Rapport n° 792 (2021-2022) de M. Roger KAROUTCHI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 juillet 2022
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LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
N° 792
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2022
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le projet de
loi,
adopté par l'Assemblée nationale après
engagement de la procédure accélérée,
de
règlement
du
budget
et d'
approbation
des
comptes
de l'
année
2021
,
Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,
Sénateur
TOME II
CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
ANNEXE N° 19
Médias, livre et industries culturelles
COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC
Rapporteur spécial : M. Roger KAROUTCHI
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : |
10 , 16 et T.A. 2 |
Sénat : |
787 (2021-2022) |
LES
PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. La mission « Médias, livre et industries culturelles » est composée de deux programmes :
- le programme 180 « Presse et médias » dont les principaux objectifs visent la vitalité, le pluralisme et le développement de la presse et des médias, notamment au niveau local (276,10 millions d'euros en crédits de paiement exécutés en 2021) ;
- le programme 334 « Livre et industries culturelles » dédié à la diversité et au renouvellement de la création, quels que soient les secteurs (livre, musique, audiovisuel, cinéma et jeu vidéo), et à l'élargissement de la diffusion des oeuvres (469,42 millions d'euros en crédits de paiement exécutés en 2021).
2. Les dépenses de la mission s'élèvent en 2021 à 764,62 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 745,53 millions d'euros en crédits de paiement (CP). La poursuite de la crise sanitaire et l'impact des mesures de restriction sur les activités culturelles ont conduit le Gouvernement à adopter, en cours d'exercice, des mesures d'urgence à destination des secteurs concernés par la mission - principalement le cinéma et la musique -, afin de les aider à faire face à la crise . 145,9 millions d'euros (AE=CP) sont ainsi venus compléter les crédits initialement prévus. En découle un écart substantiel avec la prévision budgétaire retenue en loi de finances pour 2021. En découle, comme en 2020, des taux d'exécution largement supérieurs à 100 % : 122,71 % en AE et 124,81 % en CP.
3. Le montant de la dépense fiscale rattachée à la mission s'élève à 856 millions d'euros en 2021 . 59,8 % de cette dépense, soit 512 millions d'euros, relève du programme 180 « Presse et médias ». Il se concentre sur deux dispositifs d'exonération de TVA (502 millions d'euro), interrogeant en miroir l'efficience de quatre autres dispositifs en faveur des entreprises de presse, qui apparaissent insuffisamment documentés voire inopérants en dépit de leur relance pour accompagner le secteur face à la crise. S'agissant du programme 334 « Livre et industries culturelles », la baisse constatée de la dépense fiscale de 34 millions d'euros en 2021 pose la question de l'efficacité de l'instauration ou de la modernisation de certains dispositifs en lois de finances initiale ou rectificative (crédit d'impôt pour dépense de création audiovisuelle et cinématographique, crédit d'impôt pour dépenses de production déléguées d'oeuvres cinématographique et audiovisuelle).
4. Les crédits exécutés en 2021 en faveur du programme 180 « Presse et Médias » retrouvent un niveau comparable à celui d'avant crise sanitaire : 275,80 millions d'euros en CP. Ce montant n'illustre qu'imparfaitement l'effort de l'État en faveur de la filière, la mission Plan de relance prévoyant en 2021 54,4 millions d'euros en CP , quand bien même ces dispositifs, quoique faiblement utilisés, auraient toute leur place au sein du programme 180 dans le cadre du régime des aides à la presse, à l'image du soutien aux marchands de journaux ou de la majoration des crédits du Fonds stratégique pour le développement de la presse. L'aspect novateur des priorités du plan de filière en faveur de la presse apparait d'ailleurs à relativiser . Plus largement, le rapporteur spécial invite le Gouvernement à dépasser la vision défensive des aides avancée au sein du Plan de relance pour présenter une refonte du régime des aides à la presse écrite à moyen terme , afin d'accompagner la mutation industrielle de celle-ci et lui permettre de répondre au changement des habitudes de lecture et aux incidences de la crise sanitaire. Cette réforme pourrait passer par une simplification des dispositifs existants, avec la mise en place d'une aide unique au titre, évolutive en fonction de son niveau d'accessibilité en ligne, de sa participation à la connaissance et au savoir et de son degré d'indépendance. Un soutien temporaire au portage doit également être mis en oeuvre afin d'alléger la charge financière pesant sur La Poste au titre du soutien au transport postal de la presse.
5. L'exécution 2021 des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles » est une nouvelle fois marquée par la mise en oeuvre de mesures d'urgences destinées à soutenir le secteur de la musique (38 millions d'euros) et celui du cinéma (112 millions d'euros) . Ces crédits sont complétés par ceux prévus par la mission « Plan de Relance » (175 millions d'euros en faveur du Centre national de la musique et 165 millions d'euros en faveur du Centre national du cinéma et de l'image animée). Les crédits versés aux opérateurs n'ont cependant pas pu être dans leur totalité réaffectés (110 millions d'euros en faveur de la musique et 43,8 millions d'euros en faveur du cinéma n'ont ainsi pas été consommés), en raison du versement en fin d'exercice des dotations complémentaires ou de la tenue tardive de commissions d'attribution. Les crédits restants devraient être reversés en 2022. Ces décalages illustrent une forme d'effet d'annonce quant à l'octroi de subventions massives pour faire face à l'urgence. Celle-ci peinent in fine à être consommées rapidement, ce qui interroge sur la fiabilité des prévisions budgétaires fournies au Parlement lors de l'examen des projets de loi de finances initiale ou rectificatives.
6. Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » retrace l'intégralité des crédits destinés aux organismes de l'audiovisuel public. La loi de finances pour 2021 avait fixé le montant total des dépenses des six programmes du compte à 3,72 milliards d'euros, en diminution de 70 millions d'euros par rapport à l'exercice précédent. Pour chacun des programmes, l'exécution est conforme à la prévision de dépenses adoptée en loi de finances initiale. Le rendement de la contribution à l'audiovisuel public a, en revanche, été moins important que celui prévu initialement en loi de finances, les encaissements atteignant 3,19 milliards d'euros, soit un écart - compensé par l'État - de 42,7 millions d'euros avec la cible retenue. Une telle évolution confirme l'absence de dynamique de ce prélèvement, fragilisé à court terme par la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales sur laquelle il est adossé.
7. Les sociétés de l'audiovisuel public ont répondu à la trajectoire d'économies de 190 millions d'euros demandée par le Gouvernement au cours de la période 2018-2022. Cet effort doit cependant être relativisé à l'aune de s apports de l'État en vue d'amortir l'impact de la crise sanitaire (68 millions d'euros en 2021 via la mission « Plan de relance » ou des dotations en capital versées à France Télévisions, Radio France ou France Médias Monde afin de financer les plans de départs volontaires pour 25 millions d'euros en 2021). La trajectoire d'économies illustre d'ailleurs plus une logique de coup de rabot qu'une véritable réflexion stratégique sur le rôle, le périmètre et les missions du service public et n'est pas corrélée à un approfondissement des synergies à mettre en oeuvre (programmes communs France Bleu/France 3, offre numérique unifiée) ou à une politique ambitieuse de diversification des ressources pour France Télévisions (développement de la production interne, développement d'une véritable offre de distribution de droits audiovisuels).
I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2021
A. LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »
1. Une surconsommation des crédits dévolus au programme 334 « Livre et industries culturelles »
La mission « Médias, Livre et industries culturelles » du budget général participe à la mise en oeuvre de l'action du ministère de la culture en faveur du développement et du pluralisme des médias, du secteur du livre et de la lecture, de l'industrie musicale et de la protection des oeuvres sur internet.
Elle est composée de deux programmes aux dotations quasi-équivalentes :
- le programme 180 « Presse et médias » centré sur le renforcement de la vitalité, du pluralisme et du développement de la presse et des médias, notamment au niveau local. Il n'intègre pas les crédits dédiés à l'audiovisuel public, retracés au sein d'un compte de concours financiers spécifique ;
- le programme 334 « Livre et industries culturelles » est dédié à la diversité et au renouvellement de la création, quels que soient les secteurs (livre, musique, audiovisuel, cinéma et jeu vidéo), et à l'élargissement de la diffusion des oeuvres. Les crédits dédiés au cinéma sont constitués, pour l'essentiel, de taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et ne sont donc pas intégrés dans ce programme.
Les dépenses de personnel du ministère de la culture de titre 2 sont inscrites dans le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture » rattaché à la mission « Culture ». Aucun crédit dédié n'est donc recensé au sein de la mission « Médias, Livre et industries culturelles ».
Les dépenses de la mission s'élèvent en 2021 à 764,62 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 745,52 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Ces montants restent très en deçà de ceux constatés en exécution 2020 : 1 147,25 millions d'euros en AE et 1 146,46 millions d'euros en CP. L'exercice précédent avait été marqué par des ouvertures de crédits conséquentes destinées à permettre aux secteurs couverts par la mission de faire face aux incidences de la crise sanitaire.
Les montants consommés en 2021 sont cependant supérieurs à ceux initialement envisagés en 2020 (613,96 millions d'euros en AE et 613,20 millions d'euros), signes d'un renforcement des moyens dédiés à la mission en vue d'accompagner la sortie de crise. Les dotations ont été renforcées avec l'ouverture de crédits supplémentaires en cours d'exercice. 145,9 millions d'euros ont ainsi été dégagés en faveur des secteurs du cinéma (107,9 millions d'euros) et de la musique (38 millions d'euros) afin d'aider les entreprises concernées à faire face à la prorogation des mesures de fermeture en raison des conditions sanitaires. En découlent, comme en 2020, des taux d'exécution largement supérieurs à 100 % : 122,71 % en AE et 124,81 % en CP.
