ARTICLE 18 - Détermination de l'enveloppe des concours de l'État aux collectivités locales

Commentaire : Cet article prévoit de limiter à l'évolution des prix à la consommation hors tabac, au cours des trois prochaines années, la progression de l'enveloppe composée de l'ensemble des dotations indexées de l'État aux collectivités locales.

Les élus locaux n'ont pu que se féliciter, dans l'ensemble, de la volonté clairement affichée, dès le 23 mai dernier, par le Premier ministre, M. Alain Juppé, dans son discours de politique générale, de conclure un "pacte" assurant aux collectivités locales la stabilité de leurs relations financières avec l'État.

La commission des finances, par la voix de son président, a elle-même suffisamment milité depuis de nombreuses années en faveur de la conclusion entre ces deux partenaires d'un contrat pluriannuel garantissant aux collectivités locales une évolution pérenne de leurs ressources pour manifester aujourd'hui sa satisfaction de voir aboutir, ne serait-ce que le principe pour lequel elle s'est battue.

Toutefois, les modalités de mise en oeuvre du "pacte de stabilité" envisagées par le gouvernement au travers des articles 18 et 19 (63 ( * )) du projet de loi de finances pour 1996 interdisent d'appeler ainsi une opération qui s'apparente une nouvelle fois à un ajustement des concours de l'État à l'aggravation de ses propres contraintes budgétaires.

I - LE "PACTE DE STABILITÉ" PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT

A. LE CADRAGE D'ENSEMBLE

Le paragraphe I du présent article prévoit, pour les trois exercices 1996, 1997 et 1998, le principe d'une indexation annuelle sur l'évolution des prix hors tabac de l'enveloppe constituée par les dotations suivantes : dotation globale de fonctionnement (DGF), dotation spéciale pour le logement des instituteurs (DSI), concours de l'État au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et au fonds national de péréquation (FNPTP et FNP), dotation "élu local", dotation globale d'équipement (DGE), dotations générales de décentralisation (y compris les DGD Corse et formation professionnelle), dotation régionale d'équipement scolaire et dotation départementale d'équipement scolaire (DRES et DDEC), dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) hors compensation de la réduction pour embauche et investissement (REI).

Cette masse financière, qui comprend donc, mis à part l'un d'entre eux (64 ( * )) , l'ensemble des concours déjà indexés en vertu de dispositions de précédentes lois de finances, est calculée à structure constante et

ÉVOLUTION COMPAREE DES DOTATIONS SOUS ENVELOPPE AUX COLLECTIVITES LOCALES ET DES DÉPENSES DE L'ÉTAT DE 1990 A 1996

(Lois de finances initiales)

L'ensemble défini ci-dessus dont l'évolution tendancielle est estimée entre +3,7 % et +4 % par an (+6 milliards de francs), ne progresserait ainsi que de 2,1 % en 1996 par rapport à 1995 (+3,2 milliards de francs), de 2,2 % en 1997 par rapport à 1996 et en 1998 par rapport à 1997.

Ces taux globaux d'évolution résulteraient de la combinaison de trois régimes distincts :

a) Les règles d'indexation fixées par les précédentes lois de finances sont respectées pour l'ensemble des dotations précédemment énumérées à l'exception toutefois de celles applicables à la première part de la DGE des communes et à la dotation de compensation de la taxe professionnelle.

Les règles d'indexation des concours de l'État aux collectivités locales

- La dotation globale de fonctionnement : en application des dispositions de l'article 52 de la loi de finances pour 1994, elle est calculée chaque année par application à la DGF recalée de l'exercice en cours d'un indice associant l'inflation prévisionnelle de l'année de versement (n) et la moitié du taux d'évolution du produit intérieur brut constaté pour l'année où est votée la loi de finances initiale (n-1).

La dotation spéciale pour le logement des instituteurs et les trois dotations générales de décentralisation (Article 96 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, Corse, formation professionnelle) évoluent en fonction du même indice que la DGF qui atteint +3,55 % en 1996.

