II. LES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT : UN ENSEMBLE HÉTÉROGÈNE AUX ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES
A. LE FONCTIONNEMENT COURANT HORS INFORMATIQUE : UN RESPECT GLOBAL DES OBJECTIFS DE LA LOI DE PROGRAMMATION.
L'analyse des évolutions des dotations de fonctionnement courant hors informatique révèle une volonté incontestable de respecter les engagements de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité. Ce constat peut être fait sous l'angle du volume des crédits demandés ainsi que sous celui des techniques de gestion mises en place.
1. Une évolution très favorable des crédits de fonctionnement
Les dotations du chapitre 34-41 "Police nationale - Moyens de fonctionnement" progressent de 3,5 milliards de francs à près de 3,8 milliards de francs. Le différentiel de 294,8 millions de francs est réparti come suit, compte tenu d'une réduction de 2 millions de francs des services votés qui porte en réalité à 296,8 millions de francs les mesures nouvelles positives :
• 82,7 millions de francs correspondent à de
simples transferts de dépenses qu'il est prévu d'intégrer
aux crédits globalisés (téléphone, radiomessagerie,
radiotéléphone, service informatique et imprimés
réglementaires de la Préfecture de police, indemnités des
CRS, services centraux de la police nationale).
• Ensuite, 59,1 millions de francs sont
dégagés pour l'équipement des 1 000 policiers auxiliaires
supplémentaires dont les emplois sont budgétés sur le
prochain exercice.
. Enfin, une enveloppe de 70 millions de francs de crédits nouveaux est prévue dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité à laquelle s'ajoute un abondement de dotations pour les dépenses téléphoniques de 85 millions de francs.
Les majorations de crédits sur le chapitre 34-41 au titre de la LOPS avaient été estimées à 253 millions de francs en 1995 par rapport à 1994 et à 43,2 millions de francs en 1996 par rapport à 1995 1 ( * ) . Elles ont en fait été ou seront de
• 73,36 millions de francs inscrits en loi de finances
initiale pour 1995 ;
• 175 millions de francs en loi de finances
rectificative pour 1994 ;
• 155 millions de francs demandés en loi de
finances initiale pour 1996 (70 millions de francs hors téléphone
+ 85 millions de francs pour le téléphone) ;
• 100 millions de francs demandés dans le
second projet de loi de finances rectificative déposé le 15
novembre dernier sur le bureau de l'Assemblée nationale.
Les sommes ainsi dégagées, nettement supérieures aux prévisions de la loi d'orientation et de programmation, seront affectées en priorité au renforcement de certains programmes d'équipement, en particulier le programme automobile.
Seront également financées les créations de "services nouveaux correspondant aux objectifs gouvernementaux" (violences urbaines, grand banditisme, trafic de drogue, lutte contre l'immigration clandestine). Cette formule, reprise des documents fournis par le ministère de l'Intérieur, recouvre notamment l'ensemble des dépenses de fournitures (voitures rapides, gilets pare-balles, armes tirant des projectiles en caoutchouc ou "flash-balls") annoncées le 29 octobre dernier dans le cadre du plan de renforcement des moyens policiers dans les quartiers sensibles.
Par ailleurs, deux autres axes doivent être privilégiés, conformément, là encore aux priorités dégagées par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité :
* la police technique et scientifique, ainsi que les techniques d'investigation ;
* l'entretien du patrimoine immobilier, avec la mise en place d'enveloppes déconcentrées de crédits, pour pallier l'insuffisance chronique des travaux courants dénoncée lors du vote de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité.
L'affectation des nouveaux crédits de la LOPS ne sera toutefois connue avec précision qu'à l'issue de l'exécution du budget de 1996, compte tenu du caractère globalisé du chapitre 34-41.
