EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 15 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial, sur la mission « Cohésion des territoires » (et article 41 ter ) - Programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville.
M. Claude Raynal , président . - Nous débutons nos travaux par l'examen de la mission « Cohésion des territoires ». Je salue la présence de trois rapporteurs pour avis : Mme Viviane Artigalas sur le programme « Politique de la ville » et Mme Dominique Estrosi Sassone sur les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement » et « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » pour la commission des affaires économiques ; et M. Alain Duffourg sur le programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » pour la commission des affaires sociales.
M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur spécial de la mission « Cohésion des territoires » sur les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville » - Les crédits de la mission « Cohésion des territoires » s'élèvent à 17,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). À périmètre constant, l'augmentation des crédits est de l'ordre de 410,8 millions d'euros, soit une hausse de 2,4 % en CP. Toutefois, compte tenu d'une prévision d'inflation élevée en 2023, les crédits diminuent en volume de 1,9 % en CP.
Bernard Delcros nous ayant déjà présenté, le 25 octobre dernier, les crédits des programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l'État », j'évoquerai les quatre autres programmes, avec les crédits destinés aux politiques d'hébergement, d'aides au logement, d'urbanisme et de l'habitat, ainsi qu'à la politique de la ville.
Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » est dédié à la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. Les crédits sur ce programme s'élèvent à 2,8 milliards d'euros. Des crédits importants ont été ouverts en cours d'année 2022, de sorte que ceux qui sont prévus par le projet de loi de finances (PLF) sont en diminution de 131 millions d'euros par rapport à l'exécution 2022, soit une baisse de 4,5 % en euros constants. Une fois de plus, ce programme entame l'année avec des crédits qui pourraient bien apparaître comme sous-évalués en cours d'année, au regard du maintien des besoins à un niveau élevé.
Le plan Logement d'abord, qui visait à faire passer les personnes directement de la rue à un logement, en évitant le passage par un hébergement d'urgence, n'a pas obtenu les résultats espérés. Le nombre de places en intermédiation locative financées par le programme 177, qui était de 33 604 places en 2017, dépassait les 70 000 places à la mi-2022. Les crédits poursuivent leur augmentation cette année, mais, contrairement au quinquennat précédent, le Gouvernement tarde à afficher des objectifs clairs.
Cette navigation à vue est encore plus évidente concernant la politique d'hébergement d'urgence. Le plan précité, malgré ses vertus, n'a pas permis de réduire les besoins en hébergement. Le parc d'hébergement se situe à un niveau historiquement élevé de près de 200 000 logements, soit 40 000 places de plus que le niveau antérieur à la crise sanitaire. Le Gouvernement avait affiché l'objectif de réduire de 14 000 places ce parc en 2023, puisque les effets de la crise sanitaire se sont estompés ; il vient d'y renoncer et de demander l'ouverture de 40 millions d'euros supplémentaires à l'Assemblée nationale.
La crise sanitaire a ainsi révélé des problèmes de mal-logement masqués par l'hébergement chez des tiers, et il est difficilement envisageable de remettre à la rue les personnes qui ont été hébergées. La question des migrants se pose également ; le dispositif national d'accueil géré par le ministère de l'intérieur est saturé ; il engorge le dispositif d'hébergement du programme 177. Pour toutes ces raisons, les besoins en crédits du programme 177 restent importants.
Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » comprend, à titre principal, les crédits destinés au financement des aides personnelles au logement (APL). Les crédits demandés pour 2023 s'élèvent à 13,4 milliards d'euros, soit une hausse de 292 millions d'euros en euros courants, mais une diminution de 2 % en volume.
Les APL contribuent de manière importante à réduire le taux d'effort des ménages modestes, c'est-à-dire la part de leurs revenus qui est effectivement consacrée à la dépense de logement. Ce taux d'effort, de l'ordre de 20 % en moyenne avec les aides, serait supérieur à 40 % sans elles. Toutefois, sur le long terme, les prestations sociales couvrent une part de plus en plus réduite des dépenses courantes des ménages, et les dépenses de logement augmentent. Les ménages doivent faire face au poids croissant de l'inflation, malgré les mesures du type « bouclier tarifaire ».
