III. LES DEUX CONVENTIONS ALIGNENT, AVEC QUELQUES AMÉNAGEMENTS, LES CONDITIONS DE CIRCULATION ET D'ÉTABLISSEMENT SUR LE PRINCIPE DU DROIT COMMUN FRANÇAIS

A. LA CONVENTION RELATIVE À LA CIRCULATION : UN DISPOSITIF PLUS RIGOUREUX INSPIRÉ PAR LE SOUCI DE MIEUX CONTRÔLER LES FLUX MIGRATOIRES EN FRANCE

La circulation des personnes entre la France et le Mali avait d'abord été régie par un accord du 8 mars 1963 auquel s'est substituée une convention en date du 11 février 1977. La convention signée le 26 septembre 1994 remplace ce dernier texte. Elle institue une obligation commune pour toute personne désirant se rendre sur le territoire de l'autre partie, puis distingue des conditions particulières selon que le séjour excède ou non trois mois.

1. L'obligation d'un passeport revêtu d'un visa

La convention du 11 février 1977 avait substitué, pour les Français désireux de se rendre au Mali et les Maliens souhaitant aller dans notre pays, l'obligation d'un passeport en cours de validité à la simple carte d'identité prévue par le texte du 8 mars 1963.

Aux termes de la présente convention, le passeport est " revêtu du visa requis par la législation d'accueil " (art. 1er).

Cette stipulation ne prescrit pas, à proprement parler, l'exigence du visa, qu'il appartient aux seules législations nationales d'édicter. Elle pose seulement le cadre d'une acceptation réciproque à l'obligation du visa.

Le principe d'une reconnaissance bilatérale de l'obligation du visa importait à la France pour deux raisons.

D'une part, le gouvernement français avait, le 16 septembre 1986, suspendu avec certains pays, parmi lesquels le Mali, ses engagements portant dispense de visa (J.O. du 18 octobre 1986, p. 12604). Cette suspension se voit pérennisée et confortée sur une base bilatérale.

D'autre part, la rédaction de la convention avec le Mali prend en compte les obligations contractées par la France au titre de la convention d'application des accords de Schengen . Ce texte, dans son article 5-1, uniformise les conditions d'entrée sur les territoires des Etats membres de l' "espace Schengen" pour les séjours de moins de trois mois et subordonne l'accès des ressortissants des pays tiers à la possession d'un document valable permettant de franchir la frontière ainsi qu'à la délivrance d'un visa si celui-ci est requis.

Par ailleurs, s'agissant du visa, l'article 10 de la convention d'application prévoit qu'il sera uniforme et valable sur "le territoire de l'ensemble des parties contractantes". Celles-ci devaient s'accorder sur les pays tiers soumis à l'obligation de visa. Une liste commune a pu être établie ; le Mali figure sur ce document.

2. Les séjours n'excédant pas trois mois

Pour un séjour inférieur à trois mois, les ressortissants de l'une des parties à l'entrée sur le territoire de l'autre partie doivent satisfaire à deux obligations supplémentaires (art. 2).

- la production des documents justifiant de l'objet et des conditions de séjour envisagé ;

- la nécessité de disposer de moyens financiers suffisants . Ceux-ci sont appréciés au regard de deux critères : la capacité d'assurer sa subsistance pendant la durée du séjour (la référence retenue est le SMIC), la possibilité de rentrer dans le pays d'origine ou de transiter vers un Etat tiers dans lequel l'admission est garantie. Seule cette dernière condition, sous la forme d'une "garantie de rapatriement", était prévue par le texte de 1977.

Ces stipulations s'inspirent de la convention d'application des accords de Schengen qui prévoit pour les tiers désireux de se rendre sur le territoire de l'un des Etats de l'espace de Schengen la capacité de présenter, si nécessaire, les documents justifiant de l'objet et des conditions de séjour et des moyens de subsistance suffisants (art. 5-1).

Ces deux obligations, dans le cadre de l'accord avec le Mali, appellent une double observation.

En premier lieu, elles sont l'objet d'un contrôle renforcé : en effet, les documents doivent être produits au moment de la délivrance du visa, puis une seconde fois au contrôle aux frontières.

En second lieu, ces deux exigences, traditionnellement, ne s'imposent pas pour les membres du gouvernement, les parlementaires, les diplomates et les membres de leur famille, les fonctionnaires porteurs d'un ordre de mission de leur gouvernement. Il en est de même, en vertu des conventions internationales, pour les équipages de navire et les aéronefs (art. 3).

3. Séjour supérieur à trois mois

a) L'obligation d'un titre de séjour (art. 10 et 11)

L'obligation d'un titre de séjour pour tout séjour d'une durée supérieure à trois mois avait été instituée par la convention de 1977.

L'ordonnance du 2 novembre 1945 , relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, telle qu'elle a été modifiée par la loi du 17 juillet 1984 , distingue les titres de séjour temporaires , valables un an et renouvelables, de la carte de résident de dix ans attribuée aux étrangers en situation régulière établis en France depuis au moins trois ans.

La présente convention reprend cette distinction. Elle conserve l'obligation d'un titre de séjour pour tout séjour excédant trois mois (art. 10) et institue, après trois années de "résidence régulière et non interrompue", un titre de séjour de dix ans renouvelable de plein droit (art. 11).

La carte de résident est accordée par le préfet compte tenu notamment des moyens d'existence de l'intéressé.

