N° 357

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 février 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi relative à la consultation du Parlement sur la nomination de membres français dans certaines institutions européennes,

Par Mme Agnès CANAYER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

218 et 358 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

I. L'OBJET DE LA PROPOSITION DE LOI : RENFORCER LE RÔLE DU PARLEMENT DANS LES NOMINATIONS AUX INSTITUTIONS EUROPÉENNES

A. LE CONTEXTE : L'ABSENCE D'ASSOCIATION DU PARLEMENT À LA DÉSIGNATION DES CANDIDATS À CERTAINES FONCTIONS DE L'UNION EUROPÉENNE

1. Une proposition de loi qui s'inscrit dans le prolongement de réflexions antérieures sur l'association du Parlement

L'association du Parlement à la désignation des candidats aux fonctions de premier plan des institutions de l'Union européenne procède tout à la fois d'une exigence démocratique et d'un nécessaire approfondissement du dialogue entre le Parlement et ces institutions.

Ces considérations avaient mené le groupe de travail sur les institutions du Sénat, qui a réuni des représentants de tous les groupes politiques sous la présidence de Gérard Larcher, à proposer, dans son rapport publié en mai 2024, de « revoir les modalités de désignation des membres français de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en organisant une audition des candidats français à ces postes par les commissions spécialisées des deux assemblées » (proposition n° 16)1(*).

Partant du constat de la nécessité d'un dialogue institutionnel plus nourri entre le Parlement et les juridictions européennes, Philippe Bonnecarrère, dans le rapport de la mission d'information du Sénat sur la judiciarisation de la vie publique, proposait déjà, quant à lui, d'« envisager l'audition des candidats aux fonctions de juge et d'avocat général à la Cour de justice de l'Union européenne par les commissions compétentes du Sénat et de l'Assemblée nationale avant leur nomination » ; il exposait qu'une telle formalité « constituerait une opportunité pour les candidats à ces fonctions, d'avoir un dialogue franc avec les parlementaires compétents et d'être « sensibilisés » aux priorités européennes du moment pour le Parlement » 2(*).

La présente proposition de loi, présentée par Jean-François Rapin, s'inscrit dans la continuité de ces réflexions. Alors que le droit de l'Union européenne occupe une place croissante dans notre ordre juridique, le défaut d'association du Parlement dans la désignation des candidats présentés par la France pour occuper certaines fonctions dans les institutions européennes est fortement regrettable.

Il en va ainsi tout particulièrement des fonctions de commissaire européen, de juge et d'avocat général de la CJUE, eu égard aux prérogatives de la Commission et de la Cour dans le fonctionnement de l'Union et à la portée de leurs décisions pour les États membres.

Les procédures de nomination prévues par les traités

• Pour les commissaires européens, le Conseil de l'Union européenne établit la liste des candidats à partir des propositions faites par les États membres.

Le paragraphe 3 de l'article 17 du traité sur l'Union européenne (TUE) précise que « Les membres de la Commission sont choisis en raison de leur compétence générale et de leur engagement européen et parmi des personnalités offrant toutes garanties d'indépendance. »

Ces candidats sont auditionnés par les commissions du Parlement européen compétentes pour les portefeuilles qui leur sont attribués. Conformément à l'article 17 du TUE, les membres de la Commission européenne sont ensuite soumis, de façon collégiale, à un vote d'approbation du Parlement européen. Après cette approbation, la Commission européenne est nommée par le Conseil européen à la majorité qualifiée.

• La nomination aux fonctions de juge et d'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne et de juge du Tribunal de l'Union européenne est régie par l'article 19 du TUE et les articles 253 à 255 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Aux termes de l'article 19 du TUE (paragraphe 2) : « Les juges et les avocats généraux de la Cour de justice et les juges du Tribunal sont choisis parmi des personnalités offrant toutes garanties d'indépendance et réunissant les conditions visées aux articles 253 et 254 du [TFUE]. Ils sont nommés d'un commun accord par les gouvernements des États membres pour six ans (...) ».

Le TFUE précise que les juges et avocats généraux de la CJUE sont « choisis parmi des personnalités offrant toutes garanties d'indépendance et qui réunissent les conditions requises pour l'exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions juridictionnelles, ou qui sont des jurisconsultes possédant des compétences notoires » (art. 253) ; les membres du Tribunal de l'Union européenne sont choisis « parmi les personnes offrant toutes les garanties d'indépendance et possédant la capacité requise pour l'exercice de hautes fonctions juridictionnelles » (art. 254).

Les candidats sont nommés d'un commun accord par les gouvernements des États membres après la consultation d'un comité chargé d'émettre un avis motivé sur l'adéquation des candidats à l'exercice de ces fonctions (dit « comité 255 »). Cet avis n'est pas contraignant mais paraît avoir été toujours suivi. En droit, il ne s'agit donc pas d'une nomination individuelle effectuée par chaque État membre mais bien d'une décision collective des gouvernements des États membres, prise à l'unanimité3(*).