Le Fonds national d'aide au logement (Fnal), qui centralise les crédits des aides au logement, devra certainement être réformé dans les années à venir. Il s'agit d'un fonds dépourvu de personnalité juridique ; en application de la réforme de la loi organique du 28 décembre dernier relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, il ne pourra donc plus recevoir le produit des cotisations employeurs, qui représentent près de 3 milliards d'euros par an. Un nouveau schéma de financement devra être mis en place.
Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » porte les crédits consacrés à des actions diverses, liées à la construction et l'habitat. Les politiques concernées passent principalement par les dépenses fiscales d'un montant de 15 milliards d'euros, par les fonds de concours et par l'action des opérateurs, en particulier l'Agence nationale de l'habitat (Anah), qui bénéficient du produit de taxes affectées. Les crédits budgétaires relevant de ce programme s'élèvent à 780,8 millions d'euros en CP, soit une hausse de près de 50 % par rapport à 2022.
J'évoquerai d'abord le secteur de la construction, pour lequel il est difficile d'être optimiste. Les tensions sur les approvisionnements consécutives à la crise sanitaire ne constituent plus le problème principal, mais celles sur les prix ne devraient pas s'atténuer en 2023. Les professionnels indiquent leur inquiétude au sujet des permis de construire, de plus en plus difficiles à obtenir ; plus personne ne veut de constructions nouvelles dans sa commune. En outre, la remontée sensible des taux risque de freiner les dépôts de permis de construire dans les mois et années à venir.
Outre la construction neuve, la rénovation du parc existant est le grand défi du secteur du logement. C'est le principal point du budget du programme 135 : la subvention versée à l'Anah passe de 170 millions à plus de 400 millions d'euros ; dans le même temps, le produit des ventes de quotas carbone rapportera 700 millions d'euros, contre 481 millions cette année. L'Anah dispose par ailleurs de 2,3 milliards d'euros sur le programme 174 de la mission « Écologie » pour financer le dispositif MaPrimeRénov'.
Ces crédits sont considérables, mais nécessaires. Il apparaît toutefois que le problème le plus pressant n'est pas budgétaire ; il réside davantage du côté de l'offre de rénovation que de la demande. Il est nécessaire de développer un véritable écosystème de la rénovation globale des logements, nous manquons d'entreprises sur le marché de la rénovation des logements privés. C'est aussi une difficulté pour les particuliers, car la rénovation globale demande des compétences en maîtrise d'ouvrage. Il conviendrait de développer l'aide MaPrimeRénov' Sérénité, qui accompagne de manière plus importante les ménages, sous conditions de ressources. Les banques doivent aussi mieux jouer le jeu ; seules deux banques proposent le prêt avance rénovation (PAR) qui, depuis le 1 er janvier 2022, doit permettre à des ménages modestes de financer les travaux de rénovation énergétique de leur résidence principale.
Concernant les logements sociaux, l'objectif de 250 000 logements agréés en 2021 et 2022, annoncé par le précédent gouvernement, a été abandonné. Environ 95 000 logements ont été agréés en 2021, et la réalisation devrait être du même ordre, ou peut-être un peu plus, en 2022. Le secteur est atteint, comme tous les acteurs de la construction, par la hausse des prix à la construction, ainsi que par l'augmentation du taux du livret A, passé en quelques mois de 0,5 à 2 %. Cette hausse entraîne un accroissement des charges financières d'intérêt, car les emprunts sont à taux variable.
Afin d'assurer l'équilibre financier des organismes de logement social à long terme, le précédent gouvernement a proposé de développer les ventes ; celles-ci devaient passer de moins de 10 000 à 40 000 par an ; l'objectif n'a pas été atteint, avec un résultat de 11 000 ventes par an environ. Ce résultat me semble heureux : la mission d'un organisme de logement social est de fournir un parc de logements adapté aux besoins ; et un modèle économique reposant sur la vente se paie à long terme par la perte des recettes liées aux loyers.
Le modèle de financement du logement social devra parvenir à conjuguer deux objectifs : l'accroissement du parc, afin de satisfaire les demandes toujours insatisfaites ; et la rénovation du parc existant. En conséquence, malgré le poids de la réduction de loyer de solidarité (RLS), qui reste de 1,3 milliard d'euros par an, les bailleurs sociaux devront procéder à des investissements massifs.
