B. UNE VIGILANCE S'IMPOSE TOUTEFOIS QUANT À L'EXÉCUTION DU SCHÉMA D'EMPLOI DE LA LPM ET LA FIDÉLISATION DES EFFECTIFS
Les crédits de personnel et les effectifs du ministère des armées sont regroupés au sein du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » depuis le 1 er janvier 2015. La programmation et la gestion des crédits de titre 2 sont désormais de la responsabilité des gestionnaires des ressources humaines.
Les crédits de personnel de la mission défense s'établissent à 12,6 milliards d'euros dans le PLF 2022 hors CAS « Pensions » .
Évolution de la masse salariale et des
effectifs
de la mission « Défense »
(en millions d'euros, en ETPT 18 ( * ) )
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Les crédits de personnel, toutes catégories confondues, sont en hausse de 2,5 % entre 2021 et 2022 .
1. Le nécessaire rééquilibrage du schéma d'emploi entre les personnels civils et militaires
Créations nettes d'emploi du ministère
des armées prévues
par la loi de programmation militaire
2019-2025
(en ETP)
Source : commission des finances du Sénat, d'après l'article 6 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
La LPM 2019-2025 fixe des objectifs ambitieux de création d'emplois au sein du ministère des armées . Elle fixe à 450 emplois la hausse portée sur 2022, comme en 2019, alors que la hausse prévue s'élevait à 300 emplois sur 2020 et 2021 .
La plus grande part de l'effort porte toutefois sur les dernières années de la période d'emploi de la LPM. Ainsi, il est prévu que les années 2023-2025 enregistrent un rythme annuel de 1 500 emplois créés. Cet effort est donc très incertain et peu engageant pour la législature actuelle, qui renvoie la responsabilité de l'augmentation du recrutement et des dépenses afférentes au prochain quinquennat.
Surtout, cette trajectoire pourrait être fragilisée par la persistance d'un déséquilibre entre les recrutements de personnels militaires et de personnels civils.
Le solde ministériel intègre en 2021 un retard sur le personnel militaire (- 445 ETPE) qui concerne les catégories d'emplois des sous-officiers (compensé par un dépassement sur les militaires du rang) et des volontaires. Le retard des sous-officiers est essentiellement porté par l'armée de l'air et de l'espace et par la marine, du fait d'une sous-réalisation des recrutements et du maintien des flux de départs, en dépit du contexte économique.
Le schéma d'emploi pour le personnel civil est à l'inverse en avance (+ 512 ETPE), notamment grâce à une autorisation de dépassement de cibles (en avance des schémas d'emploi programmés pour les années ultérieures de la LPM). À ce titre, la direction générale de l'armement (DGA) et la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ont été autorisées à effectuer des recrutements supplémentaires à hauteur de 372 ETPE.
Ainsi que l'a rappelé le rapporteur spécial dans son rapport d'information en 2019 19 ( * ) , la fidélisation des effectifs militaires incorporés, notamment celle des militaires du rang au cours des premières années suivant leur incorporation, constitue la principale difficulté de la mission « Défense » en matière de ressources humaines et détermine la capacité de l'institution à remplir ses objectifs opérationnels.
2. La politique de fidélisation : des outils spécifiques pertinents, mais un risque d'affaiblissement en période de reprise économique
La fidélisation est un axe essentiel de la gestion des ressources humaines du ministère , pendant du recrutement et visant à conserver les compétences, notamment sur les métiers en tension.
Elle répond au double objectif de maîtriser les départs non souhaités de l'institution, en particulier dans les métiers à compétence rare qui sont soumis à une forte concurrence (Cyber, systèmes d'information et de communication, maintien en condition opérationnelle et santé) et de rentabiliser les formations dispensées , qui sont parfois longues et coûteuses, afin de sécuriser les compétences indispensables.
La politique de fidélisation prévue par la LPM commence à porter ses fruits, grâce notamment à la prime de lien au service 20 ( * ) (PLS) mise en oeuvre en 2019 (plus de 35 000 primes versées en 3 ans). Elle vise à rénover les leviers d'incitation à la disposition des gestionnaires de ressources humaines, et concerne principalement les spécialités techniques en concurrence avec le secteur privé. À titre d'exemple, le taux de renouvellement du premier contrat est passé de 32 % en 2018 à 39 % en 2020 pour l'armée de terre.
