EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE IER

Dispositions modifiant le code rural et de la pêche maritime
Article 1er (non modifié)

Possibilité de cumuler les indemnisations dues au titre des contrats d'assurance multirisque climatique et les indemnisations fondées sur la solidarité nationale

Cet article permet aux exploitants agricoles de cumuler, contrairement à aujourd'hui, des indemnisations dues au titre de leur contrat d'assurance récolte avec des aides publiques au titre de la solidarité nationale.

La commission propose d'adopter l'article sans modification.

I. La situation actuelle - Une exclusion des exploitants des cultures assurables du système des calamités agricoles, source d'incompréhension et d'injustice, freinant ainsi la diffusion de la culture de l'assurance dans le monde agricole

i) un dispositif d'intervention publique historiquement mis en place pour faire monter en puissance le système assurantiel, en s'appuyant sur des contributions des agriculteurs et la solidarité nationale

Pour les agriculteurs, la gestion des risques n'est pas un fait nouveau. Exposés aux risques climatiques, économiques, géopolitiques ou encore sanitaires, ils ont mis en place plusieurs outils pour s'en prémunir au maximum, avec le soutien des pouvoirs publics pour les dispositifs indemnitaires.

Concernant le risque climatique, le législateur a proposé depuis 1964 un original système hybride, cofinancé par les exploitants eux-mêmes et la solidarité nationale, pour indemniser les exploitants des pertes de production consécutives à une calamité agricole, tout en les incitant à mieux s'assurer.

La loi n° 64-406 du 10 juillet 1964 organisant un régime de garantie contre les calamités agricoles a donné naissance à un fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), chargé d'indemniser les dommages matériels non assurables d'importance exceptionnelle causés aux exploitations agricoles par les calamités agricoles.

Financé pour moitié par des contributions complémentaires des agriculteur s assises sur les primes et cotisations afférentes aux conventions d'assurance qu'ils souscrivent ainsi que, pour l'autre moitié, par une subvention inscrite en loi de finances , le fonds ainsi créé entendait assurer un principe essentiel de cofinancement du risque extrême en agriculture, reposant à la fois sur les agriculteurs et la solidarité nationale, dans une logique de mutualisation.

Malgré quelques ajustements législatifs opérés jusqu'en 2010, date à laquelle le FNGCA est renommé « fonds national de gestion des risques en agriculture » (FNGRA) en raison d'un changement de périmètre de ses missions, le dispositif n'a pas considérablement évolué, à tel point que le fonds constitue aujourd'hui un outil essentiel, reconnu comme tel par les exploitants, partout en France.

Il a indemnisé pour près de 169 millions d'euros chaque année les exploitants entre 2018 et 2020.

Toutefois, dès la mise en place du système dessiné dans la loi de 1964, le législateur a affiché sa volonté d'évoluer vers un modèle où l'assurance prenait une place importante dans la gestion des risques en agriculture .

L'article 1 er de la loi disposait que le fonds national de garantie des calamités agricoles chargé d'indemniser les dommages matériels causés aux exploitations agricoles par les calamités était chargé, en outre, de « favoriser le développement de l'assurance contre les risques agricoles . 1 ( * ) ». L'article 5 prévoyait la prise en charge, pendant une période minimale de sept années, la prise en charge par le fonds d'une part de primes et cotisations d'assurance afférente à ces risques, de manière dégressive et variable selon l'importance du risque et la nature des cultures, sans que cette intervention ne puisse excéder 50 % de la prime la première année et 10 % la dernière année.

Malgré cette ambition clairement affichée, l'assurance peine à se développer.

L'agriculteur peut tout d'abord souscrire une assurance mono-risque, majoritairement employée contre le risque de grêle. Les contrats assurantiels correspondants peuvent également offrir une garantie complémentaire en cas de gel. L'assurance grêle a surtout pour objet de couvrir la perte de quantité sur la récolte, mais peut également couvrir en option la perte de qualité. Toutes les cultures peuvent être assurées. Pour des raisons historiques et économiques, ce modèle a fait preuve de sa performance tant pour les assureurs que pour les exploitants et couvre aujourd'hui près 35 % des surfaces hors prairie sans aucun soutien public. Entre 2015 et 2020, les assureurs ont versé près de 100 M€ chaque année au titre des sinistres couverts par les contrats d'assurance des exploitants agricoles contre la grêle.

Néanmoins, depuis 2005, les pouvoirs publics ont décidé de concentrer leur soutien sur une assurance récolte couvrant plusieurs risques climatiques, à la fois pour mieux assurer les agriculteurs et pour favoriser la mutualisation des risques chez les assureurs . Cette assurance contre les pertes de récolte, dite assurance multirisque climatique (MRC), étant largement subventionnée par les pouvoirs publics dans la limite de 65 % du montant total de la prime (article L. 361-4 du code de rural et de la pêche), a un contenu minimal (dit « contrat socle ») encadré par les pouvoirs publics.

Après une phase de progression indéniable, surtout dans la viticulture, le taux de diffusion de ces contrats marque le pas dans les filières grandes cultures, légumes et viticulture, tandis qu'il peine à répondre aux attentes des éleveurs et arboriculteurs, entraînant mécaniquement, faute d'une diffusion suffisante, un niveau de prime très élevé.

Chaque année, les assureurs ont versé près de 390 millions d'euros de dommages aux exploitants pour les campagnes 2015-2020 .

ii) depuis 2010, l'incitation à passer vers un système assurantiel s'est transformée en exclusion du champ d'intervention du FNGRA de certains risques estimés assurables

Pour accélérer le mouvement vers l'assurance récolte, depuis 2010, un système dual a été mis en place, rendant inéligibles à l'indemnisation par le FNGRA au titre des calamités agricoles les cultures et risques dits « assurables » . Cette volonté d'assurer une meilleure articulation entre intervention publique directe et assurance privée subventionnée avait vocation à aboutir à une extinction progressive de l'intervention publique au fur et à mesure du développement de la MRC dans les différentes filières jusqu'à présent peu couvertes.

Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 361-5, les risques considérés comme assurables sont ceux « pour lesquels il existe des possibilités de couverture au moyen de produits d'assurance et qui sont reconnus comme tels par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'économie et du budget » . L'arrêté prend en compte le taux de diffusion suffisant de ces produits au regard des biens concernés.

L'arrêté du 29 décembre 2010 exclut ainsi les risques jugés assurables.

Pour les pertes de récoltes, il exclut tous les risques sur les filières où le taux de pénétration de l'assurance est jugé comme suffisant à savoir tous les céréales, oléagineux, protéagineux, plantes industrielles (dont les semences) et les vignes.

Il exclut également certains risques assurables comme la grêle, étendu au risque de vent, sur toutes les cultures végétales, y compris les cultures sous abris et les pépinières, à l'exception des pertes de récolte sur cultures fourragères.

Pour les pertes de fonds, sont exclus les dommages liés aux risques climatiques sur les bâtiments, y compris les abris, ou sur les équipements d'irrigation ainsi que les risques de grêles sur les installations de protection contre la grêle, les risques de foudre sur le cheptel ou de chaleur pour le cheptel dans les bâtiments.

Par conséquent, les prairies, l'arboriculture, le maraîchage et les légumes, les pépinières demeurent éligibles au régime des calamités agricoles (ainsi que l'apiculture, l'ostréiculture et l'héliciculture), dès lors qu'elles n'ont pas souscrit de contrats d'assurance récolte.

Il en résulte un système dual, privilégiant exclusivement pour les exploitants de certaines filières le recours à des contrats d'assurance récolte, en les excluant du régime des calamités agricoles, tandis que d'autres exploitants, relevant de ce régime, n'ont pas d'incitation claire à souscrire à des contrats d'assurance.

iii) Le changement climatique met en péril la viabilité du système de gestion des risques en agriculture

L'évolution des aléas liée au changement climatique est clairement mesurée par les agriculteurs depuis plusieurs années, et confirmée depuis des études récentes :

- le réchauffement climatique induit des cultures plus précoces : les vendanges ont lieu 18 jours plus tôt qu'il y a 40 ans, la tendance étant identique pour certains semis (le maïs par exemple) ou la floraison d'arbres fruitiers. Ce phénomène expose les cultures, après des hivers doux, à des épisodes de gel tardif ;

- le niveau des précipitations annuelles a une tendance à augmenter dans la moitié nord et à reculer dans la moitié sud, certaines zones du sud-est notamment étant exposées à une augmentation des épisodes de pluies extrêmes (+ 20 % depuis le milieu du XXè siècle) ;

- les sécheresses du sol se font plus précoces, plus fréquentes et plus intenses depuis 1990, le phénomène s'accentuant sur un grand tiers nord-est de la France depuis 2015. Si 7 % de la surface en France métropolitaine était touchée en moyenne glissante par la sécheresse dans les années 1970, ce taux est proche de 15 % dans les années 2010. Les simulations effectuées à l'aide de modèles climatiques mettent en évidence une augmentation continue des sécheresses du sol en moyenne annuelle dans les prochaines décennies, avec une « normale » qui se rapprochera de la situation de « l'extrêmement sec » de la période de 1961 à 1990. Surtout, le phénomène touchera sans doute toute la France.

Bien que le système historique ait plutôt bien fonctionné depuis les années 1960, l'accélération du changement climatique dans les fermes l'expose à une pression financière de plus en plus importante à tel point que de nombreux auditionnés l'ont déclaré « à bout de souffle ».

Comme le rappelle l'étude d'impact, le coût des sinistres sur cette période a plus que doublé pour la période 2016-2020 par rapport à la période 2010-2015 : le coût des sinistres pour les assureurs sur les pertes de récolte (MRC et grêle) a été multiplié par deux pour la période 2016-2020 par rapport à la période 2010-2015 pour atteindre un niveau de 500 M€ par an. De même, les dépenses publiques engagées par le FNGRA sont passées de 108 M€ par an entre 2010 et 2015 à 169 M€ par an entre 2018 et 2020.

À cet égard, le gel du printemps 2021 a permis une réelle prise de conscience de l'opinion publique à l'égard de cette exposition particulière des agriculteurs au changement climatique .

L'étendue géographique de ce gel combinée à ses impacts désastreux sur l'équilibre économique de nombreuses exploitations déjà fragilisées par les conséquences de la crise de la Covid-19 a justifié l'annonce d'un plan d'ampleur par le Gouvernement pour un montant de près de 1 milliard d'euros.

Le plan Gel du Gouvernement de 2021

Un « fonds d'urgence » de 20 millions d'euros a été institué en urgence pour le versement d'aides forfaitaires de maximum 5 000 €.

En outre, un dispositif exceptionnel de prise en charge des cotisations sociales pour venir en aide à la trésorerie des agriculteurs les plus touchés a été déployé à hauteur d'une enveloppe de 170 millions d'euros, en complément de l'application d'un dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et de l'activation d'une mesure d'activité partielle et de prêts garantis par l'État (PGE).

Concernant plus spécifiquement l'aspect indemnitaire, des mesures de compensation des pertes ont été versées par le régime des calamités agricoles qui a été adapté pour répondre au mieux, de manière accélérée et amplifiée, à cet événement. Les taux d'indemnisation ont été revus à la hausse, pour les porter au maximum réglementaire de 40 %.

Il faut également mentionner notamment le sort de cultures aujourd'hui exclues du dispositif en raison d'un taux jugé relativement élevé de pénétration de l'assurance, en particulier la viticulture, qui ont finalement été prises en compte dans le dispositif de façon dérogatoire et exceptionnelle pour les dommages liés au gel intervenu du 4 au 14 avril 2021.

Des dispositions ont également été prises pour soutenir les agriculteurs assurés par le biais d'un dispositif de complément d'indemnisation versée aux assurés.

En termes de mesures plus structurelles, l'enveloppe du plan de relance dédiée à la lutte contre les aléas climatiques, initialement de 100 millions d'euros, a été doublée.

Une des principales difficultés posées par cet épisode de gel, ayant touché particulièrement les arboriculteurs et les viticulteurs, était que les viticulteurs n'étaient pas éligibles aux indemnités des calamités agricoles. Autrement dit : ces derniers, s'ils n'étaient pas assurés, n'avaient le droit à rien. L'État a dû intervenir pour modifier, à titre dérogatoire, le système de 2010 en rendant éligibles les viticulteurs non assurés aux calamités agricoles, fissurant définitivement un dispositif qui se voulait résolument tourné vers l'assurance chez les viticulteurs.

Tous ces éléments aboutissent à mettre en avant plusieurs failles majeures des outils de gestion des risques actuels :

- une rentabilité insuffisante des assureurs en raison d'une trop faible pénétration du taux de l'assurance dans les fermes empêchant une mutualisation satisfaisante des risques chez les principaux opérateurs du marché et d'un taux de sinistres sur primes en dégradation depuis des années en raison de la hausse de la sinistralité (105 % en moyenne, alors que le taux pour dégager une rentabilité est estimé entre 70 et 80 %) ;

- des primes jugées trop chères par les exploitants , malgré un subventionnement public fort, pour des produits ne répondant pas de manière satisfaisante à leurs besoins ;

- une concurrence entre les deux systèmes d'indemnisation pour les risques et cultures jugés non assurables, entraînant une complexité pour les agriculteurs ainsi qu'une faible incitation à s'assurer. Plus fondamentalement, l'exclusion de certaines cultures du régime des calamités agricoles, notamment en ce qui concerne la viticulture et les grandes cultures, laisse sans réponse des pans entiers de l'agriculture française en cas d'évènement climatique majeur. Or ces ajustements pourraient, à l'avenir, ne plus suffire face au regard de la multiplication des aléas climatiques (sécheresses en 2015, 2018, 2019 et 2020, inondations et manques de rayonnement solaire en 2016, gel en 2017, gel et intempéries en 2020 et 2021, orages de grêle localisés en 2019 et 2021) ;

- un régime des calamités très onéreux, et de plus en plus contesté au regard de la variabilité des indemnisations proposées en raison des conditions d'éligibilité, et engendrant une certaine complexité pour les exploitants, les règles applicables en matière d'assurance et celles des calamités agricoles étant très différentes.

II. Le dispositif envisagé - Un dispositif à trois étages permettant aux exploitants agricoles de cumuler des indemnisations liées à leur contrat d'assurance récolte avec des indemnisations au titre de la solidarité nationale

Le projet de loi change la philosophie du système de gestion des risques : à la distinction entre régime des calamités agricoles pour des cultures non assurables et régime assurantiel pour les cultures éligibles se substitue une hybridation des systèmes d'indemnisation, fondée sur un système à trois étages selon la nature des risques .

Un premier étage, relatif à des risques maîtrisables, est à la charge de l'agriculteur par des actions de prévention.

Un second étage, correspondant à des risques non maîtrisables associés à des dégâts plus importants, peut être couvert par un contrat assurantiel.

Un troisième étage, lié à des risques non maîtrisables associés à des dégâts catastrophiques, déclenche une indemnisation basée sur la solidarité nationale.

Dès lors, dans ce nouveau système, l'agriculteur pourra cumuler des indemnités issues de ses contrats d'assurance et des indemnisations versées par les pouvoirs publics.

C'est pourquoi l'article 1 er crée un nouvel article L. 361-A au sein du chapitre I er du titre VI du livre III du code rural et de la pêche maritime permettant explicitement aux agriculteurs victimes de dommages consistant « dans des pertes de récoltes ou de cultures », du fait « d'aléas climatiques », de recevoir une indemnisation fondée « sur la solidarité nationale » dans des conditions prévues à l'article L. 361-4-1 (issu de l'article 3), en complément de leurs indemnités prévues au titre de leurs contrats d'assurance contre les dommages liés aux exploitations agricoles (étudiées à l'article 2).

Finalement, l'article définit plusieurs conditions pour rendre ce cumul possible :

- avoir subi un dommage lié à un aléa climatique induisant des pertes de récoltes ou de cultures ;

- avoir souscrit, le cas échéant, un contrat d'assurance multirisque climatique, éligible à une subvention européenne versée par la deuxième section du Fonds national de gestion des risques en agriculture aux termes de l'article L. 361-4 ;

- ne pas avoir contracté d'autres contrats d'assurance couvrant ces pertes, notamment les contrats couvrant un seul risque (assurance grêle) qui demeurent exclus du dispositif. Pour ces contrats, les assurés seront couverts intégralement, déduction faite de la franchise, par leurs entreprises d'assurance, sans intervention de l'État ; les non-assurés ne seront pas couverts sauf pour les pertes exceptionnelles se situant au-delà d'un certain niveau de l'intervention de l'État.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Au stade de la commission, les députés ont adopté un amendement de précision du rapporteur.

IV. La position de la commission - Il faut effectivement mettre fin à l'opposition entre cultures considérées comme assurables et cultures estimées non assurables

Plusieurs initiatives sénatoriales transpartisanes appelaient ces dernières années à une réforme du dispositif d'indemnisation des risques climatiques en agriculture, proposant des pistes de réflexion qui se retrouvent, pour beaucoup, dans ce projet de loi.

Tout en soulignant que la réforme proposée par le Gouvernement va dans le bon sens, la commission des affaires économiques regrette toutefois le flou autour de cette loi , dans la mesure où elle laisse de larges marges de manoeuvre au pouvoir réglementaire ou à une ordonnance. C'est pourquoi le rapporteur a souhaité strictement encadrer et préciser le projet de loi proposé, tout en soutenant l'architecture envisagée et le système à trois étages.

Dès lors, estimant qu'il était nécessaire de sortir de la dualité entre les cultures assurables et les cultures non assurables, la commission a adopté l'article 1 er sans modification.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 1er bis (non modifié)

Finalités de la politique publique en faveur du développement de dispositifs de prévention et de gestion des risques en agriculture

La commission a adopté sans modification cet article qui inscrit à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime le principe sous-jacent à la réforme, à savoir la mise en place d'un système universel de gestion des risques en agriculture.

I. Le dispositif envisagé - Inscrire dans les objectifs de la politique publique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation le principe d'un système universel de gestion des risques en agriculture

Au stade de la séance publique à l'Assemblée nationale, sur la proposition de Jean-Baptiste Moreau et des membres du groupe La République en marche, les députés ont complété l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime afin de préciser une des finalités de la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation.

Si l'article dispose aujourd'hui que cette politique a pour finalité de « développer des dispositifs de prévention et de gestion des risques », l'amendement le complète pour préciser qu'à ce titre, il convient « d'assurer la pérennité et la résilience des systèmes de production agricole dans un contexte d'accélération du changement climatique en garantissant l'accès à des agriculteurs à un système universel de gestion des risques climatiques en agriculture » par le biais de trois outils :

- le développement des dispositifs de prévention et de protection adaptés ;

- la diffusion de produits d'assurance et de mécanismes d'indemnisation efficaces et complémentaires entre eux, qui viennent en accompagnement de stratégies d'adaptation des filières et des bassins de production ;

- l'application systématique d'un principe de solidarité nationale.