- Les dotations de l'État au fonds national de péréquation : elles sont indexées sur l'évolution prévisionnelle des recettes fiscales nettes de l'État, soit +8,3337 % en 1996.

Il en est, en principe, de même pour la dotation de compensation de la taxe professionnelle (hors réduction pour embauche et investissement). Toutefois, depuis la loi de finances pour 1994, la DCTP, qui regroupe les compensations au titre de l'abattement de 16 % des bases de taxe professionnelle, du plafonnement du taux de taxe professionnelle à deux fois la moyenne nationale et de la réduction de 20 % à 18 % de la fraction des salaires imposables, fait l'objet d'une réfaction calculée en fonction de la progression du produit de taxe professionnelle depuis 1987 pour chaque collectivité considérée.

- Les dotations globales d'équipement des communes et des départements ainsi que la dotation régionale d'équipement scolaire et la dotation départementale d'équipement des collèges : elles progressent au rythme du taux prévisionnel de croissance de la formation brute de capital fixe (FBCF) de l'ensemble des administrations publiques et pas seulement des administrations publiques locales.

La FBCF des APU progresserait de 3,7 % en 1996.

- La dotation élu local créée par l'article 42 de la loi n° 92-106 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux ne bénéficie, en revanche, d'aucune indexation et a été fixée à 250 millions de francs en 1993, 1994 et 1995. Son insertion dans l'enveloppe nommée est justifiée par son caractère prévisible puisque son montant est laissé à la discrétion du Gouvernement.

En particulier, la DGF serait majorée en 1996 de 3,55 %, soit d'un indice associant l'inflation prévisionnelle de l'an prochain, hors tabac (2,1 %) et la moitié de la progression du produit intérieur brut en 1995 (2,9 % divisé par 2 soit 1,45 %).

b) La première part de la dotation globale d'équipement serait supprimée à compter du 1er janvier 1996

Le texte du Gouvernement prévoyait que l'actuelle DGE 2e part serait cependant majorée afin de recevoir les collectivités aujourd'hui à la première part mais pouvant opter pour la deuxième part.

L'Assemblée nationale a adopté, à enveloppe constante, une autre architecture rendant éligible à la nouvelle DGE des communes les communes de métropole dont la population n'excède pas 20.000 habitants et dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 1,5 fois le potentiel fiscal moyen par habitant de l'ensemble des communes de moins de 20.000 habitants. Parallèlement, tous les groupements de communes dont la population est inférieure ou égale à 35.000 habitants pourraient, sans exception, bénéficier de la dotation globale d'équipement des communes (65 ( * ))

La première part de la DGE des communes est aujourd'hui versée, selon la technique du taux de concours appliqué à un montant d'investissement (1,54 % en 1994 et 2,04 % en 1995), aux communes de plus de 10.000 habitants, à celles dont la population est supérieure à 2.000 habitants et inférieure ou égale à 10.000 habitants lorsqu'elles n'ont pas opté pour la deuxième part, enfin aux communes de moins de 2.000 habitants classées touristiques ou thermales et n'ayant pas opté pour la deuxième part.

Les autorisations de programmes et les crédits de paiement répartis en 1995 au titre de la première part de la DGE des communes se sont élevés à environ 2,1 milliards de francs.

c) La dotation de compensation de la taxe professionnelle (hors remboursement au titre de la réduction pour embauche et investissement) devient, dans cette configuration la "variable d'ajustement" permettant de limiter, au franc près, au taux prévisionnel d'évolution des prix hors tabac la Progression des concours financiers de l'État inscrits dans le périmètre du Pacte de stabilité.

La DCTP, hors REI, devrait ainsi passer de 15,3 milliards de francs en 1995 à 14,1 milliards de francs en 1996, à 13,3 milliards de francs en 1997 et à 11,5 milliards de francs en 1998.

Le tableau ci-après récapitule le contenu du pacte de stabilité pour le triennum 1996-1998.

