N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 15a

GESTION DES FINANCES PUBLIQUES
CRÉDITS NON RÉPARTIS
TRANSFORMATION ET FONCTION PUBLIQUES

Rapporteur spécial : M. Claude NOUGEIN

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

I. LA MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES » CONTRIBUE À L'EFFORT DE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES SANS REMETTRE EN CAUSE LES PRIORITÉS IDENTIFIÉES DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES

La mission « Gestion des finances publiques » porte les crédits alloués à la direction générale des finances publiques (DGFiP - programme 156), à la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI - programme 302) ainsi qu'au secrétariat général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (SG MEFI - programme 218).

A. UNE STABILISATION DES CRÉDITS, DANS LE CONTEXTE DU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

Les crédits demandés pour l'année 2025 sur la mission « Gestion des finances publiques » sont stabilisés à hauteur de 10,97 milliards d'euros (+ 0,66 %) après deux années de hausse exceptionnelle. Les crédits de la mission ont en effet augmenté de 7,6 % entre 2022 et 2024, à rebours de la trajectoire de stagnation voire de baisse des crédits constatée les années précédentes. L'année 2025, qui s'inscrit dans le contexte particulier du redressement des finances publiques, amorce ainsi un retour à cette trajectoire de modération des crédits de la mission, confirmé par la prévision triennale présentée dans le projet annuel de performances (PAP).

Évolution des crédits de la mission
« Gestion des finances publiques » depuis 2016

(CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le rapporteur spécial relève par ailleurs que le Gouvernement a déposé à l'Assemblée nationale un amendement visant à minorer de 104,2 millions d'euros les crédits de la mission, dont 29 millions d'euros tirant les conséquences des annonces gouvernementales sur les mesures de maîtrise de la masse salariale de l'État.

Évolution des crédits de la mission « Gestion des finances publiques »
par titre de dépenses

(CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Tous les postes de dépense de la mission sont en baisse dans ce PLF pour 2025, à l'exception des dépenses de personnel.

La diminution de 7,78 % des dépenses investissement résulte principalement de la mise en suspens du projet de rénovation du bâtiment « Vincent Auriol » du secrétariat général du ministère de l'économie (SG MEFI), des finances et de l'industrie, et n'a donc pas d'impact substantiel sur les priorités et chantiers stratégiques de la mission.

Le dépenses de fonctionnement sont relativement stables à - 0,8 %. Les crédits de titre 3 de la DGFiP (- 1 %) et du SG MEFI (- 5,35 %) ont en effet été redimensionnés afin de prendre en compte la situation des finances publiques du pays. En revanche, la Douane voit ses dépenses de fonctionnement augmenter de 8,3 %. Elles font l'objet d'un rebasage, qui serait justifié par un décalage entre la trajectoire financière prévue au contrat d'objectif et de moyens 2022-2025 et les dépenses effectivement réalisées sur la période 2022 à 2024, marquée par une forte inflation.

Les dépenses de personnel augmentent de 1,28 %, en raison de l'évolution du glissement vieillesse technicité (GVT) et le dynamisme de la contribution de la mission au compte d'affectation spéciale « Pensions », et ce malgré un schéma d'emplois négatif, qui se traduit par une suppression de 505 équivalents temps plein (ETP). Ainsi, la dynamique de suppression des effectifs de la mission repartirait à la hausse, après un ralentissement progressif et particulièrement marqué en 2024.

Évolution du schéma d'emplois de la mission
« Gestion des finances publiques »

 

2020

2021

2022

2023

LFI 2024

PLF 2025

Écart 2025/2024

Total 2020-2025

[156] Gestion fiscale et financière de l'État et du service public local

- 1 860

- 1 778

- 1 515

- 1 048

- 200

- 550

350

6 753

[218] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

- 22

- 25

- 53

55

108

- 5

- 113

71

[302] Facilitation et sécurisation des échanges

- 168

- 178

19

11

48

50

2

96

Total

- 2 050

- 1 981

- 1 549

- 1 004

- 44

- 505

239

7 133

(en équivalents temps plein)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

B. LA NÉCESSAIRE POURSUITE DES CHANTIERS ET DES PRIORITÉS IDENTIFIÉS DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, EN DÉPIT DU CONTEXTE BUDGÉTAIRE CONTRAINT

1. La transformation du réseau territorial de la DGFiP est en cours d'achèvement

La transformation du réseau de la DGFiP comprend la mise en place du « nouveau réseau de proximité » (NRP), l'installation de « conseillers aux décideurs locaux » et la délocalisation de certains services des métropoles vers les villes moyennes.

La mise en place du NRP, supposée s'achever en 2026, est en passe d'être finalisée : 97,2 % du réseau cible a ainsi été atteint à la fin de l'année 2023. Le nombre de services locaux devrait passer de 3 500 à 2 000 d'ici 2026, tandis que le nombre de communes disposant d'un point de contact « DGFiP » augmenterait de 1 977 à plus de 3 000. Le rapporteur spécial souligne toutefois ici l'impératif de maintenir un accueil physique de qualité, à destination de l'ensemble des contribuables, en particulier pour les citoyens les plus éloignés du numérique.

Concernant le déploiement des « conseillers aux décideurs locaux » (CDL), le rapporteur spécial regrette que la cible initiale de 1 200 CDL ait été revue à la baisse, à hauteur de 993CDL, dont 917 étaient en poste fin 2023. Ce revirement est d'autant plus critiquable que le rapport de la Cour des comptes sur l'action de la DGiP auprès des collectivités territoriales, remis à la commission en décembre 2023, a mis en exergue un déséquilibre dans la répartition de la charge de travail entre les CDL.

Enfin, la délocalisation de certains services des métropoles vers les villes moyennes se poursuit, conformément aux engagements pris par la DGFiP : au 30 septembre 2024, près de 2 300 emplois étaient déjà implantés, ce qui représente 85 % des emplois cible prévus à l'horizon 2026. En 2025, 106 emplois seraient concernés, ainsi que 231 en 2026, soit au total 2 633 personnes.

2. Le budget informatique est préservé en 2025, compte tenu de la nécessité de résorber la dette technologique des administrations de la mission

Les enjeux informatiques de la DGFiP, de la Douane mais aussi du SG MEFI sont majeurs. Les trois administrations assument des missions essentielles au bon fonctionnement de l'État, en assurant le recouvrement de ses ressources et la gestion d'une partie de ses dépenses. En 2024, les crédits alloués aux dépenses informatiques s'élèveraient ainsi à 584,3 millions d'euros, soit une enveloppe très proche du montant inédit consacré à ces dépenses en 2024 (- 1 %).

Le rapporteur spécial se félicite que les projets d'investissement consacrés à la résorption de la dette technique informatique de la DGFiP et de la DGDDI aient été préservés, en dépit du contexte budgétaire contraint.

Pour autant, il constate, comme chaque année, la même difficulté de suivi des projets informatiques, avec des dépassements importants de calendrier et de coût. Il appelle chaque année les administrations concernées à s'interroger sur l'opportunité de mettre en place des mécanismes d'alerte en cas de dérapage avéré des coûts et des délais, actualisés à la hausse à chaque projet de loi de finances.

3. La lutte contre la fraude et les flux illicites demeure une priorité pour les administrations de la mission

En 2023, les montants recouvrés au titre du contrôle fiscal ont atteint 10,6 milliards d'euros, en stabilisation par rapport aux deux années précédentes. Le niveau de 2019 a donc quasiment été atteint, après une chute en 2020 due à la crise sanitaire.

Le contrôle fiscal a connu ces dernières années une transformation profonde de ces outils, avec un recours accru à l'intelligence artificielle ainsi qu'à l'exploitation des données de masse (datamining, text-mining). À la fin de l'année 2023, 56 % des opérations de contrôle fiscal ont été programmées par le biais du datamining, en progression par rapport à 2022 (52,4 %) et 2021 (44,1 %).

Évolution des montants encaissés
au titre du contrôle fiscal

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

La lutte contre la fraude, et plus généralement, la lutte contre les flux illicites, font également partie des missions stratégiques de la Douane. Cette dernière a ainsi saisi 92,6 tonnes de stupéfiants en 2023, retiré 20,5 millions d'articles contrefaits et, au nom de la lutte contre la fraude financière, saisi ou identifié des avoirs pour un montant total de 163,3 millions d'euros.

Comme en 2024, la Douane voit ses moyens renforcés, afin de tirer les conséquences de l'essor du e-commerce et de la modernisation de ses prérogatives par la loi du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de lutter contre les nouvelles menaces1(*). Cela se traduit par exemple par l'augmentation des moyens consacrés à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) : cette dernière bénéficie notamment d'un transfert de 23 ETP de la DGFiP pour la constitution d'une nouvelle unité du renseignement fiscale (URF), annoncée dans le cadre du plan de lutte contre les fraudes de juin 2023.

Le rapporteur spécial regrette toutefois que la réserve opérationnelle de la Douane, créée par la loi du 18 juillet 2023, n'ait pas pu être mise en service pour les Jeux Olympiques et paralympiques de 2024, faute de publication du décret d'application, et alors même que sa création avait été en partie justifiée par cette échéance. Cette réserve devrait toutefois être mise en service d'ici l'été 2025. Le budget de titre 2 qui lui serait alloué s'élèverait, en année pleine, à 3,1 millions d'euros.

Dans le cadre de l'effort de redressement des finances publiques, le rapporteur spécial a présenté deux amendements de crédits, déjà adoptés par le Sénat par le passé, portant, d'une part, sur l'augmentation, d'un à trois, du nombre de jours de carence appliqués aux arrêts maladie dans la fonction publique de l'État (112 millions d'euros en AE et en CP), et, d'autre part, sur la réduction de 2,5 % des emplois des opérateurs (150 millions d'euros en AE et en CP). Ces amendements, imputés par convention sur la mission « Gestion des finances publiques », ont vocation à être répartis sur l'ensemble des missions du budget de l'État.

II. LA MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS » : DES CRÉDITS INSCRITS SUR LA PROVISION RELATIVE AUX RÉMUNÉRATIONS PUBLIQUES QUE LE GOUVERNEMENT PRÉVOIT DE SUPPRIMER PAR AMENDEMENT

Les crédits demandés sur le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » s'élèvent cette année à 70 millions d'euros en AE et en CP, contre 285,5 millions d'euros en 2023. Ces crédits ont vocation à financer la mise en place d'un référentiel d'emploi pour les agents contractuels de la fonction publique ainsi que des mesures de convergence indiciaire et de revalorisation indemnitaire des administrateurs de l'État. Toutefois, un amendement visant à supprimer l'intégralité de ces crédits a été déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale.

Le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » est doté cette année de 125 millions d'euros en CP, contre 225 millions d'euros en 2024. Le rapporteur spécial se félicite de la baisse de ces crédits, après plusieurs années marquées par des ouvertures excessives, auxquelles la commission s'était systématiquement opposée.

III. LA MISSION « TRANSFORMATION ET FONCTION PUBLIQUES » : UNE RATIONALISATION SIGNIFICATIVE DES MOYENS, QUI DEVRA ÊTRE POURSUIVIE SUR LE LONG TERME

A. UNE BAISSE MARQUÉE DES MOYENS DE LA MISSION POUR 2025

Alors que la mission « Transformation et fonction publiques » avait connu une première diminution de - 5,6 % en CP en loi de finances initiale pour 2024, le projet de loi de finances pour 2025 acte, dans le cadre de l'effort de redressement des finances publiques, une baisse significative des moyens de la mission, de - 26,9 % à périmètre courant, à 801 millions d'euros.

Une partie de cette baisse procède de la suppression, par le présent projet de loi de finances, du programme 352 « Innovation et transformation numériques », portant une fraction des crédits de la direction interministérielle du numérique (DINUM) et représentant 74,1 millions d'euros en AE et en CP en LFI 2024, qui a été intégré au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Si la mission affiche ainsi une baisse de - 26,9 % en CP à périmètre courant (soit - 295 millions d'euros), cette évolution représente donc une diminution de - 21,6 % en CP à périmètre constant (soit - 221 millions d'euros). En AE, la baisse est relativement moins marquée, à - 13,7 % à périmètre courant et - 8,3 % à périmètre constant, avec une dotation de 1,081 milliard d'euros pour 2025.

Cette évolution s'explique par la rationalisation des crédits des deux programmes de la mission fonctionnant par appels à projets, qui affichent chacun une baisse d'environ un tiers en CP :

- d'une part, le programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs », finançant la rénovation des cités administratives ;

- d'autre part, le programme 349 « Transformation publique », constitué pour l'essentiel (environ 75 % des crédits) par le Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP).

Ces baisses prennent acte de la sous-consommation chronique de ces programmes depuis leur création, avec d'importants retards constatés sur le décaissement des crédits.

B. ENTRE LA FINALISATION DE LA RÉNOVATION DES CITÉS ADMINISTRATIVES ET LE DÉPLOIEMENT DU PILOTE DU PROJET DE FONCIÈRE, LE PROGRAMME 348 AURAIT VOCATION À S'ÉTEINDRE À TERME

Alors qu'il a fallu attendre fin 2022, soit près de cinq ans après la création du programme 348, pour que l'ensemble des travaux de rénovation des cités administratives puisse débuter, l'année 2025 devrait voir l'achèvement des chantiers de rénovation des 36 cités concernées.

Avancement du programme de rénovation des cités administratives

État d'avancement

Au 31 décembre 2022

Au 30 août 2023

Au 30 août 2024

Marché global de performance ou marché de travaux notifié ou acquisition réalisée

874 millions d'euros
pour 33 projets

922 millions d'euros
pour 35 projets

992 millions d'euros pour 36 projets

Travaux en cours

24 projets

35 projets

21 projets

Opérations de réception

-

5 projets en cours de réception

15 projets réceptionnés

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le projet de foncière de l'État, qui prévoit le versement de loyers par les administrations occupantes, devrait connaître une première mise en oeuvre avec le déploiement d'un « pilote » dans les régions Grand-Est et Normandie.

À terme, la foncière publique interministérielle, qui devrait a priori prendre la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), a vocation à se déployer sur l'ensemble du périmètre des immeubles de bureaux et locaux d'activités de l'État, à l'exception des logements isolés, des biens occupés par le ministère des armées et des biens situés à l'étranger ou des biens trop spécifiques (musées, cathédrales, barrages, etc.), soit environ 20 millions de mètres carrés sur un patrimoine immobilier total de 96 millions de mètres carrés.

L'essentiel des gains attendus, estimés à un milliard d'euros sur huit ans, au titre de la réduction de 25 % des surfaces de bureaux, soit 5 millions de mètres carrés, devrait résulter de la diminution du « mur » d'investissements nécessaires pour la mise aux normes des bâtiments.

Dans le cadre de la centralisation de la gestion immobilière de l'État au sein de la foncière, le rapporteur spécial estime que le programme 348 aurait vocation à s'éteindre progressivement, les dépenses correspondantes étant appelées à être inscrites dans le budget de l'établissement public, qui serait placé sous la tutelle de la direction de l'immobilier de l'État (DIE).

Au titre de l'effort de redressement des finances publiques et dans le cadre du déploiement de la réforme de la foncière d'État, le rapporteur spécial a présenté un amendement de crédits visant à tirer la conséquence budgétaire de la mise en oeuvre dès 2025 de la trajectoire de réduction de 25 % des surfaces occupées (125 millions d'euros en AE et en CP). Cet amendement, imputé par convention sur le programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » de la mission « Transformation et fonction publiques », concerne cependant la politique immobilière de l'État dans sa globalité et a vocation à être réparti en exécution entre l'ensemble des missions.

Réunie le jeudi 7 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques » tels que modifiés par deux amendements de crédits, les crédits de la mission « Crédits non répartis » sans modification et les crédits de la mission « Transformation et fonction publiques » tels que modifiés par un amendement de crédits.

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

Au 10 octobre, date limite prévue par la loi organique relative aux lois de finances pour l'envoi des réponses au questionnaire budgétaire, le rapporteur spécial avait reçu 86 % des réponses pour la mission « Gestion des finances publiques », 100 % pour la mission « Crédits non répartis » et 89 % pour la mission « Transformation et fonction publiques »

PREMIÈRE PARTIE
LA MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES »

La mission « Gestion des finances publiques », placée sous l'autorité du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, porte l'essentiel des crédits du pôle économique et financier de l'État.

Dotée de 11,06 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 10,97 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) dans le présent projet de loi de finances (PLF), la mission se compose de trois programmes :

- les programmes 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du service public local », qui représente près de 75 % des crédits de la mission, et 302 « Facilitation et sécurisation des échanges » sont les deux programmes opérationnels de la mission. Ils portent les crédits des deux grandes directions de réseau que sont la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).

- le programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » porte les crédits du secrétariat général du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ainsi que d'une pluralité de structures2(*). Le secrétariat général n'interfère pas avec ces entités et n'agit pas à leur égard comme un donneur d'ordres. Il joue un rôle de fonction support et budgétaire, son objectif étant de permettre aux administrations du ministère, dans un contexte de ressources contraintes, de disposer des moyens nécessaires à leur fonctionnement.

Répartition des crédits de la mission
« Gestion des finances publiques » en 2025

(en pourcentage et en millions d'euros, en CP)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

À noter que, depuis le 1er janvier 2022, les crédits et les emplois de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et du centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines (CISIRH) ont été transférés du programme 218 vers les programmes 368 « Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques » (titre 2, dépenses de personnel), 148 « Fonction publique » (crédits hors titre 2 du CISIRH) et 349 « Transformation publique » (crédits hors titre 2 de la DITP) de la mission « Transformation et fonction publiques ». Ces modifications de périmètre avaient été justifiées par la volonté de regrouper sur une même mission les moyens d'action et les directions relevant du ministère éponyme.

I. UNE STAGNATION DES CRÉDITS TRADUISANT LA CONTRIBUTION DE LA MISSION AU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

Les crédits demandés pour l'année 2025 sur la mission « Gestion des finances publiques » sont stabilisés (+ 0,66 %) après deux années de hausse exceptionnelle. Les crédits de la mission ont en effet augmenté de 7,6 % entre 2022 et 2024, à rebours de la trajectoire de stagnation voire de baisse des crédits constatées les années précédentes.

L'année 2025, qui s'inscrit dans le contexte particulier du redressement des finances publiques, marque donc un retour à cette trajectoire de modération des crédits de la mission. Le Gouvernement a par ailleurs déposé à l'Assemblée nationale un amendement visant à minorer de 104,2 millions d'euros les crédits de la mission, dont 29 millions d'euros tirant les conséquences des annonces gouvernementales sur l'instauration de deux jours de carence supplémentaire dans la fonction publique et la diminution du taux des indemnités journalières de 100 % à 90 %.