• En vertu de l'article 286 du TFUE, les candidats à la fonction de membre de la Cour des comptes européenne sont nommés par le Conseil de l'Union européenne après consultation du Parlement européen (audition suivie d'un avis), sur proposition de chaque État membre.

Le paragraphe 1. de l'article 286 du TFUE précise que « Les membres de la Cour des comptes sont choisis parmi des personnalités appartenant ou ayant appartenu dans leur État respectif aux institutions de contrôle externe ou possédant une qualification particulière pour cette fonction. Ils doivent offrir toutes garanties d'indépendance. »

Ainsi que le relève l'exposé des motifs de la proposition de loi, la procédure de sélection des juges de la CEDH paraît moins adaptée à une forme de consultation préalable du Parlement.

En effet, et à la différence des fonctions qui sont l'objet du présent texte, les juges de la CEDH - un au titre de chaque État membre du Conseil de l'Europe - sont élus par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), composée de représentants des assemblées parlementaires de chaque État membre4(*), à partir d'une liste de trois noms présentée par l'État membre5(*). L'APCE se prononce après l'avis d'un panel d'experts puis celui d'une commission spéciale de l'APCE, qui peut recommander à un État de soumettre une nouvelle liste.

2. Des procédures de désignation peu transparentes

Si les procédures de nomination aux fonctions de commissaire européen, de membre de la Cour des comptes européenne et auprès de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et du Tribunal de l'Union européenne sont régies par les traités européens, ces derniers laissent - sous réserve d'exigences générales tenant à l'indépendance et à la compétence - au droit interne de chaque État membre la détermination des conditions dans lesquelles les candidats à ces fonctions sont proposés.

Dans son arrêt de grande chambre Valanèius du 29 juillet 20246(*), la CJUE a jugé que « s'agissant des conditions de fond prévues pour la sélection et la proposition des candidats aux fonctions de juge du Tribunal, les États membres, tout en disposant d'une large marge d'appréciation pour définir ces conditions, doivent toutefois veiller, quelles que soient les modalités procédurales retenues à cette fin, à garantir que les candidats proposés satisfont aux exigences d'indépendance et de capacité professionnelle prévues à l'article 19, paragraphe 2, troisième alinéa, TUE et à l'article 254, deuxième alinéa, TFUE » (point 57).

Or, le droit français est muet sur les conditions dans lesquelles les candidats sont désignés par les autorités françaises.

Tel est notamment le cas de la désignation du commissaire européen, l'article 17 (paragraphe 7) du traité sur l'Union européenne (TUE) se bornant à prévoir que « le Conseil, d'un commun accord avec le président élu, adopte la liste des autres personnalités qu'il propose de nommer membres de la Commission. Le choix de celles-ci s'effectue, sur la base des suggestions faites par les États membres (...) ».

Si l'usage récent paraît réserver au Président de la République le soin d'annoncer par courrier le choix des autorités françaises au président élu de la Commission européenne, la compétence exclusive du Président de la République ne paraît trouver aucun fondement évident dans la Constitution.

Il convient à cet égard de relever que la désignation de Stéphane Séjourné a été présentée comme le fait du Président de la République « en accord avec le Premier ministre »7(*) et que lors de la dernière désignation intervenue lors d'une cohabitation, en 1999, le Président de la République et le Premier ministre avaient chacun proposé un candidat, la France disposant alors de deux postes de commissaire européen.

Les procédures de sélection pour les autres fonctions, présentées ci-dessous, ne sont définies par aucun texte.

Les procédures de sélection et l'instruction des candidatures aux fonctions de la CJUE et de la Cour des comptes européenne

• Pour la nomination des juges à la CJUE

« Lorsqu'un nouveau juge français doit être nommé à la CJUE, un appel à candidatures est initié plusieurs mois à l'avance, conjointement par le Secrétariat général des affaires européennes, le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et le Ministère de la Justice. Un comité est alors constitué, composé de magistrats et juristes de haut niveau (notamment les membres du groupe français de la Cour permanente d'arbitrage) afin, dans un premier temps, de sélectionner les candidatures (généralement entre 3 et 5) sur la base des dossiers soumis, puis, dans un second temps, d'établir un classement entre ces candidatures à l'issue d'entretiens. Ce classement est transmis au Secrétariat général du Gouvernement, qui le communique au cabinet du Premier ministre et à la Présidence de la République.