ÉVOLUTION INDICATIVE DES DOTATIONS SOUS ENVELOPPE POUR 1996, 1997 ET 1998

(1) Sous réserve des éventuels recalages de base (lire le C ci-dessous)

Indices 1996 1997-1998

Prix hors tabac 2,1 2,2

FBCF 3,7 3,7

PIB volume 2,9(95) 2,8 (96 et 97)

Rec. fisc, nettes 8,3337 5,1

DGF (prix + 0,5 PIB) 3,55 3,6 (96 et 97)

Source : Ministère de l'Economie, des Finances et du Plan

La lecture de ce tableau appelle trois précisions tenant :

- aux règles de calcul de la DCTP (B)

- aux règles de calcul de la DGF (C)

- aux ajustements réalisés en 1996 hors enveloppe du "pacte de stabilité" (D).

La suppression de la première part de la DGE des communes fait l'objet du commentaire sous l'article 19.

B. LES RÈGLES SPÉCIFIQUES DE CALCUL DE LA DOTATION DE COMPENSATION DE LA TAXE PROFESSIONNELLE DANS LE CADRE DU PACTE DE STABILITÉ

Le paragraphe II du présent article prévoit que pour chacune des années 1996, 1997 et 1998, le taux d'évolution de la DCTP est celui qui permet, compte tenu des règles habituelles d'indexation des autres dotations à structure constante, de respecter la norme d'évolution égale à l'inflation prévisionnelle.

La première étape consiste donc à déterminer le montant autorisé de DCTP en posant la soustraction : [Enveloppe de n-1 x inflation prévisionnelle en n] - [Ensemble des autres dotations indexées selon les règles en vigueur].

Le résultat pour 1996 est de 14.132 millions de francs.

Afin d'obtenir le taux de réduction imposé à chaque collectivité bénéficiaire de la DCTP, la seconde étape consiste à ajouter à ce montant celui, prévisionnel, de la ponction qui doit être opérée au titre des dispositions de l'article 54 de la loi de finances pour 1994.

Cette ponction, dont la prévision se révèle en général exacte à quelques millions de francs près, est évaluée pour 1996 à 2.683 millions de francs au lieu de 2.917 millions de francs en 1995.

L'addition de la masse de 14.132 millions de francs et de la ponction de 2.683 millions de francs est égale à une somme de 16.815 millions de francs.

La troisième étape a pour objet de comparer cette somme à celle que l'on aurait obtenue en 1995 en faisant jouer les règles normales d'indexation de la DCTP, c'est-à-dire l'évolution calée sur la progression des recettes fiscales nettes de l'État (Article 6-IV de la loi de finances pour 1987).

La DCTP qui aurait dû être versée en 1995, en l'absence des dispositions de l'article 54 de la loi de finances 1994, devait s'élever à 18.175 millions de francs.

Dès lors, l'ensemble des collectivités bénéficiaires de versements de la DCTP subiront un abattement uniforme de leur attribution égal à 16.815 millions de francs / 18.175 millions de francs = 7,48 % .

Remise "à l'endroit", l'opération permettant au Gouvernement de n'octroyer que 14.132 millions de francs au titre de la DCTP sera la suivante :

1) DCTP théorique : 18.175 millions de francs (base 1995) ;

2) Abattement uniforme pour toutes les collectivités : -7,48 % ;

3) Résultat : 16.815 millions de francs ;

4) Ponction de l'article 54 de la loi de finances pour 1994 :2.683 millions de francs ;

5) DCTP répondant à la norme d'évolution du "Pacte de stabilité" :14.132 millions de francs.

La DCTP fait l'objet de versements sous forme d'acomptes mensuels. Le montant définitif de la ponction opérée en application de l'article 54 de la loi de finances initiale pour 1994 est, lui connu au mois de mars. Le cas échéant, le taux d'abattement uniforme de 7,48 % pourra donc être corrigé en cours d'exercice afin de tenir compte de ce montant définitif.

En tout état de cause, il serait inacceptable qu'il n'en soit pas ainsi et que le versement final de DCTP soit inférieur à celui annoncé par le Gouvernement au motif que la ponction de l'article 54 est plus forte que ce qu'il avait prévu.