Évolution des crédits de la mission
« Gestion des finances publiques »

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

Exécution 2023

LFI 2024

PLF 2025 

Évolution 2025/2024 
(en absolu)

Évolution 2025/2024 
(en %)

[156] Gestion fiscale et financière de l'État et du service public local

AE

8 061,8

8 080,62

8 255,48

+ 174,86

+ 2,16 %

CP

7 870,5

8 138,12

8 209,48

+ 71,36

+ 0,88 %

[218] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

AE

972

991,37

999,27

- 7,90

+ 0,80 %

CP

956,5

1 054,76

983,84

- 70,92

- 6,72 %

[302] Facilitation et sécurisation des échanges

AE

1 646

1 739,39

1810,19

+ 70,8

+ 4,07 %

CP

1 622,5

1 706,95

1 778,19

+ 71,24

+ 4,17 %

Total

AE

10 576,9

10 811,38

11 064,94

+ 253,56

+ 2,35 %

CP

10 449,5

10 899,84

10 971,51

+ 71,67

+ 0,66 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La trajectoire d'évolution des crédits diffère selon les programmes. Si la DGFiP et la Douane bénéficieraient d'une évolution quasiment similaire en absolu (+ 71,4 millions d'euros en CP pour le programme 156 et + 71,2 millions pour le programme 302), ces montants correspondent en réalité pour la Douane à une hausse de 4,17 % de ses crédits. En revanche, le secrétariat général du ministère de l'économie et des finances (MEFI) voit ses crédits diminuer de 6,72 %.

A. UNE STABILISATION DES CRÉDITS AMENÉE À SE POURSUIVRE DANS LES PROCHAINES ANNÉES

La stabilisation des crédits s'inscrit dans le contexte de la dégradation des finances publiques de la France et traduit la nécessité de faire contribuer, autant que possible, chaque mission du budget de l'État à la rationalisation de la dépense et des emplois. À cet égard, il convient de rappeler la part prépondérante prise par la mission « Gestion des finances publiques » ces dernières années dans les efforts de maîtrise de la masse salariale et du nombre d'agents publics au sein de l'État.

Évolution des crédits de la mission
« Gestion des finances publiques » depuis 2016

(CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Face à la situation de dégradation des finances publiques, le rapporteur spécial invite les directeurs de programme à maintenir les efforts de rationalisation des dépenses lors des prochaines programmations budgétaires. Dans son rapport sur le PLF 2024, il s'était plus particulièrement inquiété de la dynamique observée sur les dépenses de fonctionnement, qui ont progressé de 15,4 % entre l'exécution 2022 et la LFI 2024. Il convient de relever à cet égard que, si les dépenses de fonctionnement sont en légère baisse en CP en 2025 (- 0,8 %), les AE sont en hausse de près de 8,5 %, ce qui peut augurer, à terme, une augmentation des dépenses de titre 3 en CP. Toutefois, d'après la prévision triennale du projet annuel de performances de la mission « Gestion de finances publiques », la stabilisation des dépenses de fonctionnement en CP devrait se poursuivre (+ 0,33 % entre 2025 et 2026, et - 0,28 % entre 2026 et 2027).

Cette projection triennale, qui doit être interprétée avec précaution compte tenu des multiples aléas susceptibles d'affecter la programmation budgétaire, table sur une stabilisation voire une très légère baisse des crédits sur l'ensemble de la mission d'ici 2027. Cette dynamique permettrait ainsi de ramener les crédits à un niveau légèrement inférieur au montant de crédits ouverts en 2024.

Prévision des crédits de la mission entre 2024 et 2027

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Ainsi, une trajectoire de baisse indicative des crédits de 0,8 % serait prévue entre 2025 et 2027 sur la mission. Le rapporteur spécial sera en tout état de cause vigilant à ce que l'effort de rationalisation des dépenses de fonctionnement de la mission s'inscrive dans la durée, mais ne se fasse pas au détriment des missions et chantiers de modernisation prioritaires de la DGFiP et de la DGDDI.

B. UNE BAISSE DES CRÉDITS SUR L'ENSEMBLE DES POSTES DE DÉPENSE, À L'EXCEPTION DES DÉPENSES DE PERSONNEL

Tous les postes de dépense de la mission sont stabilisés voire en baisse dans ce PLF pour 2025, à l'exception des dépenses de titre 2. Les dépenses de personnel, qui représentent 80 % des crédits de la mission, constituent en effet le seul poste de dépense en légère hausse (+ 1,5 %), malgré un schéma d'emplois négatif. Cette progression est toutefois en partie compensée par la diminution des dépenses de fonctionnement, relativement stables à - 0,84 %, et surtout, des dépenses d'investissement, qui connaissent une baisse substantielle de 7,78 %.

Évolution des crédits de la mission
« Gestion des finances publiques » par titre de dépenses

(CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

1. Les dépenses de personnel, premier prisme pour apprécier la programmation budgétaire de la mission

L'évolution des dépenses de personnel de la mission « Gestion des finances publiques » se caractérise depuis plusieurs années par deux effets contradictoires : une diminution du schéma d'emplois, une singularité de ces administrations à l'échelle du budget général, et une évolution soutenue des mesures catégorielles et générales. Le premier n'étant pas suffisant pour compenser les effets du second depuis 2022, la masse salariale a progressé chaque année sur cette période.

Les mesures catégorielles pour l'année 2025 sont toutefois limitées en 2025, et s'élèveraient à environ 20,4 millions d'euros, contre 56,4 millions d'euros en LFI 2024. Elles permettront notamment de financer la poursuite de la mise en oeuvre des mesures de revalorisations des moyens et bas salaires, avec notamment la mesure indiciaire « attribution de 5 points d'indice » à tous les agents, et la mesure spécifique aux agents de catégories B et C, entrée en vigueur le 1er juillet 2023.

La hausse de 112,5 millions d'euros en 2025 (+ 1,28 %) des dépenses de personnel est donc essentiellement dû au glissement vieillesse-technicité (GVT), ainsi qu'au dynamisme de la contribution de la mission au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », et notamment celle du programme 156, qui progresse de 86,3 millions d'euros en 2025. Il est par ailleurs intéressant de relever que, en neutraliser les effets de sa contribution au CAS « Pensions », les crédits de la mission en réalité en baisse de près de 4,8 %.

Le schéma d'emplois de la mission demeure négatif, et se traduit par une suppression de 505 équivalents temps plein (ETP). Ainsi la dynamique de suppression des effectifs de la mission repartirait à la hausse, après un ralentissement progressif, particulièrement marqué en 2024.

Évolution du schéma d'emplois de la mission
« Gestion des finances publiques « 

(en équivalents temps plein)

 

2020

2021

2022

2023

LFI 2024

PLF 2025

Écart 2025/2024

Total 2020-2025

[156] Gestion fiscale et financière de l'État et du service public local

- 1 860

- 1 778

- 1 515

- 1048

- 200

- 550

350

- 6753

[218] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

- 22

- 25

- 53

55

108

- 5

- 113

- 71

[302] Facilitation et sécurisation des échanges

- 168

- 178

19

11

48

50

2

- 96

Total

- 2 050

- 1 981

- 1 549

- 1004

- 44

- 505

239

- 6920

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

De nouveau, le principal effort en ETP est porté par la direction générale des finances publiques. Dans son rapport sur le PLF 2024, le rapporteur avait souligné un problème de « lissage » de cette dynamique de suppression d'emplois au cours du temps : le ralentissement de la diminution des effectifs s'expliquait par le fait que la DGFiP s'est rendue compte avoir besoin de redéployer certains emplois sur des métiers en déficit de personnel.

Le contrôle fiscal en offre une parfaite illustration : le plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques, présenté par le Gouvernement au mois de mai 20233(*) prévoit une augmentation des effectifs du contrôle fiscal de 15 % d'ici 2027, à savoir 1 500 ETP ainsi que le doublement des officiers fiscaux judiciaires d'ici 2025 (+ 40 ETP)4(*). Les objectifs de renforcement des effectifs au titre de la lutte contre la fraude aux finances publiques ont été tenus en 2023 et 2024, avec un renfort de 281 ETP en 2023, et 352 en 2024.

Ce mouvement devrait se poursuivre en 2025, avec un nouveau redéploiement d'effectifs vers les services en charge de la lutte contre la fraude et le meilleur recouvrement des amendes. Toutefois, compte tenu du contexte budgétaire contraint, les services de la DGFiP n'ont pas été en mesure de communiquer précisément le nombre d'emplois qui seront redéployés sur cette mission stratégique.

Les 50 ETP alloués à la Douane seraient quant à eux répartis dans deux secteurs prioritaires, dans la continuité de l'année 2024 : le renforcement des contrôles migratoires et la réinternalisation des fonctions numériques au sein de la DGDDI. Par ailleurs, la Douane bénéficiera d'un transfert d'emplois de la DGFiP de 23 ETP correspondant principalement à l'armement de la mission de renseignement fiscal à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED).

Le programme 218, placé sous la responsabilité du SG MEFI, connaitrait quant à lui une baisse de ses moyens en 2025 (- 5 ETP). D'après les informations transmises en audition, les besoins supplémentaires nécessaires à la participation du service Tracfin dans le cadre du plan de lutte contre la fraude (+ 10 ETP), et la poursuite du projet de facturation électronique interentreprises (+ 7 ETP) seront bien prises en compte, et seront garantis par des redéploiement en plusieurs services.

Le rapporteur spécial souhaite de nouveau saluer la participation de la mission « Gestion des finances publiques » à la rationalisation des emplois publics, a fortiori dans le contexte actuel de redressement des comptes publics. Le taux d'effort - calculé en ramenant le schéma d'emplois au plafond d'emplois - particulièrement « élevé » cette année, en est la parfaite illustration. Il est de - 0,06 % en 2025, un taux négatif impliquant une réduction des effectifs.

2. La baisse des dépenses de fonctionnement et d'investissement traduit l'effort de la mission au redressement des comptes publics

Les dépenses de fonctionnement et d'investissement sont respectivement en baisse de 0,8 % et 7,3 % en 2025.

Un redimensionnement des dépenses fonctionnement a été effectué afin de prendre en compte la situation des finances publiques du pays. C'est plus particulièrement vrai pour la DGFiP et le SG MEFI, qui voient leurs dépenses de titre 3 diminuer respectivement de près de 1 % et 5,35 %. Les crédits de fonctionnement de la Douane font en revanche l'objet d'une hausse de près de 8,3 %. Interrogés par le rapporteur spécial sur ce point, le directeur adjoint de la DGDDI a indiqué que cette augmentation s'explique par le fait que l'inflation, plus forte qu'anticipée sur la période 2022 à 2024, a induit un décalage entre la trajectoire financière prévue dans le contrat d'objectifs et de moyens 2022-2025 de la DGDDI et les dépenses effectivement réalisées, ce qui a nécessité un « rebasage » des dépenses de titre 3.

La diminution des dépenses d'investissement s'explique en grande partie par la suspension de la rénovation du bâtiment Vincent Auriol des services centraux du MEFI, financée par le programme 128. Ce projet, porté dans le cadre du schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) des services centraux du MEFI pour 2019-2023, bénéficiait en LFI 2024 d'une enveloppe de 37,8 millions d'euros. D'après les services du MEFI, plusieurs options relatives au déroulement du projet de rénovation du site ont été soumises à l'analyse de la direction de l'immobilier de l'État en termes de rentabilité et d'opérabilité. Compte tenu du glissement de calendrier de ce projet, et considérant que son abandon figure parmi les options envisageables, les crédits prévus pour ce projet en 2024 ont fait l'objet d'une annulation par le décret du 21 février 2024. Dans l'attente des prochains arbitrages, le Gouvernement a décidé de ne pas ne pas reconduire ces crédits en 2025.

Le rapporteur spécial se félicite que la baisse des crédits d'investissement de la mission ne se réalise pas au détriment des missions prioritaires de la DGFiP et de la Douane, et notamment, de la lutte contre la fraude, pour laquelle des moyens supplémentaires sont de nouveaux prévus en 2025. C'est plus particulièrement le cas pour la Douane, dont les dépenses d'investissement augmentent de plus de 10 % pour le financement de nouveaux scanners mobiles et postaux.

Il convient enfin de rappeler qu'il a systémiquement été constaté ces dernières années, lors de l'examen de la loi de règlement et d'approbation des comptes5(*), un écart en exécution entre les dépenses d'investissement et les dépenses de fonctionnement, au profit de ces dernières. Ces différentiels s'expliquent par la difficulté initiale des gestionnaires à pouvoir qualifier leurs dépenses informatiques, ce qui entraine ensuite des mouvements de gestion en cours d'année. Le SG MEFI a indiqué au rapporteur spécial que des travaux avaient été menés pour fiabiliser la prévision budgétaire sur les dépenses informatiques. Ces efforts devront être appréciés lors de l'examen de l'exécution des crédits consommés en 2024.

3. Une nouvelle baisse des dépenses de guichet, portée exclusivement par les aides accordées aux buralistes

Les dépenses de guichet sont principalement portées par la DGDDI, dans le cadre de la mise en oeuvre du nouveau protocole relatif à l'accompagnement du réseau des buralistes, signé entre l'État et la confédération nationale des buralistes pour la période 2023-2027. Ce protocole, qui conduirait à l'ouverture de 59,1 millions d'euros de crédits en 2025 (- 10 millions d'euros par rapport à l'année 2024), comprend cinq axes6(*) :

- la mise en oeuvre d'engagements réciproques entre l'État et le réseau des buralistes. L'État s'est engagé à renforcer la lutte contre les trafics de produits du tabac et à ouvrir une réflexion sur la règlementation applicable au monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés, tandis que les buralistes se sont engagés à respecter les interdictions de vente aux mineurs ;

- la poursuite de la transformation du réseau pour transformer les débits de tabac en commerces diversifiés. Une enveloppe annuelle de 20 millions d'euros est allouée au dispositif, avec un niveau de prise en charge plus élevé pour les débits de tabac dont le chiffre d'affaires précédant la demande est inférieure à 500 000 euros ;

- le soutien aux buralistes les plus fragiles, grâce à des aides davantage ciblées, sous trois formats : la création d'un dispositif de soutien forfaitaire, la création d'un « filet de sécurité » et le maintien des indemnités de fin d'activité ;

- la poursuite de l'aide à la sécurisation des tabacs, versée à tous les débits qui investissent dans la sécurisation de leur débit. Cette aide est plafonnée à 10 000 euros par période de cinq ans ;

l'augmentation du taux de rémunération des buralistes pour la vente de produits du tabac.

Un avenant au protocole a été signé le 4 août 2023 afin d'intégrer une aide à la reprise d'activité des buralistes touchés par les émeutes intervenues entre le 25 juin et le 5 juillet 2023. 318 débitants ont été reconnus éligibles à cette aide d'un montant de 10 000 euros, soit un coût total de 3,18 millions d'euros.

Les aides liées au chiffre d'affaires ayant été recentrées sur les plus petits buralistes7(*), les dépenses liées à la mise en oeuvre de ce protocole seraient en baisse sur la période 2023-2027, par rapport à la période 2018-2022. Les aides seraient toutefois plus élevées que ce qui avait été prévu dans le contrat pluriannuel d'objectifs et moyens de la douane 2022-2025, au regard de la nécessité de pouvoir soutenir au mieux les buralistes.

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL : LA NÉCESSAIRE POURSUITE DES CHANTIERS ET PRIORITÉS IDENTIFIÉS DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, MALGRÉ LE CONTEXTE BUDGÉTAIRE CONTRAINT

Trois chantiers prioritaires ont été identifiés par le rapporteur spécial lors de ses auditions : la mise en place du nouveau réseau de proximité de la direction générale des finances publiques (DGFiP), la résorption de la dette technologique des administrations et la lutte contre les flux illicites. Certains chantiers sont identifiés de longue date et se poursuivent, en respectant plus ou moins leur calendrier initial.

A. LA TRANSFORMATION DU RÉSEAU TERRITORIAL DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUE EST EN COURS D'ACHÈVEMENT

1. Les trois volets de la réorganisation territoriale de la DGFiP

La transformation du réseau de la DGFiP comprend la mise en place du « nouveau réseau de proximité « (NRP), l'installation des conseillers aux élus locaux et la délocalisation de certains services des métropoles vers les villes moyennes.

a) Le déploiement du nouveau réseau de proximité est quasiment finalisé

La rationalisation du réseau territorial de la DGFiP, par le biais de fusions ou de suppressions, est en oeuvre depuis plusieurs années : le réseau déconcentré de l'administration fiscale a connu une importante perte de ses emprises, qui s'est traduite, entre 2015 et 2019, par une diminution de 17,1 % du nombre de services locaux de la DGFiP.

La méthode retenue a toutefois fait l'objet d'une inflexion en 2019, après plusieurs années de critiques de la part des élus locaux, des agents de l'administration, de la Cour des comptes et des parlementaires, notamment de la commission des finances. Ils estimaient que les suppressions et les fusions étaient faites « à vue », sans vision de long terme, au gré des résistances rencontrées sur place et sans projection sur les besoins et les effectifs.

Un processus de concertation a donc été lancé au début du mois de juin 2019 afin de définir, dans chaque département et par le biais d'une contractualisation, la nouvelle carte des implantations territoriales de la DGFiP. Réunissant les élus locaux, les directeurs départementaux des finances publiques et les préfets, il a mené à la mise en place du « nouveau réseau de proximité « (NRP), qui doit répondre à un double-objectif : poursuivre la rationalisation du réseau de la DGFiP, dont les métiers évoluent fortement, et renforcer la proximité de ces services publics. Le NRP ne se traduit pas pour autant par une interruption des fermetures de trésoreries ou de services d'impôt aux particuliers : le but n'est pas de préserver le réseau des sites permanents en l'état, mais de multiplier les points de contact à l'échelle d'un département.

Dans le cas du NRP, une charte est signée avec chaque département : elle décrit les services présents, y compris les conseillers aux décideurs locaux, les modalités de présence, l'offre de service, la contribution de la DGFiP au fonctionnement des accueils de proximité. Elle entérine également l'instauration d'un comité de suivi présidé par le directeur départemental des finances publiques et chargé de suivre la bonne application de ces dispositions.

