Rapport général n° 77 (1995-1996) de M. François TRUCY , fait au nom de la commission des finances, déposé le 5 décembre 1995
Disponible au format Acrobat (2,7 Moctets)
-
PRINCIPALES OBSERVATIONS
-
EXAMEN EN COMMISSION
-
INTRODUCTION
-
PREMIÈRE PARTIE PRÉSENTATION
GÉNÉRALE DES CRÉDITS DU TITRE III
-
DEUXIÈME PARTIE LES PERSONNELS
-
TROISIÈME PARTIE LES CRÉDITS DE VIE
COURANTE
-
QUATRIÈME PARTIE - L'ACTIVITÉ DES
FORCES
-
CONCLUSION
-
PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1996
N°77
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1993.
RAPPORT GÉNÉRAL
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de l oi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
Par M. Alain LAMBERT,
Sénateur,
Rapporteur général.
TOME III
LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES
(Deuxième partie de la loi de finances)
ANNEXE N° 47
DÉFENSE
• DÉPENSES ORDINAIRES
Rapporteur spécial M. François TRUCY
( 1 ) Cette commission est composée de MM. Christian Poncelet. Président : Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret. Vice-présidents ; Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Emmanuel Hamel, René Régnault, François Trucy. Secrétaires ; Alain Lambert; rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Philippe Marini, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Alain Richard, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.
Voir les numéros
Assemblée nationale (10 ème législ.) 2222, 2270 à 2275 et T.A. 413.
Sénat : 76 (1995-1996)
Lois de finances.
PRINCIPALES OBSERVATIONS
1. Observations générales
- Par contraste avec le titre V qui accuse une baisse sensible de ses dotations (- 6,3 %), le titre III connaît une évolution positive en francs courants (+1,3%).
- Alors que la référence avec la loi de programmation 1995-2000 a perdu toute signification pour ce qui concerne le titre V, le titre III correspond aux évolutions des effectifs prévus par cette loi ainsi qu'aux orientations générales du Livre blanc (amélioration de la capacité de projection des forces, renforcement de l'encadrement, valorisation du service militaire notamment).
- Cette évolution positive du titre III est essentiellement due à l'accroissement des crédits de rémunérations qui absorbent, à eux seuls, les ¾ des crédits du titre III.
Elle conduit donc à s'interroger sur les autres dotations celles du fonctionnement des armées (2 - ) et, plus généralement, compte tenu des réexamens en cours sur le format des armées, la consistance des effectifs, le statut du personnel et sa répartition, sur la place que pourra avoir à l'avenir le titre III dans le budget de la Défense (3 - ).
2. Les crédits de fonctionnement
Le maintien en francs courants des crédits pour l'entretien des matériels et la diminution sensible des crédits pour les carburants (- 4,1 %) paraissent de prime abord de nature à compromettre l'activité opérationnelle des forces.
Pour les carburants toutefois les évaluations ont été faites à quantités inchangées, les hypothèses d'évolution du prix du baril de pétrole et du cours du dollar dont, il faut espérer qu'elles correspondront à la réalité, expliquant seules la diminution des crédits.
Quant à l'entretien des matériels, la répartition de ses dotations sur les deux titres, commande une vue globale. Celle-ci fait apparaître une quasi-stabilité en francs constants (12,543 milliards de francs pour 1996, 12,640 milliards de francs pour 1995), c'est-à-dire une diminution de 2 % en francs constants.
C'est dire que les activités opérationnelles des armées ne seront maintenues, en 1996, que par des mesures d'économies dont il est prévu qu'elles porteront sur les états-majors et les services centraux du ministère et qui devront donc être rigoureusement appliquées. Ce d'autant plus que les opérations extérieures continuera à peser sur les crédits de fonctionnement (surcoût estimé à 3 milliards de francs pour 1995).
3. La place du titre III dans les budgets à venir
Pour la première fois les crédits du titre III franchiront en 1996 la barre des 100 milliards de francs. Ils représentent 51,4 % du budget total de la Défense, alors que la part du titre III depuis 1987 s'était maintenue au-dessous de 50 %.
Le poids des effectifs est prédominant. Leurs rémunérations absorbent, on l'a noté, les ¾ des crédits du titre.
Or malgré une diminution de 10 % des effectifs de 1990 à 1996, les dépenses du titre III et en particulier les dépenses de rémunérations, n'ont pas diminué en francs constants. Cela s'explique par le poids des mesures catégorielles et l'économie limitée apportée par la déflation nette des effectifs : suppression d'emplois pour l'essentiel d'appelés (- 50 000), création d'emplois (+ 6 000), notamment pour la Gendarmerie.
Dans le même temps, proportionnellement, la part des pensions dans le titre III s'accroît : 32 % en 1990, 34 % en 1996.
Qu'en est-il pour l'avenir ?
L'accroissement de la professionnalisation qui est l'une des hypothèses envisagées par le Comité stratégique actuellement à l'oeuvre est lié à l'avenir de la conscription, à ses modalités (extension éventuelle des formes civiles et diminution corrélative du nombre d'appelés au service militaire), comme à sa disparition pure et simple dans le cas d'une professionnalisation totale.
En tout état de cause un rétrécissement du format des armées, qui serait lié à un accroissement de la professionnalisation, n'allégerait pas les tensions sur le titre III. Cela à la fois à cause du coût de la professionnalisation et du fait que la décroissance des effectifs, autres qu'appelés, ne pourrait être ni brutale ni instantanée. Et dans la mesure où celle-ci se fait par une diminution des engagements et des recrutements, le glissement « vieillesse-technicité » alourdit mécaniquement le poids des rémunérations.
Il est donc peu probable, malgré une rigueur de gestion qui doit se poursuivre, que l'on trouve dans le titre III la marge voulue pour procéder aux ajustements nécessaires.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des Finances a procédé le jeudi 9 novembre 1995 à l'examen des crédits de la Défense : exposés d'ensemble et dépenses en capital et article 36, sur le rapport de M. Maurice Blin, et dépenses ordinaires et article 35 et État D annexé à l'article 37, sur le rapport de M. François Trucy.
M. François Trucy, rapporteur spécial, a tout d'abord indiqué que les dépenses du titre III franchissaient la barre des 100 milliards de francs et représentaient plus de la moitié des dépenses totales.
Il a ensuite souligné le poids des dépenses de rémunérations qui représentent les trois quarts des crédits du titre III et qui, en application des dispositions concernant l'ensemble de la fonction publique et des mesures prévues en faveur de la condition militaire, s'accroissaient de 1,5 %.
Il a retracé les mouvements d'effectifs - suppressions et créations d'emplois - se traduisant par une suppression nette de 5 778 emplois et a rappelé le dispositif d'accompagnement social des restructurations.
Le rapporteur spécial a également rappelé l'impact financier des choix entre la professionnalisation et la conscription, celle-ci, outre son coût nettement moins élevé, jouant de surcroît, un rôle social non négligeable. Il a rappelé que l'inertie du titre III, compte tenu du poids des rémunérations, laissait peu de marge d'ajustement dans un budget en régression.
M. François Trucy, rapporteur spécial, a ensuite indiqué qu'il partageait entièrement le point de vue de M. Maurice Blin sur la nécessité d'obtenir une évaluation financière et un calendrier de la professionnalisation des armées, qui est l'une des options examinées par le comité stratégique.
La commission a alors décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la Défense (dépenses ordinaires). Elle a, par ailleurs, adopté l'article 35 du projet de loi de finances.
INTRODUCTION
Le titre III du projet de budget de la Défense présente plusieurs caractéristiques qu'il convient de souligner dès ces propos liminaires :
ï il dépasse, pour la première fois, la « barre » des 100 milliards de francs ;
ï il représente, en part relative, plus de la moitié du budget total de la Défense (51,4%) ;
ï il est en croissance de 1,3 % alors que le titre V régresse de 6 % et que le budget de la Défense sera en diminution de 2,4 %.
Ces caractéristiques appellent des commentaires destinés à les expliquer et à les replacer dans des considérations d'ensemble.
C'est l'objet des développements qui suivent.
PREMIÈRE PARTIE PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS DU TITRE III
CHAPITRE PREMIER LE TITRE III ET LE BUDGET DE LA DÉFENSE
I. MONTANT DU BUDGET DE LA DÉFENSE
Le budget de la Défense s'élève à 241 442 millions de francs, pensions comprises, ou 189 593 millions de francs hors pensions. A ces dotations de la loi de finances initiale, il convient d'ajouter 800 millions de francs de fonds de concours et 5 200 millions de francs de crédits de report.
Au total les ressources dont disposera le ministère de la Défense s'élèveront donc - hors pensions - à 195 593 millions de francs.
La part dans le budget général des moyens disponibles pour la Défense est de 12,7 % et dans le produit intérieur brut de 2,4 % (1 ( * )) .
Hors pensions le budget en projet recule de 2,4 %. Le titre III quant à lui progresse de 1,3 %.
L'hypothèse d'augmentation des prix du P.I.B. pour 1996 est de 2 %.
II. MONTANT DU TITRE III
Pour la première fois, le montant du titre III dépasse 100 milliards de francs : il atteint, en effet, 100 652 millions de francs.
Le tableau ci-dessous retrace son évolution par rapport à 1995.
(En millions de francs)
En francs constants les crédits du titre III ont évolué comme suit :
(En milliards de francs constants 1995)
A cette somme de 100,6 milliards de francs, il convient d'ajouter 51,9 milliards de francs correspondant à la charge des pensions (42,3 'milliards de francs pour les pensions militaires, 9,6 milliards de francs pour les pensions civiles).
La progression de 4,4 % des crédits pour pensions est due à la réintégration dans le budget de la Défense des crédits correspondant à la majoration de pension pour enfants qui avait été prise en charge par le fonds de solidarité vieillesse en 1995. Cette débudgétisation a été jugée non conforme par le Conseil constitutionnel.
III. PART DU TITRE III DANS LE BUDGET DE LA DÉFENSE
Le tableau ci-contre retrace l'évolution des deux titres au sein du budget de la Défense.
On constate que la part relative du titre III s'est constamment maintenue au-dessus de 50 % du budget total à partir de 1987 et jusqu'à 1995.
Elle dépassera 50 % en 1996 du fait de l'accroissement du titre III dans un budget en diminution globale.
CHAPITRE II LES CRÉDITS DU TITRE III
La progression des crédits du titre III en francs courants (+ 1,3 %) est due essentiellement à l'accroissement des crédits de rémunérations (+ 1,5 %). Elle ne suffit pas à stabiliser les crédits du titre en francs constants (évolution prévue des prix du P.I.B. : + 2 %).
I. VENTILATION DES CRÉDITS PAR SECTION
L'évolution de 1995 à 1996 est retracée par le tableau ci-dessous.
VENTILATION PAR SECTION
(En millions de francs)
La réduction des crédits de la section commune est due essentiellement à la diminution des effectifs de personnels civils, proportionnellement plus forte (- 2,26 %) que celle des effectifs militaires (-0,9 %).
En revanche, la progression des crédits de la Gendarmerie plus sensible que celle des trois armées est liée à l'accroissement de ses effectifs.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE RÉMUNÉRATIONS ET DE CHARGES SOCIALES
(En millions de francs)
II. ANALYSE DES DÉPENSES PAR NATURE
Dans le tableau ci-dessous figurent les crédits du titre III ventilés par nature de dépenses.
