N° 665

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juin 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement »,

Par M. Alain MARC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

556 et 666 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

À l'approche de l'échéance du 1er janvier 2026, date à compter de laquelle les compétences « eau » et « assainissement » devront obligatoirement être transférées aux communautés de communes, la commission des lois a de nouveau examiné une proposition de loi sénatoriale visant à tempérer ce mouvement d'intercommunalisation attentatoire aux libertés communales et source de complexités.

Répondant à une inquiétude légitime et régulièrement exprimée par les élus locaux, le Sénat a souhaité, à plusieurs reprises, remettre en cause le caractère impératif de ce transfert.

Déposée le 29 avril 2024 par le sénateur Jean-Michel Arnaud et plusieurs de ses collègues, la proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement », en particulier pour les communes situées en zone de montagne, s'inscrit dans la volonté constante du Sénat, depuis le vote de la loi dite « NOTRe », de préserver la liberté des communes.

La commission partage pleinement l'objectif poursuivi par l'auteur du texte, conformément à la position qu'elle a constamment réaffirmée depuis 2015. Soucieuse de bâtir une solution opérationnelle et respectueuse des libertés communales à l'approche de l'échéance de 2026, elle a décidé, à titre conservatoire, de ne pas adopter la proposition de loi, afin de pouvoir discuter en séance du texte dans sa rédaction d'origine.

I. LE TRANSFERT OBLIGATOIRE DES COMPÉTENCES « EAU » ET « ASSAINISSEMENT » : UNE INTERCOMMUNALISATION À MARCHE FORCÉE

A. LE TRANSFERT DES COMPÉTENCES « EAU » ET « ASSAINISSEMENT » : UNE OBLIGATION TRÈS CONTESTÉE

Avant l'entrée en vigueur de la loi dite « NOTRe » du 7 août 2015 les compétences « eau » et « assainissement » relevaient de la catégorie des compétences optionnelles ou facultatives pour les communautés de communes et les communautés d'agglomération1(*).

Dans sa version initiale, le projet de loi « NOTRe » ne prévoyait pas le transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération. C'est lors du vote en première lecture à l'Assemblée nationale, sans aucune étude d'impact préalable, que le Gouvernement a déposé des amendements visant à intégrer ces compétences au sein du bloc de compétences obligatoires de ces deux catégories d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.

Alors que le Sénat s'était opposé à l'obligation de transfert de ces compétences en deuxième lecture, la mesure a été réintroduite par la commission mixte paritaire. Face aux réserves exprimées par le Sénat, elle a toutefois fait l'objet d'un compromis puisque l'échéance du transfert a été repoussée au 1er janvier 2020.

La loi « NOTRe » de 2015 a ainsi instauré, à l'initiative du Gouvernement, une obligation de transfert des compétences « eau » et « assainissement » des communes vers les communautés de communes et les communautés d'agglomération2(*).

B. UNE OBLIGATION À LAQUELLE LE SÉNAT S'EST OPPOSÉ DE FAÇON CONSTANTE AU NOM DE LA LIBERTÉ DES TERRITOIRES

Soucieux de préserver la liberté des communes et d'assurer le respect du principe de subsidiarité, le Sénat a constamment réaffirmé son opposition au caractère obligatoire du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération, conduisant le législateur à assouplir cette obligation.

Dès le 23 février 2017, le Sénat a adopté, à l'unanimité, une proposition de loi de Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues, visant au maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes3(*). Plusieurs propositions de loi similaires4(*), visant à rétablir le caractère facultatif des compétences « eau » et « assainissement » ou à assouplir l'obligation de transfert, ont été déposées au cours des dernières années et des derniers mois.

Le 16 mars 2023, le Sénat a adopté une proposition de loi de Jean-Yves Roux et plusieurs de ses collègues, visant à permettre une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement »5(*). Ce texte entendait mettre un terme au transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes, tout en organisant la restitution de ces compétences au profit des communes qui souhaiteraient en récupérer l'exercice et en assouplissant les modalités de délégation desdites compétences à une commune ou un syndicat infra communautaire.

Traduisant les recommandations formulées par le groupe de travail du Sénat sur la décentralisation présidé par Gérard Larcher en juillet 2023, la proposition de loi visant à rendre aux élus locaux leur pouvoir d'agir, déposée le 22 mars 2024 par François-Noël Buffet, Mathieu Darnaud, Françoise Gatel et Jean-François Husson, a réaffirmé également la position constante du Sénat en faveur du caractère facultatif du transfert des compétences « eau » et « assainissement » et de la liberté des territoires.

II. LES AMÉNAGEMENTS AU TRANSFERT OBLIGATOIRE : UN MOINDRE MAL DEVENU INSUFFISANT ET SOURCE DE COMPLEXITÉ

A. LE REPORT AU 1ER JANVIER 2026 DU TRANSFERT OBLIGATOIRE DES COMPÉTENCES AUX COMMUNAUTÉS DE COMMUNES

Tandis que le transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés d'agglomération est devenu obligatoire le 1er janvier 2020, la loi du 3 août 20186(*), dite « Ferrand », a créé une possibilité de report de ce transfert au bénéfice des communes membres d'une communauté de communes.

En effet, elle a permis aux communes membres d'une communauté de communes n'exerçant pas les compétences « eau » ou « assainissement » de s'opposer au transfert obligatoire de ces deux compétences ou de l'une d'entre elles à l'intercommunalité si, avant fin 2019, au moins 25 % des communes membres de la communauté de communes représentant au moins 20 % de la population délibéraient en ce sens. À condition de réunir cette minorité de blocage, le transfert de compétence a ainsi été repoussé au 1er janvier 2026.

Par la suite, la loi du 27 décembre 2019, dite « Engagement et proximité », a facilité les modalités de ce report, notamment en octroyant aux communes membres d'une communauté de communes la possibilité de s'opposer à la prise de compétence de leur intercommunalité lorsque celle-ci, alors qu'elle n'exerçait pas ou seulement partiellement ces compétences, se prononce sur leur exercice après le 1er janvier 2020.

B. LA DÉLÉGATION DE COMPÉTENCES À UN SYNDICAT : UNE FACULTÉ TRÈS ENCADRÉE

La loi « Engagement et proximité » de 2019 a par ailleurs introduit un mécanisme de délégation de tout ou partie des compétences « eau » et « assainissement » d'une communauté de communes vers l'une de ses communes membres ou un syndicat infra-communautaire.

La délégation à un syndicat de communes est toutefois particulièrement encadrée puisque le syndicat délégataire doit être existant au 1er janvier 2019 et être inclus en totalité dans le périmètre de l'intercommunalité.

Parallèlement, le législateur a aménagé une possibilité de maintien de ces syndicats. Ainsi, lorsque la communauté de communes devient compétente, avant le 1er janvier 2026, en matière d'eau et d'assainissement, le maintien du syndicat doit être décidé, dans un délai de neuf mois, par le seul organe délibérant de la communauté de communes. Si le principe de la délégation est acté par l'intercommunalité, le maintien du syndicat est prolongé d'un an afin de permettre aux parties de prévoir, par convention, les conditions de la délégation.

La loi du 21 février 2022, dite « 3DS »7(*), a en outre permis, lorsque la communauté de communes devient compétente à titre obligatoire au 1er janvier 2026, le maintien par principe des syndicats de gestion des eaux préexistants, sauf délibération contraire de la communauté de communes.

C. COMPLEXITÉ EXCESSIVE ET INQUIÉTUDE LÉGITIME DES ÉLUS : UN STATU QUO DEVENU INTENABLE À L'APPROCHE DE L'ÉCHÉANCE DE 2026

Les assouplissements successifs consentis pour atténuer les effets d'un transfert obligatoire imposé aux communes en méconnaissance des réalités du terrain ont généré une situation d'une complexité considérable, tant sur le plan juridique que pratique.

Les associations d'élus entendues par le rapporteur au cours de ses travaux ont notamment souligné l'incompréhension et la confusion suscitées par les conventions de délégation, un dispositif peu opérationnel et dont l'intérêt ne semble pas avéré aux yeux des maires.

Le risque d'une augmentation de la facture pour les usagers, l'affaiblissement du lien entre le maire et ses administrés, la nécessité de maintenir une fine connaissance des réseaux existants ou encore l'absence de correspondance entre les périmètres intercommunaux et les bassins hydrographiques sont autant d'arguments qui plaident en faveur d'une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement ».

La coexistence de communautés de communes ne souhaitant pas exercer ces compétences et de communes désireuses de préserver une gestion au plus proche des réalités de leur territoire démontre, s'il le fallait encore, le non-sens que constitue ce transfert obligatoire dont l'échéance approche désormais à grands pas.

Les données transmises au rapporteur tendent à confirmer les réticences générées par l'intercommunalisation de ces compétences : seules 29 % des communes ont transféré la compétence « eau » à leur communauté de communes, tandis que 71 % d'entre elles exercent la compétence seule (14 %) ou dans le cadre d'une structure syndicale (57 %).

Communautés de communes exerçant une compétence liée
à l'eau et l'assainissement au 1er octobre 2022

 
 
 

Eau

Assainissement collectif

Assainissement non collectif

Sources : Direction générale des collectivités locales et base nationale sur l'intercommunalité (BANATIC)

Contraint de reconnaître ces difficultés, identifiées et exprimées depuis près de dix ans par le Sénat, le Gouvernement s'est engagé à aller vers un « assouplissement de l'obligation d'intercommunalisation fixée par la loi NOTRe » en permettant « une gestion de l'eau à l'échelle infra-communautaire », afin notamment de « tenir compte des particularités des zones de montagne et sous-denses »8(*).

Si la commission ne peut que se réjouir de cette prise de conscience, elle regrette qu'elle intervienne si tardivement et n'ait toujours pas, à ce jour, trouvé de traduction législative concrète.

III. À L'APPROCHE DE L'ÉCHÉANCE DE 2026, LA COMMISSION PLAIDE EN FAVEUR D'UNE SOLUTION RESPECTUEUSE DES LIBERTÉS COMMUNALES

A. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI : ASSOUPLISSEMENTS DE L'OBLIGATION DE TRANSFERT ET DÉROGATIONS EN FAVEUR DES COMMUNES DE MONTAGNE

La proposition de loi vise, en premier lieu, à créer une dérogation au bénéfice des communes membres d'une communauté de communes ou d'une communauté d'agglomération située en zone de montagne (article 1er). Pour ces intercommunalités, les compétences « eau » et « assainissement » redeviendraient facultatives et les communes ayant déjà transféré les compétences pourraient en obtenir la restitution.

Pour les communes membres d'une communauté de communes dont le territoire n'est pas situé en zone de montagne, le transfert des compétences « eau » et « assainissement » demeurerait obligatoire mais serait assorti de nouveaux assouplissements.

En particulier, l'article 2 tend à permettre la création de nouveaux syndicats infra-communautaires compétents en matière d'eau et d'assainissement, sous réserve de recueillir un avis favorable de la commission départementale de la coopération intercommunale (CDPI). Lors de la prise de compétence par la communauté de communes, que celle-ci intervienne avant le 1er janvier 2026 ou à cette date, tout syndicat existant au 1er janvier 2026 pourrait être maintenu par la voie de la délégation.

Parallèlement, l'article 3 entend permettre aux communes membres d'une communauté de communes n'ayant pas encore transféré les compétences « eau » et « assainissement » à l'intercommunalité de transférer, avant le 1er janvier 2026, ces compétences à un syndicat infra-communautaire. Au 1er janvier 2026, ces syndicats pourraient également être maintenus par la voie de la délégation.

L'article 4 vise, enfin, à étendre les possibilités d'intervention des départements en matière de gestion et d'approvisionnement en eau potable, afin de faciliter une gestion à une échelle dépassant les frontières de l'intercommunalité.