Votre rapporteur général exigera des assurances sur ce point de la part du Gouvernement en séance publique.

C. LES RÈGLES SPÉCIFIQUES DE CALCUL DE LA DOTATION GLOBAL DE FONCTIONNEMENT DANS LE CADRE DU PACTE DE STABILITÉ

Le 1° du paragraphe II de l'article 52 de la loi de finances pour 1994 prévoit que la DGF de l'année n+1 est inscrite dans le projet de budget pour un montant tenant compte de la réévaluation de la DGF de l'année n. En effet, la dotation globale de fonctionnement de l'année en cours (n) est ajustée au regard du taux réel d'inflation, de la progression constatée du produit intérieur brut en n-1 et de la DGF définitive de l'année n-1.

Ainsi, en 1995, la DGF inscrite en loi de finances initiale, s'élevait-elle à 99,812 milliards de francs, compte tenu d'un indice prévisionnel d'évolution des prix de 1,7%. Le taux réel d'inflation s'élevant à 1,8%, la base de calcul de la dotation pour 1996 est non pas la DGF inscrite en loi de finances initiale pour 1995 mais celle, recalée, incorporant une inflation à 1,8 %, soit 99.910 millions de francs.

Nonobstant, une lecture stricte des dispositions du paragraphe I du présent article impose, pour calculer l'enveloppe normée regroupant les concours indexés, de n'intégrer dans la base de référence d'une année sur l'autre que les montants inscrits en loi de finances initiale.

Au cas présent, l'obligation de retenir la somme de 99.812 millions de francs pour le calcul de la base de référence 1995 revenait à minorer celle-ci de 99.910 millions de francs - 99.812 millions de francs, soit 98 millions de francs.

L'enveloppe normée pour 1996 était à son tour minorée de 98 millions de francs x 1,021 = 100 millions de francs, qui seraient venus réduire la "variable d'ajustement" de cette enveloppe, à savoir la dotation de compensation de la taxe professionnelle.

En réalité, le souhait initial du Gouvernement était d'intégrer dans la base de référence 1995 pour le calcul de l'enveloppe normée 1996 un montant recalé de DGF (soit 99.910 millions de francs), mais de ne pas le faire les années suivantes.

L'Assemblée nationale, sur amendement de sa commission des finances et après accord du Gouvernement, a cependant décidé de systématiser l'inscription de la DGF recalée de l'année n dans la base de calcul de l'enveloppe normée de l'année n+1. Telle est la signification du paragraphe I bis qu'elle a inséré et qui dispose que "pour l'application du I, le calcul de la dotation globale de fonctionnement à inscrire dans les projets de la loi de finances pour 1996, 1997 et 1998 s'effectue à partir du montant de l'année précédente, tel qu'il ressort du 1° du II de l'article 52 de la loi de finances pour 1994 (n° 93-1352 du 30 décembre 1993) ".

On notera en conclusion sur ce point que ce mécanisme revient à imputer deux fois aux collectivités locales la régularisation du montant de la DGF : une première fois sur le montant de la DCTP et une seconde fois au travers des mécanismes du paragraphe III de l'article 52 de la loi de finances Pour 1994 qui prévoit le versement physique d'une régularisation au 31 juillet de l'année n+1 compte tenu du montant réel de la DGF de l'année n une fois connu son indice définitif de progression.

En d'autres termes, si le recalage de DGF se fait à la hausse, les collectivités locales seront gagnantes. S'il se fait à la baisse, elles seront perdantes...

D. LES AJUSTEMENTS RÉALISÉS EN 1996 HORS ENVELOPPE DU PACTE DE STABILITÉ

Ces ajustements portent sur quatre lignes :

1) La dotation de l'État au fond national de péréquation de la taxe professionnelle est majorée de 298 millions de francs en application des dispositions de l'article 21-6° de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications. Ce dernier texte prévoit, en effet, le reversement au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle de l'écrêtement des impôts locaux dont sont redevables la Poste et France Télécom : le produit des impôts locaux de ces deux établissements est certes versé à l'État jusqu'à concurrence d'une progression égale à l'indice du prix de la consommation des ménages, mais le différentiel retombe au profit du FNPTP.