« Le Secrétariat général des affaires européennes, le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et le Ministère de la Justice organisent, en coordination étroite avec le Secrétariat général du Gouvernement, la procédure de sélection. Le nom retenu fait l'objet d'une instruction par le Secrétariat général des affaires européennes à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, qui en informe par courrier la Présidence du Conseil de l'Union européenne et le Secrétaire général du Conseil, pour diffusion à l'ensemble des délégations. »

• Pour la nomination des membres de la Cour des comptes européenne

« [Au] niveau national, la procédure de sélection n'est pas encadrée par des dispositions spécifiques. Le Premier Président de la Cour des comptes propose un candidat français parmi les membres des juridictions financières au Secrétariat général des affaires européennes, qui le transmet au cabinet du Premier ministre pour approbation. La Cour des comptes se sera au préalable assuré de la maîtrise de la langue anglaise par le candidat. Après approbation du cabinet du Premier ministre, la candidature est transmise au Secrétariat général du Conseil via la Représentation permanente.

« S'agissant des rôles des services de l'État dans l'instruction des candidatures, c'est le Secrétariat général de la Cour des comptes qui transmet au SGAE la proposition de nomination du Premier Président accompagnée des documents requis. Le cabinet du Premier ministre approuve la proposition du Premier Président. À défaut, le Secrétariat général de la Cour des comptes transmet, sous sept jours, une nouvelle proposition de nomination du Premier Président. Le SGAE en informe le Secrétariat général de la Cour des comptes et transmet la candidature à la Représentation permanente accompagnée des documents requis.

« Sur instruction du SGAE, la Représentation permanente transmet la candidature au secrétariat général du Conseil accompagnée des documents requis. »

Source : ministère de l'Europe et des affaires étrangères

3. Une association des parlements nationaux qui a cours dans de nombreux États membres de l'Union européenne

Comme le relève l'exposé des motifs de la proposition de loi, plusieurs parlements nationaux d'États membres de l'Union européenne participent déjà à la désignation des candidats aux fonctions en cause.

L'exposé des motifs s'appuie à cet effet sur la synthèse réalisée par la Conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l'Union européenne (COSAC), qui rassemble des délégations des commissions des affaires européennes des parlements nationaux des États membres de l'UE et une délégation du Parlement européen, à l'occasion de sa quarante-deuxième réunion, fin octobre 2024.

Il en ressort que, s'agissant du membre de la Commission européenne, dix parlements nationaux sont associés à sa désignation8(*), selon des modalités diverses : audition du candidat proposé par le gouvernement devant une commission spécialisée ou en séance plénière, voire négociation directe entre l'assemblée parlementaire et le Gouvernement.

Onze assemblées parlementaires prennent part au processus de désignation des candidats aux fonctions au Tribunal de l'UE et à la CJUE9(*) et neuf pour les candidats aux fonctions de membre de la Cour des comptes européenne10(*), dans la grande majorité des cas sous la forme d'une audition et d'un débat en commission.

Il convient de souligner que, s'agissant de la désignation des candidats aux fonctions juridictionnelles, la CJUE juge que « la circonstance que des représentants des pouvoirs législatif ou exécutif interviennent dans le processus de nomination des juges n'est pas en soi de nature à susciter de tels doutes légitimes dans l'esprit des justiciables » (arrêt précité 29 juillet 2024, point 56 ; voir aussi l'arrêt du 22 février 2022, n° C-562/21 et C-563/21, points 75 et 76).

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE AUDITION PUBLIQUE ET UN AVIS DU PARLEMENT PRÉALABLES À LA TRANSMISSION DES CANDIDATURES

La proposition de loi tend à imposer la consultation du Parlement, préalablement à leur désignation, des candidats présentés par la France pour exercer les fonctions de commissaire européen (art. 1er), de membre de la Cour des comptes européenne (art. 2) et de juge ou d'avocat général de la CJUE et de juge du Tribunal de l'UE (art. 3).

Il est prévu que l'audition ait lieu devant la commission des affaires européennes de chaque assemblée et qu'elle soit également ouverte :

- pour les candidats pressentis au poste de commissaire européen (art. 1er), à « l'ensemble des membres des commissions permanentes », soit à tous les membres des deux assemblées à l'exception du Président du Sénat11(*) ;

- pour les candidats pressentis aux fonctions de membre de la Cour des comptes européenne (art. 2), aux membres des commissions des finances ;

- pour les candidats aux fonctions auprès de la CJUE et du Tribunal de l'UE (art. 3), aux membres des commissions des lois.

