II. LE BESOIN DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
Le maintien d'un besoin de financement des administrations publiques inférieur à 3 % du PIB est le seul des cinq critères de convergence du traité de Maastricht que la France ne respecte pas. La dette publique française est en effet en-dessous du seuil maximal de 60 % du PIB, second indicateur de référence en matière de finances publiques.
Situation des États membres de l'Union européenne au regard du respect des critères de convergence en matière de finances publiques
Seuls deux États membres, l'Allemagne et le Luxembourg, respectent actuellement les deux critères. Deux pays -dont la France- respectent le critère "dette publique" et deux autres pays respectent le critère "déficit public".
La France n'est donc pas dans une situation plus mauvaise que la majorité des autres États membres de l'Union européenne.
Toutefois, la rapidité de la progression de la dette publique française est inquiétante. Celle-ci pourrait même rapidement dépasser le seuil de 60 % du PIB en raison de l'effet "boule-de-neige", mécanisme aujourd'hui bien connu d'une dette qui s'accroît d'elle-même, par le poids de la charge des intérêts, du simple fait de l'écart entre taux d'intérêt et taux de croissance.
La maîtrise de la progression de la dette publique, en cours dans la plupart des autres pays où l'on constate une stabilisation, voire une réduction de la part de la dette dans le PIB, est donc indispensable. Or, cette maîtrise passe nécessairement par une réduction des déficits.
Il s'agit d'ailleurs bien de la priorité du gouvernement, énoncée à travers "la règle des 5-4-3", c'est-à-dire l'objectif d'un niveau de déficits publics égal à 5 % du PIB en 1995, 4 % en 1996 et 3 % en 1997. On observera que, compte tenu de l'importance de l'effort à accomplir, ce cheminement retarde d'une année l'objectif inscrit dans le traité de Maastricht et précédemment adopté dans la loi du 24 janvier 1994 d'orientation quinquennale relative à la maîtrise des finances publiques, soit un déficit public égal à 3 % du PIB en 1996.
L'effort à accomplir est important puisqu'à la fin de 1994, le besoin de financement de l'ensemble des administrations publiques (État et administrations publiques centrales, administrations locales et administrations de sécurité sociale) est encore de 442,1 milliards de francs, soit 6 % du PIB, en retrait d'à peine 0,1 point de PIB par rapport à 1993.
Besoin de financement des administrations publiques
La brutale aggravation de ce besoin de financement en 1992, puis à nouveau en 1993, est le résultat de l'écart accru entre le niveau des prélèvements obligatoires et la part des dépenses publiques au sein du PIB. En effet, si le taux des prélèvements obligatoires a peu varié au cours des 10 dernières années, oscillant entre un minimum de 43,7% et un maximum de 44,6 %, la part des dépenses publiques s'est considérablement accrue, passant de 50 à 55,8 % du PIB au cours des cinq dernières années.
Ce tableau fait apparaître que si l'on souhaite réduire le niveau des déficits en maintenant le taux actuel des prélèvements obligatoires (ou du moins sans trop l'accroître), il convient de réduire de façon sensible la part prise par les dépenses publiques dans le PIB.
A. LE BUDGET DE L'ÉTAT
La loi du 18 janvier 1994 relative à la
maîtrise
des finances publiques
Adoptée au lendemain de la loi de finances pour 1995, la loi relative à la maîtrise des finances publiques s'appuyait sur la nécessité de retrouver des marges de manoeuvre budgétaires, autant que sur l'objectif de respecter, à partir de 1997, le critère de déficit public global, pour proposer un scénario de réduction du déficit de l'État.
Les trois principes du redressement
Le rapport annexé à la loi du 18 janvier 1994 précisait fort justement : "l'apurement des déficits n'aurait pas de sens s'il reposait uniquement sur l'augmentation des prélèvements obligatoires. Nécessaire pendant la phase d'assainissement, une telle politique ne serait pas soutenable à long terme. "
Dès lors, la stratégie de redressement des finances publiques reposait sur trois principes :
1) Le redressement du budget de l'État devait prendre place dans la remise en ordre des comptes des autres administrations publiques. Il était également utilement précisé : "Compte tenu de la structure budgétaire très dégradée, la programmation quinquennale impose que le redressement de la sécurité sociale soit réalisée sans contribution de l'État".
2) Le redressement du budget de l'État devrait nécessiter plusieurs années d'efforts, en vue d'atteindre un plafond de déficit de 2,5 % du PIB en 1997.
3) La programmation pluriannuelle reposant sur l'hypothèse -ouvertement optimiste- de progression des recettes fiscales parallèle à celle de la richesse nationale à partir de 1995, l'objectif de réduction du déficit imposait de stabiliser les dépenses en francs courants dès 1994. Compte tenu de la progression mécanique de la charge nette de la dette, cette stabilisation des dépenses impliquait une réduction des charges hors dette à partir de 1995.
Projection quinquennale du budget de l'État
La loi de finances rectificative du 4 août 1995 a substantiellement modifié l'équilibre du budget, compte tenu de la dégradation spontanée du solde, notamment du fait de l'érosion des recettes de l'État.
En outre, il a été décidé -conformément aux prescriptions expresses du Traité de Maastricht- de ne plus affecter les recettes de privatisation à des dépenses courantes, ce qui a eu pour effet mécanique d'augmenter le déficit budgétaire du montant des recettes réaffectées au désendettement de l'État et aux dotations en capital des entreprises publiques.
Compte tenu de ces changements, une nouvelle programmation quinquennale a été élaborée, prenant comme point de départ le collectif du printemps 1995, excluant les recettes de privatisation du financement des dépenses courantes.
L'hypothèse de croissance retenue est de + 2,8 % par an, les taux d'intérêt correspondent par convention à ceux prévus pour 1996, la progression des recettes est supposée égale à celle du PIB en valeur.
L'actualisation de la projection quinquennale figure dans le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.
Étant donné la contrainte d'une progression de la charge de la dette supérieure à 4 % au cours des prochains exercices, seule une compression des autres dépenses peut permettre la réduction du déficit budgétaire.
Le rapport le souligne ainsi :
"L'importance de cet effet d'éviction de la charge de la dette [sur les autres dépenses de l'État et sur les marchés financiers empêchant une baisse des taux d'intérêt] nécessitera un effort de redressement structurel qui devra porter tant sur les dépenses d'intervention et d'équipement que, en raison de leur dynamisme propre et de leur part dans le total des charges de l'État, sur les dépenses de personnel".