ANALYSE DES DÉPENSES PAR NATURE
(En millions de francs)
Si l'on examine plus avant l'évolution de ces crédits on constate que :
A. LES CRÉDITS DE RÉMUNÉRATIONS ET DE CHARGES SOCIALES
Ils s'élèvent à 74,7 milliards de francs et représentent 74,3 % du titre III. Ils augmentent de 1,5 %.
Cette évolution résulte, malgré la suppression de 5778 emplois :
ï du financement des mesures prévues en faveur de la condition des personnels et de la valorisation du service militaire
ï et surtout, des hausses concernant l'ensemble de la fonction publique, intervenues au cours de l'année 1995.
B. LES AUTRES CRÉDITS
Ils représentent, au total, 25 % des crédits du titre III et s'élèveront à 25,8 milliards de francs, en légère augmentation par rapport à ceux de 1995 (25,6 milliards de francs).
Cette évolution positive résulte, toutefois, d'évolutions assez contrastées :
ï les crédits d'entretien programmé des matériels se monteront à 3,2 milliards de francs (stabilité par rapport à 1995) ;
ï les crédits de carburants seront de 2,7 milliards de francs (- 4,1 %) ;
ï les crédits d'alimentation atteindront 3,2 milliards de francs (+ 1,2 %) ;
ï les crédits de fonctionnement s'élèveront à 16,7 milliards de francs (+1,6%).
III. L'AVENIR DU TITRE III
L'évolution du Titre III dans ses moyens et dans la répartition de ceux-ci est marquée par quelques tendances fortes qu'il est nécessaire de souligner ici car elles ne peuvent que peser sur l'évolution de ce titre.
A .L'INERTIE GRANDISSANTE DES CRÉDITS DE RÉMUNÉRATIONS ET DE CHARGES SOCIALES
De 1990 à 1996, les dépenses de rémunérations ont augmenté en francs constants de 3 milliards de francs, soit + 4 %. Dans le même temps la valeur de l'indice fonction publique n'a augmenté que de 0,3 % et les effectifs ont diminué de 10 %. En fait la diminution des effectifs, qui a surtout du reste, porté sur les appelés (- 50000) a servi à « gager » le financement des mesures indiciaires et catégorielles.
Pour 1996 la disparition de 5700 emplois amènera une économie de 250 millions de francs ; l'actualisation des mesures indiciaires nécessitera 1,5 milliard de francs.
B .L'AMOINDRISSEMENT CORRÉLATIF DES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT
De 1990 à 1996 la part des crédits de fonctionnement dans le titre III (crédits hors R.C.S.) est passée de 30 à 25 %.
Ces crédits seront de 25 866 M.F. en 1996 ; ils étaient de 25 811 M.F. en 1990. En 6 ans, et en francs constants, ils ont ainsi chuté de 14 %. Ils ont donc décru beaucoup plus sensiblement que les effectifs. Des « seuils » de fonctionnement interdisent du reste d'établir un parallélisme strict entre l'évolution de ceux-ci et des crédits de fonctionnement. Bien au contraire, la déflation des effectifs provoque un recours accru à la sous-traitance ce qui grève encore davantage les crédits de fonctionnement.
La décroissance continue de ceux-ci pose très nettement le problème du niveau au-dessous duquel les missions ne pourront plus être maintenues si elles ne sont pas revues en baisse.
C. LE « GRIGNOTAGE » DU TITRE III PAR LA GENDARMERIE
En 1980 les dotations de la Gendarmerie représentaient 15 % des crédits du titre III, en 1995, 18 %.
La Gendarmerie comptait pour 13 % des effectifs militaires en 1980, pour 18 % en 1995. Or on sait que l'essentiel des activités de la Gendarmerie - dont l'activité n'est certes pas en cause - n'est cependant pas militaire.
Il ne s'agit, bien entendu pas, par ce constat, de mettre en cause ni ces dotations ni ces missions. Nul ne conteste à la Gendarmerie, et certainement pas votre Rapporteur, sa place et son rôle qu'elle tient avec les qualités bien connues qui sont les siennes.
D. LES PONCTIONS DUES AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURES ET AUX MISSIONS DITES DE SERVICE PUBLIC
La perte de substance du titre III (surcoûts non couverts) s'établit pour 1993, 1994 et 1995 à 1,8 milliard de francs entièrement supportés sur des crédits de fonctionnement qui, on l'a vu, n'ont cessé, dans le même temps, de s'amoindrir. Or rien ne permet de penser à un allègement de la pression qui s'exerce ainsi sur le fonctionnement des armées.
De surcroît les missions dites de service public - qui sont en fait celles qui sont étrangères à leur mission de service public spécifique - et pour lesquelles les armées, compte tenu de leur efficacité et leur disponibilité, sont continuellement sollicitées, donnent lieu à des dépenses non négligeables dont le remboursement est souvent tardif et même aléatoire.
Ainsi de 1990 à 1994 (2 ( * )) , l'armée de Terre et l'armée de l'Air ont été amenées à engager plus de 100 millions de francs de dépenses (102,983 millions de francs) et n'ont obtenu, seulement après l'expiration de l'année en cours, que 20 millions de francs de remboursement (20,654 millions de francs).
Le coût financier de ces missions peut paraître marginal mais c'est précisément à la marge de ressources de plus en plus amoindries que se jouent désormais les ajustements les plus sensibles.
De surcroît, ces missions, outre leur coût financier étant donné leur urgence (catastrophes naturelles, contrecoup d'événements internationaux imprévus etc..) perturbe fortement les activités normales des unités notamment pour ce qui concerne l'instruction et la formation des personnels.
Les considérations qui précèdent montrent donc qu'il serait tout à fait illusoire de chercher dans le titre III une quelconque « marge de manoeuvre » permettant un rééquilibrage des ressources dans un cadre financier plus contraint. Bien au contraire le poids de plus en plus lourd des dépenses de rémunérations, ne pourrait durablement être supporté par une contraction encore accrue des crédits de fonctionnement déjà sérieusement amputés.
Sans doute le coût de certaines structures et de certaines fonctions pourrait-il encore être allégé : administration centrale, interventions de la Délégation générale pour l'armement, formation, réorganisations diverses.
On doit regretter de surcroît que l'absence d'évaluations complètes et cohérentes quant au coût de la conscription et de la professionnalisation ne permettent pas, sur un plan strictement financier, d'avancer avec certitude des éléments de comparaison et de choix (cf. infra chapitre II cl).
Il faut toutefois éviter que l'évolution du titre III ne soit celle d'une armée toujours soldée, certes, mais de plus en plus restreinte dans son entraînement et ses activités, et de plus en plus sédentarisée dans des casernements vieillissants.
DEUXIÈME PARTIE LES PERSONNELS
CHAPITRE PREMIER LES EFFECTIFS MILITAIRES ET CIVILS
L'évolution des effectifs du ministère de la Défense est retracée par la loi de programmation militaire 1995-2000.
Si cette référence a cessé d'être opérante pour l'équipement des armées, elle garde une signification pour les effectifs. En effet la diminution des effectifs prévue pour 1996 (- 5 778 emplois) reste à peu près cohérente avec les prévisions de la programmation (- 5 000 emplois), mais fait apparaître de sérieuses distorsions, notamment, pour ce qui concerne l'armée de Terre (cf. infra I). Compte tenu des mesures d'ajustement et de transfert la réduction nette d'effectifs porte sur 5 469 emplois.
Depuis 1987 près de 100 000 emplois ont été supprimés. En 1996 les effectifs - 600 508 - se répartiront entre les militaires pour 5/6 et les civils pour 1/6.
ÉVOLUTION DES EFFECTIFS BUDGÉTAIRES DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE
Pour 1996 la répartition des effectifs sera la suivante :
EFFECTIFS EN 1996
Les effectifs par armée ou par catégorie de personnels évolueront comme suit
EFFECTIFS CIVILS ET MILITAIRES DE LA DÉFENSE
Les créations d'emplois, conformes aux orientations du Livre blanc (accroître la professionnalisation des forces, donc leur capacité de projection ; renforcer l'encadrement ; développer le renseignement ; renforcer la Gendarmerie) n'apportent toutefois qu'une contribution quantitativement très limitée à celles-ci :
I. LES EFFECTIFS MILITAIRES
Les effectifs militaires passeront de 503 813 à 500 653. Le solde net s'établit à - 3 160 emplois.
Cette diminution des effectifs frappe les trois armées mais épargne la Gendarmerie pour laquelle, au contraire, 169 emplois seront créés.
A. ARMÉE DE TERRE
La diminution des effectifs voit ses effets aggravés par les contraintes statutaires et la chute des départs, due à la détérioration de la situation de l'emploi et à la fixation d'une limite d'âge unique pour les sous-officiers.
1. Les sous-officiers
a) Réduction du recrutement
Destinée à résorber le sureffectif sous-officiers (environ 1 700 fin 1994), cette réduction est sévère : moins de 1 500 recrutés en 1995, contre plus de 2 800 en 1993.
Elle entraîne des conséquences pénalisantes pour les sous-officiers : sous encadrement dans les postes subalternes et dévalorisation des grades (en raison du déficit en jeunes sous-officiers pour tenir les fonctions de leur grade) en particulier.
En contrepartie les taux de sélection sont élevés, 1/8 pour les candidats, jusqu'à 1/18 pour les candidats à l'ENSOA où ne sont plus admis que des bacheliers.
b) Ralentissement de l'avancement
Une réduction de 30 % des flux d'avancement, conséquence de la chute des départs, a des effets préoccupants sur le moral et sur le dynamisme du corps.
2. Les officiers
On retrouve les problèmes mentionnés pour les sous-officiers : réduction du recrutement, freinage de l'avancement, mais avec une acuité moindre, sauf pour ce qui concerne l'avancement des capitaines « hors créneau » des armes.
Le nombre des capitaines dans cette situation - lié au statut - est passé d'une cinquantaine il y a 10 ans à plus de 550 aujourd'hui (10 % des capitaines) et pourrait atteindre le millier à la fin de la décennie.
Au-delà des mesures de gestion (changements de corps, par exemple), il est donc nécessaire de développer les aides spécifiques au départ qui tiennent compte du faible nombre d'annuités pour retraite atteint par ces capitaines.
B. ARMÉE DE L'AIR
Le projet de budget « air » pour 1996 prévoit une déflation de 517 postes d'appelés du contingent. En effet le volume des incorporations subit de très importantes fluctuations, indépendantes du besoin des armées.
Cette déflation toutefois ne peut être étalée sur l'ensemble des incorporations mensuelles.
C. MARINE
La diminution des effectifs de quartiers-maîtres et matelots (- 75), la légère augmentation des effectifs d'officiers (+ 14) s'inscrit dans le mouvement de repyramidage qui se fait aux dépens des emplois de quartiers-maîtres et matelots et au profit des emplois d'officiers et d'officiers-mariniers. Le ralentissement des départs de ces deux catégories se confirme, avec les conséquences inéluctables sur le recrutement et l'avancement. La diminution des postes d'appelés (- 351) accroîtra encore le taux de professionnalisation qui dépasse 70 %.