Alors que la mise en place du NRP est supposée s'achever en 2026, la Cour des comptes a souligné, dans son rapport relatif à l'action de la DGFiP auprès du bloc communal remis en décembre 2023 à la commission des finances du Sénat8(*), qu'en dépit de l'ampleur de la restructuration, la DGFiP est en avance sur ses objectifs : 97,2 % du réseau cible devait ainsi être atteint à la fin de l'année 2023. Le nombre de services locaux devrait passer de 3 500 à 2 000 d'ici 2026, tandis que le nombre de communes disposant d'un point de contact « DGFiP » augmenterait de 1 977 à plus de 3 000. Cette évolution est principalement due à la présence de la DGFiP dans les espaces France services et en mairie.

Évolution du réseau déconcentré
de la DGFiP entre 2019 et 2026 (projection)

* Services des impôts des entreprises, services des impôts des particuliers, services de publicité foncière et d'enregistrement, pôles de recouvrement spécialisés et trésorerie « amendes ».

Source : commission des finances, d'après les données publiées par la Cour des comptes

b) Les conseillers aux décideurs locaux, des interlocuteurs essentiels pour les communes, mais des engagements non tenus quant à leur nombre

Le réseau des conseillers aux décideurs locaux (CDL), qui ont vocation à devenir les interlocuteurs privilégiés des ordonnateurs des collectivités territoriales, devait se déployer progressivement pour atteindre 1 200 CDL à la fin de l'année 2022. En 2022, 81 % des prestations des CDL ont ainsi été réalisées au profit de communes et 68 % au profit de communes de moins de 3 500 habitants. Or, alors que 1 200 conseillers étaient promis, la cible a été revue à la baisse, à 993 CDL, 917 conseillers étant déjà en poste au mois de décembre 2023.

Il est regrettable que le Gouvernement et la DGFiP n'aient pas tenu leurs engagements, alors même que ces conseillers jouent un rôle primordial auprès des plus petites collectivités, et en particulier auprès des communes rurales. Cela est d'autant plus curieux que le rapport de la Cour des comptes remis à la commission en décembre 2023 met en exergue un déséquilibre dans la répartition de la charge de travail entre les CDL. Alors que la DGFiP estimait qu'un conseiller aurait environ 73 comptes à sa charge, ce nombre est d'environ 46 en moyenne dans les départements de plus d'un million d'habitants et de 80 dans les départements de moins d'un million d'habitants.

Il ressort des auditions du rapporteur spécial sur ce PLF que, si la mise à contribution de la DGFiP au redressement des finances publiques ne devrait pas se traduire par une réduction du nombre de conseillers, le contexte budgétaire particulièrement contraint rend assez peu probable une réévaluation à la hausse de la cible de déploiement des CDL à moyen terme.

c) La délocalisation de certains services, une finalisation en vue pour 2026

Auparavant dénommée « démétropolisation », la relocalisation de certains services publics des métropoles vers les territoires périurbains et ruraux a été inscrite comme un objectif prioritaire à l'issue du quatrième comité interministériel de la transformation publique, le 15 novembre 20199(*). Si l'ensemble des administrations de l'État sont concernées, la DGFiP devrait être le contributeur le plus important à ce processus : 2 600 agents seront concernés, sur un objectif total de 6 000 emplois d'État transférés. Au total, 66 communes ont été sélectionnées à la suite d'un appel à candidature national. Elles ont vocation à accueillir, entre 2021 et 2026, 74 nouveaux services dans 57 départements.

La mise en place des services est progressive : démarrée en 2021, elle s'organise jusqu'en 2026, en prenant en compte les départs « naturels » des agents (départs à la retraite, mutation ou promotion) de leur service d'origine, dans le respect du principe du volontariat pour les agents.

Après quelques délais dans la mise en oeuvre de la relocalisation des services publics, le déploiement s'avère finalement plus dynamique qu'anticipé - les efforts de la DGFiP en ce sens doivent être salués. Ainsi, au 30 septembre 2024, près de 2 300 emplois sont déjà implantés, ce qui représente 85 % des emplois cible prévus à l'horizon 2026. En 2025, 106 emplois seraient concernés, ainsi que 231 en 2026, soit au total 2 633 personnes. La DGFiP aurait donc tenu ses engagements.

Nombre de services et d'emplois délocalisés

Aucune relocalisation de service ou commune n'est prévue en 2025 et 2026 : les emplois créés ont vocation à soutenir la consolidation des services existants.

Source : commission des finances, d'après les données transmises au rapporteur spécial par la direction générale des finances publiques dans les réponses au questionnaire budgétaire

Les principaux services concernés par la relocalisation sont des services d'impôt pour les entreprises et des centres d'appels, ainsi qu'une vingtaine de services d'appui à la publicité foncière, qui traiteront à distance une partie de l'activité des services de publicité foncière des grandes villes afin de les désengorger. La création de centres d'accueil téléphonique est tout à fait bienvenue pour pallier les effets de la dématérialisation croissante des démarches sur certains publics vulnérables ou dont la situation ne correspond pas aux situations les plus communes.

2. La nécessité de garantir un accueil physique de qualité, en particulier pour les populations éloignées du numérique

Certains de nos concitoyens, éloignés du numérique, sont aujourd'hui dans l'incapacité d'effectuer leurs démarches par internet, tandis que les services sont parfois difficilement joignables par téléphone : dans ce contexte, il est impératif de conserver un accueil physique des contribuables, avec une haute qualité de service. Sept millions de personnes ont été accueillies aux guichets des services déconcentrés de la DGFiP en 2023, alors que le prélèvement à la source et la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales avaient conduit à anticiper une baisse de la fréquentation.

Ce chiffre, très élevé, s'explique aussi par les inquiétudes suscitées par la nouvelle obligation déclarative sur le service en ligne « Gérer mes biens immobiliers GMBI », ce qui a de nouveau illustré la crainte que peut susciter, chez une partie de nos concitoyens, des démarches entièrement dématérialisées, à réaliser sans l'appui d'un accompagnement personnalisé10(*).

Le service en ligne « Gérer mes biens immobiliers »

GMBI est un service en ligne pour les usagers particuliers comme professionnels et offrant une vision d'ensemble des propriétés bâties sur lesquelles l'usager détient un droit. Les contribuables ont eu l'obligation, au premier semestre 2023, de déclarer l'occupation de tous leurs locaux d'habitation, soit près de 33 millions de biens.

Face aux difficultés et interrogations suscitées par cette obligation déclarative, la date limite a été décalée à deux reprises, du 31 juillet au 1er août puis au 10 août. L'administration fiscale avait également annoncé qu'elle ferait preuve de « bienveillance » envers les retardataires de bonne foi, s'agissant d'une nouvelle obligation.

La DGFiP a reconnu que le retour d'expériences était « mitigé », du fait des incompréhensions autour de cette nouvelle obligation déclarative. Beaucoup de contribuables se sont ainsi inquiétés des conséquences de cette obligation et, pour la première fois en six ans, le nombre de personnes se déplaçant dans un centre des impôts a augmenté. La DGFiP a convenu d'un passage « difficile », tant pour les agents que pour les contribuables

Source : commission des finances, d'après les informations transmises en audition et en réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Il est important de rappeler que, selon la Défenseure des droits, 13 millions de personnes connaissent des difficultés d'accès aux services numériques, un nombre qui stagne depuis 2019, « les laissés pour compte de la dématérialisation étant toujours aussi nombreux »11(*). Il est par exemple paradoxal que le Gouvernement, pour vanter l'accessibilité des services publics, enjoigne aux usagers de consulter des cartes dématérialisées des points d'accueil de proximité ou des espaces France services. A cet égard, le rapporteur spécial ne peut que partager la recommandation de la Cour des comptes12(*) appelant à compléter les outils de recensement de la satisfaction des usagers avec des enquêtes permettant de mesurer les difficultés d'accès de certaines populations éloignées des outils dématérialisés.

À cet égard, la participation de la DGFiP aux espaces France services apparaît cruciale pour continuer d'accompagner les populations les plus fragiles, celles qui sont éloignées du numérique ou encore les contribuables dont la situation fiscale ne rentre pas dans les dispositifs de déclaration « standards ». Le rapporteur spécial soutient donc pleinement la recommandation de la Cour des comptes13(*) appelant la DGFiP à conforter sa participation à ces espaces, dans une démarche de mutualisation des moyens, et en étant attentif aux besoins exprimés.

Contribution de la DGFiP aux espaces France services

Le financement des dispositifs France services repose sur plusieurs opérateurs. La DGFiP y contribue à hauteur de 13,8 % de l'enveloppe totale, pour 11 % environ des sollicitations d'usagers. En absolu, sa contribution progresse, puisqu'elle est passée de 4,6 millions d'euros en 2022 à 5,1 millions d'euros en 2023, avec une projection à 7,4 millions d'euros en 2026.

Source : enquête de la Cour des comptes

Un tiers des communes considère que la participation de la DGFiP aux espaces France services est encore insuffisante. Ces espaces permettent pourtant de ramener les services publics au plus près de la population et de la vie quotidienne de nos concitoyens, un enjeu primordial pour remédier aux fractures territoriales.

B. MALGRÉ LA BAISSE DES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT, LE BUDGET INFORMATIQUE DE LA MISSION EST PRÉVERSÉ DANS UN SOUCI DE RÉSORPTION DE LA DETTE TECHNOLOGIQUE DES ADMINISTRATIONS

Les enjeux informatiques de la DGFiP, de la Douane mais aussi du SG MEFI sont majeurs. Les trois administrations assument des missions essentielles au bon fonctionnement de l'État, en assurant le recouvrement de ses ressources et la gestion d'une partie de ses dépenses. À cela s'ajoute pour la DGDDI la gestion d'un service de cloud au profit de plusieurs administrations, pour un coût moyen annuel d'environ 22 000 euros par baie14(*).

Depuis le projet de loi de finances pour 2020, le rapporteur spécial a relevé un changement d'approche bienvenu sur les dépenses informatiques de la mission, qui avaient eu trop tendance à être considérées comme une variable d'ajustement, dans un contexte budgétaire contraint à l'échelle de la mission. Pourtant, ces dépenses, d'investissement comme de fonctionnement, sont destinées à soutenir et à améliorer des systèmes d'information primordiaux dans la vie quotidienne des citoyens et des agents économiques. Il en va ainsi du prélèvement à la source, des projets destinés à améliorer l'efficience du contrôle fiscal ou encore de l'adaptation au Brexit via la mise en place du système de frontière intelligente.

En 2025, les crédits alloués aux dépenses informatiques s'élèveraient à environ 584,3 millions d'euros, en baisse de 6 millions d'euros par rapport à 2024, qui constituait toutefois un point haut. Plus précisément, le PLF 2025 prévoit :

489,9 millions d'euros en CP pour la DGFiP, avec des priorités telles que la poursuite du projet de facturation électronique. Ce budget serait en hausse de 22 millions d'euros par rapport à 2024 ;

- 50,2 millions d'euros en CP pour la Douane, dont 31 millions d'euros au titre des dépenses d'investissement, avec des projets tels que 3D, qui vise à développer le datamining et la science des données dans l'ensemble des métiers de la DGDDI ;

36,7 millions d'euros en CP pour le programme 218.

Ainsi, le rapporteur spécial relève avec satisfaction que les crédits d'investissement consacrés à la résorption de la dette informatique des administrations de la mission ont été préservés, en dépit du contexte budgétaire contraint.

Pour autant, il constate, comme chaque année, la même difficulté de suivi des projets informatiques, avec des dépassements importants de calendrier et de coût. Il s'interroge toujours sur l'opportunité de mettre en place des mécanismes d'alerte en cas de dérapage avéré des coûts et des délais, actualisés à la hausse à chaque projet de loi de finances. Dans son bilan du contrat d'objectifs et de moyens de la DGFiP pour la période 2020-202215(*), l'Inspection générale des finances note que la direction dispose de marges de progrès en matière de pilotage de sa dette technique informatique et appelle à ce que la résorption de cette dernière devienne véritablement une priorité dans le cadre du prochain contrat d'objectifs et de moyens (2023-2027).

Un exemple, qui n'en est malheureusement qu'un parmi d'autres, le coût du projet de portail public pour la facturation électronique a plus que doublé tandis que les délais de livraison n'ont augmenté « que » de 11 %, passant de 84 mois à 94 mois. Ce retard avait conduit au premier report de l'entrée en vigueur de la généralisation de la facturation électronique pour les transactions entre entreprises au 1er juillet 2024. L'article 91 de la LFI pour 2024 a de nouveau reporté l'entrée en vigueur de cette réforme au 1er septembre 2026. Or, non seulement elle est annoncée depuis 2020 et elle doit permettre d'accroître l'efficacité de la lutte contre la fraude à la TVA, mais en plus ce report renchérira les coûts de maintenance.

Il est difficilement compréhensible que des révisions de prix interviennent pour des raisons de sincérisation, avec des critères qui auraient pu être pris en compte dès le lancement du projet. S'agissant du portail public pour la facturation électronique, la direction interministérielle du numérique a retenu dans son avis du 12 janvier 2023 un coût incluant le premier lot (investissement initial) ainsi que les deux premières années de fonctionnement. Ce coût a donc été reporté dans les documents budgétaires depuis le PLF 2024 et l'estimation de base des années antérieures apparaît faussée.

Plus généralement, le rapporteur spécial observe que, d'année en année, les coûts de tous les projets sont révisés à la hausse et que les dates de livraison sont décalées. L'explication de ces décalages ne peut se résumer aux seules considérations techniques comptables.

Évolution des coûts et des délais des principaux projets informatiques
portés par les programmes 156 et 218

(en euros et en mois)

GMBI - Gérer mes biens immobiliers : service en ligne pour les usagers particuliers comme professionnels et offrant une vision d'ensemble des propriétés bâties sur lesquelles l'usager détient un droit.

Nouveau réseau de proximité : modernisation de l'outil de gestion des implantations de la DGFiP sur le territoire.

PAYSAGE : consolidation de l'application de paye des agents de l'État.

PILAT : pilotage du contrôle fiscal, afin de transformer le système d'information relatif à la chaîne du contrôle fiscal et « décloisonner » les informations.

RocSP : recouvrement optimisé des créances de la sphère publique, dans le but d'unifier progressivement le recouvrement forcé des différents types de créances de la sphère publique

SIRANO : rénovation du système d'information décisionnel de Tracfin.

TNCP - commande publique : proposition d'une offre de services numériques permettant de dématérialiser de bout en bout la chaîne de la commande publique.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

En parallèle, et cette fois-ci dans une optique de contrôle a posteriori, les documents budgétaires pourraient chiffrer, ou à tout le moins quantifier, dans la mesure du possible, les gains de productivité liés à la mise en oeuvre de ces projets. Une partie de ces données est disponible puisqu'un tel exercice a été fait sur le portail commun de recouvrement fiscal, social et douanier dans le cadre du bilan des réformes de productivité de l'action publique16(*) publié au mois d'octobre 2021. Ce bilan présente à la fois les économies directes attendues à court terme (diminution des dépenses d'affranchissement), les économies indirectes (interruption d'autres projets sectoriels en faveur du projet commun) et les économies escomptées à long terme (amélioration des taux de recouvrement).

C. LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET LES FLUX ILLICITES DEMEURE UNE PRIORITÉ POUR LES ADMINISTRATIONS DE LA MISSION

Si les missions de lutte contre la fraude et contre les flux illicites font respectivement partie des missions prioritaires de l'administration fiscale et de la Douane, d'autres administrations y contribuent. Ainsi, sur le programme 218, ce sont 3,3 millions d'euros en AE et 3,25 millions d'euros en CP qui sont demandés pour Tracfin aux seules fins de la mise en place du plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques, présenté par le Gouvernement au mois de mai 202317(*). Ces crédits devront permettre de financer la poursuite de l'adaptation des outils numériques de détection des fraudes ainsi que le développement des capacités de renseignement, en renforçant les moyens d'enquête et d'investigation18(*).

1. La valorisation de la donnée, un impératif pour renforcer l'efficacité de la lutte contre la fraude
a) Les résultats du contrôle fiscal s'inscrivent dans le rebond observé depuis 2021

Après plusieurs années de baisse inquiétante des résultats du contrôle fiscal, l'année 2019 a marqué un net rebond, les recettes du contrôle fiscal ayant atteint 11 milliards d'euros, auxquels s'ajoutaient 385 millions d'euros du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) et 550 millions d'euros générés par les conventions judiciaires d'intérêt public (CJIP), dont celle conclue par Google pour 500 millions d'euros.

Les résultats pour l'année 2020 ont, eux, mécaniquement été affectés par la crise sanitaire. Le rendement budgétaire du contrôle fiscal a alors atteint 7,8 milliards d'euros : ce chiffre était certes inférieur de plus de 40 % au résultat observé en 2019, mais était du même niveau que celui constaté en 2018.

En 2022 et en 2023, les montants recouvrés au titre du contrôle fiscal ont atteint 10,6 milliards d'euros, en stabilisation par rapport à 2021 (10,7 milliards d'euros). Le niveau de 2019 a donc quasiment été atteint.

Évolution des montants encaissés au titre du contrôle fiscal

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après le rapport de la mission d'information de la commission des finances sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi que le rapport d'activité de la direction générale des finances publiques pour l'année 2023

Le rapporteur spécial relève que, pour les exercices 2022 et 2023, le Gouvernement a fait le choix surprenant de présenter, dans le bilan d'activité de la DGFiP, d'abord les montants mis en recouvrement (15,2 milliards d'euros en 2023) avant les montants recouvrés. Il avait pourtant fait le choix, dès 2019, de ne plus présenter que les montants recouvrés, plus représentatifs des progrès accomplis en matière de lutte contre la fraude.

b) La valorisation de la donnée, un enjeu majeur pour la lutte contre la fraude
(1) La mission requêtes et valorisation de la DGFiP

Le contrôle fiscal a connu ces dernières années une transformation profonde de ces outils, avec un recours accru à l'intelligence artificielle ainsi qu'à l'exploitation des données de masse (datamining, text-mining). Ces nouvelles techniques sont au coeur des objectifs affichés par le Gouvernement, qui entend mettre à profit ces outils pour poursuivre le redressement des résultats du contrôle fiscal. Ils doivent permettre de détecter des cas de fraude plus complexe et plus sophistiquée, tout en améliorant la programmation des contrôles19(*).