Le deuxième alinéa de chaque article prévoit en outre que l'audition « est publique sous réserve de la préservation du secret professionnel ou du secret de la défense nationale », reprenant les dispositions de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 201012(*) qui sont relatives à la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Le troisième alinéa, reproduisant également sur ce point les dispositions de l'article 1er de la loi du 23 juillet 2010, prévoit que l'audition « ne peut avoir lieu moins de huit jours après que le nom du candidat dont la désignation est envisagée a été rendu public. »

Le dernier alinéa prévoit que l'audition est suivie d'un vote qui vise à émettre un avis « simple », qui ne lie pas l'autorité compétente, sur la désignation du candidat pressenti. Cet avis est rendu à la majorité des suffrages exprimés.

Il y est également précisé que seuls peuvent participer les parlementaires ayant assisté à l'audition et que, comme pour la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution13(*), le scrutin est dépouillé simultanément dans les deux assemblées.

Si la proposition de loi reprend certaines caractéristiques de la procédure prévue par l'article 13 de la Constitution, elle s'en distingue sur plusieurs points essentiels :

- en premier lieu, il s'agit d'émettre un avis simple, qui ne peut faire obstacle à la désignation ou à la nomination de la personne concernée ;

- en deuxième lieu, cet avis est émis à la majorité simple, et non selon la majorité qualifiée des trois-cinquièmes dans les deux commissions ; la proposition de loi ne prévoyant pas que cette majorité est calculée par l'addition des votes exprimés par les parlementaires de chaque assemblée, il s'agit de deux scrutins distincts donnant à lieu à deux avis distincts ;

- en dernier lieu, alors que la délégation de vote est expressément interdite pour la procédure prévue au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution14(*), elle ne l'est pas dans le dispositif proposé (ce qui exigerait une loi organique) - même si la condition tenant à ce que les parlementaires assistent à l'audition pour participer au vote tend à limiter fortement cette faculté.

II. LA POSITION DE LA COMMISSION : UNE AVANCÉE DÉMOCRATIQUE QUI SOULÈVE DE DÉLICATES QUESTIONS JURIDIQUES

Approuvant l'objectif poursuivi par la proposition de loi, la commission a émis une réserve quant à la conformité à la Constitution du dispositif proposé.

En outre, elle a pointé deux questions qui pourraient faire l'objet d'amendements en vue de l'examen du texte en séance publique.

Prenant acte de l'engagement de l'auteur du texte à déposer des amendements tendant à clarifier ces points, elle a, à l'initiative de la rapporteure, adopté la proposition de loi sans modification.

A. UNE INITIATIVE BIENVENUE EN FAVEUR D'UN RÉÉQUILIBRAGE DES INSTITUTIONS

La commission a salué cette initiative en faveur d'un renforcement du rôle du Parlement en matière européenne, qui participe d'un rééquilibrage des pouvoirs entre l'exécutif et le Parlement et répond à une véritable exigence démocratique.

La proposition de loi s'inscrit en cela dans la parfaite continuité des ambitions de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a étendu les attributions du Parlement en ce qui concerne les affaires européennes et lui a conféré un pouvoir de contrôle de certaines nominations prononcées par le Président de la République.

B. UNE CONFORMITÉ À LA CONSTITUTION INCERTAINE

Le Conseil constitutionnel juge qu'en dehors de la procédure prévue par l'article 13 de la Constitution, le principe de la séparation des pouvoirs fait obstacle à ce que le pouvoir de nomination du Président de la République ou du Premier ministre soit subordonné même à la simple audition par le Parlement de la personne dont la nomination est envisagée (décisions n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012 et n° 2015-718 DC du 13 août 2015).

En l'espèce, la mesure proposée est quelque peu différente : la désignation des candidats français, qui participe de la politique européenne de la France, ne constitue pas une nomination à proprement parler ; il s'agit d'une simple proposition15(*), les nominations étant prononcées par le Conseil européen ou collectivement par les États membres.

Pour autant, en l'absence de révision constitutionnelle autorisant expressément une telle procédure d'audition et d'avis, le risque que le Conseil constitutionnel, dans l'éventualité d'une saisine, déclare le texte contraire à la Constitution ne peut être écarté.

La commission a néanmoins rappelé qu'il est loisible au Président de la République et au Gouvernement de soumettre, de manière volontaire, les candidats à une audition par les commissions compétentes des assemblées parlementaires, évolution qu'elle appelle de ses voeux.

C. DES QUESTIONS QUI DEMEURENT EN SUSPENS

1. Préciser l'autorité compétente pour désigner les candidats

Si elle se borne à faire référence aux « autorités françaises », la proposition de loi soulève la question de l'autorité compétente pour procéder aux désignations en cause.

Rappelant que les conditions de participation de la France à l'Union européenne n'appartiennent pas à un « domaine réservé » du Président de la République, la commission a souligné qu'il serait opportun que le Sénat prenne position sur cette question.