Le rapporteur spécial considérait dès 2019 la mise en place de cette prime comme une évolution bienvenue 21 ( * ) pour renforcer la fidélisation des effectifs sur les spécialités les plus tendues. Les montants proposés pour certaines spécialités, eu égard aux durées retenues, risquent toutefois d'être trop faibles pour être réellement efficaces et résoudre les problèmes de fidélisation rencontrés. La PLS apparait notamment insuffisante pour fidéliser les sous-officiers qui bénéficient d'une retraite à jouissance immédiate à compter de 17 ans de service cumulable avec un emploi dans le secteur privé 22 ( * ) . Lors de son audition, le major général de la marine nationale a ainsi indiqué que cette prime restait insuffisante pour des spécialités de pointe, comme chimiste ou atomicien, ce qui pourrait justifier une augmentation des montants versés (jusqu'à environ 10 000 euros).
De manière générale, les politiques de fidélisation des trois armées sont déclinées selon trois volets : indemnitaire, carrière et conciliation entre vie professionnelle et vie privée (V2P).
Concernant l'armée de terre, la politique de fidélisation vise à consolider la montée en puissance des effectifs de la force opérationnelle terrestre, fixés à 77 000 hommes en 2017.
Le taux de renouvellement des contrats pour chaque catégorie de personnel de l'armée de terre est en hausse depuis 2018, particulièrement pour les militaires du rang (82 %) et les officiers (81,9 %). Cette tendance s'est poursuivie en 2019 pour les officiers (90,8 %), ainsi qu'en 2020 (92 %).
Taux de fidélisation des militaires de l'armée de terre
Fidélisation |
Officiers |
Sous-officiers |
Militaires du rang |
2012 |
67,2 % |
80,9 % |
67,3 % |
2013 |
66,6 % |
80,7 % |
68,8 % |
2014 |
65,9 % |
85,2 % |
69,2 % |
2015 |
68,4 % |
82,0 % |
69,3 % |
2016 |
80,8 % |
81,3 % |
68,3 % |
2017 |
80,0 % |
81,8 % |
67,7 % |
2018 |
84,6 % |
81,2 % |
71,3 % |
2019 |
90,8 % |
82,8 % |
71,0 % |
2020 |
92,0 % |
81,8 % |
81,99 % |
Source : réponse au questionnaire budgétaire
La marine nationale connaît la même tendance d'augmentation du taux de renouvellement des premiers contrats (avec une hausse de 5 points entre 2019 et 2020 pour la catégorie des officiers-mariniers pourtant soumis à la concurrence du secteur privé, qui passe de 85,2 % à 90,2 %), tandis que celui constaté au sein de l'armée de l'air est stable.
Le rapporteur spécial estime les efforts menés en matière de fidélisation des effectifs pertinents, mais il rappelle que le contexte de la crise sanitaire peut avoir masqué la persistance de certaines difficultés en la matière, puisque cette dernière a créé un frein temporaire à la mobilité professionnelle. Le major général de l'armée de l'air a ainsi rappelé en audition que la potentielle reprise du trafic aérien civil pourrait affecter négativement la politique de fidélisation de ses pilotes.
Par ailleurs, il tient à rappeler que la fidélisation des effectifs s'appuie plus largement sur l'attractivité de la condition militaire, qui doit être consolidée. Une vigilance particulière s'imposera, en deuxième partie d'exécution de la LPM, sur :
- la qualité des infrastructures, qui détermine le quotidien des militaires ;
- la question spécifique de leur rémunération. Sur ce dernier point la LPM ne prévoit aucune revalorisation indiciaire, même si le chantier de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM,) qui vise à mettre en cohérence les divers dispositifs indemnitaires en vigueur afin de les rendre plus lisibles et plus simples constitue une avancée réelle ;
- la mise en oeuvre d'une réforme de régime de retraite des militaires qui pourrait entrainer une vague de départs susceptible de porter atteinte aux objectifs de la LPM.
* 18 Effectifs moyens réalisés en équivalent temps plein travaillé. Pour 2021 et 2022, effectifs moyens réalisés prévisionnels. Périmètre du plafond ministériel des emplois autorisés (PMEA).
* 19 Rapport d'information de M. Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances n° 652 (2018-2019) - 10 juillet 2019.
* 20 Prévue par le décret n° 2019-470 du 20 mai 2019 relatif à la prime de lien au service attribuée aux militaires.
* 21 Rapport d'information de M. Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances n° 652 (2018-2019) - 10 juillet 2019 : Améliorer la condition militaire : une nécessité stratégique, opérationnelle et humaine.
* 22 Ibid.