiffusion sonore et de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre et par satellite, et normalement reçus dans la zone, ainsi que l'exploitation des réseaux qui ne distribuent que des services de radiodiffusion sonore et de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre et normalement reçus dans la zone. L'exploitation peut alors être assurée par toute personne morale.

Toutefois, lorsque ces réseaux sont situés dans une zone desservie par un réseau autorisé en application de l'article 34, ils ne peuvent faire l'objet d'une exploitation sous le régime de la déclaration préalable que dans le cas où une offre de raccordement au réseau autorisé a été précédemment rejetée soit par l'assemblée générale des copropriétaires dans les conditions prévues au j de l'article 25 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, soit par les locataires saisis par le bailleur dans les conditions prévues à l'article 42 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière.

L'arrêté ministériel prévu à l'article 34 fixe les conditions particulières dans lesquelles ces réseaux sont soumis aux spécifications techniques d'ensemble visées à cet article.

b) Les services de communication audiovisuelle internes à une entreprise ou à un service public.

La déclaration concernant les services utilisant les réseaux de télécommunications définis au paragraphe I de l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications est déposée auprès du procureur de la République. Dans tous les autres cas prévus aux 1° et 2° ci-dessus du présent article, la déclaration est déposée auprès du procureur de la République et du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Les messages publicitaires diffusés par les services mentionnés au présent article doivent être présentés comme tels.

Le fournisseur du service est tenu de porter à la connaissance des utilisateurs :

1° Les éléments mentionnés à l'article 37 de la présente loi :

2° Le tarif applicable lorsque le service donne lieu à rémunération.

Un décret en Conseil d'État détermine les règles applicables à la diffusion par ces services d'oeuvres cinématographiques.

................................................................................

Art. 70. - Les services de communication audiovisuelle qui diffusent des oeuvres cinématographiques, et notamment les sociétés nationales de programme, contribuent au développement des activités cinématographiques nationales selon des modalités fixées par les cahiers des charges des sociétés nationales, les autorisations accordées en application des articles 30, 31 et 65 de la présente loi et les décrets prévus aux articles 33 et 43.

Les dispositions relatives à la diffusion des oeuvres cinématographiques incluses dans les cahiers des charges, les autorisations et les décrets visés à l'alinéa précédent doivent préciser :

l° La fixation d'un nombre maximal annuel de diffusions et rediffusions d'oeuvres cinématographiques de longue durée ;

2° L'obligation de consacrer dans ces diffusions, en particulier aux heures de grande écoute, des proportions au moins égales à 60 % à des oeuvres européennes et des proportions au moins égales à 40 % à des oeuvres d'expression originale française ;

3° La grille horaire de programmation des oeuvres cinématographiques de longue durée.

Les dispositions relatives à la diffusion des oeuvres cinématographiques de longue durée sont identiques pour les services publics et privés de communication audiovisuelle diffusés en clair et dont le financement ne fait pas appel à une rémunération de la part des usagers.

Art. 70-1. - Un décret en Conseil d'État détermine les délais dans lesquels une oeuvre cinématographique de longue durée peut être exploitée successivement :

1° Par les services de communication audiovisuelle pratiquant le paiement à la séance et sous forme de supports destinés à la vente ou à la location pour l'usage privé du public et notamment sous forme de vidéocassettes ou de vidéodisques ;

2° Par les services de communication audiovisuelle qui font l'objet d'un abonnement spécifique et qui consacrent à l'acquisition des droits de diffusion des oeuvres cinématographiques un pourcentage déterminé de leur chiffre d'affaires ;

3° Par les autres services de communication audiovisuelle.

.......................................................................

ANNEXE II - LISTE DES PROJETS LABELLISES "PROJETS D'INTERET PUBLIC", TRIES PAR REGION

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* 1 Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion

* 1 Cf rapport n° 343 (Sénat 1993-1994) p. 377-383.

* 1 Cf « Les téléservices en France. Quels marchés pour les autoroutes de l'information ». La Documentation française 1994 p. 582.

* 2 Ibidem p. 53-55.

* 1 Extrait de « The Internet System Handbook » - Daniel Lynch et Marshall Rose - Addison-Wesley.

* 2 Dominique Nora : « Les conquérants du Cybermonde ».

* 1 Christian HUITEMA : « Et Dieu créa Internet... ».

* 1 Gérard Théry - Rapport au Premier ministre : « Les autoroutes de l'information ».

* 1 Cf« Les conquérants du cybermonde » précité.

* 1 Le Monde, 25 septembre 1995

* 1 Cf. audition du ministre par la Commission des Affaires économiques le mercredi 7 février 1995.

* 2 Projet Renater II d'ici fin 1996 (nouvelle génération du réseau national pour la technologie, l'enseignement et la recherche à l'intention des centres de recherche, des établissements d'enseignement supérieur, des universités et des entreprises) ; projet de mise en réseau des lycées, collèges et écoles de 13 académies au travers du réseau Renater ; projet de réseau national ATM (commutation temporelle asynchrone) de France Télécom.

* 1 Présidée par M. Adrien Gouteyron aujourd'hui Président de la Commission des Affaires culturelles.

* 1 c'est-à-dire près de neuf mois avant la publication du rapport Théry.

* 1 qui était également l'un des rapporteur de la Mission commune d'information.

* 1 En vertu de la combinaison du texte même de cet article et du décret d'attribution ministérielle n° 95-1231 du 17 novembre 1995.

* 2 En vertu du texte de ces articles.

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