B. LA POSITION DE LA COMMISSION : POURSUIVRE LA RÉFLEXION EN VUE DE L'ÉLABORATION D'UNE SOLUTION CONCILIANT LIBERTÉ DES COMMUNES ET GESTION EFFICACE DE LA RESSOURCE

Depuis 2015, la commission s'est constamment opposée à l'intercommunalisation forcée des compétences « eau » et « assainissement », au nom du respect des principes de différenciation et de subsidiarité.

Si elle juge la mutualisation de ces compétences pertinente pour préserver la ressource en eau, elle considère que les communes et leurs intercommunalités sont les mieux placées pour apprécier l'échelle de cette mutualisation, dans un objectif d'efficacité et de pragmatisme.

En l'état, les dispositifs prévus par la proposition de loi ne permettent pas de donner, dans des conditions de sécurité juridique, toute la souplesse attendue, et le sort particulier fait aux seules communes de montagne n'apparaît pas justifié par des conditions suffisamment objectives, beaucoup d'autres communes connaissant les mêmes difficultés.

Si la commission estime que le principe du transfert obligatoire imposé par le Gouvernement en 2015 est le coeur du problème, elle considère néanmoins que des pas peuvent être faits, à tout le moins, pour assouplir dans un premier temps les modalités de mutualisation, en l'absence de transfert à l'intercommunalité.

Afin de poursuivre la réflexion jusqu'à la séance, la commission a décidé, à titre conservatoire, de ne pas adopter la proposition de loi afin de pouvoir discuter en séance du texte dans sa rédaction d'origine.

*

* *

Réunie le mercredi 5 juin 2024, la commission n'a pas adopté la proposition de loi.

En conséquence, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera sur le texte initial de la proposition de loi, lors de son examen en séance publique prévu le 13 juin 2024.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Caractère facultatif du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et d'agglomération situées en zone de montagne et faculté de restitution de ces compétences

L'article 1er vise à rétablir le caractère facultatif de l'exercice des compétences « eau » et « assainissement » par les communautés de communes et les communautés d'agglomération dont tout ou partie du territoire est situé en zone de montagne.

Il tend, en outre, à créer une faculté de restitution des compétences « eau » et « assainissement » au bénéfice des communes membres d'une communauté de communes ou d'une communauté d'agglomération dont tout ou partie du territoire est situé en zone de montagne et qui, ayant déjà procédé au transfert de ces compétences à l'intercommunalité, souhaiteraient en récupérer l'exercice.

Approuvant l'objectif poursuivi par cet article, la commission s'est toutefois interrogée sur l'opportunité de créer une dérogation spécifique aux zones de montagne, au regard du principe d'égalité devant la loi. Jugeant que les conditions pour garantir la sécurité juridique du dispositif n'étaient pas réunies, et en cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, elle n'a pas adopté l'article 1er.

1. Le transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux intercommunalités : une obligation contestée malgré plusieurs aménagements

1.1. Le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » : une intercommunalisation à marche forcée

a) Une obligation de transfert à l'initiative du gouvernement dans le cadre de la loi « NOTRe »

Avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe », les compétences « eau » et « assainissement » relevaient de deux régimes distincts :

pour les communautés d'agglomération : les compétences « eau » et « assainissement » étaient optionnelles, figurant au sein d'une liste de six groupes de compétences proposées aux communautés d'agglomération, qui devaient en exercer au moins trois9(*) ;

pour les communautés de communes : tandis que la compétence « eau » constituait une compétence facultative10(*), la compétence « assainissement » était optionnelle11(*), figurant au sein d'une liste de sept groupes de compétences proposées aux communautés de communes, qui devaient en exercer au moins trois.

Dans sa version initiale, le projet de loi « NOTRe » ne prévoyait pas le transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération. Lors du vote en première lecture à l'Assemblée nationale, sans aucune étude d'impact préalable, le Gouvernement a déposé des amendements visant à intégrer ces compétences au sein du bloc de compétences obligatoires de ces deux catégories d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.

Alors que le Sénat s'était opposé à l'obligation de transfert de ces compétences en deuxième lecture, la mesure a été réintroduite par la commission mixte paritaire. Face aux réserves exprimées par le Sénat, elle a toutefois fait l'objet d'un compromis puisque l'échéance du transfert a été repoussée au 1er janvier 2020.

La loi « NOTRe »12(*) de 2015 a ainsi instauré, à l'initiative du Gouvernement, une obligation de transfert des compétences « eau » et « assainissement » des communes vers les communautés de communes et les communautés d'agglomération.

b) Une obligation de transfert à laquelle le Sénat s'est opposé de façon constante

Soucieux de préserver la liberté des communes et d'assurer le respect du principe de subsidiarité, le Sénat a constamment réaffirmé son opposition au caractère obligatoire du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération, conduisant le législateur à assouplir cette obligation13(*).

Dès le 23 février 2017, le Sénat a adopté, à l'unanimité, une proposition de loi de Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues visant au maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes14(*). Plusieurs propositions de loi similaires, visant à rétablir le caractère facultatif des compétences « eau » et « assainissement » ou à assouplir l'obligation de transfert, ont été déposées au cours des dernières années et des derniers mois15(*).

Le 16 mars 2023, le Sénat a adopté une proposition de loi de Jean-Yves Roux et plusieurs de ses collègues, visant à permettre une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement ». Telle qu'adoptée par le Sénat, ce texte tend à mettre un terme au transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes, tout en organisant la restitution de ces compétences au profit des communes qui souhaiteraient en récupérer l'exercice et en assouplissant les modalités de délégation desdites compétences à une commune ou un syndicat infra-communautaire.

Traduisant les recommandations formulées par le groupe de travail du Sénat sur la décentralisation présidé par Gérard Larcher en juillet 2023, la proposition de loi visant à rendre aux élus locaux leur pouvoir d'agir, déposée le 22 mars 2024 par François Noël Buffet, Mathieu Darnaud, Françoise Gatel et Jean François Husson, a réaffirmé la position constante du Sénat en faveur du caractère facultatif du transfert des compétences « eau » et « assainissement ».

1.2. Les aménagements à l'obligation de transfert : une solution imparfaite et source de complexités

a) Le report au 1er janvier 2026 du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes

La loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, dite « Ferrand »16(*), a créé une possibilité de report du transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes.

En effet, elle a permis aux communes membres d'une communauté de communes qui n'exerce pas les compétences « eau » ou « assainissement » de s'opposer au transfert obligatoire de deux compétences ou de l'une d'entre elles à l'intercommunalité si, avant fin 2019, au moins 25 % des communes membres de la communauté de communes représentant au moins 20 % de la population délibéraient en ce sens. À condition de réunir cette minorité de blocage, le transfert de compétence a ainsi été repoussé au 1er janvier 2026.

Par la suite, la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite « Engagement et proximité », a facilité les modalités de ce report, en :

étendant la minorité de blocage aux cas où la communauté de communes exerce les compétences « eau » et « assainissement » sur une partie du territoire seulement ou n'exerce qu'une partie de ses compétences ;

permettant aux communautés de communes de se prononcer jusqu'au 1er janvier 2020, régularisant ainsi les délibérations intervenues entre le 1er juillet 2019, et cette nouvelle échéance ;

octroyant aux communes membres d'une communauté de communes la possibilité de s'opposer à la prise de compétence de leur intercommunalité lorsque celle-ci, alors qu'elle n'exerçait pas ou seulement partiellement ces compétences, se prononce sur leur exercice après le 1er janvier 2020.

b) La délégation des compétences « eau » et « assainissement » à un syndicat ou à une commune : une dérogation encadrée

La loi « Engagement et proximité » de 201917(*) a introduit un mécanisme de délégation de tout ou partie des compétences « eau » et « assainissement » d'une communauté de communes vers l'une de ses communes membres ou un syndicat infra-communautaire.

La délégation à un syndicat de communes est toutefois particulièrement encadrée18(*) puisque le syndicat délégataire doit être existant au 1er janvier 2019 et être inclus en totalité dans le périmètre de l'intercommunalité.

Parallèlement, le législateur a aménagé une possibilité de maintien de ces syndicats. En effet, lorsque la communauté de communes devient compétente, avant le 1er janvier 2026, en matière d'eau et d'assainissement, le maintien du syndicat doit être décidé, dans un délai de neuf mois, par le seul organe délibérant de la communauté de communes. Si le principe de la délégation est acté par l'intercommunalité, le maintien du syndicat est prolongé d'un an afin de permettre aux parties de prévoir, par convention, les conditions de la délégation.

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS », a permis, lorsque la communauté de communes devient compétente à titre obligatoire au 1er janvier 2026, le maintien par principe des syndicats de gestion des eaux préexistants, sauf délibération contraire de la communauté de communes.

1.3. La nécessité d'une gestion différenciée et conforme au principe de subsidiarité : un constat aujourd'hui largement partagé

Désireux de « faire vivre les principes de différenciation et de subsidiarité »19(*), le Sénat a constamment insisté sur la nécessité de préserver un exercice différencié des compétences « eau » et « assainissement », en particulier pour les communes rurales ou de montagne. À cet égard, la fixation du niveau d'exercice de ces compétences ne peut être uniforme et ne doit pas faire fi des spécificités et des considérations matérielles propres à chaque territoire.

Interrogée par le rapporteur, l'association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) a, en ce sens, estimé « que les communes et leurs intercommunalités sont les mieux placées pour apprécier l'échelle pertinente de mutualisation des services et organiser efficacement leur exercice en fonction notamment des caractéristiques de la ressource, de la répartition de la population, du périmètre des infrastructures et des contraintes financières ».

D'après les données communiquées par la direction générale des collectivités locales (DGCL)20(*) au rapporteur, 3 600 communes exerceraient encore aujourd'hui la compétence « eau » de façon isolée, c'est-à-dire hors intercommunalité ou syndicat. Ainsi, seules 29 % des communes ont transféré la compétence « eau » à leur communauté de communes, tandis que 71 % d'entre elles exercent la compétence seule (14 %) ou dans le cadre d'une structure syndicale (57 %).

À l'instar d'un certain nombre de députés ayant récemment exprimé des positions proches de celles défendues par le Sénat depuis plusieurs années, le Président de la République, à l'occasion de la présentation du « Plan eau » le 30 mars 2023 dans les Hautes-Alpes, a fait part de sa volonté de construire « un modèle pluriel différencié qui repose sur l'intelligence des élus de terrain et de la diversité du territoire ».

Si le Sénat ne peut que se réjouir de cette prise de conscience du Gouvernement21(*), il regrette que ces engagements n'aient toujours pas, à ce jour, trouvé de traduction concrète en dépit des nombreuses initiatives sénatoriales destinées à répondre aux attentes légitimes des élus locaux en la matière.

2. Rétablissement du caractère facultatif du transfert et faculté de restitution des compétences « eau » et « assainissement » au bénéfice des communes situées en zone de montagne

2.1. La dérogation à l'exercice obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » par les communautés de communes et d'agglomération situées en zone de montagne

L'article 1er tend à modifier les articles L. 5214-16 et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT)22(*) afin de créer une dérogation au transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » au profit des communes membres des communautés de communes ou de communautés d'agglomération dont tout ou partie du territoire est situé en zone de montagne.

Pour ces deux catégories d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, la mention de la compétence « eau » et de la compétence « assainissement » au sein de la liste des compétences obligatoirement exercées23(*) par l'intercommunalité serait complétée pour prévoir une dérogation dans les cas où « tout ou partie » de la communauté de communes ou de la communauté d'agglomération « est situé en zone de montagne au sens de l'article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ».