Un des organismes du secteur, qui joue un rôle essentiel dans son financement, est soumis à une pression particulière ; il s'agit d'Action Logement. D'une part, l'article 16 du PLF le soumet à une contribution de 300 millions d'euros pour financer les aides à la pierre ; et, d'autre part, chose plus importante encore, sa filiale financière, Action Logement Services (ALS), a été classée par l'Insee en administration publique.
Première conséquence : sa dette a été intégrée à la dette publique, augmentant celle-ci de 0,3 point. Nul doute que le ministère de l'économie va désormais porter un regard particulièrement attentif sur la situation d'ALS.
Deuxième conséquence : ALS devrait être bientôt interdite d'emprunt sur plus de douze mois, ce qui remettra en cause partiellement ses plans d'investissement. Cette décision comptable risque d'affecter la participation d'Action Logement aux politiques publiques dont la mise en oeuvre dépend de sa contribution, à commencer par le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).
Les enjeux de construction et de la rénovation ne peuvent être dissociés du nouvel impératif assigné aux collectivités territoriales, celui de la sobriété foncière et du « zéro artificialisation nette » (ZAN).
Le fonds friches, très apprécié en 2021 et 2022, a apporté environ 750 millions d'euros de crédits et a révélé l'étendue des besoins ; mais cela était insuffisant pour atteindre tout le potentiel. Le Gouvernement précise que la réhabilitation des friches sera portée par le fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires. Les modalités et les montants ne sont pas indiqués dans les documents budgétaires et l'on ignore ce qui sera fait concrètement pour la réhabilitation des friches l'an prochain. Ce flou est regrettable, car il entraîne un risque de démobilisation dans un domaine où la vision de long terme est essentielle.
Il en est de même pour la définition d'un modèle de financement du ZAN. J'ai fait des propositions ici même en juin, et le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) nous a présenté, il y a trois semaines, un rapport du plus haut intérêt. Notre mission conjointe de contrôle sur le ZAN a déjà consulté de nombreux acteurs, notamment sur les aspects réglementaires, et formulera bientôt ses conclusions. La question est sensible, il est essentiel que le Gouvernement s'en empare afin de « climatiser » réellement la fiscalité et les ressources des collectivités.
Enfin, dans le cadre du programme 147, les crédits de la politique de la ville s'élèvent à 597,5 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 39,6 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2022. Ces crédits sont principalement consacrés à une diversité d'actions engagées dans le cadre des contrats de ville. On peut noter une diminution de 3,8 millions d'euros des crédits destinés à l'éducation, au travers du programme de réussite éducative (PRE) et des cités éducatives. Il convient toutefois d'approuver l'intégration à la budgétisation initiale du dispositif « Quartiers d'été », à hauteur de 32,1 millions d'euros ; ce dispositif, depuis trois ans, était financé en cours d'année par des ouvertures de crédits en loi de finances rectificative (LFR).
Ces crédits ne correspondent qu'à une partie de l'action de l'État, qui passe aussi par les crédits de nombreux ministères, dont la traçabilité vers les quartiers n'est pas toujours assurée. Les résultats sont toujours aussi difficiles à percevoir, comme l'avait observé Jean-Louis Borloo lui-même en 2018. Plus de 40 % des adultes de 15 à 64 ans résidant dans les quartiers ciblés par la politique de la ville restent à l'écart du marché de l'emploi, contre moins de 30 % dans les autres quartiers des mêmes unités urbaines ; et les habitants de ces quartiers ont un revenu fiscal moyen égal à moins de la moitié de celui de leur agglomération, ce qui est le signe de la persistance d'une pauvreté relative très importante.
Le programme 147 devrait normalement bénéficier d'une autre ligne budgétaire importante pour la rénovation urbaine, puisque le NPNRU de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) entre dans une phase active, avec des dépenses de l'ordre de 568 millions d'euros dès 2022, qui ont vocation à s'accroître à l'avenir. Cette ligne budgétaire est réduite à un montant symbolique de 15 millions d'euros ; l'État repousse toujours la mise en oeuvre de sa promesse d'apporter 1,2 milliard d'euros au total à ce programme, qui repose donc toujours autant sur les contributions d'Action Logement et des bailleurs sociaux. Sachant les incertitudes qui pèsent sur ces acteurs, cela n'est pas fait pour rassurer.