D'une part, outre qu'il ne s'agit pas stricto sensu de nominations (cf. supra), ces propositions ne peuvent être rattachées à aucun des emplois ou des fonctions pour lesquels la Constitution confie au Président de la République un pouvoir de nomination. Les fonctions en cause ne sauraient, par exemple, être assimilées aux « emplois civils et militaires de l'État » (art. 13) ou encore à des « ambassadeurs et (...) envoyés extraordinaires » (art. 14).

D'autre part, la participation de la France à l'Union européenne et l'exercice en commun des politiques publiques qu'elle implique relèvent avant tout de la « conduite de la politique de la nation » que l'article 20 de la Constitution confie au Premier ministre. Elle ne saurait relever en aucune manière d'un « domaine réservé » du Président de la République, sans méconnaître ses responsabilités particulières en matière de politique étrangère.

Partant, la commission a souligné l'intérêt qui s'attacherait à ce que le Sénat affirme la compétence conjointe du Président de la République et du Premier ministre en la matière.

2. Clarifier la procédure et les attributions des commissions

La commission a souligné que le dispositif de la proposition de loi devrait être amélioré afin de clarifier la procédure et les rôles respectifs de la commission des affaires européennes et des commissions permanentes compétentes.

En premier lieu, le dispositif proposé ne définit pas avec une précision suffisante la formation du Parlement amenée à entendre et à se prononcer sur la candidature. En particulier, le critère tiré du fait d'avoir assisté à l'audition paraît peu robuste sur le plan juridique et d'un maniement difficile, notamment s'agissant du degré nécessaire de participation à l'audition.

En second lieu, les rôles respectifs de la commission des affaires européennes et des commissions permanentes compétentes devraient être mieux définis.

La commission a souligné que, s'agissant de l'audition du candidat, l'audition conjointe par la commission des affaires européennes et la commission permanente compétente constitue un choix pertinent. Ce mécanisme pourrait être étendu à l'audition du candidat aux fonctions de membre de la Commission européenne (article 1er), en désignant la commission chargée des affaires étrangères comme la commission permanente compétente.

En ce qui concerne l'avis rendu sur la candidature, il lui semble préférable - et conforme aux attributions respectives des commissions permanentes et de la commission des affaires européennes - que seule la commission permanente compétente se prononce par un vote, après avoir été préalablement éclairée par la commission des affaires européennes.

*

* *

Au regard de l'engagement de l'auteur de la proposition de loi à présenter, en vue de l'examen en séance publique, des amendements portant les modifications qu'elle appelle de ses voeux, la commission a adopté la proposition de loi sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 19 FÉVRIER 2025

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous en venons à l'examen du rapport sur la proposition de loi relative à la consultation du Parlement sur la nomination de membres français dans certaines institutions européennes.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Hasard du calendrier parlementaire, cette proposition de loi s'inscrit parfaitement dans le thème de cette matinée, consacrée au contrôle par le Parlement de certaines nominations, dont celle de Philippe Bas qui, jusqu'à sa présentation par le président du Sénat comme candidat aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel, était chargé du rapport sur ce texte et que je remplace au pied levé.

Présentée par notre collègue Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, cette proposition de loi pose la question du rôle du Parlement dans les procédures de nomination à certaines fonctions dans les institutions de l'Union européenne.

Elle a été déposée après la désignation, en septembre dernier, de Stéphane Séjourné comme candidat aux fonctions de membre de la Commission européenne. Faite dans l'urgence et dans les circonstances que vous connaissez, cette désignation, annoncée par communiqué de presse par le Président de la République, a suscité quelques interrogations. Intervenant peu après le résultat des élections législatives, elle a surtout agi comme un révélateur de l'opacité des conditions de cette désignation et de l'absence du Parlement dans ce processus.

Au-delà de cet élément d'actualité, cette proposition de loi s'inscrit dans le prolongement de travaux antérieurs du Sénat en la matière.

En mai 2024, le rapport du groupe de travail transpartisan sur les institutions, qui s'est réuni sous la présidence de Gérard Larcher, recommandait de revoir les modalités de désignation des membres français de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en organisant une audition préalable des candidats par les commissions spécialisées des deux assemblées. En 2022, le rapport de la mission d'information sur la judiciarisation de la vie publique, élaboré par mon ancien collègue Philippe Bonnecarrère, préconisait également d'envisager « l'audition des candidats aux fonctions de juge et d'avocat général à la CJUE par les commissions permanentes compétentes du Sénat et de l'Assemblée nationale ».

En effet, alors que le droit de l'Union européenne occupe une place croissante dans notre ordre juridique, l'absence totale d'association du Parlement dans la désignation des candidats présentés par la France pour occuper certaines fonctions est très regrettable. Elle constitue une véritable anomalie démocratique.