Ne seraient donc plus soumises à l'obligation de transfert des compétences « eau » et « assainissement » les communes qui sont membres d'une communauté de communes ou d'une communauté d'agglomération en tout en partie classée en zone de montagne au sens de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, dite « loi Montagne »

Définition législative des zones de montagne

(Article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne)

« Les zones de montagne [...] comprennent, en métropole, les communes ou parties de communes caractérisées par une limitation considérable des possibilités d'utilisation des terres et un accroissement important des coûts des travaux dus :

« 1° Soit à l'existence, en raison de l'altitude, de conditions climatiques très difficiles se traduisant par une période de végétation sensiblement raccourcie ;

« 2° Soit à la présence, à une altitude moindre, dans la majeure partie du territoire, de fortes pentes telles que la mécanisation ne soit pas possible ou nécessite l'utilisation d'un matériel particulier très onéreux ;

« 3° Soit à la combinaison de ces deux facteurs lorsque l'importance du handicap, résultant de chacun d'eux pris séparément, est moins accentuée ; dans ce cas, le handicap résultant de cette combinaison doit être équivalent à celui qui découle des situations visées aux 1° et 2° ci-dessus. »

Le champ du dispositif résultant de la rédaction de l'article 1er est large dans la mesure où il suffirait qu'une partie seulement de la communauté de communes ou de la communauté d'agglomération soit considérée comme située en zone de montagne pour que l'ensemble des communes membres de ces intercommunalités puissent bénéficier de la dérogation à l'obligation de transfert des compétences « eau » et « assainissement ».

L'article 1er permettrait ainsi aux communes membres d'une communauté de communes qui n'ont pas encore transféré ces compétences de les conserver lorsqu'aura lieu, au 1er janvier 2026, le transfert de compétences.

Qu'elles appartiennent à une communauté de communes ou une communauté d'agglomération située en zone de montagne, les communes concernées bénéficieraient également d'une faculté de restitution des compétences « eau » et assainissement ».

2.2. La faculté de restitution des compétences « eau » et « assainissement » par les communautés de communes et d'agglomération situées en zone de montagne

L'article 1er tend, de façon complémentaire, à créer une faculté de restitution des compétences « eau » et « assainissement » au bénéfice des communes membres d'une communauté de communes ou d'une communauté d'agglomération située en zone de montagne.

Ce mécanisme concerne l'ensemble des communes membres d'une communauté d'agglomération - qui exercent ces compétences depuis le 1er janvier 2020 - ainsi que les communes ayant déjà transféré ces compétences à leur communauté de communes mais souhaitant en récupérer l'exercice.

Cette restitution de compétence pourrait intervenir à tout moment et concerner tout ou partie des compétences « eau » et « assainissement ». Le dispositif octroie aux communes le pouvoir de décider d'une telle restitution : en effet, il suffirait qu'une majorité des conseils municipaux des communes membres se prononce en ce sens pour que la communauté de communes ou la communauté d'agglomération « rende » les compétences à l'ensemble de ses communes membres.

Afin d'éviter qu'une minorité de communes ne se retrouve dans l'impossibilité d'exercer à nouveau les compétences « eau » et « assainissement » en cas de majorité défavorable à une restitution de compétences, l'article 1er prévoit que dès lors qu'il existe un accord sur cette demande entre la communauté de communes d'une part, et une ou plusieurs communes d'autre part, la restitution peut avoir lieu.

Les délibérations prévoyant la restitution devraient définir le coût des dépenses liées aux compétences ainsi restituées et les taux représentatifs de ce coût pour la communauté ou de communes ou la communauté d'agglomération et pour leurs communes membres, dans les conditions de droit commun fixées par l'article 85 de la loi de finances pour 200624(*) en cas de retrait d'une compétence transférée à l'EPCI.

Enfin, la restitution de compétences serait prononcée par arrêté du ou des représentants de l'État dans le ou les départements concernés.

3. S'interrogeant sur l'opportunité d'un régime dérogatoire réservé aux communes de montagne, la commission appelle à poursuivre la réflexion

Opposée à l'obligation de transfert des compétences « eau » et « assainissement » depuis 2015, la commission s'est prononcée à plusieurs reprises en faveur du rétablissement de son caractère facultatif au profit des communes membres d'une communauté de communes.

Néanmoins, la mesure prévue à l'article 1er n'a pas pleinement emporté l'adhésion de la commission, qui a jugé nécessaire de poursuivre la réflexion en vue d'aboutir à un dispositif permettant de concilier la liberté des communes et sécurisation de leur situation juridique.

En premier lieu, la commission s'est interrogée sur l'opportunité de créer une dérogation spécifique aux zones de montagne, alors même que de nombreuses communes rurales sont confrontées à des difficultés similaires.

D'après les chiffres communiqués par la direction générale des collectivités locales (DGCL) au rapporteur, 58 communautés d'agglomération et 288 communautés de communes sont composées de communes situées en tout ou partie en zone de montagne au sens de l'article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, représentant un total de 5 488 communes. Dans des départements situés ou en tout ou partie en zone de montagne, 25 % des communes appartenant à une communauté de communes ont transféré la compétence « eau », pour une moyenne nationale s'élevant à 29 %.

À l'aune de ces données, il n'est pas certain que la situation des communes de montagne en ce qui concerne l'exercice de la compétence « eau » soit de nature à justifier de façon suffisamment objective une telle différence de traitement par rapport à d'autres communes situées en zones sous-denses.

À cet égard, la commission ne juge pas indispensable de remettre en cause le transfert, effectif depuis le 1er janvier 2020, des compétences « eau » et « assainissement » vers les communautés d'agglomération, fussent-elles situées en zone de montagne. Une telle mesure risquerait de provoquer une forte insécurité juridique, alors même que les associations d'élus qualifient la situation des communautés d'agglomération de « relativement stable »25(*).

En second lieu, dans sa rédaction actuelle, le dispositif n'apparaît pas pleinement opérationnel. La création d'une dérogation à l'obligation de transfert au profit des communes situées en zone de montagne aurait pour conséquence de faire coexister deux régimes distincts, une situation potentiellement source de confusion et de complexité.

En particulier, l'article 1er ne prévoit aucun dispositif à destination des communes qui obtiendraient une restitution des compétences « eau » et « assainissement » sans l'avoir sollicitée. En effet, il suffirait que la moitié des conseils municipaux délibèrent en faveur de la restitution des compétences pour que l'ensemble des communes membres « récupèrent » la compétence. Les communes minoritaires pourraient ainsi obtenir la restitution de compétences qu'elles ne souhaitent plus exercer.

De même, l'article 1er ne prévoit aucune disposition particulière pour stabiliser les conventions de délégation et ne prend, dès lors, pas suffisamment en compte les situations créées sous l'empire du cadre législatif actuel.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission n'a pas souhaité adopter l'article 1er, considérant qu'une réflexion plus globale méritait d'être engagée sur le périmètre, le contenu et les modalités d'une telle dérogation.

La commission n'a pas adopté l'article 1er.

Article 2
Assouplissement des modalités de délégation, par les communautés de communes, des compétences « eau » et « assainissement » à des syndicats infra-communautaires

L'article 2 vise à faciliter la délégation des compétences « eau » et « assainissement » par les communautés de communes aux syndicats de communes inclus en totalité dans le périmètre de l'intercommunalité.

À cet effet, il entend permettre une telle délégation aux syndicats créés entre le 1er janvier 2019 et le 1er janvier 2026, alors que cette faculté est aujourd'hui réservée aux syndicats infra-communautaires existants au 1er janvier 2019. Parallèlement, le dispositif proposé tend à faciliter le maintien de ces syndicats : cette dérogation serait ainsi ouverte à tout syndicat compétent en matière d'eau et d'assainissement, inclus en totalité dans le périmètre d'une communauté de communes et existant au moment du transfert de ces compétences à l'intercommunalité.

La commission a considéré la possibilité de créer et maintenir de nouveaux syndicats infra-communautaires délégataires des compétences « eau » et « assainissement » comme une souplesse appréciable mais insuffisante, en raison notamment du manque d'efficacité et d'attractivité des conventions de délégation. Par conséquent, et en cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, elle a décidé de ne pas adopter l'article.

1. La délégation des compétences « eau » et « assainissement » par une communauté de communes à un syndicat : une faculté encadrée

1.1. La délégation des compétences « eau » et « assainissement » : un aménagement à l'obligation de transfert de ces compétences aux communautés de communes

a) La délégation de compétences par la communauté de communes à un syndicat infra-communautaire

Afin d'atténuer les effets de l'obligation de transfert - devant intervenir au plus tard le 1er janvier 202626(*) - des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes, le législateur a prévu une faculté encadrée de délégation de ces compétences aux communes membres, d'une part, et à des syndicats infra-communautaires, d'autre part.

Ainsi, la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite « Engagement et proximité »27(*), a institué un mécanisme de délégation de tout ou partie des compétences « eau » et « assainissement » aux communes membres d'une communauté de communes28(*) ou à un syndicat.

En application de l'article L. 5214-1629(*) du code général des collectivités territoriales (CGCT), les compétences « eau » et « assainissement » peuvent être déléguées à un syndicat de communes, à condition de respecter les conditions suivantes :

- le syndicat doit être existant au 1er janvier 2019 ;

- le syndicat doit être inclus en totalité dans le périmètre de la communauté de communes.

Le législateur a donc entendu exclure la possibilité de créer de nouveaux syndicats infra-communautaires auxquels les compétences « eau » et « assainissement » seraient déléguées par la communauté de communes.

La délégation, qui conduit à l'exercice par le syndicat des compétences « eau » et « assainissement » au nom et pour le compte de la communauté de communes, doit faire l'objet d'une convention entre les parties, approuvée par leurs assemblées délibérantes, précisant la durée et les modalités d'exécution de la délégation.

b) Le maintien des syndicats lors du transfert des compétences « eau » et « assainissement »

· Les syndicats regroupant des communes appartenant à au moins deux EPCI à fiscalité propre : « représentation-substitution » de la communauté de communes

Lorsque la communauté de communes vient à exercer les compétences « eau » et assainissement », elle est substituée à ses communes membres lorsque celles-ci sont groupées au sein d'un syndicat de communes comprenant des communes extérieures à la communauté30(*), ou au sein d'un syndicat mixte.

Dans ce cas, en application du II de l'article L. 5214-21 du CGCT, le syndicat de communes devient alors un syndicat mixte31(*), et ni les attributions du syndicat ni son périmètre ne sont modifiés.

La création de syndicats exerçant les compétences « eau » et/ou « assainissement » composés de communes membres d'EPCI à fiscalité propre distincts est toujours possible32(*). Dans ce cas, le transfert obligatoire de ces compétences au 1er janvier 2026 entraînera l'application du mécanisme de « substitution-représentation » décrit ci-dessus.

· Les syndicats inclus en totalité dans le périmètre de la communauté de communes : un maintien possible mais strictement encadré

Le transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes devrait en principe entraîner la dissolution33(*) des syndicats de communes dont le périmètre est identique ou inclus en totalité dans celui de la communauté34(*).

Le législateur a toutefois organisé le maintien, sous conditions, des syndicats infra-communautaires exerçant les compétences « eau » et « assainissement ».

En l'état actuel du droit, tel qu'il résulte des aménagements issus de la loi « Engagement et proximité » de 201935(*) et de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022, dite « 3DS 36(*)», il convient de distinguer deux cas de figure :

- lorsque le transfert de compétences a lieu avant le 1er janvier 2026 : le syndicat préexistant au 1er janvier 2019 et inclus en totalité dans le périmètre de la communauté de communes est maintenu jusqu'à neuf mois suivant la prise de compétences, l'organe délibérant de l'EPCI devant se prononcer, dans ce délai, sur le principe d'une délégation de compétences à ce syndicat. Le cas échéant, le syndicat est maintenu sous réserve de conclure et faire approuver par les organes délibérants respectifs une convention de délégation dans un délai d'un an. Si, à l'issue de ce délai d'un an, une convention de délégation n'a pas été conclue entre les parties et approuvée par leurs assemblées délibérantes, le syndicat est dissous ou voit ses compétences réduites ;

- lorsque le transfert de compétences a lieu au 1er janvier 2026 : le syndicat préexistant au 1er janvier 2019 et inclus en totalité dans le périmètre de la communauté de communes est maintenu par principe, sauf délibération contraire de l'organe délibérant de la communauté de communes.

Ces règles ne s'appliquent qu'aux syndicats infra-communautaires existants en 1er janvier 2019, ce qui exclut, en l'état actuel du droit, la possibilité pour les communes créer de tels syndicats en vue de bénéficier de leur maintien « par principe » au 1er janvier 2026.