Exécution des crédits de la mission par programme en 2021
(en millions d'euros et en %)
Programme |
Crédits exécutés en 2020 |
Crédits votés LFI 2021 |
Crédits ouverts 2021 |
Crédits exécutés 2021 |
Évolution exécution 2021 / 2020 |
Taux exécution 2021 / LFI 2021 |
|
P. 180 - Presse et médias |
AE |
419,18 |
287,36 |
298,80 |
275,75 |
65,78 % |
95,96 % |
CP |
411,40 |
287,36 |
305,00 |
276,10 |
67,11 % |
98,47 % |
|
P. 334 - Livres et industries culturelles |
AE |
728,07 |
335,73 |
492,88 |
488,87 |
67,15 % |
145,61 % |
CP |
735,06 |
316,93 |
478,04 |
469,42 |
63,86 % |
148,12 % |
|
TOTAL |
AE |
1 147,25 |
623,09 |
791,68 |
764,62 |
66,65 % |
122,71 % |
CP |
1 146,26 |
604,30 |
783,04 |
745,53 |
65,03 % |
123,37 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La surconsommation de crédits affecte uniquement le programme 334 dédié aux industries culturelles, au point d'interroger sur la pertinence d'une ouverture de crédits supplémentaires sur le programme 180 « Presse et médias ». 63 % des CP consommés au sein de la mission le sont au titre de ce programme, alors que la loi de finances initiale prévoyait que celui-ci ne concentre que 53 % des CP.
Répartition par programme
des crédits
de paiement consommés en 2021
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La réserve de précaution du programme 334 (8,3 millions d'euros en AE et 7,5 millions d'euros en CP) a été partiellement dégelée en fin de gestion à hauteur de 6,81 millions d'euros en AE et 6,05 millions d'euros en CP. A l'inverse, les crédits gelés au titre de celle du programme 180 (11,49--millions d'euros AE = CP) ont été intégralement annulés.
Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2021
(en millions d'euros)
Prog. |
LFI 2021 |
Fonds de concours |
Décrets de virement |
Arrêtés de report |
Décrets de transfert /dépenses accidentelles |
Loi de finances rectificatives |
Total ouvertures et annulations |
Crédits ouverts |
Exécution 2021 |
Écart consommé/ crédits alloués en LFI |
|
P180 |
AE |
287,36 |
- |
- |
32,71 |
- |
-21,26 |
11,45 |
298,80 |
275,75 |
-11,61 |
CP |
287,36 |
- |
- |
38,91 |
- |
-21,26 |
17,65 |
305,00 |
276,10 |
-4,29 |
|
P334 |
AE |
335,73 |
1,48 |
0,67 |
10,58 |
118 |
26,42 |
157,15 |
492,88 |
488,87 |
153,14 |
CP |
316,93 |
1,48 |
0,67 |
14,54 |
118 |
26,42 |
161,11 |
478,04 |
469,42 |
152,49 |
|
Total mission |
AE |
623,09 |
1,48 |
0,67 |
43,29 |
118 |
5,16 |
168,60 |
791,68 |
764,62 |
141,53 |
CP |
604,30 |
1,48 |
0,67 |
53,45 |
118 |
5,16 |
178,76 |
783,04 |
745,53 |
141,23 |
Note de lecture : les chiffres présentés n'intègrent pas les ajustements techniques prévus par le présent projet de loi de règlement.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
2. De nouveaux crédits ouverts pour les opérateurs rattachés à la mission
Quatre opérateurs sont rattachés au programme 334 « Livre et industries culturelles » : la Bibliothèque nationale de France (BnF), la Bibliothèque publique d'information (BPI), le Centre national de la musique (CNM) et le Centre national du livre (CNL). Aucun opérateur n'est rattaché au programme 180 « Presse et médias ».
Par ailleurs, bien que rattaché au programme 334, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) n'est pas, en principe, financé sur des crédits budgétaires et bénéficie de l'affectation du produit de taxes, non soumises à un plafond d'affectation :
- la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E) et par les distributeurs de services de télévisions (TST-D), assise sur les revenus publicitaires ;
- la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) ;
- la taxe sur les entrées en salle de cinéma.
Pour aider le secteur à faire face à la prolongation de la crise sanitaire, le CNC a perçu en 2021 112 millions d'euros (AE=CP) depuis le programme 334. L'établissement public avait déjà perçu 147 millions d'euros au cours du précédent exercice.
Montant des crédits versés aux
opérateurs rattachés
au programme 334 « Livres et
industries culturelles » en 2020 et en 2021
1
(
*
)
(en millions d'euros)
Exécution 2020 |
Prévision LFI 2021 |
Exécution 2021 |
||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
Bibliothèque nationale de France (BnF) |
208,20 |
208,20 |
246,89 |
216,88 |
242,36 |
214,08 |
Bibliothèque publique d'information (BPI) |
10,92 |
9,38 |
7,26 |
10,44 |
7,08 |
10,13 |
Centre national du livre (CNL) |
53,63 |
53,63 |
24,72 |
24,72 |
23,62 |
23,62 |
Centre national de la musique (CNM) |
161,03 |
161,03 |
15,79 |
15,79 |
58,32 |
58,32 |
Total |
433,78 |
432,24 |
294,66 |
267,83 |
331,38 |
306,15 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
L'écart constaté entre les dotations initialement prévues pour les quatre opérateurs du programme 334 et les crédits effectivement consommés - 38,32 millions d'euros en CP - tient pour l'essentiel à l'ouverture de crédits supplémentaires en faveur du Centre national de la musique, afin qu'il maintienne son soutien aux entreprises musicales affectées par la prolongation des mesures sanitaires.