Comme le relève d'ailleurs l'exposé des motifs de la proposition de loi, de nombreux États membres associent les parlements nationaux aux processus de désignation : ceux-ci participent à la désignation du commissaire européen dans dix États membres, à la désignation des membres de la CJUE et du Tribunal de l'Union européenne (UE) dans onze États membres et, dans neuf d'entre eux, à la désignation des membres de la Cour des comptes européenne.

Précisons-le d'emblée, quand bien même les fonctions en cause sont exercées dans les institutions de l'Union européenne, les conditions de désignation des candidats par les autorités des États membres est une question purement nationale.

En effet, s'ils régissent les conditions de nomination à ces fonctions, les traités européens laissent au droit interne de chaque État membre la détermination des conditions dans lesquelles les candidats sont proposés, sous réserve d'exigences générales tenant à l'indépendance et à la compétence des candidats.

Or, le droit français est silencieux sur les conditions dans lesquelles les candidats sont désignés par les autorités françaises. L'ambiguïté concerne aussi l'autorité compétente pour désigner les candidats, particulièrement s'agissant du commissaire européen.

Pour ce poste, l'usage récent semble réserver au Président de la République le soin d'annoncer par courrier le choix des autorités françaises au président élu de la Commission européenne. Le rôle réservé au Premier ministre n'est pas clair. Il convient toutefois de souligner que le communiqué de presse annonçant la désignation de Stéphane Séjourné mentionnait qu'elle était intervenue « en accord avec le Premier ministre ».

La compétence exclusive du Président de la République ne paraît trouver aucun fondement évident dans la Constitution, notamment pas dans son article 13, qui ne mentionne que les emplois civils et militaires de l'État.

La question de la compétence se pose avec une acuité particulière en cas de cohabitation. Lors la dernière désignation intervenue lors d'une cohabitation, en 1999, le Président de la République et le Premier ministre s'étaient partagé le choix des candidats qu'ils avaient conjointement proposés, la France disposant alors de deux postes de commissaire européen.

La proposition de loi tend à imposer la consultation du Parlement, préalablement à leur désignation, s'agissant des candidats présentés par la France pour les fonctions de commissaire européen (article 1er), de membre de la Cour des comptes européenne (article 2) et de juge et d'avocat général de la CJUE et de juge du Tribunal de l'Union européenne (article 3).

Les trois articles prévoient chacun l'audition publique des candidats devant la commission des affaires européennes de chaque assemblée, qui serait également ouverte pour les candidats pressentis au poste de commissaire européen, à « l'ensemble des membres des commissions permanentes », à l'exception du président du Sénat qui n'est membre d'aucune commission ; pour les candidats pressentis aux fonctions de membre de la Cour des comptes européenne, aux membres des commissions des finances ; et pour les candidats aux fonctions auprès de la CJUE et du Tribunal de l'UE, aux membres des commissions des lois.

Il est prévu que l'audition serait suivie d'un vote qui vise à émettre un avis « simple », qui ne lie pas l'autorité compétente et ne serait ainsi pas susceptible de faire échec à la désignation du candidat pressenti. Cet avis serait rendu à la majorité des suffrages exprimés.

Participeraient au vote les seuls parlementaires ayant assisté à l'audition. Comme pour la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution, le scrutin serait dépouillé simultanément dans les deux assemblées. Sont également reprises certaines modalités de la procédure de l'article 13, comme les conditions de publicité des auditions ou le fait qu'elles ne puissent avoir lieu moins de huit jours après l'annonce publique du nom de la personne dont la désignation est envisagée.

L'objectif poursuivi par notre collègue Jean-François Rapin participe d'un rééquilibrage des pouvoirs entre l'exécutif et le Parlement, ce que nous ne pouvons qu'approuver, et répond à une véritable exigence démocratique. En cela, ce texte s'inscrit dans la parfaite continuité des ambitions de la révision constitutionnelle de 2008, qui a étendu les attributions du Parlement en ce qui concerne les affaires européennes et lui a reconnu un pouvoir de contrôle pour certaines nominations.

Ce texte est de nature à envoyer un signal fort à l'exécutif sur la nécessité d'associer le Parlement, ce qu'il pourrait d'ailleurs faire sans nécessairement qu'un texte le prévoie : on pourrait imaginer que le Président de la République et le Gouvernement soumettent, par exemple dans le cadre d'un gentlemen's agreement, les candidats à une audition par les commissions compétentes du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Cependant, en l'état, cette proposition de loi appelle plusieurs réserves.

La première tient à sa conformité à la Constitution, que le Gouvernement ne manquera pas de souligner. En effet, la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière est extrêmement stricte puisqu'il juge que le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le pouvoir de nomination du Président de la République ou du Premier ministre soit subordonné même à la simple audition par le Parlement de la personne dont la nomination est envisagée, sauf à ce qu'une disposition constitutionnelle le prévoie- voyez ses décisions n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012 et n° 2015-718 DC du 13 août 2015.

