Rapport n° 201 (1965-1966) de M. Edouard BONNEFOUS , fait au nom de la commission des lois, déposé le 14 juin 1966

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N° 201

SÉNAT

SECONDE SESSION ORDINAIRE DE 1965-1966

Annexe au procès-verbal de la séance du 14 juin 1966.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale (1) : 1° sur les propositions de résolution : a) de M. Edouard BONNEFOUS tendant à modifier et à compléter les articles 18 et 42 du Règlement du Sénat en vue d'assurer une meilleure coordination entre les travaux du Sénat et ceux du Conseil économique et social ; b) de MM. Marcel PRÉLOT, Jean de BAGNEUX, Jean BERTHOIN, Roger BESSON, Jacques BORDENEUVE, Adolphe CHAUVIN, Georges COGNIOT, André CORNU, Charles DURAND, Jean FLEURY, Charles FRUH, François GIACOBBI, Louis GROS, Jacques HENRIET, Georges LAMOUSSE, Bernard LEMARIÉ, Henri LONGCHAM-BON, Pierre MÉTAYER, Claude MONT, Jean NOURY, Paul PAULY, Georges PORTMANN, Edgar TAILHADES, René TINANT et Maurice VÉRILLON tendant à insérer dans le Règlement du Sénat un article 21 bis (nouveau) relatif au délai imparti aux commissions d'enquête ou de contrôle pour mener à bien leurs travaux ; tendant à modifier les articles 54 et 60 du Règlement du Sénat,

Par M. Marcel PRÉLOT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Raymond Bonnefous, président ; Pierre de La Gontrie, Marcel Prélot, Marcel Champeix, vice-présidents ; Gabriel Montpied, Jean Sauvage, Modeste Zussy, secrétaires ; Paul Baratgin, Pierre Bourda, Robert Bruyneel, Robert Chevalier, Louis Courroy, Etienne Dailly, Jean Deguise, Emile Dubois, Michel Durafour, Fernand Esseul, Paul Favre, Pierre de Félice, Pierre Garet, Jean Geoffroy, Paul Guillard, Baudouin de Hauteclocque, Léon Jozeau-Marigné, Edouard Le Bellegou, Pierre Marcilhacy, Paul Massa, Marcel Molle, Lucien De Montigny, Louis Namy, Jean Nayrou, Camille Vallin, Fernand Verdeille, Robert Vignon, Joseph Voyant.

Mesdames, Messieurs,

Les modifications au règlement proposées dans le rapport ci-dessous n'ont entre elles aucun lien.

La première est la suite d'une proposition de résolution de M. Edouard Bonnefous.

La seconde est sollicitée par votre Rapporteur et les membres de la commission de contrôle chargée d'examiner les problèmes d'orientation et de sélection dans le service public de renseignement.

La troisième découle d'un incident de séance survenu le 13 décembre 1964.

Elles se trouvent réunies, car elles doivent être ici délibérées en la même forme et, ensuite, soumises également au Conseil Constitutionnel que la courtoisie nous interdit d'appeler à siéger trop souvent pour trop peu.

I - (Modification des articles 18 et 42.)

La Constitution du 5 octobre 1958 confère au Conseil économique et social une prérogative qui n'appartenait pas à ses prédécesseurs des III et IV e Républiques : celle de désigner un de ses membres pour exposer devant les assemblées parlementaires son avis sur les textes dont il a été saisi.

Cette disposition, du moins en ce qui concerne la séance publique, est demeurée lettre morte.

Il y a sans doute à cette paralysie d'un texte constitutionnel des raisons diverses dont l'étude approfondie nous entraînerait à un examen d'ensemble du problème de la représentation professionnelle dans un régime parlementaire.

Pour l'instant, nous n'avons à envisager qu'une révision réglementaire, seule voie à notre disposition directe. Quoique étroite, elle nous paraît cependant pouvoir être efficace.

Comme l'indique M. Edouard Bonnefous, une part certaine de la paralysie de l'article 69, alinéa 2, de la Constitution incombe « à la lourdeur et à la solennité du cérémonial prévu par l'article 42 de notre Règlement ».

On doit ajouter que celui-ci rend sans intérêt pour le Conseil économique une audition dont la procédure ne permet aucun contact entre l'orateur délégué et l'assemblée qui écoute une manière de message, mais ne peut bénéficier de commentaires et d'explications, au cours des débats.

Il convient donc d'adopter des dispositions plus réalistes qui, au surplus, cadrent pleinement avec les principes et les modalités de notre droit parlementaire.

