Rapport général n° 163 (2021-2022) de M. Christian BILHAC , fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021

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N° 163

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 7

CONSEIL ET CONTRÔLE DE L'ÉTAT

Rapporteur spécial : M. Christian BILHAC

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits de quatre programmes propres à des institutions : le Conseil d'État ainsi que les juridictions administratives, le Conseil économique, social et environnemental (CESE), la Cour des comptes ainsi que les chambres régionales et territoriales des comptes et enfin le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

I. UN BUDGET DE 750 MILLIONS D'EUROS EN LÉGÈRE HAUSSE

La mission bénéficierait en 2022 de 753,8 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. Les dépenses de personnel représentent 81 % des crédits demandés pour la mission.

Le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » représente 63 % des dépenses de la mission , contre 30 % pour les juridictions financières et seulement 6 % pour le CESE et 0,2 % pour le HCFP.

II. UN RENFORCEMENT DES MOYENS ACCORDÉS AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES DANS UN CONTEXTE D'ACCROISSEMENT DES VOLUMES CONTENTIEUX

Rassemblant près des deux-tiers des crédits de la mission, le budget du programme 165 est fixé à 481,2 millions d'euros en CP demandés, soit une augmentation de 6,5 % des crédits de paiements (CP) par rapport à la LFI pour 2021 . Cette augmentation est supérieure de 55 millions à la programmation pluriannuelle. La hausse du nombre de requêtes devant les juridictions administratives n'avait pas été anticipée lors de la construction du budget triennal et explique en partie ces dépassements.

Les crédits de titre 2 progressent globalement de 2,7 % par rapport à 2021, le volume contentieux augmentant quant à lui de 3 % sur la même période. Plus largement, entre 2000 à 2019, les entrées contentieuses ont progressé de 105 % en première instance et de 116 % en appel.

Ces évolutions sont toutefois contrastées selon le type de contentieux concerné, le contentieux des étrangers connaissant un accroissement spectaculaire au cours des dernières années.

En conséquence, la réduction des délais de jugement représente un enjeu de long terme. Ainsi, entre 2002 et 2020, le délai prévisible moyen de jugement est passé en 1 ère instance de près de 20 mois à 10 mois. Un gain d'un mois de délai moyen de jugement se traduit par une baisse des dépenses de 14 millions d'euros, sans compter le coût humain et social que peuvent représenter des procédures trop longues.

III. UNE STABILITÉ DES MOYENS ACCORDÉS AU CONSEIL ÉCONOMIQUE SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL ENTÉRINANT LA PÉRENNISATION DE LA HAUSSE DES MOYENS DÉDIÉS À LA PARTICIPATION CITOYENNE

A. UNE STABILITÉ FACIALE DES CRÉDITS ENTÉRINANT LA HAUSSE ACCORDÉE DEPUIS 2020

Le budget du Conseil économique, social et environnemental (CESE) est stable en 2022, ce qui revient à conserver la hausse de 4,2 millions d'euros de crédits accordée en LFI 2020 et 2021 pour l'organisation de la convention citoyenne pour le climat.

En 2020, sur ces 4,2 millions d'euros, seul un million aura été utilisé pour financer le surcoût de la prolongation de la convention citoyenne pour le climat, et la situation devrait être identique en 2021. La pérennisation des crédits dédiés à l'organisation d'une convention citoyenne correspond en réalité à une hausse des moyens du CESE pour la participation citoyenne en général.

B. LES EFFETS LIMITÉS DE LA DIMINUTION DE MEMBRES DU CESE EN 2021 DU FAIT DE LA RÉORIENTATION DES ÉCONOMIES VERS LES OUTILS DE PARTICIPATION CITOYENNE

La réforme du CESE découlant de la loi organique votée en janvier 2021 a mis en place une réduction à 175 membres du CESE, contre 233 auparavant, du fait de la suppression des 40 personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement. La réforme accorde en contrepartie de nouvelles missions afin d'organiser la participation des citoyens à ses travaux.

La réduction du nombre de membres ne s'est pas traduite par une baisse des dépenses en 2022, alors que la suppression des 58 membres devrait permettre en année pleine d'économiser près de 2,1 millions d'euros .

De fait, la reconduction du budget 2021 en 2022, à nombre de membres inférieur, constitue donc un accroissement des ressources du CESE . Ces augmentations devraient permettre de financer la mise en oeuvre des nouvelles missions confiées au CESE.

IV. L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES SE POURSUIT EN LÉGÈRE AUGMENTATION

A. UN BUDGET DE LA COUR DES COMPTES ET DES AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES EN LÉGÈRE HAUSSE

Les crédits consacrés à la Cour des comptes et aux juridictions financières (programme 164) devraient augmenter de 2,5 % par rapport à 2021 , du fait d'une évolution positive du schéma d'emploi découlant de la création de dix équivalents temps plein (ETP) supplémentaires et malgré une sousconsommation chronique des plafonds d'emplois accordés aux juridictions financières.

B. LE PERSONNEL DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES CONTINUE DE S'ÉTOFFER AVANT MÊME SA RÉFORME PAR LA LOI ORGANIQUE EN COURS DE NAVETTE

En 2021, le budget du Haut conseil est passé de 500 000 euros à 1,1 million d'euros, pour permettre le recrutement de 2 rapporteurs spéciaux supplémentaires, le Parlement s'étant opposé au recrutement de 3 autres magistrats. La hausse des crédits du programme 340 s'est donc élevée à 130 % entre 2020 et 2021, à laquelle s'ajoute celle de 22 % en PLF 2022 , pour le recrutement de trois rapporteurs.

Ces trois ETP correspondent à ceux qui n'ont pas été accordés en PLF 2021 par le Parlement, au motif que l'activité du Haut Conseil ne le justifiait pas. Le HCFP parviendrait donc à obtenir les emplois demandés l'année précédente en les étalant sur deux ans, et ce alors que les deux emplois accordés en LFI 2021 ne sont pas encore pourvus et que les conséquences de la réforme en cours du Haut conseil demeurent inconnues , le texte n'étant pas encore définitivement établi.

Réunie le mardi 26 octobre 2021, sous la présidence de Mme Christine Lavarde, vice-président, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Elle a confirmé son vote lors de sa réunion du jeudi 18 novembre 2021.

Au 10 octobre 2021, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires concernant la présente mission, 86,7 % des réponses étaient parvenues au rapporteur spécial.

PREMIÈRE PARTIE
APERÇU GÉNÉRAL DES CRÉDITS DE LA MISSION

La mission « Conseil et contrôle de l'État » a pour particularité de rassembler les crédits de quatre programmes propres à différentes institutions :

- le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » . Il regroupe les moyens affectés au Conseil d'État, aux cours administratives d'appel, aux tribunaux administratifs et à la Cour nationale du droit d'asile ;

- le programme 126 « Conseil économique, social et environnemental » ;

- le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » . Il regroupe les moyens affectés aux juridictions financières, c'est-à-dire la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes, ainsi qu'aux autres institutions associées que sont la Cour de discipline budgétaire et financière, le Conseil des prélèvements obligatoires et la Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits ;

- le programme 340 « Haut Conseil des finances publiques » .

L'ampleur budgétaire de ces programmes est inégale. Les crédits demandés pour 2022 se répartissent comme suit :

Ventilation des crédits parmi les différents programmes
de la mission en PLF 2022

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La mission bénéficierait en 2022 de 713,6 millions d'euros en AE et de 753,8 millions d'euros en CP .