En sens inverse, la dotation de l'État au fonds national de péréquation doit être minorée, pour 1996, de 398,4 millions de francs correspondant au produit de la nouvelle cotisation minimale de taxe professionnelle instituée par l'article 11 du présent projet de loi de finances.

Le paragraphe II de cet article, dans son texte adopté par l'Assemblée nationale, prévoit, en effet, le reversement au FNPTP du supplément d'imposition lié à la cotisation de 0,35 % de la valeur ajoutée et ajoute : "La dotation budgétaire de l'État au fonds est réduite à due concurrence. Cette réduction n'est pas prise en compte dans le calcul à structure constante défini à l'article 18".

Le montant correspondant n'a, toutefois, pas été intégré dans le tableau ci-dessus, au chapitre des ajustements, faute d'informations sur son évolution prévisionnelle en 1997 et 1998.

2) La dotation spéciale pour le logement des instituteurs, indexée sur la DGF, aurait dû être portée de 3.024 millions de francs à 3.133 millions de francs en 1996.

Toutefois, son montant évolue également en fonction du nombre annuel d'instituteurs intégrés dans le corps des professeurs des écoles. Ces derniers, relevant de la catégorie A de la fonction publique, perdent, en effet, leur droit au logement.

La dotation spéciaux instituteurs est ainsi fixée à 2.947 millions de francs en 1996. Le moins versé de 186 millions de francs se répartit en :

- 123 millions de francs correspondant à la transformation au 1er septembre 1995 de 17.200 postes d'instituteurs en postes de professeurs des écoles ;

- 63 millions de francs correspondant à la transformation au 1er septembre 1996 de 17.500 postes d'instituteurs en postes de professeurs des écoles.

3) La majoration globale de 170 millions de francs des dotations générales de décentralisation (générale, Corse, formation professionnelle) se répartit elle-même en trois sous-ensembles :

-87,4 millions de francs correspondent à la contrepartie de la prise en charge par les départements et les régions de l'affranchissement du courrier administratif (66 ( * )) .

- Une deuxième dotation de 52,7 millions de francs correspond à l'enveloppe de rééquilibrage au titre de l'aménagement du territoire qui

est dorénavant rattachée au financement des formations qualifiantes, et est donc transférée aux régions au travers des mécanismes de la DGD, conformément au voeu exprimé le 22 février dernier par la commission consultative sur l'évaluation des charges ; cette enveloppe était précédemment affectée au financement des actions de pré qualification et restait donc gérée par l'État.

- Le reliquat d'environ 30 millions de francs représente le solde des transferts de charges prévus pour 1996 et des régularisations au titre des années précédentes.

4) Enfin, un peu plus de 67 millions de francs sont ajoutés à la DGF afin de compenser le coût pour les communes de la suppression de la franchise postale sur les courriers expédiés par les maires au titre des compétences qui leur sont déléguées par l'État.

Cette mesure fait l'objet des dispositions de l'article 21 du présent projet de loi de finances initiale.

II - UN LIBELLE CONTESTABLE POUR JUSTIFIER UNE SIMPLE OPÉRATION DE RÉGULATION BUDGÉTAIRE

Lors de l'examen du présent article, la majorité des membres de votre commission a, en premier lieu, souligné l'incontestable intérêt présenté par l'engagement ainsi pris par le Gouvernement de ne plus modifier pendant une période de trois ans les règles de progression des concours indexés de l'État aux collectivités locales. Principal élément positif apparent : les règles d'indexation du plus important des concours versés aux communes et aux départements, la dotation globale de fonctionnement, seront scrupuleusement respectées, au moins jusqu'en 1998.