II. La position de la commission

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 2

Modification des règles de prise en charge publique des contrats d'assurance récolte

Cet article vise à modifier les règles de prise en charge des contrats d'assurance récolte, en permettant de relever le niveau de la subvention de la prime d'assurance à hauteur de 70 % pour des contrats se déclenchant à compter de 20 % de pertes, les limites actuelles étant respectivement de 65 % et 30 %. Ces seuils sont en réalité des plafonds et des planchers, un décret permettant au ministre de piloter ce taux selon plusieurs critères. Aucune garantie n'est donc donnée quant à l'application pleine et entière du règlement Omnibus dans toutes les filières.

Tout en appelant à utiliser au maximum les possibilités offertes par le droit européen en la matière, la commission propose également de retravailler l'encadrement des contrats éligibles à subvention pour assouplir certaines règles et mieux répondre ainsi aux besoins de couverture de certains risques des exploitants agricoles.

I. La situation actuelle - Une assurance récolte qui peine à se développer en France, malgré un soutien public important

Si dès la loi inaugurale de 1964 le développement de l'assurance récolte était un objectif central du fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), notamment par le biais de subventions aux primes d'assurance de certains contrats, principalement contre le risque « grêle », le développement de l'assurance contre les risques agricoles a connu un réel coup d'envoi politique en France en 2005 par la publication d'un décret du ministre chargé de l'agriculture Dominique Bussereau.

Incarnant à bien des égards un tournant dans la politique de gestion des risques en agriculture en France par la volonté d'embrasser davantage d'aléas au sein d'un dispositif assurantiel soutenu plus volontairement par la puissance publique, ce décret instaurait, pour favoriser le développement de l'assurance contre les risques agricoles, un soutien de l'État à plusieurs contrats d'assurance, et, en particulier, aux contrats multirisques, définis comme des « contrats garantissant une, deux ou plusieurs natures de récoltes contre plusieurs risques climatiques, dont au moins à la fois la sécheresse, la grêle, le gel et l'inondation ou l'excès d'eau. Cette couverture étant étendue au risque de vent conformément [...] au code des assurances . 2 ( * ) »

Ce soutien passe par une prise en charge partielle par l'État, via le Fonds national de garantie des calamités agricoles, des primes ou cotisations relatives à ces contrats à hauteur de 35 % pour les assurances multirisques, dans le cas général. Toutefois, le montant de l'enveloppe allouée à ce dispositif était plafonné.

La loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole a créé une section particulière au sein du FNGCA chargée de gérer la participation, à l'aide d'une subvention de l'État, au financement des aides au développement de l'assurance récolte (ancien article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime).

En 2010, dans le cadre de la politique agricole commune, le règlement relatif aux paiements directs prévoyait la possibilité, pour les États membres, de transférer une part de l'enveloppe dédiée aux aides directes pour subventionner des primes afférentes à des contrats d'assurance couvrant les agriculteurs contre certains risques 3 ( * ) . Cette aide, conditionnée au respect par les contrats éligibles à un certain cahier des charges, ne pouvait excéder 65 % de la prime d'assurance due.

La même année, la France activant cette disposition, la loi de modernisation agricole a tiré les conclusions de cette réforme européenne en adaptant le code rural et de la pêche maritime à cette nouvelle faculté relevant de la politique agricole commune. L'article L. 361-4 qui en découle, reprenant les anciennes dispositions de l'article L. 361-8 en les actualisant, maintient le soutien public au sein d'une section dédiée du Fonds national de gestion des risques en agriculture (la deuxième) qui peut prendre en charge de façon forfaitaire et variable suivant l'importance du risque et la nature des productions une part des primes ou cotisations d'assurance afférentes à « certains risques agricoles », le cumul de cette aide et de l'aide provenant de l'Union européenne ne pouvant excéder 65 % du montant de la prime.

Cette rédaction est toujours en vigueur aujourd'hui.

Le décret n° 2016-2009 du 30 décembre 2016 4 ( * ) fixe les risques agricoles éligibles à une prise en charge partielle des primes et cotisations ainsi que les conditions de cette prise en charge.

La couverture d'assurance doit garantir au moins la prise en charge des sinistres occasionnés par les phénomènes climatiques défavorables suivants : sécheresse, excès de température, coup de chaleur, coup de soleil, températures basses, manque de rayonnement solaire, coup de froid, gel, excès d'eau, pluies violentes, pluies torrentielles, humidité excessive, grêle, poids de la neige ou du givre, tempête, tourbillon, vent de sable.

Trois niveaux sont à distinguer : le niveau socle, constitué de garanties minimales ; le niveau de garantie complémentaire optionnel, ouvrant droit à une subvention moindre mais garantissant une meilleure protection ; enfin un niveau de garanties complémentaires n'ouvrant pas droit à aide publique.

Conformément à l'article 7 du décret, un arrêté fixe annuellement le taux de prise en charge des primes ou cotisations. Pour 2021 5 ( * ) , ces taux étaient de :

- 65 % pour le niveau « socle » 6 ( * ) ;

- 45 % pour le niveau de garantie « complémentaire optionnel ».

Seuls deux types de contrats peuvent faire l'objet d'une prise en charge.

D'une part, il s'agit des contrats « par groupe de cultures », lesquels permettent à l'exploitant de couvrir la totalité de la sole des récoltes en production rassemblées au sein de quatre familles :

- grandes cultures, cultures industrielles, légumes et horticulture ;

- viticulture ;

- arboriculture ;

- prairies.

Toutefois, compte tenu de la nature du groupe « grandes cultures, cultures industrielles, légumes et horticulture », le taux de couverture est fixé à 70 % minimum de la sole.

D'autre part, les contrats « à l'exploitation » constituent une alternative aux contrats « par groupe de cultures » permettant aux exploitants d'assurer au moins 80 % de la superficie en cultures de vente de l'exploitation (cultures en production hors prairies et surfaces en jachère), à la condition qu'au moins deux cultures différentes soient concernées.

Dans les deux cas, le contrat prévoit une indemnisation à compter d'un taux de perte fixé à un niveau supérieur ou égal à 30 % de la production annuelle moyenne de l'agriculteur au cours des trois années précédentes ou de sa production moyenne triennale calculée sur la base des cinq années précédentes, en excluant la valeur la plus élevée et la valeur la plus faible.

L'article 4 du décret fixe, en outre, un certain formalisme minimum conditionnant l'octroi d'une aide au paiement de la prime d'assurance.

Tous les contrats éligibles doivent respecter un cahier des charges déterminé par arrêté 7 ( * ) et couvrir un niveau de garantie « socle » caractérisé par :

- un rendement assuré égal au rendement historique ;

- un prix assuré inférieur ou égal à la valeur du barème de prix tels que définis dans le cahier des charges fixé par arrêté ;

- une couverture des pertes de quantité ;

- concernant le niveau de franchise, il dit être compris entre 30 et 50 % pour les contrats par groupe de cultures et entre 20 et 50 % pour les contrats à l'exploitation. Par dérogation, pour les contrats par groupe de culture « prairies », la franchise doit être comprise entre 25 % et 50 %.

En pratique, jusqu'en 2014, ces soutiens publics étaient majoritairement portés par le biais des aides européennes accordées à la France au titre de la politique agricole commune, qui représentaient ¾ du soutien public, contre ¼ au titre du co-financement national.

Depuis 2015, ce soutien est exclusivement mis en oeuvre dans le cadre du second pilier de la Politique agricole commune (PAC), à travers le Programme national de gestion des risques et d'assistance technique (PNGRAT), cofinancé par le Fonds européen agricole pour le développement rural. Dès lors, le FNGRA n'est plus mobilisé pour le financement de l'aide à l'assurance récolte.

L'enveloppe Feader allouée aux mesures de gestion des risques (hors FMSE) était initialement prévue à hauteur de 600,75 M€ pour la période 2015-2020, à la suite d'un premier transfert du 1 er vers le 2 nd pilier de la PAC.

Cette enveloppe n'étant pas suffisante pour garantir les taux de subvention actuels jusqu'à la fin de la programmation, d'autant que celle-ci comporte en plus deux années de transition jusqu'au départ de la nouvelle PAC en 2023, plusieurs compléments ont été alloués, portant le budget à 1,06 Md€.

Enfin, pour accroître encore le taux de pénétration de l'assurance récolte auprès des exploitants, l'article 37 du règlement « Feader » 8 ( * ) régentant les aides aux assurances cultures, animaux et végétaux a été modifié en 2017 par le règlement dit « Omnibus » 9 ( * ) afin de donner la possibilité aux États membres de :

- baisser le niveau de pertes minimal à couvrir rendant les contrats éligibles à la subvention, correspondant en pratique à la franchise minimale pour l'exploitant, de 30 à 20 % ;

- d'accroître le taux de subvention maximal de 65 % à 70 %.

Alors que d'autres pays ont fait le choix d'activer cette possibilité, la France s'y est toujours opposée.

II. Le dispositif envisagé - Permettre, au choix du ministre chargé de l'agriculture, de remonter le taux de subvention publique à 70 % du montant de la prime pour les contrats garantissant a minima 20 % des pertes de récoltes

L'article 2 du projet de loi réécrit l'essentiel de l'article L. 361-4 afin de :

- lister les risques agricoles contre lesquels peut se prémunir un agriculteur par le biais d'un contrat d'assurance éligible à une aide (alors que la loi ne prévoyait pas une telle liste auparavant) ;

- faire varier la part du soutien public aux primes et cotisations d'assurance non plus uniquement sur l'importance du risque et la nature des productions mais également selon le type et les modalités de contrat d'assurance souscrit ;

- rehausser le plafond de la subvention à 70 % du montant de la prime ou cotisation d'assurance, contre 65 % aujourd'hui, pour éventuellement pleinement appliquer le droit européen issu du règlement Omnibus.

En outre, l'alinéa 3 réserve cette aide aux « contrats d'assurance couvrant les pertes causées par des aléas climatiques » selon un certain niveau minimal de pertes.

Autrefois fixé à 30 % par le droit européen par rapport à « la production annuelle moyenne de l'agriculteur au cours des trois années précédentes ou de sa production moyenne triennale calculée sur la base des cinq années précédentes, en excluant la valeur la plus élevée et la valeur la plus faible » , le taux minimum de pertes ne pourra, à compter de la promulgation de la loi, être inférieur à 20 % par rapport à la « moyenne de la production annuelle de l'exploitant calculée selon des modalités fixées par décret ». L'alinéa 3 réduit donc le taux minimal de franchise de 30 à 20 % pour adapter le droit français aux évolutions permises depuis l'adoption du règlement Omnibus. Toutefois, ce niveau demeure une limite maximale puisqu'un décret déterminera un plancher de franchise en fonction de la nature des productions et du type de contrat d'assurance souscrit.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Seul un amendement rédactionnel a été adopté au stade de la commission par les députés.

IV. La position de la commission - Inciter à une application stricte du règlement Omnibus tout en promouvant une assurance récolte répondant réellement aux besoins des agriculteurs

Pour le rapporteur, une réforme de l'architecture des outils de gestion des risques est insuffisante : elle doit être accompagnée d'une réforme de structure levant réellement les freins à l'assurance exprimés par les exploitants en utilisant tous les outils à disposition.

Le premier frein aujourd'hui est celui de la moyenne olympique .

Pour apprécier sa perte de production, l'exploitant calcule une production moyenne sur cinq ans en excluant la meilleure et la moins bonne année (moyenne olympique). Si sa perte annuelle excède un certain niveau par rapport à sa production moyenne, il devient éligible à une indemnisation, qui est calculée en multipliant le niveau de sa perte en volume par un prix moyen déterminé à l'avance.

Toutefois, la succession d'aléas climatiques année après année en raison du changement climatique engendre une baisse tendancielle du rendement moyen dans de nombreuses exploitations. Le fait d'être victime de deux ou trois aléas en cinq années n'est plus une hypothèse marginale mais une réalité connue par de nombreux agriculteurs. Cette tendance aboutit à une réduction des productions annuelles moyennes. Dès lors, avec des moyennes plus basses, même en cas d'aléa climatique important, le niveau de pertes, mesuré par l'écart à la production moyenne, est plus bas. Cela a deux effets directs pour l'exploitant agricole. D'une part, ils sont moins indemnisés en raison d'un écart plus faible, ce qui réduit considérablement l'incitation à s'assurer, d'autant plus que la fréquence d'aléas climatiques s'accroît. D'autre part, certains deviennent même exclus du dispositif puisque le niveau de pertes, apprécié au regard d'une moyenne basse, devient inférieur au seuil de déclenchement induisant une perte minimale de 20 ou 30 %.

Si rien n'est fait pour faire évoluer ce point, la réforme est vouée à l'échec. Toutefois, ces modalités spécifiques de calcul sont fixées au niveau européen 10 ( * ) et découlent de règles de l'OMC 11 ( * ) , non réformées depuis 1994. Seule une réforme au niveau international est de nature à faire bouger les lignes, charge au Gouvernement de s'engager à porter ce sujet .

Le législateur peut toutefois garantir, dans le respect du droit international et communautaire, un droit à l'exploitant de choisir sa meilleure moyenne parmi la moyenne triennale et la moyenne olympique dans les contrats. La commission a adopté un amendement du rapporteur garantissant un tel droit (COM-58).

Un autre facteur clé de succès de la réforme n'est pas rempli, tant que la France ne s'engage pas à utiliser l'intégralité des possibilités offertes par le droit européen pour favoriser le recours à l'assurance récolte .

En effet, depuis 2017, les règlements européens permettent aux États-membres d'augmenter les incitations aux exploitants agricoles à s'assurer en subventionnant 70 % de la prime d'assurance (contre 65 % auparavant) de contrats dont la franchise minimale est de 20 % (contre 30 % auparavant). La France, contrairement à d'autres pays européens, a refusé d'activer cette possibilité.

Pour le rapporteur, il est spécieux de fixer comme priorité principale de promouvoir le recours à l'assurance dans le monde agricole sans se donner tous les moyens d'y parvenir.

Il est d'autant plus problématique de promouvoir la souveraineté agricole du pays, menacée principalement par des distorsions de concurrence européennes liées à des surtranspositions franco-françaises de normes pénalisant la compétitivité des agriculteurs nationaux, et, « en même temps », de maintenir une distorsion de concurrence en refusant d'activer toutes les possibilités offertes par le règlement Omnibus en France alors qu'elles seront activables dans d'autres pays.

Pour éviter d'aggraver cette distorsion de concurrence, le Gouvernement doit s'engager fermement à activer au maximum les possibilités offertes au niveau européen pour inciter davantage à l'assurance agricole, en baissant les taux de franchise à 20 % et en augmentant le taux de subvention des primes à 70 %.

Le rapporteur propose, enfin, d'aller un cran plus loin en levant des freins opérationnels rendant les agriculteurs réticents à s'assurer. Revoir une architecture sans traiter ces points aboutira au même résultat qu'avant : une absence de recours à l'assurance.

C'est pourquoi la commission a adopté deux amendements afin de tendre, peu à peu, vers une assurance « à la carte » , répondant davantage aux besoins des exploitants, sans remettre en cause le principe d'une plus grande mutualisation des risques pour lancer le système proposé par le présent projet de loi.

D'une part, tout en permettant à la CODAR de proposer un cahier des charges type pour les contrats d'assurance subventionnés fixant notamment un barème de prix par culture, l'amendement COM-56 du rapporteur propose un nouveau principe de prise en compte obligatoire des moyens de prévention mis en oeuvre par l'exploitant dans le calcul de sa prime : plus il sera engagé dans la prévention des dommages liés aux aléas climatiques par du stockage, des investissements ou d'autres méthodes, plus sa prime baissera.

C'est un véritable moyen d'inciter les exploitants à s'engager dans le déploiement de davantage d'outils de prévention des risques, tout en évoluant vers une assurance « à la carte » répondant aux besoins des exploitants par des solutions sur mesure.

D'autre part, l'amendement COM-57 du rapporteur renvoie au décret la fixation des types de contrats retenus justifiant une variation des taux d'intervention publique. Dans ces contrats, notamment par groupes de cultures comme aujourd'hui, le taux de franchise retenu doit être harmonisé afin d'éviter de promouvoir un modèle de franchise à l'exploitation. Enfin, le décret peut fixer des critères de couverture surfacique minimale par type de contrat, en fonction de groupes de cultures ou de la superficie en cultures de vente de l'exploitation, comme aujourd'hui. Toutefois, le décret devra tenir compte de la destination des cultures afin de ne pas pénaliser les agriculteurs disposant de cultures autoconsommées sur l'exploitation.

Enfin, un autre amendement de coordination juridique a été adopté afin de prévoir que le décret fixant les niveaux de soutien à la prime ainsi que les niveaux de franchise minimale éligibles à une aide soit pris pour une durée de cinq ans, dans les conditions déterminées au nouvel article L. 361-9, créé à l'article 5 bis A du texte issu des travaux de la commission ( COM-59 ).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3

Intervention du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) pour les risques climatiques entraînant des pertes supérieures à 30 % de la production annuelle

Cet article propose de revoir les modalités d'indemnisation publique des pertes de récoltes et de cultures. Il supprime la reconnaissance de l'état de calamités agricoles sur une zone et prévoit que l'indemnisation se déclenche dès que les pertes dépassent un certain seuil déterminé par décret, supérieur à 30 %. Les indemnisations, dont les modalités seront déterminées par culture, seront minorées pour les non-assurés et seront versées par un réseau d'interlocuteurs agréés par l'État.

La commission propose de simplifier le dispositif pour les exploitants tout en offrant davantage de garanties pour les filières non assurables ou peu assurées.

I. La situation actuelle - Une indemnisation des pertes de récoltes pour les cultures éligibles si l'état de calamités agricoles est reconnu dans une zone

L'article L. 361-5 du code rural et de la pêche maritime confie à la troisième section du Fonds national de gestion des risques en agriculture l'indemnisation des calamités agricoles.

Les calamités agricoles sont définies comme les « dommages résultant de risques [...] » répondant à trois critères :

- des risques d'importance exceptionnelle dus à des variations anormales d'intensité d'un agent naturel climatique ;

- des risques non assurables, c'est-à-dire qu'ils ne figurent pas parmi les risques assurables listés par arrêté 12 ( * ) ;

- des mesures préventives ou curatives inefficaces.

Pour être éligibles, les dommages liés à ces calamités agricoles doivent avoir été d'ampleur suffisante et être directement liés à l'événement.

La section 2 du chapitre I er du titre VI du livre III de la partie réglementaire du même code (articles D. 361-1 et suivants) détermine les conditions dans lesquelles les calamités agricoles sont reconnues et dans lesquelles elles ouvrent droit à une indemnisation.

L'indemnisation, fondée sur des crédits budgétaires de l'État, repose sur la succession de trois phases.

i) une enquête locale pour constater les dommages et affiner la demander de reconnaissance de calamités agricoles

Dès lors qu'un phénomène climatique a causé des dommages d'importance exceptionnelle dans des exploitations, des représentants locaux des agriculteurs, comme les chambres d'agriculture ou les organismes professionnels agricoles, en lien avec les élus locaux, montent un dossier présentant les conséquences directes d'un sinistre et, s'ils estiment que ce sinistre répond aux critères susmentionnés, demandent l'ouverture de la procédure de reconnaissance de l'état de calamités agricoles au préfet.