Évolution des crédits par programme

(en millions d'euros et en pourcentage)

Exécution 2020

LFI 2021

PLF 2022 courant

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

FDC et ADP attendus en 2022

165 - Conseil d'État et autres juridictions administratives

AE

455,6

469,4

441,9

- 27,5

- 5,9 %

0,2

CP

428,3

451,7

481,2

+ 29,5

+ 6,5 %

0,2

164 - Cour des comptes et autres juridictions financières

AE

220,6

225,1

225,8

+ 0,7

+ 0,3 %

2,1

CP

218,3

221,1

226,7

+ 5,6

+ 2,5 %

2,1

126 - Conseil économique, social et environnemental

AE

43,5

44,4

44,6

+ 0,1

+ 0,3 %

0,0

CP

43,5

44,4

44,6

+ 0,1

+ 0,3 %

0,0

340 - Haut Conseil des finances publiques

AE

0,4

1,1

1,35

+ 0,2

+ 22,6 %

0,0

CP

0,4

1,1

1,435

+ 0,2

+ 22,6 %

0,0

Total mission

AE

720,1

740,1

713,6

- 26,5

- 3,6 %

2,3

CP

690,5

718,3

753,9

+ 35,5

+ 4,9 %

2,3

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les moyens alloués à la mission sont en contraction du point de vue des autorisations d'engagement - AE (- 3,6 %) et en augmentation du point de vue des crédits de paiement - CP (+ 5 %). En deux ans, les crédits de la mission auront augmenté de plus de 8 %.

Évolution des crédits de la mission

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les différents programmes ne contribuent pas à cette hausse de manière identique. Le programme 165 est celui qui influence le plus à la fois la baisse des AE et la hausse des CP . Le programme 126 est stable à la fois en CP et en AE, à l'instar du programme 164. Le programme 340, le plus faible en crédits demandés, est également celui dont les crédits augmentent le plus en volume, pour la deuxième année consécutive.

La hausse anticipée pour 2022 est principalement liée au dynamisme des dépenses de personnel (titre 2). Celles-ci représentent 81 % des crédits ouverts pour la mission . Les dépenses de personnel augmentent régulièrement, quoique faiblement, chaque année.

Contrairement aux années précédentes, les dépenses hors titre 2 augmentent fortement (+ 17,9 %) en 2022 en CP, mais elles se contractent en AE (- 29,4 %). Cette évolution découle notamment de l'accélération des nombreux projets immobiliers en cours et de la renégociation des baux immobiliers, en particulier dans le cadre du programme 165.

Évolution des dépenses

(en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

On assiste en 2022 à un fort rattrapage des dépenses d'investissement , après une contraction en 2021 (-7,5 % en CP et -5 % en AE). Elles augmenteraient de 135 % en CP, mais continueraient de baisser en AE (-20,5 %). Les dépenses de fonctionnement seraient très fortement réduites en AE (-30 %) et resteraient stables en CP.

Les crédits de la mission font par ailleurs l'objet d'une sous-exécution chronique. En 2020, les crédits ont ainsi été sous-consommés à hauteur de 7,6 % en AE et de 2,4 % en CP , et de près de 10 % en 2019. En 2020, les dépenses de personnel ont été particulièrement sous-exécutées, en lien avec les difficultés de recrutement inhérentes à la crise sanitaire. Le rapporteur spécial souligne qu'un rattrapage en 2021 est indispensable, afin de ne pas affecter la sincérité des prévisions 2022.

Si la mission a été fortement impactée en 2020 par la crise sanitaire, en particulier du fait de l'arrêt des juridictions administratives, 2021 a constitué dans l'ensemble un retour à la normale . Celui-ci devrait se poursuivre en 2022.

SECONDE PARTIE
LE DÉTAIL DES CRÉDITS PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 165 « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES »

Les crédits demandés pour la justice administrative augmentent de 6,5 % en CP toutes instances confondues et diminuent de 5,8 % en AE . Cette hausse est tirée par les recrutements : 41 créations d'emplois sont envisagées en 2022 . Les crédits de personnel progressent globalement de 2,7 % par rapport à 2021.

Le principal enjeu demeure l'adéquation des moyens du programme 165 avec la croissance continue du contentieux administratif et en particulier celui de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

A. LA CROISSANCE DES DÉPENSES DE PERSONNEL DU PROGRAMME 165 SE POURSUIT

Le programme 165 concentre 64 % des crédits de la mission , dont il est le plus important en volume.

1. Un poids important des dépenses de personnel en hausse constante sur les dernières années

Le budget du programme 165 est fixé à 469,45 millions d'euros en AE et à 451,71 millions d'euros en CP , soit une augmentation à périmètre courant de 3 % des autorisations d'engagement (AE) et de 2,8 % des crédits de paiements (CP) par rapport à 2021.

Évolution des crédits par action du programme 165

(en millions d'euros et en %)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

FDC et ADP attendus en 2022

01 - Fonction juridictionnelle : Conseil d'État

AE

29,2

30,4

+ 1,1

+ 3,9 %

0,0

CP

29,2

30,4

+ 1,1

+ 3,9 %

0,0

02 - Fonction juridictionnelle : Cours administratives d'appel

AE

56,4

57,8

+ 1,4

+ 2,5 %

0,0

CP

56,4

57,8

+ 1,4

+ 2,5 %

0,0

03 - Fonction juridictionnelle : Tribunaux administratifs

AE

169,7

175,3

+ 5,5

+ 3,3 %

0,0

CP

169,7

175,3

+ 5,5

+ 3,3 %

0,0

04 - Fonction consultative

AE

16,4

16,8

+ 0,4

+ 2,5 %

0,0

CP

16,4

16,8

+ 0,4

+ 2,5 %

0,0

05 - Fonction études, expertise et services rendus aux administrations de l'État et des collectivités

AE

8,4

8,9

+ 0,5

+ 5,8 %

0,0

CP

8,4

8,9

+ 0,5

+ 5,8 %

0,0

06 - Soutien

AE

144,0

106,7

- 37,3

- 25,9 %

0,2

CP

126,3

146,0

+ 19,7

+ 15,6 %

0,2

07 - Cour nationale du droit d'asile

AE

45,3

46,1

+ 0,8

+ 1,8 %

0,0

CP

45,3

46,1

+ 0,8

+ 1,8 %

0,0

Total programme 165

AE

469,4

441,9

- 27,5

- 5,9 %

0,2

CP

451,7

481,2

+ 29,5

+ 6,5 %

0,2

Dont hors CAS Pensions

353,8

377

+ 25,2

+ 6,6 %

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits demandés sont cette année encore largement supérieurs à la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 . À périmètre constant, l'écart entre le PLF 2022 et la programmation pluriannuelle est de seulement 4,8 millions d'euros en AE mais de 55 millions d'euros en CP .

Cet écart est principalement dû au renforcement accéléré des moyens de la CNDA d'une part, au recrutement de nouveaux personnels dans les différentes juridictions administratives d'autre part et enfin aux crédits destinés à la création de la cour administrative d'appel de Toulouse.

Programmation pluriannuelle des crédits du programme 164

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

LPFP 2018-2022

419,3

405,2

407,8

411,7

472,5

416,3

400,9

419,8

446,1

425,6

LFI (périmètre constant)

420,4

406,2

488,7

425,3

512,2

444,8

474,5

456,8

446,4
(PLF)

485,7
(PLF)

Écart à la LPFP

+1,1

+1

+80,9

+13,6

+39,7

+28,5

+73,6

+37

+0,3

+60,1

LFI (périmètre courant)

420,4

406,2

483,4

420,05

507,1

439,7

469,4

451,7

441,3
(PLF)

480,6
(PLF)

Écart à la LPFP

+1,1

+1

+75,60

+8,35

+34,6

+23,4

+68,5

+31,9

-4,8

+55

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Comme l'ensemble de la mission, les crédits du programme 165 sont essentiellement constitués de dépenses de personnel.

Ventilation par titre des crédits de paiement

(en millions d'euros)

LFI 2020

LFI 2021

2022 PLF

Hors titre 2

78,3

84,4

103,4

Dont dépenses de fonctionnement

66,5

69,1

72,1

Dont dépenses d'investissement

11,8

15,3

31,3

Titre 2

361,4

367,3

377,2

Total

439,7

451,7

480,6

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits de rémunération s'élèvent à 377,2 millions d'euros, dont 101,6 millions d'euros de dotation au titre du compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions .

