Rapport n° 51 (1995-1996) de M. Alain LAMBERT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 26 octobre 1995
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EXPOSÉ GÉNÉRAL
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CONCLUSION
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EXAMEN EN COMMISSION
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ANNEXE - LISTE DES AUDITIONS DE VOTRE
RAPPORTEUR
N° 51
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 26 octobre 1995.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi. ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à l 'action de l'État dans les plans de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des Entrepreneurs.
Par M. Alain LAMBERT, Sénateur,
Rapporteur général.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (10ème législ. 2212, 2241 et T.A. 396
Sénat : 3 (1995-1996)
(1) Cette commission est composée de MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, vice présidents ; Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Emmanuel Hamel, René Régnault, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Londant, Philippe Marini, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Alain Richard, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët
Banques et établissements financiers .
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Pour la première fois, le Parlement est amené à se prononcer sur un texte de loi organisant le soutien financier de l'État à des entreprises publiques ou para-publiques en difficulté.
L'importance des pertes et des besoins tant du Crédit Lyonnais que du Comptoir des entrepreneurs pourrait à elle seule le justifier.
Toutefois, le souci du gouvernement de donner une base légale à son intervention, en créant deux établissements publics chargés de gérer ce soutien financier, répond à une autre logique. Il s'agit d'associer le Parlement à des décisions de l'exécutif lourdes de conséquences pour les finances publiques
Votre commission s'en félicite bien que, de fait, le Parlement ait une faible marge de manoeuvre à l'égard des plans de redressement concernés. Il ne peut, en réalité, que les ratifier. Néanmoins, l'approbation de ces plans et la limitation de l'engagement financier de l'État lui ouvrent un droit de suite, notamment pour le contrôle de leur mise en oeuvre
Votre commission est fermement décidée à exercer ce pouvoir de contrôle. En outre, la présence de deux parlementaires aux conseils d'administration des établissements publics créés favorisera le suivi du déroulement des plans de redressement
Les déroutes financières du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs ont mis nettement en évidence les dysfonctionnements de l'État actionnaire et de l'État tuteur qui doivent aujourd'hui être corrigés. Un groupe de travail de votre commission des finances en avait fait l'analyse détaillée et avait émis des propositions pour y remédier. Celles-ci restent d'actualité 1 ( * ) .
L'importance du secteur public justifie en effet que de telles reformes soient rapidement mises en oeuvre, même si, pour les entreprises du secteur concurrentiel, la privatisation demeure la solution la plus souhaitable.
I. DES MONTAGES DICTÉS PAR LA SITUATION DU MARCHÉ ET DES FINANCES PUBLIQUES
L'ampleur des pertes du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs à partir de 1992 ont brutalement mis l'État devant ses responsabilités.
En effet, au-delà des intérêts patrimoniaux de l'État -non négligeables en ce qui concerne le Crédit Lyonnais- il fallait faire face à un véritable risque systémique à l'égard de l'ensemble des établissements bancaires et financiers déjà fragilisés par la crise de l'immobilier.
En outre, le crédit de l'État était en cause du fait de sa participation majoritaire au capital du Crédit Lyonnais et de sa responsabilité dans le choix des dirigeants nommés à la tête du Comptoir des entrepreneurs.
Dans ces conditions, la liquidation de ces établissements apparaissait difficile. Par ailleurs, outre ses conséquences sociales indéniables, la liquidation aurait eu un coût extrêmement élevé pour l'État (au moins 100 milliards de francs dans le cas du Crédit Lyonnais).
L'autre solution, s'agissant du Crédit Lyonnais, était une recapitalisation immédiate. Celle-ci ne pouvait toutefois être inférieure à 40 ou 50 milliards de francs, ce qui, à nouveau, était difficile à envisager dans le contexte actuel des finances publiques.
Aussi, il a été décidé de procéder à des opérations de défaisance permettant à l'État d'apporter son soutien aux entreprises concernées tout en étalant le coût budgétaire des montages Financiers.
Il n'en demeure pas moins que les plans de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs ont déjà coûté plus de 10 milliards de francs au contribuable et pourront nécessiter des compléments au cours des prochaines années.
A- LE PLAN DE REDRESSEMENT DU CRÉDIT LYONNAIS
Le plan présenté le 17 mars 1995 par Edmond Alphandéry, ministre de l'économie, et dont le support juridique est un "protocole d'accord" entre l'État et le Crédit Lyonnais, a trois objectifs : assurer le retour à la viabilité de l'entreprise, éviter les distorsions de concurrence et ne plus faire appel au contribuable.
Il s'agit en réalité d'un plan complexe, dont l'ampleur est sans précédent et qui reste soumis à d'importants aléas.
1. Un plan complexe
L'intérêt d'une opération de "défaisance" est de sauver un établissement en difficulté en transformant la nature des risques qui pèsent sur lui et en étalant dans le temps le paiement de ses pertes (voir encadré ci-après). Outre l'entreprise en difficulté, elle fait intervenir une filiale ad hoc - la structure de cantonnement - qui a vocation à disparaître et une société "amie", ou une deuxième filiale, qui assume pour le compte de celle-ci, mais non sur ses fonds, le portage financier des pertes.
Dans le cas présent, le Crédit Lyonnais vend à une de ses filiales, le Consortium de Réalisation (CDR), un ensemble d'actifs pour la valeur nominale inscrite dans ses livres, soit environ 135 milliards de francs, alors que ces actifs recèlent des moins values latentes estimées à 50 milliards de francs.
Dans le même temps, le Crédit Lyonnais consent un prêt, d'un montant de 145 milliards de francs, à une deuxième structure, la Société de participation banque industrie (SPBI), société en nom collectif détenue par l'État. Cette société est chargée de prêter au CDR les 135 milliards de francs nécessaires pour payer l'achat des actifs cantonnés. Ce prêt est un prêt participatif, ce qui permet de faire remonter les gains et les pertes réalisées lors des cessions d'actifs cantonnés par CDR
La cession des créances permet ainsi au Crédit Lyonnais d'échanger le risque avéré de dépréciation des actifs contre un risque de crédit sur la SPBI, dont le présent projet de loi propose qu'elle prenne la forme d'un établissement public. En l'occurrence, seul le taux constitue un risque, le risque de signature, s'agissant d'un établissement public, étant nul.
Pour faire face à sa mission, l'établissement public bénéficiera du capital de la SPBI (4 milliards de francs déjà versés sous forme de dotation budgétaire), des plus-values que lui procurera une obligation à coupon zéro qu'il souscrira auprès de l'État (35 milliards de francs en 2014) et de versements que lui assurera le Crédit Lyonnais en fonction de son résultat net (clause de retour à meilleure fortune). Il bénéficiera également de l'apport par l'État de titres du Crédit Lyonnais, qui lui assureront des dividendes jusqu'au moment où il sera décidé de procéder à la privatisation de la banque. Enfin, pour faire face aux décalages temporels entre ses ressources et ses charges, l'établissement public pourra soit emprunter, soit capitaliser les intérêts de l'emprunt contracté auprès du Crédit Lyonnais, dans une limite que le projet de loi fixe à 50 milliards de francs.
Le CDR sera gère de façon autonome par des dirigeants choisis par l'État. Il assurera de façon progressive la cession des actifs, dans une optique liquidative prudente, sans trop peser sur l'équilibre du marché, notamment pour ce qui est des actifs immobiliers.
Il convient de préciser ces différents éléments afin d'apprécier l'équilibre financier de l'opération.
LES OPÉRATIONS DE "DÉFAISANCE" Lorsqu'une entreprise voit une partie importante de ses actifs brutalement dépréciée, elle doit, normalement, enregistrer une provision comptable à hauteur de cette dépréciation Mais lorsque cette provision comptable est d'un montant supérieur aux fonds propres, l'entreprise n'a d'autre choix que de procéder à une augmentation de son capital ou à entrer dans un processus de liquidation judiciaire. L'opération de défaisance permet précisément d'éviter cette alternative. Elle consiste, pour la société en difficulté, à faire racheter à leur valeur comptable les mauvais actifs qu'elle détient par une structure indépendante, généralement une filiale créée ad hoc ; c'est le cantonnement. La filiale est mise en condition d'acheter les actifs grâce à un prêt consenti par la société mère. Mais pour qu'il v ait "étanchéité comptable" entre les deux sociétés, c'est à dire pour que les commissaires aux comptes acceptent la "déconsolidation des actifs", il faut que ce prêt transite par une société tierce. Ce prêt prend généralement la forme d'une obligation à "coupon zéro" (c'est à dire sans remboursements d'intérêts pendant toute la durée du prêt et remboursement intégral à la fin), dont les intérêts capitalisés doivent être provisionnés chaque année. Il y a ainsi lissage des charges à provisionner. En définitive, la société en difficulté a donc échangé un risque de dépréciation des actifs qui devrait être obligatoirement et intégralement provisionné, contre un risque de crédit qui peut l'être progressivement. De plus, les actifs pourront être cédés sur une longue période de temps, en limitant au maximum la dépréciation entraînée par une liquidation immédiate et sans bouleverser l'équilibre des prix sur le marché. |
a) Le Consortium de réalisation (CDR)
Il s'agit d'une société par actions simplifiée, filiale a 100 % du Crédit Lyonnais qui est chargée d'acheter les actifs cantonnés au moyen d'un prêt consenti par l'Établissement Public Banque Industrie (EPBI) devenu Établissement Public de Financement et de Restructuration (EPFR) lors de la discussion du projet de loi à l'Assemblée nationale. Comptablement, CDR sera une structure transparente avec un résultat toujours en équilibre : les produits nets des cessions, ainsi que les résultats nets courants des actifs cantonnés, alimenteront les remboursements du prêt participatif de l'EPFR.
- Les actifs cantonnés
Le CDR a vocation à acheter au Crédit Lyonnais, environ 190 milliards de francs d'actifs, auxquels sont associés 55 milliards de francs de passifs, soit 135 milliards de francs d'actifs nets. Au moment de l'examen du projet de loi, les actifs du Crédit Lyonnais ayant vocation à être cantonnés au terme du protocole d'accord n'ont pas encore été intégralement transférés à CDR.
Sur la base d'une évaluation effectuée au 31 décembre 1994, les pertes réalisées lors des cessions devraient être de l'ordre de 50 milliards de francs, ce qui représente un coefficient de pertes de 37 %. Néanmoins cette évaluation est approximative. Il est possible que ces pertes ne soient pas aussi importantes, comme le suggèrent certains concurrents. Mais il est également possible qu'elles soient supérieures, comme l'envisage la Commission de Bruxelles.
Ces actifs peuvent être regroupés en quatre catégories qui sont, par ordre décroissant d'importance.
- le portefeuille industriel et commercial
Il s'agit des titres et créances rattaches aux filiales de participation du Crédit Lyonnais et, notamment : Clinvest, Cliparim, Lion Expansion, Clio, Clsd, Clip, Slipar, Firhalp, Innolion, Sofonalp, auxquels s'ajoutent des titres qui étaient détenus directement par le Crédit Lyonnais Sa.
- le portefeuille immobilier
Il s'agit des titres et créances cédés dans la première opération de défaisance à l'Omnium Immobilier de Gestion (OIG).
- les participations bancaires et financières
Il s'agit de certaines filiales du Crédit Lyonnais et, notamment, des entités suivantes : SDBO, Altus finance, Banque Colbert, IBSA.
- les activités liées au cinéma
Il s'agit principalement des titres ou créances du groupe sur la Metro Goldwyn Mayer, d'un ensemble de crédits sur des producteurs de cinéma indépendants ainsi que sur des sociétés liées à l'entreprise Sasea.
Le CDR se voit assigner l'objectif de céder au moins 80 % de ses actifs dans un délai de 5 ans, à compter de mars 1995. Par ailleurs, les participations industrielles devront être cédées dans un délai de 3 ans. Enfin, les établissements bancaires transférés devront être cédés dans un délai de un an ou procéder à une extinction des activités nouvelles.
- Le prêt de l'EPFR
En tant que prêt participatif il assure un transfert intégral des risques et des revenus de CDR à l'EPFR. Il est de 135 milliards de francs et a pour échéance le 31 décembre 2014. Il sera remboursé par anticipation au fur à mesure des cessions effectuées par CDR Ses intérêts sont égaux aux résultats nets dégagés chaque année par CDR.
Ce prêt fera l'objet d'un remboursement partiel à l'issue de chaque exercice :
- remboursement à EPFR d'un montant égal à celui des cessions intervenues dans l'année,
- abandon de créances par EPFR à hauteur des pertes enregistrées par CDR, notamment des moins-values constatées sur les cessions.
b) L'EPFR
C'est lui qui va porter pendant 20 ans les pertes enregistrées sur les cessions d'actifs cantonnés au sein de CDR. Pour faire face à sa mission il bénéficiera des ressources suivantes :
- L'obligation à coupon zéro
Elle a pour objet de mettre d'emblée de côté une somme couvrant une grande partie des pertes qui apparaîtront sur les actifs transférés.
Le "coupon-zéro" est un instrument financier qui sera constitué par une émission ad hoc ou, plus vraisemblablement, par un démembrement d'obligations assimilables du Trésor à l'échéance de décembre 2014. L'EPFR investira dans ce coupon-zéro un montant de l'ordre de 10 milliards de francs.
Au moment de la mise en place du plan, (mars-avril 1995), il était prévu que la somme produite par le coupon-zéro à l'échéance 2014 soit, compte tenu des conditions de taux prévalant à l'époque (7,8 % pour les OAT à 10 ans ( ( * )2) ), de l'ordre de 45 milliards de francs. Cette somme permettrait de couvrir le remboursement du principal pour 10 milliards de francs au Crédit Lyonnais et environ 35 milliards de francs de pertes enregistrées par CDR.
- Les cessions de titres Crédit Lyonnais
Il est prévu que l'État apporte, en tout ou partie, sa participation de 48,5 % au capital du Crédit Lyonnais à l'EPFR. Cet apport devrait intervenir dans un délai assez bref, à l'issue de l'approbation par le Parlement du présent projet de loi.
Lorsqu'ils seront cédés au public, à un horizon d'environ cinq ans, ces titres alimenteront les ressources de l'EPFR.
Composition du capital du Crédit Lyonnais (au 31 décembre 1994)
- Les résultats courants des actifs gérés par CDR
Il s'agit des résultats enregistrés par les sociétés qui font l'objet du cantonnement. Ces actifs pourraient avoir une rentabilité nette annuelle comprise entre 1 et 2 %.
- La clause de retour à meilleure fortune
L'EPFR recevra une compensation de 34 % assise sur le résultat net consolidé part du groupe du Crédit Lyonnais, à laquelle s'ajoute une contribution complémentaire de 26 % de ce résultat lorsque celui-ci dépasse 4 % des fonds propres.
- Les dividendes du Crédit Lyonnais
Ils constituent la rémunération normale de l'actionnaire et alimenteront les caisses de l'EPFR, tant que l'État n'aura pas décidé de privatiser le Crédit Lyonnais.
- L'emprunt auprès des tiers et le plafonnement de la garantie
Dans sa version initiale, l'article 2 du présent projet de loi prévoyait d'habiliter l'EPFR "à capitaliser les intérêts dus au titre du prêt qui lut est consenti par le Crédit Lyonnais ou à emprunter pour payer lesdits intérêts".
Cette dernière ressource vise en fait à assurer le besoin de financement courant de la structure. L'EPFR pourra décider soit de ne pas payer (temporairement) les intérêts normalement dus au titre du prêt que lui a consenti le Crédit Lyonnais. Auquel cas, ces intérêts seront capitalisés et calculés sur la base du taux moyen du marché interbancaire (TMB) Soit, l'EPFR choisira d'emprunter auprès de tiers les sommes dont il a besoin pour assurer le financement de l'opération, ce qui est financièrement équivalent à la première solution.
Cette capacité d'emprunt est limitée par le projet de loi à 50 milliards de francs, dans le but notamment d'assurer un contrôle parlementaire de l'évolution du plan.
c) Le Crédit Lyonnais
Le Crédit Lyonnais voit son bilan nettoyé de l'ensemble des actifs à risque pour 135 milliards de francs et se trouve créditeur d'un prêt de 145 milliards consenti à l'EPFR.
Les intérêts du prêt à l'EPFR seront remboursés jusqu'au 31 décembre 2014 à un taux de 7 % pour 1995 et de 85 % du taux moyen du marché monétaire (TMM) à partir de 1996.
Le capital sera remboursé par anticipation au fur et à mesure des cessions d'actifs, à hauteur des montants encaissés. La différence entre ces remboursements et la valeur comptable des actifs, ainsi que la fraction du prêt destinée à couvrir l'achat de l'obligation à coupon zéro seront remboursés intégralement à l'échéance du prêt en 2014.
2. Un plan d'une ampleur sans précédent soumis à des aléas importants
Jamais encore l'État n'avait été conduit à constater des pertes de cette ampleur dans l'une de ses entreprises, avec l'obligation de pourvoir à sa recapitalisation pour un montant aussi élevé.
On observera toutefois que d'autres pays ont enregistré des difficultés de cette importance dans le secteur financier. Aux États-Unis et au Japon, 150 400 milliards de dollars ont été respectivement injectés par la puissance publique pour sauver le système bancaire.
En comparaison, les sommes susceptibles d'être déboursées par l'État français tant au profit du Crédit Lyonnais que du Comptoir des entrepreneurs apparaissent assez faibles.
Néanmoins, la charge est lourde et le plan de redressement élaboré pour le Crédit Lyonnais reste inédit par son ampleur.
Votre rapporteur général a fait un certain nombre de simulations et est parvenu aux conclusions suivantes.
En premier lieu, la réussite de ce plan de redressement va dépendre d'un grand nombre de variables.
Trois éléments vont jouer un rôle déterminant dans le déroulement du plan :
- l'évolution des taux d'intérêt
En effet, l'évolution d'un point du taux d'intérêt a un impact sur l'équilibre financier du plan d'au moins une dizaine de milliards de francs.
- le résultat du Crédit Lyonnais
La rapidité et l'importance du redressement de la banque peuvent contribuer à améliorer ou, à l'inverse, à dégrader sensiblement l'équilibre du plan.
- le succès de l'opération de privatisation et le rachat de la clause de retour à meilleure fortune
Il est important que le produit de la privatisation permette de couvrir les pertes de CDR qui ne seront pas remboursées par l'obligation à coupon-zéro, soit environ 15 milliards de francs.
Or, pour réaliser cet objectif il est nécessaire, d'après les calculs effectués par votre rapporteur, que la privatisation du Crédit Lyonnais rapporte au moins 20 milliards de francs en 2000, ce qui suppose que la valeur comptable de la banque soit de l'ordre de 40 milliards de francs, et donc qu'elle soit capable d'augmenter ses fonds propres d'environ 10 milliards de francs d'ici l'an 2000.
On observera néanmoins que le rachat de la clause de retour à meilleure fortune par le Crédit Lyonnais, qui devra intervenir au moment de la privatisation, pourra peser sur celle-ci. Cette clause devra être cédée à un prix de marché et, en tout état de cause, sous la surveillance de la Commission de Bruxelles.