À la fin de l'année 2023, 56 % des opérations de contrôle fiscal ont été programmées par le biais du datamining, soit une progression par rapport à 2022 (52,4 %), 2021 (44,1 %), 2020 (32,5 %) et 2019 (22 %). Le Gouvernement a aujourd'hui largement atteint la cible qu'il s'était fixée, de 50 %.

L'efficacité du ciblage progresse également : le montant des droits et pénalités rappelés sur l'année 2022 sur les contrôles ciblés par intelligence artificielle s'est élevé à 2 milliards d'euros, soit 67 % de plus qu'en 2021 (1,2 milliard d'euros) et 2,5 fois plus que le montant moyen rappelé en 2019 et 2020 (autour de 790 millions d'euros).

Ces résultats sont positifs et illustrent ainsi la montée en puissance des nouvelles techniques d'analyse de la donnée, alors que les agents chargés du contrôle fiscal reçoivent des flux de données de plus en plus volumineux.

L'information du Parlement sur le recours et l'efficacité du datamining demeure toutefois imparfaite. À l'instar de ce qui est inscrit dans les recommandations de la mission d'information de la commission relative à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales20(*), le rapporteur spécial souhaiterait que soient prévus, dans les documents budgétaires, des sous-indicateurs portant sur le taux de dossiers sélectionnés par la programmation centralisée (datamining) et ayant conduit, d'une part, au recouvrement de droits et pénalités et, d'autre part, à des contentieux à « enjeux » ou particulièrement complexes. Il existe en effet une incertitude quant à la capacité des traitements déployés à pouvoir déceler des schémas de fraude complexe, le plus souvent appuyés sur des montages transfrontaliers.

(2) Le service d'analyse de risque et de ciblage (SARC) de la DGDDI

La Douane a également développé son propre service à compétence nationale dédié au traitement des données, le service d'analyse de risque et de ciblage (SARC).

Le service d'analyse de risque et de ciblage (SARC)

Le SARC, service à compétence nationale, a été créé par un arrêté du 29 février 2016. Entré en fonction en 2016, il est chargé de la production de l'intégralité des analyses de risque et études à vocation opérationnelle portant sur l'avant dédouanement, le dédouanement et la fiscalité. Il dispose également d'une cellule datascience chargée de valoriser les données douanières dans la lutte contre la fraude. Le SARC a une vocation directement opérationnelle : l'intégration des profils de ciblage dans l'outil Risk management system (RMS) ; l'orientation des contrôles ex-post 1 et ex-post 2 grâce à l'attribution des dossiers aux services concernés par le type de risque préalablement identifié.

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Ces outils sont plus que nécessaires pour la Douane depuis l'entrée en vigueur depuis le 1er juillet 2021 du paquet européen relatif à la TVA sur le commerce électronique. La règlementation européenne a en effet mis fin à l'exonération de TVA sur les envois à valeur négligeable (EVN - inférieurs à 22 euros en France) au profit d'un dispositif de guichet unique pour les biens de moins de 150 euros importés de pays ou de territoires tiers. L'exonération sur les EVN constituait en effet un ressort important de fraude à la TVA, la Cour des comptes parlant de « fraudes sans doute massives pour les envois en provenance des pays extra-européens »21(*), ce qu'Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier avaient déjà montré en 201322(*).

Conséquence néanmoins, la Douane doit faire face à un afflux massif de déclarations, accru par la très forte progression du commerce électronique depuis le début de l'épidémie de covid-19 et impossible à contrôler individuellement. Selon le ministère de l'économie, des finances et de la relance, ce sont plus de 450 millions de déclarations électroniques en douane qui pourraient être faites, contre 15 millions aujourd'hui23(*).

Lors de son audition par le rapporteur spécial, le directeur adjoint de la DGDDI a indiqué que la Douane travaille actuellement, avec ses partenaires de l'Union européenne, à la création d'un datahub européen, qui permettra de centraliser et fiabiliser l'ensemble des données transmises par les plateformes et nécessaires pour le contrôle du respect de la réglementation TVA.

2. Les moyens de la Douane sont renforcés en 2025 pour lui permettre de mener à bien sa mission de lutte contre les trafics de toute nature

Administration de la frontière et de la marchandise, la Douane surveille et contrôle l'ensemble des flux de marchandises entrant et sortant du territoire. L'une de ses missions fondamentales, réaffirmée dans le cadre de sa revue stratégique, est de lutter contre les trafics de marchandises prohibées et les flux financiers illicites. Elle a ainsi saisi 92,6 tonnes de stupéfiants en 2023, retiré 20,5 millions d'articles contrefaits et, au nom de la lutte contre la fraude financière, saisi ou identifié des avoirs pour un montant total de 163,3 millions d'euros.

Les prérogatives de la Douane ont été modernisées et significativement renforcées par la loi du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de lutter contre les nouvelles menaces24(*). Une réforme du « droit de visite » des douaniers, qui correspond à un droit de fouille des personnes, des marchandises et des moyens de transport, était en effet impérative après que le Conseil constitutionnel a estimé que l'article 60 du code des douanes n'était pas conforme à la Constitution25(*). En parallèle, les agents des douanes se sont également vus octroyer de nouveaux pouvoirs, tels que la possibilité de sonoriser et de capter des images dans le cadre des enquêtes douanières, d'accéder et de saisir des données numériques dans le cadre des visites domiciliaires, de moderniser le délit de blanchiment douanier, de favoriser les échanges d'information entre l'autorité judiciaire et la Douane ou encore, à l'initiative du Sénat, de pouvoir mieux lutter contre la fraude à la détaxe de TVA.

Tirant les conséquences de la loi « Douane », le Gouvernement a annoncé un renforcement des moyens de la DGDDI, et plus particulièrement, des services de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), dans le cadre de lutte contre les fraudes en 2023. Ce renforcement des moyens de la DNRED s'est notamment traduit par l'engagement d'un plan d'investissement de 100 millions d'euros.

Ce service a ainsi bénéficié d'une enveloppe de 22,7 millions d'euros en AE et de 15,4 millions d'euros en CP en 2024, qui a été allouée à des travaux informatiques, à l'acquisition de matériels techniques, aux opérations immobilières et à l'acquisition de véhicules. Le renforcement des moyens de la DNRED se poursuivra en 2025, ce service voyant son budget porté à 26,6 millions d'euros en AE et 24 millions d'euros en CP. La DNRED bénéficiera en outre d'un transfert d'emplois de 23 ETP en provenance de la DGFiF, qui permettra notamment d'engager les premiers recrutements de la nouvelle unité de renseignement fiscale (URF), également annoncée dans le cadre du plan de lutte contre les fraudes, et qui devrait être créée en 2025.

Deux dispositions de la loi « Douane » avaient également été introduites dans un double objectif de lutter contre la fraude et de renforcer les prérogatives de la Douane dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 : la création d'une réserve opérationnelle douanière et la possibilité, pour les douaniers, de procéder à une retenue d'argent liquide sur le territoire, à la condition qu'il existe des indices que cet argent est lié à une activité criminelle (terrorisme, fabrication et trafic de stupéfiants, criminalité organisée, corruption, fraude fiscale grave).

Le rapporteur spécial regrette que la réserve opérationnelle n'ait pas pu être mise en service pour les Jeux Olympiques et paralympiques, alors même que sa création avait été en partie justifiée par cette échéance. Ce retard s'explique par le fait que les textes d'application permettant la mise en oeuvre effective de cette réserve n'ont toujours pas été pris. D'après les informations communiquées en audition par le directeur adjoint de la DGDDI, cette réserve opérationnelle devrait être mise en service en été 2025. Par ailleurs, le budget de titre 2 relatif à la rémunération de 300 agents des douanes réservistes s'élèverait, en année pleine, à 3,1 millions d'euros.

DEUXIÈME PARTIE
LA MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS »

L'article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) prévoit l'existence d'une mission, qui correspond à la mission « Crédits non répartis », composée de deux dotations. Aussi les programmes 551 et 552 de cette mission correspondent-ils respectivement à la dotation pour la « provision relative aux rémunérations publiques » et à la dotation pour « dépenses accidentelles et imprévisibles ». Les crédits de paiement de cette mission sont habituellement faibles, l'essentiel des dépenses de l'État devant être réparti par mission, en vertu du principe de spécialité budgétaire, établi par le même article 7. Conformément à l'article 11 de la LOLF, ces dotations sont réparties dans les missions du budget général en cours de gestion et en tant que de besoin par voie réglementaire, sur le rapport du ministre chargé des finances.

Si des crédits sont systématiquement inscrits pour le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles », compte tenu de la nature particulière des dépenses qu'il est censé couvrir, le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques « faisait en revanche plus rarement l'objet d'une ouverture de crédits, jusqu'en 2019. Toutefois, des crédits ont été budgétés sur cette provision lors des six dernières discussions budgétaires.

Évolution des crédits de paiement par programme

(en millions d'euros)

Crédits de paiement ouverts en LFI / demandés en PLF

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques « 

16

198,5

423,7

80

285,5

70

Programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles « 

124

124

124

1 154

225

125

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

I. LA PROVISION RELATIVE AUX RÉMUNÉRATIONS PUBLIQUES

A. LE RECOURS AU PROGRAMME 551 : UNE DÉROGATION AU PRINCIPE DE SPÉCIALITÉ BUDGÉTAIRE QUI EST AUJOURD'HUI DEVENUE SYSTÉMATIQUE

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit une ouverture de crédits sur le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » à hauteur de 70 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), une baisse de près de 75,5 % par rapport aux crédits ouverts en LFI 2024.

Le recours à cette provision, destinée à financer des mesures de titre 2 dont la répartition au sein des différents programmes du budget de l'État ne peut être connu avec précision au moment de la programmation budgétaire, était exceptionnel jusqu'en 2019. En effet, le programme 551 n'a fait l'objet que d'une seule ouverture de crédits entre 2015 et 2018, pour un montant de 11 millions d'euros. Le recours à cette provision semble aujourd'hui bien plus systématique.

Évolution des crédits inscrits sur le programme 551 entre 2016 et 2025

(en millions d'euros et en AE=CP)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le rapporteur spécial a plusieurs fois déploré cette systématisation du recours à la provision du programme 551, d'autant plus que celle-ci est souvent mobilisée pour financer des mesures annoncées dans le cadre des rendez-vous salariaux de la fonction publique du mois de juin, soit plusieurs mois avant la présentation du projet de loi de finances (PLF). Même si les crédits de la provision relative aux rémunérations publiques représentent un montant infime par rapport aux dépenses totales de l'État, cette dotation n'en constitue pas moins une dérogation au principe de spécialisation des crédits, et il n'est jamais satisfaisant que l'affectation de crédits de titre 2 demeure ainsi inconnue jusqu'à la fin des débats parlementaires.

Il convient par ailleurs de noter que cette systématisation du recours au programme 551 est doublée depuis 2021 d'une augmentation massive des crédits ouverts. Ainsi, entre la LFI pour 2021 et le PLF pour 2025, près de 212 millions d'euros ont été demandés en moyenne sur ce programme, contre 13,3 millions d'euros entre 2015 et 2020.

En tout état de cause, le rapporteur spécial ne peut qu'inviter le Gouvernement à entreprendre au plus vite la répartition de ces crédits, afin de garantir une meilleure information du Parlement. Cette absence de répartition peut en effet se prolonger bien au-delà de la discussion parlementaire. À titre d'exemple, les crédits prévus pour l'année 2024 sur cette dotation n'ont pour l'instant fait l'objet que d'une répartition partielle et tardive. L'arrêté du 12 septembre 202426(*) a en effet réparti, près de 9 mois après le vote de la LFI pour 2024, environ 7,1 millions d'euros du programme 551 contre 286 millions d'euros initialement ouverts.

B. DES CRÉDITS INSCRITS SUR LA PROVISION RELATIVE AUX RÉMUNÉRATIONS PUBLIQUES QUE LE GOUVERNEMENT PRÉVOIT DE SUPPRIMER PAR AMENDEMENT

1. Des crédits destinés à la mise en oeuvre d'un référentiel d'emploi pour les agents contractuels de la fonction publique et au financement de la convergence indiciaire et de la revalorisation indemnitaire des administrateurs de l'État

Les crédits de la provision relative aux rémunérations publiques auront cette année vocation à financer des mesures indiciaires et indemnitaires induites par la poursuite de la réforme de la haute fonction publique, annoncée par le Président de la République le 8 avril 2021. Plus particulièrement, la création du corps des administrateurs de l'État, qui s'est traduite par la fusion d'une quinzaine de corps de la haute fonction publique, implique l'instauration d'une grille indiciaire unique, qui sera financée par l'intermédiaire du programme 551. La dotation relative aux rémunérations publiques prendra également en charge le volet indemnitaire de cette réforme, afin de revaloriser le régime indemnitaire versé aux administrateurs de l'État.

La réforme des corps administratifs A+ étant achevée, la seconde étape de la révision des structures indiciaires et indemnitaires des corps d'encadrement supérieur devrait se poursuivre en 2025. Elle concerne plus particulièrement les ingénieurs des Mines, les ingénieurs du corps des ponts, des eaux et des forêts (IPEF), les fonctionnaires de l'INSEE, et les ingénieurs de l'armement.

Les crédits du programme 551 ont également vocation à financer en 2025 l'application de référentiels de rémunération pour les contractuels de la fonction publique. Ces référentiels prévoient, par métier et par tranche de séniorité (débutant, intermédiaire, confirmé), des fourchettes basse et haute dans lesquelles évoluent la rémunération. Un référentiel des métiers du numérique a par exemple déjà été mis en oeuvre en 2019, mais a fait récemment l'objet d'une actualisation par une circulaire de la Première ministre le 3 janvier 2024.

La mise en place de tels référentiels à destination des contractuels dans les métiers en tension est une préconisation formulée par la Cour des comptes dans son rapport public thématique de septembre 2020. Cette mesure permettrait d'éviter des distorsions dans les conditions d'embauche et des situations salariales exorbitantes27(*).

Une nouvelle fois, le rapporteur spécial constate et regrette le caractère particulièrement lacunaire des informations transmises par le Gouvernement au Parlement sur les mesures financées par le programme 551. Par exemple, ni le projet annuel de performances (PAP), ni les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial ne donnent permettent d'estimer du coût de chaque mesure.

2. Un amendement déposé par le Gouvernement pour supprimer l'intégralité des crédits du programme 551

Le rapporteur spécial relève qu'un amendement visant à supprimer l'intégralité des crédits demandés sur ce programme a été déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale.

Cet amendement suscite des interrogations, puisque son exposé des motifs ne précise pas si les mesures initialement prévues seront malgré tout financées par les différents ministères en gestion ou si ces mesures seront reportées voire abandonnées.

II. LA DOTATION POUR DÉPENSES ACCIDENTELLES ET IMPRÉVISIBLES EST ENFIN RAMENÉE À UN MONTANT RAISONNABLE APRÈS PLUSIEURS ANNÉES DE BUDGÉTISATION EXCESSIVE

Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit cette année un total de 425 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 125 millions d'euros en crédits de paiement (CP) sur le programme 55228(*), soit une baisse de 63,9 % en AE et 80,5 % en CP par rapport aux crédits inscrits en LFI pour 2024.

A. UNE BUDGÉTISATION EXCESSIVE DEPUIS LA CRISE SANITAIRE

Le montant conventionnel de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles (DDAI) était fixé, entre 2018 et 2022, à 424 millions d'euros en AE et 124 millions d'euros en CP.

Les dépenses imprévues liées à la crise sanitaire ont en effet justifié, pour l'année 2020, un abondement exceptionnel de 1,62 milliard d'euros en AE et en CP sur le programme 552 par la loi de finances rectificative du 25 avril 2020. Cet abondement n'avait pas été contesté par la commission des finances dans la mesure où les conséquences budgétaires immédiates de cette crise sur les différents programmes du budget général étaient avérées.

Depuis cet épisode, le Gouvernement avait pris l'habitude de constituer des réserves de budgétisation massives sur le programme 552, en s'appuyant sur des justifications lacunaires. La commission des finances s'est systématiquement opposée à ces ouvertures excessives de crédits, et cette position a été confirmée par les exécutions des différents exercices budgétaires.

En 2021, le programme 552, initialement doté de 124 millions d'euros en CP, a ainsi fait l'objet d'un abondement d'1,5 milliard d'euros par la loi du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021, qui avait également vocation à financer des dépenses imprévues résultant de la persistance de la crise sanitaire. La commission des finances s'y était opposée, réduisant de 1 milliard d'euros cette enveloppe, finalement rétablis par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Cette ouverture exceptionnelle de crédits avait en effet suscité le scepticisme du rapporteur général de la commission des finances, car elle avait été adoptée, contrairement à 2020, dans un contexte où les restrictions touchant les activités économiques étaient en grande partie levées. L'exécution de la dotation sur l'année 2021 avait finalement donné raison au rapporteur général, puisque qu'aucun crédit de cette enveloppe n'a été consommé.

En 2022, la DDAI était également dotée de 124 millions d'euros en CP en LFI, conformément à la budgétisation conventionnelle. Le premier projet de loi de finances rectificative pour 2022 avait toutefois sollicité l'ouverture de 2 milliards d'euros supplémentaires sur cette dotation, avec pour seule justification que ces crédits permettraient au Gouvernement de faire face à d'éventuelles dépenses imprévues, compte tenu des incertitudes pesant sur la gestion 2022. Un amendement de la commission des finances avait proposé de réduire de 1,5 milliard d'euros le montant de cette enveloppe. Finalement, 500 millions d'euros avaient été rétablis dans le texte issu de la commission mixte paritaire, portant l'enveloppe totale supplémentaire sur ce programme à 1 milliard d'euros en AE et en CP. La faible exécution des crédits de la dotation sur l'année 2022, à hauteur de 18 millions d'euros (soit 2 % des crédits finalement ouverts), a une nouvelle fois confirmé la pertinence de la position adoptée par la commission des finances du Sénat.

En ce qui concerne l'année 2023, le montant des crédits inscrits sur ce programme par le Gouvernement était, dès la budgétisation initiale, particulièrement excessif, puisque 2,074 milliards d'euros en AE et 1,774 milliard d'euros en CP avaient été demandés, avec pour seule justification « la forte incertitude liée au contexte international et macroéconomique29(*) ». La commission des finances avait donc proposé, à l'initiative de ses rapporteurs spéciaux, de minorer le montant des crédits budgétés sur ce programme d'1 milliard d'euros en AE et en CP, portant ainsi les crédits de la DDAI à 1,074 milliard d'euros en AE et 774 millions d'euros en CP. Le Gouvernement a finalement rétabli en nouvelle lecture, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, 300 millions d'euros, portant ainsi le montant des crédits inscrits en LFI à 1,374 milliard d'euros en AE et 1,074 milliard d'euros en CP. Là encore, la faible exécution des crédits du programme, qui s'est élevée à seulement 33 millions d'euros (soit à peine 3,1 % des crédits ouverts en LFI) a donné raison à la commission des finances.