2. Un schéma d'emplois tendanciellement dynamique afin de faire face à l'augmentation du contentieux

L'évolution du programme s'explique notamment par la prise en compte de 41 créations d'emplois en 2022 destinées, d'une part au renforcement des tribunaux administratifs, d'autre part à la mise à disposition de trois magistrats auprès de la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP). Ces créations d'emplois devraient être ventilées comme suit : 24 magistrats dans les tribunaux administratifs, 15 agents de greffe et deux membres du Conseil d'État. Les crédits de titre 2 progressent globalement de 2,7 % par rapport à l'année précédente, le volume contentieux augmentant quant à lui de 3 % sur la même période.

Ce relèvement du plafond d'emplois du programme s'ajoute à celui effectué en 2021, où 28 emplois nouveaux, dont 6 magistrats et 4 agents de greffes et 18 postes pour le nouveau tribunal administratif de Toulouse, avaient été créés. Pour 2021, le plafond d'emplois autorisé est de 4 253 ETPT, outre 45 reports d'emplois ouverts en 2020 mais non pourvus.

Emplois ouverts en 2021

Créations

d'emplois LFI 2021

Créations 2021 + reports

Dont CAA de Toulouse

Dont CE

Dont TACAA

Dont CNDA

28

73

18

-1*

-5*

61

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Plus largement, le programme 165 bénéficie d'un schéma d'emplois positif depuis 2015. Dans un contexte de forte pression sur les juridictions administratives du fait de la dynamique des recours, le rapporteur spécial considère que ces emplois devraient permettre de répondre à la dynamique à l'oeuvre, notamment en lien avec l'ouverture de la neuvième cour administrative d'appel à Toulouse en 2022.

Évolution des emplois consommés depuis 2016

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Enfin, trois emplois sont destinés à la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) , dont les emplois de magistrats sont portés par le programme 165. Le vide juridique créé par la décision QPC du 9 septembre 2020 du Conseil constitutionnel, annulant l'obligation de paiement préalable des forfaits de post-stationnement avant recours devant la CCSP, a engendré un surcroît de recours devant la commission du contentieux du stationnement payant. Le nombre de requêtes a cru d'environ 20 % depuis cette décision, pour atteindre un total de 150 000 affaires en 2021 . La CCSP ne dispose cependant que d'une capacité de traitement à effectif constant de 70 000 affaires , d'où un accroissement mécanique du stock d'affaires pendantes. En conséquence, le recrutement de trois magistrats supplémentaires constitue selon le rapporteur spécial un moyen de soulager la CCSP et d'éviter un dérapage des délais de traitement .

3. Une amélioration de la consommation des emplois accordés au programme

Le rapporteur spécial avait regretté dans son dernier rapport budgétaire la sous-consommation du plafond d'emplois accordé au programme 165 . L'augmentation continue du schéma d'emplois depuis 7 ans n'est en effet légitime que lorsque les emplois accordés sont pourvus afin d'améliorer le délai de traitement des affaires. Cette sous-consommation des emplois est structurelle à l'échelle des dernières années.

Taux de consommation des emplois

2016

2017

2018

2019

2020

Conseil d'État

641

652

653

642

680

CAA

656

655

648

670

657

TA

2 066

2 085

2 151

2 173

2 131

CNDA

380

421

476

584

634

CCSP

0

0

6

9

12

Total

3 743

3 813

3 934

4 079

4 114

Plafond d'emplois autorisé

3 819

3 899

3 956

4 125

4 224

Taux de consommation

98,0 %

97,8 %

99,4 %

98,9 %

97,4 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La baisse du taux de consommation en 2020 s'expliquait par la crise sanitaire. La situation devrait être régularisée par un rattrapage en 2021, préalable indispensable selon le rapporteur spécial à l'ouverture de nouveaux crédits de personnel . Au 31 juillet 2021, l'exécution du plafond d'emplois s'élève à 4 205,8 ETPT, soit un taux prévisionnel de consommation du PAE autorisé (4 253 emplois) de 99 %.

En conséquence, le rapporteur spécial insiste sur le fait que les emplois accordés en 2022 doivent être entièrement consommés.

4. Une hausse des crédits hors titre 2 demandés en lien avec la création d'une neuvième chambre d'appel et la CNDA

Les dépenses d'investissement du programme 165 sont en forte hausse, en lien avec le programme immobilier dense des juridictions administratives. Les crédits de fonctionnement et d'investissement (titres 3 et 5) ont été fixés à 64 millions d'euros en AE (-37,3 %) et à 103,4 millions d'euros en CP (+22,5 %) .

Plusieurs projets immobiliers de grande ampleur sont en cours. L'éclatement des locaux de la CNDA sur quatre lieux différents, ainsi que la création d'une dizaine de nouvelles chambres ces deux dernières années, justifiaient un projet d'investissement immobilier destiné au relogement de cette juridiction ainsi que du tribunal administratif de Montreuil. Initialement prévue en 2015, cette relocalisation devrait finalement normalement intervenir en 2026.

Deux projets devraient toutefois être livrés sous peu : la nouvelle cour administrative d'appel de Toulouse, pour un coût total de 2,8 millions d'euros, au printemps 2022 et le tribunal administratif de Marseille , dont le chantier a pris du retard du fait de la crise sanitaire, mais qui devrait être occupé à partir de février 2022.

Les crédits accordés aux opérations immobilières du programme avaient déjà fait l'objet d'importants retards d'exécution . En outre, l'année 2020 a été marquée par les conséquences de la crise sanitaire sur les nombreuses opérations immobilières en cours .

Mais au-delà de la crise sanitaire, les importants retards subis par la plupart des opérations immobilières depuis plusieurs années conduisent à l'accumulation des chantiers. Le rapporteur spécial souligne l'attention qui doit être portée à la réalisation du schéma immobilier des juridictions administratives.

Par ailleurs, le budget 2022 intègre une revalorisation des dépenses informatiques , la crise sanitaire ayant révélé les importantes lacunes des systèmes d'information de la justice administrative. L'utilisation de l'application Télérecours étant obligatoire depuis 2018, elle implique la mise en place d'un parc informatique adapté. Toutefois, les économies induites par l'utilisation de Télérecours sont estimées à 3,4 millions d'euros pour la seule année 2020, selon les informations fournies au rapporteur spécial.

B. L'ENJEU DE LA MAÎTRISE DES DÉLAIS DE JUGEMENT FACE À L'AUGMENTATION CONTINUE DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

1. La reprise en 2021 de la croissance durable et soutenue des entrées devant les juridictions administratives
a) Une dynamique de long terme d'accroissement des entrées

Les juridictions administratives non spécialisées ont connu au cours des dernières années une augmentation considérable du contentieux , tant par le nombre de recours que par celui des domaines concernés.

L'augmentation des recours devant les juridictions administratives atteint plus de 5 % en moyenne annuelle depuis près de 50 ans. De 2000 à 2019, les entrées contentieuses en données nettes ont progressé de 105 % en première instance et de 116 % en appel.

Ces évolutions sont toutefois contrastées selon le type de contentieux concerné. Devant les cours administratives d'appel, trois contentieux représentent 73 % des affaires enregistrées dans les cours administratives d'appel en 2020 : le contentieux des étrangers représente à lui seul plus de la moitié des affaires (54 %) , devant le contentieux fiscal (10 %) et le contentieux de la fonction publique (9 %). Le contentieux du droit des étrangers est encore plus prépondérant devant les tribunaux administratifs, en augmentation de 34 % par rapport à 2020, mais en diminution de 17 % par rapport à 2019.

Liés à la crise sanitaire, deux contentieux apparaissent parmi les plus inflationnistes en 2020 : le contentieux du droit des personnes et des libertés publiques (6 254 affaires, soit + 31 % sur cinq ans, +18 % sur un an) et celui de l'économie (1 340 affaires, soit +550 % sur cinq ans et +302 % sur un an).

