N° 1901
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 SEIZIÈME LÉGISLATURE |
N° 138
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024 |
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Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2023 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission mixte paritaire(1)
chargée de proposer un texte sur les dispositions restant
en discussion du projet de loi de
finances
de fin de
gestion pour
2023,
PAR M. Jean-René CAZENEUVE, Député |
PAR M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, sénateur, président ; M. Éric Coquerel, député, vice-président ; M. Jean-François Husson, sénateur, M. Jean-René Cazeneuve, député, rapporteurs généraux.
Membres titulaires : Mme Christine Lavarde, MM. Stéphane Sautarel, Vincent Delahaye, Thierry Cozic, Didier Rambaud, sénateurs ; M. Mathieu Lefèvre, Mmes Nadia Hai, Mathilde Paris, Véronique Louwagie, M. Mohamed Laqhila, députés.
Membres suppléants : Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Marie-Carole Ciuntu, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Isabelle Briquet, MM. Pascal Savoldelli, Emmanuel Capus, Thomas Dossus, sénateurs ; MM. Benoit Mournet, Kévin Mauvieux, Mme Charlotte Leduc, M. Mickaël Bouloux, Mme Eva Sas, M. Charles de Courson, députés.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (16e législ.) : |
Première lecture : 1818,
1822 et T.A. 177 |
Sénat : |
Première lecture : 88,
113 et T.A. 21 (2023-2024) |
Mesdames, Messieurs,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de la Première ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 se réunit au Sénat le mardi 21 novembre 2023.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de M. Claude Raynal, sénateur, président, de M. Éric Coquerel, député, vice-président, de M. Jean-René Cazeneuve, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale et de M. Jean-François Husson, sénateur, rapporteur pour le Sénat.
Étaient également présents Mme Christine Lavarde, MM. Stéphane Sautarel, Vincent Delahaye, Thierry Cozic et Didier Rambaud, sénateurs titulaires, MM. Vincent Capo-Canellas, Emmanuel Capus et Thomas Dossus, sénateurs suppléants, ainsi que M. Mathieu Lefèvre, Mmes Nadia Hai et Véronique Louwagie et M. Mohamed Laqhila, députés titulaires, et MM. Benoît Mournet et Kévin Mauvieux, Mme Charlotte Leduc, M. Mickaël Bouloux, Mme Eva Sas et M. Charles de Courson, députés suppléants.
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La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
M. Claude Raynal, sénateur, président. - Le projet de loi initial comportait onze articles, dont l'article liminaire. L'Assemblée nationale a modifié six de ces articles. Au Sénat, huit articles ont été adoptés conformes, trois articles ont été modifiés et un nouvel article a été introduit.
Ainsi, quatre articles du projet de loi restent en discussion.
Je vous rappelle qu'une commission mixte paritaire est simultanément saisie du texte adopté par l'Assemblée nationale et du texte adopté par le Sénat. Elle peut, sur chaque article restant en discussion, choisir l'une ou l'autre des rédactions, ou retenir une rédaction de compromis, proposée par les rapporteurs ou tout autre membre de la commission mixte paritaire (CMP).
M. Éric Coquerel, député, vice-président. - Je souhaite remercier le président Claude Raynal pour l'organisation de cette CMP dans une période particulièrement chargée.
La CMP sur le projet de loi de finances rectificative l'an dernier à la même époque s'était traduite par un accord.
Sans préjuger de ce qui va être proposé et voté, il ne me semble pas inenvisageable que ce projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 puisse également donner lieu à un tel accord.
M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat. - Je remercie mon collègue Jean-René Cazeneuve pour le travail que nous avons réalisé et qui devrait nous conduire à une CMP conclusive.
Le Sénat a accepté les modifications adoptées par l'Assemblée nationale lors de l'examen en première lecture, le 8 novembre dernier.
Je me réjouis de ce premier projet de loi de finances de fin de gestion, qui ne contient donc aucune mesure fiscale et respecte ainsi la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Cela clarifie nettement le débat parlementaire.