Le porte-parole du Conseil économique serait entendu dans la forme usitée pour la présentation des rapports. Il interviendrait avant le rapporteur de la commission saisie au fond. Après son passage à la tribune, le porte-parole demeurerait dans l'hémicycle au banc de la commission. Lorsqu'un éclaircissement ou une précision sur le point de vue du Conseil serait nécessaire, le président de la commission demanderait au président de séance la parole pour le représentant du Conseil économique et social, comme un Ministre peut la demander pour un Commissaire du Gouvernement.

Il va de soi que le porte-parole du Conseil économique devra dans ses interventions se limiter à traduire l'avis du Conseil. Mais cet avis, il devra le donner complet, c'est-à-dire que, selon l'article 49 du Règlement intérieur du Conseil économique et social, il « devra notamment rendre compte des positions prises en séance (du Conseil économique et social) par les minorités sur l'ensemble du texte et sur ses dispositions principales ».

En ce qui concerne l'audition en commission, à côté de la consultation officieuse toujours possible, le nouvel alinéa inséré dans l'article 18 du règlement établit qu'au cas où le Conseil économique et social use de sa prérogative d'audition, il se trouve dans la même situation qu'un membre du Gouvernement qui peut toujours être entendu sur sa demande.

II- (Adjonction d'un article 21 bis nouveau.)

La deuxième modification du règlement vous est demandée par la commission de contrôle formée à la suite de la résolution votée le 21 avril 1966.

La commission a été constituée le 26 avril 1966. Elle doit, d'après l'ordonnance relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, terminer ses travaux dans les quatre mois, à compter de la date de l'adoption de la résolution qui l'a créée, c'est-à-dire le 21 août, ou, si l'on ne compte pas le dies a quo ni le dies ad quem, le 23 août.

Il apparaît qu'une telle solution ne correspond ni au bon fonctionnement de la commission de contrôle, ni au rôle qui revient à celle-ci dans notre droit constitutionnel.

On peut présumer que les rédacteurs de l'ordonnance -- qui n'ont au surplus rien précisé à cet égard -- n'ont pas tenu compte du régime nouveau des sessions, réduites à quatre-vingts et quatre-vingt-dix jours. Ils ne peuvent avoir délibérément voulu que les commissions de contrôle ou d'enquête ne disposent, en fait, de guère plus de la moitié du temps que la loi organique leur assure.

En effet, une commission de contrôle ne peut être constituée qu'à la suite du vote d'une résolution et de l'élection de ses membres. Il y a ainsi au départ une première amputation de la session ; d'autres interviennent à raison des nombreux jours où il n'est pas tenu séance. La session de printemps connaît pratiquement un chiffre important de jours non ouvrables : lundi de Pâques, 1 er mai, 8 mai, Ascension, lundi de Pentecôte, etc. La session d'automne n'a que quatre-vingts jours, avec, pour elle aussi, des jours chômés : Toussaint, Armistice.

Sans doute, les commissions peuvent se réunir pendant l'intersession qui suit leur création ; mais cette faculté valable pour l'intersession d'hiver est théorique pour celle d'été. La révision constitutionnelle du 30 décembre 1963 -- on s'en souvient -- a été, en grande partie, provoquée par la difficulté de travailler dans une ambiance de départ et d'absence atteignant l'ensemble de la vie nationale.

Même au cas où les Sénateurs estimeraient de leur devoir de siéger, malgré les inconvénients personnels qui en résulteraient pour eux, ils ne pourraient demander le même effort aux fonctionnaires dont ils souhaitent l'audition, ni moins encore aux dirigeants d'associations, de syndicats et de groupements divers ou aux personnalités qualifiées dont ils désireraient connaître le point de vue.

Par ailleurs, la fin des travaux de la commission impliquant le dépôt de son rapport, il apparaît qu'à tous égards le cours du mois d'août est le temps de l'année le plus mal choisi pour l'accomplissement de travaux qui exigent documentation et personnel.

Si l'on envisage la session d'automne, les inconvénients sont moins graves. Par contre, il apparaît difficile de mettre en train une commission de contrôle pendant une session consacrée surtout au budget.

Une interprétation convenable de la loi, qui, dans le silence de celle-ci, revient à notre Règlement, est donc la suspension du délai de quatre mois pendant l'intersession suivante.

En effet, afin qu'un libéralisme raisonnable ne tourne pas à l'abus, votre commission vous propose de limiter à la seule intersession contiguë la suspension du délai. La commission devra nécessairement clore ses travaux au cours de la session qui suit celle de sa formation.

III - (Modification des articles 54 et 60.)

Un incident de séance survenu au cours de la séance du Sénat du 13 novembre 1964 a mis en évidence la disparité existant, de fait, entre la pratique et la lettre de l'article 54 du Règlement.