Les sureffectifs autorisés (militaires d'activé) pour tenir compte des délais d'adaptation aux réductions d'effectifs vont être résorbés.
II. LES EFFECTIFS CIVILS
A. ÉVOLUTION DES EFFECTIFS BUDGÉTAIRES
Résorption des sureffectifs
(1) . Les emplois de médecins ont été budgétés.
- Par catégorie
- Par organisme de rattachement
B. LES SUPPRESSIONS, CRÉATIONS ET TRANSFORMATIONS D'EMPLOIS PRÉVUES POUR 1996
Ces suppressions portent sur :
•1 317 postes à la Délégation
générale pour l'armement dont 1033 sur comptes de
commerce ;
•1 244 postes dans les services
extérieurs ;
•74 postes à l'administration centrale.
Elles s'accompagnent de la création de 76 emplois dont :
•40 pour la Direction générale de la
sécurité extérieure ;
•36 pour la Gendarmerie.
III. UN RÉEXAMEN INDISPENSABLE: LES EFFECTIFS DE L'ADMINISTRATION CENTRALE
Nous nous sommes attachés, à partir de documents budgétaires, à essayer de cerner les effectifs de l'administration centrale.
Cette tâche nous a semblé d'autant plus indispensable que les effectifs globaux se réduisent et que de nombreuses unités des forces ont été corrélativement dissoutes.
Or les documents ne sont pas cohérents entre eux et, de ce fait, la plus grande incertitude pèse sur cette question.
A. UNE RECENSION INCOHÉRENTE ET INCOMPLÈTE
1. La définition de l'administration centrale
Le décret portant organisation centrale du ministère de la Défense, en date du 6 décembre 1977, énumère états-majors, délégations, inspections, directions et services formant l'administration centrale du ministère de la Défense ; une cinquantaine d'organismes sont ainsi cités : états-majors des armées et des trois armées et organismes rattachés, délégation générale pour l'armement et directions rattachées, secrétariat général pour l'administration et directions rattachées, direction générale de la gendarmerie, direction générale de la sécurité extérieure, direction de la protection et de la sécurité de la défense, délégation aux affaires stratégiques, service d'information et de relations publiques, sous-direction des bureaux du cabinet, bureau des officiers généraux etc..
2. Le budget voté (vert)
Le chapitre 31-01 « Administration centrale » recense pour 1995 2 601 emplois civils, répartis entre le Secrétariat général pour l'administration (1 646) et les autres organismes centraux et 64 emplois militaires qui sont uniquement ceux de chefs d'état-major (4), majors généraux (4), directeurs (9), délégués (2) et inspecteurs généraux (4).
Ces effectifs sont, en tant qu'effectifs de l'administration centrale, à l'évidence sous-estimés dans cet unique chapitre prétendant, selon son libellé, les recenser.
On trouve cependant, dans un autre article (chapitre 31-02 article 70) des effectifs de la DGSE (2 516), partie intégrante de l'administration centrale, aux termes du décret de 1977 ; l'on s'étonne, du reste, que les effectifs de cette direction « sensible » soient ainsi publiés au statut, par catégorie, à l'unité près, alors qu'aucune indication n'est donnée sur les effectifs d'aucune autre direction centrale.
3. Le budget de programmes (blanc)
La présentation des effectifs et des crédits se fait actuellement sous la rubrique « administration centrale et territoriale », agrégat hétéroclite où se retrouvent « les organismes qui assurent la direction, le contrôle et l'administration générale des armées tant sur le plan central que sur le plan territorial », « des participations fournies par les armées à des activités extérieures ainsi que diverses contributions financières » ; y figurent également « certaines dépenses qui ne sont pas affectées à des programmes déterminés ou qui sont assujetties à des procédures centralisées ».
Il est donc vain de chercher dans un agrégat aussi peu spécifique ce qui revient exactement à l'administration centrale.
4. Le projet de budget (bleu)
N'y figurent que les crédits du chapitre 31-01 et la variation des effectifs payés sur chapitre, chapitre tout à fait partiel, on l'a vu, s'agissant de l'administration centrale, ainsi que les mesures de créations pour le chapitre 31-02 (DGSE).
On y retrouve, par ailleurs, une présentation des mesures nouvelles et des mesures acquises par ce projet, dans un agrégat « administration générale », agrégat dont le libellé ne correspond pas à celui de l'actuel budget de programmes (mais qui était celui figurant sur ces budgets jusqu'en 1991, année où l'appellation « administration générale » a fait place à celle d'« administration centrale et territoriale »). On peut donc s'interroger sur le contenu réel de cet agrégat.
Cela étant, on voit mal, au vu de ces documents, comment les effectifs de l'administration centrale peuvent être vraiment suivis, contrôlés et maîtrisés.
B. UN ALOURDISSEMENT DE L'ADMINISTRATION CENTRALE
1. Une évolution masquée
A partir de 1991, on Ta noté, le module « administration générale » du budget de programmes change de libellé et devient « administration centrale et territoriale » mais son contenu est resté, apparemment, le même.
On note toutefois de 1991 à 1992, une chute des effectifs et ce module qui passe de 29 676 en 1991, à 18 246 en 1992. Or, toutes ces dernières années de nouvelles structures d'administration centrale ont été créées : inspection de l'action sociale, délégation aux affaires stratégiques, direction du renseignement militaire etc..., ainsi que des postes de conseillers du gouvernement pour la défense, payés par le ministère et des conseillers économique, diplomatique, scientifique auprès du ministre mais en dehors de son cabinet.
De 1992 à 1995 selon les budgets de programmes, les effectifs passent de 18 246 à 18 822 mais ce chiffre en très légère augmentation ne correspond pas aux effectifs réels de l'administration centrale définis par le décret de 1977 qui oscillent vraisemblablement entre 25 à 30 000 personnes.
La nouvelle présentation des budgets de programmes a, en fait, escamoté une partie des contributions apportées par chacune des trois armées et par la Gendarmerie aux effectifs de l'administration centrale. En effet, chiffrée dans le budget de programmes, à plus de 18 000 en 1991, ces contributions selon les documents produits tombent, depuis 1992 à 12 000. Or elles restent, en réalité, proches de 18 000, officiers, sous-officiers et militaires du rang.
2. Une conception dépassée
La notion d'administration centrale a été récemment redéfinie par le législateur et par le gouvernement.
La loi sur l'organisation territoriale de la République du 6 février 1992, traite dans son titre I, de l'administration de l'État. La circulaire du Premier Ministre du 26 juillet 1995 fixe, quant à elle, un certain nombre d'objectifs « pour la mise en oeuvre de la réforme de l'État ».
La circulaire comme la loi soulignent la nécessité de confier aux administrations centrale les seules missions qui ne peuvent être déléguées à un autre niveau que le niveau national et de mieux différencier les fonctions de régulateur (prévoir, analyser, concevoir, préparer et évaluer) et celles d'opérateur (gérer, appliquer les réglementations, servir des prestations). Or, ainsi que le prévoit la circulaire qui s'inscrit, sur ce point, dans le fil de la loi précitée, « les tâches de gestion aujourd'hui encore prises en charge par les administrations centrales devront être résolument transférées vers les services déconcentrés. Corrélativement, les effectifs réels des administrations centrales doivent être sensiblement réduits. Je fixe à cet égard, pour l'ensemble de l'État, un objectif de 10 pour cent de réduction d'ici à la fin de l'année 1996 ».
Nous ne pouvons que souscrire à ces directives et à cet objectif.
Les directives sont claires : elles appellent à l'évidence un réexamen des effectifs et des structures de l'administration centrale du ministère de la Défense telles qu'ils ont été fixés il y a maintenant près de 20 ans.
Quant à l'objectif de réduction des effectifs, le projet de budget pour 1996, comme il est présenté, ne permet pas de vérifier s'il va être atteint, ni même s'il va commencer à être réalisé, sauf en ce qui concerne une très légère diminution nette de 70 emplois sur le chapitre 31-01. Mais qu'en est-il de l'évolution de la grande masse des effectifs civils et militaires de l'administration centrale ?
C. UNE RÉFLEXION INDISPENSABLE SUR LES STRUCTURES ACTUELLES
Le décret d'organisation de 1977 a connu de nombreuses modifications. Ces réajustements successifs ne paraissent trouver leur raison d'être que dans le seul allongement de la liste des organes d'administration centrale.
La question de la composition et du volume de l'administration centrale n'a toutefois pas échappé à l'attention des autorités du ministère de la Défense qui l'ont placée parmi les réflexions actuellement conduites au sein du Comité stratégique.
Sans doute existe-t-il une certaine particularité de l'organisation centrale de la Défense. Celle-ci, en effet, n'est pas uniquement une « administration » centrale du fait de la présence d'états-majors et de services centraux de soutien. Pour autant, elle ne peut rester à l'écart des directives et des objectifs qui viennent d'être rappelés.
Il importe, en particulier, qu'une revue de tous les organismes centraux soit menée de façon à identifier leurs activités et leurs effectifs et, cas par cas, leur raison d'être y compris pour les organismes les plus récemment créés : Direction du renseignement militaire et Délégation aux « affaires stratégiques » (celles-ci auraient-elles - ou devraient-elles - déserté les états-majors ?).
Les délocalisations ne devraient, en outre, être envisagées que si les organismes en cause remplissent des fonctions qui rendent leur maintien indispensable ; elles ne seraient sans cela, qu'un moyen de tourner l'objectif de réduction des effectifs de l'échelon central.
Une remise en ordre s'impose donc. Elle passe par une réflexion - en cours - du ministère sur ses propres structures centrales, réflexion qui était absente du Livre blanc. Elle doit aboutir à une vue claire et complète de la consistance des effectifs de l'administration centrale et à une information convenable du Parlement sur ce point.
Sans doute convient-il de se garder de vues trop sommaires s'agissant d'un ensemble aussi complexe et diversifié que la Défense. La conception et la décision doivent bien entendu disposer des moyens qui lui sont nécessaires.
Rappelons-nous cependant que lorsque le ministère de la marine est devenu ministère de la marine et des colonies, au siècle dernier, on s'était contenté d'ajouter un étage rue Royale. Lorsque les effectifs militaires ont commencé à diminuer, il y a quelques années, on a supprimé des régiments sur le terrain et on a construit un étage supplémentaire boulevard Saint-Germain...
CHAPITRE II LES APPELÉS DU CONTINGENT
Le service national continue à se dérouler dans des conditions globalement peu satisfaisantes. Nous avons à diverses reprises, dans nos rapports précédents, signalés les motifs d'insatisfaction tenant, en particulier, à l'inégalité des jeunes appelés au service. Un rapport récent du Conseil économique et social, actualisant l'ensemble des constatations, n'a pu que noter le maintien, sinon la dégradation d'une situation qui doit appeler des mesures significatives et vigoureuses.
Parmi les choix que doit proposer le Comité stratégique créé par le ministre de la Défense, celui sur l'exercice du service national est certainement le plus nécessaire et sans doute, parmi les plus malaisés.
S'agissant de la conscription, quelques principes intangibles doivent être rappelés :
ï seul le service militaire peut la justifier,
ï le service national doit être égal , universel mais aussi efficace : il a son coût ;
ï la loi, qui seule peut imposer les sujétions de la conscription doit être respectée, ce qu'elle n'est plus actuellement compte tenu de la multiplication des formes de service par le biais de « protocoles ».