La prévision de croissance retenue, de +1 % pour cette année, nous apparaît crédible. En revanche, nous constatons que l'état des finances publiques reste particulièrement dégradé. La prévision de déficit est en effet de 4,9 % du PIB, soit un niveau malheureusement plus élevé que l'année dernière, quand nos principaux partenaires européens voisins profitent, eux, de la sortie de crise pour redresser leurs comptes publics.
Le déficit budgétaire est supérieur à 170 milliards d'euros, soit presque le double de la moyenne des déficits d'avant la crise, qui était d'environ 90 milliards d'euros par an. En outre, il est encore plus lourd que ce que prévoyait la loi de finances initiale, avec près de 7 milliards d'euros supplémentaires.
Au-delà de ce constat, nous avons souligné la difficulté grandissante à prévoir correctement l'exécution budgétaire : le niveau des recettes est plus difficile à prévoir dans un contexte où l'État a abandonné la majorité du produit de la TVA. Il est aujourd'hui tributaire des recettes de l'impôt sur les sociétés, qui sont extrêmement volatiles en fonction de la conjoncture et des pratiques de reports des entreprises.
De même, les dépenses sont plus imprévisibles puisque les ouvertures de crédits dans ce texte sont très importantes : 9 milliards d'euros hors remboursements et dégrèvements. Si ces ouvertures massives pouvaient se comprendre durant la crise sanitaire du covid, leur persistance en cette fin d'année 2023 est de nature à nous préoccuper, voire à nous inquiéter.
S'agissant de ces ouvertures, le Sénat a validé celles qui étaient proposées dans le texte. La première qui s'impose à nous est la charge de la dette, qui est réévaluée de 3,8 milliards d'euros en raison de l'inflation, mais également d'une remontée des taux d'intérêt à trois mois, qui s'établiraient en fin d'année à 3,9 %, alors que la loi de finances partait sur une hypothèse de 2,1 %.
La deuxième principale ouverture de crédits porte sur la mission « Défense », à hauteur de 2,1 milliards d'euros, notamment du fait de l'aide à l'Ukraine, que nous soutenons bien évidemment.
De nombreuses autres ouvertures de crédits reviennent très régulièrement, qu'il s'agisse du budget de l'agriculture, où les crises se succèdent, ou de celui de l'hébergement d'urgence, pour lesquels le Gouvernement ne parvient toujours pas à prévoir un budget adapté en début d'année.
Comme l'année dernière, les annulations de crédit s'apparentent à de simples constats de sous-exécution, et non à des économies. Cela donne lieu à des reports ou à des annulations de crédit, et ce au détriment de la bonne information du Parlement.
Cette année, les annulations portent, par exemple, pour 400 millions d'euros, sur les guichets d'aide aux entreprises face à la hausse de l'inflation, qui s'ajoutent aux 4 milliards d'euros déjà annulés par décret, ou sur le dispositif MaPrimeRénov'.
Outre les amendements proposés ou soutenus par le Gouvernement, le Sénat a, pour sa part, fait légèrement évoluer le texte et n'a adopté que des amendements de crédits.
S'agissant de crédits de paiement (CP), nous avons voté des enveloppes supplémentaires en faveur de la réfection des ponts et du réseau routier, notamment des petites communes, de la réduction du taux de fuite du réseau d'eau, de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), de l'aide d'urgence à l'Arménie et, enfin, de l'aide alimentaire, en complément de l'enveloppe votée par l'Assemblée nationale.
S'agissant des autorisations d'engagement (AE), nous avons voté des crédits permettant de contracter rapidement pour la réouverture du train d'équilibre du territoire (TET) Metz-Nancy-Dijon-Lyon.
Nous avons travaillé en bonne intelligence avec le rapporteur général de l'Assemblée nationale, afin de parvenir à un texte commun. Tout en partageant le souci du Gouvernement d'éviter une dérive trop importante de la dépense publique, nous avons décidé de maintenir toutes les enveloppes votées par le Sénat, en réduisant néanmoins le montant de chacune d'entre elles. Ainsi, nous vous proposons d'adopter des crédits à hauteur de 20 millions d'euros pour la réfection des ponts, 50 millions d'euros pour la rénovation du réseau d'eau potable, 60 millions d'euros pour la réfection du réseau routier, 15 millions d'euros pour le soutien à l'Arménie, 20 millions d'euros en faveur de l'aide alimentaire, 4 millions d'euros à destination de l'IGN et 35 millions d'euros, en autorisations d'engagement seulement, pour le TET Metz-Nancy-Dijon-Lyon.