L'article 54 du Règlement dispose, dans son alinéa 3, qu'après un vote à main levée, si les secrétaires sont en désaccord, l'épreuve est renouvelée par assis et levé. Si le désaccord subsiste, le vote par division des votants, sans pointage, est de droit.

En outre, l'alinéa 4 de ce même article prescrit que nul ne peut obtenir la parole entre les différentes épreuves prévues par l'article précédent.

Au sens strict des termes, en cas d'épreuve douteuse à main levée, puis par assis et levé, la procédure décrite devrait être automatiquement engagée, sans qu'un membre du Sénat puisse prendre la parole. Elle entraîne de droit un vote par division des votants sans pointage.

En fait, il est arrivé fréquemment que le Président de séance, sollicité ou non par un Sénateur, fasse usage, après une épreuve sans résultat, du droit qui lui est conféré par l'article 60 du Règlement de décider qu'il sera immédiatement procédé à un scrutin public.

Cette manière de faire a, par exemple, été utilisée sans incident le 25 juin 1984. Au contraire, elle a soulevé des protestations le 13 novembre 1964, notamment celle de M. le Secrétaire d'Etat au budget.

On remarquera, en outre, que le vote par division des votants sans pointage, introduit clans le Règlement du Sénat en janvier 1959, a été très peu utilisé, les Sénateurs lui préférant le classique scrutin public.

Afin de mettre d'accord le texte et la coutume, et tenant compte d'une pratique à laquelle les Sénateurs sont habitués, les alinéas 3 et 4 de l'article 54 du Règlement seraient remplacés par les dispositions permettant, après deux épreuves douteuses, l'une à main levée, l'autre par assis et levé, de procéder directement à un vote par scrutin public.

La modification qui vous est proposée à l'article 60 est une simple coordination rendue nécessaire par la nouvelle rédaction de l'article 54.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission soumet à votre vote la proposition de résolution suivante :

EXAMEN DES ARTICLES

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PROPOSITION DE RESOLUTION

tendant à modifier les articles 18, 42, 54 et 60 du Règlement du Sénat et à compléter celui-ci par l'adjonction d'un article 21 bis (nouveau).

Article premier.

Il est inséré, dans l'article 18 du Règlement du Sénat, un alinéa premier bis ainsi rédigé :

Au cas où, en application de l'article 69 de la Constitution, le Conseil économique et social désigne un de ses membres pour exposer devant le Sénat l'avis du Conseil sur un projet ou une proposition de loi, celui-ci est entendu dans les mêmes conditions. »

Art. 2.

Le Règlement du Sénat est complété par un article 21 bis (nouveau) ainsi conçu :

« Art. 21 bis. -- Les délais impartis aux commissions d'enquête ou de contrôle sont suspendus pendant l'intersession qui suit la session au cours de laquelle ces commissions ont été nommées. »

Art. 3.

L'alinéa 4 de l'article 42 du Règlement du Sénat est modifié ainsi qu'il suit :

« 4. Lorsqu'en application de l'article 69 de la Constitution le Conseil économique et social a choisi un de ses membres pour exposer devant le Sénat l'avis du Conseil sur un projet ou une proposition de loi qui lui a été soumis, la désignation est portée à la connaissance du Président du Sénat par le Président du Conseil économique. Le Président du Sénat donne la parole au représentant du Conseil économique et social avant la présentation du rapport de la commission saisie au fond. L'avis est donné dans la forme prévue par l'article 49 du Règlement du Conseil économique. Il doit notamment rendre compte des positions prises en séance du Conseil par les minorités tant sur l'ensemble du texte que sur ses dispositions principales. Le représentant du Conseil économique et social a accès dans l'hémicycle pendant toute la durée de la discussion en séance publique. A la demande du Président de la commission saisie au fond, la parole lui est accordée pour donner le point de vue du Conseil. »

Art. 4.

Les alinéas 3 et 4 de l'article 54 du Règlement du Sénat sont modifiés ainsi qu'il suit :

« 3. Si les Secrétaires sont en désaccord, l'épreuve est renouvelée par assis et levé. Si le désaccord persiste, il est procédé à un vote par division des votants, sans pointage, sauf si le scrutin public est demandé par un Sénateur ou décidé par le Président de séance.

« 4. Nul ne peut obtenir la parole entre les différentes épreuves de vote, sauf pour formuler la demande de scrutin public visée à l'alinéa précédent. »

Art. 5.

Le début de l'article 60 du Règlement du Sénat est modifié comme suit :

« Le scrutin public, lorsqu'il n'est pas de droit ou lorsqu'il ne résulte pas des dispositions de l'article 54, ne peut être demandé que... (la suite sans changement) .

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