Si elle permet une réelle souplesse de gestion tant au niveau central qu'au niveau local, la globalisation induit cependant un déficit de contrôle parlementaire. Il est ainsi impossible à votre rapporteur spécial de vérifier, à la lecture des documents budgétaires, le caractère effectif du respect des prescriptions du volet programmation des moyens de fonctionnement de la loi du 21 janvier 1995, le champ des actions entrant dans la LOPS, qui représentent tout au plus le tiers des crédits du chapitre 34-41, n'étant aucunement délimité par les articles qui composent ce chapitre. Votre rapporteur doit donc s'en remettre, sur ce point, à la bonne foi, évidente, du ministre de l'Intérieur.
2. Une gestion plus rigoureuse des dépenses pour prestations de service ainsi que de la dette.
Depuis le printemps 1993, le ministère de l'Intérieur a engagé une politique systématique d'apurement de ses dettes. Il a en outre mis en oeuvre diverses dispositions pour mieux maîtriser ses dépenses annuelles et stopper la dérive des déficits accumulés.
Quatre postes de dépenses -les consommations téléphoniques, les dépenses de l'Imprimerie Nationale, les loyers et les carburants de la direction de la sécurité civile- constituent l'essentiel de la dette du ministère (soit 1.185 millions de francs au 1er janvier 1995).
Chacun fait l'objet d'un suivi particulier.
État de la dette du ministère de l'Intérieur
1. Vue générale
2. Dettes de téléphone
3. Imprimerie nationale
a) S'agissant de dépenses de télécommunication
Le ministère de l'Intérieur a poursuivi et accéléré la globalisation des crédits de téléphone. Grâce à un abondement de 15 millions de francs en loi de finances rectificative pour 1994, la globalisation des crédits de services territoriaux de police a été achevée et la procédure a été étendue aux départements et territoires d'outre-mer en 1995. Enfin, la globalisation des crédits de la Préfecture de police et de l'administration centrale sera effectuée en 1996.
Ø Pour les départements et services globalisés, le ministère de l'Intérieur et France Télécom ont signé le 16 février 1995 une convention relative au règlement des créances téléphoniques qui prévoit un mécanisme de sanctions très pénalisant en cas de retard dans les paiements. Des conventions d'application locale sont en cours de signature par les préfets. Au 15 septembre, une vingtaine de celles-ci étaient signées.
Ø Pour ce qui est de l'administration centrale, les dépenses de radio-téléphones et d'alphapages ont fait l'objet d'une globalisation par service, sur la base d'un coût unitaire moyen et du parc des équipements de 1993. En ce qui concerne les dépenses téléphoniques, chaque direction et service de centrale s'est ainsi vu attribuer en 1995 un droit de tirage calculé sur la base des consommations et des équipements enregistrés en 1993. En cas de dépassement de sa dotation annuelle, chaque service financera l'excédent sur son propre budget de fonctionnement. Ce dispositif serait consolidé dans la loi de finances pour 1996.
Ø De son côté, la préfecture de police prépare sa globalisation pour 1996.
Le train de mesures qui l'accompagnera doit permettre de réduire la dette courante de 130 millions de francs en 1994 à 90 millions de francs en 1995. Dans le cadre de la mesure nouvelle de 85 millions de francs figurant dans le projet de loi de finances pour les dépenses de téléphone, une enveloppe de 50 millions de francs est destinée à la préfecture de police, dont l'objet est de couvrir la dette courante et de stopper la dérive déficitaire.
Ø En ce qui concerne le stock de dettes, dont le montant fait l'objet d'une contestation entre le ministère et France-Télécom, les conditions de sa résorption doivent encore être négociées avec la direction du budget.
b) La dette du ministère de l'Intérieur envers l'Imprimerie Nationale est passée de 108,98 millions de francs au 1er janvier 1994 à 94,46 millions de francs au 1er janvier 1995 ; au 30 juin 1995, elle est évaluée à 82,2 millions de francs.
La réduction de cette dette résulte de plusieurs dispositions prises depuis deux ans :
Ø Règlement pour 13,4 millions de francs de factures litigieuses ou en retard de paiement.
Ø Abondement de 17 millions de francs en loi de finances rectificative pour 1994 pour juguler la dette courante de la préfecture de police (5 millions de francs) et commencer de résorber le stock d'arriérés (12 millions de francs).
