C. DES DIFFICULTÉS SÉRIEUSES ONT RÉSULTÉ DE L'ABSENCE DE PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE, DU POINT DE VUE DE L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE ET DE L'INFORMATION DU PARLEMENT
Comme l'a expliqué le rapporteur général dans le cadre de la mission d'information constituée par la commission des finances sur la dégradation des finances publiques depuis 202311(*), le Gouvernement aurait pu, mais a refusé de présenter un projet de loi de finances rectificative au premier semestre alors que les premiers signaux de la dégradation des comptes, dont il disposait depuis le mois de décembre 2023, se sont confirmés et amplifiés aux mois de février et mars. Le rehaussement à 5,7 % de la prévision de déficit public en 2024, contre 4,4 % prévu en loi de finances initiale, a ainsi été rendu public par le rapporteur général le 21 mars après un contrôle sur pièces et sur places au ministère de l'économie et des finances.
Une telle situation aurait dû conduire le Gouvernement à présenter un projet de loi de finances rectificative afin de prendre les mesures nécessaires, car le décret d'annulation de crédits pris le 21 février ne pouvait procéder qu'à des annulations limitées de crédits12(*), et n'avait pas la possibilité de prendre des mesures en recettes.
Un projet de loi de finances rectificative aurait également permis de prendre ces mesures en fournissant toutes les informations nécessaires au Parlement.
Enfin, un collectif budgétaire aurait évité le recours à des mesures de « stop-and-go » budgétaire (gels, surgels, dégels de crédit) préjudiciables à la bonne exécution des politiques publiques : cette situation a placé certains opérateurs ou associations récipiendaires des fonds publics dans une grande incertitude sur le montant des fonds dont ils disposeraient et sur le moment où ils pourront les dépenser.
Dans le domaine de la protection judiciaire de la jeunesse, par exemple, des renouvellements de contrats ont dû être repoussés de quelques semaines à seule fin de soutenir les gels temporaires de crédits, au prix de difficultés importantes pour les personnes concernées. De même, le paiement des bourses sur critères sociaux par le programme 231 « Vie étudiante » a connu des difficultés qui ont obligé à mobiliser une partie des crédits dédiés au versement de subvention pour charges de service public du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS).
Par ailleurs, la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, pour laquelle 225 millions d'euros avaient été ouverts en crédits de paiement par la loi de finances initiale, a été utilisée à deux reprises.
D'une part, le 30 août, 35,3 millions d'euros ont été utilisés pour sécuriser le paiement des primes d'épargne logement versées par l'État lors de la clôture de plans d'épargne-logement (PEL) ou de la mobilisation de comptes d'épargne logement (CEL) sur le programme 145 « Épargne » de la mission « Engagements financiers de l'État »13(*). Le rapporteur général constate qu'une telle ouverture de crédits en urgence avait déjà été nécessaire le 9 octobre 2023, à hauteur de 13,0 millions d'euros, ce que la Cour des comptes avait considéré comme inacceptable car « cet abondement n'était ni accidentel, ni imprévisible et aurait dû être couvert par l'auto-assurance de la mission »14(*). Il partage pleinement ces conclusions et appelle en conséquence à mieux prévoir les crédits initiaux de ce programme, ce qui semble être le cas dans le projet de loi de finances pour 202515(*). La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles ne saurait constituer une réserve pour sous-budgétisation.
D'autre part, le 19 septembre et de manière plus conforme au critère d'imprévisibilité, 49 millions d'euros ont été transférés au programme 232 « Vie politique » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » afin de financer certaines dépenses liées à l'organisation des élections législatives anticipées16(*).
* 11 Mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France, poursuite des travaux en octobre et novembre 2024.
* 12 En application de l' article 14 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le montant des crédits annulés par voie réglementaire ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances de l'année, soit 12,2 milliards d'euros si l'on considère la totalité des crédits ouverts sur le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux.
* 13 Décret n° 2024-885 du 30 août 2024 portant ouverture et annulation de crédits et rapport relatif à ce décret.
* 14 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire relative à l'exécution de la mission « Engagements financiers de l'État en 2023, p. 40.
* 15 Les crédits ouverts sur le programme 145 sont de 119,4 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2025, contre 71,1 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2024.
* 16 Décret n° 2024-891 du 19 septembre 2024 portant ouverture et annulation de crédits et rapport relatif à ce décret.