Deux éléments vont avoir un impact d'importance moyenne sur le plan de redressement :
- le montant réel des pertes sur cessions
- la rentabilité des actifs cantonnés
Enfin, le rythme des cessions n'a pas à lui seul une influence déterminante sur le coût final de l'opération.
En effet, si CDR ne parvient pas à respecter le programme prévu (cession de 80 % des actifs dans un délai de cinq ans), l'équilibre financier du plan ne devrait être que peu affecté, compte tenu du poids des autres variables.
Toutefois, un retard dans le rythme des cessions associé à une hausse des taux d'intérêt aurait des effets particulièrement lourds sur l'équilibre financier du plan.
Ainsi, l'examen détaillé de l'évolution de l'équilibre financier du plan de redressement du Crédit Lyonnais montre qu'il est soumis à des aléas importants.
En outre, il apparaît que sa réussite, à un moindre coût pour l'État, repose sur des hypothèses optimistes.
En effet, en estimant que le coût de ce plan pour l'État pourrait être nul, au-delà des 7,5 milliards de francs de dotations en capital déjà versées, le gouvernement pêche sans aucun doute par excès de volontarisme. De fait, les tendances actuelles en matière de taux d'intérêt ou l'ampleur de l'effort que le Crédit Lyonnais devra accomplir pour son rétablissement en montrent bien les limites.
Dans ces conditions, il n'est pas impossible de prévoir un coût supplémentaire pour l'État, allant jusqu'à 35 ou 40 milliards de francs. C'est d'ailleurs ce qu'a indiqué le secrétaire d'État aux finances lors de son audition devant votre Commission.
La Commission de Bruxelles a, quant à elle, procédé à des évaluations qui l'ont conduite à des résultats à peu près similaires.
C'est pourquoi, compte tenu de ces incertitudes, il importe que le Crédit Lyonnais puisse désormais faire fructifier au mieux son fonds de commerce et être en mesure d'être privatisé rapidement dans les meilleures conditions possibles. Il y va de l'intérêt de l'État mais également de celui des contribuables.
B. LES PLANS DE REDRESSEMENT DU COMPTOIR DES ENTREPRENEURS
Le présent projet de loi a pour objet de valider le premier plan de redressement du Comptoir des entrepreneurs et d'autoriser le second. Le premier est mis en oeuvre depuis mi-1993 ; le second, qui a fait l'objet de Protocoles signés fin 1994, devrait l'être après le vote du projet de loi.
A l'issue de ces deux plans, l'avenir, qui reste incertain, du Comptoir des entrepreneurs sera pris en main par les AGF. Un assainissement complet de la situation du Comptoir était en effet un préalable indispensable pour la privatisation du groupe d'assurances.
1. Deux plans successifs
A la fin de 1993, le Comptoir des entrepreneurs avait accumulé 1,9 milliard de francs de pertes sur les deux seuls exercice 1992 et 1993 et 22 milliards de francs de crédits immobiliers professionnels dont 9 milliards de francs pouvaient être considérés comme très compromis. Les activités traditionnelles du Comptoir (crédits à l'habitat des particuliers, prêts aux collectivités locales, prêts aides par l'État) restaient cependant bénéficiaires.
Contribution des différentes activités aux pertes de l'exercice 1993
Cette situation ne pouvait que conduire le Comptoir a la cessation d'activité, à moins d'une recapitalisation et d'un cantonnement des créances douteuses ( ( * )3) . C'est à cette double opération qu'ont dû se livrer les partenaires du Comptoir pour une première fois en 1993.
a) Le premier plan de redressement (1993)
Il a connu deux temps : une recapitalisation et un cantonnement des actifs "compromis"
Cette première recapitalisation a porté sur un montant de fonds propres de 800 millions de francs.
L'effort a été principalement porte par les AGF (300 millions de francs) et par le Crédit foncier (200 millions de francs) pour le compte de l'État.
Répartition du capital du CDE au 1er juin 1993 (%) (après la 1ère recapitalisation)
Au lendemain de cette recapitalisation, le ratio européen de solvabilité du Comptoir des entrepreneurs atteignait 8,3 % (avec des fonds propres de 4 milliards de francs), ce qui lui permettait en principe de continuer ses activités.
Cependant, dès le mois d'octobre 1993, une nouvelle perte semestrielle de 940,5 millions de francs anéantissait pratiquement les effets de la recapitalisation. La solvabilité du Comptoir ne pouvait être restaurée que par une opération de cantonnement portant sur 9 milliards de francs de créances compromises ( ( * )4) .
L'opération, dont les modalités sont complexes (voir schéma page suivante), a consisté à isoler ces créances dans une structure ad hoc (la foncière "mobilière Volney") via un établissement de crédit à qui étaient cédées les créances. La mobilière Volney était en outre dotée de 1,25 milliard de francs de liquidités apportées par les partenaires de l'opération dans le but de développer les actifs (achever éventuellement les travaux, les interrompre, ou les modifier), d'en assumer le portage et de les commercialiser.
Les créances du premier cantonnement Montant : 9 milliards de francs 68 opérations : 24 bureaux 11 hôtels 33 logements (promotion) Principales opérations (en valeur) 118, Fg Saint-Honoré Bureaux 28, rue Emile Meunier 153, rue de la Pompe Nanterre (345 Bd Clémenceau) 57. rue Montalembert Hôtels 41, avenue Hoche 70, Champs-Elysées Cannes (résidence Cannes Beach) Logements Roquebrune |
La mobilière Volney a été chargée de réaliser les actifs cantonnés sur cinq ans à compter de janvier 1994. A ce jour, elle a cédé pour 597 millions de francs d'actifs.
La structure de cantonnement a donc cédé 15,4 % de ses actifs bruts, avec une perte de 57 %. A ce rythme, il faudrait plus de onze ans pour parvenir à la liquidation complète des actifs.
Il n'est cependant possible d'extrapoler ni le rythme futur des ventes, ni le niveau des pertes définitives a partir de ces quelques cessions. Mais le taux de recouvrement devrait être très faible (de l'ordre de 10 % à 20 % ; soit une perte de l'ordre de 7,65 milliards de francs sur les créances, à laquelle s'ajoute 1,25 milliard de francs de dépenses).
Le coeur du dispositif de cantonnement réside dans la répartition de ces pertes entre les différents partenaires.
Aux termes du protocole signé le 30 décembre 1993 entre le Comptoir des entrepreneurs, les AGF, le Crédit foncier agissant au nom de l'État, l'UAP. la Caisse des dépôts et le GAN, la répartition des pertes est la suivante :
- AGF 59,1 %
- CFF 22,9 %-
- UAP 12,8 %-
- CDC 3,3 %
- GAN 1,9 %
En outre, au nom de l'État, le Crédit foncier s'engage à prendre en charge 80 % des pertes entre 4 et 4,5 milliards de francs et 90 % des pertes au-delà de 4,5 milliards de francs.
L'État s'est donc engagé à prendre en charge la quote-part des pertes directes du Crédit foncier et l'essentiel des pertes assurées par les autres partenaires au-delà de 4 milliards de francs.
b) Le deuxième plan de redressement (1995)
Après la première opération de redressement, les AGF prennent en charge le destin du Comptoir des entrepreneurs.
Un audit diligenté en octobre 1994 par le groupe d'assurances et réalisé par la Société générale révèle environ 5 milliards de francs de pertes potentielles supplémentaires. Cette aggravation de la situation provient de la conjonction de deux phénomènes : d'une part, le marché de l'immobilier industriel et commercial a continué de se dégrader en 1994, et des actifs qui n'étaient pas apparus compromis fin 1993 le sont devenus fin 1994 ; d'autre part, l'analyse de la situation avant abouti au premier cantonnement se révèle à l'expérience insuffisamment rigoureuse.
Un second plan a donc été mis au point. D'une ampleur comparable au premier, il comprend également deux opérations : une recapitalisation et un cantonnement.
La recapitalisation est apparue indispensable, car à la fin 1994, le Comptoir n'a quasiment plus de fonds propres : ceux-ci s'élèvent à 37 millions de francs au 31 décembre 1994 au lieu de 2,5 milliards de francs au 30 juin 1993.
Ratio européen de solvabilité du CDE
(Rappel : le minimum requis est de 8 %)
En effet, malgré une forte réduction de l'encours de crédits (49 milliards de francs au 30 juin 1993, 31 milliards de francs au 31 décembre 1994), il apparaît que la mise au point d'une seconde opération de défaisance ne peut suffire.
La seconde recapitalisation portera donc sur un montant de 1,25 milliard de francs à verser sur deux ans, dont 700 millions de francs des l'adoption du présent projet de loi. L'effort principal sera réalisé par les AGF (80 %) et le Crédit foncier pour le compte de l'État (120 millions de francs, soit 9,6 %). Les autres partenaires apporteront le solde
Répartition du capital du CDE à l'issue de la deuxième recapitalisation
La seconde défaisance portera sur 7 milliards de francs de créances et d'actifs. Sur ce montant, 4,5 milliards de francs étaient déjà classés en créances douteuses au 31 décembre 1993.
Les créances du 2e cantonnement selon leur époque de classement en créances douteuses
On peut s'interroger sur les raisons qui ont conduit à ne pas cantonner dès la fin de 1993 des actifs qui étaient déjà "compromis". Sans doute est-ce l'effet de la volonté des partenaires du marché immobilier français d'étaler les effets de la crise, et d'éviter l'"opération-vente" dont l'ampleur inévitable fait redouter un effondrement des prix.
Aucune cession n'a eu lieu sur ce cantonnement qui ne sera mis en oeuvre qu'à l'issue du vote du présent projet, et après accord de la Commission de l'Union européenne. Les pertes en capital devraient être de même ampleur que lors de la première opération.
Le schéma de cette opération est également assez complexe (voir page suivante)
Il fait principalement intervenir l'État, les AGF et la Caisse des dépôts et consignations.
La structure de cantonnement sera constituée de deux entités :
un établissement de crédit, la Financière Madeleine , créé à cet effet, qui rachètera les créances à leur valeur comptable (hors provisions) au Comptoir des entrepreneurs, soit 7 milliards de francs.
une société ad hoc, Immobilière Madeleine, qui assurera le financement de la Financière Madeleine, gérera les actifs immobiliers cantonnés, et les cédera, éventuellement après achèvement des travaux nécessaires.
Le montage étant réalisé de façon à ce que la Financière Madeleine ne soit jamais en risque, une dérogation relative aux ratios réglementaires sera demandée à la Commission Bancaire.
La Financière Madeleine aura le capital minimum requis par la réglementation, soit 15 millions de francs.
L'Immobilière Madeleine sera une société anonyme dont le capital sera le minimum requis par la loi, soit 250.000 F.
Le capital de ces deux sociétés sera détenu à égalité par les AGF, la CDC, le CFF, le GAN et l'UAP. Une part plus petite sera souscrite par la SMABTP de façon à éviter que les cinq principaux actionnaires ne détiennent 20% du capital et ne soient obligés de consolider les comptes de la structure.
Le capital de chacune de ces deux sociétés sera donc ainsi reparti :
- AGF 19,9 %
- CDC 19,9 %
- CFF 19,9 %
- GAN 19,9 %
- UAP 19,9 %
- SMABTP 0,5 %
Cette structure aura une durée de vie maximum de sept ans et sera mise en place de façon concomitante à la seconde recapitalisation.
Dans la mesure où le portefeuille de créances sera transféré à sa valeur brute comptable, la Financière Madeleine sera structurellement en déficit compte tenu des risques déjà identifiés sur ces créances. Ce déficit sera compensé à chaque exercice par des abandons de créances d'un montant équivalent sur les prêts accordés à la société par l'Immobilière Madeleine.
De ce fait, l'Immobilière Madeleine sera à son tour en déficit. Ce déficit sera comblé à chaque exercice par les abandons de créances concédés par ses créanciers.
Le mécanisme financier de l'opération fera ainsi intervenir deux séquences : le refinancement de la Financière Madeleine par l'Immobilière Madeleine ; celui de l'Immobilière Madeleine par les différents partenaires.
1) Pour permettre à la Financière Madeleine de racheter les créances et de mener à bien son activité, l'Immobilière Madeleine lui accordera deux crédits :
? un financement de 3,5 milliards de francs, le prêt affecté, qui se décompose en :
- un prêt de 2,5 milliards de francs pour l'achat des créances immobilières,
- une ligne de crédit confirmée de 1 milliard de francs pour le rachat éventuel des parts des cofinancements ("pools") bancaires dans les créances immobilières, pour les tirages futurs sur lignes confirmées existantes, et pour le paiement des frais de gestion
? un prêt de 4,5 milliards de francs dont le paiement des intérêts et le remboursement du principal sont subordonnés au précèdent et qui est dénommé prêt subordonné. Ce prêt est affecté au solde du règlement de l'achat des créances immobilières qui n'est pas financé par le prêt affecté.
Les intérêts sur le prêt affecté seront égaux au rendement des créances immobilières diminué des frais de gestion et plafonnés a 12 %.
Les intérêts sur le prêt subordonne seront égaux au rendement net des créances immobilières diminue des intérêts sur le prêt affecté.
A la fin de chaque exercice, l'Immobilière Madeleine consentira à la Financière Madeleine des abandons de créances d'un montant égal au déficit de l'exercice. Les abandons de créances ainsi consentis seront d'abord imputés sur le prêt subordonné, et au-delà du montant de 4,5 milliards de francs, sur le prêt affecté. Par ailleurs, ces abandons de créances seront assortis d'une clause de retour à meilleure fortune.
2) L'Immobilière Madeleine, quant à elle, sera financée, au-delà de son capital, par les quatre prêts suivants, par ordre d'exigibilité décroissante et par ordre de priorité décroissante pour le service de la dette :
- une ligne de crédit confirmée non subordonnée de 1 milliard de francs dite ligne de crédit senior, consentie à parts égales par les AGF et la CDC, et destinée au développement des actifs (taux variable) ;
un prêt subordonné de 2.077 millions de francs, dénommé prêt junior, accordé à parts égales par les AGF et la CDC (taux fixe : OAT + 0,75 %) ;
- un prêt subordonné de 423 millions de francs accordé par les AGF (400 millions de francs) et la CDC (23 millions de francs) dénommé prêt subordonné AGF/CDC (taux variable + rémunération participative) ;
- un prêt subordonné de 4,5 milliards de francs dénommé prêt subordonné de l'État, accordé par l'État au travers de l'établissement public de réalisation de défaisance (EPRD) (taux variable + fraction participative)
Afin de préserver la situation nette de l'Immobilière Madeleine, ses créanciers lui consentiront à chaque exercice les abandons de créances nécessaires pour combler son déficit.
Ces abandons de créances seront assortis d'une clause de retour à meilleure fortune. Ils seront consentis dans l'ordre suivant :
- par l'État, au titre du prêt subordonné de l'État,
- par les AGF et la CDC, au titre du prêt subordonne AGF CDC, si la totalité de la créance au titre du prêt subordonné de l'État a été abandonnée,
- par les AGF et la CDC au titre du prêt junior, si la totalité de la créance au titre du prêt subordonné AGF/CDC a été abandonnée.
Par conséquent, contrairement au premier mécanisme de cantonnement, dans lequel l'État s'était placé en deuxième ligne pour un montant aléatoire, l'État se place ici en première ligne pour un montant plafonné à 4,5 milliards de francs.
2. L'avenir incertain du Comptoir des entrepreneurs
A l'issue de la mise en place de ces deux plans, d'un coût très élevé pour l'État et ses partenaires, le Comptoir des entrepreneurs ne sera pas pour autant tiré d'affaire.
D'une part, le second cantonnement laisse à l'actif du Comptoir environ 6 milliards de francs de créances sur l'immobilier industriel et commercial et sur la promotion immobilière, dont la moitié peut être considérée comme risquée. Sur ces 3 milliards de francs d'encours à risques, environ 64 % sont provisionnés, ce qui laisse une perte potentielle de 1,2 milliard de francs. Or, ces créances se situent sur un secteur, l'immobilier, qui ne sortira que très progressivement de la crise et qui n'est pas à l'abri d'un effondrement compte tenu du volume considérable d'actifs dont la rentabilité est actuellement négative pour le système financier français. Si l'on se rappelle un an après avoir cantonne 9 milliards de francs de créances, il a fallu recommencer pour 7 milliards de francs dont 4,5 étaient déjà douteux lors du premier cantonnement, il est difficile d'affirmer aujourd'hui que le Comptoir ne connaît plus de risques sur l'encours qui lui reste.
D'autre part, la seconde recapitalisation ne permettra pas au Comptoir de retrouver une solvabilité suffisante. Le ratio européen de solvabilité n'atteindra pas 6 %, alors que les normes en vigueur en fixent le plancher à 8 %. Il manque environ 500 millions de francs de fonds propres pour atteindre ce ratio. Cette solvabilité insuffisante rend précaire la situation du Comptoir, qui pourra difficilement se refinancer de façon autonome. Seul son adossement au groupe bancaire des AGF (composé de la compagnie financière du Phénix et de la Banque française du commerce extérieur) lui permettra, par consolidation des ratios de solvabilité, de continuer son activité. Le ratio du groupe devrait en effet atteindre 9,07 %
Ainsi, malgré deux plans de redressement, le Comptoir des entrepreneurs reste un facteur de fragilité, pesant sur l'ensemble du groupe AGF.
Le Comptoir doit donc accomplir des efforts afin de réduire sa taille et son activité. Depuis le premier plan de redressement, ils ont été très substantiels : réduction d'effectifs (32 %) et de la masse salariale (33 %), compression des frais de gestion (24 % entre 1993 et 1994).
Evolution des effectifs et des frais de gestion du Comptoir des entrepreneurs
Les salaires ont été gelés en 1994 et 1995. Des procédures sévères de contrôle des engagements ont été mises en place, permettant des économies de plus de 50 millions de francs en deux ans.
Le siège social de la rue de la Paix a été mis en vente le 21 septembre 1995. Il devrait être acquis par France Construction pour un montant de 321 millions de francs (afin d'être transformé en hôtel par la chaîne américaine Hyatt). Une plus-value nette de 25 millions de francs devrait être enregistrée en 1996 sur cette transaction. Le siège de l'établissement sera transféré dans la ville nouvelle de Saint-Quentin en Yvelines, dans un immeuble appartenant à la première structure de cantonnement. Les frais exposés à ce titre seront donc considérablement réduits.
Ces efforts devront se poursuivre en 1996 par un nouveau plan de restructuration et de nouvelles réductions d'effectifs, le Comptoir ne devant compter à terme qu'environ 500 salariés.
Enfin, le Comptoir devra trouver un positionnement stratégique adéquat. Ce problème est difficile, car l'avenir du Comptoir dépend en grande partie du marché immobilier dont les perspectives d'avenir restent très incertaines.
L'actuelle direction de l'établissement a décidé d'organiser ses activités de crédit autour de trois pôles : les particuliers, les équipements et la promotion immobilière.