Le montant restant dû (82,2 millions de francs) correspond pour l'essentiel à une dette ancienne de 80,2 millions de francs, constituée par les imprimés fiduciaires commandés par les préfectures avant la déconcentration et la globalisation de leurs crédits de fonctionnement.
À ce sujet, le ministère de l'Intérieur a précisé à votre rapporteur spécial qu'en 1996, comme en 1995, il ferait en sorte que la préfecture de police puisse disposer en gestion des crédits de fonctionnement nécessaires au règlement de ses propres imprimés fiduciaires.
c) Les loyers de l'administration centrale représentent une dépense annuelle courante de 94 millions de francs et un déficit chronique en partie comblé par des mesures intervenant en gestion.
Ø > En 1994, malgré un déficit courant de 15 millions de francs, divers abondements (ressources exceptionnelles et loi de finances rectificative) ont permis de réduire l'arriéré à moins de 4 millions de francs, auquel s'ajoutent des dettes non immédiatement exigibles faisant l'objet de pourparlers avec le propriétaire concerné.
En 1995, en dépit de la réduction des dotations de fonctionnement de l'administration centrale (- 20 %), divers redéploiements internes, ainsi que l'affectation d'une ressource exceptionnelle, vont permettre de ramener à zéro la dette courante.
Ø Plusieurs baux de location d'immeubles ont été renégociés, ce qui a permis d'obtenir des abattements de loyer allant jusqu'à près de 20 %. L'économie ainsi réalisée atteindra plus de 9 millions de francs en année pleine.
Par ailleurs, un programme de travaux de réfection a été mis à la charge du propriétaire de l'immeuble Nélaton pour un montant de 58 millions de francs.
d) Les autres débiteurs
S'agissant de la location des points hauts utilisés pour l'implantation des antennes nécessaires à l'exploitation des réseaux radio (dont ACROPOL), le ministère de l'Intérieur possédait à la fin de 1994 une dette cumulée de 7,4 millions de francs pour l'essentiel à l'égard de Télédiffusion de France et de France Télécom. Cette dette a été entièrement soldée en loi de finances rectificative de 1994. Les dépenses 1995 seront entièrement couvertes.
Ø Pour mémoire, la dette à l'égard de la RATP a été entièrement soldée. La régie a, en effet, accepté d'abandonner 20 millions de francs d'intérêts moratoires en contrepartie d'un règlement du principal à très bref délai. Les 165 millions de francs nécessaires ont été financés pour partie par des crédits de loi de finances rectificative (50 millions de francs), initialement destinés à la modernisation de la police, et, pour le solde, par un redéploiement des dotations de fonctionnement de la police nationale.
L'engagement a été pris par ailleurs de régler normalement les dépenses courantes. Les actions vigoureuses qui viennent d'être décidées sont associées à un dispositif de contrôle de gestion qui permet :
- de générer des économies sur les frais de transport : la mise en place d'un implant qui centralise toutes les demandes se traduit par 40 millions de francs d'économie sur un chiffre d'affaires de 140 millions de francs.
- de contrôler la dérive de certaines dépenses de fonctionnement
- d'apprécier la régularité des dépenses sensibles telles que les frais de mission.
Votre rapporteur se félicite de l'action vigoureuse successivement menée par messieurs Charles Pasqua et Jean-Louis Debré pour apurer la dette du ministère de l'Intérieur et enrayer toute dérive structurelle des impayés. L'action a été double : en amont, par une revalorisation des dotations, et en aval, par un effort de rationalisation de la gestion des crédits délégués.
En revanche, votre rapporteur spécial déplore l'incapacité du ministère de l'économie et des finances à régler la question pendante du stock de la dette de plus d'un milliard de francs à l'égard de France Télécom, soit l'équivalent de plus de deux années de facturation.
Cette situation, parfaitement anormale, est un poids pour le ministère de l'Intérieur dont il réduit les marges de manoeuvre budgétaires.
* 1 Francs courants, c'est-à-dire francs 1994 actualisés annuellement avec une inflation à 2 %.