Sauf erreur manifeste, la direction départementale des territoires (DDT) :

- obtient des données météorologiques auprès d'organismes qualifiés. L'échantillon retenu s'étale en général sur les trente dernières années afin d'établir le caractère exceptionnel du phénomène climatique concerné, notamment pour prendre en compte l'éventualité de retours fréquents de l'événement ;

- diligente une mission d'enquête, composée de représentants de la DDT, de la chambre d'agriculture du département, d'agriculteurs non touchés par le sinistre et un éventuel expert indépendant nommé par le préfet. Cette mission, pouvant être financée par le fonds national de gestion des risques agricoles, permet de se rendre dans les zones sinistrées pour porter un regard technique sur le sinistre et ses conséquences. C'est un moment important de dialogue entre les sinistrés et des experts agricoles. En pratique, la mission établit l'origine climatique des dommages, vérifie l'inefficacité ou l'absence de mesures de lutte contre ces aléas et permet, surtout, de définir, de fiabiliser et d'affiner la zone géographique sinistrée. A minima , lorsque le sinistre s'est abattu sur un département entier, 30 exploitations sont visitées.

S'appuyant sur le rapport de la mission d'enquête et des données météorologiques, le comité départemental d'expertise (CDE) 13 ( * ) remet un avis quant à la qualification de calamité agricole des dommages, notamment en vérifiant que tous les critères sont réunis, en étudiant le zonage et le montant des dommages en conformité avec les barèmes départementaux, établis pour trois ans.

Sur la base de cet avis du comité départemental d'expertise, le préfet du département peut proposer la reconnaissance du caractère de calamité agricole au ministère chargé de l'agriculture dès la fin de la campagne de production ou, au plus tard, six mois après son terme. Le délai est de neuf mois au maximum pour les pertes de fonds.

ii) une reconnaissance nationale au sein du CNGRA

La demande du préfet est envoyée au comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA), qui est chargé de rendre un avis sur l'éligibilité de ces demandes. En général, quatre réunions par an (mars, juin, octobre, décembre) sont dédiées à l'édiction de ces avis, sans délai limite.

Dès lors que l'avis est favorable, le ministre chargé de l'agriculture prend un arrêté de reconnaissance de l'état de calamité agricole du territoire éligible.

iii) les agriculteurs situés sur un territoire visé par un arrêté de reconnaissance de l'état de calamité agricole peuvent, enfin, procéder à leur demande d'indemnisation

À compter de la publication de l'arrêté de reconnaissance, les exploitants agricoles sinistrés disposent d'un délai de trente jours pour effectuer leur demande d'indemnisation auprès de la préfecture 14 ( * ) .

Il doit remplir plusieurs conditions pour être éligible :

- au moins un élément de son exploitation doit être assuré contre un aléa (assurance incendie, assurance grêle ou mortalité du bétail) ;

- le taux de perte physique doit être supérieur à 30 % de la production annuelle théorique basée sur un barème départemental préétabli ;

- le montant des dommages en valeur doit dépasser 13 % du produit brut théorique de l'exploitation.

Le montant des dommages par exploitation est évalué selon les modalités déterminées à l'article D. 361-27. Pour les récoltes, si la remise en culture a été réalisée, les frais de remise sont pris en compte ; si ce n'est pas le cas, les dommages sont égaux à la différence entre la valeur marchande de la production « normale », évaluée dans les barèmes départementaux par le biais d'un rendement historique et d'un prix moyen, et la valeur de production constatée après le sinistre.

En pratique, le rendement historique de ces barèmes départementaux est évalué selon un triennal ou une moyenne olympique.

S'il remplit ses conditions, l'agriculteur peut recevoir une indemnité égale au montant des dommages indemnisables multiplié par un taux d'indemnisation fixé par arrêté, et variable selon les cultures. Les indemnisations peuvent alors couvrir jusqu'à 35 % des pertes 15 ( * ) .

Dans le cas de dommages aux récoltes fourragères utilisées pour l'alimentation des animaux de l'exploitation, le dommage indemnisable est le déficit fourrager, entendu comme l'ensemble des besoins alimentaires du cheptel non couverts par la production fourragère sinistrée déduction faite de la fraction des besoins habituellement couverte par des aliments achetés ou par des productions issues des cultures de vente de l'exploitation. Il est estimé en unités d'apport alimentaire qui ont une valorisation forfaitaire déterminée par arrêté, et fixée à 11 centimes d'euro par unité en zone de plaine, 12 centimes par unité en zone défavorisée et 14 centimes en zone de montagne 16 ( * ) .

Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture peut prévoir le versement d'un acompte avant versement du solde 17 ( * ) .

II. Le dispositif envisagé - Une indemnisation publique pour tous les exploitants, assurés ou non, au-delà d'un seuil de pertes déterminé par décret, versée par un réseau d'interlocuteurs agréés au nom de l'État

L'article 3 crée un nouvel article L. 361-4-1 au sein du code rural et de la pêche maritime relatif au nouveau régime d'indemnisation des pertes de récoltes ou de cultures fondée sur la solidarité nationale, aux termes du nouvel article L. 361-1 A.

Il propose une nouvelle articulation avec les indemnisations issues des contrats d'assurance, fixe un principe de différenciation des versements aux assurés et non assurés et précise les modalités de distribution de ce soutien public.

i) un régime de soutiens publics venant en complément des indemnisations liées à un contrat d'assurance pour les risques « catastrophiques »

Articulée avec le dispositif d'indemnisation fondée sur l'assurance, et la part de franchise à la charge de l'exploitant comme le dispose l'article 1 er du projet de loi, l'intervention publique ne se fera qu'à compter d'un seuil de pertes fixé par décret.

Il dispose que la troisième section du FNGRA participe à l'indemnisation des pertes de récoltes ou de cultures résultant d'aléas climatiques, comme c'est déjà le cas aujourd'hui pour les calamités agricoles.

Le deuxième alinéa fixe toutefois une condition relative à l'ampleur des pertes de récoltes ou de cultures : elles devront être supérieures à un seuil fixé par décret en fonction de la nature des productions et, s'il y a lieu, du type de contrat d'assurance souscrit.

La loi encadre ce seuil, qui ne pourra être inférieur à 30 % de la moyenne de production annuelle de l'exploitation calculée selon des modalités fixées par décret.

ii) des indemnisations pleines pour les assurés et minorées pour les non assurés

Pour les exploitants titulaires d'un contrat d'assurance subventionné au titre de l'article L. 361-4, c'est-à-dire les contrats multi-risques, pour les pertes dépassant le seuil fixé par décret, l'indemnisation fondée sur la solidarité nationale sera complémentaire aux indemnités perçues au titre du contrat, sans minoration.

Toutefois, afin d'inciter à la souscription d'un contrat d'assurance, l'alinéa 4 dispose que l'indemnisation fondée sur la solidarité nationale sera minorée pour les exploitants n'ayant pas souscrit d'autre contrat couvrant les pertes de récoltes ou de cultures. L'indemnisation ainsi versée ne pourra être supérieure à la moitié de son niveau pour les exploitants assurés pour les mêmes pertes.

Cette modulation découle en réalité d'une règle européenne déterminée à l'article 28 du règlement (UE) n° 702/2014 de la Commission du 25 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides, dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, lequel dispose que l'aide destinée à compenser les dommages causés par des phénomènes climatiques défavorables pouvant être assimilés à une calamité naturelle versée par l'État est « réduite de 50 %, sauf si elle est accordée à des bénéficiaires qui ont souscrit une assurance couvrant au moins 50 % de leur production annuelle moyenne ou des revenus liés à la production et les risques climatiques statistiquement les plus fréquents dans l'État membre ou la région concernés ».

Les titulaires d'un contrat monorisque (grêle notamment) seront considérés comme non titulaires d'un contrat d'assurance et, de facto, exclus du dispositif. Dès lors, en cas de pertes de récoltes consécutives à un épisode de grêle, l'assurance prendra intégralement en charge les indemnisations et, en cas de pertes consécutives à un autre phénomène climatique, l'exploitant sera éligible au dispositif en cas de pertes supérieures à un seuil avec une indemnisation minorée par rapport à l'indemnisation versée aux assurés pour les mêmes pertes.

L'étude d'impact mentionne, en outre, que « ce niveau d'indemnisation pour les non-assurés fait partie des paramètres qui auront vocation à être adaptés pour tenir compte de l'augmentation du niveau de diffusion de l'assurance. »

iii) au système de reconnaissance de l'état de calamités agricoles se substitue un versement piloté par un réseau d'interlocuteurs agréés agissant pour le compte de l'État, pouvant être l'assureur

Enfin, l'objectif du Gouvernement est de mettre fin au système actuel de reconnaissance des calamités agricoles et de construire une gouvernance plus adaptée à la nouvelle architecture du dispositif global d'indemnisation.

Dans la mesure où l'intervention de l'assureur comme celle de l'État reposeront sur des données et des analyses similaires, autour de la notion de taux de perte d'exploitation harmonisé avec des seuils imbriqués, le projet de loi entend confier l'indemnisation publique à un interlocuteur unique, choisi parmi un réseau d'interlocuteurs agréés, et agissant pour le compte de l'État. Le réseau appliquera des procédures harmonisées par rapport à celles applicables aux contrats d'assurance (référentiel, méthodologie d'évaluation, modalités d'indemnisation).

Un décret déterminera les conditions d'application de l'article.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre des amendements rédactionnels, les députés ont précisé en séance publique que :

- les indemnisations fondées sur la solidarité nationale garantissent le « caractère incitatif » du recours à l'assurance récolte (amendement de M. Antoine Herth et plusieurs de ses collègues) ;

- le décret d'application de l'article fixera les conditions de versement de l'indemnisation en prenant en compte la nature des productions en « tenant compte, le cas échéant, de l'insuffisance de développement de l'assurance contre les risques climatiques et, s'il y a lieu, du type de contrat souscrit » (amendement du Gouvernement) ;

- enfin, le décret d'application pourra également fixer les conditions dans lesquelles les évaluations des pertes peuvent faire l'objet d'une demande de réévaluation par les exploitants (amendements identiques de MM. Jean-Baptiste Moreau, Antoine Herth et Nicolas Turquois).

IV. La position de la commission - Plus d'attractivité du système pour les cultures les moins assurées, davantage de garanties pour les filières non assurables et une vraie simplification pour l'exploitant

En préalable, le rapporteur estime que la réussite de la réforme dépend de l'attractivité initiale du système. Dès lors, pour réellement inciter les exploitants des filières les moins assurées aujourd'hui à entrer dans le système, il importe de maintenir un seuil d'intervention de l'État à 30 % les premières années en arboriculture et pour les prairies.

De même, pour les cultures pour lesquelles il n'existe pas de solutions assurantielles à date, le seuil doit être au même niveau. Pour ces exploitants, le système doit offrir a minima les mêmes garanties que le dispositif des calamités agricoles aujourd'hui.

C'est pourquoi la commission a adopté un amendement du rapporteur ( COM-62 ) qui garantit que les filières non couvertes par une solution assurantielle ou les cultures expérimentales feront l'objet d'un traitement à part dans la détermination des seuils d'intervention de l'État.

En outre, elle a adopté d'autres amendements pour :

- s'assurer sur les taux d'intervention de l'État seront figés de manière pluriannuelle, en lien avec l'article 5 bis A inséré par le rapporteur ( COM-61 ) ;

- permettre aux exploitants que leur production moyenne soit appréciée en retenant, au choix, la méthode triennale ou celle de la moyenne olympique, en lien avec la même mesure adoptée à l'article 2 ( COM-60 ) ;

- effectuer une coordination juridique ( COM-63 ) relative aux modalités de contestation de l'évaluation des pertes des exploitants, en lien avec l'amendement COM-64 créant un article 3 bis A.

Enfin, la commission s'est attachée à garantir une simplicité du dispositif en :

- garantissant que les méthodologies et référentiels appliqués pour calculer l'indemnisation au titre de la solidarité nationale soient identiques et non similaires à celles utilisées dans les contrats d'assurance par l'interlocuteur unique ( COM-10 , COM-22 , COM-31 , COM-51 ) ;

- précisant que l'indemnisation par l'interlocuteur unique au nom de l'État se fasse en même temps que l'indemnisation due au titre des contrats d'assurance, afin d'accentuer la célérité des versements à des exploitants ayant besoin de trésorerie en cas de pertes de récoltes ( COM-11 , COM-23 , COM-32 , COM-52 ).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3 bis (nouveau)

Enquête de terrain par le comité départemental d'expertise à la suite d'un recours collectif contestant l'évaluation des pertes

Cet article ouvre la possibilité à un nombre suff i sant d'exploitants agricoles d'un département de contester l'évaluation des pertes et de déclencher ainsi une enquête de terrain du comité départemental d'expertise, qui évalue les dommages subis réellement.

I. La position de la commission - Prévoir une voie de recours collective permettant de saisir le comité départemental d'expertise d'une demande d'enquête sur le terrain

En commission, les sénateurs ont adopté l'amendement COM-64 du rapporteur qui ouvre la possibilité à un nombre suffisant d'exploitants agricoles d'un département de contester l'évaluation des pertes et de déclencher ainsi une enquête de terrain du comité départemental d'expertise (CDE), qui évalue les dommages subis réellement.

Inscrite à l'article L. 361-4-2 du rural et de la pêche maritime, cette mesure prévoit que lorsqu'un exploitant agricole conteste l'évaluation des pertes, estimant qu'elles sont minorées, notamment au niveau indiciel, par rapport aux pertes réellement constatées, pour le calcul des indemnisations mentionnées aux articles L. 361-4 et L. 361-4-1 du même code, le CDE peut être consulté sur la manière dont le sinistré a satisfait aux conditions d'indemnisation.

Une voie de recours collective est prévue, lorsqu'un nombre suffisant de réclamations est atteint au sein du département. Ce nombre sera déterminé par un arrêté adapté par département.

Le CDE peut, dans ce cas, lancer une enquête de terrain, afin d'évaluer une perte moyenne de production sur une zone donnée.

Au terme de cette dernière, le CDE, en s'appuyant sur l'expertise de la chambre départementale d'agriculture, peut proposer une rectification du montant des dommages subis dans le cadre des indemnisations.

Cette mesure vise à mieux prendre en compte les réalités territoriales, en protégeant les exploitants agricoles des erreurs d'évaluations indicielles anonymes des pertes proposées par satellite . Les personnes entendues par le rapporteur ont en effet souligné que, certes, l'évaluation à partir de satellites reste la méthode d'évaluation la plus efficace et la plus rapide, mais que la marge d'erreur de ces derniers ne doit pas être négligée. Le rapporteur estime ainsi que si l'utilisation de satellites doit continuer à constituer la référence commune en matière d'évaluation des pertes, il convient de préserver la possibilité pour les exploitants de contester celle-ci et de demander une enquête de terrain.

À cet égard, le CDE, prévu à l'article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime, constitue l'organisme le plus adapté pour recevoir ce type de recours, dans la mesure où il mène d'ores et déjà des enquêtes de terrain dans le cadre des calamités agricoles pour évaluer le niveau des pertes constatées dans une zone donnée. Placé sous la présidence du préfet, il est composé de représentants de l'État (DDFip, DDT), du président de la chambre départementale d'agriculture, de représentants de syndicats agricoles et de représentants des assureurs. Dans le cadre de cet article, ses missions n'évoluent pas dans la mesure où le système des calamités agricoles est préservé pour les pertes de fonds.

La commission a adopté l'article 3 bis ainsi rédigé.

Article 3 ter (nouveau)

Minoration de la dotation jeune agriculteur en cas de non souscription à un contrat d'assurance multirisque climatique

Cet article, inséré au stade de la commission au Sénat, vise à minorer la dotation jeune agriculteur en cas de non souscription à un contrat d'assurance multirisque climatique. L'objectif est de promouvoir le recours à l'assurance récolte dès le début de l'activité d'exploitation.

I. La position de la commission - Minoration de la dotation jeune agriculteur en cas de non souscription à un contrat d'assurance multirisque climatique ou d'absence de diagnostic de gestion des risques justifiant la mise en oeuvre de dispositifs de prévention

La commission a adopté l'amendement COM-65 du rapporteur lequel prévoit la minoration de la dotation jeune agriculteur en cas de non souscription à un contrat d'assurance multirisque climatique (MRC).

Modifiant l'article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime relatif à la politique d'installation et de transmission en agriculture, l'amendement précise que l'aide à l'installation est maximale, lorsque les exploitants ont souscrit à un contrat MRC, prévu à l'article L. 361-4 du même code. En cas de non souscription à ce type de contrats, l'aide est par conséquent minorée.

Afin de ne pas pénaliser les exploitants mettant en oeuvre d'autres dispositifs de prévention, cette minoration, qui sera à la main des régions en charge du versement de cette aide, ne s'appliquera pas si le candidat justifie d'un diagnostic de gestion des risques constatant un niveau de maîtrise des risques suffisant sur l'exploitation.

Cette mesure vise ainsi , par le biais d'une incitation financière, à promouvoir le recours à l'assurance récolte chez les jeunes agriculteurs , dès le début de leur activité d'exploitation.

La commission a adopté l'article 3 ter ainsi rédigé.

Article 4

Régime des calamités agricoles pour les pertes de fonds

Cet article vise à maintenir le régime actuel des calamités agricoles pour les pertes de fonds. Cette dérogation se justifie au regard de leur nature et de la difficulté à les assurer.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. La situation actuelle - Le régime des calamités agricoles indemnise les pertes de récoltes et les pertes de fonds

Contrairement à une perte de récolte, la perte de fonds correspond à une dégradation d'une partie de l'outil de production.

Le régime des calamités agricoles s'applique aux pertes de récoltes mais également aux pertes de fonds considérées comme non assurables.

Dès lors, les dommages aux bâtiments 18 ( * ) , aux installations de protection contre la grêle, aux animaux de plein air touchés par la foudre ou la mort du cheptel à l'intérieur d'un bâtiment à la suite d'un coup de chaleur ne sont pas couverts.

Une typologie, proposée par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, conduit à distinguer deux grandes catégories de pertes de fonds :

- les dommages sur l'outil de production inerte (sol, ouvrages ou matériels) ;

- les dommages sur l'outil de production vivant (végétaux, notamment les stocks, et animaux).

Concernant les pertes de fonds sur des sols, des bâtiments ou du matériel, elles sont indemnisées, dans les zones reconnues comme relevant du régime des calamités agricoles, en fonction de la remise en état des biens endommagés, à hauteur du surcoût entraîné par le sinistre par rapport à la conduite habituelle de l'exploitation. Les montants indemnisables sont fixés dans les barèmes départementaux. Ces derniers déterminent les valeurs pour la remise en état des biens endommagés, qu'il s'agisse du coût des matériaux permettant de réparer les biens sinistrés (remblais, maçonnerie, clôtures, ...), du coût d'utilisation de certains matériels durant les travaux (par exemple le coût de la tractopelle) ainsi que du coût horaire de la main d'oeuvre nécessaire pour la réparation.

S'agissant des pertes de fonds sur végétaux, notamment les pertes de fonds sur plantations pérennes par la destruction d'un outil de production à la suite d'une tempête par exemple, le régime des calamités agricoles permet d'indemniser les agriculteurs en fonction de la valeur des récoltes qui ne pourront plus avoir lieu, augmentée des frais engagés dans l'outil de production (frais d'investissement, marge nette, frais d'entretien, durée avant production et durée de rentabilité, densité à l'hectare).