En l'espèce, la désignation des candidats français, qui participe de la politique européenne de la France, ne constitue pas une nomination stricto sensu. Il s'agit d'une simple proposition, les nominations étant prononcées pour les membres de la Commission européenne, par le Conseil européen après avis du Parlement européen ; pour les membres de la Cour des comptes européenne et de la CJUE et du tribunal de l'Union européenne, par une décision collective des États membres qui, pour les juges, intervient après l'avis d'un comité d'experts, dit « comité 255 ».

Pour autant, en l'absence de révision constitutionnelle autorisant expressément une telle procédure d'audition et d'avis, le risque que le Conseil constitutionnel, dans l'éventualité d'une saisine, déclare le texte contraire à la Constitution existe. Tel était notamment l'avis de Philippe Bas, lors des travaux préparatoires dont on sait l'expertise sur les sujets constitutionnels.

Il n'en est pas moins vrai que l'extrême rigueur de la solution retenue par le Conseil constitutionnel peut surprendre. Eu égard à la vocation de ce texte, il me semble que cette réserve ne doit pas faire obstacle à son adoption par la commission, qui devra en tout état de cause faire l'objet d'ajustements en séance, comme s'y est engagé son auteur.

Les deux autres réserves tiennent au dispositif proposé.

D'une part, s'agissant de l'autorité compétente pour procéder à ces désignations, il me paraît souhaitable de rappeler, suivant en cela notre collègue Philippe Bas, que les conditions de participation de la France à l'Union européenne n'appartiennent pas à un « domaine réservé » du Président de la République. En effet, elles relèvent avant tout de la « conduite de la politique de la nation » que l'article 20 de la Constitution confie au Premier ministre, et qui en est responsable devant le Parlement. Il serait opportun d'affirmer en la matière la compétence conjointe du Président de la République et du Premier ministre pour procéder à ces désignations.

D'autre part, il conviendrait de clarifier la procédure et les rôles respectifs de la commission des affaires européennes et des commissions permanentes compétentes.

Comme le soulève d'ailleurs à raison notre collègue Christophe Chaillou au travers de l'amendement COM-2, le critère tiré du fait d'avoir assisté à l'audition pour bénéficier du droit de vote paraît peu robuste sur le plan juridique. Notre collègue Jean-François Rapin s'est engagé, dans un courrier adressé à la présidente et à moi-même, à présenter en séance publique des amendements visant à modifier en conséquence la proposition de loi.

D'autre part, les rôles respectifs de la commission des affaires européennes et des commissions permanentes compétentes devraient être mieux définis.

Au bénéfice de ces observations et au regard de l'engagement de Jean-François Rapin à présenter des amendements en ce sens, je vous propose d'adopter la proposition de loi sans modification.

M. Christophe Chaillou. - Mme le rapporteur a raison de souligner le véritable enjeu démocratique que revêt cette proposition de loi. Sur le principe, nous ne pouvons qu'être favorables à la consultation du Parlement sur la nomination de membres français dans certaines institutions européennes. Toutefois, je tiens à souligner que seule une minorité d'États membres de l'Union européenne prévoit la consultation des parlements. Néanmoins, il est légitime que nous puissions formuler un avis sur ce sujet essentiel.

Je vous rejoins quant à la consultation du Parlement sur la nomination du commissaire européen, avec la réserve effectivement qu'il convient de préciser la définition de la formation du Parlement. S'agissant de la Cour des comptes européenne, nous ne pouvons là aussi qu'y être favorables sur le principe, même si l'intérêt peut paraître plus limité. En revanche, nous sommes défavorables à la consultation du Parlement sur la nomination aux fonctions de juge ou d'avocat général à la CJUE et de juge du tribunal de l'Union européenne, car cela constituerait une entorse au principe d'indépendance et d'impartialité des juges.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Comme c'est l'usage, il me revient, mes chers collègues, de vous indiquer quel est le périmètre indicatif de la proposition de loi.

En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les procédures de désignation des candidats français dans les institutions européennes (Union européenne, Conseil de l'Europe), lorsque cette désignation relève de l'État membre.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Je partage le constat fait par les auteurs de cet amendement : le mécanisme réservant le vote aux parlementaires ayant assisté à l'audition est un peu baroque et peu robuste juridiquement, mais nous allons retravailler cette rédaction avec Jean-François Rapin, afin de préciser également le rôle de la commission compétente au fond. Aussi, je demande le retrait de l'amendement COM-2 dans la perspective de cette nouvelle rédaction ; à défaut, j'y serai défavorable.

M. Christophe Chaillou. - Je ne puis accepter de retirer mon amendement dans la mesure où nous n'avons pas une proposition de rédaction précise. Notre proposition de limiter le vote aux seuls membres de la commission des affaires européennes a au moins le mérite d'exister.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté sans modification.