1.2. La « subdélégation » des compétences « eau » et « assainissement » à un syndicat infra-communautaire : un outil complexe et peu opérationnel

Entendue par le rapporteur, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) a rappelé que les conventions de délégation instaurées par la loi « Engagement et proximité » de 2019 « demeurent incomprises » et « suscitent des confusions avec l'idée d'un retour possible de la compétence ». L'intérêt de ce dispositif conventionnel, dont l'utilisation est jugée « éparse », ne semble pas avéré aux yeux des maires.

La direction générale des collectivités locales (DGCL) a indiqué au rapporteur que le recours à la délégation des compétences « eau » et « assainissement » demeurait faible. En effet, d'après une enquête qu'elle a conduite en 2021 auprès des préfectures, seules 39 %37(*) des préfectures ont déclaré avoir connaissance d'une communauté de communes ou d'une communauté d'agglomération ayant eu recours à ce dispositif.

D'après les services de l'État, cette situation s'explique par l'existence d'une certaine défiance des élus vis-à-vis de la délégation de compétence, perçue comme l'ajout d'un échelon supplémentaire attentatoire à l'autonomie de gestion du délégataire. Sans être totalement ignoré des acteurs locaux, ce mécanisme n'a pas donc su emporter leur conviction.

2. L'assouplissement des modalités de délégation de ces compétences et des conditions de maintien des syndicats infra-communautaires

2.1. Des modalités de délégation assouplies : la possibilité de déléguer les compétences « eau » et « assainissement » à des syndicats infra-communautaires créés entre le 1er janvier 2019 et le 1er janvier 2016

Le I de l'article 2 tend à assouplir les conditions dans lesquelles une communauté de communes peut déléguer tout ou partie des compétences « eau » et « assainissement » à un syndicat de communes.

À cet effet, il vise à modifier le quatorzième alinéa du I de l'article L. 5214-16 du CGCT afin de supprimer la condition d'existence au 1er janvier 2019 actuellement exigée pour que le syndicat puisse bénéficier d'une telle délégation. Ainsi, la délégation pourrait être effectuée au profit d'un syndicat de communes « existant au 1er janvier 2026 et inclus en totalité dans le périmètre de la communauté de communes ».

La nouvelle rédaction proposée par l'article 2 de la proposition de loi aurait pour conséquence de permettre la délégation de tout ou partie des compétences « eau » et « assainissement » à des syndicats infra-communautaires créés entre le 1er janvier 2019 et le 1er janvier 2026.

La création d'un nouveau syndicat infra-communautaire intervenant après l'entrée en vigueur de la présente proposition de loi serait soumise à l'avis conforme de la commission départementale de la coopération intercommunale (CDPI), présidée par le préfet.

Le b) du I de l'article 2 procède, en outre, à une correction légistique38(*).

2.2. Le maintien facilité des syndicats infra-communautaires compétents en matière d'eau et d'assainissement

Le II de l'article 2 tend à adapter en conséquence les modalités de maintien des syndicats infra-communautaires compétents en matière d'eau et d'assainissement, en modifiant l'article 14 la loi « Engagement et proximité ».

Le dispositif reprend ainsi les deux cas de figure actuellement prévus par la loi, en supprimant la condition d'existence au 1er janvier 2019 :

lorsque la prise de compétence de la communauté de communes intervient avant le 1er janvier 2026, tout syndicat existant et compétent en matière d'eau et d'assainissement pourra serait maintenu pendant neuf mois. Au cours de ces neuf mois, l'intercommunalité pourrait se prononcer sur le principe de la délégation, permettant ainsi le maintien des syndicats pour un an supplémentaire (dans les conditions prévues par la loi « Engagement et proximité » et rappelées supra) ;

lorsque les compétences « eau » et « assainissement » sont transférées au 1er janvier 2026, les syndicats existants seraient maintenus par la voie de la délégation, sauf délibération contraire de la communauté de communes (conformément à ce qui était prévu par les dispositions introduites par la loi « 3DS », qui réservaient toutefois cette règle aux syndicats existants au 1er janvier 2019).

L'évolution proposée des règles de maintien des syndicats infra-communautaires exerçant les compétences « eau » et « assainissement » aurait ainsi deux principales conséquences par rapport au droit existant :

- d'une part, les communautés de communes pourraient déléguer les compétences « eau » et « assainissement » à des syndicats infra-communautaires créés après le 1er janvier 2019 et bénéficier d'une faculté de maintien de ces derniers au moment de leur prise de compétence, que celle-ci intervienne avant le 1er janvier 2026 ou à cette date ;

- d'autre part, les communes n'ayant pas encore transféré les compétences « eau » et « assainissement » pourraient créer un syndicat compétent en matière d'eau et d'assainissement, afin de bénéficier de son maintien « automatique » au moment du transfert obligatoire de compétence qui interviendra au 1er janvier 2026.

3. Un assouplissement bienvenu mais insuffisant du fait de l'inefficacité du mécanisme de délégation des compétences

Si la commission juge bienvenu le premier pas que constitue la possibilité de créer de nouveaux syndicats infra-communautaires délégataires des compétences « eau » et « assainissement », elle regrette que cet assouplissement repose sur le seul mécanisme de « subdélégation » dont l'inefficacité est désormais admise par la quasi-totalité des acteurs concernés.

En effet, le dispositif prévu à l'article 2 se limite à permettre aux communautés de communes compétentes de déléguer les compétences « eau » et « assainissement » tout en autorisant, au moment de la prise de compétences de l'intercommunalité, le maintien, par la voie de la délégation, de syndicats créés postérieurement à 2019.

Or, les auditions menées par le rapporteur ont mis en lumière un constat largement partagé : les conventions de délégation des compétences « eau » et « assainissement » créés en 2019 demeurent un mécanisme peu efficace et source de confusion pour les élus locaux.

Si la « subdélégation » constitue une souplesse supplémentaire non dépourvue d'intérêt, elle ne saurait suffire à préserver l'autonomie des communes dans leur choix de mutualisation des compétences « eau » et « assainissement ». Par conséquent, la commission n'a pas adopté l'article 2.

La commission n'a pas adopté l'article 2.

Article 3
Faculté de transfert direct des compétences « eau » et « assainissement » à un syndicat infra-communautaire avant le 1er janvier 2026

L'article 3 vise à permettre aux communes membres d'une communauté de communes n'ayant pas encore transféré les compétences « eau » et « assainissement » à l'intercommunalité de transférer, avant le 1er janvier 2026, ces compétences à un syndicat infra-communautaire.

Si elle partage l'objectif qui consiste à assouplir les modalités de mutualisation des compétences « eau » et « assainissement », la commission a jugé le dispositif insuffisamment opérationnel et en cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, n'a pas adopté l'article.

1. Le transfert des compétences « eau » et « assainissement » est encadré par des dispositions spéciales

1.1. Le transfert des compétences « eau » et « assainissement » vers les communautés de communes : des modalités dérogatoires

Rendu obligatoire par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe », le transfert des compétences « eau » et « assainissement » est régi par des dispositions dérogeant au droit commun39(*) des transferts de compétences. Ces dispositions prévoient notamment la possibilité du « blocage » du transfert de ces compétences par 25 % des communes représentant 20 % de la population40(*) [voir le commentaire de l'article 1er].

En cas de transfert de ces compétences aux communautés de communes avant le 1er janvier 2026 - date à compter de laquelle le transfert devient obligatoire -, la règle de la « minorité de blocage » s'applique sans pouvoir être contournée par l'application des dispositions générales régissant les transferts de compétences.

En effet, le Conseil d'État a jugé, dans une décision en date du 29 juillet 202041(*), que l'existence d'un régime particulier régissant le transfert des compétences « eau » et « assainissement » devait conduire à écarter l'application des règles de droit commun. En l'espèce, alors que les communes membres avaient usé de leur pouvoir de « blocage », repoussant le transfert obligatoire au 1er janvier 2026, la communauté de communes avait ultérieurement approuvé le transfert au titre des compétences facultatives susceptibles d'être exercées par les communautés de communes au titre de l'article L. 5211-7 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

1.2. L'exercice des compétences « eau » et « assainissement » par un syndicat de communes membres d'une communauté de communes : une dérogation circonscrite

a) La « subdélégation » des compétences de la communauté de communes vers un syndicat infra-communautaire

Pour répondre aux difficultés rencontrées par les communautés de communes, le législateur42(*) a créé, à titre dérogatoire, un mécanisme de délégation des compétences « eau » et « assainissement » à des syndicats infra-communautaires [voir le commentaire de l'article 2].

Très encadrée, cette faculté conduit à une « subdélégation » de ces compétences : la communauté de communes, devenue compétente en matière d'eau et d'assainissement, en délègue l'exercice à un syndicat de communes inclus en totalité dans son périmètre. Une convention détermine alors les modalités d'exécution et la durée de cette délégation, les compétences étant exercées au nom et pour le compte de l'autorité délégante43(*).

b) Le transfert des compétences « eau » et « assainissement » des communes vers un syndicat de communes

Le transfert des compétences « eau » et « assainissement » par des communes qui en ont conservé l'exercice jusqu'au 1er janvier 2026 n'est pas encadré de façon aussi précise par le législateur.

Lorsqu'il s'effectue au profit d'un syndicat dont le périmètre dépasse celui de la communauté de communes, le transfert des compétences « eau » et « assainissement » par les communes semble toutefois admis44(*). Au 1er janvier 2026, les communautés de communes devenant compétentes en matière d'eau et d'assainissement seront alors substituées à leurs communes membres au sein de ce syndicat45(*).

Les communes membres d'une communauté de communes qui n'ont pas encore transféré les compétences « eau » et « assainissement » peuvent, d'après une interprétation confirmée au rapporteur par la direction générale des collectivités locales (DGCL), transférer ces compétences à un syndicat infra-communautaire existant, en application de l'article L. 5211-7 du CGCT.

En revanche, le cadre législatif actuel ne permet pas la création de nouveaux syndicats compétents en matière d'eau et d'assainissement. Cette interprétation découle de l'intention du législateur, qui a seulement entendu permettre le maintien des syndicats infra-communautaires existants au 1er janvier 2019, compétents en matière d'eau et d'assainissement, par voie de délégation, excluant a contrario la possibilité de créer de nouvelles structures syndicales infra-communautaires.

En tout état de cause et en l'état actuel du droit, seuls peuvent être maintenus, par la voie de la délégation, les syndicats existants au 1er janvier 2019 et inclus en totalité dans le périmètre de la communauté de communes. Ainsi, au-delà du 1er janvier 2026, l'exercice desdites compétences par un syndicat infra-communautaire ne pourra s'opérer qu'à l'issue d'une « subdélégation ».

2. La création d'une faculté de délégation, avant le 1er janvier 2026, des compétences « eau » et « assainissement » à un syndicat infra-communautaire

L'article 3 tend à permettre aux communes n'ayant pas encore transféré les compétences « eau » et « assainissement » à la communauté de communes dont elles sont membres de transférer ces compétences à un syndicat infra-communautaire, avant le 1er janvier 2026.

Il modifierait l'article 1er de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement, dite « Ferrand » - fixant les conditions de report de la prise de compétences au 1er janvier 2026 - afin d'autoriser explicitement les communes à transférer ces compétences au profit d'un syndicat, sous réserve de respecter deux conditions :

- le syndicat doit être inclus en totalité dans le périmètre de la communauté de communes ;

- le transfert doit intervenir avant le 1er janvier 2026.

Le transfert pourrait intervenir après délibération des conseils municipaux des communes membres concernées.

En s'insérant au sein de l'article 1er de la loi « Ferrand », la faculté de transfert à un syndicat infra-communautaire prévue à l'article 3 fait office « d'alternative » au transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes : le transfert au syndicat se substituerait au transfert à l'intercommunalité.