Nous ne reviendrons pas (cf. notre rapport sur le projet de budget pour 1994) sur l'inégalité dans l'exécution du service national due à la multiplication des statuts : formes civiles, formes militaires et protocoles. Seules les formes militaires du service national sont parfaitement encadrées, donnant lieu à un rigoureux contrôle du temps de service auquel s'ajoute, le plus souvent, un éloignement du domicile, la solde des appelés étant de surcroît, la rémunération la plus modeste de toutes les formes de service national.
Nous nous en tiendrons ici au seul service militaire et examinerons d'abord l'appel puis la situation des appelés.
A. L'APPEL
1. L'adaptation quantitative de la ressource aux besoins
Quantitativement le service militaire reste la forme première du service national : plus de 90 % des appelés, en effet, effectuent un service militaire.
Toutefois le nombre d'appelés à des formes civiles a doublé de 1988 à 1995. Durant les mêmes périodes les objecteurs de conscience sont passés de 2 600 à 9 200 ; en effet, à la différence des formes civiles, l'objection de conscience est un droit qui n'est assorti d'aucun contingentement.
* Mise en oeuvre du service à 10 mois qui provoque une augmentation du nombre des appelés en année pleine.
Il est de plus en plus difficile de saisir la ressource : la prévision quantitative de celle-ci dépend essentiellement, du fait des dispositions du code du service national sur les reports, de comportements individuels. La loi permet, en effet, aux jeunes gens de faire leur service entre 18 ans (s'ils sont volontaires pour un appel avancé) et 22 ans, voire 24, 25 ou 27 ans, pour les bénéficiaires de report pour études ou préparation militaire. Le report initial concerne, actuellement, 93 % d'une classe d'âge et en 1994 plus de 1,2 million de jeunes ont bénéficié d'un report d'incorporation.
Évolution des reports au recensement pour les classes d'âge 1987 à 1996
(Pourcentages calculés par rapport au nombre de recensés)
Évolution du nombre total d'administrés en report au 1er mars des années 1988 à 1995
Cette évolution tient essentiellement à trois causes.
Tout d'abord l' information des intéressés, et en particulier les campagnes d'information sur le service national qui font mieux connaître les possibilités de différer la date d'appel.
En deuxième lieu, la prolongation de la scolarité et l'accès plus large aux études supérieures, qui accroît les demandes de report faites dès le recensement.
Enfin, l' évolution des mentalités, les changements de situation familiale, la situation du marché de l'emploi poussent à retarder l'entrée dans la vie active et, partant, la date d'incorporation.
La Direction centrale du service national (DCSN) se trouve donc confrontée à un problème de plus en plus épineux, la détermination de la fraction du contingent à incorporer tous les deux mois : il lui faut d'une part maintenir des flux aussi équilibrés que possible pour assurer la régularité du fonctionnement des forces, d'autre part tenir compte des fluctuations de la ressource à incorporer dont la détermination quantitative devient de plus en plus difficile à anticiper compte tenu de l'accroissement du nombre de reports, reports que les intéressés peuvent résilier à tout moment. Quatre vingt dix pour cent des jeunes en report choisissent ainsi la fraction de contingent avec laquelle ils souhaitent être incorporés, plus des VA avec un préavis de 2 à 4 mois seulement ; le rythme des études scolaires et universitaires conduisant plus de 60 % des jeunes à choisir les trois appels du second semestre (août, octobre, décembre) dont près de 40 % pour le seul appel d'octobre. Parallèlement la « marge de manoeuvre » provenant de la possibilité de recourir à la tranche de naissance (jeunes gens n'ayant fait aucune demande) est passée de 1989 à 1994, de 22 % à 4 % du contingent annuel, la masse des reports résiliés et des reports échus passant, durant la même période d'un peu plus de 50 % à 95 %. Le déséquilibre par rapport aux besoins oblige donc à décaler certains appels ; cette mesure prise une seule fois et pour une durée de 2 à 6 mois maximum, est, du reste, notifiée aux intéressés aussi tôt que possible.
2. L'adaptation qualitative de la ressource
- L 'inclination pour le service militaire : de nombreuses disparités régionales.
Deux indicateurs permettent de prendre une mesure de l'état d'esprit vis-à-vis du service militaire :
• les inscrits d'office, c'est-à-dire les jeunes gens qui ne répondent pas aux demandes de recensement, soit par négligence soit par acte délibéré ;
• les objecteurs de conscience : c'est-à-dire les jeunes gens qui refusent le service des armes.
On note, à propos de ces deux indicateurs d'importantes disparités d'une région à l'autre. Ainsi le pourcentage des inscrits d'office est le moins élevé en Bretagne (4 %) et le plus élevé en Ile-de France (31 %).
- La satisfaction prioritaire des besoins du service militaire : de nettes déficiences qualitatives.
La ressource est qualitativement très hétérogène. La ressource de haut niveau est fortement sollicitée par les formes civiles, compte tenu des finalités de celles-ci et de leur capacité d'attraction.
D'une manière générale la sélection pour l'accès aux formes civiles (coopération, aide technique, police nationale) ou à certaines formes militaires (Gendarmerie) détourne des armées et plus particulièrement de l'armée de Terre qui absorbe la plus grosse part du contingent la ressource « haut de gamme ». De surcroît, seul le volontariat peut alimenter les formes civiles de service et il n'est donc pas possible d'imposer à celles-ci une proportion de « bas niveaux ». De ce fait les armées sont, par la force des choses, les seuls organismes d'accueil d'une ressource préalablement écrémée et détournée vers d'autres formes de service.
De surcroît, obligées d'incorporer tous les jeunes gens y compris ceux proches de la marginalisation sociale ou y ayant plongé, les armées devraient pouvoir mieux identifier certaines « populations » pour lesquelles des problèmes d'adaptation peuvent se poser (double nationaux qui font l'objet d'accords internationaux dont certains sont un défi au bon sens (3 ( * )) - ou condamnés, notamment). Or la Direction du service national est soumise, sur ce point, nous l'avons déjà signalé dans notre rapport de l'année dernière, mais aucune amélioration n'a été apportée, à un contrôle strict, vétilleux et parfois excessivement tatillon de la CNIL qui contrarie cette identification. Celle-ci permettrait cependant de prendre des mesures pour une meilleure intégration et éviterait certains « dérapages » regrettables qui se sont produits ici et là, de façon tout à fait isolée, au demeurant. On ne peut en faire grief aux armées dès lors qu'on leur refuse les moyens de les éviter.
La disparité de niveau initial a, du reste, conduit l'armée de Terre à différencier l'instruction donnée aux appelés selon le principe de modularité, chaque module permettant d'adapter la formation à l'appelé et à son emploi futur. Il s'agit là d'une initiative tout à fait judicieuse mais qui alourdit, il faut le noter, la tâche d'instruction et d'encadrement déjà rendue plus répétitive par le raccourcissement à 10 mois de la durée du service militaire.
- l'adaptation aux besoins en cours de service : le volontariat pour un service long (VSL)
La formule du VSL permet de rentabiliser la qualification obtenue par une formation plus poussée sur une période de temps plus longue. En outre elle permet d'échapper aux contraintes d'emploi des appelés et de faire participer ceux-ci aux opérations extérieures (40 % des VSL actuels ont signé l'acte de volontariat pour les opérations extérieures prévu par l'article L 70 du code du service national).
Les effectifs des jeunes appelés volontaires en service long (VSL) s'établissent comme suit :
Signalons que la formule du volontariat service long dépasse l'adaptation qualitative aux besoins des armées puisque deux formules de VSL sont destinées à favoriser l' insertion professionnelle des jeunes à l'issue de leur service militaire :
ï la formule du « VSL spécialistes », qui permet de délivrer une formation permettant d'obtenir un titre professionnel ;
ï la formule du « VLS pré-qualification » qui permet à des jeunes en grande difficulté de trouver une possibilité de réinsertion à l'issue d'un volontariat spécifique.
B. LA SITUATION MATÉRIELLE DES APPELÉS
Elle a sa place dans la revalorisation du service militaire, mais n'est qu'un volet de celle-ci.
1. Amélioration de la situation financière
• Revalorisation du prêt des appelés au
1er mars 1996 (+ 2,62 % - coût : 33,205 millions de
francs) ;
TAUX JOURNALIER DU PRÊT DES APPELÉS PAR GRADE
ï Revalorisation de la prime pour service en campagne des appelés au 1 er janvier 1996 (+ 1,4 % ; coût : 1,167 MF) ;
ï Revalorisation de l'indemnité de séjour en Allemagne des appelés au 1 er janvier 1996 (+ 1,4 % ; coût : 0,451 MF).
2. Amélioration du contenu du service
L'effort de qualification des emplois sera, modestement, poursuivi : 102 emplois de soldats de 2 ème classe seront transformés en 20 emplois d'aspirants et 82 emplois de sergents (coût 2,040 MF).
Par ailleurs, dans la perspective d'une meilleure insertion dans la vie civile, le nombre des cellules « emploi » va être augmenté ainsi que celui des VSL « pré-qualification » (coût 13,8 MF).
C. L'AVENIR DE LA CONSCRIPTION
De toutes les implications nombreuses et profondes de ce sujet, actuellement examiné par le Comité stratégique, votre Rapporteur, en rappelant la nature philosophique, politique, sociale, économique de celles-ci s'en tiendra à quelques aspects strictement financiers.
A cet égard deux questions lui paraissent plus précisément devoir être posées :
- Quel doit être le poids des considérations strictement financières ?
- Quel est le poids de celles-ci ?
Quant à la première question, votre Rapporteur sans rouvrir le vaste débat des besoins et des moyens, considère cependant que la contrainte budgétaire ne peut dicter à elle seule la consistance de ce qu'il est convenu d'appeler « l'effort de défense ». Comme le rappelle le Livre blanc : « Le niveau des ressources consacrées à la défense doit répondre au projet politique du pays et aux exigences de sa sécurité, il est déterminé par sa liberté d'indépendance et le souci de garantir son autonomie stratégique ».
Si l'on envisage une modification de la part respective de la professionnalisation et de la conscription, modification pouvant aller jusqu'à la suppression de celle-ci, non pas à effectifs constants mais à titre III constant ou même régressant, compte tenu du coût d'une armée de métier, les objectifs de la politique de défense, les missions des armées, les hypothèses d'emploi des forces doivent être réexaminées. Nous ne serions plus dans la même programmation, mais nous ne serions plus de surcroît dans le même Livre blanc. Rappelons que celui-ci prenait le parti d'une « armée mixte », conservant le service national mais comptant un taux de professionnalisation progressivement accru.
Nous venons d'évoquer le coût de l'armée de métier. Qu'est-il, et nous entrons ici dans la seconde question ?
Il est évident qu'à effectifs constants, une armée professionnalisée coûte plus cher qu'une armée de conscription. Mais l'évaluation du coût de la conscription reste pour le moment, encore que cette question ne date pas d'hier, au stade des seuls coûts directs (dépenses de solde, d'alimentation, d'habillement et transport). Le coût direct d'un appelé de l'armée de Terre serait ainsi d'un peu moins de 30 000 F. par an dont 15 000 F. pour les rémunérations et charges sociales ; l'évaluation de coûts complets incluant en particulier les dépenses de soutien reste encore à faire. Cette incertitude pèse du même coup sur l'évolution du coût du remplacement de la conscription par une armée de métier. A titre indicatif, on peut noter que le coût direct d'un caporal-chef engagé est environ 4 fois celui d'un appelé.
