AVANT-PROPOS

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a examiné, le 25 juin 2023, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi déposée par Jean-François Rapin (Pas-de-Calais, LR) en septembre 2022, visant à verser automatiquement une bourse d'études (échelon 7) aux étudiants dont au moins l'un des deux parents est porteur d'un handicap entraînant un taux d'incapacité d'au moins 80 %.

Par la voix de son rapporteur, Toine Bourrat (Yvelines, LR), la commission s'est félicitée que cette proposition de loi mette en lumière une population trop méconnue et délaissée des pouvoirs publics, celle des étudiants confrontés au handicap d'un parent et qui sont, de fait, amenés à assumer un rôle d'aidant.

Son examen intervient au moment où une profonde réforme des bourses sur critères sociaux est en cours, comme l'avait appelé de ses voeux le Sénat en 20211(*), et alors que le Président de la République a annoncé, lors de la sixième Conférence nationale du handicap, une mesure en faveur des étudiants aidants de parents handicapés ou eux-mêmes en situation de handicap, dans le cadre du système de bourses. La commission y voit l'effet de l'alerte lancée, il y a plusieurs mois, par l'auteur de cette initiative législative sénatoriale.

Sur proposition de son rapporteur, elle a enrichi la rédaction initiale du texte, afin de le rendre compatible avec la réforme en préparation et permettre son opérationnalité dès la prochaine rentrée universitaire. La commission a, par ailleurs, alerté la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la nécessité de se saisir du chantier de l'adaptation du rythme d'études et de l'accompagnement des étudiants aidants.

I. UNE PROPOSITION DE LOI D'INITIATIVE SÉNATORIALE POUR RECONNAÎTRE ET SOUTENIR FINANCIÈREMENT LES ÉTUDIANTS DE PARENTS EN SITUATION DE HANDICAP

A. LES ÉTUDIANTS AIDANTS : DES « INVISIBLES » À LA VIE ÉTUDIANTE RENDUE PLUS COMPLEXE

En France, les « aidants familiaux » représentent 8 à 11 millions de personnes qui apportent une aide régulière, à titre non professionnel et non rémunéré, dans les activités quotidiennes ou sur le plan émotionnel, à un proche en perte d'autonomie pour des raisons liées à l'âge, à une maladie ou à un handicap. L'aidant familial est nommé « jeune adulte aidant » (JAA) lorsqu'il est âgé de 18 à 25 ans. Ce statut n'est, pour l'heure, toutefois pas juridiquement défini.

Les travaux de recherche interdisciplinaires sur les aidants familiaux s'accordent aujourd'hui pour souligner que les JAA constituent une population sous-étudiée qu'il est temps de reconnaître, de considérer et d'accompagner. Une enquête publiée en 20222(*) indique qu'en France, au moins 1 étudiant de l'enseignement supérieur sur 10 serait aidant, soit environ 290 000 jeunes. Il n'existe cependant pas, à ce jour, de données consolidées nationales sur les étudiants aidants. Le ministère de l'enseignement supérieur admet lui-même méconnaître le nombre et le profil de ces étudiants. Le rapporteur l'appelle à remédier, dans les meilleurs délais, à cette lacune statistique, qui fait obstacle à la mise en oeuvre d'une politique publique répondant aux besoins des étudiants aidants.

Selon les études disponibles, endosser un rôle d'aidant est associé à une moins bonne santé physique et mentale, ainsi qu'une limitation des opportunités d'éducation et d'emploi. Dans le contexte spécifique de l'enseignement supérieur, les JAA se retrouvent partagés entre le désir d'être un « bon » étudiant et celui d'être un « bon » proche aidant. Il est plus difficile pour eux de maintenir des routines d'études, de suivre des cours et de consacrer du temps à leur formation. De plus, l'aidance et les responsabilités qui y sont liées vont contraindre et limiter leurs aspirations professionnelles, notamment au regard de la proximité géographique domicile-université.

Dans le débat public, force est de constater que la question des aidants s'est invitée tardivement. En 2019, le Gouvernement lançait « une stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des aidants 2020-2022 », destinée à poser les bases d'une politique publique de l'aidance. Parmi les six priorités définies par cette stratégie, l'une portait sur la nécessité de mieux prendre en compte les besoins spécifiques des jeunes aidants, afin qu'ils n'aient pas à endosser des responsabilités disproportionnées par rapport à leur âge.

Récemment, dans le cadre d'un classement mondial du niveau de reconnaissance et de mise en place de politique publique à destination des jeunes aidants, la France a été classée comme « pays émergent », soulignant l'ampleur de la marge de progression dans la prise en compte de la situation spécifique de ces jeunes.


* 1 Rapport d'information de Laurent Lafon, fait au nom de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante en France : « Accompagnement des étudiants : une priorité et un enjeu d'avenir pour l'État et les collectivités » (juillet 2021).

* 2 « Where are we in the recognition in the young adult careers in France? », B. Chevrier, A. Untas, G. Dorard, Children & Society, 2022.

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