Le dispositif entend ainsi permettre le maintien, au-delà du 1er janvier 2026, des syndicats infra-communautaires compétents en matière d'eau et d'assainissement, sans qu'il ne soit nécessaire de passer par la voie de la « subdélégation »46(*) de la communauté de communes vers le syndicat. En effet, le droit en vigueur ne permet le maintien des syndicats infra-communautaires que par la voie de la délégation47(*).

3. La position de la commission 

Si elle partage la volonté d'assouplir les modalités de mutualisation des compétences « eau » et « assainissement » en renforçant la liberté des communes dans le choix de l'échelle la plus pertinente pour leur exercice, la commission a jugé ce dispositif insuffisamment opérationnel.

Dans sa rédaction actuelle, le mécanisme prévu à l'article 3 ne suffirait pas à permettre un maintien pérenne de l'exercice des compétences « eau » et « assainissement » par un syndicat infra-communautaire. Autrement dit, le transfert à un tel syndicat ne se substituerait pas à l'intercommunalisation devant intervenir 1er janvier 2026.

En effet, tandis que les compétences « eau » et « assainissement » figurent parmi les compétences obligatoires des communautés de communes (I de l'article L. 5214-16 du CGCT), le dernier alinéa du IV de l'article 14 de la loi « Engagement et Proximité » ne permet le maintien des syndicats compétents en matière d'eau et d'assainissement que « par la voie de la délégation ». Concrètement, un syndicat qui aurait reçu un transfert de compétences de la part d'une ou plusieurs communes avant le 1er janvier 2026 ne pourrait, à compter de cette date, être maintenu que par la voie de la « subdélégation ».

La commission a considéré qu'il convenait de poursuivre la réflexion visant à concevoir une alternative efficace à l'intercommunalisation des compétences « eau » et « assainissement », sans obliger les communes à recourir à la « subdélégation », un mécanisme peu efficace et opérationnel [voir commentaire de l'article 2]. En conséquence, elle n'a pas adopté l'article 3.

La commission n'a pas adopté l'article 3.

Article 4
Intervention des départements en matière de gestion de l'approvisionnement en eau destinée à la consommation humaine

L'article 4 vise à étendre les possibilités d'intervention des départements en matière de gestion et d'approvisionnement en eau potable, afin de faciliter une gestion à une échelle dépassant les frontières de l'intercommunalité.

Il tend ainsi à confier aux départements, en soutien au bloc communal, une capacité d'intervention, en matière de production, du transport et du stockage d'eau potable, en leur permettant d'intervenir dans le cadre d'un mandat de maîtrise d'ouvrage ou via l'adhésion à un syndicat mixte ouvert.

Souscrivant à l'objectif poursuivi par ces dispositions, la commission a néanmoins décidé, en cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, de ne pas adopter cet article.

1. Le rôle des départements en matière de gestion de l'eau potable : des capacités d'intervention limitées

L'article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) confie au bloc communal la compétence exclusive pour assurer la gestion du service d'eau potable48(*), de même que le service public d'assainissement des eaux usées49(*). Ces compétences ont été attribuées par le législateur à l'ensemble des catégories d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.

Les départements, sur le fondement de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, sont compétents pour intervenir dans le domaine du « grand cycle de l'eau », notamment pour assurer l'approvisionnement en eau brute (c'est-à-dire l'eau n'ayant subi aucun traitement). En application de l'article précité, les départements peuvent, plus précisément, intervenir pour « l'étude, l'exécution et l'exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence [...] visant [...] l'approvisionnement en eau ».

L'eau potable relevant de la compétence exclusive du bloc communal, l'intervention des départements en matière d'approvisionnement en eau potable est en principe exclue, y compris dans le cadre d'ouvrages multi-usages (approvisionnement pour la consommation humaine et à usage agricole).

Toutefois, demeurent des possibilités - restreintes - d'intervention des départements en matière de gestion de l'eau potable.

D'une part, le département peut fournir un appui financier au bloc communal, au titre de la solidarité territoriale. En effet, l'article L. 3211-1 du CGCT lui confère la compétence pour promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale « dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des régions et des communes »50(*). Parallèlement, l'article L. 1111-10 du CGCT permet au département de participer, à leur demande, « au financement des projets dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par les communes, leurs groupements, les établissements publics qui leur sont rattachés ». Sur ce fondement, les départements ont ainsi la faculté d'apporter un appui financier complémentaire au bloc communal pour des projets relatifs à l'eau potable.

D'autre part, le département peut apporter une assistance technique au bloc communal dans l'exercice de certaines compétences. À cet égard, l'article L. 3232-1-1 du CGCT prévoit que le département, pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire, met une assistance technique à disposition des communes et des EPCI ne bénéficiant pas « des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences dans le domaine de l'assainissement, de la protection de la ressource en eau, de la restauration et de l'entretien des milieux aquatiques [...] ».

Au-delà de ces facultés très encadrées, les départements ne peuvent pas intervenir en matière de gestion de l'eau potable, et ce, alors même qu'une structuration départementale des réseaux de production et de distribution d'eau est jugée pertinente par la plupart des associations d'élus entendues par le rapporteur.

2. Le dispositif proposé : étendre et sécuriser les capacités d'intervention des départements au soutien du bloc communal

L'article 451(*) vise à étendre les capacités d'intervention des départements dans la gestion de l'approvisionnement en eau destinée à la consommation humaine. Il propose, à ce titre, deux types de mécanisme permettant de mieux associer les départements à l'exercice de cette compétence relevant du bloc communal.

En premier lieu, le I tend à autoriser52(*) les EPCI et les syndicats mixtes compétents à confier aux départements, à titre gratuit, un mandat de maîtrise d'ouvrage53(*) en vue de la production, du transport et du stockage d'eau destinée à la consommation humaine ou en vue de l'approvisionnement en eau. Une telle faculté devrait être expressément prévue par les statuts de l'EPCI ou du syndicat intéressé.

En second lieu, le II entend permettre54(*) la création de syndicats mixtes ouverts associant, d'une part, des syndicats mixtes fermés55(*) ou des EPCI56(*) et, d'autre part, un ou plusieurs départements limitrophes, en vue d'exercer tout ou partie des compétences relatives à la production, au transport et au stockage d'eau destinée à la consommation humaine.

Entendue par le rapporteur, l'association Départements de France a indiqué que ces nouvelles dispositions permettraient, en particulier, de confier aux départements des « projets de rénovation des canalisations des réseaux d'approvisionnement en eau potable ou encore de mise en place d'interconnexions » ainsi que « la maîtrise d'ouvrage de travaux d'hydraulique (prises d'eau, retenues d'eau brutes, canaux) en vue de l'irrigation ou de la production d'hydroélectricité ».

3. Si la commission juge pertinent de mieux associer les départements à la gestion de l'eau potable, elle n'a pas adopté l'article, en cohérence avec sa position sur l'ensemble du texte

La commission souscrit pleinement au dispositif prévu à l'article 4, en ce qu'il contribuerait à renforcer la cohérence territoriale, la sécurisation de l'approvisionnement et l'interconnexion des réseaux de distribution d'eau potable, en particulier en zone rurale.

L'intervention des départements permettrait ainsi d'apporter des moyens techniques et financiers supplémentaires et nécessaires au bloc communal, au service d'une meilleure gestion de la ressource en eau.

Toutefois, en cohérence avec sa position sur le texte dans son ensemble, la commission n'a pas adopté l'article 4.

La commission n'a pas adopté l'article 4.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 5 JUIN 2024

M. François-Noël Buffet, président. - Nous en venons au rapport sur la proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement ».

M. Alain Marc, rapporteur. - Pour la deuxième fois en l'espace d'un an, notre commission se réunit pour examiner une proposition de loi relative à la gestion des compétences « eau » et « assainissement ».

L'examen du texte déposé par notre collègue Jean-Michel Arnaud, qui entend apporter une réponse à cette problématique qui nous préoccupe régulièrement, intervient dans un contexte particulier à plusieurs égards.

D'une part, la proposition de loi de notre collègue Jean-Yves Roux, adoptée le 16 mars 2023 par le Sénat, a été inscrite à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) : deux textes ayant un objet similaire seront donc examinés le même jour - à savoir le 13 juin 2024 - en séance publique dans les deux chambres !

D'autre part, l'échéance du 1er janvier 2026, date à compter de laquelle doit intervenir le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes, approche à grands pas. Plus que jamais, nous avons le devoir d'apporter une réponse sans équivoque aux inquiétudes exprimées par les élus locaux sur le terrain.

Je suis conseiller municipal d'une petite commune de 215 habitants et conseiller d'une petite communauté de communes de 5 200 habitants, dont j'ai été président pendant quelques années. Dans nos territoires ruraux et de montagne, l'intercommunalisation forcée des compétences « eau » et « assainissement » n'est pas en phase avec les capacités techniques et financières des communes.

Pour cette raison, je partage pleinement l'objectif poursuivi par Jean-Michel Arnaud : il nous faut redonner de la souplesse aux communes, qui doivent pouvoir juger de l'échelle la plus pertinente pour l'exercice des compétences « eau » et « assainissement », conformément à la position constamment défendue par le Sénat depuis près de dix ans.

En matière d'eau et d'assainissement, le Gouvernement a brutalement remis en cause la liberté des communes par le biais de simples amendements déposés à l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) en 2015. L'objectif poursuivi était de rendre obligatoire le transfert de ces compétences aux communautés de communes et d'agglomération, à l'instar de ce qui était déjà prévu pour les communautés urbaines et les métropoles.

Notre assemblée s'est opposée à ce transfert obligatoire, consciente des difficultés qu'il allait poser à certaines communes rurales et de montagne. Lors de la commission mixte paritaire qui s'était alors tenue, le Parlement avait trouvé un compromis en reportant le transfert obligatoire au 1er janvier 2020.

Il s'agissait d'un premier aménagement obtenu par le Sénat, qui a été suivi d'une longue série. En 2018, la loi dite « Ferrand » a permis le report l'échéance au 1er janvier 2026, sous réserve que les communes parviennent à réunir une « minorité de blocage » ; en 2019, la loi dite « Engagement et proximité » a prévu la possibilité de déléguer les compétences « eau » et « assainissement » à une commune membre de la communauté de communes ou à un syndicat infra-communautaire.

Cette faculté est toutefois très encadrée : le syndicat doit être existant au 1er janvier 2019 et être inclus en totalité dans le périmètre de l'intercommunalité. Les communes ne peuvent donc pas créer un nouveau syndicat pour bénéficier de cette faculté de délégation. Le maintien du syndicat lors du transfert est, de surcroît, subordonné à une décision de l'organe délibérant de la communauté de communes.

En 2022, la loi du 21 février relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) a apporté un assouplissement supplémentaire en permettant le maintien par principe des syndicats infra-communautaires existants lors de la prise de compétence de l'intercommunalité au 1er janvier 2026, sauf délibération contraire de la communauté de communes.

Si le cadre législatif n'évolue pas, le transfert des compétences aura lieu au 1er janvier 2026, avec d'importantes conséquences pour les communes. Tout d'abord, les 3 600 communes qui exercent seules la compétence « eau » seront contraintes de la transférer. J'ajoute que ces communes dites « isolées » n'ont aucune difficulté en termes de qualité et de quantité de l'eau, et qu'elles ont déjà réalisé l'interconnexion avec d'autres syndicats.

Ensuite, les syndicats infra-communautaires actuellement compétents ne pourront être maintenus que par la voie de la « subdélégation » soumise à l'accord de l'intercommunalité. Enfin, dans les syndicats regroupant des communes appartenant à plusieurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), la communauté de communes viendra se substituer à ses communes membres dans le syndicat.

Les assouplissements successifs consentis pour atténuer les effets d'un transfert obligatoire imposé aux communes en méconnaissance des réalités du terrain ont créé une situation d'une grande complexité. Les associations d'élus m'ont notamment fait part de l'incompréhension et de la confusion suscitées par les conventions de délégation.