Mais, en fait, ce n'est pas seulement en termes de coût du personnel militaire, appelé ou professionnel, que la question doit être envisagée.
Les ajustements nécessaires impliqueront en effet le recours à des personnels civils.
Dans l'hypothèse d'une professionnalisation accrue des armées, le nombre d'emplois tenus par des personnels civils devrait, en effet, être augmenté pour trois raisons : limiter le coût de cet accroissement de la professionnalisation, tenir compte des possibilités limitées de recrutement de militaires de carrière, limiter l'emploi des militaires de carrière à des postes proprement opérationnels, les postes de soutien étant « civilisés » (4 ( * )) .
Mais si le coût des personnels civils d'exécution est dans l'ensemble moins élevé que celui des militaires de carrière il est 4 à 5 fois plus élevé que celui des appelés. La création de seulement 10000 emplois civils en substitution d'appelés nécessiterait donc, à titre III constant, la suppression de 50000 postes d'appelés, suppression qui ne rendrait plus viable le service militaire puisque toute la ressource disponible ne pourrait plus être incorporée et que l'accroissement des formes civiles se heurte à des possibilités d'accueil et de recrutement très limitées.
On voit donc que l'éventail des choix est limité et que l'on atteint assez vite des « seuils » au-delà desquels la question ne peut plus se poser, s'agissant de la conscription, qu'en terme de « tout ou rien ». Si l'on garde présent à l'esprit que l'abandon de la conscription constituerait bien évidemment un choix irrévocable, on conviendra que ce choix mérite attention. La conscription, en effet, n'est pas seulement le moyen de fournir des ressources humaines à moindre coût.
CHAPITRE III LES PERSONNELS MILITAIRES D'ACTIVE
I. LA CONDITION DES MILITAIRES D'ACTIVE
Outre la poursuite des mesures Durafour - à hauteur de 286 millions de francs - le budget en projet permettra de financer diverses mesures catégorielles pour un total de plus de 38 millions de francs.
MESURES CONCERNANT LA REVALORISATION DE LA CONDITION MILITAIRE
PRÉVUES AU BUDGET POUR 1996
(En francs)
II. LE CAS PARTICULIER DE LA GENDARMERIE
Ce particularisme tient à aux moins deux causes :
ï alors que les effectifs militaires n'ont cessé de décroître la Gendarmerie a bénéficié, au contraire, année après année de création de postes ; du même coup sa part relative, dans le titre III s'est élargie ;
ï alors que la Gendarmerie a un statut militaire et est financée par le budget de la Défense, l' essentiel de ses activités n'est pas militaire ; en effet, les missions militaires ne représentent que 7 % de l'ensemble des activités, les missions judiciaires près de 40 %, la sécurité publique générale plus de 30 % et la circulation routière près de 20 %.
On rappelle que la part de la Gendarmerie dans le titre III est de 18 milliards de francs, celle de la Marine de 13 milliards, celle de l'armée de l'air de 15 milliards et celle de l'armée de Terre de 29 milliards de francs.
Ni le statut, ni les missions, ni le financement de la Gendarmerie n'est évidemment en cause ; il n'est cependant pas inutile d'évoquer quelques orientations de ce statut de ces missions et de ce financement dans un contexte budgétaire de plus en plus sévère.
Le statut militaire doit permettre de donner toute sa priorité à la fonction opérationnelle de la Gendarmerie. Le partage des zones de compétence entre la Gendarmerie et la police, selon les directives récentes du Premier Ministre présente, de ce point de vue, une grande importance, de même que l'accroissement de la mobilité des personnels. Dans la même optique opérationnelle les effectifs, l'organisation et le fonctionnement de la gendarmerie de l'armement et de la gendarmerie des transports aériens pourraient être réexaminés.
Les missions font apparaître certaines tâches qui n'entrent pas directement dans les attributions de la Gendarmerie et qui, au fil des ans, ont hypothéqué les activités de celle-ci. Ici aussi un réexamen s'impose.
Enfin, le financement dicte plus que jamais la recherche d'économies. Elles doivent porter sur les différents niveaux de commandement, sur les structures de soutien et sur l'organisation du travail. Pour celle-ci, le remplacement des gendarmes employés à des tâches de soutien et d'administration par des personnels militaires administratifs et des personnels civils moins coûteux, devrait être systématiquement recherché. On note de ce point de vue qu'il n'existe que 600 emplois administratifs et d'état-major (EAEM) pour un effectif total de plus de 77 000 gendarmes.
Mais, au-delà de cette approche quantitative et financière, votre Rapporteur tient à mentionner l'impact sur la Gendarmerie de la loi du 21 janvier 1995 relative à la sécurité : celle-ci a suscité au sein de l'arme des motifs d'inquiétude risques de confinement dans les missions, d'amoindrissement de la position morale (nouveaux grades et appellations des fonctionnaires de police) et de déclassement indiciaire. Il convient d'apaiser cette inquiétude, soit en expliquant que dans certains cas elle n'est pas fondée, soit en y apportant des réponses concrètes. Le ministre de la Défense a du reste déjà annoncé certaines d'entre elles.
III. LES RETRAITÉS MILITAIRES
Ils se trouvent confrontés, notamment, à deux problèmes pour lesquels, quelques améliorations doivent être notées sans que pour autant ces problèmes soient encore vraiment résolus. Le problème, beaucoup plus vaste, d'une réforme éventuelle du régime des retraites militaires, appelle également quelques commentaires.
- L'accès à l'emploi
Le droit à une seconde carrière est affirmé par la loi de programmation 1995-2000. Par ailleurs la loi du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social, garantit un droit d'accès à l'emploi aux militaires admis d'office ou sur demande à la position d'activité avant l'âge, fixé par la loi, pour bénéficier de la pension vieillesse du régime général de la sécurité sociale.
Ces dispositions constituent d'excellentes déclarations de principe. Mais elles appellent des compléments et des précisions pour éviter que les dispositions restrictives à l'embauche des militaires contenues dans certaines conventions collectives soient levées.
- Les prestations à caractère social
Les règles de cumul d'un avantage de vieillesse et d'une allocation de chômage ont été assouplies, fort heureusement, pour atténuer leur rigueur initiale à rencontre des militaires, qui retraités se trouvait en situation de demandeurs d'emploi. A deux reprises, notamment, la Commission paritaire nationale de l'UNEDIC (28 avril 1993 et 22 septembre 1994) a assoupli cette règle de cumul.
Le régime actuel est donc le suivant :
ï avant l'âge de 50 ans, le cumul de l'indemnité de chômage et d'une pension militaire de retraite n'entraîne plus d'abattement ;
ï entre 50 et 55 ans, les allocations de chômage sont réduites du quart du montant de la pension militaire de retraite ;
ï entre 55 et 60 ans, cette réduction est de la moitié, et des trois quarts du montant de la pension militaire de retraite au-delà de 60 ans.
Il conviendrait toutefois d'obtenir que les militaires retraités qui ont exercé et perdu un second emploi puissent, à partir de 50 ans, éviter tout abattement sur leurs indemnités de chômage jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge légal pour bénéficier d'une pension vieillesse du régime général de la sécurité sociale.
- Le régime des retraites militaires
Le Premier Ministre, dans la déclaration de politique générale du gouvernement sur la protection sociale, présentée au Sénat le 16 novembre dernier, a annoncé une réforme des régimes spéciaux de retraite, « en concertation avec les partenaires sociaux de la fonction publique ».
Cette concertation, s'agissant des personnels militaires doit, évidemment, tenir compte de l'absence de représentation syndicale dans les armées Pour autant des dispositifs de concertation existent et il parait indispensable de ce point de vue de faire participer, notamment, le Conseil supérieur de la fonction militaire aux travaux des commissions qui seront mises en place.
Rappelons d'ores et déjà que les retraites militaires relèvent de la politique de la fonction publique et de la fonction militaire avant de relever de la politique sociale et que les sujétions propres à l'état militaire justifient des droits particuliers : contraintes plus fortes que dans le reste de la fonction publique (mobilité géographique et fonctionnelle, disponibilité très étendue, interdiction d'action politique et syndicale, restrictions à la liberté d'expression, limites d'âge ou de durée de service qui interdisent a la plupart des militaires de rester en service pendant toute la durée de leur vie active).
Pour autant des évolutions sont, sans doute, possibles. Ainsi certains militaires pourraient, sous des statuts appropriés, demeurer plus longtemps en service. Mais le report général des limites d'âge ne pourrait avoir que des conséquences néfastes (vieillissement des militaires en service, ralentissement de l'avancement, réduction du taux de renouvellement des cadres). Quant à la pension de retraite à jouissance immédiate à partir de 15 années de service, elle est une caractéristique trop essentielle non seulement des pensions militaires mais de la condition militaire et du comportement d'engagement pour pouvoir être remise en cause. La question peut toutefois se poser, dans certains cas, de la substitution du versement d'un capital au versement de la pension pendant la période normale d'activité.
IV. LE RÉGIME DE SÉCURITÉ SOCIALE DES MILITAIRES: UN EXEMPLE À SUIVRE
En votant la loi du 12 avril 1949 créant la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS), le Parlement avait été inspiré par trois considérations :
ï préserver l'autonomie du régime en raison de sa spécialité (dispersion des formations militaires, mobilité des personnels, diversité des situations statutaires, existence d'un service de santé et d'un suivi de l'aptitude au service) ;
ï éluder le problème posé par la participation des assurés militaires d'activé à son administration. Le paritarisme, qui place les caisses de sécurité sociale sous le contrôle des partenaires sociaux, donc des organisations syndicales reconnues, ne peut être appliqué aux militaires. Il n'est pas possible d'accepter la tutelle d'une organisation syndicale sur ce régime ;
ï assurer sa gestion sous le contrôle étroit de l'État (tutelle des ministères de la Défense, des Affaires sociales et du Budget).
Tous ces motifs restent aujourd'hui entièrement valables.
Le régime de sécurité sociale et la caisse nationale militaire qui le gère ont fait au fil du temps la preuve unanimement reconnue de leur bon fonctionnement et d'une bonne gestion. Les dépenses de santé augmentent considérablement moins vite que celles du régime général (+ 0,24 % contre + 3,5 % en 1994).
Appliquant la même réglementation assurant les mêmes prestations en matière d'assurance maladie-maternité que celles du régime général, les frais de gestion de la Caisse militaire sont sans commune mesure (3,89 % des dépenses totales contre 6,18 % pour la CNAMTS -Caisse des travailleurs salariés - et 7,82 % pour la CANAM).
Ces résultats sont notamment obtenus grâce à une très bonne intégration des différents services répondant à une mission unique de service public et à des liens très étroits avec le ministère de la Défense. En particulier le service médical constitué de médecins militaires en position hors budget soumis à l'autorité du Directeur de la caisse militaire a fait la preuve de son efficacité.