Le présent article vaut également par ce qu'il ne contient pas. Le Gouvernement n'a ainsi fixé aucun objectif à l'évolution du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). En d'autres termes, après la "crise" qui avait opposé l'exécutif et les élus lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1994, il a été décidé de ne plus modifier la législation relative aux remboursements du FCTVA et de le laisser progresser au rythme des investissements éligibles.

On notera toutefois que les contraintes que s'impose l'État relèvent plus de l'engagement moral que de la clause contractuelle intangible, la loi pouvant toujours et à tout moment être modifiée par une autre loi.

Cependant, les critiques que suscite la démarche proposée ne tiennent pas tant aux arrière-pensées prêtées à un gouvernement soupçonné de ne pas vouloir réellement tenir parole qu'aux fondements mêmes du "pacte de stabilité".

En effet, force est de constater que ledit "pacte de stabilité", unilatéralement imposé par le gouvernement, reflète avant tout une fois de plus sa volonté d'utiliser les concours qu'il verse aux collectivités locales comme simple variable d'ajustement de son propre budget, sans véritable souci d'assurer la pérennité et la lisibilité des flux financiers.

Cette vision étroite des objectifs du pacte de stabilité apparaît à travers son contenu et son champ d'application.

a) Le contenu

Réduit à sa plus simple expression, le "pacte de stabilité" peut se résumer en fait à la suppression d'une dotation, la première part communale de la DGE pour les communes de plus de 20.000 habitants et les groupements de plus de 35.000 habitants, et à une nouvelle amputation de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, déjà particulièrement affectée par les dispositions de l'article 54 de la loi de finances initiale pour 1994, pérennisés par l'article 20 de la loi de finances initiale pour 1995.

Dans le premier cas, ce sont les grandes villes et les villes moyennes qui sont pénalisées. Dans le second, ce sont les départements dont les budgets sont alimentés par la DCTP dans une proportion supérieure à celle des budgets communaux.

Même si le taux de subvention de la première part communale de la DGE était devenu très faible (2,04% en 1995 après 1,54% en 1994), sa suppression brutale peut mettre en difficulté des collectivités ayant étalé leurs investissements sur plusieurs années. Dans le cas des grandes villes et des villes moyennes, le résultat est donc exactement contraire à celui qui devrait être recherché à travers la conclusion d'un pacte de stabilité.

S'agissant de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, le gouvernement en complique encore un peu plus les règles de calcul et rompt définitivement tout lien entre son montant et l'évolution des abattements -en particulier l'abattement de 16 % des bases de taxe professionnelle- qu'elle est censée compenser.

Ce faisant, il refuse de s'engager dans l'un des axes de réflexion proposés voici un an par la commission des finances à qui il avait semblé plus rationnel de moduler ou de supprimer l'abattement de 16 % des bases de taxe professionnelle en fonction du rapport entre la cotisation de taxes professionnelle de l'entreprise et le montant de la valeur ajoutée qu'elle produit.

Enfin, d'une façon plus générale, fixer l'évolution de l'enveloppe des concours de l'État par référence aux prix constitue une remise en cause indirecte du rôle économique joué par les collectivités locales.

La commission des finances du Sénat qui s'était très largement investie pour que la DGF soit à nouveau indexée qu'une fraction de l'évolution du PIB à compter de 1996 doit reconnaître que les dispositions du présent article aboutissent en fait pratiquement à confisquer, au cours des trois prochaines années, la part de la croissance de la dotation globale de fonctionnement provenant de l'expansion économique via une diminution à due concurrence de la DCTP (67 ( * )) .

b) Le champ d'application

Il est ensuite regrettable que le gouvernement n'ait pas souhaité étendre, pour l'instant, la notion de pacte de stabilité à l'ensemble des flux financiers existants entre l'État et les collectivités locales.

Il serait pourtant du plus haut intérêt de mettre de l'ordre dans les transferts des charges "rampantes" que le rapport Delafosse, qui vient d'être publié, avait commencé d'évoquer.