Le risque d'une augmentation de la facture pour les usagers, l'affaiblissement du lien entre le maire et ses administrés, la nécessité de maintenir une fine connaissance des réseaux existants ou encore l'absence de correspondance entre les périmètres intercommunaux et les bassins hydrographiques sont autant d'arguments qui plaident en faveur d'une gestion différenciée de ces compétences.

La coexistence de communautés de communes ne souhaitant pas exercer ces compétences et de communes souhaitant préserver une gestion au plus proche des réalités de leur territoire démontre, s'il le fallait encore, le non-sens que constitue ce transfert obligatoire dont l'échéance approche désormais à grands pas. De surcroît, l'évaluation des actifs ne pourra en aucun cas être réalisée d'ici au 1er janvier 2026, sans oublier le risque de voir les recours se multiplier devant les tribunaux administratifs.

La proposition de loi que nous examinons repose sur deux principaux axes. D'une part, l'article 1er vise à créer une dérogation au bénéfice des communes membres d'une communauté de communes ou d'une communauté d'agglomération située en zone de montagne. Pour ces intercommunalités, les compétences « eau » et « assainissement » redeviendraient facultatives et les communes ayant déjà transféré les compétences pourraient en obtenir la restitution.

Pour les communes membres d'une communauté de communes dont le territoire n'est pas situé en zone de montagne, le transfert des compétences « eau » et « assainissement » demeurerait obligatoire, mais serait assorti de nouveaux assouplissements prévus aux articles 2 et 3. Ainsi, de nouveaux syndicats infra-communautaires pourraient être créés avant 2026 ; au moment de la prise de compétence par la communauté de communes, tout syndicat pourrait être maintenu par la voie de la délégation, sauf délibération contraire de l'intercommunalité.

Par ailleurs, les communes membres n'ayant pas encore transféré les compétences « eau » et « assainissement » à l'intercommunalité pourraient les transférer à un syndicat infra-communautaire avant le 1er janvier 2026.

Enfin, l'article 4 vise à étendre les possibilités d'intervention des départements en matière de gestion et d'approvisionnement en eau potable, afin de faciliter une gestion à une échelle dépassant les frontières de l'intercommunalité.

J'avais initialement envisagé de vous proposer de réaffirmer la position adoptée par notre commission puis le Sénat en son entier en 2023, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi de Jean-Yves Roux, dont j'avais été le rapporteur.

Toutefois, face à l'imminence de l'échéance de 2026, notre priorité doit être de protéger les communes contre une intercommunalisation « brutale » des compétences « eau » et « assainissement ». Si le coeur du problème demeure le transfert obligatoire, je considère que des « pas » peuvent être faits pour assouplir, dans un premier temps, les modalités de mutualisation.

En l'état, les dispositifs prévus par la proposition de loi ne permettent pas d'offrir toute la souplesse et la sécurité juridique attendues. Nous attendons donc, de la part du Gouvernement, des assouplissements et des garanties en termes de calendrier, car certains préfets et grands syndicats de l'eau sont à l'oeuvre pour inciter nos collègues maires à anticiper ces évolutions. Par ailleurs, l'opportunité d'une dérogation spécifique pour les communes de montagne mérite d'être discutée et soulève des interrogations du point de vue de l'égalité devant la loi.

Afin de poursuivre la réflexion jusqu'à la séance et dans la perspective de trouver rapidement une solution, je vous propose de retirer mes amendements.

Je vous propose, à titre conservatoire, de ne pas adopter la proposition de loi, afin que la discussion en séance publique puisse s'engager sur la proposition de loi dans sa rédaction originale.

J'appelle le Gouvernement, qui n'a que trop tardivement pris conscience des difficultés liées à l'intercommunalisation forcée que nous dénonçons ici depuis dix ans, à prendre ses responsabilités et à tenir les engagements qu'il a pris devant le Sénat dans le sens d'une gestion différenciée et respectueuse des particularités des zones de montagne et sous-denses.

Aussi, je me réserve le droit de vous proposer, au stade de la séance publique, des amendements en ce sens. Dans ce dossier, nous avançons de manière collaborative et transpartisane, afin de répondre aux attentes de nos communes. Comment accorder du crédit à une démarche très descendante qui entend mobiliser les intercommunalités, alors que leurs périmètres n'ont pas été définis en fonction des bassins hydrographiques ?

Le Sénat prône, comme il l'a toujours fait, une démarche ascendante, en écoutant les remontées du terrain et en accordant suffisamment de souplesses, de sorte que cette compétence puisse s'exercer dans de bonnes conditions. Je rappelle que l'enjeu réside avant tout dans notre capacité à assurer à tous les usagers une eau de bonne qualité et en quantité suffisante.

M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la proposition de loi. - Je salue le travail de synthèse du rapporteur. Depuis 2015, nous réitérons notre volonté d'apporter des assouplissements et de la liberté dans l'organisation des compétences « eau » et « assainissement » dans les territoires. L'objectif avec ce texte ne consiste aucunement à créer une insurrection territoriale en remettant en cause des choix volontaires de transferts de compétences vers les intercommunalités, à l'exception des zones de montagne, territoires spécifiques pour lesquels je souhaite introduire une souplesse dans le cadre de l'article 1er. Je souligne d'ailleurs qu'il y a là l'opportunité d'appliquer, pour une fois, l'article 8 de la loi « Montagne » de 1985, qui crée de la différenciation territoriale.

Par ailleurs, les dispositifs assouplis, notamment sur l'initiative de Jacqueline Gourault, ont démontré leur vacuité dans les territoires. C'est le cas de la subdélégation : dans ce schéma, les compétences « eau » et « assainissement » sont transférées à une intercommunalité qui n'en veut pas réellement et qui les subdélègue à tout ou partie de ses communes membres. Dans la pratique, l'intercommunalité décide des grandes orientations et les élus de proximité assument la gestion quotidienne, mais sans en avoir les moyens stratégiques et budgétaires.

Il faudrait donc faire en sorte que les nouveaux syndicats, qui pourraient être créés dans des communes isolées qui n'ont pas encore transféré leurs compétences, soient gérés sans subdélégation, c'est-à-dire sous la forme d'une gestion directe par les syndicats intercommunaux à vocation unique (Sivu), sans passer par le biais des intercommunalités.

Un autre point a trait aux modalités de fixation des périmètres : à la suite de discussions, la direction générale des collectivités locales (DGCL) s'est engagée à nous faire des propositions afin de clarifier les conditions d'établissement des périmètres des Sivu qui pourraient naître si cette proposition de loi venait à être adoptée. Il s'agit donc de s'assurer que les commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) émettent un avis conforme et non pas un avis simple, afin de fixer - volontairement et dans le respect de la liberté locale - les périmètres desdits syndicats.

Enfin, l'article 4 de la proposition de loi, identique à l'article 18 du projet de loi d'orientation agricole, octroie aux départements une faculté - et non pas une obligation - d'intervenir, dans le cadre de syndicats mixtes par exemple, afin de pouvoir accompagner les politiques infra-départementales de modernisation des réseaux portées par les intercommunalités.

Tels sont les grands points de l'équilibre actuel, auxquels s'ajoute un sujet évoqué par le Président de la République lors d'un discours prononcé le 30 mars 2023 sur les rives d'un lac qui m'est cher, le lac de Serre-Ponçon, dans mon département des Hautes-Alpes. Le chef de l'État avait alors pris conscience - enfin ! - de la nécessité de trouver une voie de passage entre le transfert de compétences sans discussion à l'intercommunalité et une autre solution plus souple, qui s'inscrirait néanmoins dans une logique de mutualisation.

Tel est l'esprit du texte qui vous est proposé. Il reste désormais à convaincre le Gouvernement, Christophe Béchu et nos collègues de l'Assemblée nationale qu'il est possible de trouver ce point d'équilibre, qui permettrait non pas de garantir une liberté totale des communes d'organiser leurs compétences, mais de disposer d'une possibilité complémentaire et de trouver une solution souple de nature àapaiser les tensions sur ce sujet, tout en identifiant des solutions dans les 3 600 communes « isolées » - selon les chiffres de la DGCL - qui seront confrontées à des difficultés dans les prochains mois.

Je conclus en remarquant que la proposition de loi de Jean-Yves Roux, telle qu'elle a été modifiée lors de son examen par la commission des lois de l'Assemblée nationale, présente une différence majeure avec la mienne : elle se concentre essentiellement sur les modalités de la subdélégation, alors que le texte qui vous est proposé prévoit bien le transfert de la compétence de base vers des syndicats, sans subdélégation.

- Présidence de M. Christophe-André Frassa, vice-président -

M. Michel Masset. - Je rappelle que la proposition de loi déposée par Jean-Yves Roux a été adoptée ici à l'unanimité. Dans mon territoire rural comme dans bien d'autres, l'eau et l'assainissement sont des sujets majeurs, en raison d'un manque d'ingénierie et de compétences en interne.

Le 13 juin 2024, le texte de Jean-Yves Roux sera examiné à l'Assemblée nationale : pourquoi ne pas attendre le retour de cette discussion afin d'aller au terme de la procédure parlementaire en amendant ce texte le cas échéant ?

M. Alain Marc, rapporteur. - Le problème réside dans le fait que la proposition de loi de Jean-Yves Roux a été complètement dénaturée par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Si la procédure parlementaire suit son cours, la proposition de loi qui n'a pas été votée à l'identique va suivre une navette qui nous emmènera au moins jusqu'au mois d'octobre 2024, alors que l'échéance du 1er janvier 2026 approche à grands pas : le Gouvernement pourrait en profiter pour gagner du temps. Nous nous donnons donc quelques jours pour tâcher de trouver une solution avec la DGCL et Christophe Béchu, mais nous ne manquerons pas de nous exprimer en séance si cette démarche n'aboutissait pas.

Mme Cécile Cukierman. - Je tiens à remercier le rapporteur pour la qualité de son travail et pour les efforts qu'il fournit afin de trouver une issue positive sur ce sujet qui nous occupe depuis plusieurs années, dans l'intérêt communal.

En préalable, il convient de rappeler que les communes n'ont pas attendu la loi et se sont regroupées, dès la fin du XIXe siècle, pour gérer au mieux l'eau dans leurs territoires. Ce débat revient avec récurrence depuis plus la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam), alors que notre pays est très loin d'être dans une situation de grande catastrophe, les dysfonctionnements liés à l'entretien des canalisations ou à l'assainissement étant relativement limités.

Des choix précédents ont consisté à aller à marche forcée vers la « remontée » de cette compétence. Dans le cadre d'un travail législatif de qualité, il appartient au Gouvernement, indépendamment du vote de l'Assemblée nationale le 13 juin prochain, soit de nous donner la capacité d'aller très vite en poursuivant la navette législative de la proposition de loi déposée par notre collègue Jean-Yves Roux, quitte à devoir la modifier, soit d'enclencher une navette dans le cadre de la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise.

Je rejoins le rapporteur sur l'urgence qui caractérise ce dossier, autour duquel se joue l'un des points essentiels de la liberté communale dans notre pays. Je tiens à saluer sa volonté de reprendre un véritable travail collectif associant l'ensemble des sensibilités du Sénat. Aussi, dans la volonté d'aboutir ensemble, je retire mon amendement.

M. Alain Marc, rapporteur. - Nous sommes, pour la plupart, issus de territoires ruraux, voire très ruraux. De véritables problèmes se posent en Corse pour parvenir à transférer la compétence, et je pense que la voix de notre collègue Paul Toussaint Parigi doit être entendue par la DGCL et le ministre.

M. Mathieu Darnaud. - À défaut de faire montre d'un certain agacement sur ce sujet, je préfère user d'un trait d'humour : j'ai un peu le sentiment d'être à la place de Bill Murray dans le film Un jour sans fin, dans lequel l'acteur est condamné à revivre indéfiniment la même journée. Il y a sept ans quasiment jour pour jour, je déposais une proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences facultatives des communautés de communes - adoptée à l'unanimité par le Sénat -, considérant que l'eau - plus que tout autre compétence - ne relève absolument pas d'une problématique intercommunale, mais d'une problématique de bassin hydrographique et de bassin versant.