Nombre de requêtes enregistrées devant les tribunaux administratifs

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La prépondérance du contentieux des étrangers n'est pas neutre en termes de délais. Ce type de contentieux, très complexe, se caractérise par des délais de jugements très encadrés par la loi, qui conduisent à repousser le traitement d'autres types d'affaires .

Les délais de jugement contraints en droit des étrangers

Le contentieux du droit des étrangers se décline en des procédures variées dont beaucoup sont concernées par les délais de jugement contraints. Six délais contraints existent actuellement en la matière.

Les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont actuellement jugées en 3 mois ou 6 semaines (selon les dispositions sur le fondement desquelles elles ont été prises), 96 heures à compter de l'expiration du délai de recours lorsque la mesure d'éloignement est assortie d'un placement en rétention ou d'une assignation à résidence ou 144 heures à compter de la notification par l'administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence dans le cas où cette mesure privative de liberté est prise en cours d'instance (article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile - CESEDA).

Les délais de 96 heures et 144 heures sont issus de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie et ont remplacé le délai de 72 heures qui était prévu par le code.

Les décisions de transfert des déboutés de l'asile prises sur le fondement de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont actuellement jugées en 15 jours, 96 heures à compter de l'expiration du délai de recours ou 144 heures à compter de la notification par l'administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence (cf. art. L. 742-4 du CESEDA).

Les décisions de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile (L. 213-9 du CESEDA) sont jugées dans un délai de 72 heures et les décisions de maintien en rétention (L. 556-1 du CESEDA) sont jugées dans un délai qui ne peut excéder 96 heures à compter de l'expiration du délai de recours.

Le Premier ministre a confié au Conseil d'État le soin de réfléchir à une réforme du droit des étrangers , en simplifiant les procédures liées à ce contentieux spécifique 1 ( * ) . Deux propositions principales émergent de cette étude : d'une part la réduction de 12 à 3 des procédures de recours devant le juge selon le degré réel d'urgence, et d'autre part l'obligation pour l'administration de se prononcer, dès la première demande de titre de séjour, sur l'ensemble des possibilités d'obtention du titre. Ces propositions n'ont pas été intégrées en fin de quinquennat, mais il serait souhaitable que prochain Gouvernement poursuive la réflexion soulevée par le Conseil d'État sur le traitement du contentieux des étrangers.

b) Les effets limités de la crise sanitaire

Les juridictions administratives ne se sont pas arrêtées pendant la crise sanitaire, grâce au maintien des procédures de référé malgré l'arrêt des contentieux nécessitant des formations collégiales. L'activité des juridictions a par ailleurs repris un fonctionnement normal dès juin 2020 . Toutefois, si beaucoup de magistrats avaient déjà la possibilité de travailler à distance, ce n'était pas le cas du greffe, ce qui a nécessité l'ouverture rapide de crédits supplémentaires pour des équipements informatiques.

Ainsi, si les entrées ont baissé en 2020 de 9 % devant les tribunaux et de 15 % devant les cours administratives d'appel, les sorties ont baissé d'autant, sans entraîner de dégradation trop importante du stock d'affaires en cours.

Évolution des recours devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel entre les premiers semestres 2019 et 2020

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Devant le Conseil d'État, la croissance brutale du nombre de référés , essentiellement en lien avec la gestion de la crise sanitaire (1 163 en 2020, soit 800 dossiers de plus que les années précédentes) a été compensée par la baisse des contestations en cassation des jugements rendus par les cours administratives d'appel.

Évolution de l'activité des juridictions administratives depuis 2014

(en nombre d'affaires)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2. Une trajectoire de réduction des délais qui se poursuit après la crise sanitaire

La réduction des délais de jugement est un enjeu de long terme. Les délais de jugement, qui représentent la capacité d'une juridiction à résorber son stock si le flux d'entrées s'interrompait, ont été considérablement raccourcis au cours des dernières années.

Ainsi, entre 2002 e t 2020, le délai prévisible moyen de jugement est passé en 1 ère instance de près de 20 mois à 10 mois (contre 9 mois et 4 jours en 2019). En appel, ce délai est passé de 3 ans et 1 mois à 1 an et 3 jours (10 mois et 8 jours en 2019).

L'impact de la crise sanitaire sur le délai moyen de jugement a été paradoxalement limité, du fait de la réduction des entrées à due concurrence du ralentissement du traitement du stock . Ainsi, mis à part les cours administratives d'appel, pour lesquelles on constate un allongement de deux mois, les autres niveaux de juridiction ont respecté leurs objectifs respectifs de délai moyen de jugement, principal indicateur de performance du programme 165.

Délai moyen de jugement par niveau de juridiction
y compris procédures d'urgence

2018

2019

2020

2021 (prévision actualisée)

2022
(cible)

Tribunaux administratifs

10 mois et 3 jours

9 mois et 4 jours

10 mois

10 mois

10 mois et 15 jours

Cours administratives d'appel

11 mois et 6 jours

10 mois et 26 jours

1 an et 3 jours

1 an

11 mois

Conseil d'État

7 mois et 27 jours

7 mois et 20 jours

7 mois et 29 jours

8 mois et 7 jours

9 mois

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le délai moyen constaté de jugement des affaires constitue le principal indicateur de performance du programme. Il donne systématiquement lieu à une prévision que le rapporteur spécial considère comme irréaliste, en particulier concernant la CNDA. À titre d'exemple, le délai moyen prévu pour les procédures par le projet annuel de performance est le même en 2022 et en 2021, soit 7 semaines, la cible en 2023 étant de 5 semaines seulement. Il semble particulièrement improbable de parvenir à cette ambition, étant donné que le délai moyen en 2021 devrait être finalement de 17 semaines . Il serait sans doute utile de transformer cet indicateur pour la CNDA pour lui donner une plus grande crédibilité.

En revanche, le délai moyen devant le Conseil d'État et les tribunaux administratifs constaté en 2021 est proche de celui prévu en 2022 et 2023 . Le rapporteur spécial s'en félicite grandement et insiste sur l'importance que représente le coût de la réduction des délais de jugement. Un gain d'un mois de délai moyen de jugement se traduit par une baisse des dépenses de 14 millions euros, sans compter le coût humain et social que peuvent représenter des procédures trop longues.

Le rapporteur spécial souligne également que dans le cas particulier du contentieux électoral, la rapidité de la décision constitue un enjeu démocratique .

La mise en place de délais de jugement contraints par type de contentieux ne constitue cependant pas une solution de long terme. La fixation de délais contraints de jugement induit mécaniquement un effet d'éviction des autres contentieux, lesquels, du fait d'une instruction plus longue, sont de plus en plus lourds à traiter et un allongement de leur délai de traitement.

L'impact sur les délais de jugement des procédures de référés

Les référés administratifs sont des procédures devant les juridictions administratives, le plus généralement fondées sur l'urgence, permettant d'obtenir du juge, généralement statuant seul, le prononcé rapide de diverses mesures protectrices des droits des administrés.

La part des référés dans les affaires traitées est croissante depuis la dernière décennie, alors que le nombre de référés augmente également.

Le référé est devenu un outil de gestion et de régulation du contentieux, en ce qu'ils influent mécaniquement sur la structure du contentieux. Plus les juridictions enregistrent de référés, plus le délai de jugement sera inférieur à celui de l'année précédente. Il se dégradera toutefois l'année suivante, les dossiers non insérés dans des délais particuliers n'ayant pas été traités pour faire face aux urgences.

C. UNE NÉCESSAIRE VIGILANCE CONCERNANT LA COUR NATIONALE DU DROIT D'ASILE DU FAIT DE L'ACCROISSEMENT DE SON ACTIVITÉ JURIDICTIONNELLE

1. Une stabilisation des moyens accordés à la CNDA en PLF 2022 malgré une activité toujours croissante
a) L'activité de la CNDA, conséquence des traitements en première instance, continue à augmenter

L'augmentation du nombre d'affaires entrantes s'inscrit dans une tendance durable depuis 2008. La Cour a ainsi triplé sa capacité de jugement en 10 ans, période pendant laquelle les affaires entrantes ont cru de 115 %.

