CHAPITRE PREMIER - LE DÉVELOPPEMENT DES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS EN FRANCE : DES PERFORMANCES À LA HAUTEUR DES ENJEUX
I. LA CONCURRENCE ENTRE ESPACES ÉCONOMIQUES A RÉVÉLÉ LES ENJEUX LIÉS AUX INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS
A. LA CONCURRENCE ENTRE ESPACES ÉCONOMIQUES
L'accroissement des phénomènes de concurrence est une des caractéristiques dominantes de l'économie moderne.
Issue de phénomènes divers par nature, elle prend des visages eux-mêmes très variés.
Autrefois localisée dans des territoires homogènes et réduits, la concurrence économique s'est internationalisée.
Initialement cantonnée à l'échange international - les exportations et les importations -, la concurrence concerne désormais les espaces économiques nationaux eux-mêmes et, au sein de chaque pays, les espaces régionaux.
L'essor considérable des flux d'investissements directs internationaux témoigne de ce phénomène.
L'augmentation des investissements directs étrangers qui s'est considérablement accélérée dans les années 80 a été plus rapide que celle du PIB mondial.
C'est là le signe que le choix de la localisation des activités économiques devient une variable stratégique pour les agents. Cet événement suppose à l'évidence une mise en concurrence des espaces économiques au regard des flux d'investissement.
B. DES ENJEUX IMPORTANTS
1. De quelques conséquences directes des investissements étrangers
Fondamentalement, un investissement étranger réalisé en France revient pour notre pays à bénéficier d'un apport extérieur de capitaux, ce qui suppose une capacité à faire financer par d'autres l'activité économique du pays. Partant, le développement des investissements étrangers reçus par notre pays réduit l'ampleur de l'effort d'épargne nationale nécessaire à l'essor de l'investissement et dégage des revenus disponibles pour consommer. Incidemment enfin, la constitution d'un investissement étranger en France est favorable, du fait des conversions monétaires qu'elle nécessite, à l'appréciation de notre devise.
Une première conclusion s'impose : en accueillant des investissements étrangers, un pays s'enrichit de l'épargne de l'étranger et bénéficie d'un facteur favorable à l'appréciation de sa monnaie. En contrepartie, il peut s'autoriser à réduire son propre effort d'épargne.
Cette analyse, si elle n'épuise pas l'examen de toutes les conséquences directes d'un investissement étranger, rend cependant compte des principaux enjeux qui s'attachent à cette forme d'échange économique.
On peut rappeler à ce propos que la stratégie de nombreux ex-pays en voie de développement et des pays d'Europe centrale et orientale qui ont le mieux réussi leur transition a précisément consisté pour pallier l'absence d'épargne locale à leur stade de développement et sans doute aussi pour accéder aux technologies et savoir-faire qui leur faisaient défaut à réunir les conditions d'un accueil massif des investisseurs étrangers.
Mais, ce qui vaut pour des pays en retard de développement vaut aussi pour des pays plus développés, parmi lesquels la France. En effet, comme pour les pays moins avancés, les investissements directs sont pour eux, en première analyse, un moyen d'accéder à l'épargne et aux savoir-faire de l'étranger.
C'est la raison pour laquelle, confrontés à la concurrence en la matière, un grand nombre de pays développés poursuivent une politique visant à renforcer l'attrait de leur territoire aux yeux des investisseurs étrangers.
Cette politique passe en particulier par l'adoption de régimes juridiques en général favorables à l'accueil des investisseurs étrangers.
2. le régime des investissements étrangers chez nos principaux partenaires
a) Les pays de l'Union européenne
Les pays de l'Union peuvent être, schématiquement, classés en trois catégories.
(1) Le Royaume-Uni, l'Irlande, la Belgique, le Luxembourg et le Danemark ont une réglementation particulièrement libérale en matière d'investissements étrangers.
Ces investissements sont acceptés au Royaume-Uni sans restriction particulière, les entreprises étrangères y étant traitées de la même façon que les entreprises britanniques.
Toutefois est posée une limite de 29,5 % de la part des investisseurs étrangers dans le domaine de la construction aéronautique
En Irlande, qui a fondé son développement économique sur la promotion des investissements étrangers, seuls les investissements non communautaires dépassant le million de livres irlandaises (8,3 millions de francs) sont formellement soumis à une autorisation préalable de la Banque Centrale, qui est en fait une simple formalité, dans la mesure où les dossiers sont préalablement instruits au titre des aides publiques par l'Industrial Development Authority.
La Belgique et le Luxembourg qui ont une tradition d'ouverture aux capitaux étrangers, n'appellent pas de remarques particulières concernant leurs réglementations, a fortiori face aux investisseurs communautaires.
Il en est de même pour le Danemark, si l'on y fait exception, de manière anecdotique, du cas de ses résidences secondaires.
(2) L'Espagne et le Portugal ont une attitude globalement libérale, avec, toutefois, des zones sectorielles sensibles, qui peuvent constituer des restrictions aux investissements étrangers.
L'Espagne a procédé, pour répondre aux exigences communautaires, à la mise en conformité de sa réglementation. La clause de sauvegarde n'est plus invoquée que pour les investisseurs extérieurs à l'Union Européenne, dans des secteurs considérés comme sensibles.
Il convient, par ailleurs, de noter que l'Espagne adopte une attitude semblable à celle de la France en ce qui concerne l'investisseur qui, résident extérieur à l'Union Européenne, effectuerait son investissement à partir d'un État-membre de l'Union Européenne.
Le Portugal a également mis en conformité sa réglementation nationale, mais ne semble toutefois pas faire preuve d'un grand zèle dans son application.
(3) Les réglementations grecques, italiennes, allemandes et, dans une moindre mesure, néerlandaises offrent une législation, a priori peu contraignante pour les investissements étrangers.