S'agissant de pertes de fonds sur animaux, il s'agit d'indemniser une mortalité du cheptel à l'extérieur des bâtiments due à un aléa climatique, autre que la foudre.

II. Le dispositif envisagé - Un maintien du régime des calamités agricoles aux seules pertes de fonds, les pertes de récoltes ou de cultures relevant exclusivement de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale encadrée par le nouvel article L. 361-4-1 issu de l'article 3 du présent projet de loi

L'article 5 maintient le dispositif actuel des « calamités agricoles » pour les pertes de fonds.

Le deuxième alinéa modifie ainsi l'article L. 361-5 du code rural et de la pêche maritime pour le restreindre aux seuls « biens qui ne relèvent pas de l'article L. 361-4-1 », ce dernier ne concernant que les pertes de récoltes et de cultures.

Les risques non assurables, c'est-à-dire ceux ne seront pas visés par décret, engendrant des pertes de fonds, pourront enclencher une procédure d'indemnisation par la troisième section du Fonds national de gestion des risques en agriculture, dès lors que les dommages auront été qualifiés de « calamités agricoles » selon la définition actuelle qui demeure en vigueur. Un décret déterminera les modalités de reconnaissance, d'évaluation et d'indemnisation de ces calamités agricoles.

Dès lors, cohabiteront deux régimes dans le nouveau système :

- un régime concernant les pertes de récoltes et de cultures, associant une part d'auto-assurance par les agriculteurs (sous le seuil de franchise), une part prise en charge, le cas échéant, par une assurance multirisque, et une part prise en charge par l'État, le tout géré par un interlocuteur unique ;

- un régime concernant les pertes de fonds indemnisées par l'État sur la base de barèmes départementaux, excluant des risques considérés comme assurables, associé à la reconnaissance de l'état de calamités agricoles.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont adopté un amendement purement réactionnel.

IV. La position de la commission - Les pertes de fonds doivent demeurer dans un système d'indemnisation à part

Actuellement, les pertes de fonds mobilisent une partie du FNGRA à hauteur d'environ 7 millions d'euros par an, dans le strict cadre du régime des calamités agricoles.

D'après les éléments recueillis par le rapporteur, le Gouvernement comme les parties prenantes ne remettent pas en cause le fonctionnement des calamités pour pertes de fonds et proposent de le maintenir pour ces seules pertes. En outre, le Gouvernement n'envisage pas de modifier la procédure d'indemnisation actuellement en vigueur pour ces pertes, prévue par les articles D. 361-20 à D. 361-42.

Compte tenu de leur nature particulière, qui les rend difficilement assurables, les pertes de fonds doivent demeurer dans un régime spécifique, distinct de celui applicable aux pertes de récoltes et de cultures dans les termes définis par ce projet de loi.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 5

Création d'un comité chargé de l'orientation et du développement des assurances récolte au sein du Comité national de la gestion des risques en agriculture

Cet article vise à créer un comité chargé de l'orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes (CODAR) au sein du Comité national de la gestion des risques en agriculture (CNGRA).

La commission a voulu placer la CODAR au coeur du dispositif de pilotage des outils de gestion des risques en agriculture en lui donnant la mission d'émettre des recommandations chaque année sur les niveaux d'intervention publique à retenir filière par filière et outil par outil.

I. La situation actuelle - Le Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) est un organisme consultatif, dont les missions ont été élargies concomitamment au développement de l'assurance récolte

L'article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime régit le fonctionnement du comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA).

Aux termes de l'article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime, le CNGRA peut être consulté, à des fins d'expertise, par le ministre chargé de l'agriculture et, lorsqu'ils sont compétents, par le ministre chargé de l'environnement, le ministre chargé de l'économie et le ministre chargé de l'outre-mer.

Ses missions ont évolué concomitamment à la mise en place de l'aide au développement de l'assurance récolte. D'abord institué comme commission nationale des calamités agricoles auprès du fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) par l'article 13 de la loi n° 64-706 du 10 juillet 1964 organisant un régime de garantie contre les calamités agricoles, l'organisme rendait initialement des avis relatifs à la mise en oeuvre du régime des calamités agricoles.

L'extension du champ d'intervention du FNGCA à l'aide au développement de l'assurance récolte par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole a, par la suite, conduit à un élargissement de ses missions , tel qu'en témoigne sa requalification en Comité national de l'assurance en agriculture (CNAA).

Devenu le Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA), sous l'impulsion de l'article 26 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, dans le contexte de la création du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) , l'organisme rend désormais des avis en matière de gestion des aléas climatique, sanitaire, phytosanitaire et environnemental.

Ainsi, son avis est non seulement requis pour la validation des différentes étapes de la procédure des calamités agricoles (reconnaissance, conditions et modalités d'indemnisation, octroi des crédits aux départements), mais également sur les éléments suivants :

• les modalités de fonctionnement des fonds de mutualisation agréés prévus à l'article L. 361-3 du code rural et de la pêche maritime ;

• les conditions de développement des produits d'assurance contre les dommages causés aux exploitations agricoles, notamment l'impact des seuils de franchise et de perte sur ce développement et sur l'attractivité de l'assurance, et l'adéquation entre le niveau des primes de ces produits et le niveau de risque encouru ;

• l'évolution des instruments de gestion des risques et aléas en agriculture, y compris les techniques autres que l'assurance ou les fonds de mutualisation ;

• l'ensemble des textes réglementaires pris en matière de gestion des risques en agriculture.

Enfin, l'organisme dispose de la possibilité d'appeler, de sa propre initiative, l'attention du Gouvernement sur les sujets relevant de sa compétence.

La composition et les modalités de fonctionnement du CNGRA sont fixées par décret.

Placé auprès du ministère chargé de l'agriculture, le CNGRA est composé d'un président et d'un vice-président, choisis parmi les conseillers d'État ou les conseillers maîtres à la Cour des comptes, ainsi que de représentants de l'administration (ministère de l'agriculture, de l'économie et du budget, membre du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux), de représentants de chacune des organisations syndicales d'exploitants agricoles a` vocation générale et des chambres d'agriculture, de la Caisse centrale de réassurance (CCR) et de représentants des assurances et des banques.

À l'exception des représentants de l'État, ses membres sont nommés par arrêté pour une durée de trois ans. Leur mandat peut être prolongé dans la limite d'un an.

À la demande de son président ou des représentants des ministres, le CNGRA peut, en outre, si besoin, faire appel à tout expert ou personne qualifiée non membre du comité.

Aux termes de l'article D. 361-11 du code rural et de la pêche maritime, le secrétariat général, assuré par le ministère chargé de l'agriculture, organise les travaux du comité sous l'autorité du président.

Le Comité se réunit en moyenne quatre fois par an, sur convocation de son président ou à la demande du ministre chargé de l'agriculture et délibère au vu des rapports présentés par le secrétaire général.

II. Le dispositif envisagé - La création d'un comité chargé de l'orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes au sein du Comité national de gestion des risques en agriculture

L'article 5 prévoit la création d'un comité chargé de l'orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes en tant que formation spécifique au sein du Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA).

L'article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime, qui institue le CNGRA, est, par conséquent, modifié.

Le présent article précise que les missions et les modalités de fonctionnement de ce nouveau comité, ainsi que celles du CNGRA, seront déterminées par décret.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont adopté deux amendements rédactionnels. Ces amendements requalifient le comité chargé de l'orientation et du développement de l'assurance récolte en comité chargé de l'orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes.

En séance, un amendement requalifiant le comité précité en commission chargée de l'orientation et du développement des assurances récolte a été adopté.

Les députés ont, en outre, adopté cinq amendements identiques relatifs à la composition de la commission. Il est précisé qu'au sein de la commission sont représentés des organisations syndicales représentatives, des entreprises d'assurances et l'État, dans des conditions déterminées par décret. Des déclinaisons locales de la commission, ainsi que leur fonctionnement, doivent également être prévues par décret.

IV. La position de la commission - Mettre la commission chargée de l'orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes au coeur du dispositif de pilotage des outils de gestion des risques en agriculture

Dans sa rédaction actuelle, le présent projet de loi laisse au Gouvernement l'ensemble des marges de manoeuvre sur la fixation des taux du nouveau système de gestion des risques en agriculture, prévus aux articles L. 361-4 et L. 361-4-1 du code rural et de la pêche maritime.

Les incertitudes autour des modalités d'indemnisations sont d'autant plus fortes que, malgré l'intention annoncée du Gouvernement d'associer la commission chargée de l'orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes (CODAR) à la mise en place et au pilotage du nouveau système, les missions de cette nouvelle instance restent floues.

Sans taux déterminés et en l'absence de précisions sur la manière dont ces derniers vont être fixés, le Parlement ne détient donc aucune visibilité sur les indemnisations à venir des risques en agriculture . Ce manque de visibilité risque, en outre, d'entraver la bonne mise en oeuvre de la réforme, en atténuant la confiance des exploitants agricoles et des assureurs dans le nouveau système de gestion des risques en agriculture mis en place par le présent projet de loi.

La commission a ainsi adopté les amendements COM-66 et COM-97 du rapporteur et du rapporteur pour avis qui entendent mettre la commission chargée de l'orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes au coeur du dispositif de pilotage des outils de gestion des risques en agriculture , afin que les professionnels, qui connaissent le mieux les besoins des exploitants agricoles et des assureurs, proposent le système le plus en lien avec les réalités du terrain.

Modifiant l'article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime, l'amendement prévoit de confier la mission au CNGRA, à partir des travaux de la CODAR, de formuler, tous les cinq ans, des recommandations au Gouvernement sur les taux à retenir pour :

i. les seuils de franchise prévus à l'article L. 361-4 ;

ii. la part cumulée de prise en charge par l'État et la contribution de l'Union européenne des primes ou des cotisations d'assurance afférentes à certains risques agricoles prévue à l'article L. 361-4 ;

iii. les seuils d'intervention de l'État prévus à l'article L. 361-4-1 ;

iv. les taux d'indemnisation de l'État prévus à l'article L. 361-4-1 en fonction des modalités d'indemnisation.

Le CNGRA est, en outre, chargé de formuler chaque année des recommandations sur la fixation des principaux éléments composant le cahier des charges mentionné à l'article L. 361-4.

Ces compétences viennent compléter les missions du CNGRA qui relèvent d'ores et déjà du domaine de la loi. Toutefois, le rapporteur estime qu'il n'est pas du niveau de la loi de déterminer des missions à un comité technique d'un comité plus général. La CODAR étant une entité du CNGRA, il va de soi que l'amendement des rapporteurs entend confier en pratique cette mission à la seule CODAR.

Ainsi, la Commission entend préserver une lisibilité et une stabilité du cadre juridique en vigueur pour les exploitants agricoles et les assureurs en fixant les taux sur une période de cinq années, sauf exception.

Dans ses travaux, en amont de la formulation de ses recommandations, la CODAR s'appuiera sur les représentants des entreprises d'assurance ou, le cas échéant, le pool d'assurance prévu à l'article 9 du présent projet de loi, ainsi que sur des rapports remis par le Gouvernement au Parlement et rendus publics chaque année avant le 1 er avril, relatifs au bilan de l'application des articles L. 361-4 et L. 361-4-1 du code rural et de la pêche maritime et aux perspectives financières envisagées pour les années suivantes.

Enfin, l'amendement précise que la CODAR réunira non seulement les représentants des organisations syndicales représentatives, des entreprises d'assurance et de l'État, mais également, sur désignation du président de la Commission, en fonction de l'ordre du jour, les représentants des filières concernées avec voix consultative, dans des conditions précisées par décret. La Commission entend ainsi permettre la réunion de l'ensemble des filières agricoles au sein de l'instance pour fixer les taux précités , en fonction des cultures et des territoires.

Un autre amendement a été adopté afin de maintenir la présence des comités départementaux d'expertise ( COM-84 ).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 5 bis A (nouveau)

Décret de fixation des seuils et des taux des outils de gestion des risques en agriculture

Afin de garantir une certaine visibilité aux acteurs, qu'ils soient exploitants agricoles ou assureurs, cet article prévoit la fixation par décret des taux et des seuils des outils de gestion des risques mobilisés par l'État pour une période cinq ans, après consultation de la Codar.

I. La position de la commission - Fixation par décret des taux et des seuils des outils de gestion des risques pour une période de cinq ans, sauf exception

Pour que les acteurs s'engagent résolument dans le nouveau dispositif proposé dans le présent projet de loi, il est essentiel qu'ils disposent d'une visibilité sur les niveaux d'intervention publique dans les années à venir. Or, dans sa rédaction actuelle, ce texte n'offre aucune garantie aux acteurs concernés , le Gouvernement refusant d'y inscrire le moindre engagement financier. Ce dernier garde en effet la main libre sur la fixation des seuils et des taux des outils de gestion des risques, qui seront déterminés par décret.

Afin de susciter l'adhésion tant des exploitants agricoles que des assureurs au nouveau dispositif, la commission a , en lien avec les amendements COM-66 et COM-97 , adopté les amendements COM-67 et COM-98 du rapporteur et du rapporteur pour avis, qui précisent les conditions de détermination des paramètres des outils de gestion des risques en agriculture par voie réglementaire.

L'article ainsi rédigé crée un article L. 361-9 au sein du code rural et de la pêche maritime, lequel prévoit la fixation par décret d'un taux unique par culture ou groupe de cultures pour une période de cinq ans , sur la base des recommandations du CNGRA et de sa commission spécialisée, la commission chargée de l'orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes (CODAR).

Il est prévu que le décret fixe les taux pour :

i. les seuils de franchise prévus à l'article L. 361-4 ;

ii. la part cumulée de prise en charge par l'État et la contribution de l'Union européenne des primes ou des cotisations d'assurance afférentes à certains risques agricoles prévue à l'article L. 361-4 ;

iii. les seuils d'intervention de l'État prévus à l'article L. 361-4-1 ;

iv. les taux d'indemnisation de l'État prévus à l'article L. 361-4-1 en fonction des modalités d'indemnisation.

La fixation de taux annuels dérogatoires par arrêté est toutefois prévue, après avis de la CODAR, dans de rares situations. Par exemple, en cas de crise menaçant la pérennité de certaines cultures ou mettant en danger l'offre assurantielle disponible sur le marché, une baisse du seuil d'intervention de l'État devra être envisagée.

L'article dispose en outre qu'en cas d'inflation forte des primes d'assurance pour les exploitants, le montant de ces primes éligibles à subvention pourra être plafonné par le ministre chargé de l'agriculture.

Par la détermination de taux uniques et fixes, mais modulables temporairement en cas de circonstances exceptionnelles, cet article vise ainsi à concilier la nécessité de visibilité et de stabilité des acteurs concernés par le présent projet de loi avec le besoin de flexibilité du Gouvernement.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 5 bis

Constitution de provisions pour engagement de soutien des coopérateurs face aux aléas agricoles dans les coopératives agricoles

Cet article vise à favoriser la constitution de provisions pour engagement de soutien des coopérateurs face aux aléas agricoles dans les coopératives agricoles.

Lors de l'examen de cet article, la commission a adopté un amendement rédactionnel.

I. Le dispositif envisagé - Favoriser la constitution de provisions pour engagement de soutien des coopérateurs face aux aléas agricoles dans les coopératives agricoles

Au stade de la séance publique, les députés ont adopté deux amendements identiques de Marie-Christine Verdier-Jouclas et plusieurs de ses collègues et du rapporteur afin de permettre aux coopératives agricoles de se doter d'un nouvel outil de gestion des risques, aujourd'hui proscrit par la réglementation comptable.

En effet, les réserves des coopératives étant impartageables, les excédents placés en réserve une bonne année ne peuvent plus être affectés aux associés coopérateurs l'année où ils seraient nécessaires pour amortir l'impact d'un aléa agricole pour sauvegarder la pérennité des exploitations et, partant, celle de la coopérative.

Si certaines coopératives utilisent dès aujourd'hui des caisses de péréquation individualisées ou des provisions non réglementées, ces dernières sont parfois remises en cause par les commissaires aux comptes, comme ce fut le cas lors de l'épisode de gel d'avril 2021.

Dans le cadre de la réforme du plan comptable des coopératives agricoles adoptée en mai 2021, malgré la proposition des professionnels du monde de la coopération agricole d'une régularisation comptable pour permettre aux coopératives de mettre en place des provisions pour aléas ayant pour objectif de mutualiser et lisser les risques, l'Autorité des normes comptables a estimé que cette provision ne pouvait être intégrée dans le plan comptable qu'avec une base juridique précise, de préférence de niveau législatif.

C'est pourquoi l'article 5 bis modifie l'article L. 521-3-2 du code rural et de la pêche maritime pour prévoir que les règlements intérieurs des coopératives agricoles prévoient, le cas échéant, les modalités de constitution et de reprise d'une provision pour engagement de soutien des coopérateurs face aux aléas agricoles ou les modalités de constitution et de fonctionnement de caisses de compensation.

En pratique, la coopérative souscrit un engagement envers ses associés-coopérateurs, dont les modalités sont déterminées par le règlement intérieur, par le biais d'une décision de son conseil d'administration. La provision constituée lors des bonnes années, en tenant compte des conditions de marché, permettra à la coopérative de débloquer cette provision pour réduire les effets négatifs d'une mauvaise année, notamment dans le but de maintenir le niveau de rémunération des producteurs.

L'amendement modifie également l'article L. 521-3 du même code, lequel régit le contenu du statut des coopératives agricoles.

Aujourd'hui, parmi les huit conditions déterminées figure l'obligation pour la société de ne faire d'opération qu'avec ses seuls associés coopérateurs. L'article adjoint à cette obligation une condition, à savoir celle, pour la société coopérative, de fournir à ses associés coopérateurs « les services correspondant aux activités pour lesquelles ils se sont engagés. »

Si, en apparence, cet ajout peut sembler constituer une obligation supplémentaire, il s'agit en réalité d'un principe fondamental du droit coopératif, découlant du principe d'exclusivisme et contrepartie naturelle de l'engagement d'apport déjà mentionnée à l'article L. 521-3. Il est d'ores et déjà appliqué.

II. La position de la commission - Une clarification des normes comptables nécessaire pour faire émerger un outil intéressant dans le monde coopératif

Le rapporteur entend rappeler que les coopératives sont, de longue date, un outil de gestion des risques pour les agriculteurs, en assurant une part de mutualisation de ces derniers. Elles ont, par exemple, l'obligation de prendre tous les apports engagés, quelle que soit leur qualité, y compris lorsque les débouchés de marché sont taris. La coopérative, prolongement de l'exploitation de ses adhérents, est, dans les faits, un outil de solidarité entre les exploitants.

Toutefois, aujourd'hui, la mise en place d'un mécanisme comptable leur permettant de pallier la baisse du revenu des agriculteurs les années où des aléas climatiques se manifestent n'est possible qu'à la condition de le prévoir dans la loi. Leur permettre de réserver une part de leur marge opérationnelle les années favorables pour la redistribuer lors d'années moins fructueuses aux associés coopérateurs est de nature à renforcer la solidarité au sein d'une coopérative agricole, tout en lui faisant jouer un rôle essentiel dans la gestion des risques de ses adhérents.