•
Les crédits aux particuliers
sont la "spécialité" du Comptoir des entrepreneurs, et
le métier de base à partir duquel il peut connaître un
second souffle. Mais ce créneau est actuellement menacé pour des
raisons réglementaires et fiscales.
D'une part, le CDE détient 50 % des parts de marché des opérations de défiscalisation (type loi "Quilès-Méhaignerie" ou loi "Malraux") au profit des particuliers. Cette spécialité est extrêmement sensible aux évolutions de la législation fiscale.
D'autre part, le Comptoir est spécialiste des prêts aux accédants à la propriété. Il était partie prenante à l'oligopole de distribution des prêts aides à l'accession à la propriété (PAP) avec le Crédit foncier et le Crédit immobilier de France. Le deuxième plan de cantonnement prévoit le transfert au Crédit roncier de la gestion de son encours de PAP. Le Comptoir a signé la convention avec l'État pour la distribution de la nouvelle avance à taux nul bonifiée par l'État. Mais l'obtention d'un volume significatif de prêts aux accédants dépendra des partenariats qu'il pourra obtenir. Le Comptoir a un réseau trop restreint et la concurrence sur les prêts aux accédants est trop sévère pour qu'il puisse se permettre d'en gérer un encours réduit. C'est pourquoi il serait utile que le CDE puisse bénéficier des mesures transitoires prévues pour les anciens titulaires du monopole des PAP (notamment le partenariat avec la Poste).
• Dans le domaine des
crédits
d'équipement,
le Comptoir se spécialisera dans le
financement de projets immobiliers d'entreprises ou de collectivités
locales. Il proposera aussi aux entreprises de financer leur logistique
immobilière.
• Le troisième pôle, la
promotion immobilière,
ne sera à nouveau
abordé qu'avec la plus grande prudence. Le CDE ne devrait dans ce
domaine accorder de crédits qu'aux grands groupes de promotion et aux
petits programmes pour lesquels il possède une bonne connaissance des
marchés locaux. Ses participations seront subordonnées à
un critère prudentiel strict : que l'endettement ne dépasse
pas 50 % du programme.
Les activités du Comptoir restent donc soumises à des aléas importants. Son créneau de prédilection, les particuliers, est menacé par les modifications en cours ou à venir de l'environnement normatif. En outre, l'immobilier professionnel industriel ou commercial reste hautement risqué, et soumis à une conjoncture déprimée pour longtemps par des stocks abondants.
Pour se refinancer, le Comptoir devra bénéficier de la notation des AGF, sur laquelle il ne pourra manquer de peser en retour. À l'issue de ce second plan de financement, on ne peut donc garantir que la situation soit définitivement assainie.
II. DES MÉCANISMES DE CONTRÔLE DÉFAILLANTS QUI DOIVENT ÊTRE RÉNOVÉS
L'ampleur des pertes constatées tant par le Crédit Lyonnais que, à une moindre échelle, du moins en valeur absolue, par le Comptoir des entrepreneurs résulte, en partie, du retard avec lequel les difficultés ont été détectées dans chacun de ces établissements. En particulier, l'État, actionnaire ou tuteur selon le cas, n'a, semble-t-il, pas été en mesure de réagir à temps pour éviter l'aggravation de la crise.
Le rapport du groupe de travail de la commission des finances sur "les ambiguïtés de l'État actionnaire" ( ( * )5) a fait, en son temps, une analyse détaillée des imperfections du système et proposé quelques pistes de reformes.
Sur de nombreux points, cette réflexion peut s'appliquer aux deux établissements concernés par le présent projet de loi.
A. LES IMPERFECTIONS DU SYSTÈME
Deux raisons principales permettent d'expliquer la gravite de la crise subie par le Crédit Lyonnais et par le Comptoir des entrepreneurs : le retard pris dans la constatation de la mauvaise gestion, le caractère ambigu de la présence de l'État dans ces deux organismes.
1. La difficulté de détecter la mauvaise gestion
Les résultats du Crédit Lyonnais ont été positifs jusqu'en 1991, puis se sont brutalement dégradés à partir de 1992. Or, même s'il était difficile de prévoir l'ampleur du retournement, dû en grande partie à la conjoncture et à l'effondrement du marché immobilier, certains indices auraient dû alerter les pouvoirs publics, tout à la fois actionnaires, tuteurs et contrôleurs. En effet, la stratégie extrêmement audacieuse suivie à partir de 1989 et la réalisation de nombreuses opérations exceptionnelles auraient dû inciter à une vigilance accrue, tant dans les systèmes de contrôle interne que dans les structures de contrôle externe.
Le calendrier de la déroute du Comptoir des entrepreneurs est assez proche de celui du Crédit Lyonnais, des pertes massives ayant été constatées à partir de 1992. La politique très volontariste de financement des professionnels de l'immobilier, menée à partir de la fin des années 80, et poursuivie en 1991, 1992 et 1993 maigre le retournement du marche, en est la cause principale.
Dans les deux cas, la stratégie particulièrement audacieuse suivie nécessitait, sinon une approbation, du moins une vigilance accrue de la part de l'État.
a) Le mode de nomination des dirigeants
Nommés par le gouvernement -le plus souvent d'ailleurs par décret en conseil des ministres- les dirigeants d'entreprises publiques ont une légitimité propre qui s'impose tant à l'égard du personnel de l'entreprise que des services chargés d'exercer un contrôle dans les ministères de tutelle.
De fait, jusqu'où peut aller l'intervention de fonctionnaires chargés de la tutelle d'une entreprise dirigée par un de leurs anciens responsables hiérarchiques ? Qu'en est-il en outre lorsqu'une véritable "onction Politique" a été accordée à ce dirigeant ?
Dans le cas particulier du Comptoir des entrepreneurs, on observera que le seul pouvoir de nomination des dirigeants, prérogative de l' État alors que l'établissement est privé, a eu des conséquences d'une portée plus que significative sur l'entreprise.
On observera enfin que la sanction de la mauvaise gestion d'un président est, soit le non renouvellement de son mandat, soit la révocation. Or, celle-ci, en application de la règle du parallélisme des formes, doit se faire, comme la nomination, c'est-à-dire le plus souvent par décret en conseil des ministres. Il s'agit donc d'un acte grave qui n'est pratiquement jamais mis en oeuvre et qui a pour effet de protéger l'autonomie des dirigeants.
Dans ces conditions, il y a donc une véritable difficulté à contester, remettre en cause ou modifier la stratégie suivie par un dirigeant d'entreprise publique ainsi nommé.
b) L'intervention a posteriori des contrôles
L'État a différents moyens de contrôle à sa disposition, mais la plupart interviennent a posteriori, notamment ceux de la Cour des Comptes, dont les rapports sur les comptes, les résultats et la qualité de la gestion des entreprises publiques sont envoyés aux ministres intéressés plusieurs mois après la clôture des comptes ( ( * )1) .
Ces contrôles sont parfois révélateurs de véritables contradictions. Ainsi, dans certains cas, l'État actionnaire peut se voir reprocher des choix, des agissements ou des négligences que l'État tuteur pourrait, par ailleurs, sanctionner une situation pour le moins inconfortable
Le même type de contradiction se pose avec la Commission bancaire ou le représentant de l'État est à la fois celui de l'État-tuteur et, dans certains cas aussi, celui de l'État actionnaire.
Comment gérer, dans ces conditions, de façon optimale les contrôles qui peuvent ou doivent s'imposer dans le secteur bancaire ?
En tout état de cause, il apparaît que les crises du Comptoir des entrepreneurs et du Crédit Lyonnais, qui ont certes donné lieu à des interventions de la Commission bancaire, l'ont été dans les deux cas, un peu trop tardivement pour permettre une réaction rapide des différentes parties prenantes.
L'évaluation que la Cour des comptes s'apprête à faire des interventions de la Commission bancaire devrait, à cet égard, être particulièrement intéressante.
De la même manière, le rapport de la Cour des Comptes remis au Président de la République au début de ce mois sur les comptes du Crédit Lyonnais au titre des exercices 1987 à 1993 fournit des explications détaillées sur les causes des pertes du Crédit Lyonnais, mais il intervient bien après la constatation de la crise et la mise en oeuvre des plans de redressement.
Ainsi, la description des imperfections de ces contrôles faite dans le rapport sur "les ambiguïtés de l'État actionnaire" reste d'actualité :
"Alors que les moyens mis en oeuvre pour exercer le contrôle au nom de l'État -tuteur ou actionnaire- sont multiples, ils demeurent parcellaires, tandis que le champ et le rythme d'investigation restent discrétionnaires. Dépourvu de coordination, le système n'apporte pas à l'État le niveau de sécurité correspondant à sa puissance et aux enjeux".
2. Les ambiguïtés de l'État tuteur ou actionnaire
La présence directe ou indirecte de l'État dans une entreprise a des effets qui, là encore, expliquent pour partie la faillite du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs.
a) Une caution puissante
La présence de l'État dans une entreprise donne à cette dernière un avantage exorbitant. Quelle que soit sa situation financière réelle, les analystes extérieurs postulent la poursuite de l'activité.
En effet, il est pratiquement inimaginable qu'une entreprise publique puisse déposer son bilan, même si l'examen objectif de ses données financières fait clairement apparaître qu'elle ne sera jamais en mesure d'assumer seule son endettement. Les plans de redressement aujourd'hui soumis à l'approbation du Parlement en sont le meilleur témoignage.
Il en est de même lorsque la présence de l'État n'est qu'indirecte, qui était le cas du Comptoir des entrepreneurs et reste encore le cas, par exemple, du Crédit Foncier.
L'État est un garant implicite au regard des créanciers. Il est aussi une présence rassurante pour les commissaires aux comptes qui peuvent ainsi se dispenser de formuler officiellement toutes les réserves qu'ils émettraient s'il s'agissait d'entreprises privées.
Par ailleurs, la présence trop marquée de l'État dans une entreprise empêche les régulateurs de marche de fonctionner normalement. La sanction du marché, impitoyable dans une économie concurrentielle, en particulier pour les entreprises cotées, ne fonctionne donc pas de la même manière pour des entreprises placées dans la mouvance de l'État.
b) Un actionnaire pas comme les autres
Les conseils d'administration des entreprises publiques ont le plus souvent un caractère formel, en particulier si on les compare avec ceux d'entreprises équivalentes du secteur privé.
Cela tient à plusieurs raisons la légitimité propre du président nommé par le gouvernement et non par le conseil, la présence des salariés conformément à la loi du 26 juillet 1983 dite de "démocratisation du secteur public", la présence plus ou moins assidue des personnalités qualifiées. S'y ajoute enfin le fait qu'un affrontement entre le président et les représentants de l'État paraît difficilement imaginable. Dans ce cas, les arbitrages nécessaires sont rendus dans d'autres enceintes.
Ce dysfonctionnement des conseils d'administration fait d'ailleurs l'objet d'un des paragraphes de la conclusion du rapport de la Cour des comptes sur le Crédit Lyonnais :
"La Cour a constaté que les procès-verbaux des conseils d'administration du Crédit Lyonnais, comme c'est souvent le cas dans les entreprises publiques , reflètent une absence générale de débats au sein de cet organe, l'essentiel des rares questions posées, souvent de manière pertinente, émanant de représentants du personnel. "
Ce faible poids des conseils et l'absence de rôle effectif des représentants de l'État actionnaire en leur sein sont la contrepartie de la "solitude" des dirigeants d'entreprises publiques, de leur grande autonomie et de leur complète liberté pour définir une stratégie.
L'État n'est pas un stratège pour ses entreprises -il pourrait en outre être taxé d'interventionnisme dans le secteur concurrentiel-, mais un simple gestionnaire de ses participations. En ce sens, il n'est pas et ne peut être un actionnaire comme les autres. Il se trouve donc contraint de laisser une grande marge d'autonomie à ses entreprises pour la définition de leur stratégie. Dans ces conditions une modification des choix effectués ou une sanction de la gestion menée ne peuvent intervenir qu'au vu des résultats de l'entreprise ou des éventuels contrôles mis en oeuvre, soit, dans tous les cas, plus tardivement que dans le secteur privé.
On rappellera en outre que, souvent, l'État poursuit simultanément plusieurs objectifs contradictoires. Cet argument a d'ailleurs été invoqué pour expliquer la crise du crédit Lyonnais : évitant "d'ajouter la crise à a crise", le Crédit Lyonnais a pris des risques excessifs mais il a également sauvé de nombreux emplois.
B. LA RÉNOVATION DU SYSTÈME
Compte tenu de ces dysfonctionnements -dont l'analyse commence à être bien connue-, le gouvernement, puis l'Assemblée nationale, ont souhaité, dans le présent projet de loi, mettre en place de nouveaux mécanismes destinés à améliorer les moyens de contrôle de l'État et la transparence des entreprises contrôlées.
S'il s'agit là d'une première étape très positive, d'autres améliorations apparaissent néanmoins possibles.
1. Un système de contrôle original pour les structures de cantonnement
Trois mécanismes prévus, soit par les plans de redressement, soit par le projet de loi lui-même, définissent le nouveau cadre de contrôle des structures de cantonnement mises en place pour permettre la restructuration financière du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs.
a) Un organe particulier : le comité consultatif de contrôle de CDR
Le Consortium de réalisation, structure d'accueil des actifs cantonnés du Crédit Lyonnais, a été créé sous forme de société par actions simplifiée. Il a été décidé de le doter d'un organe social spécifique dénommé comité consultatif de contrôle.
Au moment où a été élaboré le plan de redressement, soit au mois de mars 1995, la composition de ce comité devait être la suivante : 5 membres désignés par la SPBI, c'est-à-dire indirectement par l'État, et 5 membres nommés par le Crédit Lyonnais.
Par la suite, afin de mieux séparer la gestion du Crédit Lyonnais de celle du CDR, il a été prévu que la majorité des membres du comité soit désignée par l'État. Le comité devrait ainsi regrouper 5 membres désignés par le ministre de l'économie, 3 membres désignés par la SPBI (après l'intervention du projet de loi, par l'EPFR), dont le président, qui a voix prépondérante, et 2 membres désignés par le Crédit Lyonnais après agrément du ministre de l'économie.
La mission dévolue à ce comité consultatif de contrôle est triple :
ï se prononcer sur le budget et le plan annuel de cessions de CDR,
ï émettre un avis spécifique sur chacune des transactions les plus significatives, par leur montant ou par leur nature juridique, effectuées par CDR,
ï faire procéder régulièrement à l'audit des actifs et des opérations intervenues.
Il aura donc un rôle déterminant dans le suivi de la gestion de CDR. Son contrôle sera pratiquement quotidien. Mais il devrait aussi bénéficier d'un certain recul et d'une expérience, voire d'une sagesse -liées au profil des personnalités qui devraient être désignées- propres à favoriser des arbitrages pertinents entre portage et cession des actifs.
b) Une composition spécifique : les conseils d'administration des établissements publics
Les articles 4 et 8 du présent projet de loi fixent la composition des conseils d'administration des deux établissements publics créés pour gérer le soutien financier de l'État aux plans de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs.
Cette composition est, dans les deux cas, identique. Ainsi, les conseils d'administration de l'EPFR et de l'EPRD devraient chacun comprendre 5 membres :
• un président nommé par décret
et désigné en raison de sa compétence économique et
financière,
ï un représentant de l'Assemblée nationale,
ï un représentant du Sénat,
ï deux représentants de l'État.
La présence de deux parlementaires -un député et un sénateur- au sein de ces conseils répond au souci du gouvernement d'associer le Parlement au contrôle des engagements financiers pris par l'État dans ces deux opérations.
Cette participation des parlementaires au contrôle de la mise en oeuvre des plans de redressement était d'ailleurs souhaitée par la commission des finances de l'Assemblée nationale dont le rapporteur général avait déposé une proposition de loi en ce sens le 5 avril dernier.
La formule choisie par le gouvernement de faire participer les parlementaires aux conseils d'administration des établissements publics visé à leur permettre de contrôler les activités des structures de cantonnement sans toutefois être directement impliqués dans leur gestion, ce qui aurait été le cas s'ils avaient été, par exemple, membres du comité consultatif de contrôle de CDR.
Les établissements publics créés par le projet de loi sont néanmoins au coeur des montages financiers des deux plans de redressement et des relations entre l'État et les différentes parties prenantes aux opérations de cantonnement. Leur conseil d'administration aura donc à suivre et contrôler de près le rythme et les modalités de cession des actifs cantonnés.
Compte tenu du caractère stratégique de cette mission, il importe que les parlementaires, comme les autres membres du conseil, soient pleinement en mesure d'exercer leur responsabilité.
Cela signifie, d'abord, que les attributions exactes de chacun des conseils d'administration devront être rapidement et clairement définies. Ainsi, il conviendra de déterminer à quelle échéance les conseils auront à se prononcer sur les orientations stratégiques des structures de cantonnement, sur les principes de leur gestion, sur leur évolution, etc.
Par ailleurs, il est fondamental que les membres du conseil, au premier rang desquels les parlementaires, puissent avoir accès aux sources d'information nécessaires pour bien exercer leur mission de contrôle. À cet égard, ils devront pouvoir auditionner les dirigeants de CDR, les membres du comité consultatif de contrôle et recevoir les rapports des missions de contrôle instituées par l'article 12 du projet de loi. Ce dernier point fait d'ailleurs l'objet amendement de votre commission afin d'en inscrire le principe dans la loi.
En effet, le contrôle exerce par les deux parlementaires mandatés par leurs assemblées respectives au sein de chacun de ces deux conseils n'a de sens que s'il peut être réellement effectif.
Il devrait d'ailleurs se traduire par un rapport au reste de la représentation nationale qui, après avoir autorise l'action de l'État dans les plans de redressement, pourra en suivre la mise en oeuvre.
c) Un contrôle de gestion sur les sociétés de cantonnement
L'article 12 du présent projet de loi instaure un mécanisme de contrôle spécifique auquel seront soumises les sociétés de cantonnement et leurs filiales. Il donne à l'État les moyens d'évaluer, sur pièces et sur place, et de façon permanente, la qualité de la gestion de ces sociétés.
On observera que cette disposition reprend l'une des suggestions du rapport du groupe de travail de votre commission des finances sur "les ambiguïtés de l'État actionnaire".
De fait, l'ampleur des engagements financiers pris par l'État dans les plans de redressement du Crédit Lyonnais comme du Comptoir des entrepreneurs justifie la mise en place d'un tel contrôle et cela d'autant plus que le coût final de ces restructurations dépendra pour partie des arbitrages réalisés par les gestionnaires des actifs cantonnés. Un suivi très strict de cette gestion est donc indispensable.
Or, les moyens actuels dont dispose l'État ne permettent pas de répondre à ce souci de façon satisfaisante, comme cela a déjà été souligné. En outre, il apparaît important que les contrôles puissent continuer de s'exercer après la privatisation de certains actionnaires des structures de cantonnement, ce qui devrait être le cas si les plans de redressement se déroulent dans les conditions prévues.