Écart entre les crédits de paiement
prévus en LFI en 2021
pour les opérateurs du programme 334 et
ceux effectivement consommés
2
(
*
)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
3. Une multiplicité de dispositifs fiscaux dont l'efficience est sujette à caution
Le montant de la dépense fiscale rattachée à la mission est estimé à 856 millions d'euros en 2021.
59,8 % de cette dépense relève du programme 180. Le montant de la dépense fiscale afférente au dit programme s'est élevé à 512 millions d'euros en 2021 , enregistrant une progression de 21 millions d'euros par rapport à 2020 et de 30 millions d'euros par rapport à la cible retenue en loi de finances.
L'essentiel de cette dépense relève de la TVA applicable aux abonnements souscrits pour recevoir des services de télévision (taux réduit de 10 %) et aux publications de presse (taux réduit de 2,1 %). Le cumul de ces deux réductions est estimé à 502 millions d'euros.
L'État prend également en charge deux dépenses relevant de la fiscalité locale : les exonérations de cotisation sur la valeur ajoutée et de cotisation foncière des entreprises en faveur des diffuseurs de presse spécialistes (8 millions d'euros au total en 2021).
Le solde - environ 2 millions d'euros - relève de quatre dispositifs : déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse, exonération des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif, réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de presse et crédit d'impôt au titre du premier abonnement à une publication d'information politique et générale. Le caractère marginal de ces dépenses fiscales laisse songeur quant à l'efficacité de ces dispositifs. Ceux-ci avaient pourtant été modernisés en loi de finances pour 2021 : les plafonds applicables pour les versements des particuliers au capital d'entreprises de presse effectués à partir du 1 er janvier 2021 ont été doublés 3 ( * ) et le principe d'une réduction d'impôt équivalant à 25 % du montant d'une souscription au capital d'une société de presse a été rétabli pour les opérations intervenant entre le 1 er janvier 2021 et le 31 décembre 2024 4 ( * ) .
Le rapporteur spécial s'interroge également sur le crédit d'impôt relatif au premier abonnement instauré en troisième loi de finances rectificative pour 2020 5 ( * ) . Ce dispositif est censé permettre d'augmenter le lectorat et de faciliter ainsi un redémarrage du marché publicitaire tout en garantissant un flux de trésorerie pour les entreprises de presse. Le dispositif avait été modifié lors des débats à l'initiative du Sénat afin de le rendre plus attractif en supprimant toute condition de revenus et de plafond de 50 euros, tout en ramenant la prise en charge à 30 % du montant de l'abonnement, contre 50 %. Il est accordé une fois pour un même foyer fiscal jusqu'au 31 décembre 2022. Le coût de la dépense fiscale en année pleine est évalué à 60 millions d'euros. Reste que ce crédit d'impôt a été déclaré conforme au droit de l'Union européenne en matière d'aides d'État par la Commission européenne le 16 avril 2021 et n'a donc pu entrer en vigueur que le 9 mai suivant. Cette entrée en vigueur tardive justifie pour partie l'absence d'évaluation de la dépense dans le présent rapport annuel de performances. Le rapporteur spécial relève également que le dispositif apparaît pour l'heure mal connu et ne fait pas partie des arguments présentés par les éditeurs dans les offres d'abonnement.
Il rappelle plus largement les réserves exprimées à l'occasion de sa mission de contrôle budgétaire sur les aides à la presse réalisée en 2021 quant à la dépense fiscale en faveur de la presse. Les effets de celle-ci apparaissent incertains ou, à tout le moins, insuffisamment documentés.
Montant de la dépense fiscale rattachée
au programme 180
en 2020 et 2021
(en millions d'euros)
2020 |
2021 |
|
Taux réduit de TVA applicable aux abonnements souscrits pour recevoir des services de télévision |
335 |
350 |
Taux réduit de TVA applicable aux publications de presse |
144 |
152 |
Exonération de cotisation sur la valeur ajoutée en faveur des de diffuseurs de presse spécialistes |
5 |
5 |
Exonération de cotisation foncière des entreprises en faveur des de diffuseurs de presse spécialistes et |
5 |
3 |
Déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse |
1 |
1 |
Exonération des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif |
1 |
1 |
Réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de presse |
< 0,5 |
Dispositif abrogé |
Application d'une assiette réduite pour le calcul de la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision |
< 0,5 |
< 0,5 |
Crédit d'impôt sur le revenu au titre du premier abonnement |
- |
NC |
Total |
491 |
512 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La dépense fiscale rattachée au programme 334 couvre, quant à elle, 5 dispositifs : crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques, crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles, crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles engagées par des entreprises de production exécutive établies hors de France, réduction d'impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital de sociétés anonymes agréées ayant pour seule activité le financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles et crédit d'impôt pour la production phonographique.
Le montant de la dépense fiscale est établi à 344 millions d'euros en 2021, soit une diminution de 34 millions d'euros par rapport à 2020.