L'article 5 bis va dans ce sens en inscrivant cette possibilité dans la loi tout en consolidant sa base légale par le rappel de l'obligation pour la coopérative de proposer des services correspondant aux activités pour lesquelles les exploitants se sont engagés.

La commission a adopté un amendement rédactionnel ( COM-68 ).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 6 (non modifié)

Mesure de coordination juridique sur les dispositions relatives aux exemptions et réductions d'impôts fonciers pour les bailleurs d'un bien rural en cas de calamités agricoles

Cet article vise à opérer une coordination juridique dans le code rural et de la pêche maritime nécessitée par les dispositions des articles 3 et 4 du présent projet de loi. Elle concerne les exemptions et réductions d'impôts fonciers pour les bailleurs d'un bien rural, qui, en cas de calamités agricoles, doivent bénéficier in fine aux fermiers.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. La situation actuelle - Une exemption ou une réduction d'impôts fonciers pour les bailleurs d'un bien rural, bénéficiant in fine aux fermiers, en cas de calamités agricoles

Aux termes de l'article L. 411-24 du code rural et de la pêche maritime, des exemptions ou des réductions d'impôts fonciers sont prévues pour les bailleurs d'un bien rural à la suite de calamités agricoles.

L'article dispose que, dans ce cas, l'exemption ou la réduction d'impôts fonciers accordée au bailleur bénéficie in fine au fermier. En effet, le fermier déduit du montant du fermage à payer au titre de l'année au cours de laquelle a eu lieu le sinistre une somme égale à celle représentant le dégrèvement dont a bénéficié le bailleur. Dans le cas où le paiement du fermage est intervenu avant la fixation du dégrèvement, le propriétaire doit en ristourner le montant au preneur.

II. Le dispositif envisagé - Opérer une coordination juridique nécessitée par la nouvelle architecture des calamités agricoles et de la solidarité nationale introduite par le présent projet de loi

Le présent article assure une coordination juridique dans le code rural et de la pêche maritime nécessitée par la nouvelle architecture du système issue du présent projet de loi et prévue aux articles L. 361-4-1 et L. 361-5 du même code.

L'article L. 411-24 du code rural et de la pêche maritime relatif aux exemptions et réductions d'impôts fonciers pour les bailleurs, qui doivent bénéficier in fine aux fermiers, est dans ce cadre modifié.

Le régime des calamités agricoles ayant désormais un champ réduit aux seules pertes de fonds, il est nécessaire, pour maintenir le dispositif actuel de l'article L. 411-24, de viser plus largement les pertes de cultures ou de récoltes susceptibles d'être indemnisés par l'État au titre de la solidarité nationale (article L. 364-4-1) ainsi que les pertes de fonds relevant du régime des calamités agricoles (article L. 364-5).

C'est pourquoi l'article 6 précise que ces exemptions ou réductions d'impôts fonciers interviennent au titre des calamités agricoles ou au titre de la solidarité nationale, telles que prévues aux articles L. 361-4-1 et L. 361-5 du même code.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté le présent article sans modification.

IV. La position de la commission

La commission a adopté le présent article sans modification.

Article 7

Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour compléter la réforme de l'assurance récolte en fixant de nouvelles obligations aux entreprises d'assurance

Cet article habilite assez largement le Gouvernement à prendre diverses mesures du domaine de la loi par ordonnance afin de fixer de nouvelles obligations aux entreprises d'assurance souhaitant commercialiser de l'assurance multirisque climatique.

La commission a adopté 16 amendements modifiant cet article afin de restreindre et préciser le champ d'habilitation qu'elle estimait trop large. Elle a ainsi consolidé juridiquement le texte vis-à-vis du droit de la concurrence et a sécurisé le nouveau dispositif en garantissant l'intervention, en tant que réassureur public, de la caisse centrale de réassurance, au moins au début de la réforme.

I. Le dispositif envisagé - De nouvelles obligations imposées aux assureurs pour mieux mutualiser leurs risques et se réassurer entre eux, éventuellement au sein d'un pool en charge du calcul d'une tarification technique commune

Plus de quinze années après son apparition dans le monde agricole, l'existence du modèle de l'assurance multirisque agricole est économiquement menacée faute d'une rentabilité suffisante du produit proposé aux exploitants.

Le taux de sinistres sur primes, qui compare les dépenses des assureurs (sinistres) à leurs recettes (primes des cotisants), est de 105 % en moyenne cumulée depuis 2005. Les assureurs sont donc structurellement et majoritairement en pertes sur le seul produit de l'assurance multirisque agricole, le taux permettant de couvrir une faible rentabilité étant, selon les personnes auditionnées, de 70 à 75 % pour couvrir les frais de gestion. Finalement, le modèle aurait permis de dégager une relative rentabilité uniquement deux ou trois années entre 2005 et 2021.

Le ratio se dégrade d'ailleurs depuis 2016, et semble durablement ancré à un niveau supérieur à 100 % (143 % en 2020, 119 % en 2019).

Faute d'attractivité, le marché s'étiole peu à peu, ce que l'on constate par la réduction du nombre d'acteurs présents, qui induit, mécaniquement, une relative concentration du marché. Alors que le nombre d'acteurs est d'environ 19 en Espagne, il n'est plus que de 9 en France, avec deux acteurs disposant de 70 % des parts de marché.

Cette situation explique, en outre, selon certains assureurs, les hausses récentes des primes, consenties afin de rétablir leur ratio. Toutefois, il est indéniable que la hausse des primes allant de 10 à 25 % annoncée par les principaux assureurs se traduira par une baisse du recours à l'assurance, d'autant plus que de nombreux exploitants estiment inutile de s'assurer désormais en raison la fréquence des aléas climatiques qui se traduit par une dégradation de la moyenne olympique des exploitants. Or cette moyenne constituant la base de l'indemnisation des exploitants en établissant une période de référence à laquelle est comparé le niveau de rendement de l'année sinistrée pour établir un niveau de pertes, plus elle se dégrade, plus leur probabilité et leur niveau d'indemnisation se réduisent en cas de perte.

Le système est entré dans un véritable cercle vicieux qui le rend de moins en moins viable.

Les principaux groupes d'assurance auditionnés par le rapporteur expliquent cette situation par :

- un trop faible taux d'assurances parmi les exploitants, qui réduit mécaniquement le global des primes encaissées, principalement car le niveau des polices d'assurance est jugé trop élevé selon les exploitants au regard des valeurs assurées, dégradées en raison du mécanisme de la moyenne olympique. D'autres auditionnés estiment qu'en outre certains exploitants agricoles ont une insuffisante « culture du risque » ;

- un niveau de risques à assurer très élevé, avec un taux de sinistralité de plus en plus important en raison du changement climatique : les pertes liées aux aléas climatiques impactant la production agricole sont devenues plus fréquentes, plus intenses et plus étendues ;

- une insuffisante mutualisation des risques en raison de portefeuilles de clients réduits à ce stade, qui impliquerait une forte volatilité du ratio sinistres/primes et, partant, une impossibilité de lisser à un niveau convenable le coût de l'assurance ;

- une dilution des informations sur la sinistralité par culture ou par zone géographique qui réduit la volonté des assureurs à proposer des produits compétitifs couvrant des risques qu'ils ne connaissent pas suffisamment.

Si ces deux premiers points sont traités principalement par les articles 1 à 3 du projet de loi, le niveau de risques devenant davantage pilotable par les opérateurs en le limitant pour l'assureur (les risques catastrophiques étant pris en charge par l'État) et les incitations à l'assurance étant plus marquées, les deux derniers relèvent du présent article 7, lequel entend favoriser une réduction du ratio de sinistres sur primes en assurant une meilleure connaissance des risques par les assureurs ainsi qu'une plus grande mutualisation des risques au sein d'un pool, tout en garantissant que les conditions d'application du nouveau système garantissent que les conditions d'assurance demeurent accessibles aux exploitants agricoles.

Le coeur du dispositif réside en la constitution d'un pool d'assureurs, sur la base du modèle espagnol.

Le modèle espagnol, une source d'inspiration pour la réforme proposée par le Gouvernement datant de 1978

L'étude d'impact rappelle qu' « en Espagne, le modèle est un partenariat mixte entre institutions publiques et entités d'assurance dans un régime de coassurance dans lequel la spécialisation de chacune des parties impliquées est exploitée.

La loi des assurances agricoles date de 1978, issue d'un consensus
politique. Si le système n'a pas été en équilibre entre 1978 et 1993, il l'est depuis. La conception du modèle cherche à tirer le meilleur parti de l'expérience et de la solvabilité de chacune des parties qui y participent. La délimitation des compétences de chacune d'entre elles est fondamentale pour garantir sa viabilité et son développement.

L'assurance est basée sur l'application stricte de la technique d'assurance. Les assurés sont tenus d'inclure dans les polices d'assurance toutes les parcelles destinées à cette production dont ils sont titulaires sur le territoire national, afin de disperser le risque. Les assureurs ne peuvent pas refuser une police d'assurance demandée par un producteur qui répond aux exigences qui y sont énoncées.

La solvabilité économique du système est garantie par deux instruments :

- la réassurance par l'intermédiaire du Consortium de Compensation d'Assurances, qui compense l'excédent de sinistres ;

- la création d'un « pool » d'entités d'assurance qui assument le risque du régime de coassurance géré par AGROSEGURO.

Les risques couverts sont les dommages causés par des variations anormales d'agents météorologiques, des ravageurs et des maladies dans les productions, ainsi que dans les plantations.

Le renouvellement du contrat a lieu chaque année en présence du conseiller (il y a ainsi concurrence des assureurs sur le conseil aux exploitants) ; les données demandées sont extrêmement exhaustives chaque année, ce qui permet une meilleure connaissance du risque. »

L'étude de législation comparée n° 269 de juin 2016 de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations du Sénat, réalisée à la demande des sénateurs Henri Cabanel et de Franck Montaugé, intitulée : « La couverture des risques en agriculture et les assurances agricoles », fournit, de son côté, des chiffres très intéressants permettant de dresser un bilan de ce système. En Espagne, « le taux d'assurance varie, selon les secteurs de moins de 3 % pour le fourrage à près de 90 % pour les fruits », soit un taux de pénétration beaucoup plus élevé dans la filière horticole qu'en France, mais des taux similaires pour l'élevage. En outre, il importe de rappeler que le taux d'effort public consenti a été très élevé puisque « le montant de la subvention totale accordée au titre de la souscription de contrats d'assurance agricole a crû de 137 millions à 437 millions d'euros entre 1997 et 2008, avant de diminuer régulièrement depuis cette date, pour atteindre 213,5 millions d'euros en 2014. »

Sources : étude d'impact ; « La couverture des risques en agriculture et les assurances agricoles », Note de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations LC 269 de juin 2016

Le dispositif pressenti serait le suivant :

- les assureurs qui proposeraient une assurance multirisque climatique auraient la possibilité de mettre en commun des données de sinistralité relevant de leur portefeuille de clients au sein d'un pool commun sur une base annuelle . Ces informations pourraient être des données sur les contrats souscrits (seuil, franchise, capitaux, cotisations), le numéro de l'agriculteur pour déposer des demandes d'aides PAC, la localisation de l'exploitation et ses principales caractéristiques, des données historiques de rendement et des données de sinistralité. Les données individuelles ainsi collectées permettraient de constituer des analyses détaillées de sinistralité par territoire et culture à une échelle relativement fine, améliorant en cela la connaissance des risques des assureurs ;

- ils pourraient rejoindre un unique groupement , au sein d'un pool, au moyen d'un contrat de co-réassurance passé entre les assureurs. Un groupement d'intérêt économique (GIE) serait chargé de mettre en oeuvre cette convention. Elle prévoirait, en contrepartie d'une prime de réassurance prélevée auprès de chaque assureur membre, une obligation pour les assureurs adhérents de céder au groupement une partie de leurs risques, couverts par des garanties relevant d'une subvention publique. Le pool couvrirait les indemnités correspondant aux risques cédés. Ce groupement pourrait faire l'objet d'une réassurance privée voir d'une éventuelle réassurance publique par la Caisse Centrale de réassurance sur des risques émergents et peu connus ;

- enfin, le pool pourrait, en outre, encadrer les relations contractuelles entre les assureurs membres et les exploitants en définissant des contrats types, leur tarification technique avant application des frais de gestion, inhérents à chaque assureur, normaliser les expertises et règlement des sinistres, traiter les litiges avec les exploitants, collecter les primes et verser les indemnisations. Cette solution maximaliste, qui reviendrait in fine à confier aux assureurs un simple rôle de distribution de produits d'assurance proposés par le pool, s'apparente un pool de co-assurance.

Pool de co-réassurance ou pool de co-assurance : quelles différences ?

Le pool de co-réassurance peut se définir comme une technique par laquelle « une partie déterminée d'un risque donné [est] couverte par un assureur apériteur et la partie restante de ce risque par les autres coassureurs, qui sont alors invités à couvrir cette dernière, pour a) réassurer mutuellement tout ou partie de leurs engagements relevant d'une catégorie déterminée de risques ; b) accessoirement, accepter, au nom et pour compte de tous les participants à la réassurance de la même catégorie de risques. »

Le pool de co-assurance peut se définir comme une technique par laquelle « une partie déterminée d'un risque donné [est] couverte par un assureur apériteur et la partie restante du risque par les autres coassureurs, qui sont invités à couvrir cette dernière, qui a) s'engagent à souscrire au nom et pour le compte de tous les participants l'assurance d'une catégorie déterminée de risques ; ou b) confient la souscription et la gestion de l'assurance d'une catégorie déterminée de risques en leur nom et pour leur compte à l'une d'entre elles, à un courtier commun ou à un organisme commun créé à cet effet . »

Source : Autorité de la concurrence, avis n° 21-A-16 du 22 novembre 2021 portant sur trois dispositifs de coopération horizontale entre assureurs en matière d'assurance multirisque climatiques

Ces modalités d'application ne sont pas arrêtées à ce stade et seront mises en oeuvre par voie d'ordonnance.

Le projet de loi habilite pour un délai de neuf mois le Gouvernement à prendre des mesures du domaine de la loi par voie d'ordonnance afin de définir les obligations incombant aux assureurs et aux agriculteurs afin de mettre en oeuvre le nouveau système d'indemnisation des dommages liés à des aléas climatiques.

En complément de l'encadrement plus strict concernant leurs actions au nom de l'État lorsqu'ils agissent en tant qu'interlocuteur unique agréé, qui se traduit par une application de méthodologies d'évaluation des pertes et de modalités d'indemnisations harmonisées et similaires aux procédures définies dans les contrats d'assurance (cf. article 3), l'article 7 entend favoriser une certaine harmonisation et régulation du système assurantiel pour l'offre de contrats d'assurance agricole.

Le 1° du I de l'article définissant le champ de l'habilitation définit des obligations aux assureurs souhaitant commercialiser une assurance multirisque subventionnable, ces dernières « pouvant consister à » :

- un éventuel partage des données qu'elles détiennent,

- une mutualisation des risques assurés,

- l'élaboration d'une tarification technique commune,

- l'exercice en commun de certaines activités liées à ces produits,

- la proposition à tout agriculteur qui en fait sa demande d'un contrat,

- l'encadrement des procédures d'évaluation et d'indemnisation des sinistres,

- la bonne réalisation des missions du réseau d'interlocuteurs agréés prévu à l'article 3 du projet de loi.

En outre, pour faciliter la gestion des obligations, notamment du point de vue de l'harmonisation des procédures, de la tarification commune et de la mutualisation de données, l'ordonnance peut permettre de créer un groupement (2°).

Le 3° habilite le Gouvernement à actualiser et compléter les missions de la caisse centrale de réassurance, pour lui permettre de participer aux évolutions du système et à la dynamique d'harmonisation entre assureurs.

Dans une logique de contrôle, le champ d'habilitation de l'ordonnance (4°) définit également les modalités de contrôle et les sanctions administratives applicables pour « assurer l'effectivité des dispositions des articles » du code rural et de la pêche maritime et du code des assurances relatifs au nouveau système mis en oeuvre par le présent projet de loi.

Le 5° habilite le Gouvernement à fixer des obligations déclaratives aux agriculteurs qui ne sont pas assurés, notamment auprès de l'interlocuteur unique agréé chargé de la gestion des indemnisations des risques dits « catastrophiques », y compris aux non assurés, au nom de l'État.

S'agissant des contrats en cours, l'ordonnance entend préciser, s'il y a lieu, les conditions dans lesquelles le nouveau cadre en vigueur s'appliquera aux contrats en cours (6°).

Enfin, le 7° opère la traditionnelle extension de l'ordonnance à toutes mesures permettant d'assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle de ces dispositions, d'harmoniser l'état du droit et de remédier aux erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet.

Le II dispose que sera déposé un projet de loi de ratification dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

II. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Au stade de la commission , outre douze amendements rédactionnels, les députés ont anticipé la date de publication de certaines ordonnances prévues par le présent article en adoptant plusieurs amendements identiques (de MM. Potier, Herth et de Mmes Gipson et Pinel), sous-amendés par le rapporteur.

Il en résulte que :

- la ou les ordonnances visant à définir les règles du pool (1°), à permettre la création du groupement (2°) et à compléter les missions de la caisse centrale de réassurance pour lui permettre de participer à ce pool (3°) devront être publiées dans un délai de six mois à compter de la promulgation de loi - si les amendements identiques proposés un délai de trois mois, le rapporteur a proposé un compromis à six mois qui a été adopté ;

- la ou les autres ordonnances prévues par cet article pourront être publiées dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi.

En outre, chacune des ordonnances devra faire l'objet du dépôt d'un projet de loi de ratification dans un délai de trois mois après sa publication (amendement du rapporteur).

En séance publique , quatre amendements ont été adoptés afin de préciser le contenu de l'habilitation consentie au Gouvernement à prendre des mesures du domaine de la loi par voie d'ordonnance :

- un amendement du rapporteur précise les modalités de création du pool en rendant obligatoire l'adhésion au pool des assureurs souhaitant proposer une assurance multirisque agricole ;

- un amendement du rapporteur est venu préciser que les ordonnances visent à garantir un large accès des exploitants agricoles à un régime d'assurance « par la limitation de la sélection adverse des risques par les entreprises d'assurance » ;

- un amendement de M. Charles de Courson et de plusieurs de ses collègues a précisé que les obligations résultant des ordonnances ne s'appliqueront qu'aux entreprises commercialisant des produits d'assurance contre les risques climatiques en France ;

- un autre amendement de M. Charles de Courson et de plusieurs de ses collègues rappelant que les obligations ne seront imposées qu'en respect du droit de la concurrence, du droit des données personnelles et du droit agricole, permettant de déroger aux règles communautaires en matière de concurrence pour répondre aux objectifs de la PAC.

III. La position de la commission - Une habilitation restreinte au strict nécessaire, plus précise au regard des contraintes du droit de la concurrence et enrichie d'une possibilité d'activer une réassurance publique

Le rapporteur estime que l'architecture proposée autour d'un pool de co-réassurance permettra une meilleure mutualisation des risques entre entreprises proposant des produits d'assurance . Ce facteur clé de succès de la réforme, combiné au plafonnement du risque « vertical » des assureurs, les risques catastrophiques étant pris en charge par l'État, est de nature à redresser la rentabilité du marché pour les assureurs.