Lors du PLF 2024, le Gouvernement avait fait une demande d'ouverture de crédits de 525 millions d'euros en AE et 225 millions d'euros en CP. Si le montant demandé apparaissait beaucoup plus raisonnable que les années précédentes, la commission avait toutefois proposé, à l'initiative du rapporteur spécial, de ramener ces crédits au montant conventionnel fixé de 124 millions d'euros en CP fixé entre 2018 et 2022. Toutefois, le Gouvernement a une nouvelle fois rétabli le texte initial en nouvelle lecture. Au 31 octobre 2024, seulement 58,2 millions d'euros de crédits ont été consommés sur cette enveloppe, soit 26 % des crédits ouverts.

B. UNE BAISSE DE LA DOTATION DU PROGRAMME, CONFORMÉMENT À LA POSITION CONSTANTE DE LA COMMISSION DES FINANCES

1. Les crédits inscrits en PLF sont ramenés au montant conventionnel fixé avant la crise sanitaire

Le rapporteur spécial se félicite de la baisse des crédits demandés sur le programme 552, conformément à la position exprimée par la commission ces dernières années. Ce niveau de provision est ainsi ramené à un montant quasi-identiques aux montants conventionnels fixés entre 2018 et 2022 en LFI, qui s'élevaient à 424 millions d'euros en AE et 124 millions en CP.

Au regard des montants exécutés les années précédentes, cette baisse semble pertinente. En effet, le montant des crédits du programme 552 finalement consommés depuis 2015 n'a, à l'exception de l'année 2020 marquée par la crise sanitaire, jamais dépassé 84 millions d'euros. Par ailleurs, depuis l'année 2021, le taux d'exécution des crédits de ce programme oscille entre 0 et 26 %.

Cette dotation de 124 millions d'euros apparait donc largement suffisante pour faire face aux aléas pouvant affecter la gestion. Il convient par ailleurs de rappeler que si toutes les marges de manoeuvre étaient malgré tout épuisées, le Gouvernement aurait toujours la possibilité de prendre un décret d'avance ou de présenter un projet de loi de finances rectificative.

Évolution de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles
entre 2016 et 2025

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

* Au 10 octobre 2024

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

2. Comme chaque année, le rapporteur spécial observera une vigilance particulière en ce qui concerne l'information du Parlement et le respect du principe du dernier recours

En tout état de cause, le rapporteur spécial sera particulièrement vigilant quant au respect des règles encadrant l'utilisation de cette dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles. Celle-ci a en effet vocation à couvrir d'éventuelles dépenses liées à des événements aléatoires qui ne peuvent être financées par les mesures de régulation de droit commun, après application prioritaire du principe d'auto-assurance - par exemple, utilisation de la réserve de précaution, transfert entre programmes etc. Dès lors, le recours à la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles ne doit se faire qu'en dernier ressort.

Dans ses travaux sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023, le rapporteur spécial a dénoncé un détournement de l'objet de la DDAI, dont l'utilisation par le Gouvernement visait davantage à pallier un manque d'anticipation dans le suivi de l'exécution budgétaire qu'à couvrir des dépenses accidentelles ou imprévisibles. En effet, 13 millions d'euros ont été répartis en cours d'exercice 2023 au sein du programme 145 « Épargne », qui retrace principalement les dépenses d'intervention que sont le versement des primes de l'État auxquelles ont droit, dans certaines conditions, les titulaires de plans d'épargne logement (PEL) ou de comptes d'épargne logement (CEL) ouverts avant le 1er janvier 2018. L'abondement exceptionnel est intervenu suite à l'accélération du flux d'épargnants décidant de clôturer leurs PEL ou de mobiliser leur CEL afin de sécuriser le versement des primes d'épargne logement dues par l'État lors de ces opérations. Or, d'après la Cour des comptes, « si le comportement des épargnants a pu être influencé par l'évolution à la hausse des taux de marché, plus attractifs que ceux servis sur leurs instruments d'épargne, il est difficile de considérer que cette dépense avait un caractère imprévisible ou accidentel.30(*) »

Le rapporteur spécial sera également vigilant sur l'information du Parlement concernant la potentielle répartition des crédits. À cet égard, la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a introduit31(*), à l'initiative de la commission32(*), une obligation d'information des commissions des finances du Parlement en cas d'utilisation de cette dotation au-delà d'un montant de 100 millions d'euros, au moins 3 jours avant la publication du décret de répartition.

TROISIÈME PARTIE
LA MISSION « TRANSFORMATION
ET FONCTION PUBLIQUES »

La mission « Transformation et fonction publiques » porte les crédits destinés à accompagner la transformation de l'action de l'État et de ses opérateurs.

Créée en 2018 et initialement destinée à s'éteindre en 2022 avant d'être prolongée depuis, la mission se distingue :

- d'une part, par sa vocation interministérielle ;

- d'autre part, par l'importance des crédits fonctionnant par appels à projets : le programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » et le fonds de la transformation pour l'action publique (FTAP) du programme 349 « Fonds pour la transformation de l'action publique ».

I. UNE BAISSE MARQUÉE DES MOYENS DE LA MISSION POUR 2025

Sur les cinq programmes qui composaient la mission « Transformation et fonction publiques » depuis le 1er janvier 2022, un programme fait l'objet d'une suppression pour 2025, à savoir le programme 352 « Innovation et transformation numériques » qui est intégré au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Cette mesure de périmètre se traduit ainsi par un transfert en « base » de 22 millions d'euros de crédits (en AE et en CP) vers le programme 129.

Pour 2025, la mission « Transformation et fonction publiques » se compose ainsi des quatre programmes suivants :

- le programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » (« Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » avant 2023) a été créé dans le cadre du grand plan d'investissement 2018-2022. Initialement destiné à financer la rénovation des sites occupés par plusieurs services de l'État et de ses opérateurs (les « cités administratives »), il a été doté depuis 2023 de financements complémentaires pour mener à bien les opérations du plan de sobriété énergétique, au titre de l'action « Résilience ». Ce programme d'investissement vise à moderniser les bâtiments publics en réhabilitant le parc existant, notamment pour diminuer les consommations d'énergies et en investissant sur des travaux ciblés sur la performance énergétique et sur l'évolution des modes de travail. L'État compte 56 cités administratives dans son réseau déconcentré dont 36 bénéficiaires33(*) du programme. Ce programme est placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État (DIE), rattachée au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (MEFSIN) ;

- le programme 148 « Fonction publique » porte les crédits alloués à l'action sociale interministérielle, à l'action d'appui et d'innovation des ressources humaines ainsi qu'à la formation initiale des fonctionnaires. Il retrace ainsi les subventions pour charges de service public versées aux instituts régionaux d'administration (IRA). Placé sous la responsabilité de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), ce programme intègre également, depuis 2022, les crédits hors dépenses de personnel du centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines (CISIRH) ainsi que le Fonds d'accompagnement interministériel RH (FAIRH) ;

- le programme 349 « Transformation publique » (anciennement « Fonds pour la transformation de l'action publique » - FTAP - avant 2023) soutient les réformes porteuses d'économies à moyen terme en finançant le coût supplémentaire que peut représenter une réforme dans sa phase initiale. Placé sous la responsabilité de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), ce programme porte également, depuis le 1er janvier 2022, les crédits hors titre 2 de la DITP ;

- le programme 368 « Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publique » est dédié aux projets à dimension interministérielle. Placé sous la responsabilité du secrétariat général du MEFSIN, il porte les effectifs et les dépenses de personnel de la DGAFP, du CISIRH et de la DITP.

Évolution des crédits de la mission
« Transformation et fonction publiques », à périmètre constant

(en millions d'euros et en %)

   

Exécution 2023

LFI 2024

PLF 2025

Évolution 2025/2024 

[348] Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs

AE

291,6

709,8

675,0

- 4,91 %

CP

287,0

527,9

360,3

- 31,74 %

[349] Transformation publique

AE

260,5

145,5

77,5

- 46,74 %

CP

429,1

162,8

109,6

- 32,71 %

[148] Fonction publique

AE

170,2

275,8

275,1

- 0,25 %

CP

217,5

282,6

276,8

- 2,05 %

[368] Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques

AE

43,1

48,4

53,9

+ 11,50 %

CP

43,1

48,4

53,9

+ 11,50 %

Total

AE

765,4

1 179,4

1 081,4

- 8,31 %

CP

976,8

1 021,6

800,6

- 21,64 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, le Gouvernement a déposé à l'Assemblée nationale un amendement visant à minorer de 20,8 millions d'euros les crédits de la mission en AE et en CP, dont 13,5 millions d'euros au titre du programme 348, 7,1 millions d'euros au titre du programme 148 et 0,2 million d'euros au titre du programme 368. Parmi ces annulations, une minoration de 0,3 million d'euros tire les conséquences des annonces gouvernementales relatives à l'indemnisation des arrêts maladie dans la fonction publique (diminution du taux des indemnités journalières de 100 % à 90 %, augmentation du délai de carence d'un à trois jours).

A. APRÈS UNE STABILISATION EN 2024, LES CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION CONNAISSENT UNE FORTE RATIONALISATION, AVEC UNE BAISSE DE PLUS DE 20 % POUR 2025 À PÉRIMÈTRE CONSTANT

1. Une baisse massive des crédits de paiement, qui résulte pour partie du transfert des crédits dédiés à l'innovation et à la transformation numériques

Alors que les crédits de paiement (CP) de la mission « Transformation et fonction publiques » avaient connu une première diminution, relative, de - 5,6 % en loi de finances initiale pour 2024, le projet de loi de finances pour 2025 acte, dans le cadre de l'effort de redressement des finances publiques, une baisse significative des moyens de la mission, de - 26,9 % à périmètre courant, à 801 millions d'euros, contre 1,096 milliard d'euros en 2024 et 1,160 milliard d'euros en 2023.

Une partie de cette baisse procède de la suppression, par le présent projet de loi de finances, du programme 352 « Innovation et transformation numériques », portant une fraction des crédits de la direction interministérielle du numérique (DINUM), qui a été intégré au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Les crédits du programme 352 ont ainsi été fusionnés à ceux de l'action 16 « Coordination de la politique numérique » du programme 129, également gérés par la DINUM. Alors que ce programme avait été doté de 74,1 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en CP pour 202434(*), sa suppression se traduit par une baisse des moyens de la mission du même montant en AE et en CP pour 2025.

Si la mission affiche ainsi une baisse de - 26,9 % en CP à périmètre courant (soit - 295 millions d'euros), cette évolution représente, après correction de la mesure de périmètre correspondant à la suppression du programme 352, une diminution de - 21,6 % en CP à périmètre constant (soit - 221 millions d'euros).

En AE, la baisse est relativement moins marquée, à - 13,7 % à périmètre courant et - 8,3 % à périmètre constant, avec une dotation de 1,081 milliard d'euros pour 2025. Cette évolution représente également une forte inflexion en comparaison de la tendance des années précédentes, notamment la hausse enregistrée en loi de finances initiale pour 2024, de plus de 50 % par rapport à 2023. Néanmoins, la dotation en AE pour 2025 demeure nettement supérieure au niveau de 2023 (819,1 millions d'euros en loi de finances pour 2023).

2. Une rationalisation des moyens alloués aux deux programmes de la mission fonctionnant par appels à projets, consacrés à la rénovation des cités administratives et au fonds pour la transformation publique

La baisse à périmètre constant des moyens dédiés à la mission « Transformation et fonction publiques » s'explique par la rationalisation des crédits des deux programmes de la mission fonctionnant par appels à projets, qui affichent chacun une baisse d'environ un tiers en CP :

- d'une part, le programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs », finançant la rénovation des cités administratives, qui présente une baisse de - 31,7 % en CP, à 360,3 millions d'euros en 2025, contre 527,9 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2024 ;

- d'autre part, le programme 349 « Transformation publique », constitué pour l'essentiel (environ 75 % des crédits) par le Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP), qui enregistre une diminution de - 32,7 % en CP, à 109,6 millions d'euros en 2025, contre 162,8 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2024. Cette évolution résulte principalement de la baisse de - 39,0 % des crédits du FTAP, à 85,6 millions d'euros en 2025, contre 140,4 millions d'euros en 2024.

Le Fonds pour la transformation de l'action publique

Traduisant l'une des préconisations de Jean Pisani-Ferry dans le rapport de préfiguration du Grand plan d'investissement, le Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) a été institué pour financer les investissements nécessaires à la mise en oeuvre de réformes structurelles à fort potentiel d'amélioration du service rendu et de réduction durable des dépenses publiques.

Le fonds doit ainsi permettre un retour sur investissement élevé en termes d'économies pérennes, sur la base du principe suivant : un euro investi a vocation à conduire à un euro d'économies sur le budget de l'État.

Bénéficiant d'une enveloppe prévisionnelle initiale de 700 millions d'euros, complétée en 2022 par une enveloppe de 80 millions d'euros, puis en 2023 avec une nouvelle enveloppe de 330 millions d'euros, le FTAP avait connu une première réduction de sa dotation en 2024, avec une diminution d'environ 120 millions d'euros en AE et de 50 millions d'euros en CP.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Ces baisses respectives, de l'ordre de 165 millions d'euros pour la rénovation des cités administratives et de 55 millions d'euros pour le FTAP, prennent acte de la sous-consommation chronique de ces programmes depuis leur création, avec d'importants retards constatés sur le décaissement des crédits.

Ainsi, au 20 octobre 2024, l'exécution des crédits de la mission était inférieure de près de 40 % à la prévision de la loi de finances pour 2024, avec un taux de consommation de 61,0 %. Les écarts étaient particulièrement élevés pour les programmes 348 et 349, avec des taux de consommation respectifs de 56,2 % et de 63,3 %.

Taux de consommation des crédits de la mission
« Transformation et fonction publiques », à périmètre constant

(en millions d'euros et en pourcentage)

 

 

LFI 2024

Exécution constatée au 20 octobre 2024

Taux de consommation au 20 octobre 2024

Programme 348

CP

527,9

296,9

56,2 %

Programme 349

CP

162,8

103,0

63,3 %

Programme 148

CP

282,6

188,1

66,6 %

Programme 368

CP

48,4

35,1

72,5 %

Total

CP

1 021,6

623,1

61,0 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et Chorus

De fait, dans le cadre de ses précédents travaux, le rapporteur spécial avait souligné la nécessité urgente de réduire les écarts constatés entre la programmation et l'exécution budgétaires, six ans après la création de la mission.

Aussi, le rapporteur se félicite de la rationalisation opérée par le Gouvernement pour l'année 2025, qui contribue à la sincérisation des crédits de la mission autant qu'à l'effort de redressement des finances publiques.

B. DES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT TOUJOURS MAJORITAIRES MAIS EN BAISSE DE PLUS D'UN TIERS EN CRÉDITS DE PAIEMENT

Du fait de la nature des projets soutenus par les programmes de la mission, les dépenses d'investissement constituent la majorité des crédits et concentrent l'essentiel des baisses de dotations prévues pour 2025.

Les dépenses d'investissement devraient ainsi représenter environ 60 % du total des crédits de la mission en autorisations d'engagement et 45 % en crédits de paiement. Le montant de ces dépenses connaîtrait des baisses très marquées :

en autorisations d'engagement, de - 11,4 %, diminuant de 757,1 millions d'euros en LFI 2024 à 670,5 millions d'euros en PLF 2025 ;

en crédits de paiement, de - 36,3 %, chutant de 583,9 millions d'euros en LFI 2024 à 371,7 millions d'euros en PLF 2025.

Évolution des crédits de la mission « Transformation et fonction publiques »
par titre, à périmètre constant

(en millions d'euros et en %)

   

LFI 2024

PLF 2025

Évolution 2025/2024

Part dans le total des crédits

[Titre 2] Dépenses de personnel

AE

50,2

55,7

+ 11,0 %

5,2 %

CP

50,2

55,7

+ 11,0 %

7,0 %

[Titre 3] Dépenses de fonctionnement

AE

285,9

290,4

+ 1,6 %

26,9 %

CP

296,6

295,2

+ 1,7 %

36,9 %

[Titre 5] Dépenses d'investissement

AE

757,1

670,5

- 11,4 %

62,0 %

CP

583,9

371,7

- 36,3 %

46,4 %

[Titre 6] Dépenses d'intervention

AE

86,2

65

- 24,6 %

6,0 %

CP

90,9

78

- 14,2 %

9,7 %

Total

AE

1 179,4

1081,4

- 8,3 %

100,0 %

CP

1 021,6

800,6

- 21,6 %

100,0 %

Note : du fait des arrondis, les totaux indiqués peuvent ne pas correspondre à la somme exacte des montants affichés pour chaque titre de dépenses.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les dépenses de fonctionnement constituent le deuxième poste de crédits, représentant environ 30 % des crédits de la mission, avec 290,4 millions d'euros en AE et 295,2 millions d'euros en CP, soit une stabilité en euros constants (hausse en euros courants de + 1,6 % en AE et de + 1,7 % en CP, légèrement inférieure à l'inflation).

Ces dépenses sont essentiellement portées par le programme 148 « Fonction publique » (pour près de 75 %), avec les crédits dédiés à l'action sociale interministérielle.

II. LES EFFORTS DE RATIONALISATION PRÉVUS POUR 2025 DEVRONT ÊTRE POURSUIVIS SUR LE LONG TERME

A. ALORS QUE LA RÉNOVATION DES CITÉS ADMINISTRATIVES DEVRAIT ÊTRE FINALISÉE EN 2025, LA RATIONALISATION DES SURFACES OCCUPÉES DEVRAIT BÉNÉFICIER DE LA CRÉATION DE LA FONCIÈRE DE L'ÉTAT

1. L'année 2025 devrait enfin voir l'aboutissement du programme de rénovation des cités administratives, avec trois ans de retard sur l'échéancier de livraison initial

Alors qu'il a fallu attendre fin 2022, soit près de cinq ans après la création du programme 348, pour que l'ensemble des travaux de rénovation des cités administratives puisse débuter, l'année 2025 devrait voir l'achèvement des chantiers de rénovation des 36 cités concernées.