Compte tenu des considérations précédentes, je propose de nous en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » pour les programmes 177, 109, 135 et 147.
Par ailleurs, je dois vous présenter un article rattaché à la mission. L'article 41 ter , introduit sur l'initiative du Gouvernement dans le texte soumis à l'engagement de sa responsabilité devant l'Assemblée nationale, prévoit, au titre de l'année 2023, de ne pas appliquer la règle d'indexation de la réduction de loyer de solidarité en fonction de l'inflation. Cette mesure, déjà mise en oeuvre les années précédentes, a pour objet d'éviter que cette charge sur les bailleurs sociaux ne dépasse les objectifs prévus. Je propose de donner un avis favorable à l'adoption de cet article.
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement » et « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission « Cohésion des territoires ». - Il s'agit d'un budget de transition, tant en matière de rénovation énergétique que de financement de logement social. Il manque une stratégie, une hiérarchisation des objectifs et des orientations pluriannuelles.
Nous n'avons toujours aucune visibilité sur la RLS. Le dispositif est prorogé pour cette année, mais le Gouvernement n'a pas précisé s'il devenait pérenne.
L'organisme Action Logement a de nouveau été mis fortement à contribution, et contre sa volonté. Il y a toujours cette crainte d'un possible démembrement et d'une prise de contrôle de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) par les services de Bercy, qui auraient ainsi un droit de regard sur son usage. Il s'agit de rester vigilant, comme nous avions pu l'être avec Viviane Artigalas, Valérie Létard et Marie-Noëlle Lienemann dans le cadre de la mission flash, pour alerter sur ce risque de budgétisation de l'organisme. Action Logement doit, plus que jamais, rester autonome et continuer de financer dans la durée la politique du logement.
Sur la rénovation des logements, nous avions indiqué dans la loi Climat et résilience que le calendrier serait difficile à tenir, et cela s'est révélé exact. Les conséquences sont déjà là : des propriétaires retirent leurs biens du marché du logement pour les vendre, faute de disposer des moyens financiers et techniques pour mener à bien la rénovation énergétique des logements, et plus particulièrement les passoires thermiques pour les logements classés F et G. Par ailleurs, le calendrier est également trop contraint pour les logements sous étiquette E.
Concernant le logement social, les bailleurs sociaux n'ont toujours pas de marges de manoeuvre. Leur capacité d'autofinancement est considérablement amoindrie par la RLS, par la hausse du taux du livret A et des taux d'intérêt, et cela est tout à fait préjudiciable à la construction dont nous avons besoin. Comme cela fut signalé à maintes reprises, la crise du logement risque de s'aggraver dans les prochains mois.
C'est la raison pour laquelle, en ma qualité de rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, je donne un avis d'abstention pour ce budget.
Mme Viviane Artigalas , rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur le programme « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires ». - Concernant le programme « Politique de la ville », il s'agit, là encore, d'un budget de transition en attendant les nouveaux contrats de ville.
On peut quand même se féliciter du budget dédié au dispositif « Quartiers d'été » ; les associations, qui engageaient des actions sans savoir si elles seraient financées, attendaient cela depuis plusieurs années. Autre bonne nouvelle : la pérennité des cités éducatives, avec des financements prévus jusqu'en 2027.
Je me pose la question du financement du renouvellement urbain. Toutes les actions démarrent, et les CP ne sont pas au rendez-vous. L'Anru a suffisamment de trésorerie pour assumer les paiements de cette année et peut-être ceux de l'an prochain. Il faudrait 110 millions d'euros par an de CP pour assurer les 1,2 milliard que l'État doit engager. Nous serons très vigilants sur le sujet.
Cependant, je donne un avis favorable à ce budget de transition.
M. Alain Duffourg , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur le programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ». - Concernant le programme 177, 203 000 places ont été pourvues en 2021 dans le cadre du logement des personnes sans abri. Le PLF pour 2023 prévoyait une baisse des crédits, mais le Gouvernement, à la suite de pressions des associations, a fait machine arrière et propose une somme de 40 millions d'euros. Le budget s'élève à 2,8 milliards d'euros.