Toutefois, il s'inquiète des sérieux doutes émis par l'autorité de la concurrence quant à l'adéquation du système proposé avec le droit de la concurrence .

Le Gouvernement a saisi l'Autorité de la concurrence par lettre du 1 er octobre 2021, en application de l'article L. 462-1 du code de commerce, d'une demande d'avis portant sur trois dispositifs de coopération horizontale entre assureurs en matière d'assurance multirisque climatique envisagés par les ministères en charge de l'économie et de l'agriculture. L'Autorité de la concurrence a rendu son avis (n° 21-A-16) le 22 novembre 2021.

À titre consultatif, elle estime que, dans le cas où les assureurs décident, de leur propre initiative, de constituer un groupement sous une des formes précitées , celui-ci serait susceptible d'être qualifié d'entente , au sens de l'article L. 420-1 du code du commerce et de l'article 101, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Toutefois, conformément au paragraphe 3 de l'article 101 du TFUE, une dérogation au droit des ententes est possible lorsque les assureurs, sur lesquels repose la charge de la preuve, parviennent à démontrer que quatre conditions cumulatives sont remplies :

- contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique ;

- réserver aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte ;

- ne pas imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ;

- ne pas donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

Dans le cas où l'adhésion au groupement serait rendue obligatoire par voie législative, tel que prévu par le présent article depuis l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale en première lecture, l'Autorité de la concurrence indique néanmoins que les entreprises concernées pourraient échapper au droit des ententes . L'article L. 420-4 du code de commerce, issu d'une jurisprudence européenne 19 ( * ) , estime en effet que les pratiques résultant de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application ne sont pas soumises à l'article L. 420-1 régissant le droit des ententes. Autrement dit : tout regroupement imposé par la loi échappe aux règles liées aux ententes volontaires.

Pour autant, l'Autorité de la concurrence rappelle que les États membres sont tenus, en vertu de l'article 4 du TUE, de ne « pas porter préjudice par leur législation nationale à l'application pleine et uniforme du droit communautaire et à l'effet des actes d'exécution de celui-ci, et de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises 20 ( * ) », tout manquement étant susceptible d'engager la responsabilité de la France. Et le président de séance de conclure : « si une mesure législative rendait obligatoire l'adhésion à un dispositif sur lequel l'Autorité a émis des réserves [...], la Commission européenne serait [...] en mesure [...] de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'un recours. »

Dans cet avis, l'Autorité de la concurrence a :

- conclu que la mise en commun des données individuelles de sinistralité par le biais d'une structure tierce apparaît comme le dispositif le moins problématique au regard du droit européen de la concurrence , à condition de respecter certaines conditions. En prenant en compte les risques de pertes de récolte, ce type de groupement permettrait, en effet, des contrats plus adaptés aux réalités agricoles, une tarification plus juste et, par conséquent, l'arrivée de nouveaux assureurs sur le marché ;

- soulevé un « certain nombre de réserves » sur la constitution d'un groupement de co-réassurance . Le groupement de co-réassurance pourrait faire l'objet d'une exemption, dès lors qu'il est démontré le caractère indispensable de la création d'un seul groupement ainsi que l'absence d'alternatives moins restrictives ;

- émis de « sérieuses réserves » quant à la compatibilité avec le droit de la concurrence du dispositif relatif à la constitution d'un groupement de co-assurance, dans la mesure où il induirait l'élimination de la concurrence par la détermination du prix par le pool sur le marché de l'assurance MRC.

Cet avis laisse planer le flou sur la pleine applicabilité dans le temps du droit proposé, qui ne manque pas d'inquiéter les professionnels auditionnés par le rapporteur.

D'autant que le manque de transparence est accentué par la volonté du Gouvernement de prendre une ordonnance au champ d'habilitation très vaste pour se laisser un maximum de possibilités de rédaction. Le Gouvernement demande aux parlementaires de lui signer un « chèque en blanc » pour qu'il puisse dessiner, à sa guise, le moteur du système à venir de gestion des risques.

S'il faut en regretter le recours accru durant le quinquennat, l'ordonnance semble néanmoins se justifier ici par la nécessaire consultation des acteurs ainsi que par son caractère technique .

Toutefois, le champ d'habilitation proposé est excessivement large et mérite d'être clairement précisé pour deux raisons :

- d'une part, outre une meilleure sincérité du débat parlementaire, il est nécessaire d'y insérer quelques garde-fous préconisés par l'Autorité de la concurrence dans son avis pour sécuriser juridiquement le dispositif. À défaut, le risque serait que la loi tombe dès le premier contentieux. Or une loi applicable, même moins-disante, vaut mieux qu'une loi ambitieuse mais censurée au premier litige ;

- d'autre part, il est impératif de s'assurer que le pool envisagé se traduise réellement par une amélioration concrète pour les exploitants agricoles, notamment par une baisse des primes .

À cet égard, si la mise en oeuvre du pool entend simplement réduire le ratio sinistres sur primes des assureurs pour améliorer leur rentabilité sans améliorer la couverture des agriculteurs ou le niveau de primes, la pertinence de la réforme sera mise en doute, par le monde agricole sur le plan politique bien sûr, mais également, sur un plan plus juridique, par le juge de la concurrence. En effet, comme le rappelle l'Autorité de la concurrence, une des conditions à l'exemption de l'application du droit de la concurrence est de réserver « aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte 21 ( * ) ». Sur ce dernier point, le Gouvernement, lui-même, reconnaît que les gains attendus seront probablement captés par les assureurs pour restaurer leur rentabilité et qu'il n'est pas à attendre de baisse des primes dans l'immédiat, bien que la réforme aboutisse à conjurer le risque d'une hausse importante du taux de primes.

En outre, la constitution du pool pourrait être de nature à permettre aux assureurs membres du groupement de plus facilement refuser d'assurer directement ou indirectement (par la proposition d'une prime d'assurance démesurément élevée) les profils les plus à risque. Or le défaut d'assurance sera pénalisé, dans les faits, par une moindre indemnisation de l'État dans le système mis en oeuvre. Ce risque d'anti-sélection par les assureurs est à conjurer pour atteindre l'objectif d'un taux de pénétration suffisant du marché de l'assurance récolte dans le monde agricole.

C'est dans ce double objectif que la commission, à l'initiative de son rapporteur, a adopté plusieurs amendements visant à préciser et circonscrire autant que nécessaire le champ de l'habilitation demandée par le Gouvernement.

Outre quatre amendements rédactionnels ( COM-69 , COM-74 , COM-103 et COM-76 ), la commission a souhaité, à l'initiative de son rapporteur et du rapporteur pour avis de la commission des finances :

- restreindre le champ de l'habilitation au strict nécessaire, notamment en supprimant la possibilité pour les assureurs d'exercer certaines activités en commun, sans précision sur ces dernières. Un tel champ serait susceptible de fragiliser le dispositif au niveau du droit de la concurrence, notamment en permettant la constitution d'un pool de co-assurance ( COM-72 et COM-101 ) ;

- garantir l'anonymat des données en s'assurant que leur mutualisation se fasse auprès d'une structure tierce, qui veillera à restituer l'ensemble d'entre elles aux assureurs les ayant partagées avec un degré d'anonymisation et d'agrégation suffisant ( COM-70 et COM-99 ) ;

- s'assurer que la tarification technique commune n'empêche pas l'exercice d'une liberté commerciale de l'assureur dans la détermination de la prime du contrat ( COM-71 et COM-100 ) ;

- encadrer l'obligation pour l'assureur de proposer un contrat à tout exploitant qui en fait la demande, pour que cette proposition soit faite dans des conditions raisonnables ( COM-73 et COM-102 ) ;

- préciser que la caisse centrale de réassurance pourrait se porter réassureur public de l'éventuel pool, notamment afin de s'assurer de l'attractivité du modèle au lancement de la réforme ( COM-75 , COM-104 et COM-25 ).

Enfin, la commission a estimé que l'ordonnance devait être publiée suffisamment tôt afin de laisser le temps aux assureurs de connaître les règles du jeu avant l'entrée en vigueur de la loi. Elle a ainsi estimé qu'un délai de publication de l'ordonnance de 4 mois à compter de la promulgation de la loi offrait un bon équilibre ( COM-77 ).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 8

Exclusion de l'outre-mer du nouveau dispositif d'indemnisation des pertes de cultures et de récoltes en agriculture

Cet article vise à exclure les territoires d'outre-mer du champ d'application du présent projet de loi, à l'exception de l'article 10. Il étend, en outre, la définition des calamités agricoles, prévue à l'article L. 361-5 du même code, à l'outre-mer.

Dans la perspective d'une éligibilité progressive des exploitants ultramarins au système d'indemnisation résultant du projet de loi, la commission propose de conserver la possibilité pour le CNGRA d'appeler l'attention du Gouvernement sur les sujets relatifs à l'outre-mer relevant de sa compétence.

I. La situation actuelle - L'indemnisation des calamités agricoles en outre-mer est régie par le Fonds de secours pour l'outre-mer (FSOM), tandis que l'offre en matière d'assurance récolte reste inexistante dans ces territoires

i) dérogeant au droit commun, l'indemnisation des calamités agricoles en outre-mer est régie par le Fonds de secours pour l'outre-mer (FSOM)

Aux termes des articles L. 371-13, L. 372-3, L. 373-3 et L. 374-3 du code rural et de la pêche maritime, le régime d'indemnisation des calamités agricoles de droit commun, institué par la loi n° 64-706 du 10 juillet 1964 22 ( * ) et régi actuellement par l'article L. 361-5 du code rural et de la pêche maritime, ne s'applique respectivement pas aux départements et régions d'outre-mer (DROM), à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Des dispositifs spécifiques d'indemnisation des calamités agricoles ont, ainsi, initialement été prévus en outre-mer par le législateur. L'article 5 de la loi n° 93-934 du 22 juillet 1993 23 ( * ) institue, en effet, un fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d'outre-mer, destiné aux sinistrés ultramarins, qui indemnise les biens non assurables. La création, dans ce cadre, d'une commission des calamités agricoles des départements d'outre-mer compétente dans la mise en oeuvre du fonds est également prévue.

L'article 72 de loi n° 2017-256 du 28 février 2017 24 ( * ) , codifié à l'article L. 371-13 du code rural et de la pêche maritime, prévoit , ensuite, la possibilité de créer un fonds de mutualisation dans les départements d'outre-mer. Cofinancé par des fonds publics européens, par le biais du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et nationaux, ce fonds vise à prendre en charge les indemnisations des calamités agricoles.

Faute de publication des textes d'application, ces dispositifs n'ont toutefois pas été mis en place . Le faible développement de l'assurance récolte en outre-mer, dans le premier cas, et l'inaboutissement des travaux de consultation locale, dans le second, ont en effet entravé leur mise en oeuvre.

Palliant l'absence de dispositifs dédiés, le fonds de secours pour l'outre-mer (FSOM), complété par les fonds européens, constitue, par conséquent, le principal outil d'indemnisation des calamités agricoles en outre-mer.

Aux termes de l'article L. 371-13 du code rural et de la pêche maritime, les dispositions relatives à l'indemnisation des calamités agricoles en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte « sont fixées par les textes régissant le fonds de secours pour l'outre-mer inscrit au budget général de l'État ». De même, conformément aux articles L. 372-5, L. 373-11 et L. 374-12 du même code, le bénéfice du dispositif est respectivement ouvert aux collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

La définition des calamités agricoles, inscrite à l'alinéa 2 de l'article L. 361-5 du code rural et de la pêche maritime, n'étant toutefois pas applicable à ces territoires, les préfets des régions touchées par une catastrophe naturelle prennent des arrêtés « portant déclaration de l'état de calamité agricole ».

Une circulaire du 11 juillet 2012 relative à la mise en oeuvre du fonds de secours pour l'outre-mer (FSOM) précise les modalités d'indemnisation des calamités agricoles en outre-mer par le fonds.

Le FSOM peut intervenir dans deux situations, non exclusives l'une de l'autre :

• En extrême urgence pendant une catastrophe naturelle ;

• En phase d'après-crise, son champ d'intervention est décliné en plusieurs catégories (calamité agricole, particuliers, entreprises familiales et collectivités).

L'intervention du fonds de secours doit être demandée par le représentant de l'État, qui doit respecter une procédure d'instruction précisée par la circulaire.

Procédure de demande d'intervention du Fonds de secours pour l'outre-mer (FSOM)

À la suite d'une catastrophe naturelle, le représentant de l'État dispose d'un délai maximum de trois mois pour effectuer une demande d'intervention du FSOM. La demande accompagnée doit être accompagnée des documents suivants :

• un rapport d'expertise démontrant le caractère exceptionnel de l'agent naturel à l'origine des dégâts et précisant les communes concernées ;

• une évaluation approximative du montant des dommages causés par les calamités agricoles.

L'intervention du fonds est ensuite décidée, dans un délai d'un mois, par le ministre des outre-mer, dès lors que l'événement calamiteux a une durée de retour au moins égale à dix ans. Il peut, à cette fin, réunir le comité interministériel du fonds de secours (CIFS). Chargé de la répartition et de l'attribution des aides, ce comité est présidé par la direction générale des outre-mer (DGOM) et composé de représentants du ministère de l'action et des comptes publics, du ministère de l'agriculture et de l'alimentation et de toute autre administration concernée.

En cas d'ouverture de la procédure, le représentant de l'État conduit, dans un délai de six mois, l'instruction des dossiers de demandes. À la réception du dossier local d'instruction complet, le CIFS décide de l'attribution définitive de l'aide financière par dossier présenté. Le représentant de l'État dans le territoire est ensuite chargé de prendre l'arrêté d'attribution.

Pour bénéficier du fonds, les exploitants agricoles doivent répondre à des conditions d'éligibilité . Concernant les pertes de récolte, deux seuils doivent être franchis pour que l'exploitant soit éligible :

• un niveau de pertes, pour chaque culture considérée, supérieur ou égal à 25 % du tonnage de référence. Ce seuil est de 36 % pour la banane, qui bénéficie au titre du POSEI 25 ( * ) d'une aide directe partiellement découplée ;

• et un niveau de pertes supérieur ou égal à 13 % du chiffre d'affaires total .

Pour les filières animales, des seuils spécifiques peuvent être proposés par les services déconcentrés de l'agriculture.

Pour les pertes de fonds, aucun seuil de perte n'est requis, à l'exception d'une aide minimale fixée à 300 €.

Le fonds de secours ne permet toutefois qu'une indemnisation limitée des calamités agricoles. En effet, pour chaque sinistre , le taux moyen de l'aide ne peut excéder 30 % pour les pertes récolte et 35 % pour les pertes de fonds . Des taux d'aides différenciés peuvent être proposés par le service instructeur selon l'importance des pertes, le type de culture concernée ou la dimension économique des exploitations. Un taux d'abattement s'applique, en outre, en fonction de l'ancienneté des cultures. Par ailleurs, dans les collectivités d'outre-mer, le fonds de secours n'indemnise que les pertes de fonds.

Le FSOM est doté en loi de finances initiale, depuis 2014, d'une enveloppe annuelle de 10 millions d'euros , tous secteurs confondus, provenant du programme « conditions de vie outre-mer » de la mission ministérielle outre-mer du budget de l'État. En cas de circonstances exceptionnelles, des crédits supplémentaires peuvent être mobilisés.

Complétant ce dispositif, le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) régional indemnise les pertes « de fonds » subies par les exploitants agricoles ultramarins en cas de catastrophe naturelle. La mesure 5 du FEADER régional pour « la reconstitution du potentiel de production endommagé par des catastrophes naturelles et mise en place de mesures de prévention appropriées », prévue à l'article 18 du règlement UE n° 1305/2013, peut en effet être mobilisée. Inscrite dans les programmes de développement rural (PDR) régionaux de la Guadeloupe, de La Réunion, de la Martinique et de Mayotte et Mayotte et relevant de la mesure 5.2 relative à la reconstitution du potentiel de production, cette aide peut être sollicitée après une catastrophe naturelle, lorsque le FSOM se limite à indemniser les pertes de récoltes.

Enfin, le POSEI permet de soutenir les revenus des exploitants agricoles ultramarins, en conservant leurs droits aux aides en cas de circonstances exceptionnelles, notamment en cas d'aléa climatique affectant les productions agricoles. Les aides du POSEI sont alors basées sur une référence historique moyenne de production au lieu de la production de l'année en cours.

ii) si une partie du champ d'application du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) a été étendue à l'outre-mer, les exploitants agricoles ultramarins n'en bénéficient pas dans les faits, faute d'offre assurantielle

Au vu de l'échec de la mise en place du fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d'outre-mer, les dispositions nationales en matière de gestion des risques en agriculture, prévues au chapitre I er du titre VI du Livre III de la partie législative du code rural et de la pêche maritime, ont également, en partie, été étendues à l'outre-mer.

L'article 63 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole ouvre en effet le bénéfice des aides au développement de l'assurance récolte du FNGCA aux départements d'outre-mer. Cette mesure s'inscrit dans la continuité de l'article 5 de la loi du 22 juillet 1993 précitée, qui prévoyait que le fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d'outre-mer « concourt au développement de l'assurance contre les risques agricoles ». L'ordonnance du 31 mai 2012 26 ( * ) élargit son bénéfice à Mayotte. Aux termes de l'article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime, ces aides relèvent désormais de la deuxième section du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA).

L'article 5 de l'ordonnance n° 2016-391 du 31 mars 2016 27 ( * ) étend ensuite, le champ d'application du chapitre I er du titre VI du Livre III de la partie législative du code rural et de la pêche maritime aux départements et régions d'outre-mer (DROM), ainsi qu'aux collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Codifiée aux articles L. 371-1, L. 372-1, L. 373-1 et L. 374-1 du code rural et de la pêche maritime, cette mesure élargit le bénéfice des aides au développement de l'assurance récolte aux collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Pour autant, les exploitants agricoles ultramarins n'ont, dans les faits, pas recours au FNGRA .

En effet, aucune offre assurantielle climatique n'existe dans ces territoires , empêchant ainsi le recours aux aides au développement de l'assurance récolte.

Par ailleurs, plusieurs exceptions sont maintenues . Aux termes des articles L. 371-13, L. 372-3, L. 373-3 et L. 374-3 du même code, s'appliquant respectivement aux DROM, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, ces territoires restent exclus de l'indemnisation des calamités agricoles, régie par la troisième section du FNGRA et prévue à l'article L. 361-5 du même code. De même, les 1° et 2° de l'article L. 361-2, relatif aux ressources du FNGRA, et L. 361-6, relatif au contentieux des décisions individuelles portant sur l'indemnisation des calamités agricoles, ne s'appliquent pas à ces territoires.

II. Le dispositif envisagé - Exclusion des territoires d'outre-mer du champ d'application du projet de loi et modification des dispositions relatives à l'outre-mer dans le code rural et de la pêche maritime, à des fins de coordination juridique

L'article 8 précise la portée du présent projet de loi en outre-mer et procède à des coordinations juridiques, en modifiant les dispositions du titre VII du livre III de la partie législative du code rural et de la pêche maritime, consacrées à l'outre-mer.