Avancement du programme de rénovation des cités administratives

État d'avancement

Au 31 décembre 2022

Au 30 août 2023

Au 30 août 2024

Marché global de performance ou marché de travaux notifié ou acquisition réalisée

874 millions d'euros
pour 33 projets

922 millions d'euros
pour 35 projets

992 millions d'euros pour 36 projets

Travaux en cours

24 projets

35 projets

21 projets

Opérations de réception

-

5 projets en cours de réception

15 projets réceptionnés

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Au 31 août 2024, 21 projets étaient en cours de travaux et 15 projets avaient déjà été réceptionnés.

Le tableau ci-après présente les chantiers achevés d'ici la fin de l'année 2024 et ceux faisant l'objet d'une réception en 2025.

Chantiers de rénovation de cités administratives achevés
d'ici la fin de l'année 2024 ou faisant l'objet d'une réception en 2025

Cité administrative

Date de sélection

Nature des travaux

Montant du projet
(en euros)

Date de réception effective (E) ou prévisionnelle (P)

Agen

06/12/2018

Rénovation

11 450 000

déc-24 (P)

Albi

18/12/2018

Rénovation

8 044 000

sept-23 (E)

Alençon

14/03/2019

Rénovation

9 532 000

juin-25 (P)

Amiens

02/02/2018

Construction neuve

75 229 000

déc-23 (E)

Aurillac

06/12/2018

Rénovation

452 523

août-23 (E)

Avignon

26/03/2019

Rénovation

14 771 000

juin-25 (P)

Bar-le-Duc

18/04/2019

Rénovation

7 980 000

déc-25 (P)

Besançon

27/11/2018

Rénovation

5 605 700

mai-23 (E)

Bordeaux

06/12/2018

Rénovation

46 508 760

mars-25 (P)

Bourges

14/05/2019

Rénovation

4 192 000

juil-25 (P)

Cergy-Pontoise

05/02/2019

Rénovation

16 290 000

déc-25 (P)

Charleville-Mézières

28/05/2019

Rénovation

2 710 000

juil-23 (E)

Clermont-Ferrand

10/04/2019

Rénovation

3 445 000

déc-23 (E)

Colmar

11/01/2019

Rénovation

31 456 778

déc-24 (P)

Dijon

28/05/2019

Rénovation

4 296 000

fév-25 (P)

Grenoble

10/04/2019

Rénovation

8 392 000

avr-25 (P)

Guéret

11/01/2019

Rénovation

5 485 000

juil-24 (E)

La Rochelle

10/04/2019

Rénovation

6 180 000

oct-24 (P)

Lille

11/01/2019

Construction neuve

149 400 000

déc-23 (E)

Limoges

05/02/2019

Rénovation

1 699 000

nov-23 (E)

Lyon

14/03/2019

Construction neuve

92 239 000

fév-24 (E)

Mâcon

26/03/2019

Rénovation

9 710 000

juin-25 (E)

Metz

18/12/2018

Rénovation

7 562 000

nov-24 (P)

Mulhouse

18/01/2019

Rénovation

19 147 000

juil-23 (E)

Nancy

14/05/2019

Rénovation

34 500 000

mars-25 (P)

Nantes

22/03/2018

Construction neuve

49 285 000

juil-24 (E)

Orléans

14/05/2019

Rénovation

37 659 000

juil-25 (P)

Périgueux

21/02/2019

Rénovation

7 226 000

août 24 (E)

Rouen

09/11/2017

Rénovation

101 277 310

juil-24 (E)

Saint-Lô

10/04/2019

Rénovation

3 816 340

nov-24 (P)

Soissons

18/04/2019

Rénovation

2 977 000

déc-24 (P)

Strasbourg

25/01/2019

Rénovation

54 700 000

juil-25 (P)

Tarbes

18/04/2019

Rénovation

5 021 000

août-24 (E)

Toulon

25/01/2019

Rénovation

37 086 000

juin-25 (P)

Toulouse

28/05/2019

Construction neuve

89 920 000

oct-24 (P)

Tulle

14/05/2019

Rénovation

8 105 000

janv-25 (P)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur spécial

Sur les 39 projets prévus initialement, trois ont été arrêtés :

- Melun, sur décision du préfet d'Île-de-France ;

- Brest et Tours, sur décision de la direction de l'immobilier de l'État.

Projets de rénovation de cités administratives abandonnés

(en millions d'euros)

Projets

Montant

Brest

8,3

Melun

18,7

Tours

6,8

Total des montants labellisés

33,8

Total des montants dépensés

1,8

Total des crédits rendus disponibles

32,0

Note : les montants indiqués pour chaque projet correspondent aux montants labellisés en Conférence nationale de l'immobilier public (CNIP).

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur spécial

Certes, le rapporteur spécial se félicite de la livraison prochaine des dernières cités administratives restantes d'ici la fin de l'année 2025.

Néanmoins, le retard pris sur la livraison des chantiers, initialement fixée à 2022, s'est accompagné d'une forte augmentation des coûts des travaux, notamment sous l'effet de l'inflation.

L'augmentation des coûts de construction dans le contexte inflationniste

La crise sanitaire liée à la Covid-19 et le contexte international lié à la guerre en Ukraine ont entraîné des hausses de prix bien supérieures au taux prévisionnel, hausses qui se sont poursuivies en 2023 à un rythme plus lent qu'en 2022.

Ainsi, l'augmentation de l'indice de référence BT01 pour les années 2022 et 2023 s'est établie à 5,9 % pour 2022 et 2,6 % pour 2023.

En 2024, le ralentissement de l'inflation des coûts de construction s'est confirmé, avec une hausse de 0,9 % depuis le début de l'année, proche des évolutions observées avant la période de la Covid-19.

Source : réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur spécial

Selon les estimations de la direction de l'immobilier de l'État (DIE)35(*), l'impact budgétaire de cette hausse pourrait atteindre 75 millions d'euros sur l'ensemble du programme, soit 7,5 % de l'enveloppe totale affectée à la rénovation des cités administratives, fixée à 1 milliard d'euros.

Une provision financière, gérée par la DIE, avait été réservée initialement à hauteur de 40 millions d'euros au moment de l'affectation des enveloppes financières à chaque projet pour parer à d'éventuels imprévus. L'arrêt des projets de Melun, Brest et Tours a donné lieu à une réaffectation des enveloppes financières non consommées, soit un total d'environ 34 millions d'euros, en complément de la provision initiale. D'après la DIE, « cette nouvelle provision financière permet d'être globalement serein » sur la tenue de l'enveloppe de 1 milliard d'euros.

Par ailleurs, afin de maintenir l'enveloppe fermée de 1 milliard d'euros allouée au programme, la DIE a mis en place un suivi renforcé des projets associant l'ensemble des acteurs, pour toutes les opérations et plus particulièrement pour les plus importantes ou celles présentant un risque calendaire ou budgétaire identifié.

Ce suivi renforcé conduit régulièrement la DIE à prendre des arbitrages tels que :

- des réductions programmatiques de certains projets, en veillant à ne pas modifier significativement, autant que possible, les gains énergétiques attendus (diminution des aménagements intérieurs, etc.) pour maintenir les objectifs du programme ;

- l'arrêt du projet de la cité de Melun sur décision du préfet d'Île-de-France ;

- l'arrêt des projets des cités de Brest et Tours dont les budgets et calendriers dépassaient les engagements initiaux.

2. Les actions en matière de performance énergétique devraient désormais concentrer à moyen terme les investissements de la DIE

Dans la continuité de la mesure « Résilience I » financée sur le programme 723 du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », une enveloppe de 150 millions d'euros avait été mise en place sur le programme 348 en 2023, au titre de l'investissement dans la sobriété énergétique des bâtiments publics de l'État et de ses établissements.

Cette nouvelle mesure de résilience, dite « Résilience II », s'est concrétisée notamment par :

- un nouvel appel à projets porté par la direction de l'immobilier de l'État et doté d'une enveloppe budgétaire de 130 millions d'euros. Les projets lauréats ont été sélectionnés, en mars 2023, notamment selon le gain en énergie attendu par rapport à la phase avant travaux et selon l'efficience du projet. L'objectif est une économie estimée à environ 200 GWhEF/an36(*) ;

- la mise en place d'une équipe dédiée (« task force »), située au sein de l'agence Agile37(*), chargée d'apporter un appui aux gestionnaires pour la maîtrise des équipements techniques, afin d'optimiser le fonctionnement et l'usage des bâtiments et de baisser les consommations énergétiques.

Dotation budgétaire de l'action « Résilience » du programme 348

(en millions d'euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

AE

296,5

21,5

CP

249,6

54,7

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur spécial

En 2025, la mesure Résilience II étant close, la dotation de 54,7 millions d'euros en CP prévue au titre du projet de loi de finances est essentiellement destinée au paiement :

- des restes à payer correspondant aux dernières opérations de l'appel à projets Résilience II, pour 18 millions d'euros en CP ;

- des restes à payer relatifs aux actions à gains rapides engagées en 2024, pour 22,3 millions d'euros en CP ;

- des actions financées par un nouvel appel à projets intégrant désormais des réductions de surface afin de contribuer, également par ce levier, aux économies d'énergie et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, pour 7,5 millions d'euros en CP (15 millions d'euros en AE).

L'intégration des objectifs de transition environnementale
dans la politique immobilière de l'État

La politique immobilière de l'État contribue à la transition environnementale, pour laquelle la France s'est donné des objectifs ambitieux dans le cadre de l'accord de Paris sur le climat. L'utilisation des bâtiments est en effet responsable de près de 50 % des consommations d'énergie et d'environ le quart des émissions nationales de gaz à effet de serre.

Les objectifs de transition écologique, mais aussi en matière de numérique, se sont traduits notamment par la création en 2018 du programme 348 dédié à la rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants. Compte tenu de l'ampleur mais aussi de l'ancienneté du parc immobilier de l'État, un enjeu majeur est effectivement son amélioration en matière de performance énergétique et de modernisation technologique. À ce titre, l'immobilier de l'État doit accompagner, voire anticiper, les nouvelles formes de travail (cotravail, télétravail...) et concevoir des espaces de travail modulables qui sauront s'adapter aux évolutions.

Sur la période récente, la DIE a ainsi engagé les actions suivantes :

- des actions de densification et notamment l'amélioration du ratio surface/postes de travail, grâce à plusieurs leviers : circulaire de la Première ministre du 8 février 2023 en matière d'occupation et d'optimisation du parc immobilier de l'État et contribuant ainsi à l'objectif de réduction de 25 % des surfaces de bureaux, élaboration des schémas stratégiques immobiliers permettant l'identification d'espaces sous-densifiés, conditionnalité dans les financements interministériels ;

- des travaux engagés dans le cadre du programme 348, dont la mesure « transition environnementale », lancée en octobre 2023, qui impliquent des progrès dans la performance énergétique des bâtiments concernés ;

- la poursuite des opérations immobilières du plan France relance, où le critère de l'économie d'énergie est un objectif obligatoire pour l'éligibilité d'un projet ;

- la mise en place en 2022 des plans de résilience visant à l'horizon des hivers 2022-2023 et 2023-2024 une économie substantielle en matière d'énergie fossile ;

- le déploiement de l'action pédagogique et explicative à destination des personnels en 2023 avec le lancement du Challenge d'économies d'énergie inter-administrations, avec ses trois volets : mobilisation, passage à l'action et le concours Cube, visant jusqu'à 10 % d'économies par l'usage ;

- la mise en place d'une équipe dédiée, dite « task force », située au sein de l'agence Agile, pour identifier les leviers d'économies liées à une exploitation optimisée.

Parallèlement, le renforcement des coordinateurs énergie s'est poursuivi au sein des administrations avec le recrutement de 40 emplois (équivalents temps plein). Leur action est coordonnée et animée par la DIE. En 2023, un séminaire organisé par la DIE a permis de présenter les résultats obtenus depuis la mise en place du réseau, de poursuivre la mobilisation autour des chantiers structurants.

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur spécial

3. Un dispositif de suivi de la performance encore lacunaire

S'il convient de saluer les efforts de rationalisation de la dotation du programme 348, le rapporteur spécial relève que, en dépit de critiques réitérées chaque année, le dispositif de performance du programme apparaît toujours aussi incomplet.

Les indicateurs de performance du programme retranscrivent uniquement le niveau attendu des économies d'énergie et de surface, ainsi que du coût du kilowatt (kWhEP38(*)) économisé. Les trois cibles sont définies à partir des estimations transmises dans les dossiers présentés par les préfets de département. Selon la documentation budgétaire, les résultats réels ne seront mesurés qu'après la mise en service effective des cités rénovées ou construites.

Alors que les cibles ainsi définies présentent une pertinence très limitée, l'absence de mesure des indicateurs en cours de projets aboutit à une information parlementaire lacunaire. À ce titre, les indicateurs de performance du programme 348 ne répondent donc que très partiellement aux exigences organiques39(*), aux termes desquelles les indicateurs de performance doivent permettre, en sus des résultats attendus, de mesurer les coûts associés à chacune des actions ainsi que les résultats obtenus. À cet égard, le rapporteur spécial réitère à nouveau la recommandation formulée dans le cadre des travaux de contrôle sur cette mission40(*), en vue de la révision des indicateurs de performance du programme.

Concernant plus particulièrement l'action « Résilience », la mise en place d'indicateurs de performance distincts permettrait également de mieux suivre les projets financés. Ces indicateurs pourraient par exemple couvrir les éléments suivants : l'état d'avancement des projets, le coût moyen et médian des actions à gains rapides financées, le coût moyen du mégawatheure économisé, etc.

En effet, si l'effet de levier de la mise en oeuvre d'actions dites « à gains rapides »41(*) est très élevé42(*), seules les rénovations globales peuvent permettre à l'État d'atteindre les objectifs fixés par le décret tertiaire43(*).

4. Le projet de foncière de l'État devrait faire l'objet d'une mise en oeuvre « pilote » en 2025

Présentée par le ministre chargé des comptes publics à l'occasion du conseil de l'immobilier de l'État (CIE) du 29 février 202444(*), la réforme de la foncière d'État vise à répondre à plusieurs objectifs :

- accélérer la transition écologique et la sobriété immobilière, et notamment la réduction des surfaces tertiaires occupées de 25 % en dix ans ;

- optimiser la gestion et valoriser le patrimoine immobilier de l'État, qui constitue un élément structurant de la présence des services publics dans les territoires ;

- mieux adapter les espaces aux nouvelles modalités de travail et améliorer les conditions de travail des agents ;

- garantir la pertinence des investissements immobiliers de l'État et responsabiliser l'occupant sur le coût de son immobilier ;

- renforcer l'attractivité et accélérer la professionnalisation de la filière immobilière de l'État, en renforçant les identités des métiers concernés et en valorisant les parcours de carrière.

Cette nouvelle organisation, recommandée par un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et du Conseil général de l'environnement et du développement durable45(*), vise à assurer « une gestion immobilière responsable, durable et sobre », à travers notamment la réalisation d'un objectif de réduction des surfaces occupées de 25 % en dix ans. Dans ce cadre, l'incitation des ministères à la rationalisation, à la mutualisation et à la rénovation de leurs bâtiments passerait par le versement de loyers payés par les occupants.

Les recommandations du rapport IGF-CGEDD d'avril 2022

« Confier la mission de représenter l'État propriétaire et d'accompagner les occupants publics sur l'ensemble de la chaine des besoins immobiliers à une entité publique opérationnelle dédiée, placée sous la tutelle de la DIE et dotée d'antennes régionales. Cette agence, bras armé opérationnel de la politique immobilière de l'État, assurerait la gestion du propriétaire, la conduite de projet et la valorisation du patrimoine foncier et de l'immobilier de bureaux de l'ensemble des ministères (hors ministère des armées et biens situés à l'étranger) et, selon des règles à définir, celles des opérateurs de l'État, et elle apporterait son expertise en matière de maîtrise d'ouvrage pour l'ensemble du parc immobilier de l'État. Elle serait soit affectataire, soit propriétaire des biens dont elle assurerait la gestion. »

« Mettre en place des loyers versés par les administrations occupantes à l'agence représentant l'État propriétaire, qui financeraient les dépenses du propriétaire, en prévoyant un dispositif financier incitatif pour les administrations qui rationalisent leur organisation immobilière. »

Source : Inspection générale des finances, Conseil général de l'environnement et du développement durable, « Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser », avril 2022

Pilotée par la DIE, la mise en place du projet de foncière repose sur un « pilote » (c'est-à-dire une première expérimentation sur un champ territorial déterminé) qui sera déployé à compter de 2025.

Le périmètre du pilote porte sur les immeubles de bureaux occupés par les services du ministère des finances et du ministère de l'intérieur (hors police et gendarmerie) et les sites multi-occupants situés dans deux régions, Grand Est et Normandie46(*).

La mise en oeuvre de la foncière de l'État et la rationalisation
des occupations immobilières par le versement de loyers

Afin d'assurer une gestion immobilière responsable, durable et sobre, une foncière publique sera créée en 2025, support des fonctions immobilières opérationnelles de l'État.

Juridiquement propriétaire des biens, la foncière peut conclure des baux avec les services de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics de l'État ou de tout organisme public ou privé.

Pour matérialiser la distinction entre propriétaire et occupant, la foncière doit être une entité dotée d'une personnalité juridique distincte de l'État. Cette entité propriétaire opérationnelle doit pouvoir agir sur l'ensemble du parc transféré, domaine public ou domaine privé de l'État.

Le modèle économique de la foncière repose notamment sur la perception des loyers payés par les occupants et sur la dynamisation de toute la chaîne de valeur immobilière. La réforme contribuera ainsi à mettre en place une gouvernance vertueuse de l'immobilier de l'État qui distingue les rôles et responsabilités de chacun :

- les ministères et les services locataires doivent définir leur stratégie d'implantation immobilière et assumer le coût afférent : l'instauration de loyers réels matérialise le coût de l'occupation et est un signal-prix visant la sobriété et la réduction des surfaces ;

- la foncière, propriétaire des bâtiments, doit apporter le meilleur rapport qualité-prix à ses locataires. Par ailleurs, elle pourra générer de la valeur, via des cessions et opérations de valorisation du parc transféré.

Les bénéfices attendus de la mise en oeuvre de la foncière consistent en la mutualisation des fonctions supports de l'immobilier et en l'harmonisation des pratiques professionnelles, afin de moderniser, optimiser les coûts du patrimoine et valoriser l'immobilier de l'État.