Un étranger peut cependant obtenir, sans condition de résidence préalable en France, une carte de résident s'il ne menace par l'ordre public et s'il appartient à l'une des catégories de personnes visées par l'article 15 de l'ordonnance de 1945 modifié par la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers (conjoints de Français mariés depuis plus d'un an et justifiant d'une communauté de vie effective -ce qui exclut les mariages de complaisance-, et d'une entrée et d'un séjour réguliers, parents d'enfants français justifiant d'une entrée et d'un séjour réguliers ...).

L'obtention d'un titre de séjour nécessaire pour un séjour supérieur à trois mois est elle-même conditionnée à deux types de conditions :

- un visa de long séjour (qui atteste la régularité de l'entrée sur le territoire) -art. 4;

- des justificatifs particuliers selon l'objet du séjour envisagé.

b) Conditions particulières pour les étrangers exerçant une activité professionnelle

- activité professionnelle salariée (art. 5)

Dans cette hypothèse, les étrangers désireux de s'installer sur le territoire de l'autre partie doivent obtenir, d'une part, un certificat médical délivré par le consulat après examen devant un médecin agréé, et d'autre part, un contrat de travail visé par le ministère du travail de l'Etat d'accueil. Cette condition figurait dans la convention de 1977.

Aux termes de l'article L. 341-2 et suivants du code du travail, le visa est délivré par le délégué départemental du travail et de l'emploi du département concerné, après un examen précis de la situation de l'emploi dans la zone géographique où le demandeur souhaite travailler.

- Activité professionnelle non salariée (art. 6)

Elle est soumise à l'autorisation préalable de l'Etat d'accueil. L'article transcrit ainsi en termes contractuels la possibilité que l'article 7 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 avait prévue, dans le cadre de "règlement d'administration publique", de soumettre à autorisation l'exercice par les étrangers d'une activité professionnelle non salariée.

c) Séjour sans exercice d'activité lucrative (art. 7)

Dans ce cas l'étranger, comme le prévoyait déjà la convention de 1977, doit pouvoir justifier de la " possession de moyens d'existence suffisants " vérifiés au cours de l'enquête menée par la préfecture du domicile où le demandeur a manifesté l'intention de résider. En pratique la notion de "moyens suffisants" suppose des ressources équivalant au SMIC ainsi qu'une couverture sociale. Il s'agit d'empêcher de la sorte qu'une personne sans réels moyens ne tombe à la charge de l'assistance publique

d) Stipulations relatives au regroupement familial

L'entrée des membres de la famille du conjoint installé dans le territoire de l'autre partie est soumise à autorisation accordée dans le cadre de la législation intérieure. En France, la loi précitée du 24 août 1993 a conféré un fondement législatif au droit au regroupement familial, régi jusqu'alors par voie réglementaire (décret n° 76-383 du 29 avril 1976), mais l'a assorti de six conditions. Les quatre premières se rapportent à l'état de l'étranger installé en France :

- détenir un titre de séjour d'une validité égale ou supérieure à un an et séjourner régulièrement depuis deux ans au moins sur le territoire ;

- ne pas vivre en situation de polygamie en France (seuls peuvent rejoindre la personne séjournant en France, un des conjoints et les enfants du couple ainsi que les enfants dont la mère est décédée ou est déchue de son autorité parentale) ;

- disposer de ressources personnelles stables et suffisantes ;

- assurer à sa famille un logement conforme aux conditions tenues pour normales pour une famille comparable vivant en France.

Les deux dernières conditions se rapportent aux membres de la famille :

- ne pas constituer une menace pour l'ordre public ;

- ne pas résider en France en situation irrégulière.

Les bénéficiaires du regroupement familial reçoivent un titre de séjour de même nature que celui du chef de famille. Si celui-ci peut exercer une activité professionnelle salariée, il en sera de même, sous réserve de leur âge, des membres de la famille.

e) Conditions particulières aux étudiants (art. 9)

Les personnes désireuses de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur doivent justifier d'une attestation d'inscription dans un établissement d'enseignement supérieur ou d'une attestation de l'établissement où s'effectue le stage. Cette condition était déjà requise dans le cadre du texte de 1977.

Le titre de séjour délivré aux étudiants présente deux particularités :

- il porte la mention "étudiant" ;

- il est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études (un redoublement seulement est accepté), de la possession de moyens d'existence suffisants (pour les boursiers, le montant de la bourse, pour les non-boursiers, un montant au moins égal à 70% de l'allocation d'entretien accordée aux étudiants boursiers), et d'une couverture maladie.

A la différence des autres titres de séjour, celui-ci ne permet pas de demander une carte de résident .

Le bénéfice des stipulations de l'article 9 a été étendu, à la demande de la partie malienne, compte tenu des carences de l'enseignement technique dans ce pays, aux enseignements qui ne peuvent être considérés au sens strict comme supérieurs mais n'existent pas dans l'Etat d'origine.

Votre rapporteur sans méconnaître le bien-fondé des conditions exigées pour un séjour sur le territoire de l'autre partie s'interroge sur la possibilité réelle d'obtenir du pays d'accueil les justificatifs nécessaires et de les produire au moment de la demande du visa avant le départ . Multiplier les obstacles à l'entrée sur notre territoire n'est pas forcément le meilleur moyen de lutter contre l'immigration clandestine. Ces orientations rigoureuses adoptées sur une base bilatérale peuvent aussi compliquer les conditions de vie de nos ressortissants expatriés.

Page mise à jour le

Partager cette page