D'abord, le I du présent article prévoit que les dispositions introduites par le présent projet de loi ne s'appliquent pas en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon . La version actuelle du chapitre I er relatif à la gestion des risques en agriculture du titre VI du Livre III de la partie législative du code rural et de la pêche maritime continue, par conséquent, de s'appliquer dans ces territoires.

À l'occasion de son audition, la Direction générale des outre-mer a néanmoins indiqué que le Gouvernement entend, par le biais de l'ordonnance prévue à l'article 9 du présent projet de loi, intégrer l'outre-mer au chantier d'évolution du système de gestion des risques climatiques en agriculture.

Une exception est toutefois faite pour l'article 10 du projet de loi , modifiant l'article L. 122-7 du code des assurances, qui s'applique aux DROM, ainsi qu'aux collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le II de l'article 8 procède ensuite à des coordinations juridiques , en prévoyant que, conformément au I du même article, les articles L. 361-1 A et L. 361-4-1 introduits par le présent projet de loi au chapitre I er du titre VI du livre III du code rural et de la pêche maritime ne s'appliquent pas aux territoires précités. Les articles L. 371-13, L. 372-3, L. 373-3 et L. 374-3 du même code, consacrés respectivement aux DROM, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon et précisant les dispositions du chapitre précité qui ne s'appliquent pas à ces territoires, sont ainsi modifiés.

Il exclut , en outre, les DROM, ainsi que les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon du champ d'application du huitième alinéa de l'article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime . Le Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) ne dispose, par conséquent, plus de la possibilité d'appeler l'attention du Gouvernement sur les sujets relevant de sa compétence qui concernent les territoires précités.

Enfin, la définition des calamités agricoles, inscrite au deuxième alinéa de l'article L. 361-5 du code rural et de la pêche maritime, est étendue à l'outre-mer. Les articles L. 371-13, L. 372-5, L. 373-11 et L. 374-12 du code rural et de la pêche maritime, s'appliquant respectivement aux DROM, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, précisent ainsi que le Fonds de secours pour l'outre-mer régit l'indemnisation des calamités agricoles, « telles que définies deuxième alinéa de l'article L. 361-5 du code rural et de la pêche maritime ».

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté le présent article sans modification.

IV. La position de la commission - Conserver la possibilité pour le CNGRA d'appeler l'attention du Gouvernement sur les sujets relatifs à l'outre-mer relevant de sa compétence

La commission partage le constat que les particularités géographiques et économiques de l'outre-mer ne permettent pas, à ce jour, d'étendre les dispositions de droit commun en matière de gestion des risques en agriculture à ces territoires .

L'outre-mer fait d'abord face à une récurrence de certains aléas climatiques, qui expose les exploitants agricoles ultramarins à un risque accru de pertes. En plus des effets de la sécheresse dans ces territoires, le risque cyclonique pèse tout particulièrement sur les Antilles, tel que l'ont illustré les ouragans Irma et Maria en 2017.

De plus, l'agriculture en outre-mer présente certaines particularités. Les filières agricoles ultramarines se caractérisent notamment par des niveaux de structuration très hétérogènes. D'un côté, les cultures structurées comme la banane et la canne à sucre, principalement destinées à l'export, constituent des filières spécifiques, qui disposent d'outils de connaissance des productions et des risques développés. D'un autre côté, d'autres cultures sont moins structurées, en particulier dans la filière élevage. Destinées au marché local, ces productions passent par des circuits de distribution parfois informels. Les exploitations agricoles ultramarines se caractérisent, en outre, par une plus grande fragilité économique. Leur taille réduite, avec un terrain de 5 hectares en moyenne, contre 68 en métropole, ainsi que leur faible trésorerie et leur difficile accès aux prêts bancaires les rendent, en effet, plus vulnérables 28 ( * ) .

Dans ce contexte, il n'existe, à ce jour, pas d'offre d'assurance récolte en outre-mer. En effet, l'étroitesse du marché, les conditions climatiques, ainsi que la difficulté d'y évaluer les dommages causés n'incitent pas les assureurs à développer une offre dans ces territoires. Ces facteurs ont également contribué à l'échec de la mise en place du fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d'outre-mer, qui devait principalement bénéficier aux exploitations agricoles assurées.

Au vu de ces éléments, et alors que le présent projet de loi vise à développer l'assurance récolte, avec la mise en place d'un système à trois étages, la commission estime justifié le maintien des exploitants agricoles ultramarins dans un système spécifique . La nécessaire structuration de certaines filières agricoles, ainsi que la mise en place des conditions permettant le développement de l'assurance récolte en outre-mer, requièrent, en effet, un délai plus long en amont d'un rapprochement de l'agriculture ultramarine des dispositions de droit commun.

La commission rappelle toutefois que le maintien d'un système dérogatoire en outre-mer ne se justifie qu'à titre transitoire . La Commission souligne, en effet, l'importance d'un rapprochement progressif de l'outre-mer des dispositifs de droit commun de gestion des risques en agriculture, en particulier pour les filières les plus structurées .

Elle accueille ainsi favorablement l'extension de la définition des calamités agricoles, prévue à l'article L. 361-5 du code rural et de la pêche maritime, à l'outre-mer.

La commission est, en revanche, défavorable à l'exclusion des départements, régions et collectivités d'outre-mer du champ d'application du huitième alinéa de l'article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime . Si le CNGRA n'est, en effet, pas compétent en matière d'indemnisation des calamités agricoles en outre-mer - le comité interministériel du fonds de secours (CIFS) y assume ce rôle -, il convient toutefois de maintenir ses compétences prospectives dans ces territoires. En effet, le rôle d'instance de réflexion du CNGRA reste pertinent en outre-mer au vu de l'ambition du Gouvernement d'intégrer l'outre-mer au chantier d'évolution du système de gestion des risques climatiques en agriculture. La commission a, par conséquent, adopté l'amendement COM-78 , qui supprime la mesure, conservant ainsi la possibilité pour le CNGRA d'appeler l'attention du Gouvernement sur les sujets relatifs à l'outre-mer relevant de sa compétence.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 9 (non modifié)

Habilitation à légiférer par ordonnance pour moderniser les outils de gestion des risques en agriculture applicables à l'outre-mer

Cet article vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour préciser les principes d'organisation et d'intervention du fonds de secours pour l'outre-mer dans les départements, régions et collectivités d'outre-mer et déterminer les conditions d'accès des exploitants agricoles ultramarins au fonds national de gestion des risques en agriculture.

Compte tenu des consultations nécessaires, la commission a adopté l'article sans modification.

I. Le dispositif envisagé - Une habilitation à légiférer par ordonnance pour préciser les principes d'organisation et d'intervention du fonds de secours pour l'outre-mer et déterminer les conditions d'accès des exploitants agricoles ultramarins au fonds national de gestion des risques en agriculture

Le présent article habilite le Gouvernement à prendre, par voie d'ordonnance, dans un délai de vingt-quatre mois, des dispositions législatives permettant de préciser les principes d'organisation et d'intervention du fonds de secours pour l'outre-mer (FSOM) , mentionné à l'article L. 371-13 du code rural et de la pêche maritime, et de déterminer les conditions dans lesquelles les exploitants agricoles ultramarins peuvent avoir accès au fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA).

Plus précisément, la Direction générale des outre-mer (DGOM) a indiqué au rapporteur l'intention du Gouvernement de moderniser le FSOM , tout en créant les conditions permettant un éventuel rapprochement de l'outre-mer du droit commun , notamment en structurant les filières agricoles et en oeuvrant en faveur du développement de l'assurance récolte dans ces territoires. L'ambition du Gouvernement serait ainsi de mettre en place un mécanisme de gestion des risques en agriculture à trois étages en outre-mer :

i) une incitation au développement de l'assurance récolte , par la prise en charge d'une partie des primes ou des cotisations d'assurance afférentes à certains risques agricoles par la deuxième section du FNGRA ;

ii) un fonds de mutualisation pour couvrir les pertes causées par un aléa climatique, prévu à l'article L. 371-13 du code rural et de la pêche maritime. Il s'agirait d'un fonds mutualisé dans l'ensemble des outre-mer, cofinancé par des cotisations des exploitants agricoles ultramarins, les fonds publics français et européens, par le biais FEADER ;

iii) une intervention de l'État dans l'indemnisation des calamités agricoles , par le biais du Fonds de secours pour l'outre-mer.

L'hétérogénéité entre les différentes filières agricoles ultramarines , en matière de structuration des filières et de maturité vis-à-vis des outils assurantiels, serait, dans ce cadre, prise en compte . Tandis que les grandes filières structurées, la banane et la canne à sucre, bénéficieraient de la coexistence d'un système assurantiel, soutenu par le FNGRA, et d'un fonds de mutualisation, financé en partie par des cotisations des exploitants agricoles, les filières peu structurées continueraient de bénéficier, avec une indemnisation moindre, d'un fonds des calamités.

Par ailleurs, parmi les pistes de modernisation du FSOM envisagées, la DGOM évoque le renforcement de l'interopérabilité du FSOM avec l'indemnisation des calamités agricoles, via le logiciel CALAMNAT afin de fluidifier et sécuriser le circuit d'instruction et de paiement des dossiers.

L'ordonnance vise, ainsi, à « permettre aux systèmes de production agricole des outre-mer de surmonter durablement les aléas climatiques, en prenant en compte la spécificité de ces territoires et l'objectif de renforcement de leur autonomie alimentaire ».

Il est, enfin, prévu que l'ordonnance puisse procéder aux modifications qui seraient rendues nécessaires « pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l'état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet ».

II. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont adopté un amendement rédactionnel.

III. La position de la commission - Une réforme nécessaire des outils de gestion des risques en agriculture dans les départements, régions et collectivités d'outre-mer

La commission accueille favorablement la réforme des outils de gestion des risques en agriculture dans les départements, régions et collectivités d'outre-mer.

Le Fonds de secours pour l'outre-mer , qui constitue le principal outil d'indemnisation des calamités agricoles en outre-mer , est, en effet, jugé insuffisant pour assumer seul la gestion des risques en agriculture dans ces territoires.

Si le Fonds sert de palliatif utile à l'absence de mise en oeuvre de dispositifs dédiés à l'indemnisation des calamités agricoles en outre-mer, ses modalités de fonctionnement et d'indemnisation font l'objet de critiques récurrentes.

Les personnes entendues mentionnent notamment la longueur de la procédure d'intervention du FSOM, qui peut durer plus de 12 mois. Les paiements versés aux sinistrés sont par conséquent tardifs et ne permettent pas de fournir une trésorerie immédiate aux exploitants agricoles ayant subi de très lourdes pertes. Certains exploitants agricoles ont ainsi été amenés à abandonner leur activité, en particulier à la suite de l'ouragan Irma. Un rapport du Sénat de novembre 2019 29 ( * ) recommandait par conséquent au Gouvernement de réviser l'encadrement du fonds de secours, afin notamment de raccourcir les délais de mobilisation du Fonds par le représentant de l'État.

De plus, les exploitations agricoles des filières peu structurées font face à des difficultés pour compléter les dossiers de demande d'indemnisation. Faute de cotisations sociales et de déclaration fiscale à jour, les sinistrés ne font parfois pas de demande d'indemnisation, bien qu'ils aient subi de fortes pertes. Pour les exploitants agricoles à jour, la récupération des informations est également parfois jugée fastidieuse.

Par ailleurs, le fonds ne comporte pas d'incitation à la mutualisation des risques et ne permet pas aujourd'hui aux exploitants agricoles ultramarins de bénéficier des fonds européens.

La commission estime, par conséquent, la modernisation du FSOM souhaitable.

Le rapporteur souligne, en outre, l'importance de développer des outils de gestion des risques agricoles en outre-mer autres que le FSOM, en particulier l'assurance récolte , en vue de favoriser un rapprochement de système ultramarin du droit commun.

D'abord, le Fonds de secours ne peut, à lui seul, constituer le recours de référence post-catastrophe. La prise en charge des pertes par le Fonds est calculée après application d'une franchise de 70 % pour les pertes de récoltes non assurables.

Ses montants alloués sont, en outre, trop faibles pour permettre une indemnisation en une fois des exploitants agricoles ultramarins à la suite d'un aléa climatique majeur, ce qui engendre une consommation de l'intégralité de l'enveloppe annuelle dédiée au FSOM et nécessite une prise en charge glissante sur plusieurs années.

Par ailleurs, alors que le FSOM indemnise également les particuliers, les entreprises à caractère artisanal ou familial et les collectivités territoriales en cas de catastrophe naturelle, la part du Fonds allouée aux calamités agricoles tend à augmenter face à la récurrence des catastrophes naturelles . La survenance de plusieurs aléas climatiques dévastateurs en outre-mer au cours des dix dernières années a conduit à l'intervention à plusieurs reprises du Fonds pour soutenir les exploitants agricoles, en particulier en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Pendant les saisons cycloniques intenses survenues entre 2016 et 2018, l'ouragan Maria en 2017 a conduit, à lui seul, à l'indemnisation de plus de 1 000 exploitants agricoles ultramarins. Depuis 2019, les sécheresses sont à l'origine des pertes de récolte, en particulier à La Réunion. Sur les dix dernières années, les exploitants agricoles ont ainsi perçu en moyenne 7,7 millions d'euros par an dans le cadre du FSOM, soit plus de 70 % des montants alloués, selon les chiffres fournis au rapporteur par la DGOM.

DÉCAISSEMENTS DU FONDS DE SECOURS POUR L'OUTRE-MER À DESTINATION DES EXPLOITANTS AGRICOLES PAR ANNÉE BUDGÉTAIRE

Répartition

Somme totale

Moyenne

2021

2020

2019

2018

2017

2016

2015

2014

2013

2012

2011

Guadeloupe

13,68%

11,6 M€

1,6 M€

1,1

0

2,5

4,5

0,79

0,93

0

0

0,26

0,25

1,3

Martinique

43,28%

36,7 M€

3,3 M€

1,9

0,76

1,6

3,2

10,5

3,2

0

7,4

0

2,1

6,0

La Réunion

43,04%

36,5 M€

3,3 M€

2,9

0,02

4,9

2,5

0

0

0,17

12,3

6,5

3,9

3,3

TOTAL

100,00%

84,8 M€

7,7 M€

6

0,78

9

10

11,3

4,2

0,17

19,7

6,7

6,2

10,6

Évolution

N / N+1

1377%

-91%

-12%

-10%

172%

2361%

-99%

193%

9%

-42%

Source : Contribution écrite de la Direction générale des outre-mer.

De plus, le développement de tels outils constitue une demande de longue date des grandes filières agricoles ultramarines . La banane antillaise, filière structurée et principalement destinée à l'export, fait en effet face à l'absence d'offre assurantielle française pour les pertes de récolte, comme l'indique un rapport conjoint de l'Inspection générale des Finances et du CGEDD 30 ( * ) de janvier 2020 31 ( * ) .

La commission est, par conséquent, favorable au présent article , qui vise, d'une part, à moderniser le FSOM, en modifiant notamment son financement et ses modalités d'indemnisation, et, d'autre part, à favoriser l'accès des exploitants agricoles ultramarins au FNGRA, en soutenant le développement de l'assurance récolte en outre-mer. La Commission souligne, dans ce cadre, la pertinence d'une différenciation des outils de gestion des risques climatiques en agriculture en fonction des filières en outre-mer.

Elle estime, enfin, le délai d'habilitation de deux ans à compter de la publication du présent projet de loi justifié au vu de l'ampleur du travail d'analyse et de concertation à mener sur ces sujets.

La commission a adopté l'article sans modification.

CHAPITRE II

Dispositions modifiant le code des assurances et dispositions finales
Article 10 (non modifié)

Différenciation des conditions d'indemnisation des risques tempête et incendie dans les contrats d'assurance des professionnels

Cet article vise à différencier les conditions de la garantie contre les risques tempête et incendie, ainsi que l'indemnisation de ces risques dans les contrats d'assurance des professionnels.

Estimant qu'il était de nature à permettre aux professionnels de mieux piloter leurs risques en la matière, la commission a adopté cet article sans modification.

I. La situation actuelle - L'extension par la jurisprudence de la garantie incendie au risque tempête dans les contrats d'assurance crée une situation insatisfaisante pour les professionnels et en particulier les exploitants agricoles

(i) sous l'impulsion du juge judiciaire, les conditions de prise en charge des risques tempête et incendie ont été harmonisées dans les contrats d'assurance

Aux termes de l'article L. 122-7 du code des assurances , les contrats d'assurance garantissant les dommages d'incendie « ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets du vent dû aux tempêtes, ouragans et cyclones , sur les biens faisant l'objet de tels contrats ».

Introduite par l'article premier de la loi n° 90-509 du 25 juin 1990 modifiant le code des assurances et portant extension aux départements d'outre-mer du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, l'extension obligatoire au risque tempête ne prévoyait initialement pas l'harmonisation des conditions de prise en charge des risques tempête et incendie.

Néanmoins, cet article a fait l'objet d'une interprétation évolutive par le juge judiciaire.

En effet, la Cour de cassation a d'abord jugé, dans le sens de l'intention initiale du législateur, que cette obligation d'extension n'impliquait pas une harmonisation des conditions de prise en charge de ces deux risques. En effet, dans un arrêt du 4 novembre 2004 32 ( * ) , elle a estimé que l'étendue de la garantie tempête « peut être librement fixée par les parties et n'est égale à celle du risque d'incendie que si elles n'en sont autrement convenues ».

Faisant évoluer sa jurisprudence, le juge judiciaire a toutefois, par la suite, ouvert la voie à un alignement des conditions de prise en charge des risques tempête et incendie. À l'occasion d'un arrêt du 19 octobre 2006 33 ( * ) , la Cour de cassation a, en effet, jugé que la garantie tempête « ne peut être ni exclue, ni réduite, ni rendue plus onéreuse » pour les biens faisant l'objet d'un contrat d'assurance garantissant les dommages d'incendie. La Cour a par la suite confirmé cette jurisprudence 34 ( * ) .

(ii) une jurisprudence problématique pour les exploitants agricoles

L'évolution de la jurisprudence relative à l'extension obligatoire des contrats d'assurance incendie au risque tempête a conduit à des situations insatisfaisantes, en particulier pour les professionnels et les exploitants agricoles.

L'alignement des garanties des risques incendie et tempête a, en effet, entravé la constitution d'offres d'assurance aux tarifs adaptés. De nature différente, ces deux risques ne requièrent pas les mêmes conditions de prise en charge. Tandis que le risque incendie est peu fréquent, mais peut causer des dégâts importants, la survenance de tempêtes est plus régulière, mais avec des dégâts de moins grande ampleur.

En outre, les professionnels et, en particulier, les exploitations agricoles sont différemment exposés à ces deux risques. Pour les exploitants agricoles, dont les biens sont plus exposés au risque tempête qu'au risque incendie, l'alignement des conditions de garantie se traduit par des franchises plus élevées et des coefficients de vétusté moins favorables pour la garantie incendie. Certains assureurs peuvent, par ailleurs, être amenés à refuser la couverture incendie, afin d'éviter de couvrir le risque tempête.