Montant de la dépense fiscale rattachée au programme 334 en 2020 et 2021
(en millions d'euros)
2020 |
2021 |
|
Crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques |
113 |
85 |
Crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles |
148 |
140 |
Crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles engagées par des entreprises de production exécutive établies hors de France |
73 |
77 |
Réduction d'impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital de sociétés anonymes agréées ayant pour seule activité le financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles |
27 |
25 |
Crédit d'impôt pour la production phonographique |
17 |
17 |
Crédit d'impôt pour dépenses de création audiovisuelle et cinématographique |
- |
Non communiqué |
Total |
378 |
344 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
A ces dispositifs, s'ajoute le crédit d'impôt pour dépense de création audiovisuelle et cinématographique introduit à l'occasion de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 6 ( * ) et destiné à soutenir l'investissement des éditeurs de services de télévision en la matière face à la crise sanitaire. Le rapporteur spécial relève que l'évaluation de ce mécanisme n'est pas permise aux termes du rapport annuel de performances, faute d'information communiquée. Le décret d'application prenant acte de la validation du dispositif par la Commission européenne est quant à lui publié un mois plus tard, le 15 juin 2021 7 ( * ) , soit près de dix mois et demi après l'adoption d'une mesure censée répondre à une situation d'urgence. Ce délai assez long interroge sur l'efficience du dispositif et son caractère incitatif, faute de précision rapide sur sa compatibilité au droit européen.
Les articles 118 et 145 de la loi de finances pour 2021 avaient, de leur côté, aménagé le crédit d'impôt pour dépenses de production déléguées d'oeuvres cinématographique et audiovisuelle, prévu à l'article 220 sexie s du code général des impôts, afin de l'étendre aux oeuvres d'adaptation audiovisuelle de spectacle et majorer son taux, s'agissant des oeuvres documentaires. Le rapporteur spécial note que l'exécution n'a pu illustrer un quelconque effet sur le recours à ces dispositifs ainsi amendés, le décret mettant à jour la liste des dépenses éligibles au crédit d'impôt, créant un barème spécifique permettant de déterminer les oeuvres d'adaptation audiovisuelle de spectacles qui y sont éligibles et fixant la date d'entrée en vigueur des dispositions visant les oeuvres documentaires n'ayant été adopté qu'en fin d'année 2021 8 ( * ) .
Le rapporteur spécial s'interroge également sur l'absence dans le montant retenu en 2021 de la dépense fiscale liée au crédit d'impôt « jeux vidéo » qui vise les dépenses afférentes à la création de ce type de programme (le CNC en charge de l'agrément table sur une dépense fiscale de 63 millions d'euros en 2021).
B. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »
Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » retrace l'intégralité des crédits destinés aux organismes de l'audiovisuel public . Il comprend :
- en recettes , le produit de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) et le montant des dégrèvements de CAP pris en charge sur le budget général de l'État. Les frais d'assiette et de recouvrement et le montant des intérêts sur les avances sont déduits ;
- en dépenses , le montant des avances accordées aux organismes de l'audiovisuel public.
Les dépenses sont réparties au sein de six programmes, correspondant aux différentes sociétés de l'audiovisuel public (France Télévisions, Arte France, Radio France, France Médias Monde, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et TV5 Monde).
En ce qui concerne les recettes, l'exercice 2021 a été marqué par une nouvelle activation du mécanisme de garantie des ressources de l'audiovisuel public . Ce dispositif permet, si l'encaissement de la CAP s'avère inférieur aux prévisions, de compenser cet écart par des crédits budgétaires à due concurrence 9 ( * ) . Le rendement prévu en loi de finances pour 2021 était établi à 3 231,1 millions d'euros, le montant de dégrèvements pris en charge par l'État étant fixé à 487,9 millions d'euros. Le rendement effectif s'est traduit par un écart de 42,7 millions d'euros avec la cible retenue (111,4 millions d'euros en 2020), l'encaissement de la CAP atteignant 3 188,6 millions d'euros. Le montant des dégrèvements pris en charge par le budget général a, dans ces conditions, été porté à 530,6 millions d'euros (653,5 millions d'euros en 2020).
Une telle évolution confirme l'absence de dynamique de ce prélèvement, fragilisé à court terme - 1 er janvier 2023 - par la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales sur laquelle il est adossé. Comme l'a relevé la mission conjointe de contrôle menée par la commission des finances et la commission de la culture, de l'éducation et de la communication en juin 2022, l'absence d'alternative fiscale crédible (adossement sur l'impôt sur le revenu, contribution universelle, affectation d'une fraction de TVA) conduit aujourd'hui à repenser intégralement le mode de financement de l'audiovisuel public 10 ( * ) .
La loi de finances pour 2021 avait fixé le montant total des dépenses des six programmes du compte de concours financiers à 3,72 milliards d'euros, en diminution de 70 millions d'euros par rapport à l'exercice précédent. Cette diminution est conforme à la trajectoire d'économie de 190 millions d'euros demandée aux sociétés de l'audiovisuel public sur la période 2018-2022.