Aussi, le nouveau mécanisme propose apparaît-il être une réponse adaptée à la nécessaire mise en oeuvre d'un contrôle de la gestion des sociétés de cantonnement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs.
Il devrait être exercé par des agents publics, habilités à cet effet par le ministre de l'économie. Ces agents pourront se faire assister par des experts extérieurs qui devront eux aussi être habilités. La complexité des opérations à contrôler ( ( * )1) rend en effet le recours à une telle expertise indispensable dès lors qu'elle présente toutes les garanties de réelle indépendance.
Le ministre de l'économie a donc la maîtrise de cette nouvelle structure. En revanche, les conseils d'administration des établissements publics et les organes sociaux des structures de cantonnement n'ont pas compétence pour lui demander directement d'intervenir mais ils peuvent demander au ministre de diligenter un tel contrôle.
Votre commission suivra avec intérêt la mise en place de ce nouveau mécanisme de contrôle de gestion. Elle souhaite d'ailleurs qu'une évaluation puisse en être faite après deux ou trois années de fonctionnement. En effet, si la formule à la fois souple et professionnelle de cette structure fait ses preuves, il pourrait être utile de l'étendre progressivement à certaines entreprises du secteur public, lorsque les circonstances le justifieraient.
2. L'introduction d'une nouvelle responsabilité des dirigeants
L'Assemblée nationale a adopté un article additionnel (l'article 19 nouveau) visant à instaurer une responsabilité financière des dirigeants d'entreprises publiques en cas de faute de gestion.
A cet effet, une nouvelle infraction est définie dans le Livre III du code des juridictions financières consacré à la Cour de discipline budgétaire et financière. Les dirigeants d'entreprises dont la mauvaise gestion aurait entraîné des pertes significatives pour leur entreprises deviendraient passibles d'une amende allant de 1 000 francs à un an de salaire brut.
Votre commission approuve cette disposition qui met fin à une longue période d'irresponsabilité des dirigeants d'entreprises publiques. Le fait que le pouvoir de certains présidents soit qualifié de "monarchique" est à cet égard très significatif.
Toutefois, votre commission estime aussi que la responsabilité du pouvoir politique reste première et essentielle En effet, la sauvegarde du Patrimoine national et des intérêts de l'État incombe avant tout au gouvernement et, à l'intérieur de celui-ci, plus particulièrement aux ministres chargés de la tutelle des entreprises ou établissements concernés.
Ainsi, en ne donnant que rarement des avertissements, en ne sanctionnant pas et en ne révoquant pas des dirigeants d'entreprises publiques, dont la gestion est mauvaise, l'État ne joue pas le rôle qui devrait être celui d'un actionnaire normal.
La responsabilité doit donc être, dans de nombreux cas, partagée C'est pourquoi, il ne serait pas normal que la responsabilité financière des dirigeants, mise en place par cet article, serve d'alibi à l'irresponsabilité politique.
En effet, le secteur privé ne connaît pas ce type de sanction. La différence de traitement entre dirigeants d'entreprises publiques et dirigeants d'entreprises privées ne peut donc tenir que par le souci particulier d'avoir à préserver au mieux les intérêts patrimoniaux de l'État et par voie de conséquence, les intérêts du contribuable. Il faut donc que l'autorité politique soit elle aussi impliquée dans cette mission.
En tout état de cause, cette disposition, qui n'est pas rétroactive, doit être une incitation à la bonne gestion plutôt qu'un frein lié au poids de la responsabilité.
3. Des pistes pour l'avenir
Pour poursuivre la rénovation des mécanismes de contrôle de l'État sur ses entreprises, pour améliorer la transparence de la gestion de ces mêmes entreprises, pour éviter de nouvelles déroutes dans le secteur financier, plusieurs pistes de réformes peuvent être envisagées. L'une d'entre elles semble aujourd'hui s'engager. Une autre, à laquelle tient votre commission, pourrait sans difficulté être mise en oeuvre. Une dernière, enfin, déjà proposée par votre commission, mériterait d'être étudiée.
a) La réforme de la Commission bancaire
A la suite de ses investigations sur le Crédit Lyonnais, la Cour des comptes a décidé de s'engager dans une analyse des méthodes et du fonctionnement de la Commission Bancaire en contrôlant les activités de celle-ci de 1987 à 1994. Un rapport devrait en donner les conclusions dans le courant de l'année 1996.
D'autres instances de réflexion se penchent actuellement aussi sur les moyens et les missions de la Commission Bancaire. Votre commission y songe également et devrait constituer un groupe de travail à ce sujet.
L'Assemblée nationale a tenté de traduire certaines de ces préoccupations dans le présent projet de loi, en examinant plusieurs amendements visant à modifier la loi bancaire.
Ces diverses initiatives prouvent, s'il en était besoin, la nécessité d'une réforme de la Commission Bancaire de façon surtout à lui permettre d'assurer son métier de contrôleur de la manière la plus adaptée au contexte financier actuel. Un renforcement de ses moyens, aussi bien en quantité qu'en qualité apparaît d'ores et déjà indispensable.
b) L'envoi de lettres de mission aux dirigeants nouvellement nommés
La "solitude" des présidents d'entreprise publique, leur excessive liberté", leur "complète autonomie" ont été souvent dénoncées.
Pour y remédier, en particulier pour ce qui est de la définition de la stratégie de l'entreprise dont ils ont la charge, il faudrait que les ministres de tutelle fassent systématiquement parvenir à ces dirigeants une lettre de mission détaillée avec des axes stratégiques, des orientations, des directives, tant dans le domaine des résultats, que de la gestion du personnel ou de tout autre secteur.
Pour être efficaces, ces lettres devraient être préparées en concertation étroite entre les dirigeants et les ministres responsables.
Lors de son audition devant votre commission, M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances, a indiqué qu'une fois le présent projet de loi adopté, le gouvernement avait l'intention d'envoyer une telle lettre à M. Peyrelevade, président du Crédit Lyonnais.
Cette démarche paraît en effet souhaitable. La lettre de mission aurait le mérite de fixer un horizon et un environnement susceptibles d'apaiser le personnel de l'entreprise, ainsi que ses concurrents.
Là encore, il serait bon de prévoir une extension d'une telle initiative, encore exceptionnelle, à l'ensemble du secteur public.
En outre, à partir de ces lettres de mission l'État actionnaire pourrait définir un système de suivi plus efficace des résultats des entreprises qu'il contrôle. L'élaboration de tableaux de bords mensuels avec des indicateurs appropriés serait, dans certains cas, d'une grande utilité.
c) La professionnalisation du choix des présidents
Le rapport sur "les ambiguïtés de l'État actionnaire", adopté par votre commission il y a un peu plus d'un an, proposait un changement du mode de nomination des présidents.
Il préconisait de maintenir la nomination par décret en conseil des ministres, mais en organisant une sélection à partir d'une liste établie par une commission de "sages", comme, par exemple, la commission de la privatisation.
Cette méthode permettrait en effet de choisir, avec objectivité et indépendance, des personnalités ayant des compétences de gestion réelles et affirmées, sans qu'aucun autre critère n'entre en ligne de compte.
Le choix final resterait celui du ministre (ou du gouvernement), mais celui-ci serait mieux préservé des soupçons de corporatisme ou d'amitié politique ou personnelle. Cela éviterait également l'écueil de la reconduction systématique des dirigeants d'entreprises publiques, notamment en période électorale -une solution de facilité lorsqu'on souhaite "ne pas faire de vagues".
CONCLUSION
L'examen de ce projet de loi par le Parlement a permis, au-delà de son simple dispositif, une prise de conscience utile sur la situation des entreprises du secteur public, sur le rôle de l'État actionnaire ou tuteur, sur la nécessaire poursuite du programme de privatisation et sur une inévitable réforme des méthodes, en particulier dans le domaine du contrôle.
Le mérite de ce texte de loi est également d'attirer l'attention sur les difficultés actuelles du système bancaire et financier.
Votre commission est en effet persuadée de l'urgence d'une réflexion approfondie sur l'évolution et le contrôle du système bancaire et financier français. Elle y contribuera pour sa part au cours des prochains mois.
EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
CRÉATION DE L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC DE FINANCEMENT ET DE RESTRUCTURATION
ARTICLE PREMIER
Création de l'Établissement Public de Financement et de Restructuration (EPFR)
Commentaire : cet article a pour objet de créer l'Établissement Public de Financement et de Restructuration chargé de se substituer à la Société de Participation Banque Industrie ( SPBI ), créée en 1993 pour servir de support à l'intervention de l'État dans le plan de redressement du Crédit Lyonnais.
I - LE DISPOSITIF ACTUEL
La Société de Participation Banque Industrie (SPBI) est une société en nom collectif (SNC) créée, dans le cadre du premier plan de redressement du Crédit Lyonnais, par un décret du 30 décembre 1993, publié au Journal officiel du 25 mars 1994, afin de servir de support à l'intervention financière de l'État. Elle a rempli cette même fonction, dans le deuxième plan de redressement de mars 1995.
Ce décret autorise le ministre de l'économie à prendre au nom de l'État une participation dans la société en nom collectif "Société de participation banque industrie SNC", enregistrée le 5 juillet 1994 au registre du commerce et des sociétés de Paris. L'État et, pour une part très modeste, la Société Thomson SIEG en sont les associés gérants. Elle est constituée pour une durée de cinq ans.
Dans le cadre du premier plan de défaisance, le rôle de la SPBI était d'accorder à la structure de cantonnement - l'Omnium immobilier de gestion (OIG) - l'avance de 42 milliards de francs qui lui permit d'acquérir les actifs immobiliers à risque du Crédit Lyonnais. La SPBI s'était elle même financée grâce à un prêt du Crédit Lyonnais du même montant. SPBI accordait à OIG une garantie contre le risque de dépréciation des actifs, plafonnée à 14 milliards de francs et prenant la forme d'un abandon de créances répartis sous forme de plafonds entre l'État (12,3 milliards de francs), Thomson (1,77 milliards) et la Caisse des dépôts et consignations (0,33 milliards).
Dans le cadre du second plan, la SPBI consentait un prêt participatif de 135 milliards de francs au Consortium de Réalisation (CDR), nouvelle structure de cantonnement, afin de lui permettre d'acquérir les actifs à risque du Crédit Lyonnais. Elle se finançait par l'intermédiaire d'un prêt non participatif de 145 milliards de francs. L'excédent de ressources devait servir à souscrire une obligation à coupon zéro, émise par l'État, pour un montant de 10 milliards de francs et censée rapporter 35 milliards de francs à l'échéance 2014 compte tenu des conditions de taux prévalant au moment de la mise en place du plan (7,8 % pour les OAT à dix ans). Il convient de relever que cette obligation n'a toujours pas été souscrite au moment de l'examen en commission du présent projet de loi.
Enfin, et surtout, la SPBI accordait une garantie illimitée sur les pertes du CDR.
Le choix d'une société en nom collectif avait été effectué en raison des caractéristiques attachées à cette forme de société. En effet, en vertu de l'article 10, alinéa 1 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, les associés d'une SNC "répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales". En étant actionnaire de la SNC, l'État apportait donc une garantie illimitée sur les pertes de celle-ci et donc de la structure de cantonnement, ce qui était l'objectif recherche, au moins dans le second plan de défaisance.
Le recours par le Gouvernement à une société en nom collectif a fait l'objet d'une controverse importante sur deux points.
En premier lieu, la question se posait de savoir si une loi était nécessaire pour autoriser l'engagement de façon "indéfinie et solidaire" de l'État dans une opération de garantie. En effet, l'article 13 de la loi n° 46-2914 du 23 décembre 1946, jamais formellement abrogée, prévoyait qu' "aucune opération de crédit à court, moyen ou long terme ne peut bénéficier de la garantie de l'État qu'en vertu d'une loi. "
Aujourd'hui, ce sont les dispositions de l'article 34 de la Constitution qui déterminent le champ d'intervention du législateur Or, ces dispositions et celles de l'ordonnance organique relative aux lois de finances du 2 janvier 1959, tendent à soumettre les garanties de l'État à autorisation législative.
En second lieu, le recours à une formule juridique assimilant l'État à un commerçant était contestable. En effet, le premier alinéa de l'article 10 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales prévoit que les associés d'une société en nom collectif ont la qualité de commerçant, ce qui pourrait difficilement être le cas de l'État, agissant es qualité.
En prévoyant de transférer à un établissement public la responsabilité du portage financier du Crédit Lyonnais, l'article premier du présent projet de loi tranche cette controverse et asseoit sans ambiguïté sur le plan juridique l'intervention de l'État. La formule de l'établissement public a en effet le mérite d'accorder implicitement la garantie de l'État.
II - LE PROJET DE LOI
L'Établissement Public de Financement et de Restructuration est un établissement public administratif national, doté de l'autonomie financière et placé sous la tutelle du ministre chargé de l'économie.
Il s'inscrit dans la lignée des établissements publics à vocation financière qui ont été créés au tournant des années 1980 pour assurer la gestion financière de la dette de secteurs en difficultés ou nationalisés : Caisse d'amortissement pour l'acier, créée par la loi du 23 octobre 1978, Caisse nationale de l'industrie et Caisse nationale des banques créées par la loi du 11 février 1982.
L'établissement public est placé sous la tutelle du ministre de l'économie et des finances, auquel l'article premier laisse le soin de fixer par arrêté, et avant le 1 er janvier 1996, la date de l'apport des droits, biens et obligations de la SPBI.
En outre, le recours à la formule de l'établissement public a pour objet et pour effet de soustraire l'EPFR aux règles normalement applicables aux sociétés, et donc à l'obligation de reconstituer des fonds propres (sous peine de dissolution) en cas de pertes supérieures à la moitié du capital.
Le transfert des biens, droits et obligations aura pour effet de faire entrer dans le patrimoine de l'EPFR les actions du Crédit Lyonnais, actuellement détenues par la SPBI, soit 8,67 % du capital Pour une valeur comptable de 813 millions de francs au 31 décembre 1994. Ce transfert aura également pour effet de faire assumer par l'EPFR, la totalité des droits et obligations résultant du protocole accord du 5 avril 1995 et de ses avenants déjà signés.
III - LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Dans le texte initial du gouvernement, il était envisagé de donner à cette structure le nom d'"É tablissement Public Banque Industrie" (EPBI).
L'Assemblée nationale, a estimé que la stratégie dite de "banque-industrie" voulue et conduite par le précèdent président du Crédit Lyonnais étant en grande partie à l'origine des déboires de la banque, il pouvait apparaître pour le moins paradoxal de désigner sous ce vocable, l'établissement public chargé d'en assurer le redressement.
En conséquence, elle a décidé de modifier le nom de l'Établissement public et de lui donner le nom d' "Établissement Public de Financement et de Restructuration" (EPFR).
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 2
Mission de l'Établissement public
Commentaire : le présent article définit la mission de l'établissement public chargé de concourir, pour le compte de l'État, au redressement financier du Crédit Lyonnais.
I - LE PROJET DE LOI
L'article 2 assigne à l'EPFR la mission de "gérer le soutien financier apporté par l'État au Crédit Lyonnais, dans le cadre du cantonnement de certains de ses actifs au sein de la Société chargée d'assurer la réalisation de ceux-ci et dénommée Consortium de réalisation".
Le caractère spécifique de cette mission suffit à faire de l'EPFR une catégorie unique d'établissement public au sens de l'article 34 de la Constitution, qui réserve au législateur le soin de fixer les règles concernant la création de catégories d'établissements publics.
En effet, selon la jurisprudence fixée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juillet 1979 relative à l'Agence nationale pour l'emploi, (décision n° 79-108) doivent être regardés comme entrant dans la même catégorie les établissements publics dont l'activité s'exerce territorialement sous la même tutelle et qui ont une spécialité analogue.
En l'occurrence, la "spécialité" assignée à l'EPFR - gérer le soutien financier apporté par l'État au Crédit Lyonnais - ne se rattachant à aucune catégorie existante d'établissement public, l'intervention d'une loi s'imposait.
On observera que, s'agissant d'une mission liée à une situation bien spécifique, l'intervention d'une nouvelle loi serait nécessaire pour autoriser la création d'un établissement public dans le cadre d'un plan de redressement autre que celui du Crédit Lyonnais.
II - LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a apporté trois modifications au présent article :
• Elle a décidé de plafonner le
montant de l'emprunt que l'EPFR pourrait souscrire auprès du
Crédit Lyonnais.
• Elle a prévu expressément le fait
que l'EPFR pourrait détenir des participations dans le Crédit
Lyonnais dont, par apport, tout ou partie de celles de l'État.
• Enfin, elle a complété la mission de
l'EPFR en le chargeant de veiller à ce que les intérêts
financiers de l'État, dans le cadre du plan de redressement du
Crédit Lyonnais, soient respectés.
III - LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Le plafonnement du montant de l'emprunt souscrit par l'EPFR auprès du Crédit Lyonnais a pour mérite de limiter le montant de l'aide dont celui-ci bénéficiera de la part de l'État. En outre, elle incite à une mise en oeuvre rapide des différents éléments du plan.
En effet, comme on a pu le voir lors de l'examen de l'aspect financier du plan de redressement, l'EPFR devra, pour financer une partie des pertes sur cessions réalisées par CDR, souscrire une obligation à coupon zéro, émise par l'État français, censée lui rapporter 35 milliards de francs en 2014 (45 milliards de francs en intérêts et principal). Compte tenu des conditions de taux d'intérêt prévalant actuellement pour les obligations du Trésor émises à 10 ans, (7,25 %) et du fait que l'échéance de 2014 s'est légèrement rapprochée depuis mars 1995, il faudrait que le montant de cette obligation soit en réalité proche de 12 milliards de francs et non pas de 10 milliards de francs.
Un tel dépassement, sous condition de plafond, implique que le montant total des actifs qui seront vendus en définitive par le Crédit Lyonnais à CDR, ne soit en fait pas inférieur à 135 milliards de francs.
D'après les informations fournies à votre rapporteur, une telle limitation est acceptable, dans la mesure où le montant des actifs réellement transférés à CDR par le Crédit Lyonnais ne devrait pas, en définitive, atteindre 135 milliards. Il est néanmoins évident que tout report supplémentaire dans le temps de l'émission de cette obligation a coupon zéro conduirait à affecter le montant des cessions.
La seconde modification, prévoit la possibilité pour l'EPFR de détenir une participation dans le capital du Crédit Lyonnais ( ( * )1) . Cette faculté constitue un élément essentiel du plan de redressement, puisque c'est en vendant ces titres au public que l'EPFR pourra finalement équilibrer ses ressources et ses charges.
Une telle disposition n'est donc pas inutile, afin de faire apparaître clairement les modalités du "débouclage" de l'opération.
Enfin, la mission complémentaire confiée à l'EPFR peut apparaître à certains égards superfétatoires, dans la mesure où, par nature, la mission assignée à un Établissement public administratif est une mission d'intérêt général, et l'on imagine mal que les personnes désignées par la loi pour constituer le conseil d'administration de l'EPFR ne veillent pas à faire respecter les intérêts financiers de l'État, ce qui est précisément la raison de leur présence.
