V. LE DÉFI DE LA COHÉRENCE : FOCUS SUR L'EFFORT EN FAVEUR DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES
Dans un souci de renforcement de la « cohérence » du modèle d'armées, la LPM 2024-2030 a prévu un renforcement des moyens consacrés aux services de soutien (18 milliards d'euros), soit une progression de 4 milliards d'euros par rapport à la LPM 2019-2025. Ces services avaient en effet été « taillés au plus juste » au cours de la décennie 2008-2018, marquée par la politique de déflation impulsée au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) puis de la LPM 2014-2029.
C'est notamment le cas s'agissant du service de santé des armées (SSA). Comme le rapporteur spécial l'a rappelé à l'occasion du travail de contrôle budgétaire qu'il a consacré en 2023 à ce service46(*), face à la dégradation de notre environnement stratégique, marqué par le retour de la guerre en Europe, l'indispensable remontée en puissance de nos armées ne pourra se faire qu'avec un service de santé capable de soutenir un engagement des forces dans un conflit de haute intensité.
Le SSA est un service interarmées ayant pour mission d'apporter en tout temps, en tous lieux et en toutes circonstances, à tout militaire exposé à un risque lié à son engagement opérationnel, un soutien qui lui garantit la prévention la plus efficace et la meilleure qualité de prise en charge en cas de blessure ou de maladie.
Si le service a été structurellement fragilisé par la politique de déflation qui lui a été appliqué au cours de la décennie passée, avec une baisse d'effectifs de 10 % sous la programmation 2014-2019, les LPM 2019-2025 et 2024-2030 ont entendu accompagner la remontée en puissance de ce service indispensable au regard des objectifs opérationnels fixés aux armées à cet horizon.
La programmation 2024-2030 prévoit une enveloppe de crédits totale, hors dépenses de personnel, de 3,8 milliards d'euros, soit environ 1 milliard d'euros de plus que celle prévue pour la LPM 2019-2025.
Évolution des crédits de paiement,
hors dépenses de personnel,
programmés au profit du SSA entre
2024 et 2030
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial47(*) lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire 2024-2030
Il en résulte une trajectoire de nette augmentation de ces crédits (+ 12 % par an en moyenne), pour les porter à plus de 700 millions d'euros en 2030. Il est cependant à noter que la principale marche (+ 144 millions d'euros) est prévue pour la dernière année de la programmation, et est donc renvoyée au milieu du prochain quinquennat, rendant sa réalisation quelque peu hypothétique.
Le remplacement de l'hôpital Laveran par un hôpital de nouvelle génération
Les crédits prévus par la LPM pour le SSA permettront notamment d'améliorer les infrastructures du service.
Il en va notamment ainsi de l'hôpital d'instruction des armées Laveran, situé à Marseille, aujourd'hui vétuste. La décision de le remplacer par un HIA de nouvelle génération (HIA-NG) à l'horizon 2030 constitue un symbole fort et positif. Le projet avait été inscrit dans le rapport annexé à la LPM 2024-2030 grâce à un amendement du rapporteur spécial (alors en sa qualité de rapporteur pour avis) retenu dans le texte adopté.
Le budget prévu par la LPM pour ce projet était de 300 millions d'euros. Les ajustements et actualisations du projet conduisent à un besoin financier de 380 millions d'euros selon les informations recueillies par le rapporteur spécial48(*). La recherche des financements complémentaires nécessaires, à savoir 80 millions d'euros, est en cours.
Néanmoins, le financement du projet étant d'ores et déjà assuré jusqu'en 2027, le projet continue d'avancer, tandis que le terrain a été identifié au sein du camp militaire de Sainte-Marthe, à Marseille.
Source : commission des finances, notamment d'après les informations transmises en audition par le service de santé des armées
Cependant, malgré la hausse importante des moyens, la remontée en puissance ne se décrète pas. En effet, la déflation des moyens et des effectifs du SSA est intervenue au pire des moments, à savoir à l'orée d'une période de fortes tensions sur les ressources humaines et sur les compétences qui affecte l'ensemble du secteur de la santé et qui perdure à ce jour. Cette conjoncture a pour effet de saper les efforts budgétaires déployés en faveur du SSA pourtant entrepris depuis 2019. Comme le montre en effet le graphique ci-dessous, la hausse significative des crédits prévus au titre du SSA sous la programmation 2019- 2025 s'est accompagnée d'une stagnation des effectifs : elle a seulement permis de mettre fin à « l'hémorragie ».
Comme l'a indiqué le rapporteur spécial dans le cadre de ses travaux, les tensions sur les ressources humaines - qui affecte au demeurant les armées dans leur ensemble (voir supra) - constituent aujourd'hui la principale limite à la montée en puissance du SSA jusqu'au niveau requis par la haute intensité.
La LPM 2024-2030 prévoit ainsi un renforcement conséquent des effectifs (+ 460 ETP). La capacité du SSA à atteindre cet objectif sera en tout état de cause soumise à la conjoncture sur le marché du travail dans le secteur de la santé.
Évolution des effectifs du service de
santé des armées depuis 2015
et cible d'augmentation
prévue par la programmation 2024-2030
(en ETP)
Source : commission des finances, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial49(*) lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire 2024-2030
En PLF 2025, 34 nouveaux ETP sont créés, après près de 155 ETP en 2024. Le rapporteur spécial estime qu'il est essentiel d'atteindre les objectifs fixés par la LPM.
* 46 « Le service de santé des armées, une pièce maîtresse de notre outil de défense » Rapport d'information n° 936 (2022-2023) fait par Dominique de Legge au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 27 septembre 2023.
* 47 Alors en qualité de rapporteur pour avis.
* 48 Audition du service de santé des armées (SSA).
* 49 Alors en qualité de rapporteur pour avis.