Au moment où, dans le cadre du plan de réforme de la protection sociale du Gouvernement, est évoqué d'une part le « Régime universel » et d'autre part, la réorganisation du réseau des caisses locales du régime général avec comme objectif de constituer un seul organisme par département et par branche, il est indispensable de prendre en compte la spécificité de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et d'éviter son démantèlement.
En particulier la dispersion de son personnel, sa réaffectation dans des organismes spécialisés, la délocalisation des familles est très difficilement envisageable et non seulement ne générerait aucune économie tangible mais provoquerait au contraire des dépenses supplémentaires.
Maintenir en l'état cet organisme très apprécié par ses ressortissants (565 000 assurés et 485 000 ayants droit), bien géré et bien adapté à sa mission paraît indispensable. De plus, les excellents résultats de cette Caisse, la qualité de sa gestion, sa traduction financière dans un ratio de gestion digne d'éloge, incite à la prendre comme exemple et comme source d'idées.
CHAPITRE IV LES PERSONNELS CIVILS
I. MESURES FINANCIÈRES
Le total des mesures nouvelles prévues en faveur des personnels civils dépasse 50 millions de francs.
Pour ce qui concerne plus particulièrement les mesures catégorielles, elles sont récapitulées ci-après :
A. ADMINISTRATION CENTRALE
(En francs)
B. PERSONNELS CIVILS EXTÉRIEURS :
F.F.S.A. : Forces françaises stationnées en Allemagne T.S.E.F. : Technicien supérieur d'études et de fabrication I.E.F. : Ingénieur d'études et de fabrication
C. PERSONNELS CIVILS DE LA DÉLÉGATION GÉNÉRALE POUR L'ARMEMENT
(En francs)
I.A. : Ingénieurs de l'armement
I.E.T.A. : Ingénieurs d'études techniques de l'armement
II. L'ACCOMPAGNEMENT SOCIAL ET ÉCONOMIQUE DES RESTRUCTURATIONS
Un Conseil supérieur des personnels civils a été créé au mois d'avril 1995 pour favoriser la concertation et le dialogue, notamment dans le domaine des mesures d'accompagnement des restructurations.
L'effort financier en ce sens va se poursuivre pour :
ï atténuer les conséquences sociales des restructurations et favoriser la formation et la mobilité du personnel ;
ï faciliter la reconversion des sites les plus touchés par la disparition de la population et des activités militaires.
A. MESURES DESTINÉES À FAVORISER LES DÉPARTS
Pour les ouvriers :
ï Possibilité, pour ceux qui sont âgés de plus de 55 ans et qui justifient de plus de 15 ans de services, de bénéficier d'un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de leur pension et bonification d'ancienneté de services validables pour la retraite (décret 93-257 du 25 février 1993, en vigueur jusqu'au 31 décembre 1995).
ï Possibilité, pour ceux qui justifient d'au moins 6 ans de services mais qui ne sont pas su
* 60 000 F. pour les ouvriers justifiant de 6 ans à moins de 10 ans de services ;
* 100 000 F. pour les ouvriers justifiant de 10 ans à moins de 15 ans de services ;
* 150 000 F. pour ceux qui justifient d'au moins 15 ans de services ;
* 5 000 F. par année au-delà de la 15 ème année, le montant total étant plafonné à 200 000 F.
ï Possibilité pour ceux qui quitteront définitivement le ministère de la Défense pour créer ou reprendre une entreprise de bénéficier d'une aide spécifique de 50 000 F.
ï Congé sans salaire accordé aux ouvriers qui désirent créer ou reprendre une entreprise ; ce congé, ouvert aux ouvriers justifiant de 3 ans de services effectifs, peut atteindre deux ans et être suivi, le cas échéant, par un congé pour convenances personnelles.
B. MESURES D'INCITATION À LA MOBILITÉ
Les ouvriers qui, par suite de réorganisations, sont mutés dans un autre établissement de la Défense situé à au moins 50 kilomètres du précédent lieu d'emploi, perçoivent une indemnité de conversion d'un montant de :
* 50 000 F. pour un célibataire ou marié sans enfant ;
* 55 000 F. pour un ouvrier ayant un enfant à charge ;
* 60 000 F. pour un ouvrier ayant deux enfants à charge ;
* 70 000 F. pour un ouvrier ayant trois enfants ou plus à charge.
Les ouvriers bénéficiant de l'indemnité de conversion perçoivent un complément exceptionnel de restructuration d'un montant de 10 000 F.
C. FORMATION
Des stages de formation sont organisés pour faciliter l'adaptation au nouvel emploi.
Un congé de restructuration rémunéré d'une durée maximale de douze mois permet de suivre une formation ayant reçu l'agrément de l'État qui donne la possibilité de préparer l'accès à un autre corps, cadre d'emplois des trois fonctions publiques, ou à une autre profession des secteurs publics ou privés.
D. MESURES DIVERSES
•
Une priorité est accordée
aux agents touchés par les réorganisations pour toute mutation
sur poste vacant, la connaissance des vacances de postes étant
facilitée par la mise en place d'une bourse télématique
des emplois vacants.
ï La mutation définitive hors de la place d'origine n'est prononcée qu'à l'issue d'une période de deux mois pendant laquelle l'agent dispose d'un droit au retour sur la place d'origine ; pendant cette période l'agent est considéré comme étant en mission.
ï Trois jours de déplacement en frais de mission sont accordés aux agents mutés hors de leur place d'origine pour reconnaître leur nouvelle affectation et accomplir les formalités nécessaires à leur installation ; est également accordé un congé de quatre jours pour effectuer le déménagement.
ï Un secours est accordé aux agents qui, propriétaires de leur logement, le vendent pour acquérir une nouvelle résidence principale sur le lieu de leur nouvelle affectation ; ce secours représente 10 % de la valeur du logement à acquérir, plafonné à 40 000 F.
ï Pour aider le conjoint de l'agent civil à retrouver un emploi sur le lieu de la nouvelle affectation, il est fait appel aux structures qui ont été mises en place au profit des conjoints de militaires.
L'ensemble de ce dispositif fait actuellement l'objet d'un examen interministériel en vue de sa reconduction en 1996.
TROISIÈME PARTIE LES CRÉDITS DE VIE COURANTE
C'est le fonctionnement des armées, jour après jour, et le cadre de vie des militaires qui sont concernés par ces crédits.
Ils touchent à la vie quotidienne des militaires, toutes catégories confondues qu'il s'agisse de l'administration, du chauffage, de l'éclairage, de l'instruction, des transports, de l'entretien des infrastructures et des locaux etc..
Cela explique l'attention qui doit leur être portée.
Par ailleurs, comme chaque année, il est demandé au Parlement (art. 37 du PLF) d'engager par anticipation sur les crédits de fonctionnement qui seront alloués en 1996 des dépenses de 130 millions de francs pour l'entretien des unités.
I. L'ALIMENTATION
Les crédits d'alimentation s'élèvent à 3 210 millions de francs (+ 1,2 %). Ils évoluent comme indiqué dans le tableau ci-dessous :
Évolution des crédits d'alimentation
(En millions de francs)
L'augmentation moyenne des crédits (+ 1,2 %) est voisine de l'augmentation globale du titre III (+ 1,3 %).
L'évolution est cohérente avec les fluctuations d'effectifs prévues pour 1996 et les constatations faites en 1995 sur la consommation.
II. LES AUTRES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT
Leur évolution pour les trois armées et la Gendarmerie sera la suivante :
C'est à la très sensible augmentation des crédits de la Gendarmerie (+ 11,5 %) qu'est due la très légère augmentation globale des crédits. Les trois armées et les services communs accusent, en effet, une diminution d'un point, ou plus, de leurs dotations.
L'accroissement des crédits de la Gendarmerie est destiné essentiellement à répondre à l'augmentation des dépenses de maintien de l'ordre et au rattrapage des dépenses pour locations immobilières.
Au sein du service commun, seul l'administration centrale (+ 1,6 %) et la DGSE (+ 3 %) bénéficient de dotations en hausse.
Pour les armées, l'amputation sévère subie par les crédits d'instruction - dont dépend en grande partie l'efficacité du service militaire -est particulièrement regrettable. Ces crédits passent, en effet, de 600 millions de francs en 1995 à 336 millions de francs en 1996.
(En millions de francs)
De surcroît, la suppression de la franchise postale (coût environ 450 à 500 millions de francs) va encore grever davantage les crédits de fonctionnement puisqu'aucun transfert de crédits n'est prévu pour la compenser.
Enfin, il n'est pas inutile de relever que la déflation des effectifs conduit par un recours accru à la sous-traitance à solliciter davantage les crédits de fonctionnement dont on a déjà signalé la compression continuelle sous l'effet du gonflement de la part relative des rémunérations dans le titre III (cf. supra chapitre II. § III).
QUATRIÈME PARTIE - L'ACTIVITÉ DES FORCES
Il s'agit là de crédits à caractère opérationnel permettant à nos forces de s'entraîner et, le cas échéant, d'intervenir là où le gouvernement l'aura décidé.
Les « missions de maintien de la paix » sous l'égide de l'ONU s'ajoutent notamment à nos missions de présence, traditionnelles, en Afrique et notre participation à des exercices internationaux va croissant. De surcroît coexistent maintenant avec les opérations extérieures, des « opérations intérieures » face à la menace terroriste.
Tous ces crédits trouvent leur unité en ce qu'ils pourvoient à l'efficacité de nos forces.
I. LES CRÉDITS DE CARBURANTS
Les crédits de carburants passent d'un peu plus de 2 milliards de francs en 1995 à un peu moins de 2 milliards de francs, soit une diminution de près de 3 %.
Cette évolution négative doit être appréciée en tenant compte des hypothèses d'évolution du cours du dollar et du prix du baril de pétrole. Seule la réalisation de ces hypothèses, dont il faut espérer qu'elles ne sont pas trop optimistes, permettra de maintenir approximativement le volume des approvisionnements.
Évolution des crédits de carburants opérationnels
(En millions de francs)
Mais cette espérance semble d'ores et déjà déçue si l'on se réfère aux hypothèses retenues pour la construction du projet de loi de finances pour 1996 :
Comment s'explique cette distorsion qui est, pour le moins, une marque d' incohérence et qui pénalise, a priori, les armées ?
II. LES DOTATIONS POUR LES MUNITIONS
Après plusieurs années de régression, l'évolution positive des crédits en 1995 a permis d'entamer le renouvellement des stocks et leur mise à niveau progressif.
L'année 1996 va toutefois connaître une régression des crédits de paiement mais un accroissement significatif des autorisations de programme.
Crédits de munitions
Dans l'ensemble, toutefois, c'est le secteur des munitions qui a été le plus touché par les réductions des crédits de la Défense. L'armée de Terre, plus grosse utilisatrice de munitions que les deux autres armées, a évidemment été la plus concernée. Pour les fournisseurs, la diminution des commandes publiques nationales s'est conjuguée avec un rétrécissement des marchés à l'exportation. Les à-coups dans l'allocation des autorisations de programme n'ont pas permis de tirer parti d'un recours systématique aux commandes pluri-annuelles bénéfiques à la fois pour la Défense (dégressivité des prix) et pour les industriels (organisation de la production).
III. L'ENTRETIEN DU MATÉRIEL
L'évolution des crédits d'entretien du titre III est retracée dans le tableau ci-dessous.