Si l'on s'en tient à la période récente, on notera au tire de ces transferts "inavoués" l'augmentation récemment annoncée du forfait hospitalier dont les départements estiment qu'elle leur coûtera plus de 300 millions de francs au titre de l'aide médicale. A cet exemple proche, et sans vouloir être exhaustif, il convient d'ajouter les mesures imposées pour la mise aux normes de sécurité des bâtiments scolaires ainsi que pour la suppression de l'amiante dans ces bâtiments ou encore l'effort requis des collectivités locales pour la construction de logements d'extrême urgence.

Dans le même ordre d'idée, on ajoutera, pour le regretter, l'absence d'engagement du gouvernement quant à l'avenir du financement de la CNRACL au-delà de l'exercice 1996.

Enfin, cette tentative peu convaincante de pacte de stabilité, qui semble renouer sur certains points avec des pratiques que l'on souhaitait voir disparaître, intervient après la réduction des droits de mutation sur immeubles d'habitation prévue par l'article 11 de la loi de finances rectificative du 4 août 1995. On se souvient à ce sujet que la compensation prévue, malgré les améliorations sensibles qu'avait pu lui apporter la commission des finances du Sénat, était loi d'être satisfaisante et préjugeait mal, déjà, de la volonté du gouvernement d'établir des relations claires et confiantes entre l'État et les collectivités locales.

Il est donc nécessaire que le Gouvernement présente, dans le cadre du débat sur la loi de finances pour 1996, comme s'y était engagé son prédécesseur devant le Sénat le 27 juillet 1995, un bilan de cette diminution temporaire des droits de mutation et que celle-ci soit ajournée s'il apparaît que la mesure est inefficace au regard de l'objectif initialement assigné.

III - LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Après en avoir longuement débattu, votre commission a pris acte de la volonté du gouvernement d'assurer le retour à un équilibre budgétaire plus satisfaisant notamment par un encadrement plus strict des concours qu'il verse aux collectivités locales, mais elle a également critiqué un texte qui ne correspond pas aux attentes des élus locaux auxquels le précédent gouvernement avait promis un "pacte de stabilité".

Elle a donné mandat à son président et à son rapporteur général pour qu'ils élaborent, en concertation avec le gouvernement, un amendement instituant une régularisation du montant de l'enveloppe normée si le taux réel d'évolution des prix à la consommation effectivement constaté en 1996, 1997 et 1998 se révélait supérieur à celui qui était associé au projet de loi de finances initiale.

Certes, une régularisation est déjà effectuée sur la DGF et les dotations indexées comme elle lorsque les prix ont augmenté plus vite que prévu.

Toutefois :

- Cette régularisation positive n'a pas lieu si le taux de progression du produit intérieur brut servant au calcul de la DGF est, lui, inférieur aux prévisions associées à la loi de finances initiale, au point de neutraliser le supplément d'inflation, voire de la dépasser.

- Ensuite, l'assiette de l'enveloppe normée comporte plusieurs dotations qui ne sont pas indexées sur les prix et pour lesquelles il n'existe, par définition, aucune régularisation en cas d'inflation dépassant les données associées au projet de loi de finances initiale.

Le mandat ainsi donné au président et au rapporteur général de la commission des finances ne saurait toutefois préjuger de sa décision finale sur le présent article.

Décision de la Commission : Votre commission a décidé de réserver, jusqu'après la clôture de la discussion générale sur le présent projet de loi de finances initiale, sa position sur le présent article.

* 63 Suppression de la première part de la dotation globale d'équipement des communes. Lire le commentaire sous l'article 19.

* 64 La loi n'a pas prévu d'indexation pour la dotation élue local.

* 65 Lire le commentaire sous l'article 19

* 66 Majoration pour les départements : 75,4 millions de francs. Majoration pour les régions et la collectivité territoriale de Corse : 12 millions de francs. Lire le commentaire sous l'article 21.

* 67 Pour 1996, la part de progression de la DGF liée au PIB est de 0,0145 x 99.910 millions de francs = 1,45 milliard de francs et la diminution de la DCTP liée au "pacte de stabilité" est de 18.175 millions de francs - 16.815 millions de francs = 1,4 milliard de francs.

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