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur spécial

À terme, la foncière a vocation à se déployer sur l'ensemble du périmètre des immeubles de bureaux et locaux d'activités de l'État, à l'exception des logements isolés, des biens occupés par le ministère des armées et des biens situés à l'étranger ou des biens trop spécifiques (musées, cathédrales, barrages, etc.), soit environ 20 millions de mètres carrés sur un patrimoine immobilier total de 96 millions de mètres carrés.

Selon le directeur de l'immobilier de l'État47(*), les économies de surfaces occupées attendues représenteraient 5 millions de mètres carrés, composées pour moitié de libérations de baux et pour moitié de cessions de bâtiments domaniaux. Si la cession des biens domaniaux pourrait constituer une source de recettes, l'essentiel des gains financiers devrait résulter de la diminution du « mur » d'investissements nécessaires pour la mise aux normes des bâtiments.

Concernant la structuration juridique de la foncière de l'État, le directeur de l'immobilier de l'État a indiqué en audition que celle-ci faisait encore l'objet de discussions. Afin d'assurer le transfert des biens du domaine public et du domaine privé à la foncière, l'option privilégiée serait de transformer la société anonyme Agile, détenue entièrement par l'État, en un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Cette option permettrait également d'écarter les craintes d'une privatisation éventuelle qui pourraient être suscitées par le transfert des biens à une société anonyme, même détenue à 100 % par l'État.

Dans cette hypothèse, la transformation de la société Agile en établissement public n'emporterait ni création de personne morale nouvelle, ni cessation d'activité. Les biens, droits, obligations, contrats et autorisations de toute nature de l'établissement public seraient ceux de cette société au moment de la transformation de sa forme juridique.

Cependant, la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public nécessiterait une disposition législative expresse. Aussi la décision est-elle en cours d'arbitrage par le Gouvernement.

Dans le cadre de la centralisation de la gestion immobilière de l'État au sein de la foncière, le rapporteur spécial estime que le programme 348 aurait vocation à s'éteindre progressivement, les dépenses correspondantes étant appelées à être inscrites dans le budget de l'établissement public, qui serait placé sous la tutelle de la DIE.

B. UNE RATIONALISATION BIENVENUE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 349

Le rapporteur spécial se félicite de la diminution pour 2025 des crédits du programme 349, dédiés essentiellement à la dotation du Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP).

En effet, cette baisse d'environ un tiers des moyens du programme (- 32,71 % en CP), pour un montant de près de 55 millions d'euros de crédits supprimés, tire la conséquence logique de la sous-consommation récurrente de la dotation du FTAP.

Par ailleurs, en dépit des évolutions apportées au FTAP au cours des dernières années (moindre sélectivité des projets, relâchement du critère d'un euro investi pour un euro économisé, ouverture aux administrations déconcentrées, changement de gouvernance destiné à conduire à une approche davantage centrée sur le retour sur investissement), les progrès en matière d'exécution sont demeurés limités.

Ainsi, la sous-exécution des crédits du programme 349 perdure en 2024, avec seulement 103 millions d'euros de crédits consommés au 20 octobre, contre une prévision de 163 millions d'euros en LFI 2024 (voir supra).

Cette sous-exécution chronique apparaît également dans les résultats de la mise en oeuvre des projets financés par le FTAP, avec une part de projets achevés de seulement 35 % en 2023, les cibles pour 2024 et 2025, respectivement fixées à 75 % et 95 %, n'étant aucunement réalistes.

Pour autant, si cette sincérisation budgétaire des moyens du programme 349 doit être saluée, le rapporteur spécial rappelle que les crédits du FTAP ont soutenu des projets d'importance majeure pour les administrations, tels les projets portés par la DGFiP pour le contrôle fiscal ou la dématérialisation des déclarations, ainsi que le déploiement de la procédure pénale numérisée par le ministère de la justice.

Conformément à une recommandation constante, le rapporteur spécial invite la délégation interministérielle à la transformation publique (DITP) à indiquer plus clairement, dans les documents budgétaires de chacune des missions, les projets financés grâce à un abondement du FTAP, avec la prévision des économies attendues.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits des missions « Gestion des finances publiques », « Crédits non répartis » et « Transformation et fonction publiques ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 7 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Claude Nougein, rapporteur spécial, sur les missions « Gestion des finances publiques », « Crédits non répartis » et « Transformation et fonction publiques ».

M. Claude Nougein, rapporteur spécial sur les missions « Gestion des finances publiques », « Transformation et fonction publiques » et « Crédits non répartis » et sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». - Je commencerai par vous présenter les crédits d'un bloc de trois missions assez différentes et d'ampleur budgétaire inégale, mais que nous avons l'habitude d'examiner ensemble : les missions « Gestion des finances publiques », « Transformation et fonction publiques » et « Crédits non répartis ». Je poursuivrai ensuite avec la présentation du compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Je commencerai par la mission « Gestion des finances publiques », dotée de 11,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et d'un peu moins de 11 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Elle porte les crédits des deux grandes administrations de réseau du ministère de l'économie et des finances, c'est-à-dire la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Elle porte également les crédits du secrétariat général du ministère.

Les AE de la mission augmentent d'environ 2,3 % et les CP sont en très légère hausse, presque stables, à + 0,66 %. Cette modeste augmentation des CP est surtout due au dynamisme naturel des dépenses de personnel, qui représentent 80 % des crédits de la mission, et plus particulièrement à l'augmentation de la contribution de la mission au CAS « Pensions ». En faisant abstraction de ce facteur, sur lequel les directeurs de programme n'ont pas de prise, les crédits de la mission seraient en réalité en baisse de près de 4,8 %.

La stabilisation des crédits de la mission intervient après deux années de hausse substantielle et s'inscrit dans le contexte de redressement des finances publiques. On constate, en se penchant sur le détail des évolutions de crédits par poste de dépenses, que la mission « Gestion des finances publiques » prend toute sa part dans cet effort budgétaire, sans pour autant remettre en cause les chantiers prioritaires identifiés ces dernières années, ce dont je me félicite.

La contribution de la mission au redressement des comptes publics est mise en lumière par la baisse de 0,8 % des dépenses de fonctionnement. La diminution des dépenses d'investissement est plus substantielle, à hauteur de 7,8 %, et se traduit essentiellement par la suspension du projet de rénovation immobilière du bâtiment Vincent-Auriol du secrétariat général de Bercy, dont la concrétisation a déjà été reportée plusieurs fois ces dernières années. La baisse des dépenses d'investissement ne remet toutefois pas en cause les projets structurants de modernisation des administrations de la mission. Je pense notamment aux dépenses informatiques, sur lesquelles je reviendrai.

J'en viens aux dépenses de personnel, dont l'augmentation d'un peu plus de 2 % doit être nuancée. Sur ce sujet, je tiens à saluer l'effort de rationalisation des effectifs de la mission, qui se poursuivra et s'intensifiera en 2025, avec 505 suppressions d'emplois prévues, contre seulement 44 en 2024. Cette diminution des effectifs est essentiellement portée par la DGFiP, pour laquelle une suppression de 550 équivalents temps plein (ETP) est prévue.

Je précise par ailleurs que le Gouvernement a déposé un amendement à l'Assemblée nationale visant à minorer les crédits de la mission de 104,2 millions d'euros dans le cadre des mesures d'économies transversales qu'il a annoncées devant notre commission lors de la présentation du projet de loi de finances (PLF).

Tels sont les grands équilibres de la mission. J'en viens maintenant aux trois axes sur lesquels je me suis plus particulièrement penché dans le cadre de mon rapport.

Premier axe, il s'agit de la rationalisation du réseau de la DGFiP, entamée de longue date. Vous le savez, il y a eu un changement de méthode en 2019 avec le lancement du « nouveau réseau de proximité », qui est aujourd'hui quasiment finalisé. Par ailleurs, la délocalisation de certains services de l'administration fiscale de Paris vers les villes moyennes et les territoires périurbains suit son cours : l'ensemble des services concernés seront relocalisés avant la fin 2024 et les derniers transferts de personnels interviendront en 2026.

À côté de cette évolution, qui touche surtout les contribuables, il y a aussi, pour les collectivités territoriales, le déploiement des conseillers aux décideurs locaux (CDL). Aujourd'hui, 913 conseillers sont en poste, alors que la cible initiale était fixée à 1 200. Celle-ci a été revue à la baisse et est désormais fixée à un peu moins de 1 000 conseillers. Comme je l'avais souligné lors de la remise du rapport de la Cour des comptes sur l'action territoriale de la DGFiP à notre commission en décembre dernier, il est regrettable que le Gouvernement soit revenu sur son engagement initial, alors même que la qualité du travail des conseillers aux décideurs locaux est saluée par les collectivités - j'en ai parlé avec des maires de mon département et ils tirent eux-mêmes ce bilan.

Deuxième axe, les dépenses informatiques. Ces dernières ont trop longtemps servi de variable d'ajustement et ne sont sanctuarisées que depuis quelques années. En 2025, le budget qui leur est réservé est proche de celui de 2024 et atteint 584 millions d'euros à l'échelle de la mission. Ces dépenses sont essentielles pour résorber la dette technique des administrations et développer de nouvelles applications, à même de générer des gains de productivité à moyen terme.

Toutefois, la gestion des chantiers informatiques souffre encore d'un problème majeur. Chaque année, lors de l'examen du projet de loi de finances, je constate que les coûts des projets ont été réévalués à la hausse et que leur période de mise en oeuvre a été étendue. Au fil du temps, certains budgets doublent, voire triplent. Il est grand temps que des indicateurs soient mis en place pour mieux suivre la mise en oeuvre de ces projets.

Troisième axe, la lutte contre la fraude et contre les flux illicites de toute nature. Concernant le contrôle fiscal, les montants encaissés sont stables depuis trois ans et ont à peu près retrouvé leur niveau de 2019. En matière de lutte contre les trafics de toute nature, l'augmentation du budget de la douane est à signaler. Cette hausse permettra notamment de poursuivre la modernisation des équipements et je pense notamment à l'acquisition de nouveaux scanners, utiles dans la lutte contre le trafic de stupéfiants.

De plus, les moyens du service de renseignement de la douane, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), sont renforcés. Ils bénéficient notamment du transfert de 23 ETP depuis la DGFiP, pour constituer une nouvelle unité de renseignement fiscal, dont la création a été annoncée dans le cadre du plan « Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques », au printemps 2023.

Par ailleurs, lors de l'examen de la loi du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, nous avions approuvé la création d'une réserve opérationnelle douanière. Celle-ci n'est toujours pas en service, car les textes d'application n'ont pas été publiés, alors même que cette création était en partie justifiée par l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. On ne peut que le regretter. Cependant, d'après les informations recueillies lors de mes auditions, la réserve opérationnelle devrait être mise en service d'ici à l'été 2025.

Enfin, je présenterai deux amendements, déjà adoptés par le Sénat l'an dernier. Ils visent, d'une part, à augmenter le nombre de jours de carence appliqués aux arrêts maladie dans la fonction publique de l'État et, d'autre part, à réduire les emplois des opérateurs. Ces amendements sont imputés par convention sur la mission « Gestion des finances publiques ». Je proposerai d'adopter les crédits de la mission tels que modifiés par mes deux amendements.

J'en viens à la mission « Crédits non répartis », dont les dotations liées aux deux programmes, « Provision relative aux rémunérations publiques » et « Dépenses accidentelles et imprévisibles », sont prévues par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).

La provision relative aux rémunérations publiques fait de nouveau l'objet d'une ouverture de crédits, à hauteur de 70 millions d'euros. Cette dotation a vocation à financer la mise en place d'un référentiel d'emploi pour les agents contractuels de la fonction publique, ainsi que des mesures de convergence indiciaire et de revalorisation indemnitaire pour les administrateurs de l'État. Toutefois, j'attire votre attention sur le fait que le Gouvernement a déposé un amendement à l'Assemblée nationale, visant à supprimer l'ensemble de cette enveloppe, ce qui pose évidemment question quant au sort réservé à ces mesures.

La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles s'élève à 125 millions d'euros. Depuis 2021, le Gouvernement propose des ouvertures de crédits excessives pour ce programme, en s'appuyant sur des justifications insuffisantes. Notre commission s'y est systématiquement opposée et la faiblesse des montants exécutés sur les différents exercices nous donne raison. L'an dernier, l'enveloppe demandée était plus raisonnable, mais notre commission avait proposé, sans succès, de restaurer le montant conventionnel fixé avant la crise sanitaire. Il semble que le Gouvernement ait enfin suivi notre position et je m'en félicite.

Je vous propose d'adopter les crédits de cette mission.

Concernant la mission « Transformation et fonction publiques », je développerai deux éléments principaux.

En premier lieu, il faut souligner la baisse marquée des moyens de la mission dans le cadre de l'effort de redressement des finances publiques. En effet, si l'enveloppe allouée avait connu une première diminution de 5,6 % en CP en loi de finances initiale (LFI) pour 2024, le projet de loi de finances pour 2025 acte une baisse significative de 26,9 % en CP, à périmètre courant, à 801 millions d'euros.

Certes, une partie de cette évolution résulte d'une mesure de périmètre : la suppression du programme 352 « Innovation et transformation numériques », dont l'enveloppe s'élevait à 74,1 millions d'euros en LFI pour 2024. Il a été intégré au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », dans la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Je me félicite de cette centralisation des crédits relatifs à la coordination de la politique numérique, que je recommandais depuis plusieurs années.

À périmètre constant, les crédits de la mission baissent de 21,6 % en CP, soit une diminution de plus de 220 millions d'euros, et de 8,3 % en AE, avec une dotation en AE de 1,081 milliard d'euros. Cette dernière diminution, moins importante que la première, n'en demeure pas moins substantielle.

Cette baisse des moyens de la mission s'explique par la rationalisation des crédits des deux programmes fonctionnant par appels à projets, qui diminuent d'environ un tiers en CP. Il s'agit du programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs », qui finance la rénovation des cités administratives, et du programme 349 « Transformation publique », constitué pour l'essentiel par le fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP). De fait, ces programmes connaissaient une sous-consommation chronique de leurs crédits et d'importants retards en matière de décaissement.

En second lieu, je souhaiterais mettre en avant la finalisation prochaine du programme de rénovation des cités administratives, qui couvre 36 sites et dont 15 projets ont déjà été réceptionnés au 30 août dernier. Je rappelle que le programme avait été créé en loi de finances initiale pour 2018, mais que les travaux n'avaient débuté qu'en 2022.

Alors que 39 sites avaient d'abord été sélectionnés, trois projets ont dû être abandonnés sur décision du préfet ou de la direction de l'immobilier de l'État : ceux de Melun, Brest et Tours. Les crédits ont été réalloués aux autres projets, dans un contexte de forte inflation des coûts de construction, qui a contraint les moyens du programme.

Je me félicite aussi de la mise en oeuvre du projet de foncière de l'État, annoncée par le ministre chargé du budget et des comptes publics en février dernier. Une expérimentation territoriale devrait être déployée en 2025, dans les régions Grand Est et Normandie. Ce projet de foncière interministérielle publique, qui prévoit le versement de loyers par les administrations occupantes, devrait se traduire par une « gestion immobilière responsable, durable et sobre ».

La foncière devrait prendre la forme d'un établissement public industriel et commercial (Épic), placé sous la tutelle de la direction de l'immobilier de l'État. Elle aurait vocation, à terme, à couvrir la majorité des immeubles de bureaux et des locaux d'activités de l'État, soit environ 20 millions de mètres carrés sur un patrimoine immobilier total de 96 millions de mètres carrés.

La réduction de 25 % des surfaces de bureaux devrait aboutir à des gains estimés à 1 milliard d'euros, résultant principalement de la diminution des investissements nécessaires pour la mise aux normes des bâtiments.

Dans ce cadre, je vous présenterai un troisième amendement, visant à tirer la conséquence budgétaire de la mise en oeuvre, dès 2025, de cette trajectoire de réduction des surfaces occupées.

Je vous proposerai d'adopter les crédits de la mission « Transformation et fonction publiques » ainsi modifiés.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je partage l'avis du rapporteur spécial quant à l'adoption des crédits des missions, modifiés par les amendements qu'il a proposés.

Concernant les cités administratives, celle de Nancy est ouverte. Il pourrait être intéressant de mener une mission sur les contraintes que peut rencontrer l'État dans la transformation de ses bâtiments, notamment en matière de normes et de surcoûts éventuels. Nous pourrions en tirer quelques enseignements. On se concentre souvent sur ce qui ne fonctionne pas. Cependant, quand certaines réformes produisent des satisfactions, il faut savoir s'en réjouir. Je pense aussi aux conseillers aux décideurs locaux, qui semblent très appréciés sur le territoire parce qu'ils répondent à des besoins réels et allègent les difficultés, surtout dans les petites communes.

Mme Nathalie Goulet. - D'abord, la fermeture du bureau de douane de l'aviation privée du Bourget ne me semble pas opportune dans cette période de lutte contre le narcotrafic et le blanchiment ; qu'en pensez-vous ?

Ensuite, compte tenu de l'excellence des résultats obtenus après la réforme du « verrou de Bercy », il semblerait possible de diminuer le nombre de membres de la commission des infractions fiscales.

Par ailleurs, la diminution du nombre d'agents me semble incompatible avec les mesures que souhaite prendre le ministre de l'intérieur en matière de lutte contre le narcotrafic. Il faudra ajuster.

Enfin, je voudrais évoquer la question de la formation des agents. Ceux de la DGFiP en ont notamment besoin, sur des questions comme celles du blanchiment et des cryptoactifs. Avez-vous des informations à ce sujet ?

M. Marc Laménie. - Depuis plusieurs années, la mission « Gestion des finances publiques » est très impactée par une baisse des effectifs, notamment en raison de la rationalisation des moyens et des fermetures de trésoreries dans nos territoires. Que sait-on de la répartition de ces effectifs entre l'administration centrale et les directions des finances publiques dans les territoires ?

Connaissez-vous le nombre de centres d'appels mis en place ?

Je partage l'avis du rapporteur général : les CDL sont très importants, notamment pour les élus dans les villages. Prévoit-on d'en augmenter le nombre l'année prochaine ?

Enfin, qu'en est-il des effectifs de l'administration des douanes ? Sont-ils stables ou en baisse ?

M. Thierry Cozic. - En ce qui concerne la lutte contre la fraude, les montants encaissés ont été à peu près stables entre 2019 et 2023. Les moyens humains alloués au recouvrement sont-ils adéquats ? Ont-ils évolué ces dernières années ?