(En millions de francs
)
La part inégale selon les armées des crédits d'entretien respectivement imputés au titre III et au titre V conduit à compléter le tableau ci-dessus par un tableau indiquant l'évolution des crédits d'entretien inscrits au titre V.
(En millions de francs)
Au total les crédits (titre III et titre V) connaîtront l'évolution ci-dessous retracée.
(En millions de francs)
Mais les crédits du titre V couvrent à la fois l'entretien des équipements classiques et des équipements nucléaires ; si l'on s'en tient aux seuls équipements classiques, la situation sera la suivante :
(En millions de francs)
Les disparités d'évolution appellent une première observation :
La Marine et l'armée de l'Air maintiennent leurs crédits globaux en francs constants, par rapport à l'évolution des prix du PIBm. Mais la structure des coûts d'entretien qui incorpore une forte part de main d'oeuvre fait dériver ceux-ci plus fortement que cette évolution du PIBm.
On constate, en outre que les équipements classiques, une fois prélevés les crédits d'entretien des équipements nucléaires, voient leur dotation décroître en francs constants.
L'armée de Terre quant à elle accuse une forte baisse de ses crédits d'entretien. Celle-ci s'explique, certes, en partie par les redéploiements d'unités et la diminution du volume de matériel aligné. Mais cette chute des crédits d'entretien atteint la mobilité des forces ; ainsi un certain nombre d'hélicoptères ont dû être mis « sous cocon ».
La deuxième observation porte sur le supplément de dépenses entraîné par les opérations extérieures. A cet égard, il est frappant de constater que le déclin des crédits d'entretien a accompagné paradoxalement l'accroissement de ces interventions extérieures. Or celles-ci pèsent doublement sur l'entretien : par la priorité donnée à l'entretien des matériels déployés dans ces opérations, par le surcoût lié à la suractivité de ces matériels par rapport aux normes habituelles.
Enfin troisième observation, le poids de l'entretien doit conduire à l'intégrer dès le lancement d'un programme nouveau dans le coût de celui-ci, élargi à la notion coût de possession, et non pas limité au seul coût d'acquisition du matériel. Dès ce stade intervient notamment le choix entre un soutien traditionnel par les services des armées ou une logistique assurée par l'industriel qui doit, alors, être négociée d'emblée au moment du lancement des programmes.
IV. LES PRÉVISIONS D'ACTIVITÉ
Exprimées en normes moyennes, pour l'ensemble des unités, bâtiments ou aéronefs, ces prévisions sont exposées à des modifications parfois sensibles du fait de l'incidence des opérations extérieures.
Armée de Terre
Les objectifs atteints en 1994, visés en 1995 et fixés en 1996 sont les suivants :
Si un seul grand exercice a dû être annulé en 1995, à cause d'opérations extérieures (exercice Mistral), la qualité des autres exercices a dû être revue à la baisse (déploiements plus restreints, déplacements plus limités etc.).
Marine
La norme des bâtiments disponibles est fixée à 100 jours de mer par an, en moyenne, depuis de nombreuses années.
En 1994, l'activité moyenne a été de 88 jours, selon une répartition différente pour chaque type de bâtiment :
ï 99 jours de mer pour les bâtiments de combat ;
ï 83 jours de mer pour les bâtiments de soutien ;
ï 70 jours de mer pour les bâtiments auxiliaires.
Pour le premier semestre 1995, le bilan est le suivant :
ï 54 jours de mer pour les bâtiments de combat ;
ï 49 jours de mer pour les bâtiments de soutien ;
ï 42 jours de mer pour les bâtiments auxiliaires.
L'activité de la Marine reste liée à l'actualité internationale et les dispositifs Sharp Guard, Corymbe et Balbuzard ont été maintenus en 1995 et sont, sans doute appelés à se maintenir en 1996.
Armée de l'Air
Les aéronefs de l'armée de l'Air ont effectué, en 1994, 342 000 heures de vol (352 000 heures en 1993 et 360 000 heures en 1992).
L'activité pour le 1 er semestre de 1995 s'établit à 172 600 heures de vol (189 000 heures au 1 er semestre de 1994).
Les prévisions pour 1995 comme pour 1996 sont de 180 heures par pilote de combat soit en moyenne 15 heures par mois. Pour les pilotes de transport, elles sont de 360 heures par an, soit en moyenne 30 heures par mois (pilotage à deux).
L'activité des différentes forces aériennes en 1994 est retracée dans le tableau ci-dessous.
Le maintien de toutes ces normes d'activité conditionne bien entendu l'efficacité opérationnelle de nos forces. Mais ce maintien est conditionné, à son tour, par un niveau de crédits (carburants, entretien des matériels notamment) dont l'évolution est préoccupante.
CHAPITRE III LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES SOUS L'ÉGIDE DE L'ONU
Leur coût reste toujours élevé et les remboursements insuffisants.
Si des améliorations sont intervenues, à l'échelon national, pour améliorer la situation dans le domaine du financement de ces opérations, en revanche, celles qui sont indispensables au sein du Secrétariat général des Nations Unies se font toujours attendre.
Enfin, le financement de ces opérations extérieures ne manquerait pas de subir les conséquences d'un changement de cadre - OTAN au lieu d'ONU -à l'intérieur duquel, elles se situeraient.
A. UN COÛT TOUJOURS ÉLEVÉ
Bien qu'un certain resserrement de notre dispositif ait, à juste titre, été opéré, ces opérations continuent de grever le budget national, celui de la Défense, comme celui des Affaires étrangères.
Pour la Défense, les prévisions de dépenses supplémentaires sont retracées dans les tableaux ci-contre.
ANALYSE DES SURCOÛTS 1995 DES OPEX PRÉVUS PAR LES ARMÉES ET SERVICES
ARRÊTÉS AU 31 JUILLET 1995
Titre III
(En Millions de francs
ANALYSE DES SURCOÛTS 1995 DES OPEX PRÉVUS PAR LES ARMÉES ET SERVICES ARRÊTÉS AU 31 JUILLET 1995
Titre V
(En millions de francs)
ANALYSE GLOBALE DES SURCOÛTS DES OPEX 1995 PRÉVUS PAR LES ARMÉES ET SERVICES ARRÊTÉS AU 31 JUILLET 1995
(En millions de francs)
Les dépenses qui approchent 4 milliards de francs sollicitent surtout, comme à l'habitude le titre III (3 milliards de francs).
Sur ce montant notre présence dans l'ex-Yougoslavie coûte 2,4 milliards de francs. Plus de 10 000 hommes dont 7 000 pour l'armée de Terre y sont déployés
Le remboursement de ces dépenses suit deux cheminements tout à fait distincts :
? Le remboursement par l'ONU se fait essentiellement par le versement de forfaits, représentant une participation aux dépenses : 988 dollars des E.U. par homme et par mois pour les rémunérations (plus un complément de 291 dollars par homme et par mois dans la limite de 10 % des effectifs d'infanterie et de 25 % des effectifs des unités chargées du soutien logististique), 65 dollars par homme et par mois pour l'équipement (habillement, matériels individuels, outillage) et 5 dollars par homme et par mois pour l'armement individuel et les munitions. Pour l'amortissement des matériels, celui-ci se fait, en principe, sur 4 ans (30 %, 30 %, 20 % et 20 %)
Ces remboursements sont irréguliers, partiels, tardifs. Ils portent, en outre, sur une structure de contingent constituée essentiellement de fantassins équipés d'armes individuelles et ne correspond plus à la réalité de l'équipement (pièces d'artillerie, blindés etc..) des contingents que nous déployons actuellement sur le terrain.
L'ONU projette toutefois une réforme des procédures d'amortissement des matériels mis en place par les États contributeurs de troupes dans le cadre des opérations de maintien de la paix. Ce projet concerne exclusivement les matériels définis sous le vocable « Contingent Owned Equipement » (C.O.E.), c'est-à-dire les matériels appartenant au pays pourvoyeur, et mis en place à la demande de l'Organisation des Nations Unies (ONU).
Selon la réglementation actuelle, ces matériels sont pris en compte par l'ONU et soumis, on l'a noté, à un amortissement étalé sur quatre ans (30 % les deux premières années, 20 % les deux années suivantes). A l'issue, l'Organisation est propriétaire du matériel et peut soit le garder, soit le rétrocéder au pays contributeur. Ce principe théorique n'a jamais été appliqué. Toutefois, des acomptes (d'un montant total de 53 millions de dollars) ont été versés à la France sur des critères inconnus du ministère de la Défense qui a adressé une demande d'information au ministère des Affaires étrangères.
Par sa résolution 49/233 A du 23 décembre 1994, l'Assemblée Générale de l'ONU, constatant les difficultés d'application de la procédure, notamment en ce qui concerne la valeur des matériels appartenant aux contingents et le retard qui en découle pour les remboursements, a autorisé la création d'un groupe de travail chargé de réviser les conditions d'amortissement. Quarante cinq pays, dont la France, ont participé aux travaux. Ce groupe s'est réuni à deux reprises au cours du premier semestre 1995 et a proposé le remplacement du principe actuel par deux types de location :
le « dry lease » : location mensuelle du matériel sans service.
le « wet lease » : location mensuelle du matériel avec service.
L'évaluation du montant de la location wet lease est obtenue en ajoutant au coût de la location sans service, celui des pièces de rechange, de l'entretien et de la préparation du matériel.
Par ailleurs, dans les deux cas, un accord bilatéral serait conclu entre l'Organisation et le pays fournisseur de troupes avant la mise en place sur le théâtre d'opérations, selon un protocole et des taux de remboursements proposés par le groupe de travail.
Une méthode de calcul et des propositions de coûts mensuels pour les matériels concernés ont été mise au point par les différents ministères français intéressés. Ce document fourni à l'ONU par la délégation française à l'occasion de la réunion du groupe de travail qui s'est déroulée au mois de juillet dernier à New York, a été particulièrement apprécié par le Secrétariat qui a retenu un certain nombre de données.
Les propositions de réforme du groupe de travail vont être prochainement soumises au Comité consultatif chargé des questions administratives et budgétaires (CCQAB) et à l'Assemblée générale de l'ONU En cas d'acceptation, les nouvelles procédures pourraient entrer en vigueur le 1 er juillet 1996, le choix étant laissé aux pays contributeurs de se voir appliquer la nouvelle ou l'ancienne procédure pour les opérations actuellement en cours. Mais l'ancienne procédure n'ayant jamais été appliquée, du moins pour ce qui concerne notre pays, on ne peut qu'attendre une amélioration des nouveaux procédés, pour autant qu'ils ne restent pas, à leur tour, lettre morte...
Quoi qu'il en soit les versements en provenance de l'ONU sont rétablis, non au budget de la Défense, mais au budget général.
S'ajoutent à ces remboursements de l'ONU, le paiement des matériels commandés par celle-ci (sous forme de « letter of assist » : L.O.A.) à la France pour l'équipement des autres contingents. Ces paiements sont rattachés au budget du ministère de la Défense par voie de fonds de concours.