Il est tout à fait possible de contester cette analyse, pourtant scientifique, et de vouloir absolument que cette compétence revienne à l'intercommunalité. Nous n'avons pas d'autre choix que de prendre acte de la position du Gouvernement, ce dernier ne nous décevant jamais dès lors qu'il s'agit de parler de politiques des territoires ! Je le dis très directement : si nous ne partagions pas les positions de la majorité de gauche en 2014, au moins parvenions-nous à travailler.

Depuis sept ans, nous n'avons jamais eu de réponse précise quant aux intentions de la majorité actuelle. Certes, nous avons bien compris sa philosophie générale selon laquelle toutes les compétences doivent échoir aux intercommunalités, mais c'est un peu court, car c'est méconnaître la réalité des territoires. Ce n'est pas le moindre des paradoxes que de constater que la majorité actuelle, qui n'a que la « différenciation » ou la « prise en compte des réalités des territoires » à la bouche, ne les écoute en fait jamais.

J'en viens à l'essentiel en saluant le travail accompli par notre collègue Jean-Michel Arnaud et par le rapporteur Alain Marc afin de trouver une porte de sortie, l'exercice relevant davantage du numéro d'équilibriste que du travail parlementaire.

La première vertu de ce texte est qu'il conforte les syndicats, c'est-à-dire un outil qui a fait ses preuves et qui ne demande qu'à vivre. J'en profite d'ailleurs pour étayer le peu de considération que le Gouvernement porte au Parlement : nous avions prévenu le ministre Sébastien Lecornu, à l'époque, que le mécanisme de la subdélégation ne fonctionnerait pas ; au cours des dernières auditions, la DGCL et le Gouvernement nous expliquent désormais que le dispositif ne fonctionne pas ! La belle affaire alors que nous le disons depuis quatre ans ! Voilà qui illustre le fonctionnement d'une majorité qui a hélas ! pour angle mort la politique des territoires.

Préserver des syndicats qui fonctionnent bien me paraît donc essentiel, d'autant que ce choix d'organisation, distinct du modèle intercommunal, peut permettre d'avoir une gouvernance bien plus équilibrée. Plus largement - je serai très vigilant sur ce point -, je veux que la parole finale revienne aux élus des territoires.

Nous avons souhaité que l'arbitrage, en matière de constitution de syndicats et de rattachement de certaines communes à ces derniers, voire à l'intercommunalité, se fasse par le biais de la CDCI, mais encore faut-il qu'elle puisse émettre un avis conforme, et non pas un avis simple. Un avis simple déboucherait sur un scénario écrit d'avance, quand bien même la DGCL et le Gouvernement nous assurent que l'avis des préfets sera éclairé par les agences de l'eau : les avis des élus seraient évidemment ignorés, tandis qu'il serait démontré que tout converge pour rattacher une commune à un syndicat donné.

Cette proposition de loi nous fournit l'occasion de revendiquer notre attachement au libre choix des élus sur un sujet aussi essentiel que celui de l'eau. Dans mon département de l'Ardèche, le préfet a interdit à 26 des 335 communes la délivrance de permis de construire, la conditionnant à une autorisation au regard des ressources en eau. Je pense que la question de l'eau sera débattue bien plus régulièrement dans les années à venir, car elle ouvre plusieurs interrogations sur la ressource elle-même, sur la gouvernance et sur les moyens. De nombreux défis se profilent et concerneront autant les territoires ruraux que les territoires urbains.

En outre, j'ai bien pris note de la stratégie présentée par le rapporteur et de sa volonté d'aboutir tout en préservant la liberté des territoires et en tenant compte des spécificités des territoires ruraux comme des zones de montagne. Je note d'ailleurs que le report du transfert de la compétence de 2020 à 2026 - qui était d'abord le souhait du Sénat avant d'être le choix du Gouvernement - a été justifié par les problématiques particulières de ces zones de montagne.

Enfin, il faudra traiter la question des délais : parmi les élus, l'inquiétude est vive quant au respect des échéances fixées pour les transferts, notamment lorsqu'ils concernent des périmètres intercommunaux très vastes qui regroupent plusieurs bassins hydrographiques.

Mme Laurence Harribey. - Je tiens à saluer la démarche du rapporteur consistant à conserver des ouvertures en vue de parvenir à un texte qui conviendrait sinon à tous, du moins à la majorité, ainsi que le sens du dialogue dont il a fait preuve lors des discussions avec la DGCL.

Nous avons tous occupé des mandats d'élus locaux, ce qui est à la fois un atout et un risque, puisque chacun est tenté d'ériger son expérience personnelle en généralité. Or, on ne bâtit pas une politique publique en généralisant un cas particulier. J'ai été élue d'une commune rurale qui avait opté pour la régie, puis présidente d'une communauté de communes au moment il fallait mutualiser la compétence, dans une configuration où coexistaient trois bassins et quatre systèmes de gestion différents. In fine, nous avons vécu cette mutualisation non pas comme une obligation, mais comme une opportunité d'avoir un véritable projet de territoire en matière de gestion de l'eau : cette réussite suppose, il est vrai, un certain sens de la gouvernance partagée et une prise en compte des enjeux locaux liés à la ressource en eau.

Au-delà du travail législatif stricto sensu, un rapport d'information d'Hervé Gillé consacré aux enjeux de l'eau et remis en juillet 2023 montre bien qu'il ne suffit pas d'enfiler des bottes et de bien connaître le réseau de sa commune, mais qu'il faut à la fois articuler les cycles de l'eau, veiller à la qualité de cette ressource et combattre les fuites. Si une épidémie venait à se déclarer en raison d'un problème de qualité de l'eau, les maires ne manqueraient pas de nous solliciter pour légiférer, car ils en seraient alors tenus responsables.

Prenons donc de la hauteur, tout en restant fidèles aux exigences de démocratie locale qui doivent nous rassembler. Après dix ans de débat autour de cette compétence, des améliorations - ou en tout cas des adaptations - ont été apportées, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) ayant toujours soutenu ces progrès.

Seuls 14 % des communes sont encore isolées, une proportion dont il est possible de se féliciter ou qui amène, à l'inverse, à considérer que nous avons encore des difficultés d'adaptation.

Par ailleurs, le dernier rapport d'Intercommunalités de France montre qu'il n'y a aucune urgence à tout bouleverser. C'est dans cet esprit que nous avons abordé cette proposition de loi, que nous regardions d'un oeil favorable avant la réécriture de l'article 1er qui a été envisagée qui nous a posé un véritable problème. Je me félicite que les amendements afférents soient désormais retirés.

Des portes de sortie semblent encore accessibles, mais il faudra agir rapidement. J'estime que nous pouvons réussir en partant du texte de Jean-Michel Arnaud plus que du texte de notre collègue Jean-Yves Roux, qui suscitait des réserves au sein de notre groupe. Nous nous associerons à la démarche en prenant garde, comme l'a souligné Mathieu Darnaud, à conforter les syndicats et à garantir une démocratie ascendante plutôt que descendante. Nous devrions réussir si nous nous écoutons mutuellement.

M. François Bonhomme. - L'accumulation de textes sur cette question depuis une décennie et l'absence d'avancées suscitent une grande déception, chacun des textes ayant suscité l'espoir de voir corrigée l'erreur originelle, à savoir la volonté d'imposer un transfert obligatoire de cette compétence stratégique qu'est la gestion de l'eau et de l'assainissement : la perdre équivaut à abandonner un levier d'action essentiel et un élément majeur de souveraineté communale.

Je rappelle que nous avions souhaité corriger cette erreur initiale en revenant à une compétence optionnelle ou facultative, mais que le Gouvernement n'y avait répondu en 2018 que par une concession sur le calendrier. Depuis cette date, il tergiverse et feint de vouloir régler le problème, en espérant que les communes se dirigeront, bon an mal an, vers l'intercommunalité. Ce faisant, les obstacles persistent et s'accumulent même : les questions de gouvernance et de convergence tarifaire se poseront, sans oublier le travail considérable que représentera l'évaluation des actifs. Mis bout à bout, ces problèmes vont entraîner une multiplication des contentieux, qui ont déjà émergé dans certains endroits.

Le véritable sujet réside dans un manque de volonté politique et renvoie à une liberté communale dont le Gouvernement, épaulée par l'administration centrale, ne veut pas. L'administration centrale met l'accent sur des taux de fuites et des rendements insuffisants pour vanter des schémas déconnectés de la réalité des territoires et des bassins, en affirmant que des organisations de plus grande taille généreraient des résultats bien meilleurs : c'est pourtant le bassin hydrographique qui forme la base sur laquelle doit s'organiser la compétence.

Nous sommes maintenant à moins de deux ans de l'échéance, mais le Gouvernement procrastine, pire encore il fait semblant de procrastiner, c'est dire le niveau d'acrobatie auquel nous sommes arrivés.

Mme Lauriane Josende. - Je souhaite féliciter l'auteur de la proposition de loi, ainsi que le rapporteur. Il faut à la fois trouver un point d'équilibre et montrer que le Sénat souhaite agir sur ce sujet : il ne se passe pas un jour sans que l'on me sollicite sur l'avancée du dossier et notre assemblée doit montrer qu'elle entend les élus et les maires qui sont en grande difficulté aujourd'hui.

Mon département des Pyrénées-Orientales souffre terriblement de la sécheresse depuis deux ans et l'eau est au coeur de nos préoccupations, et ce d'autant plus que nous avons constaté que les fuites sur nos réseaux étaient bien plus importantes qu'ailleurs, avec des taux de rendement parfois réduits à 30 %. Des financements considérables devront donc être consacrés aux travaux de réparation.

Bons connaisseurs de ces réseaux, les maires ne veulent pas abandonner cette compétence et rejettent ce transfert obligatoire à l'intercommunalité. Trouver des compromis est louable, mais il faudra dire au Gouvernement qu'il n'entend pas les territoires, alors que l'échéance de 2026 arrive à grands pas.

Certains élus m'ont fait part de leur intention de démissionner en raison de cette problématique de la gestion de l'eau, refusant d'être tenus responsables des problèmes ultérieurs. Aucun d'entre eux ne sera prêt pour le 1er janvier 2026, le préfet leur ayant même indiqué que la loi sera probablement inapplicable à cette date. Le ministre doit l'entendre et nous aider sur ces sujets, je compte sur le rapporteur pour le lui rappeler.

Mme Marie Mercier. - Le moins qu'on puisse dire sur ce sujet, c'est que nous naviguons en eaux troubles depuis fort longtemps. Dans de nombreux départements, l'eau est désormais livrée, et nous devons prendre conscience de la valeur de cet « or bleu ».

Je partage complètement les propos de Mathieu Darnaud : à un moment, les transferts de compétences se sont faits à marche forcée en raison de la volonté des agglomérations d'améliorer leur coefficient d'intégration, d'où des transferts qui n'avaient rien de naturel. J'ajoute que les usagers ont payé l'eau deux fois avec la convergence tarifaire et que le prix de cette ressource a augmenté. Merci de porter ce dossier complexe et de penser à nos élus et à nos usagers.

Mme Cécile Cukierman. - Je tiens à ce que mes propos ne soient pas mal interprétés : tout d'abord, la défense de la liberté communale n'est pas synonyme de défense de l'isolement communal, elle ne s'oppose pas à des regroupements qui ont pu être des réussites lorsqu'ils ont été pensés et voulus. Ensuite, le problème des fuites d'eau est réel et peut être résolu si l'on accorde aux communes concernées les moyens de procéder aux investissements dans les réseaux.

Après la loi NOTRe ; la proposition de loi de Mathieu Darnaud, qui visait à abroger le transfert obligatoire de compétences ; la loi Engagement et proximité, qui nous avait permis d'arracher un report du délai en 2026 ; la proposition de loi Jean-Yves Roux, qui portait initialement une abrogation du transfert avant d'être fortement encadrée ; et enfin la proposition de loi actuelle, qui vise à trouver des ajustements pour quelques communes, je tiens à souligner, mes chers collègues, que les grands discours tenus par un certain nombre d'entre vous n'empêchent pas d'accepter progressivement le transfert de compétences et la fin de la liberté communale.