Le principal problème concerne le nombre de places disponibles. Si j'en crois les associations, entre 15 000 et 30 000 personnes seraient encore dans la rue ; mais si l'on mettait à disposition ces 15 000 ou 30 000 places, il m'a été répondu que cela créerait un appel d'air, avec davantage de demandes encore. Cette année, 100 000 Ukrainiens sont venus sur notre territoire. Ces chiffres s'inscrivent dans le cadre d'une problématique migratoire qui n'a été gérée ni au niveau national ni au niveau européen. Sur les 230 000 places à créer, on distingue 20 % de personnes ayant la nationalité française et 80 % de personnes sans papiers, sans titre de séjour, en situation irrégulière.
J'émets un avis favorable sur ce programme.
M. Jean-François Husson , rapporteur général . - La politique du logement navigue entre deux eaux : elle ne trouve de satisfaction ni avec le logement d'urgence, ni avec le neuf, ni avec la rénovation ou la réhabilitation. Néanmoins, il est difficile de s'y opposer, car elle nourrit des espoirs.
En outre, avec la lutte contre la vacance des logements et les tensions liées à la réforme de la taxe d'habitation et à l'objectif ZAN, nous avons besoin d'une conjonction des bonnes volontés et des efforts. Il s'agit d'inciter le Gouvernement à définir des priorités, et ce avec tous les opérateurs - l'Anah, l'Anru et d'autres encore. On constate un appétit d'habiter dans des zones excentrées par rapport aux villes, qu'il s'agisse de petites villes ou de territoires ruraux dès lors que ceux-ci sont bien desservis.
M. Michel Canévet . - L'accroissement des crédits pourrait laisser croire que l'effort en faveur du logement est important ; or, sur le terrain, on s'aperçoit qu'il n'en est rien. Lorsque nous avons voté la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan), certains pensaient que le regroupement des opérateurs d'HLM conduirait à améliorer l'efficience de la construction dans notre pays ; si l'on suit les données du rapporteur spécial, c'est l'inverse que l'on observe. Cette approche n'est pas la plus efficace pour répondre aux besoins de logements sur notre territoire.
Pour chacun, il est naturellement essentiel de pouvoir se loger. À défaut, se posent des problèmes sociaux et de désinsertion professionnelle. Quels sont les moyens nécessaires pour relancer la politique du logement ?
Concernant Action Logement, plutôt que d'opérer des ponctions sur le budget, ne vaudrait-il pas mieux demander à l'organisme d'accompagner les opérations directement sur les territoires ?
Nos inquiétudes concernent également l'objectif ZAN et son impact sur la construction. Je doute que l'on puisse répondre à tous les besoins en matière de logement, d'autant qu'un certain nombre de locataires, d'ici peu, seront contraints de quitter les logements ne répondant pas aux prescriptions thermiques. Où vont-ils aller si nous n'avons pas la possibilité de les héberger ?
M. Marc Laménie . - Les artisans nourrissent des inquiétudes concernant la rénovation des logements et MaPrimeRénov'. Avec les économies d'énergie à 1 euro par exemple, certaines personnes se font arnaquer. La concurrence est déloyale par rapport aux artisans et aux entreprises du bâtiment.
Des actions intéressantes sont menées dans le cadre de la politique de la ville ; je pense notamment aux cités éducatives. J'observe toutefois que certains programmes ont été plus ou moins abandonnés. Localement, c'est une préoccupation importante.
M. Dominique de Legge . - Concernant le programme 135, je m'inquiète que l'objectif de 250 000 logements sociaux agréés en 2021 et 2022 soit ramené à 100 000 logements. Pouvez-vous nous en dire davantage à la fois sur la manière dont le Gouvernement justifie cette révision à la baisse et sur les besoins nécessaires ? Dans la gestion de cette pénurie, certains secteurs géographiques sont-ils plus particulièrement touchés ?
M. Daniel Breuiller . - Je n'ai pas bien compris, je l'avoue, la politique du Gouvernement en matière de logement.
Dans toutes les zones touristiques et dans beaucoup de métropoles, l'accès au logement pour les primo-accédants, les étudiants et les jeunes couples est de plus en plus retardé, en raison du faible nombre de logements sociaux et aussi d'Airbnb. A-t-on les chiffres du nombre de logements soustraits à la location familiale, au bénéfice de ces locations saisonnières ?