Évolution du montant des crédits des
programmes
du compte de concours financiers « Avances à
l'audiovisuel public »
de 2016 à 2021
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Pour chacun des programmes, l'exécution est conforme à la prévision de dépenses adoptée en loi de finances initiale.
II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. 2021 a constitué le dernier exercice avant réforme des aides à la presse
L'exécution des crédits dédiés au programme 180 en 2021 - 275,80 millions d'euros en CP - retrouve un niveau comparable à celui observé avant la crise sanitaire : 281,58 millions d'euros en CP avaient ainsi été consommés en 2019.
Ce retour à la normale - 411,40 millions d'euros en CP avaient été consommés en 2020 - ne doit pas occulter la poursuite via la mission Plan de relance d'un soutien renforcé au secteur, particulièrement affecté par la crise sanitaire. Le programme 363 - Compétitivité de la mission Plan de relance - prévoyait en effet 109 millions d'euros en AE et 54,4 millions d'euros en CP pour la filière presse en 2021. Ces crédits devaient permettre de financer :
- un plan pour accompagner la transition écologique du secteur de la presse et les changements de pratique dans l'imprimerie (15,9 millions d'euros en AE et 7,9 millions d'euros en CP) ;
- la majoration des crédits alloués au Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) afin d'améliorer la compétitivité et l'attractivité du secteur (45 millions d'euros en AE et 22,5 millions d'euros en CP) ;
- un soutien aux marchands de journaux sur le territoire et la mise en place d'un fonds pour la résorption de la précarité dans ce secteur d'activité (48 millions d'euros en AE et 24 millions d'euros en CP).
Exécution des crédits prévus par le Plan de relance en faveur de la presse
(en millions d'euros)
Dispositif |
Montant prévu en LFI 2021 |
Montant exécuté en 2021 |
Taux de consommation |
|
Transition écologique |
AE |
15,9 |
2,3 |
14,5 % |
CP |
7,9 |
0,9 |
11,4 % |
|
Majoration des crédits du FSDP |
AE |
45 |
19,3 |
42,9 % |
CP |
22,5 |
4,4 |
19,6 % |
|
Soutien aux marchands de journaux |
AE |
48 |
13,7 |
28,5 % |
CP |
24 |
12,9 |
53,8 % |
|
Total |
AE |
109 |
35,3 |
32,4 % |
CP |
54,4 |
18,2 |
33,5 % |
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Le taux d'exécution relativement faible - 32,4 % en AE et 33,5 % en CP - des crédits dédiés à ces dispositifs de relance interrogent quant à leur utilité.
Ces dotations s'intégraient, en tout état de cause, dans le plan filière de 377 millions d'euros sur deux ans présenté par le Président de la République le 27 août 2020. Cette somme couvre les nouvelles lignes budgétaires créées en loi de finances pour 2021, et une partie des crédits dégagés en troisième loi de finances rectificative pour 2020. Elle intègre également la dépense fiscale liée à la création du crédit d'impôt au titre d'un premier abonnement.
Le rapporteur spécial s'interroge sur la pertinence d'avoir intégré au programme 363 « Compétitivité » des dispositifs qui auraient toute leur place au sein du programme 180 « Presse et Médias », dans le cadre du régime des aides à la presse, à l'image du soutien aux marchands de journaux ou de la majoration des crédits du FDSP.
Par ailleurs, sans mésestimer l'importance de ces dispositifs afin de soutenir un secteur qui affronte une crise à la fois structurelle (révolution des habitudes de lecture) et conjoncturelle (impact de la pandémie), il convient de relativiser l'aspect novateur des priorités du plan de filière en faveur de la presse. Une partie des crédits dédiés à la presse sont fléchés vers un plan réseau imprimerie (PRIM) destiné à accélérer le départ de 1 553 salariés du secteur de l'imprimerie, soit près de 60 % des effectifs actuels. Le rapporteur spécial constate que le PRIM relève avant tout d'un gigantesque plan social ciblant les imprimeries et ne correspond pas véritablement à l'objectif de rebond affiché. Les crédits initialement agrégés au Plan de relance ont d'ailleurs été transférés en cours de gestion 2021 vers le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » (31 millions d'euros en AE et 15,5 millions d'euros en CP).
Cette vision, en large partie défensive, des aides à la presse illustre une nouvelle fois le décalage entre les défis, notamment industriels, auxquels est confronté le secteur d'un côté et la nature actuelle des aides et leurs modalités d'attribution. Il s'agit désormais de porter une vaste réforme des aides à la presse comme l'avait esquissé le rapporteur spécial dans son rapport de contrôle budgétaire en 2021 11 ( * ) . . Celle-ci doit notamment aboutir à une simplification des dispositifs existants avec la mise en place d'une aide unique au titre, évolutive en fonction de son niveau d'accessibilité en ligne, de sa participation à la connaissance et au savoir et de son degré d'indépendance. Un soutien temporaire au portage doit également être mis en oeuvre afin d'alléger la charge financière pesant sur La Poste au titre du soutien au transport postal de la presse. La réforme de l'aide à la distribution mise en oeuvre à partir de 2022 va à cet égard dans le bon sens, tant elle devrait à terme favoriser les réseaux de portage et diminuer l'intervention de l'État. Elle doit désormais être complétée.