En effet, la CNDA est confrontée année après année à un niveau soutenu du contentieux de l'asile : de 2009 à 2019, la progression du contentieux s'est élevée à près de 140 %. Après une année 2020 marquée par le confinement et une évolution des entrées non significative (- 37 %), les entrées pour 2021 devraient se situer entre 65 000 et 75 000, soit une augmentation de 10 % à 27 % par rapport à l'année 2019.

Évolution du nombre d'affaires enregistrées par la CNDA

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La CNDA ne dispose par ailleurs d'aucun pouvoir d'autorégulation de son activité juridictionnelle , celle-ci étant la conséquence mécanique, d'une part du nombre fluctuant de demandeurs d'asile qui se présentent en France selon les événements géopolitiques mondiaux et d'autre part du rythme d'activité et du taux d'admission de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dont la CNDA est juge en premier et dernier ressort et pour lequel le taux élevé de recours est généralement élevé (84,9 % en 2019).

b) Une stabilisation des crédits demandés par la CNDA en PLF 2022

L'accroissement considérable du contentieux de l'asile a par le passé entraîné une augmentation régulière du plafond d'emplois du programme 165 afin de faire face au nombre de requêtes déposées devant la CNDA .

Toutefois, les crédits accordés à la CNDA se stabilisent progressivement. En PLF 2022, l'action 7 - Cour nationale du droit d'asile augmenterait de 1,8 % seulement, soit 46,15 millions d'euros contre 45,3 millions en 2021.

La CNDA a bénéficié de 90 % des créations d'emplois du programme 165 entre 2015 et 2020. L'effectif de la CNDA dépasse depuis 2019 l'ensemble des effectifs des 8 cours administratives d'appel réunies. Toutefois, aucune création d'emploi de magistrat ou d'agent n'a été accordée en 2021 à la CNDA, et ce sera de nouveau le cas en 2022 . Cependant, suite aux difficultés de recrutement liés à la crise sanitaire en 2020, la CNDA a bénéficié d'un report de 45 ETP qui ont permis, dès le début 2021 , de combler les postes encore vacants.

La CNDA peut désormais traiter environ 90 000 affaires par an , ce qui suppose que le nombre d'affaires réglées par an par rapporteur et par agent de greffe évolue aux alentours de 265 pour les rapporteurs et 290 pour les agents de greffe.

2. Un effort de limitation des délais de jugement devant être encouragé et poursuivi
a) Plusieurs réformes ont tenté de limiter les délais de jugement

Conséquence mécanique de l'accroissement des recours devant la juridiction, le délai moyen de jugement était en progression constante au cours de la dernière décennie. Il décroît toutefois nettement grâce à diverses mesures mises en place depuis 2015.

Le principal enjeu de la Cour réside toujours dans la poursuite de la mise en oeuvre de la réforme du droit d'asile résultant des lois n° 2015-925 du 29 juillet 2015 2 ( * ) et n° 2018-778 du 10 septembre 2018 3 ( * ) . Celle-ci a instauré des délais de jugement selon le type de procédure, qui ne doivent pas dépasser cinq mois pour les procédures ordinaires et cinq semaines pour les procédures accélérées .

Avant la crise sanitaire, les moyens accrus de la Cour lui avaient permis de rendre plus de décisions que de recours enregistrés. Au-delà de ce taux de couverture positif (112 %) , la Cour a fait porter ses efforts sur le jugement des affaires dont l'ancienneté dépassait un an, affaires relevant majoritairement d'un jugement en audience collégiale.

L'amélioration des conditions matérielles du traitement des dossiers est prévue par la poursuite du développement d'un logiciel d'aide à l'enrôlement qui permettra de rationaliser la convocation de tous les acteurs participant aux audiences et de réduire les renvois d'audience.

Enfin, un récent décret 4 ( * ) , entré en vigueur le 1 er avril 2021, permet l'utilisation de l'application Télérecours, à titre facultatif, par les avocats plaidant devant la Cour nationale du droit d'asile. Si les avocats se saisissent de cet outil, l'application devrait permettre de poursuivre l'amélioration de l'efficience des procédures.

b) Un impact de la crise sanitaire sur le stock d'affaires qui n'est pas encore résorbé

Contrairement aux juridictions administratives de droit commun, le premier confinement a entraîné un arrêt total de la CNDA qui n'a pu reprendre une activité complète qu'à partir du mois d'août. Les assesseurs siégeant aux côtés des magistrats étant fréquemment des personnes vulnérables car le plus souvent des magistrats ou juristes à la retraite ou non situées en région parisienne, ils ne pouvaient être de retour dès mai 2020 et pendant le deuxième confinement. La reprise à l'été 2020 a donc été orientée vers les formations à juge unique , c'est-à-dire vers les procédures accélérées. En outre, la grève des avocats contre la réforme des retraites avait empêché la CNDA de tenir audience au début 2020.

En conséquence, les délais moyens de jugement en 2020 sont fortement supérieurs à ceux constatés en 2019 , mettant fin à la dynamique de réduction en cours.

Concernant les procédures ordinaires, le délai moyen de jugement était de neuf mois et vingt jours en 2019, contre quinze mois en 2010. Les délais moyens constatés pour 2020 sont de onze mois pour les procédures ordinaires et vingt semaines pour les procédures accélérées, soit respectivement six mois et quinze semaines de plus par rapport à la prévision pour 2020.

c) Malgré une nette amélioration, des délais qui demeurent importants en 2021

Le délai moyen constaté était de 12 mois et 27 jours en 2010. À la fin de l'année 2019, il était de 9 mois et 20 jours pour les procédures normales , de 3 mois et 29 jours pour les procédures accélérées. Malgré cela, le stock d'affaires a continué à progresser (29 495 dossiers fin 2019 contre 36 868 fin 2018).

Cependant, malgré la hausse continue et importante des entrées, les délais de jugement sont toujours en deçà de ce qu'a pu connaître la Cour par le passé (8 mois et 8 jours fin 2020).

Les objectifs pour 2021 sont de retrouver les délais constatés fin 2019 pour les procédures normales (9 mois et 20 jours), et de conserver celui atteint pour les procédures accélérées (16 semaines).

Le rapporteur spécial espère que ces prévisions seront réalistes, et insiste sur la nécessité d'un retour à une trajectoire de déstockage telle que mise en place avant la crise sanitaire.

II. LE PROGRAMME 126 : « CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL » (CESE)

Le budget du programme 126 est stable par rapport à 2021, à 44,58 millions d'euros en AE et en CP .

Évolution des crédits par action du programme 126

(en millions d'euros et en %)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

01 - Représentation des activités économiques et sociales

AE

30,3

30,2

- 0,0

- 0,2 %

CP

30,3

30,2

- 0,0

- 0,2 %

02 - Fonctionnement de l'institution

AE

12,4

12,5

+ 0,1

+ 1,1 %

CP

12,4

12,5

+ 0,1

+ 1,1 %

03 - Communication et international

AE

1,8

1,8

+ 0,1

+ 2,9 %

CP

1,8

1,8

+ 0,1

+ 2,9 %

Total programme 126

AE

44,4

44,6

+ 0,1

+ 0,3 %

CP

44,4

44,6

+ 0,1

+ 0,3 %

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. UNE STABILITÉ FACIALE DES CRÉDITS ENTÉRINANT LA HAUSSE ACCORDÉE EN 2020

1. Une stabilité des dépenses de personnel

Les dépenses du programme 126 sont composées à 80 % de crédits de rémunération.

On constate une stabilité du plafond d'emplois par rapport à 2021 . Selon les informations transmises au rapporteur l'année précédente, les dépenses de personnel auraient dues être amenées à significativement augmenter en 2022, qui sera la première application de la réforme du CESE de janvier 2021 en année pleine. Ce n'est toutefois pas le cas.