(En dollars)
Deux remarques peuvent être faites au sujet de ces commandes de l'ONU :
ï il n'est pas certain que notre pays ait eu dans ces commandes, la part qui aurait pu, et dû, lui revenir compte tenu de sa participation sur le terrain. Il est vrai que les critères d'attribution des marchés onusiens restent, comme bien d'autres activités de l'Organisation, assez opaques. Peut-être n'avons-nous pas, nous-mêmes, porté suffisamment attention à cette question notamment pour ce qui concerne la nomination de Français dans les structures qui s'occupent des achats au Secrétariat général ; des questions de rémunération ont, semble-t-il, parfois contrarié ces nominations, ce qui paraît tout à la fait regrettable ;
ï les retards de paiement paraissent importants ; ils concernent plus de 75 % du montant des créances. Le reste à payer qui était de 62,4 millions de francs est maintenant passé à 76,6 millions de francs.
Le tableau ci-après décrit la situation des créances de notre pays sur l'ONU et leur recouvrement.
Situation des créances de la France sur l'Organisation des Nations Unies et recouvrement (situation au 1 er novembre 1995)
1. Matériels
1.1. Sous lettre d'attribution (L.O.A; letter of assist)
1.2. Sous lettre d'attribution ouverte (OPEN) : Letter of assist
(En dollars)
• soit en francs pour un taux du dollar à 5 F. = 99 597 330 F.
2. Acomptes - amortissement : 53 445 513 dollars
3. Remboursement - rémunérations - contingentes :
1989-1993 = 93 926 148 dollars
Année 1994 = 95 872 224 dollars
Année 1995 = 56 575 879 dollars.
4. Créances décès invalidité : 113 359 052 F.
Montant recouvré : 5 086 855 F.
Reste dû : 108 272 197 F.
5. Conclusion - total remboursé : 352 817 268 dollars soit en francs pour un taux moyen du dollar à 5 F. = 1 764 086 340 Francs
? La compensation par voie de « collectif », procédure interne par laquelle le budget de la Défense se voit attribué, le plus souvent en fin d'année seulement, une partie des crédits dépensés pour les opérations.
Ce remboursement reste, en effet, toujours partiel ; il ne concerne que les dépenses du titre III, alors que celles du titre V ont tendance à s'accroître, et ne couvre qu'une partie des dépenses du titre III.
COUVERTURES DES DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRES LIÉES AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURES
(En millions de francs)
B. DES AMÉLIORATIONS PARTIELLES
Dans notre rapport sur le projet de budget pour 1995 nous avions fait le point des diverses mesures d'améliorations apportées au financement des opérations de maintien de la paix.
Ces mesures sont, en fait, caractérisées par un grand déséquilibre : des mesures ont été prises à l'échelon national, en particulier par le ministère de la Défense (meilleur suivi des effectifs, des dépenses, des créances etc.), peu de mesures ont été prises par le Secrétariat général des Nations Unies pour rendre des comptes, pour diminuer le coût et accroître l'efficacité de son fonctionnement. S'ajoute, du reste, aux coûts réels des OMP obérés par des dépenses inutiles ou excessives, un surcoût artificiellement entretenu pour « gonfler » le budget des OMP par de surévaluations et des doubles budgétisations. Or le principe de la « trésorerie unique » - institué, semble-t-il sans aucun fondement juridique - permet de fondre les contributions étatiques au financement des OMP dans un ensemble de ressources affectées en priorité aux frais de fonctionnement du siège new-yorkais de l'Organisation
Bien qu'il ne s'agisse pas directement du domaine du financement, nous tenons à noter une mesure prise récemment par le ministère des Affaires étrangères et qui répond à un souhait que nous avions exprimé dans notre rapport fait à la demande du Premier Ministre : il s'agit de la création d'une structure spécialement chargée du suivi du personnel français en poste dans les organisations internationales. Nous avions souligné, en effet, la nécessité de valoriser la présence française dans le personnel de l'ONU et, pour ce faire, de cibler les postes-clefs, de préparer les candidatures adaptées et de consacrer des moyens adaptés à la fonction « personnel international » au sein de l'administration centrale des Affaires étrangères. Il existe, en effet, des moyens moins coûteux qu'une participation continuelle et substantielle aux opérations sous couvert international, pour conforter notre présence à l'ONU.
C. OPÉRATIONS ONU ET OPÉRATIONS OTAN
On sait que d'ores et déjà l'OTAN participe à certaines opérations de maintien de la paix :
ï opération Sharp Guard : contrôle en mer de l'embargo sur les marchandises destinées à la Serbie-Montenegro et sur les armes destinées à l'ex-Yougoslavie ;
ï opération Deny Flyght : respect de l'interdiction des vols militaires dans l'espace aérien bosniaque.
Pour l'avenir, l'OTAN est appelé à jouer un rôle très important dans l'ex-Yougoslavie, pour la mise en oeuvre du plan de paix, tout récemment négocié.
On doit souligner, du reste, le paradoxe qui consiste à confier à l'OTAN une opération de maintien de la paix (respect d'un accord de paix) alors que l'ONU était plus engagée dans une opération d'imposition de la paix que dans une véritable opération de maintien de la paix...
Faut-il voir là un changement dans les vues - toujours assez inconsistantes, il est vrai - professées par l'ONU au sujet de ses interventions armées ?
Qu'en sera-t-il, pour l'avenir, d'un nouvel engagement sous couvert de l'OTAN et sous commandement américain ?
Nos soldats ressentent une certaine distance entre le contenu d'un accord négocié dans l'Ohio et les valeurs qu'ils ont défendues sur le terrain, en première ligne. Et dans la répartition des responsabilités leur tâche sera particulièrement difficile.
Sans doute la remarquable aptitude de nos contingents à entrer en contact avec la population et la qualité des relations qu'ils établissent, contrastent-elles avec le « retranchement » d'autres contingents reclus dans leurs chars et dans leurs hélicoptères. Mais il importe de ne pas placer nos soldats dans une situation impossible dont on leur imputerait, à tort, la responsabilité. C'est leur honneur qui est en jeu.
Par ailleurs cette orientation nouvelle ne sera pas sans répercussion sur notre contribution financière. En effet, nous contribuons pour 7,6 % aux dépenses des OMP onusiennes. Or l'assiette des contributions aux dépenses de l'OTAN nous est plus défavorable (13 - 18 %), alors que pour les États-Unis, la situation est inverse.
C'est dire qu'un « changement de portage » dans ce domaine, risque d'accroître encore nos dépenses. A contingent égal - mais il est question de l'accroître le surcoût des dépenses pourrait dépasser le montant actuel qui pour la seule ex-Yougoslavie s'est élevé en 1995 à plus de 2 milliards de francs.
Il convient donc d'être très attentif à cette question et de mesurer de façon précise la portée financière de ce nouvel engagement. Le moment ne paraît pas venu d'accroître encore la charge que ferait peser ce type d'opérations extérieures sur des crédits en rétractation.
CONCLUSION
Alors que le budget pour 1995 respectait la loi de programmation quant aux effectifs, le projet de budget pour 1996 s'en éloigne même s'il respecte encore les orientations de cette loi quant à l'évolution des emplois.
Mais l'appréciation qu'appelle le projet de titre III ne peut plus prendre en référence la loi de programmation, frappée de caducité, bien que votée en 1994.
Ce sont de toutes autres perspectives qui vont maintenant être tracées par une nouvelle loi.
Les décisions restent donc à venir.
Mais elles ne pourront méconnaître une tendance lourde du titre III : l'amenuisement continuel des crédits de fonctionnement sous le poids grandissant des dépenses de rémunérations et cela malgré la diminution des effectifs et bien qu'une partie de ceux-ci soit fournie par la conscription. Du même coup, il convient d'écarter - a fortiori en cas de professionnalisation accrue - toute idée de rééquilibrage au profit du titre V par prélèvement sur le titre III, même si quelques gains peuvent être encore attendus du réaménagement de certaines structures ou de certains soutiens.
C'est, au contraire, un rééquilibrage interne au titre III en faveur des crédits de vie courante et d'activités des forces qu'il faut attendre et espérer des nouvelles mesures.
PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1996
Article 35
Mesures nouvelles - Dépenses ordinaires des services militaires
Texte de l'article
I. Il est ouvert au ministre de la Défense pour 1996, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses ordinaires des services militaires, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 3 307 834 000 F et applicables au titre III « Moyens des armes et services ».
II. Pour 1996, les mesures nouvelles sur les dépenses ordinaires des services militaires applicables au titre NI « Moyens des armes et services » s'élèvent au total à la somme de 479 333 000 F.
Exposé des motifs
La comparaison par titre et par section des crédits ouverts en 1995 et de ceux prévus pour 1996 au titre des dépenses ordinaires militaires (mesures nouvelles) figure au tableau VI annexé à l'exposé des motifs du présent projet de loi.
Les justifications par chapitre sont présentées dans l'annexe « Services votés. - Mesures nouvelles » établie au titre des dépenses ordinaires du budget de la Défense.
Modifications apportées par l'Assemblée nationale
En vue de rétablir le traitement de la Légion d'honneur qui en 1991 n'avait été maintenu que pour les décorés pour circonstances exceptionnelles, les crédits du titre III (chapitre 34-96) ont été minorés de 650 000 francs pour abonder le budget annexe de la Légion d'honneur.
L'article 35 du projet de loi de finances adopté par l'Assemblée nationale en première lecture est donc le suivant :
Art. 35
I. - Il est ouvert au ministre de la défense pour 1996, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses ordinaires des services militaires, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 3 307 834 000 F. et applicables au titre III « Moyens des armes et services ».
II - Pour 1996, les mesures nouvelles sur les dépenses ordinaires des services militaires applicables au titre III « Moyens des armes et services » s'élèvent au total à la somme de 478 683 000 F.
Article 37
Autorisation d'engagement par anticipation
Texte de l'article
Le ministre de la Défense est autorisé à engager en 1996, par anticipation sur les crédits qui lui seront alloués pour 1997, des dépenses se montant à la somme totale de
130 000 000 F conformément à l'état D annexé à la présente loi.
Exposé des motifs
L'article 11 de l'ordonnance N° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances subordonne les engagements par anticipation sur les crédits de l'année suivante à des dispositions spéciales qui font l'objet du présent projet d'article.
ÉTAT D
(article 37 du projet de loi)
TABLEAU PAR CHAPITRE, DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT ACCORDÉES PAR ANTICIPATION SUR LES CRÉDITS À OUVRIR EN 1997
* (1) . En crédits disponibles.
* (2) Pour la Marine qui dispose de dotations budgétaires pour ses propres missions de service public (chapitre 34-05 ou 14), les remboursements éventuels sont effectués au budget général de l'État.
* (3) Notamment la convention franco-algérienne du 11 octobre 1983 - dont on s'étonne qu'elle n'ait pas été dénoncée - qui autorise sans condition les binationaux à faire indifféremment leur service soit en France soit en Algérie. Comment peut-on, dès lors, considérer qu'une nationalité d'autant plus fragile qu'elle est partagée entre deux pays très différents puisse être un facteur d'assimilation si elle ne s'accompagne pas de l'obligation d'accomplir ce service dans le pays de résidence habituelle ? (Ce qui est prévu pour les conventions passées avec les pays européens). Une nation peut-elle se satisfaire de « demi citoyens » ?
* (4) On rappelle que dans l'armée de Terre sur un effectif de 230 000 personnes, 130 000 environ sont affectées dans les formations opérationnelles.