M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur spécial. - Concernant le dispositif ZAN, nous aurons le temps de revenir sur les conséquences financières et fiscales du rapport du CPO. Le ZAN s'entrechoque avec les besoins en logements sociaux de notre pays. Comment construire davantage avec 50 % de foncier en moins dans les dix années à venir ? C'est une question à laquelle nous essaierons de répondre prochainement dans le cadre de la mission conjointe de contrôle présidée par Valérie Létard.
Pour répondre à Michel Canévet, il faut, en effet, commencer à tirer des bilans de la loi Élan. On ne sait pas, par exemple, si les fusions ont bien fonctionné. Nous sommes encore, me semble-t-il, au stade de subir les effets de ces fusions. Il conviendra de procéder à une évaluation.
Quels moyens pour relancer la politique du logement en France ? Dans le rapport, je me suis permis d'insister sur les permis de construire. Il n'y a jamais eu aussi peu de demandes de permis et aussi peu de permis délivrés. C'est un levier intéressant ; il faudrait notamment réfléchir à une simplification des demandes d'autorisation d'urbanisme.
Avec cette nouvelle ponction, il s'agit du énième démembrement d'Action Logement. Par ailleurs, l'Insee demande à ce qu'une partie d'Action Logement soit considérée comme une administration publique, ce qui soumettrait l'organisme aux critères de Maastricht concernant la dette publique et compliquerait beaucoup de choses, ne serait-ce que sa capacité à emprunter.
Le Gouvernement croit beaucoup dans les vertus de la discussion qui va s'ouvrir pour signer une nouvelle convention avec Action Logement, qui a au contraire beaucoup d'inquiétudes. Il serait peut-être temps de crever l'abcès et de sortir de l'ambiguïté. Il serait utile de respecter le paritarisme datant de l'après-guerre, et l'on pourrait demander à Action Logement d'accompagner la politique de logement plutôt que de subir un démembrement.
La montée en puissance de l'Anah doit permettre de porter la rénovation énergétique de manière plus ambitieuse ; mais le contrôle des aides reste un sujet.
Pour répondre à Dominique de Legge, l'objectif était de 250 000 logements sociaux sur deux ans. Le Gouvernement a annoncé 100 000 logements pour chaque année ; en réalité, ce sera moins que cela en logements agréés, sachant que l'agrément ne vaut pas logement réel. La situation est très préoccupante, pour ne pas dire dramatique. En raison de la complexité des procédures, des difficultés pour obtenir des autorisations d'urbanisme, des suites de la crise sanitaire, du coût des matériaux et d'autres freins encore, nous ne répondons pas à la demande de logements sociaux dans notre pays.
Quelle est la politique du Gouvernement en matière de politique de la ville ? Chacun en déduira ce qu'il veut, d'où ma proposition de nous en remettre à la sagesse du Sénat.
La question de la soustraction des logements en zones touristiques est très importante. Concernant Airbnb, nous allons mettre l'accent sur le contrôle. Trop de logements sont dévoyés dans notre pays. Il est grand temps que le législateur se penche sur le sujet. Nous ne savons pas combien de logements sont soustraits à la location familiale - cette question pourrait faire l'objet d'un contrôle.
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis . - Il faut noter que, dans le cadre de la loi Climat et résilience, les résidences touristiques classées F et G thermiquement ne sont pas concernées par l'obligation de rénovation, contrairement aux logements. Certains préféreront donc continuer à louer leur bien par l'intermédiaire d'Airbnb. Il y a là un trou dans la raquette.
M. Claude Raynal , président . - Je ne perçois malheureusement aucun progrès au fil des années. La situation ne s'améliore dans aucun des domaines visés. Les espoirs que nous nourrissons chaque année restent vains.
Par ailleurs, Jean-Baptiste Blanc nous ayant présenté une partie de la mission, après la présentation du rapporteur spécial sur les programmes consacrés à la politique des territoires il y a quelques jours, je cède la parole à Bernard Delcros pour nous rappeler sa proposition.
M. Bernard Delcros , rapporteur spécial de la mission « Cohésion des territoires » sur les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État ». - Pour ma part, je proposais un vote favorable sur les crédits que je rapporte.
La commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » .
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur spécial . - Je suis favorable à l'adoption de cet article.
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 41 ter .
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Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.