En prévision de la réforme, le relèvement du plafond d'emplois de 150 à 154 ETPT prévu en 2020 a été pérennisé en 2021. Ces ETPT supplémentaires devraient être utilisés pour répondre au renforcement des missions du Conseil. Le reste des ETPT disponibles seraient, pour leurs parts, utilisés pour le recrutement d'agents contractuels sur les conventions citoyennes à venir.

Toutefois, le plafond d'emplois n'a pas été entièrement consommé en 2021, seuls 147 emplois étant pourvus , en partie du fait du nouveau changement de gouvernance.

Pour 2022, les réponses au questionnaire budgétaire précisent que les arbitrages ne sont pas à ce stade stabilisés quant au fait de procéder à de nouveaux recrutements ou, au contraire, de privilégier les redéploiements d'effectifs suite aux promotions statutaires de l'année 2022. Le rapporteur spécial souligne que la consommation du plafond d'emplois demandé est indispensable à la sincérité du budget.

En 2022, le CESE procèdera à la revalorisation des grilles de rémunération des agents de catégorie C pour un coût de 34 000 euros, à la mise en place d'une allocation forfaitaire de télétravail pour un budget de 27 000 euros et à une revalorisation globale au titre de la protection sociale complémentaire (27 000 euros également).

Concernant les dépenses hors titre 2, en 2022, selon les réponses au questionnaire budgétaire, 1,4 million d'euros de travaux sont prévus pour améliorer l'accessibilité du Palais d'Iéna , ce qui devrait permettre d'accroître par la suite les ressources tirées de la valorisation du parc immobilier.

Si la crise sanitaire n'a eu qu'un impact limité en 2021 sur la production du CESE, le renouvellement de la mandature en 2021 devrait quant à lui se traduire par une forte baisse du nombre d'avis rendus et un rebond en 2022.

Évolution de l'activité du CESE

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Comme les années précédentes, le CESE s'autosaisit essentiellement en 2020 et 2021. En 2020, l'autosaisine a représenté 65 % des travaux du Conseil. Si le rapporteur spécial relève la qualité des avis du CESE, il souligne leur déficit de médiatisation . La réflexion annoncée par le nouveau président du CESE sur le sujet apparaît donc indispensable.

2. La réorientation des crédits dédiés à l'organisation d'une convention citoyenne correspond en réalité à une hausse des moyens du CESE pour la participation citoyenne

Le programme 126 a bénéficié en 2020 et 2021 d'une augmentation de 10,4 % (+ 4,2 millions d'euros), pour atteindre 44,4 millions d'euros en 2020. Ces 4,2 millions d'euros supplémentaires étaient en totalité destinés à au surcoût découlant de l'organisation de la convention citoyenne en 2020, puis à une éventuelle autre convention citoyenne thématique en 2021.

Les crédits demandés pour 2022 étant stables, cela revient à entériner la hausse des crédits, qui devait à l'origine être uniquement ponctuelle et ce alors même qu'aucune convention citoyenne n'a été prévue en 2021, pas plus qu'en 2022.

En 2020, sur ces 4,2 millions d'euros, seul un million aura été utilisé pour financer le surcoût de la prolongation de la convention citoyenne pour le climat. Les 3 millions restants n'ont été que partiellement dégelés . La quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a par conséquent procédé à l'annulation d'une partie de ces crédits, à hauteur de 2,5 millions d'euros .

En 2021, la lettre plafond indique que si la dotation de 4,2 millions d'euros au titre de la participation citoyenne n'est pas totalement consommée, elle pourra être utilisée à hauteur de 1,6 million d'euros pour la réalisation des travaux du Palais d'Iéna. Les travaux n'étant pas réalisés en 2021, il est vraisemblable que ces crédits seront de nouveau inutilisés.

Par ailleurs, le CESE devrait en 2022 gérer directement ces 4,2 millions d'euros, contrairement aux années précédentes où les crédits devaient être débloqués par le Gouvernement. Selon les informations transmises au rapporteur spécial, ces crédits devraient être intégralement fléchés vers la participation citoyenne.

La question se pose donc de la pérennisation de cette dotation, par le passé annulée en gestion faute de consommation des crédits. Le rapporteur spécial s'interroge sur la poursuite de ce mode de gestion, et sera attentif à ce que ces crédits aient été non seulement consommés, mais également consacrés à la participation citoyenne.

B. LA RÉFORME DU CESE EN 2021 CONDUIT À ORIENTER LES CRÉDITS VERS LA PARTICIPATION CITOYENNE

1. L'entrée en vigueur de la réforme du CESE devrait renforcer son rôle

Le CESE a été réformé très récemment par la loi organique du 15 janvier 2021 , entrée en vigueur au 1 er avril dernier 5 ( * ) . La réforme a été pleinement mise en oeuvre dans les mois suivants, suite à l'installation de la nouvelle mandature.

La réforme du CESE poursuit trois objectifs : institutionnaliser des outils de démocratie participative, inciter les pouvoirs publics à davantage saisir le Conseil et réduire de 25 % le nombre de ses membres .

Le Sénat, considérant d'une part le manque d'ambition de cette réforme 6 ( * ) et d'autre part des points de désaccord majeurs avec l'Assemblée nationale portant notamment sur l'extension du tirage au sort, a en nouvelle lecture opposé la question préalable à ce texte lors de son examen. « Le Sénat refuse toute légitimation du tirage au sort, qu'il considère comme incompatible avec le principe même de la démocratie représentative. Il déplore également l'appauvrissement des études d'impact [opéré par le texte] , le CESE n'ayant pas les ressources pour se substituer à l'expertise de certaines instances consultatives ».

Le texte prévoit notamment une réduction à 175 membres du CESE , contre 233 auparavant, du fait de la suppression des 40 personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement. Le Sénat avait proposé de limiter cette réduction à 193 membres.

Concernant les outils de démocratie participative, la loi organique étend la saisine du CESE par voie de pétition : le Conseil examine les pétitions ayant recueilli 150 000 signatures de personnes âgées de 16 ans et plus (contre 500 000 pétitionnaires majeurs). Cet élargissement est d'autant plus souhaitable que, dix ans après l'ouverture du droit de pétition, seules trois ont été portées devant le CESE . Une seule a atteint le seuil requis de 500 000 signataires, avant d'être déclarée irrecevable en 2013.

Il renforce en outre la place du tirage au sort : des citoyens tirés au sort peuvent désormais participer aux travaux de diverses commissions du CESE.

Le texte renforce également considérablement le rôle consultatif du CESE. Lorsqu'il saisit le CESE sur un projet de loi portant sur des questions à caractère économique, social ou environnemental, le Gouvernement est exonéré des consultations préalables prévues par des dispositions législatives ou réglementaires. Le Conseil devrait ainsi devenir le « guichet unique » des consultations, se substituant aux autres instances consultatives.

2. L'impact budgétaire de la réforme devrait être limité grâce au redéploiement des économies liées à la réduction du nombre de conseillers

La réduction du nombre de membres ne s'est pas traduite par une baisse des dépenses en 2022 , alors que la suppression des 58 membres devrait permettre en année pleine d'économiser près de 2,1 millions d'euros .

De fait, la reconduction du budget 2021, à nombre de membres inférieur, constitue donc un accroissement des ressources du CESE. Ces augmentations devraient permettre de financer la mise en oeuvre des nouvelles missions confiées au CESE.

Concernant celles-ci, les impacts budgétaires de la réforme du CESE devraient toutefois être assez limités. En effet, dans bien des cas, la loi a consacré des pratiques déjà mises en oeuvre par le Conseil : relations de travail avec les CESER, consultation du public, avis sur l'application des lois, représentation de tous les groupes au sein du bureau de l'institution, etc.