Néanmoins, une telle disposition a une portée symbolique et à ce titre, mérite d'être retenue.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 3
Limitation de la capacité d'endettement de l'Établissement public
Commentaire : le présent article autorise l'Établissement Public de Financement et de Restructuration à contracter des emprunts pour faire face à ses frais financiers, dans une limite de 50 milliards de francs.
I - LE DISPOSITIF ACTUEL
Aux termes du protocole d'accord signé entre l'État français et le Crédit Lyonnais, le prêt consenti à la SPBI porte intérêt au taux de 7 % en 1995 et de 85 % du taux du marché monétaire pour les années suivantes.
Toutefois, les sommes dues en intérêt qui ne seraient pas payées à bonne date, porteront intérêt de retard, dans les limites autorisées par la loi, au taux moyen du marché interbancaire.
II - LE PROJET DE LOI
Dans la version initialement proposée par le gouvernement, le présent article autorisait l'EPBI, dans une limite fixée à 50 milliards de francs, à "capitaliser les intérêts dus au titre du prêt qui lui est accordé par le Crédit Lyonnais ou emprunter pour payer lesdits intérêts".
Cette autorisation est un élément indispensable du plan de financement, car compte tenu du décalage temporel qui existera entre le montant de ses charges (importantes au début) et celui de ses ressources (faibles au début, importantes à la fin), l'EPFR ne disposera pas, au moins pendant les premières années, des ressources suffisantes pour faire face à ses charges d'intérêt.
Par ailleurs, le fait de plafonner cette capacité d'emprunt apparaît comme un palliatif à la limitation de la garantie donnée par l'État à l'EPFR, qui n'a finalement pas été retenue pour les raisons indiquées lors de l'examen financier du plan de redressement.
Cette capacité d'emprunt devrait, normalement, suffire à l'EPFR pour faire face aux charges financières liées à sa mission dans le plan de redressement. En effet, au-delà de ce plafond, on peut considérer que l'équilibre financier de l'EPFR serait durablement compromis et que l'intervention d'une nouvelle loi serait nécessaire pour redéfinir les modalités du plan de redressement.
III - LA MODIFICATION APPORTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a décidé de supprimer la possibilité accordée à l'EPFR de capitaliser les intérêts de l'emprunt contracté auprès du Crédit Lyonnais, considérant que cette faculté était excessive et conduisait le législateur à entrer dans un degré de précision trop élevé.
IV - LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
On observera tout d'abord la stricte équivalence financière entre le fait de capitaliser les intérêts d'un prêt ou d'emprunter pour les payer.
Une fois cette équivalence admise, on pourrait penser que la modification apportée par l'Assemblée nationale a des conséquences limitées, dans la mesure où l'EPFR pourra toujours emprunter au Crédit Lyonnais les sommes nécessaires au paiement des intérêts échus.
C'est du reste l'interprétation qui a été faite par M. Hervé Gaymard, secrétaire d'état aux finances, lors de l'examen en séance publique :
"Dans la mesure où cet amendement n'interdit pas à l'établissement public d'emprunter au Crédit Lyonnais lui-même pour payer les intérêts qu'il lui doit, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée".
Néanmoins, cette suppression risque d'entrer en conflit avec les modifications apportées par l'Assemblée nationale à l'article 2 aux termes desquelles : "(dans le but de gérer le soutien financier apporté par l'État au Crédit Lyonnais, l'EPFR) est autorisé à souscrire un emprunt au Crédit Lyonnais, dans la limite d'un montant de 145 milliards de francs". En effet, comme l'EPFR ne pourra plus capitaliser les intérêts dus au Crédit Lyonnais, et comme par ailleurs ses capacités d'emprunt auprès de ce même établissement seront saturées, il devrait en principe se tourner vers d'autres établissements pour financer, le cas échéant, les échéances qu'il ne serait pas en mesure d'honorer.
Aussi, afin de lever cette incertitude, tout en respectant les objectifs poursuivis par l'Assemblée nationale, votre commission vous propose une nouvelle rédaction de cet article.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
ARTICLE 3 BIS (NOUVEAU)
Provisionnement du coupon zéro souscrit par l'Établissement public
Commentaire : cet article additionnel, inséré par l'Assemblée nationale, a pour objet de prévoir le provisionnement budgétaire des charges d'intérêt résultant de la souscription par l'EPFR de l'obligation à coupon zéro.
I - LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'obligation à coupon zéro qui sera souscrite par l'EPFR auprès de l'État français pour un montant compris entre 10 et 12 milliards de francs, produira à l'échéance de 2014 et compte tenu des conditions de taux prévalant aujourd'hui sur le marché obligataire, des intérêts pour un montant de 35 milliards de francs.
La Commission des finances de l'Assemblée nationale a estimé nécessaire de prévoir le provisionnement annuel de cette charge d'intérêt (à l'instar des règles applicables aux primes des Plans d'épargne populaire) afin d'atténuer l'incidence de cet instrument financier sur le budget de l'État.
De fait, le provisionnement a pour effet d'inscrire chaque année, sur un compte d'attente, le montant équivalent de la capitalisation en charge budgétaire et d'éviter ainsi l'inscription des intérêts au titre d'un seul exercice budgétaire.
Ce mécanisme est au coeur même du processus de défaisance, puisque il permet d'étaler dans le temps des provisions que ni le Crédit Lyonnais, ni son actionnaire, n'étaient en mesure d'inscrire immédiatement.
II - LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Sur la forme, votre Commission des finances s'est interrogée sur l'utilité d'inscrire dans la loi une telle disposition. En effet, les charges d'intérêt des obligations à coupon zéro déjà émises par l'État (OAT 9,82 % décembre 2019) font l'objet d'un provisionnement, en vertu du principe élémentaire de "prudence" comptable, sans que cela résulte d'une quelconque obligation législative. Toutefois, il est certain que, dans le passé, cette prudence élémentaire n'a pas toujours été appliquée, comme en témoigne l'exemple des obligations renouvelables du Trésor.
Ainsi, convaincue sur le fond du caractère essentiel de ce provisionnement, votre commission vous propose de maintenir cette rédaction.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel sans modification.
ARTICLE 4
Conseil d'administration de l'Établissement public
Commentaire : Le présent article a pour objet de doter l'EPFR d'un conseil d'administration et d'en fixer la composition.
Le nouvel établissement public sera administré par un conseil d'administration de cinq membres comprenant deux représentants du Parlement, deux représentants de l'État et un président "nommé par décret et désigné en raison de sa compétence économique et financière ".
La présence, au sein de ce conseil, de deux parlementaires -un représentant de l'Assemblée nationale et un représentant du Sénat- résulte d'une volonté expresse du gouvernement qui souhaitait également répondre au voeu formulé par M. Auberger dans une proposition de loi déposée le 5 avril dernier ( ( * )1) .
Il s'agit, dans un souci de transparence, de permettre à deux parlementaires de contrôler les activités du Consortium de Réalisation sans toutefois être directement impliqués dans sa gestion.
En effet, l'EPFR sera au coeur du montage et des relations financières entre l'État, le Crédit Lyonnais et le CDR. Son conseil d'administration aura donc à observer, suivre et contrôler le rythme et les modalités de cession des actifs du CDR, tout en organisant le remboursement du prêt du Crédit Lyonnais.
Aussi, compte tenu du caractère stratégique de cette mission, il importe que chacun des membres du conseil soit en mesure d'en assurer la responsabilité.
C'est pourquoi, votre commission souhaite que les attributions conseil d'administration soient rapidement et clairement définies.
Par ailleurs, elle estime indispensable que les membres du conseil puissent avoir accès aux sources d'information nécessaires au suivi du plan de redressement. Ainsi, ils devront pouvoir auditionner la direction et les membres du comité consultatif de contrôle du CDR, ainsi qu'être destinataires des rapports des membres de la mission de contrôle créée par l'article 12 du présent projet de loi.
C'est en effet seulement dans de telles conditions que les parlementaires présents au conseil d'administration de l'EPFR pourront informer de façon sérieuse et exhaustive l'ensemble de la représentation nationale.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLES 5
Modalités d'application du titre premier
Commentaire : le présent article prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixera les modalités d'application du titre premier du projet de loi.
Conformément à l'usage, il est prévu une mesure réglementaire d'application du dispositif mis en place avec la création de l'Établissement Public de Financement et de Restructuration.
Toutefois, il est également précisé que le décret en Conseil d'État devra notamment comporter deux éléments :
- le régime comptable de l'établissement ;
- les décisions du conseil soumises à l'approbation du ministre de l'économie.
En effet, le régime comptable des établissements publics dépend essentiellement de leur qualification. Dans le cas des établissements publics à caractère administratif, les règles comptables présentent la particularité de conférer un caractère limitatif aux crédits de dépenses. C'est pourquoi, afin de déroger à ces règles, peu compatibles avec la nature des charges qui seront comptabilisées dans l'EPFR, le présent article prévoit que le régime comptable de l'EPFR sera fixé par décret en Conseil d'État.
Ce même décret devra également déterminer les décisions du conseil d'administration qui "en raison de leur incidence sur l'équilibre financier de l'établissement public" devront être soumises à l'approbation préalable du ministre de l'économie.
Il devrait s'agir essentiellement de décisions majeures concernant l'équilibre financier du plan de redressement, comme par exemple la modification du protocole d'accord entre l'EPFR et le CDR.
En effet, de telles décisions pouvant modifier l'engagement de l'État, il apparaît normal de les soumettre à l'approbation du ministre de l'économie. En tout état de cause, un accroissement des engagements financiers de l'EPFR devra, pour sa part, recevoir l'aval du législateur.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
TITRE II
CRÉATION DE L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC DE RÉALISATION DE DÉFAISANCE
ARTICLE 6
Création de l'Établissement Public de Réalisation de Défaisance (EPRD)
Commentaire : Le présent article crée l'Établissement Public de Réalisation de Défaisance (EPRD), organisme chargé de gérer l'intervention de l'État dans le cadre des plans de redressement du Comptoir des Entrepreneurs.
Comme pour le plan de redressement du Crédit Lyonnais, la formule de l'établissement public national est incontestablement la plus adaptée à la participation de l'État au plan de redressement du Comptoir des Entrepreneurs. Elle permet en effet à la fois d'isoler cette action sur les plans administratif et financier et de conserver la pleine et entière responsabilité de l'État.
L'intervention du législateur pour la création de ce nouvel établissement public est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, dès lors qu'il s'agit d'une structure constituant à elle seule une catégorie d'établissement spécifique, et notamment distincte de celle de l'EPFR.
Certes, l'EPFR et l'EPRD se ressemblent fort à deux points de vue : ce sont des établissements publics nationaux (tutelle de l'État), chargés tous deux de prendre en charge une partie des pertes réalisées par des établissements de crédit. Toutefois, il s'agit de deux opérations distinctes, en raison de la nature des établissements concernés, de leurs liens avec l'État, et du montant des sommes en cause.
Par ailleurs, ces opérations de sauvegarde devant rester exceptionnelles, il est opportun qu'elles soient spécifiquement autorisées par le législateur.
Les avantages du choix du caractère administratif de l'EPRD sont identiques à ceux ayant prévalu pour l'EPFR. Ils ont été évoqués dans le cadre du commentaire de l'article premier.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.
ARTICLE 7
Mission de l'Établissement public
Commentaire : Le présent article définit la mission de l'EPRD, à savoir gérer le soutien financier apporté par l'État dans le cadre des plans de redressement du Comptoir des Entrepreneurs mis en oeuvre avant le 30 juin 1996. L'Assemblée nationale a précisé que l'EPRD pourrait à cette fin détenir une participation dans les AGF.
L'EPRD sera chargé de participer au nom de l'État aux deux opérations de redressement du Comptoir des Entrepreneurs. Les engagements financiers considérés sont d'ores et déjà connus. On peut les détailler brièvement.
Pour la première opération, ces engagements sont les suivants :
- au titre de la première recapitalisation, l'EPRD remboursera le Crédit Foncier de sa participation (200 millions de francs) et des coûts de portage (3 millions de francs) de sa participation au capital des structures de défaisance ;
- au titre du premier cantonnement, l'EPRD prendra en charge la totalité des pertes supportées par le Crédit Foncier (environ 1 milliard de francs), 80 % des pertes des autres partenaires entre 4 et 4,5 milliards de francs et 90 % au-delà de 4,5 milliards de francs (soit un maximum de 4,45 milliards de francs en capital auxquels s'ajouteront des coûts de portage pour environ 2,1 milliards de francs).
Pour la seconde opération, ces engagements sont les suivants :
- au titre de la seconde recapitalisation, prise en charge des 120 millions de francs que le Crédit Foncier devrait verser ;
- au titre du second cantonnement, prise en charge de la perte éventuelle - et très probable - de la première ligne de crédit à l'immobilière "Madeleine", soit 4,5 milliards de francs.
Au total, l'EPRD pourrait être amené à verser environ 11,3 milliards de francs courants dans une hypothèse de pertes maximales.
L'Assemblée nationale a jugé utile de préciser que l'EPRD pourrait être amené à détenir des actions de la Société centrale des AGF. Le gouvernement prévoit en effet de le doter à la fois de fonds d'origine budgétaire (aucun n'a été versé à ce jour, mais un versement de 4,5 milliards de francs sur les dotations en capital votées en loi de finances rectificative est prévu au titre de la défaisance) et d'actions AGF. L'EPRD pourrait devenir, si besoin est, le réceptacle de tout ou partie de la participation de l'État dans les AGF (57 % du capital). Pour faire face à ses échéances, l'EPRD devra céder ces titres dans le cadre de la privatisation des AGF. À défaut, il pourra les mobiliser auprès de la Caisse des dépôts et consignations, ce qui aurait cependant pour effet d'accroître ses charges financières.
La date butoir du 30 juin 1996 prévue par le présent article n'a pas pour objet de donner un blanc-seing au gouvernement pour la prise de nouveaux engagements ou la mise en place d'un nouveau plan. Aucun engagement nouveau ne sera contracté. Cependant, l'accord de la Commission de l'Union européenne est requis, et la seconde opération ne pourra être mise en oeuvre qu'après cet accord. Celui-ci pourrait intervenir dès avant la fin du débat parlementaire sur le présent projet, ce qui réglerait cette difficulté. Mais il pourrait être plus tardif.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.
ARTICLE 8
Conseil d'administration de l'Établissement public
Commentaire : Le présent article a pour objet de doter l'EPRD d'un conseil d'administration et d'en fixer la composition.
Comme dans le cadre du redressement du Crédit Lyonnais, l'établissement public créé pour gérer le soutien financier de l'État à la restructuration du Comptoir des Entrepreneurs sera administré par un conseil d'administration de cinq membres comprenant deux représentants du Parlement, deux représentants de l'État et un président "nommé par décret et désigné en raison de sa compétence économique et financière".
Compte tenu de l'ampleur de l'engagement financier de l'État, il paraît opportun que la présence, au sein de ce conseil, de deux parlementaires -un représentant de l'Assemblée nationale et un représentant du Sénat- soit également prévue.
En effet, il s'agit là aussi de contrôler les activités des sociétés de cantonnement - en l'occurrence des actifs douteux du Comptoir des Entrepreneurs - sans toutefois s'immiscer directement dans leur gestion.
C'est pourquoi, votre commission insiste à nouveau sur l'importance d'une définition précise et rapide des attributions du conseil d'administration, ainsi que sur l'organisation de l'accès à l'information de ses membres.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 9
Plafonnement du prêt accordé par l'Établissement public
Commentaire : Le présent article fixe la limite de l'intervention de l'État dans la seconde opération de cantonnement des créances compromises du Comptoir des Entrepreneurs.
Le présent article a pour objet de préciser et de mettre en évidence l'un des aspects particuliers de l'intervention de l'État dans le plan de redressement du Comptoir des Entrepreneurs.
Le prêt de 4,5 milliards de francs que doit consentir l'EPRD aux structures de défaisance est d'ores et déjà prévu par le protocole signé par l'État et les AGF le 19 décembre 1994. L'intérêt d'une mention législative spécifique est de plafonner ce prêt, et accessoirement de donner une base légale au renoncement par l'État à ses droits en capital et intérêts. En outre, contrairement aux actions conduites en faveur du Crédit Lyonnais et de la première opération de redressement du Comptoir des Entrepreneurs, la seconde opération de redressement n'a pas encore débuté.
Ce prêt de 4,5 milliards de francs sera consenti à la foncière, dénommée "Immobilière Madeleine" chargée de gérer et de céder les 7 milliards de francs d'actifs de la seconde défaisance. Il présente la caractéristique d'être situé au dernier rang des créances recouvrables, et donc de figurer en première ligne des pertes réalisées. Il est donc subordonné aux autres créances en capital et en intérêts.
L'Immobilière Madeleine sera endettée au total de 8 milliards francs : 7 milliards de francs destinés à financer le cantonnement, et un milliard de francs en vue de développer et commercialiser les actifs. Au fur et à mesure de la cession des actifs, elle réalisera des pertes qui se traduiront par des abandons de créances annuels de la part des différents prêteurs. Le premier à abandonner sa créance à concurrence de 4,5 milliards de francs sera l'EPRD. Théoriquement, le prêt subordonné portera un intérêt libellé au taux variable. En pratique aucun intérêt ne sera effectivement perçu, et la perte de 4,5 milliards de francs en principal est quasi-certaine. C'est en cela que l'autorisation législative revêt une importance, tant pour les autres partenaires que pour la confiance de la place financière dans le plan de redressement du CDE.
Décision de la commission : Votre commission vous propose adopter le présent article sans modification.
ARTICLE 10
Prise en charge des dépenses du Crédit Foncier de France
Commentaire : Le présent article est le complément de l'article 9. Il décharge le Crédit Foncier des engagements pris pour le compte de l'État à l'occasion des opérations de sauvetage du Comptoir des Entrepreneurs et transfère ces engagements à l'EPRD.
Comme l'article 9, le dispositif du présent article est implicitement prévu par l'article 7. Le principal intérêt d'une mention législative explicite du défraiement du Crédit Foncier est d'assurer les marchés financiers de l'absence d'impact pour ce dernier du redressement du Comptoir des Entrepreneurs. Le Crédit Foncier connaît en effet une période difficile liée aux difficultés du Comptoir des Entrepreneurs, à sa participation à son redressement, et à la perte du monopole des prêts aidés à l'habitat.
Dès la première opération de redressement, le Crédit Foncier n'est intervenu que pour le compte de l'État. Les protocoles conclus entre l'État et le Crédit Foncier prévoient donc un désintéressement total de ce dernier.
Les interventions du Crédit Foncier que l'EPRD devra prendre en charge sont au nombre de trois. Au titre de la première opération de cantonnement, le Crédit Foncier doit prendre en charge 22,9 % des pertes (environ 1 milliard de francs). Au titre de la première recapitalisation, il s'est engagé à hauteur de 200 millions de francs. Il ne participera pas aux pertes du deuxième cantonnement, mais devra acquitter 120 millions de francs au titre de la deuxième recapitalisation, auxquels s'ajouteront environ 3 millions de francs de frais de portage au titre de sa participation au capital des structures de défaisance.
