D. DES MESURES VISANT À NE FAIRE ASSUMER À LA SÉCURITÉ SOCIALE QUE SES JUSTES CHARGES DÈS 2021
De manière plus ponctuelle, le Sénat avait adopté, à l'initiative de la commission des affaires sociales, des amendements visant à améliorer l'équilibre de l'année 2021.
• La majoration de la contribution exceptionnelle des organismes complémentaires d'assurance maladie
Dès l'année dernière, le Sénat avait adopté, à l'initiative de la commission, un amendement majorant le taux de contribution exceptionnelle des organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM) pour 2021 . Il a réitéré ce choix cette année en insérant un article 4 bis dans le présent PLFSS en première lecture .
En effet, le montant des économies réalisées par les OCAM en 2020 du fait de la baisse des activités médicales hors covid-19 a été évalué à environ 2,2 milliards d'euros. Au regard des très importants surcoûts subis dans le même temps par l'assurance maladie du fait de l'épidémie, il est légitime qu'un mécanisme de solidarité fasse bénéficier de la quasi intégralité des baisses de charges enregistrés dans le même temps par les complémentaires. De ce fait, un montant total de 2 milliards d'euros pour les contributions exceptionnelles de 2020 4 ( * ) et 2021 semblait adéquat .
Une telle évolution apparaissait d'autant plus nécessaire au regard de l'actualité récente. Ainsi, interrogé par la rapporteure générale lors de son audition par la commission des affaires sociales sur le présent PLFSS, le 14 octobre 2021, le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, a déclaré que « la question de la taxe se posait légitimement : sur environ 2,2 milliards d'euros non dépensés, on en avait pris 1,5 milliard les années précédentes. Le choix qui a été fait a été de ne pas prélever de taxe complémentaire, mais de demander avec fermeté à l'ensemble des organismes complémentaires de modérer la hausse des cotisations pour 2022 . Je dois vous avouer que le message n'était peut-être pas assez clair : plusieurs acteurs ont déjà annoncé que cette hausse sera au moins égale à l'inflation. Comptez sur moi pour exercer toutes mes capacités de conviction et leur rappeler les engagements que nous demandons en échange de notre modération en matière de taxes » 5 ( * ) .
Or il apparaît clairement que ce message n'est pas passé puisque, depuis lors, les représentants des OCAM ont publiquement communiqué sur le fait qu'ils ne se sentaient pas engagés par cet objectif de modération tarifaire, laissant au contraire entendre que des hausses significatives étaient à attendre l'année prochaine.
Dans un tel contexte, il était donc légitime d'accroître la solidarité financière des OCAM à l'égard de l'assurance maladie - qui a supporté seule les surcoûts liés à la pandémie - au travers de la contribution exceptionnelle. En majorant , de 1,3 % à 2,6 %, le taux de la contribution exceptionnelle des OCAM au titre de l'année 2021 .
La non-reprise de ce dispositif par l'Assemblée nationale est donc très décevante.
• La compensation intégrale du budget de l'Agence nationale de santé publique
L'article 45 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a procédé au transfert de l'État à la sécurité sociale du financement de l'Agence nationale de santé publique (ANSP, dite Santé publique France). Le Sénat et sa commission des affaires sociales s'étaient opposés à ce transfert, sa rapporteure pour la branche maladie, alors Catherine Deroche, considérant que « le financement intégral de Santé publique France par l'État reste légitime au regard du rôle pivot que cet opérateur occupe dans notre système de veille épidémiologique et de sécurité sanitaire. Son transfert vers l'assurance maladie affaiblirait en outre la visibilité du Parlement sur les moyens consentis à cette agence ».
Ce qui s'est passé depuis lors a totalement justifié cette analyse.
En effet, face à la crise épidémique de covid-19, Santé publique France a été totalement mobilisée par l'État afin de reconstituer ses stocks stratégiques de divers dispositifs médicaux, en particulier les masques chirurgicaux et FFP2, et de financer les campagnes de tests et de vaccination contre la covid-19.
Pour accomplir ces missions régaliennes pilotées par l'État , l'agence a vu son budget exploser deux années consécutives, passant de 156 millions d'euros à :
- 4,95 milliards d'euros en 2020 ;
- et 4,338 milliards d'euros en 2021 .
S'agissant de la mise à l'écart du Parlement, là aussi les faits parlent d'eux-mêmes. Alors que le Gouvernement aurait été contraint de passer par une loi de finances rectificative pour débloquer un tel budget si l'ANSP était restée financée par l'État, il s'est totalement abstenu de demander une quelconque autorisation au Parlement pour augmenter l'Ondam dans la même proportion, passant par de simples arrêtés ministériels, en 2020 6 ( * ) comme en 2021 7 ( * ) .
De tels procédés de débudgétisation et d'engagement de dépenses publiques sans autorisation du Parlement ne sont pas admissibles.
En tout état de cause, faute de pouvoir proposer un transfert de l'ANSP à l'État, le Sénat a adopté à l'initiative de la commission un article 4 ter aux termes duquel il revient à l'État de compenser intégralement à la branche maladie le coût des dépenses régaliennes qu'il a lui-même engagées et fait supporter à l'ANSP . Les modalités concrètes d'application de ce principe ont été logiquement renvoyées à la loi de finances, seule habilitée à affecter à une personne publique autre que l'État tout ou partie du produit d'une imposition de l'État.
Là encore, l'Assemblée nationale n'a pas retenu ces dispositions, ce qui aggravera le déficit de la sécurité sociale en 2021.
* 4 Pour mémoire, un dispositif similaire d'un rendement de 1 milliard d'euros, a été mis en place en 2020.
* 5 Compte rendu de la commission des affaires sociales du Sénat, réunion du 14 octobre 2021.
* 6 Arrêtés du 30 mars 2020, du 29 mai 2020 et du 8 juin 2020 fixant le montant pour l'exercice 2020 du financement de l'Agence nationale de santé publique.
* 7 Arrêtés du 17 février 2021 et du 20 mai 2021 fixant le montant pour l'exercice 2021 du financement de l'Agence nationale de santé publique.