S'il n'est pas question d'appeler à l'insurrection territoriale et que tous s'accordent pour rechercher l'apaisement, il n'y aura pas non plus de renoncement sur ce sujet : si l'eau vient à manquer, la problématique ne sera pas celle de la gouvernance communale ou intercommunale, mais celle de la gestion d'une ressource précieuse, par exemple en la retenant mieux lorsqu'elle tombe avec excès pour ensuite mieux la redistribuer et pourvoir à l'ensemble des activités humaines.

M. Alain Marc, rapporteur. - Nous devons composer avec l'échéance du 1er janvier 2026. Dans l'idéal, un report de plusieurs années aurait été bienvenu, en l'assortissant d'un schéma de gestion de l'eau adapté à chaque département : le préfet aurait pu flécher les crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de l'agence de l'eau sur plusieurs années. Telle n'est pas l'option retenue et la loi est censée s'appliquer de manière indifférenciée, sans tenir compte des spécificités des territoires. Une fois encore, l'évaluation des actifs sera une opération très malaisée : comment évaluer, par exemple, le coût d'une station d'épuration bâtie huit ans plus tôt ? De fait, la loi sera très difficilement applicable.

Nous suggérons donc de ne pas adopter la proposition de loi de Jean-Michel Arnaud à ce stade et de continuer les discussions afin de trouver une solution. Nous voulons bien avancer en partenariat, mais un refus de nos propositions « de bon sens » entraînera très certainement de sérieuses difficultés. Si nos amendements sont refusés et si le Gouvernement n'accepte pas de recourir à la procédure accélérée pour l'examen de ce texte, nous prendrons acte du fait que le Gouvernement tergiverse à dessein et souhaite nous voir discuter sans fin autour de ce sujet, afin d'aboutir à une situation qui posera de toute façon problème en 2026.

S'agissant du périmètre indicatif de la proposition de loi, je vous propose, chers collègues, de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives aux compétences des communes et de leurs groupements, des établissements publics de coopération intercommunale et des départements en matière d'eau et d'assainissement des eaux usées.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Les amendements identiques COM-2 et COM-1 sont retirés.

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 2

L'amendement COM-3 est retiré.

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

L'amendement COM-4 est retiré.

L'article 3 n'est pas adopté.

Article 4

L'amendement COM-5 est retiré.

L'article 4 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

M. MARC,
rapporteur

2

Rétablissement du caractère facultatif du transfert des compétences "eau" et "assainissement" pour les communes membres d'une communauté de communes

Retiré

Mme CUKIERMAN

1

Rétablissement du caractère facultatif du transfert des compétences "eau" et "assainissement" pour les communes membres d'une communauté de communes

Retiré

Article 2

M. MARC,
rapporteur

3

Suppression de l'article

Retiré

Article 3

M. MARC,
rapporteur

4

Suppression de l'article

Retiré

Article 4

M. MARC,
rapporteur

5

Assouplissement des conditions requises pour confier au département un mandat de maîtrise d'ouvrage en matière de gestion de l'approvisionnement eau potable

Retiré

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 57(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie58(*).
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte59(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial60(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 5 juin 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 556 (2023-2024) visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement ».

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives aux compétences des communes et de leurs groupements, des établissements publics de coopération intercommunale et des départements en matière d'eau et d'assainissement des eaux usées.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

M. Jean-Michel Arnaud, sénateur des Hautes-Alpes, auteur de la proposition de loi

Direction générale des collectivités locales (DGCL)

Mme Cécile Raquin, directrice générale

Mme Marie Cornet, cheffe du bureau des services publics locaux

Mme Élise Dassonville, adjointe à la cheffe du bureau des services publics locaux

Association nationale des élus de montagne (ANEM)

Mme Marie-Annick Fournier, déléguée générale

Mme Dorothée Collet, directrice des relations institutionnelles

Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM)

M. Jean-Pierre Rougeaux, secrétaire général, maire de Valloire

M. Pierre Vollaire, vice-président de l'ANMSM et Président de la commission CIMES Durables, maire des Orres

Association des maires ruraux de France

M. Denis Durand, membre du conseil d'administration, maire de Bengy-sur-Craon

Contributions écrites

Intercommunalités de France

Assemblée des départements de France (ADF)

Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-556.html


* 1 L'eau et l'assainissement étaient des compétences optionnelles des communautés d'agglomération. S'agissant des communautés de communes, l'eau constituait une compétence facultative, tandis que l'assainissement était une compétence optionnelle, figurant au sein d'une liste de sept groupes de compétences proposées aux communautés de communes, qui devaient en exercer au moins trois.

* 2 Articles 64 et 66 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 3 Proposition de loi n° 291 (2016-2017) visant au maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes, déposée par Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues le 11 janvier 2017.

* 4 Proposition de loi n° 730 (2021-2022) visant au maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences facultatives des communautés de communes et des communautés d'agglomération, déposée par Mathieu Darnaud et plusieurs de ses collègues le 22 juin 2022 ; Proposition de loi n° 57 (2022-2023) visant à rétablir la liberté locale en matière de transfert des compétences eau et assainissement des communes aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération, déposée par Jean-Michel Arnaud et plusieurs de ses collègues, le 18 octobre 2022.

* 5 Proposition de loi n° 908 (2021-2022), déposée au Sénat le 29 septembre 2022.

* 6 Article 1er de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes.

* 7 Article 30 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 8 Réponse de Christophe Béchu, ministre de la transition de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, à une question de Jean-Michel Arnaud (séance de questions d'actualité au Gouvernement du 10 avril 2024).

* 9 Voir les 3° et 4° du II de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités locales dans sa version antérieure à la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 10 Le transfert de la compétence « eau » à la communauté de communes n'était possible que si la majorité des deux tiers des communes membres représentant la moitié de la population - ou l'inverse - y était favorable.

* 11 Voir les 6° et 7° du II de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités locales dans sa version antérieure à la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 12 Articles 64 et 66 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 13 Voir infra.

* 14 Proposition de loi n° 291 (2016-2017) visant au maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes, déposée par Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues le 11 janvier 2017.

* 15 Proposition de loi n° 730 visant au maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences facultatives des communautés de communes et des communautés d'agglomération, déposée par Mathieu Darnaud et plusieurs de ses collègues le 22 juin 2022 ; Proposition de loi n° 57 visant à rétablir la liberté locale en matière de transfert des compétences eau et assainissement des communes aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération, déposée par Jean-Michel Arnaud et plusieurs de ses collègues, le 18 octobre 2022.

* 16 Article 1er de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes.

* 17 Article 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

* 18 Voir les treizième et quatorzième alinéas du I de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales.

* 19 Rapport n° 381 (2022-2023) d'Alain Marc, fait au nom de la commission des lois, déposé le 1er mars 2023.

* 20 D'après les données de l'outil BANATIC.

* 21 Répondant à une question de Jean-Michel Arnaud, le ministre de la transition de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a réaffirmé la volonté du gouvernement d'opérer un « assouplissement de l'obligation d'intercommunalisation fixée par la loi NOTRe » en permettant « une gestion de l'eau à l'échelle infra-communautaire », afin notamment de « tenir compte des particularités des zones de montagne et sous-denses » (séance de questions d'actualité au Gouvernement du 10 avril 2024)

* 22 Respectivement relatifs aux compétences des communautés de communes et des communautés d'agglomération

* 23 Au 6 et 7° du I de l'article L. 5214-16 et au 8° et 9° du I de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales.

* 24 Au 4 du 3° du B du III de l'article 85 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 25 Audition de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF).

* 26 Cette obligation de transfert a été repoussée, sous conditions, du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2026 par l'article 1er de loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes.

* 27 Article 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

* 28 Treizième alinéa du I de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales.

* 29 Quatorzième alinéa du I de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales.

* 30 Cette « représentation-substitution » a été facilitée par l'article 4 de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018, qui a permis aux communautés de communes de se substituer à leurs communes membres au sein d'un syndicat si au moins une commune siégeant au sein de ce syndicat n'est pas membre de la communauté de communes. Antérieurement à cette modification, le syndicat devait regrouper des communes appartenant à au moins trois établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

* 31 Au sens de l'article L. 5711-1 du code général des collectivités territoriales.

* 32  Réponse ministérielle à la question orale n°0409S du 2 février 2023 de Stéphane Sautarel, relative à la situation des syndicats de communes concernés par le transfert de la compétence eau aux syndicats infra-communautaires.

* 33 L'article R. 5214-1-1 du code général des collectivités territoriales prévoit en effet que « [l]orsqu'un syndicat de communes se trouve inclus en totalité dans le périmètre d'une communauté de communes appelée à exercer l'ensemble des compétences de cet établissement public, ou lorsque le périmètre de la communauté de communes coïncide avec celui d'un syndicat de communes préexistant, celui-ci est dissous de plein droit. »

* 34 Voir le I de l'article L. 5214-21 du code général des collectivités territoriales.

* 35 IV de l'article 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

* 36 Article 30 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 37 Soit 20 préfectures sur les 51 ayant répondu à l'enquête.

* 38 Afin de rectifier la numérotation des alinéas, qui a été décalée à la suite de l'insertion, par l'article 69 de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, de quatre alinéas relatifs au tourisme.

* 39 Régi par l'article 5211-17 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit notamment que « les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale peuvent à tout moment transférer, en tout ou partie, à ce dernier, certaines de leurs compétences dont le transfert n'est pas prévu par la loi ou par la décision institutive ainsi que les biens, équipements ou services publics nécessaires à leur exercice ».

* 40 Voir l'article 1er de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes dans sa rédaction résultant de l'article 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique.

* 41 Conseil d'État, 29 juillet 2020, Commune de Salses-le-Château, n° 437283.

* 42 Article 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique.

* 43 Voir les quatorzième à dix-septième alinéas du I de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales.

* 44  Réponse ministérielle à la question orale n°0409S du 2 février 2023 de Stéphane Sautarel, relative à la situation des syndicats de communes concernés par le transfert de la compétence eau aux syndicats infra-communautaires.

* 45 Dans les conditions prévues au II de l'article L. 5214-21 du code général des collectivités territoriales.

* 46 L'exposé des motifs de la proposition de loi précise explicitement que l'article 3 vise à « permettre un transfert direct - sans subdélégation - des compétences « eau » et « assainissement » des communes vers des syndicats ».

* 47 Premier et dernier alinéas du IV de l'article 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique.

* 48 Le service d'eau potable correspond, aux termes du I de l'article L. 2224-7 du code général des collectivités territoriales, à « tout service assurant tout ou partie de la production, du transport, du stockage et de la distribution d'eau destinée à la consommation humaine est un service d'eau potable ».

* 49 Correspondant aux missions définies à l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales.

* 50 Cette disposition a été conçue comme une façon de « compenser » la suppression de la clause générale de compétence des départements.

* 51 Cet article est identique à l'article 18 du projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, tel que déposé à l'Assemblée nationale le 4 mai 2024.

* 52 Par la création d'un nouvel article L. 2224-7-8 du code général des collectivités territoriales.

* 53 Dans les conditions prévues aux articles L. 2422-5 à L. 2422-11 du code de la commande publique.

* 54 Par la création d'un nouvel article L. 2224-7-9 du code général des collectivités territoriales.

* 55 C'est-à-dire, au sens de l'article L. 5711-1, des syndicats constitués exclusivement de communes et d'établissements publics de coopération intercommunale ou composés uniquement d'établissements publics de coopération intercommunale.

* 56 C'est-à-dire, au sens de l'article L. 5210-1-1 A du code général des collectivités territoriales, les syndicats de communes, les communautés de communes, les communautés urbaines, les communautés d'agglomération et les métropoles.

* 57 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 58 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 59 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 60 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Partager cette page