L'EPRD devra donc prendre en charge environ 1,3 milliard de francs au titre du défraiement du Crédit Foncier.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.
ARTICLE 1
Modalités d'application du titre II
Commentaire : cet article prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixera les modalités d'application du titre II du présent projet de loi.
Conformément à l'usage, il est prévu une mesure réglementaire d'application du dispositif mis en place avec la création de l'Établissement Public de Réalisation de Défaisance.
Toutefois, comme pour l'EPFR visé au titre premier, il est précisé que le décret en Conseil d'État devra notamment comporter deux éléments :
- le régime comptable de l'établissement ;
- les décisions du conseil soumises à l'approbation du ministre de l'économie.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
TITRE III
CONTRÔLE DES SOCIÉTÉS DE CANTONNEMENT
ARTICLE 12
Contrôle des sociétés de cantonnement
Commentaire : Le présent article retrace le premier volet du système de contrôle spécifique auquel seront soumises les structures de cantonnement et leurs filiales. À cet effet, il donne à l'État les moyens d'évaluer, sur pièces et sur place, et de façon permanente, la qualité de la gestion de ces sociétés.
Les raisons qui militent pour la mise en place d'un tel contrôle sont développées dans l'exposé général. Elles trouvent leur fondement dans l'importance exceptionnelle de l'engagement financier pris par l'État, engagement dont le coût effectif dépendra pour partie des arbitrages réalisés par les gestionnaires des actifs cantonnés. Un suivi très strict de cette gestion est donc indispensable. Or, les moyens actuels dont dispose l'État en tant qu'actionnaire ou puissance publique, ne permettent pas de répondre pleinement à cet objectif. En outre, le contrôle doit continuer à s'exercer en cas de privatisation de certains actionnaires des structures de cantonnement.
Aussi, le présent article met en place une procédure originale que votre commission des finances avait suggéré d'instituer pour l'ensemble des entreprises publiques, dans le cadre de son rapport d'information sur les ambiguïtés de l'État actionnaire.
I - LE CHAMP DU CONTRÔLE
• Tout à fait logiquement, le
contrôle spécifique s'exercera sur les structures de cantonnement
du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs.
Celles-ci sont définies comme les "sociétés ayant pour activité principale la gestion ou la vente de créances, de participations ou d'actifs, et bénéficiant à ce titre d'une garantie financière sous toute forme, directe ou indirecte, de la part de l'Établissement Public de Financement et de Restructuration ou de l'Établissement Public de Réalisation de Défaisance".
Dans le cas du Crédit Lyonnais, il s'agit donc du CDR. En revanche, pour le Comptoir des entrepreneurs la situation est plus complexe. La première opération de défaisance fait appel à deux entités de premier rang, dénommées respectivement EIA et Mobilière Volney, dont l'une intervient en tant que gestionnaire, tandis que l'autre joue le rôle de foncière. Les structures de la seconde opération ne sont pas encore constituées, mais elles devraient normalement s'appuyer sur un schéma comparable.
Aussi est-il nécessaire de retenir une formulation qui permette de cerner l'ensemble de ces situations.
•
Mais le champ du contrôle
s'étend bien évidemment aux filiales contrôlées par
les structures de cantonnement.
La notion de contrôle est définie par référence aux dispositions de l'article 355-1 de la loi de 1966 sur les sociétés commerciales. Sont donc concernées toutes les sociétés pour lesquelles la structure de cantonnement dispose, directement ou indirectement, en droit ou en fait, du pouvoir de décision à l'assemblée générale des actionnaires.
Cet aspect du champ du contrôle est essentiel, et conditionne d'ailleurs l'efficacité réelle de la nouvelle procédure. En effet, la structure de cantonnement apparaît, dans certains domaines, comme le holding de tête d'un ensemble de sociétés. Tel est notamment le cas du CDR qui, en principe, doit détenir la totalité du capital de OIG, de la SDBO et d'Altus. Or, ces dernières entités contrôlent elles-mêmes un ensemble de sociétés. Pour être fiable, et donner à l'État le moyen d'apprécier effectivement la situation, le contrôle doit donc pouvoir s'exercer au niveau opérationnel.
Parallèlement, il est utile que les structures de cantonnement conservent toute latitude pour regrouper des actifs, ou des activités au sein d'entités nouvelles, sans que ces réorganisations entraînent un amoindrissement des possibilités de contrôle de l'État.
II - LES MODALITÉS DU CONTRÔLE
• Cette nouvelle forme de contrôle
sera normalement exercée par des agents publics, habilités
à cet effet par le ministre de l'économie.
Toutefois, et
en tant que de besoin, ces agents pourront se faire assister d'experts
extérieurs à l'administration, qui devront alors, eux aussi,
être habilités.
Dans son principe, il s'agit donc d'une mission de contrôle mise à la disposition du ministre. Elle relèvera de l'autorité de l'exécutif et agira dans le cadre de missions qui lui seront directement et explicitement définies par l'État. En conséquence, les organes sociaux des établissements publics, ou des structures de cantonnement n'auront pas compétence pour lui demander directement d'intervenir, mais ils auront toujours la faculté de s'adresser au ministre pour qu'il diligente un contrôle.
En pratique, l'intention du gouvernement est d'organiser une structure légère, regroupant quelques hauts fonctionnaires qui, du fait de leurs carrières, disposent d'une expérience et d'une compétence reconnues en matière de gestion d'entreprises. Ces personnalités devraient ainsi être en mesure de jouer un rôle de "sage" dans des domaines spécialisés comme l'immobilier, les montages financiers et les fusions-acquisitions.
L'intervention d'experts extérieurs sera également nécessaire, en raison de la complexité des dossiers et du manque de compétences au sein de l'administration pour certains secteurs. Mais il sera alors indispensable de s'assurer que ces concours extérieurs sont réellement indépendants et ne sont pas, d'une manière ou d'une autre, parties prenantes au dossier.
•
Ces contrôles spécifiques
porteront sur la gestion des sociétés concernées et
s'effectueront sur pièces et sur place.
De fait, l'État disposera des moyens de suivre de façon permanente les choix faits par les gestionnaires et d'en apprécier l'opportunité.
Concrètement, les contrôles des agents publics porteront sur trois grands domaines :
- la qualité de la gestion des actifs cantonnés, le problème le plus délicat étant sans doute d'apprécier la pertinence des arbitrages faits entre portage et vente ;
- la qualité de la gestion interne de la société concernée ;
- le respect des règles déontologiques par les personnels en poste dans la société.
•
Les interventions auront en principe lieu
dans les locaux de la société, mais pour les besoins du
contrôle, pourront être élargies à l'examen des
actifs qu'elle détient ou pour lesquelles des sûretés lui
ont été transférées.
Les agents habilités à exercer le contrôle auront donc la possibilité d'aller apprécier directement l'état d'entretien et de conservation des actifs physiques que la société est chargée de gérer. Ils pourront ainsi mesurer les conséquences des mesures prises pour assurer la valorisation ou la rentabilité d'actifs tels des immeubles, des bâtiments industriels ou des entreprises. Ces vérifications pourront également être effectuées sur les actifs pour lesquels la société dispose, au titre de l'opération de cantonnement, d'une hypothèque ou d'un nantissement.
•
Enfin, le secret professionnel n'est pas
opposable aux agents chargés du contrôle.
En revanche, et tout à fait logiquement, ceux-ci sont soumis à ce secret professionnel.
III - DES GARANTIES QUI MÉRITENT D'ÊTRE PRÉCISÉES
Les interventions de la nouvelle mission de contrôle seront évidemment encadrées par des règles destinées à assurer le respect de la liberté individuelle et la garantie des libertés publiques.
Dans un premier temps, il est expressément prévu que ces interventions auront exclusivement lieu dans des locaux professionnels, à l'exception des parties affectées au domicile privé. Cette restriction permet de respecter l'inviolabilité du domicile privé, en tenant compte notamment du cas des locaux mixtes.
En outre, aux termes du texte qui nous est soumis, "les interventions donnent lieu à la remise d'un avis indiquant la nature des contrôles effectués".
Sur le fond, l'objectif est bien évidemment d'informer la société contrôlée.
Toutefois, la rédaction retenue est ambiguë et le contenu exact de cette information reste incertain. Rien ne permet d'apprécier si l'avis est préalable, ou s'il est remis à la fin des opérations. De même il n'est fait aucune référence aux résultats des contrôles, et aux éventuelles observations de la société contrôlée.
En fait, une telle rédaction n'est pas suffisante pour assurer sans équivoque le respect des garanties publiques et votre commission vous proposera donc de la préciser.
Sur le fond, il est certain que les contrôles en cause ont une nature un peu particulière. Il s'agit en effet d'évaluer la qualité de la gestion, et non de vérifier le respect de règles de droit ou de rechercher des infractions. Compte tenu de cet objectif, le principe d'un avis préalable n'est sans doute pas indispensable. L'expérience prouve qu'une liste des contrôles envisagés, lorsqu'elle est limitative, prive les investigations d'une part importante de leur efficacité. Pour éviter cet écueil, les agents publics seraient alors sans doute amenés à retenir une formulation extrêmement vague -du type "contrôle de la bonne gestion"- qui en elle-même n'apporte rien.
En revanche, il est fondamental qu'à l'issue des contrôles, la société concernée soit informée de la nature des investigations conduites et des conclusions qu'en retirent les agents publics. De même, il est indispensable qu'au vu de ces conclusions, la société en cause puisse faire connaître ses propres observations et que celles-ci figurent en annexe du document élaboré par les agents publics. Il serait en effet inquiétant que les destinataires du rapport soient amenés à se forger une première opinion sans disposer, à côté des conclusions des agents publics, des justifications et éléments de réponse de la société contrôlée.
Enfin, il semble également utile de préciser les destinataires de ce rapport de contrôle. Ce document sera évidemment remis au ministre, les investigations étant conduites à sa demande par un service placé sous son autorité. En revanche, deux autres intervenants devraient également avoir droit à communication de ce document :
- d'une part, la société de cantonnement dont dépend la filiale contrôlée. Il est en effet légitime que les organes sociaux du holding de tête soient immédiatement informés du résultat des investigations conduites chez l'un des membres du groupe, afin d'adopter les mesures qui s'imposent, mais aussi, s'ils le jugent utile, de contester les observations formulées à la suite du contrôle ;
- d'autre part, le conseil d'administration de l'établissement public qui apporte la garantie financière à cette société de cantonnement. En effet, ces conseils, où siégeront notamment des parlementaires, auront pour mission essentielle de contrôler l'ensemble du montage et, plus précisément, de surveiller l'action et la gestion des sociétés de cantonnement, sans toutefois s'immiscer dans cette gestion. Pour que la surveillance soit réellement efficace, il est indispensable que les membres du conseil disposent de l'ensemble des informations nécessaires et donc des rapports de la mission de contrôle.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
ARTICLE 13
Agrément des mandataires sociaux des sociétés de cantonnement
Commentaire : Le présent article organise le deuxième volet du contrôle spécifique que l'État entend exercer sur les structures de cantonnement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs. À cet effet, il prévoit que les mandataires sociaux de ces structures devront être agréés par le ministre chargé de l'économie.
L'objectif de cette mesure est double : elle conforte l'indépendance des structures de cantonnement vis à vis de leurs actionnaires et donne à l'État un moyen d'action et de sanction au cas où la gestion des actifs cantonnés serait mise en cause à la suite des contrôles exercés par les agents publics.
Une telle disposition trouve sa justification dans l'architecture générale des schémas de cantonnement : en effet, si l'État s'engage à supporter les pertes par l'intermédiaire d'établissements publics ad hoc, ceux-ci n'ont toutefois aucun lien direct en capital avec les sociétés chargées de gérer les actifs cantonnés.
En application des règles normales de la législation commerciale, les personnes amenées à siéger dans les organes sociaux de ces sociétés devraient donc être choisies par leurs actionnaires, c'est-à-dire le Crédit Lyonnais dans le cas du CDR et les cinq principaux actionnaires du Comptoir des entrepreneurs pour les schémas intéressant ce dernier établissement.
En fait, compte tenu des risques de conflits d'intérêt, et de l'importance de l'implication financière de l'État dans les deux opérations, des précautions juridiques ont d'ores et déjà été prises pour priver les actionnaires de tout pouvoir réel.
Filiale à 100 % du groupe Crédit Lyonnais, le CDR a adopté le statut de société par action simplifiée. La souplesse qui caractérise cette forme juridique permet ainsi de substituer au traditionnel conseil d'administration, un organe social spécifique dénommé "comité consultatif de contrôle", composé pour moitié de représentants de l'État. Ce comité est en outre doté de pouvoirs étendus lui permettant d'exercer une réelle surveillance sur la gestion des actifs.
Dans le cas du Comptoir des entrepreneurs, les sociétés de cantonnement mises en place lors de la première opération sont des sociétés anonymes classiques, dont le capital est réparti à égalité entre les AGF, le GAN, l'UAP, la Caisse des dépôts et consignations et le Crédit foncier de France. Il en sera de même pour les entités créées en vue de la deuxième opération. Toutefois, la composition de leur conseil d'administration et du comité de direction est fixée par leur statut, de manière à ce que le contrôle de la société échappe en fait à ses actionnaires. En contrepartie, ceux-ci peuvent s'appuyer sur les dispositions de l'article 357-4 de la loi de 1966 et éviter de consolider ces sociétés dans leurs propres comptes.
De fait, ces dispositions assurent déjà une large indépendance des mandataires sociaux de ces sociétés. Ils sont en effet choisis, ou dans le cas du CDR, avalisés par un organe social dont les actionnaires sont largement absents.
Le présent article propose toutefois de conforter cette indépendance vis à vis des actionnaires et de réaffirmer le rôle essentiel de l'État dans l'ensemble de ces schémas. À cet effet, il donne au ministre chargé de l'économie un droit de regard et de veto sur le choix du président et des directeurs généraux des sociétés de cantonnement.
Cette procédure ne concerne que le holding de tête et ne s'étend donc pas à l'ensemble des sociétés qu'il contrôle. Une telle extension serait d'ailleurs inutilement lourde, les organes sociaux de la société de cantonnement étant eux-mêmes directement amenés à intervenir dans le choix des hommes au niveau des filiales.
Par l'intermédiaire de cet agrément, l'État matérialise la confiance qu'il accorde aux personnalités choisies pour conduire l'ensemble des opérations mettant en cause ses intérêts patrimoniaux.
L'État s'accorde en outre un moyen de sanction. Si sa confiance vient à s'estomper, le retrait de l'agrément entraînera un changement de dirigeant.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 14
Modalités d'application du titre III
Commentaire : Cet article prévoit que les modalités d'application des dispositions relatives au contrôle spécifique des sociétés de cantonnement et à la procédure d'agrément de leurs mandataires sociaux, seront précisées par décret en Conseil d'État.
Le texte initial du gouvernement prévoyait en fait que ce décret interviendrait "en tant que de besoin". À juste titre l'Assemblée national a estimé que ce membre de phrase était inutile, les dispositions concernées appelant en tout état de cause des précisions de nature réglementaire, notamment au regard du déroulement pratique des contrôles.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
TITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES
ARTICLE 15
Maintien de la composition du conseil d'administration du Crédit Lyonnais
Commentaire : cet article a pour objet d'instituer une dérogation aux règles de droit commun de la loi de démocratisation du secteur public relatives à la composition du conseil d'administration. Il maintient la composition actuelle du conseil d'administration du Crédit Lyonnais en cas de transfert des actions de l'État à l'EPFR.
L'équilibre financier du plan de redressement du Crédit Lyonnais repose notamment sur la possibilité pour l'État de transférer sa participation au capital du Crédit Lyonnais, en tout ou partie, à l'établissement public chargé d'assurer la gestion financière du montage.
On observera d'ailleurs que l'Assemblée nationale a jugé utile de faire mention explicite de cette possibilité dans la loi. C'est l'objet de l'un des amendements adoptés par les députés à l'article 2 du présent projet.
Aussi, en conséquence de cet apport probable de l'État à l'EPFR, la majorité du capital social du Crédit Lyonnais ne sera plus détenue en direct par l'État. Le Crédit Lyonnais ne sera plus une entreprise publique de premier rang et les règles qui s'attachent à ce statut disparaîtront.
Parmi ces règles, il faut principalement citer les dispositions de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. Celle-ci détermine de façon précise les modalités de composition du conseil d'administration des entreprises du secteur public.
Aux termes de l'article 5 de cette loi, le conseil d'administration du Crédit Lyonnais est actuellement composé de 18 membres qui se répartissent en trois catégories :
- 6 représentants de l'État et des autres actionnaires,
- 6 personnalités choisies « soit en raison de leur compétence technique, scientifique ou technologique, soit en raison de leur connaissance des aspects régionaux, départementaux ou locaux des activités en cause, soit en raison de leur connaissance des activités publiques et privées concernées par l'activité de l'entreprise, soit en raison de leur qualité de représentant des consommateurs ou des usagers, nommées par décret pris, le cas échéant, après consultation d'organismes représentatifs desdites activités »
- 6 représentants des salariés.
L'objet du présent article est de maintenir l'application de ces dispositions au Crédit Lyonnais alors même qu'il ne sera plus détenu directement par l'État. En effet, si une telle dérogation n'était prévue, le conseil d'administration du Crédit Lyonnais, majoritairement détenu par l'EPFR, devrait, conformément à l'article 6 de la loi du 26 juillet 1983, être réduit à 15 membres, dont un tiers de représentants des salariés, les autres membres étant désignés par l'assemblée générale des actionnaires, sous réserve des représentants de l'État nommés par décret.
Il apparaît en effet peu satisfaisant que, du simple fait du transfert de la participation de l'État au capital du Crédit Lyonnais à l'EPFR, un changement aussi significatif dans la vie de l'entreprise devienne nécessaire. La raison sociale de l'établissement public créé pour gérer le soutien financier de l'État au redressement du Crédit Lyonnais ne le justifie pas.
On observera d'ailleurs qu'une dérogation identique existe déjà pour un certain nombre d'entreprises publiques : la Banque française du commerce extérieur, la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur ou les sociétés centrales des groupes d'entreprises nationales d'assurance.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 15
Aménagement de la loi relative aux modalités des privatisations
Commentaire : cet article additionnel a pour objet de prévoir que certaines règles applicables aux cessions directes au secteur privé de titres détenus par l'État soient également applicables aux cessions que pourront effectuer l'EPFR et l'EPRD.
La mise en oeuvre des plans de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs devrait comporter un transfert, en tout ou partie, des titres du Crédit Lyonnais et des AGF actuellement détenus par l'État aux établissements publics créés par le présent projet de loi. En effet, ce transfert fait partie de l'équilibre financier des montages.