Nous demanderons demain au Gouvernement de lever les gages lors de la lecture des conclusions de CMP.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous voilà réunis autour du premier projet de loi de finances de fin de gestion, en application de la Lolf réformée d'un commun accord entre nos deux assemblées voilà quasiment deux ans.
Expurgé de toute mesure fiscale, ce texte a pour seule vocation de régler l'exercice budgétaire de fin de gestion en ajustant les prévisions de recettes de l'État, en annulant les crédits sans objet et en ouvrant ceux qui apparaissent nécessaires, en particulier pour répondre aux aléas que nous avons connus cette année.
Je ne reviendrai pas sur le scénario macroéconomique sous-jacent au texte retenu par le Gouvernement. Que ce soit le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), les conjoncturistes, les assemblées parlementaires, tous s'accordent aujourd'hui à le considérer comme crédible.
Le texte que le Gouvernement nous a soumis est marqué par une égalité entre les ouvertures et les annulations de crédits, hors charge de la dette. Cette formule n'est pas une pirouette. Jean-François Husson est témoin de l'attention que je porte à l'état des finances publiques et à notre endettement. Nous sommes conduits à ouvrir presque 4 milliards d'euros supplémentaires pour financer la charge de la dette en 2023. Cela illustre une fois encore la nécessité, qui nous concerne tous, de rétablir et de normaliser nos finances publiques dans les années à venir - il faudra faire preuve de constance et de courage. Toutefois, je note qu'en 2023 une pierre a été apportée à l'édifice, avec un repli non négligeable de la part des dépenses publiques et de celle des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale, après des années records, il est vrai, depuis 2020.
Le projet de loi de finances de fin de gestion annule donc des dépenses de guichet, devenues sans objet du fait d'une relative modération des prix de l'énergie par rapport aux prévisions. En contrepartie, le Gouvernement propose de conforter notre défense dans la perspective de la nouvelle loi de programmation militaire (LPM), de nos opérations extérieures et des missions intérieures en 2023 ainsi que du soutien à l'Ukraine. Il est en outre proposé de renforcer nos moyens pour accueillir les réfugiés ukrainiens à hauteur de 200 millions d'euros. Je note également l'effort légitime consenti en faveur de nos agriculteurs face aux calamités et aux épizooties, de nos outre-mer ainsi que des personnes handicapées dans le contexte de la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
L'Assemblée nationale a approfondi ces orientations, notamment en direction de l'Ukraine, des familles monoparentales les plus modestes, des bénéficiaires de l'aide alimentaire et de l'hébergement d'urgence, des agriculteurs frappés par le mildiou et la crise du bio, des pêcheurs et de certains professionnels de santé dans le cadre des compléments apportés au Ségur - cette liste n'est pas exhaustive. À cet égard, je me félicite de l'apport de chacun des groupes de l'Assemblée nationale : nous avons eu de vrais échanges, lesquels ont abouti à un véritable consensus, qui a permis d'enrichir le texte.
De son côté, le Sénat a voté des crédits supplémentaires en faveur de l'Arménie. Il a en outre choisi, comme l'année dernière, de cibler la réfection, nécessaire, de nos réseaux routiers locaux, de nos ponts, de nos réseaux d'adduction d'eau potable. Il a complété le travail de l'Assemblée nationale sur les banques alimentaires et prévu une aide en faveur des Mahorais pour l'accès à l'eau en bouteille. Il a également proposé d'accorder au conseil départemental de Mayotte une aide exceptionnelle s'apparentant à celle que l'Assemblée nationale a prévue en faveur de la collectivité territoriale de Corse.
Au total, chaque assemblée parlementaire a travaillé utilement, et de façon raisonnable, dans le respect de la structure et du solde du budget de l'État prévus par le Gouvernement dans son texte. Je souhaite que nos deux assemblées continuent à travailler ensemble à la réduction de nos dépenses dès l'année prochaine.