2. Une prolongation du soutien aux opérateurs en vue de faire face à la crise complétée par la poursuite du déploiement du Plan de relance
Le Centre national de la musique et le Centre national du cinéma et de l'image animée ont bénéficié en 2021 de dotations complémentaires en vue de leur permettre de faire face à la poursuite de la crise sanitaire et des mesures de restriction concomitantes.
Ces crédits sont venus compléter ceux prévus par la mission Plan de relance, dont le programme 363 « Compétitivité » prévoit différents dispositifs de soutien :
- 210 millions d'euros en AE et 175 millions d'euros en CP destinés à la filière musicale ;
- 165 millions d'euros (AE = CP) pour la filière cinéma et audiovisuel ;
- 140 millions d'euros en AE et 70 millions d'euros en CP pour la filière presse ;
- 53 millions d'euros en AE et 29,5 millions d'euros en CP pour la filière livre ;
- une stratégie d'avenir pour l'ensemble des industries culturelles et créatives (ICC), dotée de 19 millions d'euros en AE et 17,5 millions d'euros en CP.
Répartition des crédits de paiement du
Plan de relance
par secteur en 2021
(en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
La dotation budgétaire du Centre national de la musique - 15,79 millions d'euros initialement prévus - a ainsi atteint en 2021 261,39 millions d'euros .
Évolution de la dotation budgétaire du Centre national de la musique en 2021
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Si ce soutien mérite d'être salué, il convient de relever que 110 millions d'euros n'ont pas, au terme de l'exercice 2021, été consommés. Cette sous-exécution est justifiée par :
- le report en 2022 d'engagements et de paiements correspondant à des aides attribuées par des commissions réunies en fin d'année 2021 ;
- la reprogrammation d'une partie des dotations en 2022 en raison d'une reprise d'activité du secteur plus tardive qu'initialement envisagée.
Le Centre national du cinéma et de l'image animée a également bénéficié d'importants crédits budgétaires en 2021 tant par le biais du programme 334 (80 millions d'euros en mai 2021 afin d'accompagner la réouverture des salles puis 32 millions d'euros en novembre 2021 afin d'accompagner la mise en oeuvre du pass sanitaire) que par celui de la mission Plan de relance (165 millions d'euros, AE = CP).
Là encore, l'exécution fait apparaître un solde de 43,8 millions d'euros, résultat d'un décalage entre le versement des dotations à l'opérateur et l'attribution effective des subventions à leurs bénéficiaires. Celle-ci devait se poursuivre début 2022.
Le rapporteur spécial relève que ces décalages illustrent une forme d'effet d'annonce quant à l'octroi de subventions massives pour faire face à l'urgence. Celle-ci peinent in fine à être consommées rapidement, ce qui interroge sur la fiabilité des prévisions budgétaires fournies au Parlement lors de l'examen des projets de loi de finances initiale ou rectificatives.
3. L'audiovisuel public face au défi de son financement
Les sociétés de l'audiovisuel public ont répondu à la trajectoire d'économies de 190 millions d'euros demandée par le Gouvernement au cours de la période 2018-2022.
Montant annuel des économies demandées
aux sociétés de l'audiovisuel public
entre 2019 et
2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La trajectoire a été revue s'agissant de 2021 afin de prendre en compte la prolongation de France 4, qui devait initialement être supprimée à l'automne 2020. La trajectoire d'économie pour France Télévisions a donc été allégée de 10 millions d'euros.
Cette trajectoire doit également être relativisée à l'aune des efforts consentis par ailleurs par l'État pour amortir les conséquences de la crise sanitaire. Le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » prévoit une dotation de 73 millions d'euros (AE = CP), répartie sur les exercices 2021 et 2022. Cet apport vise à appuyer le rôle de soutien à la création en compensant à la fois le recul des ressources publicitaires, le report sur 2021 d'un certain nombre de charges et la progression des dépenses supplémentaires liées à la gestion de la crise sanitaire (aménagements des locaux, achats de masques et de gel etc.). L'enveloppe dédiée à France télévisions au sein de cette aide correspond ainsi au montant des pertes publicitaires enregistrées en 2020 (45 millions d'euros). 68 millions d'euros ont été versés dès 2021. Le solde de 5 millions d'euros devrait être affecté à Radio France en 2022, après un premier versement de 15 millions d'euros en 2021. Cette aide complémentaire vise à répondre à l'impact durable de la crise sur ses formations musicales.
Crédits affectés aux
sociétés audiovisuelles publiques par la
mission
« Plan de relance » en 2021 et 2022
(en millions d'euros)
2021 |
2022 |
Total 2021-2022 |
|
France Télévisions |
45 |
- |
45 |
Arte |
5 |
- |
5 |
Radio France |
15 |
5 |
20 |
France Médias Monde |
0,5 |
- |
0,5 |
Institut national de l'audiovisuel |
2 |
- |
2 |
TV5 Monde |
0,5 |
- |
0,5 |
Total |
68 |
5 |
73 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
L'État a, par ailleurs, pris sa part dans le financement des plans de départs volontaires induits par la trajectoire d'économie. Cet apport financier prend la forme d'une augmentation de capital en année n+1 venant financer 2/3 du coût des départs effectués en année n dans la limite de 67 000 euros par départ. Le montant de ces dotations a atteint 25 millions d'euros en 2021.