On observera que l'Assemblée nationale a d'ailleurs souhaité en faire mention explicite dans la loi. C'est l'objet d'amendements adoptés aux articles 2 et 7 du présent projet.
Lorsque ces transferts seront effectués, l'État ne détiendra plus (ou peu) d'actions du Crédit Lyonnais et des AGF. Ainsi, lorsque ces actions seront cédées au secteur privé, ce n'est pas l'État mais l'EPFR ou l'EPRD qui procéderont à l'opération de privatisation.
Aussi, afin de permettre aux salariés et aux personnes physiques qui participeront à la privatisation du Crédit Lyonnais et des AGF ( ( * )1) de bénéficier des mêmes avantages que s'il s'agissait d'une cession directe de titres par l'État, le présent article additionnel propose d'étendre l'application du dispositif des articles 4-1, 11,12 et 13 de la loi du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations.
Ainsi, les mécanismes de paiement échelonné, les rabais, les attributions gratuites d'actions et les délais de paiement qui peuvent être accordés par l'État aux salariés et aux personnes physiques à l'occasion d'une privatisation pourront l'être également lors de la cession des titres du Crédit Lyonnais et des AGF par l'EPFR et par l'EPRD
L'importance d'associer les salariés des entreprises concernées à ces deux opérations importantes de privatisation méritait que la question soit réglée dans ce projet de loi.
Votre rapporteur général souligne d'ailleurs le rôle éminent joué par le personnel de ces établissements financiers qui, malgré la crise qui a frappé tant le Crédit Lyonnais que le Comptoir des entrepreneurs, reste le principal atout de leur développement futur.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.
ARTICLE 16
Validation des actes et engagements pris dans le cadre des plans de redressement du Crédit Lyonnais
Commentaire : cet article a pour objet d'autoriser la validation des actes accomplis et des engagements pris par l'État et par la SPBI dans le cadre des plans de redressement du Crédit Lyonnais, dès lors que ces actes et engagements seraient contestés sur le fondement de l'absence d'autorisation législative.
Dans la version initiale du projet de loi, le présent article prévoyait la validation des seuls actes et engagements pris par la Société de participation banque industrie (SPBI) avant l'intervention du projet de loi.
On rappelle que la SPBI a été créée pour une durée de 5 ans par décret en date du 30 décembre 1993. Ses actionnaires sont l'État et Thomson SIEG. Elle gère le soutien accordé par l'État aux plans de redressement du Crédit Lyonnais.
Ainsi, elle a d'abord pris en charge les risques de l'Omnium immobilier de gestion (OIG) dans le cadre du premier plan de redressement, puis ceux du Consortium de Réalisation (CDR), conformément au montage du deuxième plan de redressement. Elle a également participé à l'augmentation de capital du Crédit Lyonnais du 7 juillet 1994. De ce fait, la SPBI détient aujourd'hui 8,67 % du capital du Crédit Lyonnais.
Au-delà de la validation des actes et engagements pris par la SPBI, l'Assemblée nationale a souhaité ajouter dans le texte du présent article les actes et engagements pris par l'État dans le cadre du soutien financier qu'il a apporté au Crédit Lyonnais.
Votre commission approuve cette précision qui permet de lever une incertitude juridique.
La validation demandée a un champ restreint. En effet, dans les deux cas, la validation opérée ne concerne que les éventuelles contestations pour absence d'autorisation législative.
Enfin, on observera que le présent article répond aux conditions posées par le Conseil constitutionnel pour les opérations de validation législative : la validation doit avoir pour objet de préserver le fonctionnement continu des services publics et concerner des actes en vigueur au moment de la validation et n'intervenant pas dans un domaine répressif.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 17
Validation des actes et engagements pris dans le cadre des plans de redressement du Comptoir des entrepreneurs
Commentaire : cet article a pour objet d'autoriser la validation des actes accomplis et des engagements pris par l'État et pour le compte de l'État dans le cadre des plans de redressement du Comptoir des entrepreneurs, dès lors que ces actes et engagements seraient contestés sur le fondement de l'absence d'autorisation législative.
Comme pour le Crédit Lyonnais, cet article prévoit de valider les actes et engagements pris, avant l'intervention du présent projet de loi, dans le cadre du soutien financier au Comptoir des entrepreneurs.
Il s'agit notamment de valider les différents accords et conventions intervenus entre les différentes parties prenantes aux plans de redressement du Comptoir des entrepreneurs.
Cette validation répond aux mêmes critères que la validation effectuée à l'article 16 ci-dessus.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement pour préciser que la validation s'applique en particulier à l'engagement pris par l'État de participer à la couverture des pertes supérieures à 4 milliards de francs de la première opération de défaisance.
Votre commission approuve cet ajout. Elle souhaite néanmoins lui apporter une correction rédactionnelle, en retenant une formulation plus proche des termes des conventions passées avec le Comptoir des entrepreneurs.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
ARTICLE 18
Exemptions fiscales et régime fiscal particulier de l'EPFR
Commentaire : cet article a pour objet d'exonérer d'impôts, droits et taxes l'apport de l'ensemble des droits, biens et obligations de la SPBI à l'établissement public créé à l'article premier du présent projet de loi. Il précise également le régime fiscal applicable à cet établissement public.
Comme cela a été fait pour de nombreuses opérations de changement de statut juridique au sein du secteur public, le présent article prévoit d'exonérer d'impôts, droits et taxes la transformation de la SPBI, société en nom collectif, en établissement public, dénommé EPFR.
On rappelle que l'apport de l'ensemble des droits, biens et obligations de la SPBI à l'EPFR doit intervenir le 1er janvier 1996 au plus tard, conformément à l'article premier du projet de loi.
Par ailleurs, le présent article soumet l'EPFR à un régime fiscal particulier pour la détermination de ses résultats imposables : il devra se conformer aux obligations prévues au 3 de l'article 210A du code général des impôts à raison des droits, biens et obligations qui lui ont été transmis. Ces dispositions ont notamment pour conséquence de reporter à l'EPFR les plus ou moins-values qui pourront être dégagées à l'occasion de la cession des actifs qui lui ont été apportés.
Décision de la commission : votre commission vous propose adopter cet article sans modification.
ARTICLE 19 (NOUVEAU)
Responsabilité financière des dirigeants d'entreprises publiques
Commentaire : cet article additionnel a pour objet d'instaurer une responsabilité financière des dirigeants d'entreprises publiques.
I - LE DISPOSITIF PROPOSE
A l'initiative de M. de Courson, l'Assemblée nationale a souhaité, par cet article additionnel, mettre en place un système de responsabilité des dirigeants d'entreprises publiques pour faute de gestion. Cette nouvelle infraction serait sanctionnée par la Cour de discipline budgétaire et financière.
On rappellera que, déjà à l'initiative de M. de Courson, les députés avaient voté, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative du mois de juillet dernier, un amendement permettant de mettre en oeuvre la responsabilité des dirigeants d'entreprises publiques. Il s'agissait en effet de prévoir qu'en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, le tribunal de commerce dont relève la personne morale concernée pouvait condamner le ou les dirigeants auxquels est imputable la faute de gestion à supporter tout ou partie des dettes de la personne morale, avec ou sans solidarité.
Tout en approuvant le principe d'une sanction financière pour mauvaise gestion à l'égard des dirigeants d'entreprises publiques, votre commission des finances, suivie ensuite par le Sénat, avait alors considéré que le dispositif proposé n'était pas satisfaisant. Elle s'interrogeait en particulier sur la compétence du tribunal de commerce.
Le présent article additionnel propose une autre solution. Il prévoit d'étendre le champ de compétences de la Cour de discipline budgétaire et financière, dont sont déjà justiciables les dirigeants d'entreprises publiques, en soumettant ces derniers à une responsabilité pour « faute de gestion ayant entraîné des pertes significatives au regard des fonds propres de l'entreprise ».
Actuellement en effet, ce sont essentiellement deux séries de motifs qui permettent de condamner des dirigeants d'entreprises publiques : le non respect des règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses, le fait d'avoir procuré un avantage injustifié à autrui. La notion de faute de gestion ne figure pas dans le livre III du code des juridictions financières relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière. De fait, les compétences de la Cour ont plutôt été définies dans le cadre du contrôle des irrégularités commises dans la gestion de services administratifs.
L'ajout fait par l'Assemblée nationale est donc important. On observera cependant qu'il n'est pas rétroactif et qu'il ne pourra donc être utilisé pour sanctionner la gestion des dirigeants impliqués dans les pertes du Crédit Lyonnais ou du Comptoir des entrepreneurs (au-delà naturellement des procédures civiles ou pénales actuellement en cours).
L'amende encourue est celle qui est prévue à l'article L. 313-1 du code des juridictions financières, soit au minimum 1000 francs et au maximum le montant annuel du traitement ou salaire brut de la personne au moment où les faits ont été commis.
Il est prévu de faire entrer l'amende dans le patrimoine de la personne morale concernée par la faute de gestion.
II - LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Si votre commission était hostile au dispositif proposé par l'Assemblée nationale à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1995, elle se rallie aujourd'hui au principe posé par le présent article. Elle considère en effet indispensable de mettre fin à l'irresponsabilité des dirigeants d'entreprises publiques, celle-ci ayant conduit à trop d'événements malheureux.
Votre commission estime néanmoins que la mise en place de cette responsabilité des dirigeants ne doit pas masquer la responsabilité du pouvoir politique qui reste première et essentielle, y compris dans la gestion des entreprises publiques. La sauvegarde du patrimoine national et des intérêts de l'État incombe avant tout au gouvernement et, à l'intérieur de celui-ci, plus particulièrement aux ministres chargés de la tutelle des différentes entreprises concernées. Il ne doit pas être question aujourd'hui de substituer une responsabilité ciblée à une irresponsabilité générale.
C'est pourquoi, en accord avec le principe posé par cet article, votre commission souhaiterait néanmoins en améliorer le dispositif afin de le rendre plus opérant.
La rédaction qu'elle propose effectue les modifications suivantes :
les personnes susceptibles d'être sanctionnées sont non seulement les dirigeants des entreprises publiques sous forme de sociétés mais également les dirigeants des établissements publics exerçant une activité à caractère industriel et commercial,
- la notion de « faute de gestion » est précisée : il s'agit « d'agissements manifestement incompatibles avec les intérêts » de l'organisme concerné, « de carences graves dans les contrôles qui incombaient » aux dirigeants, « d'omissions ou négligences répétées dans le rôle de direction » des personnes visées,
- les « pertes significatives au regard des fonds propres de l'entreprise » sont remplacées par la notion de « préjudice grave causé à l'organisme » ; en effet, les établissements publics n'ayant pas de fonds propres, il était difficile de conserver en l'état la rédaction de l'Assemblée nationale.
On observera que cette nouvelle infraction sera applicable aux dirigeants d'entreprises publiques, tant sous forme de sociétés que d'établissements publics et, dans ce dernier cas, d'établissements nationaux et locaux.
La définition précise de la "faute gestion" sanctionnable que propose votre commission permet d'en encadrer strictement le dispositif et donc de lever les inquiétudes éventuelles et légitimes des nombreux dirigeants d'établissements publics locaux.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
EXAMEN EN COMMISSION
Audition de M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances
Mercredi 18 octobre 1995
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances, a d'abord rappelé que le deuxième plan de redressement du Crédit Lyonnais avait été adopté le 17 mars 1995, avant l'arrivée du nouveau Gouvernement. Il a donc précisé que sa première mission avait été de poursuivre la négociation sur ce plan avec la commission de Bruxelles qui avait abouti à son acceptation le 26 juillet 1995. Parallèlement, le secrétaire d'État aux finances a indiqué qu'il avait mené une concertation étroite avec les commissions des finances des deux Assemblées pour parvenir au meilleur texte de projet de loi possible sur ce sujet.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances, a alors indiqué que le projet de loi avant deux objets principaux : assurer une base juridique à l'engagement de l'État dans les plans de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs et doter l'État des moyens adéquats pour un contrôle permanent de la mise en oeuvre des plans de redressement. À cet égard, le secrétaire d'État a précisé que le Gouvernement avait choisi la formule de l'établissement public, plus adaptée aux opérations de cantonnement que la société en nom collectif.
S'agissant du contrôle, M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances, a estimé important que l'État puisse s'assurer de la qualité de la gestion des actifs cantonnés, de la pertinence des arbitrages effectués entre cession et portage des actifs et du respect des règles déontologiques.
Puis, M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances, a insisté sur l'intervention du Parlement dans le contrôle des plans de redressement. Il a indiqué que cette intervention se faisait de deux manières différentes : par la limitation de l'engagement de l'État aux plans de redressement et par le contrôle du fonctionnement des structures mises en place, grâce à la présence de deux parlementaires aux conseils d'administrations des établissements publics de défaisance.
Le secrétaire d'État aux finances a indiqué que le vote du projet de loi serait la dernière étape dans la mise en oeuvre des restructurations financières, puisque deux personnalités indépendantes avaient déjà été nommées à la tête des structures de cantonnement.
Évoquant ensuite les amendements adoptés par l'assemblée nationale, M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances, a indiqué que la plupart étaient rédactionnels ou de précision et destinés à mieux encadrer le dispositif. Il a ajouté que le Gouvernement était favorable à l'amendement proposé par M. de Courson créant une responsabilité plus grande pour les dirigeants des entreprises publiques.
S'agissant du coût des plans de redressement pour les finances publiques, M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances, a rappelé que plusieurs solutions avaient été envisagées : la liquidation qui aurait eu un coût social et un coût systémique supérieurs à 100 milliards de francs, la recapitalisation immédiate qui aurait coûté environ 50 milliards de francs à l'État, et la définition d'un plan de restructuration pour limiter au maximum l'exposition des finances publiques et faire participer le Crédit Lyonnais à son propre plan de redressement.
Le secrétaire d'État aux finances a indiqué que le Gouvernement avait choisi cette troisième solution et avait, à ce jour, versé 7,5 milliards de francs au Crédit Lyonnais. Le coût total du plan pour l'État est encore difficile à évaluer mais ne devrait en tout état de cause pas dépasser 45 à 50 milliards de francs.
Puis, M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances, a souligné que le grief des distorsions de concurrence liées à ce plan de redressement avait été longuement examiné et tranché par la commission de Bruxelles. Il a ajouté que seules des banques concurrentes françaises étaient intervenues auprès de la commission. Il a rappelé que l'approbation de Bruxelles avait été accordée en contrepartie de la cession par le Crédit Lyonnais de 35 % de ses actifs bancaires avant le 31 décembre 1998.
En conclusion, M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances, a indiqué quelles étaient les conséquences à tirer de cette situation. Il a constaté la responsabilité du politique, du fait de ses liens avec les dirigeants des entreprises concernées, et évoqué les responsabilités civiles ou pénales de certains dirigeants, précisant que le Gouvernement ne ferait preuve d'aucune mansuétude à leur égard. Il a enfin reconnu les défauts de fonctionnement du système et la difficulté pour l'État d'être un bon actionnaire.
En dernier lieu, il a estimé que le moment était venu de réfléchir à une réforme de la loi bancaire de 1984 et aux moyens d'améliorer le fonctionnement du système bancaire et financier français.
M. Alain Lambert, rapporteur général, s'est félicité de la volonté de transparence et de vérité du secrétaire d'État et de la concertation menée entre ses services et ceux de la commission des finances. Il a estimé important que les responsabilités soient recherchées. Il a ensuite évoqué la volonté de la commission des finances de mener prochainement une réflexion sur la situation du système bancaire et financier. Il a considéré que le Gouvernement devrait être vigilant pour éviter que le Crédit Lyonnais profite à l'excès de l'avantage indirect dont il va bénéficier à travers le plan de redressement. Enfin, il s'est interrogé sur l'éventualité d'autres risques pour l'État actionnaire dans le secteur financier et sur l'impact du projet de loi à l'égard de la privatisation des AGF.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances, a indiqué que les travaux de la commission des finances sur une réforme du système bancaire seraient les bienvenus. Il a estimé qu'il y avait trois thèmes à approfondir : la modification de la réglementation et des règles prudentielles, la modification du rôle de l'État actionnaire et la définition de nouvelles perspectives en matière de concurrence. Il a ajouté que sur cette dernière question, particulièrement difficile bien que vitale, une réflexion sereine et globale était nécessaire.
Revenant sur le risque de distorsion de concurrence entre le Crédit Lyonnais et les autres grands établissements de la place, le secrétaire d'État aux finances a assuré le rapporteur général qu'une lettre de mission serait envoyée à la direction du Crédit Lyonnais pour qu'aucune concurrence déloyale ne puisse être engagée.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances, a indiqué qu'après l'adoption du projet de loi, la privatisation des AGF pourrait avoir lieu, en fonction de la situation boursière, dès lors que le règlement des problèmes du Comptoir des entrepreneurs serait assuré. Il a estimé que l'État pouvait attendre une dizaine de milliards de francs de cette privatisation.
Puis, le secrétaire d'État aux finances a reconnu que la situation du secteur financier public n'était pas excellente, précisant que la Société marseillaise de crédit bénéficierait prochainement d'une recapitalisation de 1 milliard de francs et que le Crédit foncier de France, qui perdait la distribution des prêts d'accession à la propriété (PAP), pourrait néanmoins bénéficier d'un accord de partenariat avec La Poste pour la distribution des prêts à taux 0. Enfin, la question de l'avenir des institutions financières spécialisées devrait être envisagée au sein de la réflexion d'ensemble sur le système financier.
M. Philippe Marini a indiqué que le Crédit Lyonnais avait aujourd'hui un fonds de commerce à défendre et à faire fructifier dans l'intérêt de l'État. Il a estimé que l'aspect le plus important était d'ordre patrimonial car il fallait que le Crédit Lyonnais se trouve rapidement dans la meilleure situation possible pour une privatisation dans de bonnes conditions. Il a ajouté que l'aspect économique du plan de redressement était plus important que l'aspect budgétaire car il y avait de nombreux facteurs d'incertitude comme, par exemple, le niveau des taux d'intérêt.
S'agissant du Comptoir des entrepreneurs, M. Philippe Marini a rappelé qu'il était indispensable d'assumer l'héritage mais il a estimé qu'il fallait aujourd'hui définir la vocation de cet établissement et trouver sa place dans le système financier français.
Enfin, M. Philippe Marini a considéré qu'une véritable remise en cause du paysage financier français était aujourd'hui nécessaire pour préparer l'avenir.
M. Paul Loridant s'est interrogé sur la cohérence de l'action de l'État dans la résolution des problèmes du système bancaire puisque, par exemple, il avait choisi d'intervenir en faveur de la Compagnie du bâtiment et des travaux publics et non pour la Banque Pallas-Stern. Il a ensuite voulu savoir si le taux de l'emprunt de l'établissement public auprès du Crédit Lyonnais ne représentait pas une subvention d'exploitation pour le Crédit Lyonnais. Enfin, il s'est demandé qui aurait la charge du processus de cession des actifs afin de savoir comment les arbitrages entre cession et portage seraient effectués.