Je me réjouis que nous soyons en mesure de vous proposer un compromis, lequel vous a été exposé par le rapporteur pour le Sénat. Nous avons souhaité ajuster le montant des enveloppes afin de tenir compte du fait que nous agissons en fin de gestion. Notre proposition respecte les votes du Sénat et de l'Assemblée nationale.
Je tiens, pour finir, à saluer la qualité d'écoute et la force de conviction de mon collègue rapporteur général du Sénat. Je vous invite à valider ce compromis.
M. Charles de Courson, député. - Pouvez-vous me confirmer que 63 millions d'euros sont prévus pour la distribution d'eau à Mayotte et 50 millions d'euros au département de Mayotte pour l'aide sociale à l'enfance (ASE), la protection maternelle et infantile (PMI) et le transport scolaire ?
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Absolument, ce sont bien les montants votés au Sénat et que nous avons acceptés dans le cadre du compromis.
M. Charles de Courson, député. - Si vous me permettez une observation, alors que les recettes des agences de l'eau ont été plafonnées, on leur octroie des crédits à hauteur de 50 millions d'euros dans l'objectif de lutter contre les fuites d'eau ?...
M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat. - Ces 50 millions d'euros sont décaissés par l'État en complément des ressources des agences de l'eau. Nous avons adopté ce dispositif l'an dernier, qui faisait suite à une première décision prise dans le cadre du plan de relance. Je puis vous le dire, pour siéger dans l'agence de l'eau Rhin-Meuse, que les crédits sont vraiment consommés. De nombreuses fuites d'eau importantes sont encore à déplorer dans nos territoires.
M. Claude Raynal, sénateur, président. - Plutôt que d'augmenter le plafond des recettes des agences de l'eau, ces crédits sont fléchés.
Je vous propose de partir de la rédaction de compromis des rapporteurs en nous arrêtant sur chaque article et, sauf demande de modification particulière sur un article, de mettre, ensuite, directement aux voix le texte dans son ensemble.
M. Charles de Courson, député. - Les ouvertures de crédits pour les ouvrages d'art et les routes des collectivités locales se traduisent-elles par une majoration de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ?
M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat. - Nous avons été victimes d'un hold up l'an passé : nous avions demandé 50 millions d'euros pour les routes communales, et le ministre nous avait donné son accord. Lors de l'examen de la loi de règlement, nous nous sommes aperçus que cette somme avait en réalité été allouée à la voirie nationale.
Cette année, les crédits sont inscrits dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ce qui nous permet d'être sûrs que les communes et les départements pourront bénéficier de 60 millions d'euros de crédits supplémentaires exceptionnels. Je ne pense pas que les territoires s'en plaindront !
M. Charles de Courson, député. - Quel est l'outil utilisé ?
M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat. - Ce sera un programme spécifique.
Vous le savez, la DETR est à la main du préfet. Lors de la dernière réunion de la commission départementale pour la DETR à laquelle j'ai assisté, il a été indiqué que seuls huit départements continuaient d'apporter un soutien à la voirie avec des fonds de DETR. Mais nous n'avons pas toujours les bonnes informations de la part des représentants de l'État : en l'occurrence, je pense que ce qui a été dit est inexact.
M. Charles de Courson, député. - Je confirme partiellement les propos du rapporteur général du Sénat. Le préfet de mon département, la Marne, nous avait indiqué dès l'année dernière qu'il ne voulait plus que la DETR soit utilisée pour des subventions à la voirie communale - il en aurait reçu l'instruction. Nous lui avons répondu que ce n'était pas raisonnable, et il y a d'ailleurs eu quelques exceptions. Je ne sais pas si des collègues ont les mêmes échos dans leur commission départementale.
M. Claude Raynal, sénateur, président. - Les préfets ont reçu consigne de limiter les dépenses « brunes ».
Je mets aux voix la rédaction de compromis des rapporteurs pour l'ensemble des dispositions restant en discussion.
La commission mixte paritaire adopte, dans la rédaction proposée par ses rapporteurs, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi.
TABLEAU COMPARATIF
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