Après l'article 1er

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-1 prévoit que la commission des affaires étrangères peut demander à entendre le candidat aux fonctions de commissaire européen avant son audition par la commission des affaires européennes. Cette proposition pourrait conduire le candidat à être auditionné deux fois dans chaque assemblée, soit quatre fois au total, ce qui serait excessivement lourd. Là encore, l'auteur de la proposition de loi va retravailler ce point pour mieux associer la commission des affaires étrangères.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-3 de M. Chaillou vise à supprimer cet article au motif de l'impartialité. Ce raisonnement juridique paraît quelque peu surprenant dans la mesure où nous allons nous prononcer ce matin sur les nominations de deux membres du Conseil constitutionnel. S'ils ne sont pas magistrats, ils sont bien des juges, tout comme les membres de la CJUE et du Tribunal de l'Union européenne, qui ne sont d'ailleurs pas nécessairement des magistrats. En conséquence, mon avis est défavorable.

M. Christophe Chaillou. - Je précise qu'il existe déjà au niveau européen une procédure destinée à évaluer les qualifications et l'expérience du candidat. Aussi, il ne nous paraît pas nécessaire de prévoir une procédure identique au niveau national.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

Les sorts des amendements examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

M. CHAILLOU

2

Restriction de la participation au vote aux membres de la commission des affaires européennes. 

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 1er

M. FOLLIOT

1

Audition préalable du candidat par la commission des affaires étrangères.

Rejeté

Article 3

M. CHAILLOU

3

Suppression de l'article 3 (audition des candidats aux fonctions à la CJUE et au Tribunal de l'UE).

Rejeté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 16(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie17(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte18(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial19(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 19 février 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 218 (2024-2025) relative à la consultation du Parlement sur la nomination de membres français dans certaines institutions européennes.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les procédures de désignation des candidats français dans les institutions européennes (Union européenne, Conseil de l'Europe), lorsque cette désignation relève de l'État membre.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Sénat

M. Jean-François Rapin, sénateur du Pas-de-Calais et auteur de la proposition de loi

Secrétariat général du Gouvernement (SGG)

Mme Claire Landais, secrétaire générale du Gouvernement

M. Remi Bénard, chargé de mission pour les affaires étrangères et la défense

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE)

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-218.html


* 1 « 20 propositions d'évolution institutionnelle », rapport du groupe de travail du Sénat sur les institutions, 7 mai 2024.

* 2 Judiciarisation de la vie publique : le dialogue plutôt que le duel, rapport d'information n° 592 (2021-2022) fait par M. Philippe Bonnecarrère au nom de la mission d'information du Sénat sur la judiciarisation de la vie publique, 29 mars 2022.

* 3 Dans son arrêt du 29 juillet 2024 précité (point 29), la CJUE présente les différentes étapes comme suit : « Dans une première étape, le gouvernement de l'État membre concerné propose un candidat aux fonctions de juge du Tribunal en transmettant cette proposition au secrétariat général du Conseil. Dans une deuxième étape, le comité prévu à l'article 255 TFUE donne un avis sur l'adéquation de ce candidat à l'exercice des fonctions de juge du Tribunal, eu égard aux exigences prévues à l'article 254, deuxième alinéa, TFUE. Dans une troisième étape, qui fait suite à la consultation de ce comité, les gouvernements des États membres, par le biais de leurs représentants, procèdent à la nomination dudit candidat en tant que juge du Tribunal, par une décision prise d'un commun accord sur proposition du gouvernement de l'État membre concerné. »

* 4 Y siègent, au titre de la France, dix-huit membres titulaires, comprenant douze députés et six sénateurs.

* 5 Article 22 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

* 6 CJUE, Grande chambre, 29 juillet 2024, Virgilijus Valanèius contre Lietuvos Republikos Vyriausybë, n° C-119/23.

* 7 Communiqué de presse du 16 septembre 2024.

* 8 Autriche, Croatie, Estonie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovénie.

* 9 Allemagne, Autriche, Croatie, Estonie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Pologne, Portugal, République tchèque et Slovénie.

* 10 Autriche, Croatie, Danemark, Grèce, Hongrie, Lituanie, Pologne, Portugal et Slovénie.

* 11 Qui n'est membre d'aucune commission permanente en vertu de l'article 7 du Règlement du Sénat.

* 12 Art. 1er de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

* 13 Art. 5 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

* 14 Art. 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote.

* 15 S'agissant des membres de la Commission européenne, l'article 17 du Traité sur l'Union européenne prévoit qu'ils sont « suggérés » par les États membres.

* 16 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 17 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 18 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 19 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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