Le CESE, lors des conférences de gestion, avait estimé qu'une hausse de 10 % de son budget serait nécessaire pour conduire ses nouvelles missions. Le rapporteur spécial souligne que les économies tirées de la baisse du nombre de membres et la pérennisation de l'enveloppe de 4,2 millions d'euros pour la participation citoyenne conduisent in fine et sous les dehors d'une stabilité des moyens, à ce que le CESE puisse bénéficier d'une augmentation supérieure à ces 10 %.

Sur le plan comptable, le rapporteur spécial se félicite par ailleurs des discussions en cours sur la possibilité de dépasser les difficultés techniques mises en avant pour justifier le non-recours à Chorus. L'annonce de la certification des comptes du CESE par la Cour des comptes , selon des modalités identiques à celles s'appliquant au Conseil constitutionnel, est à ce titre une avancée garantissant la lisibilité et la clarté des comptes de l'institution.

III. LE PROGRAMME 164 : « COUR DES COMPTES ET AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES »

Le programme 164 retrace les crédits de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC), ces dernières regroupant 18 chambres régionales des comptes (CRC) et cinq chambres territoriales des comptes (CTC), situées en outremer.

Les crédits demandés pour 2022 s'élèvent à 226 millions d'euros en CP dont 200 millions d'euros sur les dépenses de personnel et 25,1 millions d'euros sur les autres titres, soit une augmentation de 2,5 % par rapport à 2021.

A. UN BUDGET EN LÉGÈRE HAUSSE MARQUÉ PAR LA PLACE DES DÉPENSES DE PERSONNEL

1. Des crédits conformes à la programmation pluriannuelle
a) Une relative stabilité des crédits demandés pour 2022

Le niveau de crédits du programme 164 pour 2022 poursuit une trajectoire relativement stable.

Évolution des crédits par action du programme 164

(en millions d'euros et en %)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

FDC et ADP attendus en 2022

21 - Examen des comptes publics

AE

40,7

44,2

+ 3,5

+ 8,5 %

2,0

CP

40,6

44,2

+ 3,6

+ 8,9 %

2,0

22 - Contrôle des finances publiques

AE

16,6

16,9

+ 0,3

+ 1,9 %

0,0

CP

16,6

16,9

+ 0,3

+ 1,9 %

0,0

23 - Contrôle des gestions publiques

AE

62,8

63,9

+ 1,1

+ 1,8 %

0,0

CP

62,8

63,9

+ 1,1

+ 1,8 %

0,0

24 - Évaluation des politiques publiques

AE

36,5

35,9

- 0,6

- 1,7 %

0,0

CP

36,5

35,9

- 0,6

- 1,7 %

0,0

25 - Information des citoyens

AE

7,5

7,5

+ 0,1

+ 0,8 %

0,0

CP

7,5

7,5

+ 0,1

+ 0,8 %

0,0

26 - Mise en jeu de la responsabilité des comptables publics et des gestionnaires publics

AE

5,0

5,1

+ 0,1

+ 1,9 %

0,0

CP

5,0

5,1

+ 0,1

+ 1,9 %

0,0

27 - Pilotage et soutien des juridictions financières

AE

56,0

52,3

- 3,8

- 6,7 %

0,1

CP

52,1

53,2

+ 1,0

+ 2,0 %

0,1

Total programme 164

AE

225,1

225,8

+ 0,7

+ 0,3 %

2,1

CP

221,1

226,7

+ 5,6

+ 2,5 %

2,1

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Celle-ci est cependant supérieure pour la première fois depuis 2018 à la programmation pluriannuelle , essentiellement du fait de dépenses de personnel. Comme les années précédentes, les crédits demandés hors titre 2 sont conformes à la trajectoire définie en loi de programmation, malgré une légère hausse en PLF 2022 de 1,2 million d'euros en CP pour prendre en compte les besoins de financement des projets immobiliers et informatiques des juridictions financières.

Programmation pluriannuelle des crédits du programme 164

(en CP en millions d'euros)

Années
(par défaut, programmation)

2019 (LPFP)

LFI 2019

2020 (LPFP)

LFI 2020

2021 (LPFP)

LFI 2021

2022 (LPFP)

PLF 2022

Écart en 2022

Dépenses de titre 2

195,07

195,08

197,35

196,22

198,63

196,2

199,27

200,65

+ 1,38

dont hors CAS « Pensions »

145,5

146,28

146,38

147,21

147,35

147,2

147,82

130,39

- 17,43

dont CAS « Pensions »

49,57

48,8

50,97

49,01

51,29

49

51,45

70,25

+ 18,8

Dépenses hors titre 2

25,3

24,84

25,3

24,85

25,3

24,8

25,3

26,04

+ 0,74

Total

220,37

219,92

222,65

221,07

223,93

221

224,57

226,69

+ 2,12

Source : commission des finances, d'après les réponses de la Cour des comptes au questionnaire budgétaire

b) Un élargissement des compétences des juridictions financières mais une stabilité des moyens

Le périmètre des missions des juridictions financières s'est élargi au cours des dernières années. Outre leurs missions de certification des comptes de l'État, des régimes généraux de sécurité sociale et des assemblées parlementaires et le développement des missions de conseil et d'appui au Gouvernement et au Parlement, les juridictions financières disposent depuis 2015 de deux nouvelles compétences.

L'expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales , introduite par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi « NOTRe ») est entrée en 2021 dans sa deuxième phase. La première, close à l'été 2021, portait sur l'accompagnement des collectivités par les juridictions financières dans l'évaluation de la fiabilité de leurs comptes. De 2021 à 2023, les juridictions financières procèdent à la réalisation de certifications préparatoires.

L'année 2022 sera consacrée à la synthèse de ces contrôles et le déploiement des certifications réalisées par les commissaires aux comptes. L'impact global de la certification des comptes locaux peut être évalué à 15 ETP, Cour et CRC confondues, chaque année de 2017 à 2020, pour l'évaluation des 25 collectivités participant à l'expérimentation .

Concernant l'extension du contrôle des juridictions financières aux établissements et services sociaux et médicosociaux, elle a été mise en place par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016. En 2021, 23 établissements privés lucratifs et non lucratifs ont été contrôlés par les CRTC, dont 7 dans le cadre d'une enquête sur la complémentarité et la concurrence entre établissements hospitaliers privés et établissements hospitaliers publics. Concernant les EHPAD, en 2020 et 2021, les juridictions financières ont effectué le contrôle de 57 établissements, dont 34 de droit privé (15 à statut privé non lucratif et 19 à statut privé lucratif).

L'attribution à la Cour du mandat de commissaire aux comptes de l'Organisation des Nations Unies, pour laquelle la cour des comptes est seule candidate, pourrait être décidée d'ici la fin de l'année 2021. Auquel cas, des moyens spécifiques (à hauteur de 30 ETP supplémentaires, dont 5 déjà prévus en 2021 et 25 en 2022) ont été demandés.

Concernant les CRTC, leur activité a connu un ralentissement en 2020 et 2021. Les délais moyens pour l'examen de la gestion sont en forte augmentation, de 14 mois en moyenne en 2017 à 16,3 mois en 2020 . L'augmentation des délais de contrôle s'explique en partie par les conséquences de la crise sanitaire mais aussi par la période dite de réserve liée aux élections municipales, qui justifie en partie l'abaissement du nombre de contrôles menés, constaté dès 2019.

Le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale devrait confier aux chambres régionales des comptes (CRC) une nouvelle mission d'évaluation des politiques publiques territoriales, sur demande des régions ou des départements . Le projet de loi donne la faculté aux régions et départements de demander aux chambres régionales des comptes de leur ressort de procéder à l'évaluation d'une politique publique relevant de leur compétence, à l'instar de celle exercée par la Cour des comptes au bénéfice du Parlement. Les CRC seraient tenues de faire droit à ces demandes, ce qui explique que le dispositif soit circonscrit aux seuls régions et départements, pour tenir compte des moyens limités des CRC.

