II. L'INTRODUCTION D'UNE CAUSE DE NULLITÉ ABSOLUE
Le II de l'article unique du projet de loi propose d'introduire une cause de nullité absolue, d'ordre public, des opérations qui réalisent ou ont réalisé directement ou indirectement un investissement étranger répréhensible.
Cette disposition devrait faciliter le dénouement de rapports privés tissés en vue de réaliser un investissement illicite. Elle est utile en ce sens que les juridictions judiciaires n'estiment pas qu'une infraction aux règles de droit public entachent ipso facto la validité des contrats privés conclus pour réaliser une opération contraire aux règles du droit public.
La rédaction choisie soulève cependant des problèmes et suscite des interrogations.
Il convient d'abord d'observer que le champ de la cause de nullité ainsi instituée diffère de celui du pouvoir d'intervention du ministre chargé de l'économie.
Pour que la nullité opère, il faut, en premier lieu, que l'investissement n'ait pas "fait l'objet" de l'autorisation préalable exigée sur le fondement de l'article 3 de la loi de décembre 1966. N'est pas expressément visé, à la différence de ce qui est prévu pour déclencher l'intervention du ministre, le cas où l'autorisation ayant été délivrée sous conditions, celles-ci ne seraient pas respectées par l'investisseur.
Il y a là, semble-t-il, une omission involontaire.
Une autre condition de la nullité est que l'investissement concerne "l'un des domaines mentionnés au a) de l'article unique du projet de loi. Or, si le a) vise explicitement certains domaines, il se réfère également à des investissements pouvant intervenir dans n'importe quel domaine dès lors qu'ils réunissent quelques propriétés indésirables : "mettre en cause l'ordre public, la santé publique, la sécurité publique". Ces investissements devraient être "couverts" par le texte du II, mais la rédaction envisagée pourrait trahir l'intention de ses auteurs.
L'objectif de ces observations est de lever toute ambiguïté sur ces deux sujets.
La nullité instituée est d'ordre public, c'est-à-dire qu'elle est automatique et peut être prononcée par l'autorité judiciaire dans des conditions procédurales très souples. Il en résulte deux conséquences :
ï A la différence du ministre, la juridiction saisie n'aura pas de pouvoir d'appréciation. Une fois constatées les conditions de la nullité réunies, la juridiction ne pourra que prononcer l'annulation des actes déférés. Il y a donc là un mécanisme pouvant rendre inopérante la marge d'appréciation laissée au ministre par la première partie du texte et susceptible de déboucher sur une discordance entre l'autorité administrative et l'autorité judiciaire.
ï En outre, la nullité instituée pourrait avoir comme conséquence d'affecter la sécurité juridique de certaines opérations d'investissement.
Sans doute faut-il ne pas perdre de vue que, par définition, les opérations concernées ont un caractère répréhensible, si bien que plutôt que d'interpréter cette disposition comme périlleuse pour la sécurité juridique des investissements étrangers, mieux vaut sans doute la voir comme une mesure de nature à dissuader les fraudeurs.
Cependant, force est de souligner que, compte tenu des opérations visées, la nullité ici instituée est de nature à affecter non seulement l'auteur principal de la fraude mais aussi ceux qui auraient pu y participer volontairement ou non.
En cas de participation volontaire, aucun problème ne se pose. Mais, si la participation a été involontaire, par exemple si un engagement a été obtenu par tromperie du fraudeur principal, force est de reconnaître que la sanction civile instituée par le projet de loi peut être considérée comme fort rigoureuse.
En tout cas, elle invitera certainement les tiers appelés à participer à une opération d'investissement étranger à une grande vigilance dont on n'est pas sûr qu'elle soit toujours à leur portée et dont on ne peut dire qu'elle ne risque pas de compliquer, voire de freiner, les investissements étrangers en France.
En l'état, l'absence de condition de date à compter de laquelle les opérations ayant réalisé un investissement étranger illicite sont susceptibles d'être annulées rend tout à fait excessive la précarité d'opérations qui peuvent être parfois anciennes.
Il convient donc de préciser que le régime nouvellement institué ne s'appliquera qu'aux opérations réalisées à compter de la promulgation de la présente loi.
CHAPITRE IV
LES MODIFICATIONS DE LA LOI BOURSIÈRE NECESSAIRES AU LANCEMENT DU NOUVEAU MARCHÉ
Par un article additionnel déposé à l'Assemblée nationale, le gouvernement a fait procéder aux modifications de la loi boursière 1 ( * ) nécessaires au lancement du Nouveau marché. Bien qu'ayant un objet distinct de l'article premier, cet article additionnel tend à autoriser les établissements de crédit et entreprises d'investissement de l'Espace économique européen à opérer en France, et peut donc sans difficulté se rattacher à un texte relatif aux relations financières avec l'étranger.
Votre commission, qui a appelé de ses voeux la création d'un marché analogue au Nouveau marché, ne peut qu'approuver cet article additionnel. Cette approbation ne vaut cependant que dans ce but, et ne saurait présumer des positions qui seront prises lors du débat sur le projet de loi de modernisation des activités financières 2 ( * ) sur les éléments du dispositif qui ne sont pas indispensables à l'existence du nouveau marché.
* 1 n° 88-70 du 22 janvier 1988 sur les bourses de valeurs
* 2 n°157, rattaché au procès-verbal de la séance du 21 décembre 1995.