M. René Trégouët s'est interrogé sur l'intérêt d'avoir choisi de redresser le Crédit Lyonnais avant de réformer le système bancaire dans son ensemble. Il a également souhaité savoir quelle avait été la position de la commission de Bruxelles face à ses différents interlocuteurs français.
M. Yann Gaillard a regretté l'absence d'instructions dont disposent généralement les administrateurs représentant l'État auprès des entreprises publiques.
M. Alain Richard a considéré qu'une opération de défaisance de cette ampleur était sans précédent et donc, par nature, soumise à d'importants aléas. Il a estimé que le choix de l'établissement public était une bonne solution juridique et qu'il était sage de ne pas plafonner la garantie de l'État. Il a enfin souhaité savoir ce qu'il adviendrait de la clause de retour à meilleure fortune au moment de la privatisation du Crédit Lyonnais.
En réponse à ces différents intervenants, M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances, a estimé que le Comptoir des entrepreneurs pourrait jouer le rôle d'un établissement hypothécaire auprès des AGF puisque le choix a été fait de l'adosser à cette grande compagnie d'assurance publique. Il a estimé que la réflexion globale sur le système bancaire et financier devait être conduite de façon à permettre une meilleure lisibilité des évolutions et à prendre du recul par rapport aux appréciations corporatistes qui apparaissent aujourd'hui.
Puis, le secrétaire d'État aux finances a souligné que, pour la première fois, le Parlement avait à se prononcer sur une opération de restructuration du secteur public. Il a rappelé qu'il s'agissait d'un choix explicite du Gouvernement qui souhaitait agir dans la plus grande transparence vis-à-vis de la représentation nationale.
Évoquant le prêt de 145 milliards de francs à l'établissement public EPBI, Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances, a indiqué qu'il permettait à l'établissement public de se financer à un coût moins cher que celui du marché et qu'il s'agissait donc d'un avantage consenti à l'établissement public et non au Crédit Lyonnais. Il a précisé que le consortium de réalisation qui regroupait les actifs cantonnés du Crédit Lyonnais restait, pour l'instant, une filiale du Crédit Lyonnais, mais, que pour sa gestion, il était totalement distinct du Crédit Lyonnais. Il a indiqué que les instructions qui lui étaient données étaient de procéder le plus rapidement possible aux cessions des actifs afin d'en diminuer le coût de portage, mais de le faire à bon escient, sous le contrôle du Parlement et du Gouvernement.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances, a regretté que les questions de concurrence franco-françaises aient été examinées par la commission de Bruxelles plutôt que par un outil de régulation interne.
Puis, le secrétaire d'État aux finances a pris l'engagement que la clause de retour à meilleure fortune serait évaluée à son prix de marché au moment où interviendrait la privatisation du Crédit Lyonnais puisqu'il s'agissait d'un droit patrimonial de l'État et qu'il était de l'intérêt du contribuable d'en tirer le maximum pour compenser le coût budgétaire du plan de redressement.
Enfin, il a rappelé que l'État avait intérêt à ce que le Crédit Lyonnais se remette rapidement au travail et gagne de l'argent pour autoriser sa privatisation qui est la seule réponse aux ambiguïtés de l'État actionnaire.
Examen du rapport
Jeudi 26 octobre 1995
M. Alain Lambert, rapporteur général, a d'abord présenté les grandes lignes du projet de loi. Il s'est félicité que le gouvernement ait décidé de déposer un projet de loi pour soumettre au Parlement l'approbation des engagements financiers de l'État dans les plans de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des Entrepreneurs. Il a indiqué que ce projet avait deux objets principaux : donner une base légale à l'intervention de l'État et instaurer un mécanisme de contrôle du soutien financier de l'État.
Il a souligné que le support juridique choisi pour l'intervention de l'État était la formule de l'établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre de l'économie. Il a précisé que deux établissements publics étaient créés par le projet de loi pour gérer le soutien financier accordé par l'État aux structures de cantonnement regroupant les actifs "compromis", d'une part, du Crédit Lyonnais et, d'autre part, du Comptoir des Entrepreneurs. Il a ajouté que la formule de l'établissement public permettait d'accorder implicitement une garantie illimitée de l'État aux pertes de ces établissements.
S'agissant du contrôle, il a précisé que le projet de loi organisait un nouveau mécanisme pour le contrôle de la gestion des structures de cantonnement. En outre, le texte du gouvernement fait participer les parlementaires au contrôle des structures mises en place pour le redressement de ces deux banques en prévoyant la présence d'un député et d'un sénateur dans le conseil d'administration des deux établissements publics.
Puis M. Alain Lambert, rapporteur général, a rappelé qu'au-delà de la crise de l'immobilier qui a frappé l'ensemble du système financier français, les dysfonctionnements de l'État actionnaire et les carences de l'État tuteur avaient été en grande partie à l'origine de la déroute financière du Crédit Lyonnais et du Comptoir des Entrepreneurs. Il a souligné les paradoxes du sauvetage par l'État d'une entreprise entièrement privée comme le Comptoir des Entrepreneurs, rappelant que cette intervention était justifiée par le pouvoir de l'État de nommer ses dirigeants. Il a ajouté que le coût final pour l'État de cette restructuration serait de l'ordre de 10 milliards de francs.
S'agissant du Crédit Lyonnais, il a estimé que les dysfonctionnements étaient mieux connus : la difficulté du contrôle par l'État d'un établissement bancaire de cette dimension, la solitude des dirigeants, et la connivence entre ces dirigeants et les responsables politiques.
M. Alain Lambert, rapporteur général, a alors indiqué que la commission devrait rester vigilante sur l'évolution des autres entreprises du secteur public, notamment financier, puisqu'il n'était pas exclu que d'autres entreprises connaissent de pareilles difficultés. C'est pourquoi il a souligné l'importance d'obtenir du gouvernement les trois rapports sur la situation des entreprises publiques demandés par les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Par ailleurs, il a proposé que le gouvernement adresse désormais systématiquement une lettre de mission détaillée aux présidents qu'il nommera à la tête des entreprises publiques. Il a estimé indispensable que l'État actionnaire donne des orientations claires sur la manière dont il souhaite que ses entreprises soient gérées.
Enfin rappelant que les montages financiers retenus pour sauver le Crédit Lyonnais et le Comptoir des Entrepreneurs avaient été en grande partie dictés par la situation budgétaire, puisqu'il était Par exemple difficile d'envisager une recapitalisation immédiate du Crédit Lyonnais à hauteur de 40 ou 50 milliards de francs, il a souligné l'impossibilité de facto pour le Parlement de modifier les plans de redressement.
Toutefois, le rapporteur général a indiqué qu'il avait procédé à un examen détaillé de l'équilibre de ces plans et qu'il lui était apparu qu'ils étaient assez optimistes. Ainsi, il a souligné que la réussite du plan du Crédit Lyonnais était soumise à d'importants aléas, au premier rang desquels le niveau des taux d'intérêt. Évoquant ensuite le Comptoir des Entrepreneurs, il a indiqué que la question de son positionnement stratégique restait entière malgré son adossement au groupe des Assurances générales de France (AGF).
En conclusion, M. Alain Lambert, rapporteur général, a indiqué que si le projet de loi ne réglait pas tous les problèmes, il permettait néanmoins de mettre en place les moyens du redressement. Il a souhaité que ce texte soit le signe pour chacun des deux établissements que la crise subie est en voie d'achèvement afin que le personnel puisse poursuivre son travail dans une atmosphère plus apaisée.
À l'issue de cette présentation générale, M. François Trucy a regretté que la complexité des plans occulte leur coût, puis s'est interrogé sur les risques de distorsion de concurrence que peut susciter une telle aide de l'État. Il a souhaité connaître l'impact de la privatisation du Crédit Lyonnais sur le déroulement du plan, et il a estimé indispensable de sanctionner les dirigeants responsables de tels désastres financiers.
M. Roland du Luart s'est interrogé sur l'opportunité d'assurer le redressement du Crédit Lyonnais, compte tenu de l'ampleur des pertes accumulées par cet établissement bancaire.
M. Emmanuel Hamel s'est inquiété de la situation financière des autres entreprises publiques.
M. Christian Poncelet, président, a souhaité savoir si la responsabilité des parlementaires membres des conseils d'administration des sociétés de cantonnement pourrait être mise en cause au cas où ces entreprises connaîtraient des difficultés imprévues. Il a en outre demandé des précisions sur la participation des AGF au plan de sauvetage du Comptoir des Entrepreneurs, et sur les conséquences du plan social adopté par le Crédit Lyonnais.
En réponse, M. Alain Lambert, rapporteur général, a tout d'abord précisé que les parlementaires seraient membres du conseil d'administration des établissements publics créés par le projet de loi et non des sociétés de cantonnement elles-mêmes, situation qui leur évite toute implication dans la gestion active des actifs cantonnés.
Il a en outre indiqué que les AGF assument une partie des pertes du Comptoir des Entrepreneurs, ce qui d'ailleurs retarde la privatisation de la compagnie d'assurance. S'agissant du plan social mis en oeuvre par le Crédit Lyonnais, M. Alain Lambert, rapporteur général, a fait valoir qu'il est indispensable pour restaurer la rentabilité de cette banque, prélude indispensable à une privatisation. Il a en outre estimé que les modalités du plan de sauvetage respecte un certain équilibre et ne suscite donc pas de distorsion de concurrence.
Puis, M. Alain Lambert, rapporteur général a précisé que l'État a déjà déboursé 7,5 milliards de francs sous forme de dotation en capital dans le cadre du plan de sauvetage du Crédit Lyonnais, mais que le coût total de l'opération reste aujourd'hui incertain. En revanche, pour le Comptoir des Entrepreneurs, l'engagement de l'État peut être évalué à 10 milliards de francs.
Il a alors rappelé qu'au-delà du risque systémique suscité par une telle opération, une liquidation du Crédit Lyonnais aurait eu un coût compris entre 100 et 150 milliards de francs, et qu'une telle perspective était donc inenvisageable. En revanche, il a reconnu que s'agissant du Comptoir des Entrepreneurs, la question pouvait se poser, la place de cet établissement dans le paysage financier français n'apparaissant plus très clairement.
Enfin, M. Alain Lambert a rappelé que des poursuites avaient été engagées à l'encontre des anciens dirigeants des entreprises concernées, et qu'il appartenait désormais à la justice de se prononcer.
M. Christian Poncelet, président, a souhaité que la mise en cause des dirigeants ne conduise pas à occulter les responsabilités politiques.
M. Alain Lambert, rapporteur général, a reconnu qu'il s'agissait d'une question essentielle. Il a considéré que l'État n'avait pas à être présent dans le secteur concurrentiel, mais qu'il devait aussi impérativement fixer la mission et les moyens assignés à ces entreprises du secteur non concurrentiel, afin de dissocier clairement ce qui relève de la responsabilité politique.
M. Roland du Luart s'est déclaré favorable au principe d'une lettre de mission remise aux dirigeants d'entreprises publiques.
M. Alain Richard a quant à lui estimé que le débat sur la place de l'État dans le secteur concurrentiel restait ouvert, et rappelé que certaines entreprises récemment privatisées avaient pleinement tiré parti de leur passage dans le secteur public. Il a fait valoir que les relations entre l'État et les entreprises faisaient intervenir le politique et le dirigeant, mais aussi une administration de tutelle qui n'avait pas joué son rôle en matière de contrôle de gestion.
Puis la commission a procédé à l'examen des articles du projet de loi. Elle a adopté sans modification les articles 1 (création de l'établissement public de financement et de restructuration) et 2 (mission de l'Établissement public).
Elle a adopté l'article 3 (limitation de la capacité d'endettement consolidé de l'établissement public), après avoir voté un amendement rédactionnel présenté par M. Alain Lambert, rapporteur général.
Puis la commission a adopté sans modification : l'article 3 bis (provisionnement du coupon zéro souscrit par l'établissement public), article 4 (conseil d'administration de l'établissement public), l'article 5 (modalités d'application du titre premier), l'article 6 (création de l'établissement public de réalisation et de défaisance), l'article 7 (mission de l'établissement public), l'article 8 (conseil d'administration de l'établissement public), l'article 9 (plafonnement du prêt accordé à l'établissement public), l'article 10 (prise en charge des dépenses du Crédit Foncier de France), et l'article 11 (modalités d'application du titre II).
À l'article 12 (contrôle des sociétés de cantonnement), la commission a examiné un amendement de M. Alain Lambert, rapporteur général, tendant d'une part, à donner un caractère contradictoire au rapport élaboré à l'issue du contrôle, et d'autre part, à préciser que ce rapport doit être adressé à la société de cantonnement concernée et au conseil d'administration de l'établissement public accordant sa garantie.
M. Christian Poncelet, président, a estimé indispensable que les parlementaires membres de ces conseils d'administration disposent de l'ensemble des informations nécessaires à l'exercice de leur responsabilité.
La commission a alors adopté cet amendement, puis l'article 12 ainsi modifié.
Elle a ensuite adopté sans modification l'article 13 (agrément des mandataires sociaux des sociétés de cantonnement), l'article 14 (modalité d'application du titre III), et l'article 15 (maintien de la composition du conseil d'administration du Crédit Lyonnais).
Après l'article 15, la commission a examiné un amendement portant article additionnel, présenté par M. Alain Lambert, rapporteur général, et tendant à aménager la loi relative aux modalités des privatisations.
M. Alain Lambert, rapporteur général, a fait valoir que cette proposition tenait compte du fait qu'à l'avenir, une partie des titres AGF et Crédit Lyonnais de l'État serait en réalité porté par les établissements publics. Il a donc souhaité prévoir dès maintenant que ces actions ouvriront droit aux divers avantages susceptibles d'être accordés aux personnes physiques et aux salariés à l'occasion d'une privatisation.
M. Alain Richard s'est déclaré hostile à cet amendement, considérant qu'il fallait dissocier le sauvetage du Crédit Lyonnais et la perspective de sa privatisation.
La commission a alors adopté cet amendement portant article additionnel.
Elle a ensuite adopté sans modification l'article 16 (validation des actes et des engagements pris dans le cadre des plans de redressement du Crédit Lyonnais).
Elle a adopté l'article 17 (validation des actes et des engagements pris dans le cadre des plans de redressement du Comptoir des Entrepreneurs) modifié par un amendement rédactionnel, puis l'article 18 (exemptions fiscales et régime fiscal particulier de l'EPFR) sans modification.
À l'article 19 (responsabilité financière des dirigeants d'entreprise publique), la commission a examiné un amendement de M. Alain Lambert, rapporteur général, tendant à préciser la notion de "faute de gestion" et à supprimer une référence aux "fonds propres" inapplicable dans le cas des établissements publics.
M. Christian Poncelet, président, s'est interrogé sur les modalités de saisine de la cour de discipline budgétaire et sur les cas d'application de cette procédure.
M. Alain Richard s'est étonné des dispositions de l'article 19, en rappelant que le code des juridictions financières prévoyait déjà des possibilités de sanction et que les tribunaux de l'ordre judiciaire étaient compétents pour apprécier la responsabilité des dirigeants de société.
Tout en admettant qu'il était délicat de légiférer en ce domaine, M. Alain Lambert, rapporteur général, a constaté que le code des juridictions financières ne sanctionnait que les cas de non application de la loi ou d'attribution d'avantages injustifiés. Il a en outre relevé que les cas de saisine de la cour des juridictions financières restaient extrêmement rares.
La commission a alors adopté l'amendement, puis l'article 19 ainsi modifié.
À l'issue de cet examen, M. Alain Richard a rappelé que s'il approuvait le plan de sauvetage du Crédit Lyonnais, il refusait en revanche l'approche politique générale qui soustendait le projet de loi, et il a donc fait part de son abstention lors du vote d'ensemble.
La commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.
ANNEXE - LISTE DES AUDITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR
- M. Colli, président du Crédit foncier de France
- MM. Freyche, Cahart et Rechter, Association française des banques
- M. Gisserot, chef de service de l'Inspection générale des finances
- M. Jeancourt-Galignani, président des AGF
- M. Lebhar, président du Comptoir des entrepreneurs
- M. Pébereau, président de la BNP
- M. Peyrelevade, président du Crédit Lyonnais
- MM. Rouger et Lemasson, président et directeur général du Consortium de Réalisation
* 1 Rapport d'information n° 591 (1993-1994) de MM. Jean Arthuis, Claude Belot et Philippe Marini sur les conditions d'exercice par l'État de ses responsabilités d'actionnaire.
* (2) En avril 1995. le taux des OAT à 10 ans émises par le Gouvernement français était de 7,79 % ce qui donnait effectivement la somme capitalisée de 44,91 milliards de francs, en supposant que le prêt ait été mis en place immédiatement. Au moment de l'examen du projet de loi par le Sénat, le taux des OAT à 10 ans émises par le Trésor français est descendu à 7,25 % , ce qui ne donnerait plus qu'un rendement de 38,26 milliards de francs, en supposant que le plan soit mis en place début novembre 1995 et que l'échéance de décembre 2014 soit inchangée. Il faudrait donc, pour que le rendement final du coupon zéro soit de 45 milliards, que le montant de l'obligation soit porté à 11,76 milliards de francs, contre 10 dans le plan initial.
* (3) Après les pertes enregistrées en 1992 (1 milliard de francs), il est très vite apparu que les moyens d'urgence traditionnels mis en oeuvre (soutien de la place financière de 6 milliards de francs au titre de l'article 52 de la loi bancaire) ne suffisaient pas. Malgré la garantie de l'État, les 5,5 milliards d'obligations émises entre juillet et septembre 1993 ne se placèrent qu'avec difficulté, ce qui démontrait l'extrême défiance des marchés vis-à-vis de l'établissement.
* (4) La récapitalisation intervient sur le numérateur du ratio de solvabilité (fonds propres), le cantonnement sur le dénominateur (engagements).
* (5) Rapport d'information n° 591 (1993-1994) de MM. Jean Arthuis, Claude Belot et Philippe Marini sur les conditions d'exercice par l'État de ses responsabilités d'actionnaire.
* (1) I.'article L. 114-4 du code des juridictions financières prévoit que "la Cour des Comptes assure la vérification des comptes et de la gestion des entreprises publiques". Ce contrôle intervient sur les comptes clos et donc, par définition, a posteriori.
* (1) La complexité des structures du groupe Crédit Lyonnais et de certaines de ses filiales, ajoutée à la complexité des opérations traitées explique, en partie, les défaillances, tant des contrôles internes du Crédit Lyonnais que des mécanismes de contrôle externe.
* (1) À ce jour, la SPBI détient déjà une participation de 8,67 % dans le capital du Crédit Lyonnais, résultant de l'augmentation de capital réalisée en juillet 1994.
* (1) Proposition de loi n° 2007 relative à la mise en oeuvre du plan de redressement du Crédit Lyonnais.
* (1) Le Crédit Lyonnais et les AGF figurent dans la liste des entreprises privatisables annexée à la loi de privatisation du 19 juillet 1993.