Dotations en capital attribuées aux sociétés de l'audiovisuel public en vue de financer les plans de départs volontaires
(en millions d'euros)
2020 |
2021 |
2022 |
Total 2020-2022 |
|
France Télévisions |
17 |
15,2 |
14,9 |
47,1 |
Radio France |
2 |
9,8 |
6,6 |
18,4 |
France Médias Monde |
1,6 |
1,6 |
||
Total |
19 |
25 |
23,1 |
67,1 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la direction générale des médias et des industries culturelles
La mise en oeuvre de plan de départs volontaires tend à accréditer l'idée que la trajectoire d'économie relève avant tout de la logique de rabot que d'une vraie réflexion sur le périmètre et les missions de ces entreprises. Elle éclaire l'absence de stratégie claire du Gouvernement depuis l'abandon de la réforme de la gouvernance de l'audiovisuel public en mars 2020. Le rapporteur spécial, dans la lignée de la mission conjointe de contrôle qu'il a menée avec la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, relève qu'une source d'économie aurait pu consister en un approfondissement de la mise en oeuvre de projets communs 12 ( * ) . Pourtant considérées comme prioritaires dans les contrats d'objectifs et de moyens 2019-2022, les coopérations sont restées embryonnaires dans le numérique quand les matinales communes à France 3 et France Bleu peinent à se mettre en place.
La stratégie de diversification des ressources peine par ailleurs à s'incarner s'agissant de France Télévisions. Comme l'a noté le rapporteur spécial à l'occasion de sa mission de contrôle sur les filiales et les prises de participations de France Télévisions en juin 2022 13 ( * ) , la part de production dépendante n'atteint pas le plafond actuellement retenu de 17,5 % des investissements du groupe public dans la production. France Télévisions indique que la part dépendante représente actuellement 13 % de son investissement, la moitié de ces financements étant fléchés vers la production du feuilleton « Un si grand soleil », dont le potentiel en matière d'exploitation sur d'autres supports que le linéaire ou d'exportation apparaît très limité. L'absence de politique ambitieuse en matière de distribution fragilise également l'obtention de nouvelles ressources financières. Sur les cinq dernières années, la filiale france.tv distribution ne possédait déjà que 40 % des mandats de commercialisation des oeuvres coproduites par France Télévisions.
Il existe donc des gisements de recettes insuffisamment exploités qui implique une véritable réflexion stratégique, qui aille plus loin que des prises de participations hasardeuses à l'image de SALTO. S'il apparaît illusoire de faire de France Télévisions un concurrent de la BBC en matière de production, compte tenu à la fois des différences de moyens, de l'avantage linguistique que constitue l'anglais ou de la différence réglementaire, force est de constater que la montée en puissance du service public dans la production apparaît plus que relative. Pour mémoire, si BBC Studios a réalisé 1,2 milliard d'euros de livres de chiffres d'affaires en 2021, remontant 151 millions de livres de profit à la BBC, les filiales de France Télévisions dédiées à la production et à la distribution (france.tv studio et france.tv distribution) ont réalisé 163,1 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2021, 14,5 millions d'euros étant redistribués vers France Télévisions.
* 1 Ce tableau n'intègre pas les crédits versés à ces opérateurs au titre d'autres programmes.
* 2 Ce graphique n'intègre pas les crédits versés à ces opérateurs au titre d'autres programmes.
* 3 Article 114 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
* 4 Article 147 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
* 5 Article 2 de la loi n°2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.
* 6 Article 49 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020
* 7 Décret n° 2021-764 du 15 juin 2021 fixant la date d'entrée en vigueur des dispositions du I de l'article 49 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 relatives au crédit d'impôt pour dépenses de création audiovisuelle et cinématographique, redevances versées aux organismes de gestion collective et rémunérations versées directement aux auteurs.
* 8 Décret n° 2021-1854 du 28 décembre 2021 pris pour l'application des articles 118 et 145 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
* 9 Le mécanisme de garantie des ressources a été activé pour la première fois en 2010. Il a également permis de garantir le niveau de ressources de l'audiovisuel public en 2016, en 2017 puis en 2019 et en 2020.
* 10 « Changer de cap pour renforcer la spécificité, l'efficacité et la puissance du service public », Rapport d'information n° 651 (2021-2022) de MM. Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finance - 8 juin 2022.
* 11 Vitamine ou morphine : quel avenir pour les aides à la presse écrite ? Rapport d'information de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances n° 692 (2020-2021) - 16 juin 2021.
* 12 « Changer de cap pour renforcer la spécificité, l'efficacité et la puissance du service public », Rapport d'information n° 651 (2021-2022) de MM. Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finance - 8 juin 2022.
* 13 Plus belle France Télévisions ? Une stratégie commerciale en questions. Rapport d'information de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances n° 650 (2021-2022) - 8 juin 2021.