Notre groupe ne votera pas les crédits proposés, pour l'ensemble des missions.

La mission « Gestion des finances publiques » connaît une importante baisse d'effectifs ; quels sont les services impactés ?

J'en viens à l'amendement sur les trois jours de carence, qui reflète la volonté de la droite d'aligner les conditions de travail de la fonction publique sur celles du privé. Néanmoins, je voudrais citer un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), qui souligne que deux tiers des salariés du privé sont protégés contre la perte de revenu induite par le délai de carence, par le biais des conventions collectives. En fait, vous souhaitez aligner les conditions de travail des fonctionnaires, qui sont déjà de plus en plus difficiles, non pas sur celles de l'ensemble des salariés du privé, mais bien sur celles des salariés des entreprises les moins-disantes.

M. Michel Canévet. - La transformation des services des finances publiques sur les territoires s'est plutôt bien passée et les moyens ont été réduits et optimisés. À cet égard, le Gouvernement avait annoncé un mouvement de déconcentration des services ; avez-vous des informations sur ce qui a été fait en la matière ? Une nouvelle tranche de déconcentration pourrait-elle être envisagée, afin de mieux irriguer les territoires ?

En ce qui concerne les bâtiments, je partage l'opinion du rapporteur général : il nous faut savoir comment se passe la transformation du bâti de l'État. Ce dernier doit avoir des obligations en matière de transition écologique et adapter ses bâtiments en répondant à des exigences similaires à celles qui s'imposent dans le secteur privé. De plus, il faut maintenir l'objectif d'optimisation des mètres carrés.

Selon les annonces du Gouvernement, la baisse des dépenses liées aux arrêts maladie s'élève à 444 millions d'euros. Or, dans l'amendement que vous proposez, vous évaluez à 112 millions d'euros l'économie effectuée. Comment expliquer cet écart ? De plus, pourquoi se limiter aux fonctionnaires et ne pas inclure les opérateurs de l'État ?

M. Victorin Lurel. - Depuis 2020, les efforts demandés à la mission « Gestion des finances publiques » se sont traduits par la disparition d'environ 6 000 emplois. A-t-on un bilan global ?

En ce qui concerne la lutte contre la fraude, nous avons procédé à un arbitrage en faveur de l'intelligence artificielle et du data mining. Cependant, il est essentiel de maintenir une expertise humaine qui soit en nombre suffisant et de qualité. Pourrait-on avoir une idée de ce qui se passera en 2026 et en 2027 pour les crédits et le schéma d'emploi dans le projet annuel de performance ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Sur la question des CDL, la Cour des comptes a procédé à une évaluation dans les départements. Le ministre Gérald Darmanin avait fait un tour de France pour présenter son programme aux maires : la fermeture des trésoreries et le déploiement de 1 200 CDL. Aujourd'hui, ils sont 917. Lorsque j'ai entendu la directrice de la DGFiP dans le cadre de mes auditions, elle m'a fait comprendre qu'il n'était peut-être pas utile d'atteindre le chiffre de 1 200, même s'il s'agissait d'une promesse du ministre. Il est difficile de recruter des secrétaires de mairie et de trouver des maires, qui bien souvent ne savent pas faire un budget. Les CDL sont indispensables dans les petites communes.

Les maires sont très satisfaits de la qualité du travail des CDL, mais ceux-ci prennent parfois des congés, ou tombent malades, et certains besoins forts ne sont pas satisfaits. Est-ce que 1 000 CDL suffiront ? C'est un sujet à suivre en fonction des remontées dont nous serons destinataires.

Madame Goulet, je ne sais pas pourquoi le bureau des marchandises de l'aéroport du Bourget ferme, nous n'avons pas interrogé le directeur général à ce sujet, mais nous allons le faire.

La formation des agents de la DGFiP est assurée et fonctionne plutôt bien, comme je peux le constater dans mon département. Il s'agit d'une administration performante, ce dont nous nous réjouissons pour les recettes de l'État. Certains contribuables préféreraient sans doute que la santé soit plus performante, mais nous souhaitons que tout le monde soit efficace ! Les redressements sont à peu près stables, même si, dans un monde idéal, ceux-ci ne seraient pas nécessaires... Plus les contrôles sont efficaces, moins il y en a, d'ailleurs. Les grosses affaires viennent surtout de l'international, de la fraude à la TVA et des entreprises multinationales. Pour autant, ne confondons pas fraude fiscale et évasion fiscale. S'agissant de la première, certains chiffres circulent dont personne ne connaît vraiment la source.

Monsieur Laménie, en effet, les effectifs de la DGFiP baissent fortement depuis une dizaine d'années, malgré un épisode de stagnation puis deux années de progression en 2023 et 2024, durant lesquelles on a dépensé sans compter. Cette baisse est normale, pour deux raisons essentielles. La première est que le prélèvement à la source est très efficace et la fraude concernant les contribuables ayant des revenus fixes est ainsi mieux connue ; la seconde est que la majorité des contribuables ne bénéficiant que de leur salaire ou de leur retraite, le contrôle est rapide. Davantage de postes seront sans doute supprimés avec la facturation électronique qui arrive en 2026 : la fraude à la TVA deviendra pratiquement impossible, sauf via un schéma frauduleux, et les contrôles seront encore facilités. Il ne sera alors plus nécessaire de mobiliser des petites mains pour faire des contrôles sur des bouts de papier.

Concernant les douanes, le droit de visite rénové par la loi du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces donne de bons résultats, à la satisfaction générale., La Douane devrait voir ses effectifs augmenter de 50 ETP en 2025 et continuera d'investir dans ses moyens matériels : scanners, hélicoptères aux Antilles, ou encore motos. Il s'agit également d'une administration qui fonctionne plutôt bien..

Monsieur Cozic, il est vrai que les redressements sont stables depuis plusieurs années, mais beaucoup de contrôles fiscaux sur pièces sont mis en oeuvre, ainsi que des processus de data mining qui semblent très efficaces. Il est logique que, au fur et à mesure que l'administration de la DGFiP s'informatise et se modernise, ses effectifs baissent. Ce n'est peut-être pas terminé.

S'agissant du délai de carence, vous avez raison, mais cette année, la différence est que le Gouvernement lui-même propose cette mesure, que nous soutenons, car nous l'avions déjà votée l'année dernière en commission des finances. Le nombre d'arrêts médicaux a en effet explosé depuis le covid. Le Gouvernement estime qu'une telle mesure est susceptible de faire diminuer le nombre d'arrêts de courte durée.

Monsieur Canévet, l'État possède clairement trop de bâtiments : les administrations publiques occupent environ 300 millions de mètres carrés, soit 100 millions pour l'État et 200 millions pour les collectivités. Un point stupéfiant : entre 8 heures et 18 heures, c'est-à-dire aux heures ouvrables, ces mètres carrés sont vides 60 % du temps. Avec trois jours de télétravail dans la fonction publique aujourd'hui, ce qui n'existait pas avant, un jour de RTT et un jour de formation, on ne voit pas le fonctionnaire de la semaine ! C'est un exemple caricatural, évidemment, mais c'est pourquoi nous avons déposé un amendement à ce sujet. Par ailleurs, cette foncière de l'État me semble être une bonne idée.

Article 42 (état B)

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. L'amendement II-16 (FINC.1) vise une diminution de 2,5 % des emplois des opérateurs de l'État, représentant 10 000 équivalents temps plein (ETP), sur un total d'environ 400 000 ETP, emportant une économie de 150 millions d'euros sur une demi-année, donc de 300 millions d'euros sur l'année. La cible de cet amendement est les agences de l'État.

L'amendement II-16 (FINC.1) est adopté.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. L'amendement II-17 (FINC.2) tend à porter à trois jours le délai de carence dans la fonction publique d'État (couvrant l'État et ses opérateurs). L'administration estime que cette mesure permettra d'économiser 112 millions d'euros, mais selon moi, le chiffre sera encore plus important.

L'amendement II-17 (FINC.2) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Gestion des finances publiques », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

M. Claude Raynal, président. Nous passons à l'examen des crédits de la mission « Crédits non répartis ».

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Je suis favorable à l'adoption des crédits de cette mission sans modification.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Crédits non répartis ».

M. Claude Raynal, président. Nous examinons maintenant les crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », sur lesquels un amendement a été déposé.

Article 42

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. L'amendement II-8 (FINC.1) vise à diminuer les crédits de la mission de 125 millions d'euros, correspondant à la mise en oeuvre du début de la trajectoire de réduction de 25 % des surfaces de bureau de l'État d'ici 2032.

Mme Christine Lavarde. Avez-vous des éléments sur la mise en oeuvre de la foncière de l'État ? Cela relève-t-il du projet de loi de finances ? Qu'en est-il, sinon, du calendrier du véhicule législatif ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. C'est prévu pour 2025. M. Cazenave hésitait entre une société anonyme (SA) à capitaux publics (avec une détention à 100 % par l'État) ou un Épic. Rien n'est encore décidé, à ce stade. Si l'option de la création d'un Épic devait être retenue par le Gouvernement, une telle option nécessiterait effectivement une disposition législative dédiée, car il s'agirait d'une nouvelle catégorie d'établissement public.

Mme Christine Lavarde. Soyons un aiguillon sur ce sujet, afin que le Gouvernement agisse rapidement.

L'amendement II-8 (FINC.1) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », sous réserve de l'adoption de son amendement.

M. Claude Raynal, président. Nous terminons par le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État, ce CAS vise à financer les opérations de valorisation et la modernisation du parc immobilier de l'État en recourant, prioritairement, à la cession d'actifs.

Pour 2025, les prévisions de recettes du CAS, d'un montant total de 340 millions d'euros, se décomposent, comme en LFI 2024, de la manière suivante : 210 millions d'euros au titre des produits des cessions de biens immobiliers de l'État ; 110 millions d'euros au titre du produit des redevances domaniales ou des loyers perçus par l'État ; 20 millions d'euros au titre des fonds de concours et des versements du budget général.

Dans le cadre du PLF 2025, les prévisions de dépenses d'entretien du propriétaire reposent, comme en 2024, sur la priorisation de l'entretien du propriétaire des immeubles de bureaux et sont reconduites à hauteur de 200 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

De toute évidence, les moyens du CAS sont très limités au regard de l'étendue du parc immobilier de l'État. Au 31 décembre 2023, l'État et ses établissements publics occupaient un patrimoine immobilier de 96 millions de mètres carrés de surface bâtie et de 31 000 terrains non bâtis, pour une valorisation comptable estimée à 73,7 milliards d'euros.

Rapporté à ce patrimoine très étendu, le CAS « Gestion du patrimoine de l'immobilier de l'État » constitue un instrument marginal pour la politique immobilière de l'État. De fait, l'effort d'investissement supporté par le CAS représente seulement en moyenne annuelle 12 % des dépenses d'investissement immobilier de l'État sur la décennie 2014 à 2023. Dans la période récente, le Gouvernement a ainsi mobilisé d'autres vecteurs budgétaires pour porter des grands projets structurels, notamment le programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » et l'action n° 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie ». Aussi, selon la direction de l'immobilier de l'État, la création de la foncière de l'État pourrait à terme aboutir à la suppression de ce compte d'affectation spéciale.

Je vous propose donc d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » sans modification.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction de l'immobilier de l'État (DIE)

- M. Alain RESPLANDY-BERNARD, directeur.

Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI)

-M. Jean-François DUTHEIL, directeur adjoint des douanes et des droits indirects ;

- Mme Géraldine CECCONI, sous-directrice Finances et achat.

Direction générale des finances publiques (DGFiP)

- Mme Amélie VERDIER, directrice générale des Finances publiques ;

- M. Xavier MICHELET, sous-directeur du budget, de l'achat et de l'immobilier.

Secrétariat général du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

- Mme Anne BLONDY-TOURET, secrétaire générale ;

- Mme Françoise TURPIN, adjointe au sous-directeur du service des achats et des finances ;

- M. Christophe MORET, sous-directeur gestion financière et achats ;

- M. Christian FALCONNET, chef de bureau au service des achats et des finances.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 Loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.

* 2 Il s'agit notamment des crédits de la direction du budget (DB), de la direction des achats de l'État (DAE), de la direction des affaires juridiques (DAJ), des cabinets des ministres et secrétaires d'État, de l'inspection générale des finances (IGF), du contrôle général économique et financier (CGEFI), de l'autorité nationale des jeux (ANJ), de l'agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE), de l'agence française anti-corruption (AFA), de la cellule française de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (TRACFIN), de la mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf), du service commun des laboratoires (SCL), des structures de médiation, de la commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC), de la commission de certification des comptes des organismes payeurs des dépenses financées par les fonds européens agricoles (CCOP), de la mission France Recouvrement ainsi que du secrétariat général au Plan de relance (SGPR).

* 3 Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Feuille de route « Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques », mai 2023. 

* 4 Comme l'avait d'ailleurs recommandé la mission d'information de la commission des finances sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.

* 5 Renommées depuis 2023 « loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année ».

* 6 Selon les réponses de la direction générale des douanes et des droits indirects au questionnaire du rapporteur.

* 7 Il s'agit des buralistes dont le chiffre d'affaires tabac de l'année n-1 est compris entre 50 000 euros et 400 000 euros.

* 8 Cour des comptes, L'action de la direction générale des finances publiques auprès du bloc communal,

décembre 2023, rapport remis au Sénat en application de l'article 58°2 de la loi organique relative aux

lois de finances.

* 9 Il reprenait un engagement du président de la République au mois d'avril 2019, à l'issue des conclusions du grand débat national.

* 10 Outre l'augmentation du nombre de personnes s'étant rendues dans un guichet de la DGFiP, les sollicitations adressées à la DGFiP au sein des espaces France services ont également augmenté sur les neuf premiers mois de l'année 2023 (768 000 contacts, contre 225 000 demandes pour toute l'année 2022).

* 11 Défenseur des droits, «  Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? », février 2022.

* 12 Cour des comptes, L'action de la direction générale des finances publiques auprès du bloc communal, décembre 2023, rapport remis au Sénat en application de l'article 58°2 de la loi organique relative aux lois de finances.

* 13 Ibid.

* 14 Une baie est une armoire destinée à recevoir des boîtiers d'appareils électroniques. Ces données ont été transmises en réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

* 15 Inspection générale des finances, « Bilan du contrat d'objectifs et de moyens de la direction générale des finances publiques pour la période 2020-2022 », septembre 2022.

* 16 Ministère de l'économie, des finances et de la relance, Bilan des réformes de productivité de l'action publique, octobre 2021.

* 17 Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Feuille de route « Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques », mai 2023. 

* 18 Selon les informations transmises au rapporteur par le secrétariat général du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

* 19 Pour plus de détails, le lecteur est invité à se reporter au rapport de la mission d'information de la commission des finances relative à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.

* 20 Ibid.

* 21 Cour des comptes, La fraude aux prélèvements obligatoires, décembre 2019.

* 22 « Les douanes face au commerce en ligne : une fraude fiscale importante et ignorée », rapport d'information n° 93 (2013-2014) de MM. Albéric de MONTGOLFIER et Philippe DALLIER, au nom de la commission des finances, déposé le 23 octobre 2013.

* 23 Selon des données reprises dans Les Échos, «  TVA sur l'e-commerce : Bercy se prépare au big bang du 1er juillet », 22 avril 2021.

* 24  Loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.

* 25 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022.

* 26 Arrêté du 20 octobre 2023 portant répartition de crédits.

* 27 Cour des comptes, Les agents contractuels dans la fonction publique, 22 septembre 2020.

* 28 L'écart de 300 millions d'euros entre les AE et les CP est fixé à titre conventionnel depuis 2012. Il s'explique par la nécessité de couvrir les éventuelles prises à bail privées.

* 29 Projet annuel de performances pour l'année 2023 de la mission « Crédits non répartis ».

* 30 Ibid.

* 31  Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 32  Rapport n°831 (2020-2021) sur la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques et sur la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques de MM. Jean-François Husson et Claude Raynal, fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 septembre 2021.

* 33 Ils étaient 39 à l'origine : le projet de Melun a été arrêté sur décision du préfet, et dans le cadre d'une réflexion plus générale sur la gestion du patrimoine immobilier de l'État à Melun ; celui de Brest a été arrêté sur décision de la direction de l'immobilier de l'État, de même que celui de Tours, abandonné en 2023 du fait de retards trop importants.

* 34 Dont 29 millions d'euros avaient été annulés par le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 35 Réponses de la DIE au questionnaire du rapporteur spécial.

* 36 Gigawatt par heure d'énergie finale par an. L'énergie finale désigne la quantité d'énergie disponible pour l'utilisateur final.

* 37 Agence de gestion de l'immobilier de l'État, société anonyme détenue entièrement par l'État.

* 38 Kilowatt par heure d'énergie primaire. L'énergie primaire correspond à la consommation nécessaire à la production de l'énergie finale.

* 39 Article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

* 40  Rapport n° 743, tome II, annexe 15, volume 1 (2020-2021) de MM. Albéric de MONTGOLFIER et Claude NOUGEIN, déposé le 7 juillet 2021 : Gestion des finances publiques et des ressources humaines - Crédits non répartis - Action et transformation publiques, dans le cadre de l'examen par la commission des finances de la loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2020.

* 41 Il s'agit d'actions se caractérisant par un fort retour sur investissement, avec d'importantes économies générées à moyen ou long terme. Parmi ces actions figurent par exemple le contrôle, le pilotage et la régulation des systèmes de chauffage ou encore la modernisation des systèmes d'éclairage ou de chauffage.

* 42 Interrogé en audition en 2022, le directeur de l'immobilier de l'État estimait que le coût du mégawatheure économisé par la mise en place d'une action à gains rapides s'élevait de 1 000 euros à 1 500 euros, alors que l'État achetait un mégawatheure pour environ 250 euros. Pour une rénovation globale, le coût serait de l'ordre de 7 000 euros le mégawatheure.

* 43  Décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire.

* 44 Communiqué de presse du 1er mars 2024, « Lancement des travaux du Conseil de l'immobilier de l'État sur le projet de foncière de l'État pour une gestion immobilière responsable, durable et sobre ».

* 45 Inspection générale des finances, Conseil général de l'environnement et du développement durable, « Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser », avril 2022.

* 46 De façon ponctuelle, certains biens en Auvergne Rhône-Alpes et en Île-de-France pourraient également être concernés pour concrétiser des opérations prioritaires.

* 47 Interrogé en audition par le rapporteur spécial.

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