Toutefois, des dispositions du droit des sociétés, s'agissant de l'Allemagne et des Pays-Bas, permettent, dans la pratique, à des entreprises de ces pays, de s'opposer au rachat total ou partiel, par des résidents ou des non-résidents, en particulier en raison de l'importance prise par les participations croisées entre banque et industrie.
La Grèce a procédé, en mars 1993, à une adaptation de sa réglementation nationale pour répondre aux exigences communautaires. Les investissements ne sont soumis, ni à déclaration préalable, ni à autorisation préalable, quel que soit le montant de l'investissement.
Mais, ce pays a conservé des restrictions sectorielles (marine marchande, transport aérien pour la desserte insulaire), ainsi que des pratiques administratives caractérisées par une certaine lourdeur, auxquelles n'échappent pas les investisseurs étrangers, communautaires ou non.
L'Italie , dont la réglementation a pour origine le contrôle des changes, ne présente pas de difficultés particulières pour un investisseur étranger, la seule déclaration effectuée l'étant à des fins statistiques.
Toutefois, s'agissant de certaines activités commerciales, les investisseurs étrangers se heurtent parfois aux lenteurs des autorités locales.
b) Les ÉTATS-UNIS
(1) Dispositions EXON-FLORIO : un dispositif de sauvegarde des intérêts de la sécurité nationale
Les dispositions Exon-Florio prévoient une procédure d'examen et d'enquête en deux étapes avant que le Président ne puisse prendre des mesures.
La phase "d'examen" ou de "notification" doit intervenir dans les 30 jours qui suivent la notification écrite d'un projet d'acquisition. Au cours de cette phase, il doit être décidé si le projet d'investissement touche aux intérêts de la sécurité nationale ou s'il y a lieu d'ouvrir une enquête pour en étudier de façon approfondie ses conséquences au regard de la sécurité nationale. A l'issue de la phase d'enquête, qui ne doit pas dépasser 45 jours, une décision administrative est prise en dernier ressort. Si elle conclut à l'obligation, pour le Président, d'engager une action contre l'investissement étranger concerné, cette action doit être entreprise dans les 15 jours. En conséquence, la procédure complète ne peut dépasser 90 jours.
Les facteurs devant être pris en compte afin d'évaluer un projet d'investissement donné au regard des impératifs de sécurité nationale sont les suivants :
- la production intérieure nécessaire pour assurer les besoins prévus de la défense nationale ;
- l'aptitude et la capacité de l'industrie nationale à satisfaire les besoins de la défense nationale, appréciées notamment au regard des ressources humaines, des produits, de la technologie, des installations et autres fournitures et services dont elle dispose ;
- enfin, le contrôle d'entreprises et activités commerciales nationales par des ressortissants étrangers dans la mesure où il influe sur l'aptitude et la capacité des États-Unis à satisfaire les besoins de sécurité nationale.
(2) Le "Défense authorisation Bill" : une modification des dispositions EXON-FLORIO
Les principales dispositions du texte sont les suivantes :
- Une enquête du Comité des investissements étrangers aux États-Unis (Committee on Foreign Investment in the United States CFIUS) est désormais obligatoire dans tous les cas dans lesquels une entité contrôlée par un gouvernement étranger ou agissant en son nom cherche à conclure une transaction susceptible de se traduire par une prise de contrôle par des intérêts étrangers et d'affecter la sécurité nationale ;
- Les effets potentiels d'une transaction sur l'avance ("leadership") technologique des États-Unis dans des domaines touchant à la sécurité nationale doivent désormais compter parmi les facteurs que le Président des États-Unis peut être amené à prendre en considération lorsqu'il porte en jugement sur un investissement donné.
- Le Président est désormais tenu de soumettre au Congrès un rapport écrit sur chaque cas sur lequel il aura eu à se prononcer, que la transaction ait été ou non bloquée. Ce rapport doit contenir une explication détaillée des conclusions auxquelles le Président est parvenu et des facteurs qu'il a pris en compte. Auparavant, le Président ne devait présenter un apport au Congrès que lorsqu'il avait décidé de bloquer une transaction et il n'était pas tenu de fournir des explications détaillées quant à sa décision.
c) Le JAPON
(1) La réglementation est d'inspiration libérale
Depuis 1980, en plusieurs étapes, le Japon a substitué à une procédure d'autorisation préalable des investissements directs étrangers un régime plus libéral. La "Loi sur le contrôle des changes et le commerce extérieur" pose à présent, le principe de la liberté des opérations d'investissements étrangers et prévoit seulement que soit soumis a posteriori à la Banque du Japon un rapport décrivant l'opération.
Cependant, certaines opérations d'investissements directs demeurent soumises à un régime de déclaration préalable auprès du Ministère des Finances et de la Banque du Japon. Deux facteurs motivent cette procédure dérogatoire au principe général d'information a posteriori des autorités :
- le fait que l'investissement projeté intervienne dans des secteurs (agriculture, la sylviculture, la pêche, le cuir, les industries minières et pétrolières et les transports aériens et maritimes) que le Japon considère stratégiques ou vitaux en termes de sécurité nationale ;
- le principe de réciprocité à l'égard d'un petit nombre de pays avec lesquels le Japon n'a pas signé d'accord relatif aux investissements directs et qui imposent une procédure d'autorisation ou de déclaration préalables aux investissements directs japonais.
(2) En pratique, cependant, le pouvoir de contrôle des opérations est fort
Outre la procédure d'investissement étranger elle-même, il existe, en effet, un système de licences pour exercer une activité dans un certain nombre de domaines (finances, transports aériens, construction, hôtellerie, vente de produits pharmaceutiques, etc.). Cela signifie qu'une instruction préalable "officieuse" des dossiers est généralement la règle.