II. Le dispositif envisagé - Revenir à l'intention initiale du législateur, en différenciant les conditions d'indemnisation des risques tempête et incendie dans les contrats d'assurance des professionnels

Le présent article prévoit la modification de l'article L. 122-7 du code des assurances, afin de permettre aux assureurs de prévoir des conditions de couverture différentes pour les garanties tempête et incendie dans le cadre des contrats d'assurance à destination des professionnels.

L'article dispose, en effet, que les conditions de la garantie contre les effets du vent dû aux tempêtes, ouragans et cyclones « sont déterminées en fonction de l'usage et de la nature de ces biens ». Les indemnisations résultant de cette garantie sont attribuées aux assurés en tenant compte des limites de franchises, du plafond et de la vétusté, déterminés par le contrat, « qui peuvent être différents de ceux prévus au titre de la garantie incendie ».

L'article ouvre dès lors la possibilité de différencier les conditions d'indemnisation des risques incendie et tempête, sans pour autant remettre en cause le principe de l'extension obligatoire.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - Élargissement de la mesure aux biens utilisés à la fois à des fins professionnelles et personnelles

En commission, sur la proposition du rapporteur, deux amendements rédactionnels ont été adoptés.

Au stade de la séance, sur la proposition du rapporteur, les députés ont adopté un amendement permettant d'aligner le régime applicable aux biens utilisés à la fois à des fins professionnelles et personnelles - dits biens mixtes - sur celui applicable aux biens destinés à usage exclusivement professionnel. À cette fin, le deuxième alinéa de l'article L. 122-7 du code des assurances ne fait plus référence aux biens « utilisés à titre exclusivement professionnel », mais mentionne les biens « autres que ceux utilisés à titre exclusivement personnel ».

IV. La position de la commission

La commission s'est prononcée en faveur du présent article , dans la mesure où il vise à permettre d'assouplir des conditions assurantielles au profit de solutions plus adaptées aux besoins des professionnels et en particulier les exploitants agricoles.

La différenciation des conditions d'indemnisation des risques tempête et incendie se justifie, en effet, pour permettre des polices d'assurance répondant à la réalité des besoins des professionnels.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 11 (non modifié)

Mesures de coordination juridique dans le code des assurances

Cet article vise à opérer des mesures de coordination juridique dans le code des assurances.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. La situation actuelle - Les dispositions relatives au régime d'indemnisation des risques en agriculture prévues par le code des assurances n'ont pas été actualisées

Le code des assurances précise les missions et les modalités de gestion du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), ainsi que celles du Fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d'outre-mer , prévus aux titres VI et VII du livre III de la partie législative du code rural et de la pêche maritime.

Aux termes de l'article L. 442-1 du code des assurances, le FNGRA a pour mission de contribuer au développement de l'assurance récolte ainsi qu'à l'indemnisation des calamités agricoles et des pertes économiques liées à l'apparition d'un foyer de maladie animale ou végétale ou d'un incident environnemental.

Conformément à l'article L. 442-2 du code des assurances, le fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d'outre-mer à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin est, quant à lui, chargé d'indemniser les dommages matériels causés par les calamités agricoles et de concourir au développement de l'assurance récolte.

La gestion comptable et financière du FNGRA et du fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d'outre-mer est respectivement prévue aux articles L. 431-11 et L. 431-12 du code des assurances.

Le code n'a néanmoins pas été actualisé, tandis que les règles relatives à l'indemnisation des calamités agricoles en outre-mer ont évolué.

Les règles relatives à l'indemnisation des calamités agricoles aux départements d'outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin ont d'abord été modifiées par l'article 7 de l'ordonnance n° 2012-789 du 31 mai 2012 35 ( * ) . Les dispositions relatives à l'indemnisation des calamités agricoles en outre-mer sont en effet codifiées au titre VII du livre III de la partie législative du code rural et de la pêche maritime.

L'article 5 de l'ordonnance n° 2016-391 du 31 mars 2016 36 ( * ) abroge, ensuite, l'article L. 471-6 du code rural et de la pêche instituant le fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d'outre-mer, qui, faute de publication du texte d'application, n'a pas été mis en place. L'ordonnance prévoit la prise en charge de l'indemnisation des calamités agricoles dans les départements, régions et collectivités d'outre-mer par le fonds de secours pour l'outre-mer (FSOM), conformément aux articles L. 371-13, L. 372-5, L. 373-11 et L. 374-12 du code rural et de la pêche maritime.

II. Le dispositif envisagé - Opérer des mesures de coordination juridique pour clarifier le code des assurances

L'article 11 prend des mesures de coordinations juridiques dans le code des assurances.

Il actualise tout d'abord le code des assurances, en y intégrant les modifications des dispositions en matière d'indemnisation des calamités agricoles en outre-mer , en particulier la suppression du fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d'outre-mer et la codification de ces dispositions au titre VII du livre III de la partie législative du code rural et de la pêche maritime.

L'article L. 442-2 du code des assurances relatif aux missions du fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d'outre-mer est ainsi modifié. Son contenu est remplacé par la phrase suivante : « La gestion des risques en agriculture en outre-mer est régie par le titre VII du livre III du code rural et de la pêche maritime ».

L'article L. 431-12 du code des assurances relatif à la gestion comptable et financière du même fonds est, en outre, abrogé.

L'article 11 assure , ensuite, la coordination juridique dans le code des assurances nécessitée par la nouvelle architecture des calamités agricoles et de la solidarité nationale, introduite par les articles 3 et 4 du présent projet de loi et prévue aux articles L. 361-4-1 et L. 361-5 du code rural et de la pêche maritime. L'article L. 442-1 du code des assurances, qui précise les missions du FNGRA, est dans ce cadre modifié. La référence aux calamités agricoles y est remplacée par les « dommages susceptibles d'être indemnisés au titre des articles L. 361-4-1 et L. 361-5 du même code ».

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté le présent article sans modification.

IV. La position de la commission

La commission a adopté le présent article sans modification.

Article 12

Dates d'entrée en vigueur

La commission a clarifié les dispositifs transitoires du projet de loi pour garantir que les dommages liés à des aléas survenus avant l'entrée en vigueur de la loi demeureraient éligibles à des indemnisations du FNGRA au titre des calamités agricoles, dans les conditions actuelles.

I. Le dispositif envisagé - Une entrée en vigueur de la loi différée au 1 er janvier 2023

L'article 12 prévoit que la loi entrera en vigueur le 1 er janvier 2023, à l'exception de ses articles 7, 9 et 10, qui entreront en vigueur dès la promulgation de celle-ci.

II. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - Pour sécuriser le passage d'un système à un autre, deux dispositions transitoires ont été adoptées

Au stade de la commission, des amendements identiques des députés MM. Dominique Potier et Antoine Herth et de Mmes Séverine Gipson et Sylvia Pinel ont avancé la date d'entrée en vigueur de l'article 5 relatif à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission chargée de l'orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes.

En séance publique, le rapporteur a complété les modalités d'entrée en vigueur du nouveau régime d'indemnisation :

- toute indemnisation résultant d'un aléa survenant avant le 1 er janvier 2023 demeurera régie par le système actuel, y compris après l'entrée en vigueur de la loi ;

- pour les contrats en cours conclus avant le 1 er janvier 2023, les exploitants agricoles auront le choix de les conserver jusqu'à leur renouvellement ou, au plus tard, un an après l'entrée en vigueur de la loi.

Enfin, un décret, pris après concertation entre toutes les parties prenantes si les conditions d'entrée en vigueur ne sont pas réunies, peut reporter la date de mise en place du nouveau système au 1 er août 2023. En outre, les deux dispositions transitoires susmentionnées peuvent, le cas échéant, être prolongées de sept mois.

III. La position de la commission - Une précision rédactionnelle nécessaire pour s'assurer du maintien du régime actuel, notamment celui des calamités agricoles, pour tous les aléas survenus avant le 1 er janvier 2023

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-79 de clarification pour garantir que tous les dommages liés à des aléas survenus avant l'entrée en vigueur de la loi demeureraient éligibles à des indemnisations versées au titre des calamités agricoles comme aujourd'hui.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 13 (supprimé)

Rapport au Parlement sur la mise en place des seuils de déclenchement de subvention des primes des contrats d'assurance multirisque

Cet article prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur la mise en place des seuils de déclenchement de subvention des primes des contrats d'assurance multirisque.

Estimant que cette mission relevait de la future CODAR, la commission a supprimé l'article.

I. Le dispositif envisagé

En séance, sur proposition de M. Jean-Baptiste Moreau et des membres du groupe La République en marche, ainsi que de MM. Antoine Herth, Philippe Huppé et Luc Lamirault du groupe Agir ensemble, les députés ont adopté un amendement prévoyant la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur la mise en place des seuils de déclenchement de subvention des primes des contrats d'assurance multirisque et de pertes à partir desquels les contrats deviennent éligibles au mécanisme de la subvention.

Le rapport, qui doit être remis au Parlement dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, fait état des seuils de déclenchement de subvention des primes des contrats d'assurance multirisque dans les différentes filières et évalue les différences d'indemnisation en fonction du type de filière. Il évalue également le niveau de couverture des agriculteurs ainsi que le montant de leur reste à charge.

II. La position de la commission

Estimant que cette mission d'étude et d'analyse en vue d'élaborer des recommandations revenait à la CODAR, créée à l'article 5 du projet de loi, la commission a adopté l'amendement COM-80 du rapporteur prévoyant la suppression du présent article.

La commission a supprimé l'article.

Article 14 (supprimé)

Rapport au Parlement relatif au bilan d'évaluation de la présente loi

Cet article prévoit la remise d'un rapport au Parlement relatif au bilan d'évaluation de la présente loi.

La commission a supprimé l'article, estimant que l'évaluation de la loi relevait du rôle du Parlement.

I. Le dispositif envisagé

Sur la proposition du rapporteur, les députés ont adopté en séance un amendement qui prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de quatre ans à compter de la promulgation de présente loi, un rapport présentant un bilan d'évaluation de ladite loi.

Le rapport est établi en lien avec la commission chargée de l'orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes.

II. La position de la commission

La commission a adopté l'amendement COM-81 du rapporteur qui supprime le présent article. Pour elle, l'évaluation des lois relève de la mission du Parlement.

La commission a supprimé l'article.

Article 15 (supprimé)

Rapport au Parlement relatif au bilan de l'application des articles L. 361-4 et L. 361-4-1 du code rural et de la pêche maritime et aux perspectives financières pour l'année suivante

Cet article prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport annuel au Parlement sur le bilan de l'application des articles L. 361-4 et L. 361-4-1 du code rural et de la pêche maritime et les perspectives financières pour l'année suivante.

La commission a supprimé l'article, ce rapport étant désormais prévu à l'article 5 du présent projet de loi tel qu'il résulte des travaux de la commission pour éclairer les débats au sein de la CODAR.

I. Le dispositif envisagé

En séance, sur la proposition de MM. Antoine Herth, Philippe Huppé, Luc Lamirault et de Mme Lise Magnier du groupe Agir ensemble, les députés ont adopté un amendement qui prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport annuel au Parlement présentant un bilan de l'application des articles L. 361-4 et L. 361-4-1 du code rural et de la pêche maritime. Remis avant le premier septembre de chaque année, ce rapport présente également les perspectives financières envisagées pour l'année suivante au titre du même article L. 361-4-1.

II. La position de la commission

La commission a intégré, par le biais d'un amendement, les dispositions du présent article au sein de l'article 5 du présent projet de loi. Elle a, par conséquent, adopté l'amendement COM-82 du rapporteur supprimant le présent article.

La commission a supprimé l'article.

Article 16 (nouveau)

Remise au Parlement d'un rapport présentant les actions et pistes d'évolution à envisager aux niveaux européen et national pour adapter les outils de gestion des risques

Cet article, adopté à l'initiative du rapporteur, prévoit la remise au Parlement, dans un délai de six mois, d'un rapport présentant les actions et pistes d'évolution à envisager aux niveaux européen et national pour adapter les outils de gestion des risques à la réalité du changement climatique, notamment en faisant évoluer les modalités de calcul des moyennes de référence des exploitants, par le biais d'une moyenne olympique ainsi qu'en prenant davantage en compte les outils de prévention des exploitants lors de l'attribution des aides publiques.

I. La position de la commission - Inciter le Gouvernement à faire bouger les lignes sur le sujet de la moyenne olympique et de la valorisation des actions de prévention des agriculteurs aux niveaux européen et mondial

La Commission a adopté l'amendement COM-83 du rapporteur, qui prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement, dans un délai de six mois, d' un rapport présentant les actions et pistes d'évolution à envisager au niveau européen et, le cas échéant, au niveau national dans les années à venir pour adapter les outils de gestion des risques.

L'objectif de ce rapport est d'évaluer les pistes d'évolution les plus pertinentes à promouvoir pour réformer les modalités de calcul du potentiel de production moyen par culture . Une réflexion est en particulier nécessaire sur les moyens de rendre le calcul de la moyenne olympique plus cohérent avec la réalité des impacts du changement climatique pour les exploitants agricoles.

En effet, pour apprécier sa perte de production, l'exploitant calcule la moyenne olympique sur cinq ans en excluant la meilleure et la moins bonne année. Toutefois, le changement climatique conduisant à des aléas climatiques de plus en plus fréquents d'année en année, ces moyennes se réduisent mécaniquement, amenuisant l'indemnisation des exploitants. Ces derniers sont, par conséquent, désincités à s'assurer. Étant fixées au niveau européen et découlant de règles de l'OMC, ces modalités n'ont pas été réformées depuis 1994 et constituent aujourd'hui un véritable frein au développement de l'assurance récolte.

Le rapport prévu par le présent article doit, en outre, indiquer les moyens envisagés par l'État pour mieux prendre en compte les moyens de prévention mis en oeuvre par les exploitants , qu'ils aient souscrit ou non une assurance multirisque climatique. Il s'agit d'éviter de décourager certaines actions vertueuses non reconnues dans le système actuel. Des pistes devront en particulier être identifiées pour ne pas pénaliser, par une minoration, les taux d'indemnisation au titre de la solidarité nationale pour les exploitants non assurés disposant des moyens de prévention, qui offrent une protection suffisante face à certains risques.

La commission a adopté l'article 16 ainsi rédigé.


* 1 Article 1 er de la loi n° 64-706 du 10 juillet 1964 organisant un régime de garantie contre les calamités agricoles, publiée au Journal Officiel de la République française du 12 juillet 1964.

* 2 Décret n° 2005-234 du 14 mars 2005 fixant pour 2005 les modalités d'application de l'article L. 361-8 du livre III (nouveau) du code rural en vue de favoriser le développement de l'assurance contre certains risques agricoles.

* 3 Article 70 du règlement n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) n° 1290/2005, (CE) n° 247/2006 et (CE) n° 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) n° 1782/2003

* 4 Décret n° 2016-2009 du 30 décembre 2016 fixant pour les années 2016 à 2020 les modalités d'application de l'article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime en vue de favoriser le développement de l'assurance contre certains risques agricoles.

* 5 Arrêté du 15 mars 2021 définissant le taux de prise en charge des primes ou cotisations éligibles à l'aide à l'assurance récolte contre les risques climatiques pour l'année 2021.

* 6 Il est également à 65 % pour les contrats par groupe de culture « prairies » (cf. infra).

* 7 Arrêté du 28 juillet 2021 fixant le cahier des charges applicable aux entreprises d'assurance pour l'habilitation à commercialiser des contrats d'assurance éligibles à l'aide à l'assurance récolte pour la campagne 2022.

* 8 Règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil.

* 9 Règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017 modifiant les règlements (UE) n° 1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), (UE) n° 1306/2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune, (UE) n° 1307/2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune, (UE) n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et (UE) n° 652/2014 fixant des dispositions pour la gestion des dépenses relatives, d'une part, à la chaîne de production des denrées alimentaires, à la santé et au bien-être des animaux et, d'autre part, à la santé et au matériel de reproduction des végétaux.

* 10 Règlement (UE) n° 702/2014 de la Commission du 25 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides, dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

* 11 Article 8 de l'annexe 2 de l'accord de Marrakech.

* 12 Arrêté du 29 décembre 2010 fixant la liste des risques considérés comme assurables pour la gestion du Fonds national de gestion des risques en agriculture.

* 13 Composé de représentants de l'administration, des représentants des organisations syndicales d'exploitants agricoles et de la chambre d'agriculture ainsi que des représentants locaux des banques et assurances.

* 14 Sauf cas de force majeure

* 15 Aux termes de l'arrêté du 17 septembre 2010 déterminant les conditions générales d'indemnisation des calamités agricoles et de prise en charge des frais afférents, les taux sont notamment de 28 % pour la production fourragère, de 25 % pour les pertes en maraîchage ou en pépinières et de 20 à 35 % selon les pertes en arboriculture.

* 16 Arrêté du 17 septembre 2010 déterminant les conditions générales d'indemnisation des calamités agricoles et de prise en charge des frais afférents.

* 17 Article D. 361-21 du code rural et de la pêche maritime.

* 18 À l'exception des chenillettes, volières et tunnels maraîchers.

* 19 Tribunal de l'Union européenne, 30 mars 2000, Consiglio Nazionale degli Spedizionieri Doganali contre Commission des Communautés européennes, affaires T-513/92

* 20 Cour de justice de l'Union européenne, 10 janvier 1985, Association des centres distributeurs Édouard Leclerc et autres contre SARL « Au blé vert » et autres, affaire 229/83

* 21 Article 101 TFUE

* 22 Loi n°64-706 du 10 juillet 1964 organisant un régime de garantie contre les calamités agricoles.

* 23 Loi n° 93-934 du 22 juillet 1993 relative à la partie Législative du livre III (nouveau) du code rural.

* 24 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

* 25 Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) de l'Union européenne.

* 26 Ordonnance n° 2012-785 du 31 mai 2012 portant extension et adaptation du code de l'action sociale et des familles au Département de Mayotte.

* 27 Ordonnance n° 2016-391 du 31 mars 2016 recodifiant les dispositions relatives à l'outre-mer du code rural et de la pêche maritime .

* 28 Audition de la Direction générale des outre-mer (DGOM).

* 29 Rapport d'information n° 122 (2019-2020) de MM. Guillaume ARNELL, Abdallah HASSANI et Jean-François RAPIN, fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, sur les risques naturels majeurs dans les outre-mer (volet relatif à la reconstruction et à la résilience des territoires et des populations). Novembre 2019.

* 30 Conseil général de l'environnement et du développement durable.

* 31 Inspection générale des Finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable. Le phénomène de non-assurance dans les départements et collectivités d'Outre-mer. Janvier 2020.

* 32 Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 4 novembre 2004, n°03-17.305.

* 33 Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 19 octobre 2006, n°05-19.094.

* 34 Cour de Cassation. Chambre civile 2, 13 décembre 2008, n° 17-21.243.

* 35 Ordonnance n° 2012-789 du 31 mai 2012 portant extension et adaptation de certaines dispositions du code rural et de la pêche maritime et d'autres dispositions législatives à Mayotte.

* 36 Ordonnance n° 2016-391 du 31 mars 2016 recodifiant les dispositions relatives à l'outre-mer du code rural et de la pêche maritime.

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