Nombre des observations définitives, avis budgétaires et communications des chambres régionales et territoriales des comptes

Source : commission des finances, d'après les réponses de la Cour des comptes au questionnaire budgétaire

En outre, l'article 41 du présent projet de loi de finances prévoit une habilitation permettant de créer par ordonnance un régime de responsabilité unifié pour les ordonnateurs et les comptables. Cette ordonnance devrait créer une cour d'appel financière, juge en appel des décisions prises par la chambre du contentieux nouvellement créée.

c) Les conséquences limitées de la crise sanitaire

L'impact de la crise sanitaire sur les crédits du programme 164 a été relativement faible en termes de dépenses supplémentaires . Le solde des conséquences de la crise est négatif ( 2 millions d'euros) et contribue à la sous-exécution constatée en 2020. L'achat de matériel supplémentaire, en particulier informatique (330 000 euros), n'a pas compensé les moindres dépenses du fait de la limitation des déplacements (1,4 million d'euros) et des dépenses de formation .

S'agissant des délais de traitement des dossiers, une ordonnance prise pendant la crise sanitaire 7 ( * ) a permis d'adapter les délais de jugement et d'examen des comptes et de la gestion, notamment pour tenir compte de l'indisponibilité des interlocuteurs des CRC et de la Cour des comptes. Cette extension résulte également de la période de réserve à laquelle sont soumises les CRC du fait des élections municipales.

Le principal impact de la crise sanitaire a donc été l'allongement des délais moyens d'examen de gestion pour les CRC . Le délai des travaux d'examen de gestion est légèrement supérieur à la limite haute de la cible fixée (16,5 mois pour un objectif de 15 mois maximum) et à la réalisation 2019. En revanche, s'agissant de la Cour des comptes, la tendance au raccourcissement des délais d'examen de la gestion se poursuit et celui-ci s'est établi à 13,5 mois en 2020, contre 14 mois en 2019 .

2. Les dépenses de personnel représentent 89 % du programme 164
a) Des dépenses de personnel en hausse malgré une sous-exécution persistante

En 2022, les moyens alloués aux dépenses de personnel représentent 200,65 millions d'euros, soit près de 89 % des CP du programme 164 , qui s'élèvent à 226,68 millions d'euros. Les dépenses de personnel sont ainsi en augmentation par rapport à la LFI 2021 de 4,42 millions d'euros, soit une augmentation de 2 %.

En effet, le schéma d'emplois des juridictions financières devrait être en hausse de 10 ETPT , ce qui prolonge une augmentation de 6,2 % sur la période 20172022.

Pourtant, en exécuté 2020 comme en prévision 2021, le nombre d'emplois dans les juridictions financières reste inférieur au plafond d'emplois du programme. Cette sous-consommation est chronique. Le plafond d'emplois a ainsi été sous-exécuté en 2020 à 1 763 ETPT contre 1 802 prévus. En 2021, la prévision est de 1 766 ETPT, toujours pour un plafond de 1 802 ETPT.

Consommation du plafond d'emplois

(en ETPT)

Source : commission des finances, d'après les réponses de la Cour des comptes au questionnaire budgétaire

b) Des dépenses hors titre 2 stables

Les crédits hors titre 2 n'évoluent pas par rapport à la LFI 2021. Entre 2017 et 2022, les crédits hors titre 2 diminuent de 18,6 % en AE et augmentent de 1,3 % en CP.

Les variations d'AE sur la période sont liées à la généralisation de la pluri-annualité dans les baux et les marchés. Le montant d'AE pour les dépenses d'investissement connait une diminution importante en PLF 2022, mise à part une hausse de 2,08 millions d'euros en AE concernant essentiellement des immobilisations relatives aux applications informatiques. Les dépenses relatives aux travaux immobiliers sont financées soit par report de crédits soit sur le programme 723. Les crédits nécessaires à ces opérations n'apparaissent donc pas dans le projet annuel de performance du programme 164.

3. La réorganisation des juridictions financières devrait s'effectuer à moyens constants

Le Premier président de la Cour des comptes a présenté en février 2021 un projet de réforme des juridictions financières, le projet « JF 25 », qui se traduit par une quarantaine de mesures.

Certaines ont d'ores et déjà été mises en oeuvre en 2021, notamment la création d'une septième chambre à la Cour des comptes traitant, sur réquisition du Parquet général, de l'ensemble des affaires contentieuses.

À ce stade, l'ensemble des évolutions inscrites dans le projet stratégique JF 2025 sont portées à ressources constantes, à l'exception du renforcement de la mission d'évaluation des politiques publiques , pour lequel une demande de crédits supplémentaires a été prise en compte dans le PLF 2022 à hauteur de 200 000 euros . Toutefois, selon les réponses au questionnaire budgétaire, l'achèvement à l'automne 2021 de la seconde phase du projet, qui porte sur les ressources humaines et les moyens nécessaires à la mise en oeuvre des nouvelles orientations stratégiques, pourrait conduire à formuler des demandes de crédits complémentaires au titre du PLF 2023.

B. LE RESPECT DE L'INDÉPENDANCE FONCTIONNELLE DE LA COUR ENTRAÎNANT DES MODALITÉS DE RÉGULATION BUDGÉTAIRE SPÉCIFIQUES

Afin de tenir compte de la nature particulière des institutions financées par le programme 164, le législateur a assorti les règles budgétaires issues de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de dérogations pour ce même programme et lui a ainsi réservé une « indépendance fonctionnelle » dans la gestion de ses crédits.

1. Le principe d'indépendance fonctionnelle des institutions supérieures de contrôle

Compte tenu de leurs fonctions particulières de contrôle des finances publiques, les juridictions financières bénéficient d'une autonomie de gestion vouée à assurer leur bon fonctionnement. Les normes internationales reconnaissent ainsi aux institutions supérieures de contrôle (ISC), dont la Cour des comptes fait partie, une indépendance fonctionnelle qui s'entend comme le fait de « disposer des ressources humaines, matérielles et financières nécessaires et raisonnables » et implique que « les pouvoirs exécutifs ne doivent pas contrôler ni encadrer l'accès à ces ressources. Les ISC gèrent leur propre budget et peuvent l'affecter de la manière qu'elles jugent appropriée. Le Parlement est chargé de veiller à ce que les ISC disposent des ressources nécessaires pour remplir leur mandat. Les ISC ont le droit de faire appel directement au Parlement lorsque les ressources fournies sont insuffisantes pour leur permettre de remplir leur mandat ». 8 ( * )

Cette indépendance s'est notamment traduite par la sortie des juridictions financières de l'enveloppe budgétaire du ministère de l'économie et des finances en 2005 , pour prendre par ailleurs en compte la nouvelle mission de certification des comptes de l'État, avec le rattachement des crédits de la Cour dans la mission « Conseil et contrôle de l'État », placée auprès des services du Premier ministre 9 ( * ) .

2. ... entraînant des modalités de gestion budgétaire spécifiques

Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF en 2006, la Cour des comptes bénéficiait également d'une levée automatique en début d'année de la mise en réserve des crédits votés en loi de finances initiale . Cette dérogation faisait suite à la lettre adressée par le Premier ministre de l'époque au Premier président de la Cour des comptes 9 ( * ) , indiquant que le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » bénéficierait de modalités budgétaires particulières et ne serait pas affecté par les mises en réserve de crédits. Par parallélisme, cette dérogation avait été accordée au programme 165 de la même mission.

Or, depuis 2018, les crédits des juridictions financières faisaient systématiquement l'objet d'une mise en réserve de précaution , dont la levée est intervenue en mars pour l'exercice 2018 et fin février pour l'exercice 2019, à la suite d'une demande expresse formulée par la Cour des comptes , après plusieurs échanges avec la direction du budget et le cabinet du ministre chargé des comptes publics.

Dans une lettre du 9 mars 2018 adressée au Premier président, le ministre de l'action et des comptes publics a rappelé que la Cour des comptes est exemptée de toute mise en réserve sur ses crédits, en raison de son indépendance et de son statut. Les crédits accordés à la Cour des comptes sont exemptés de réserve de précaution et ne peuvent faire l'objet d'aucune mesure de régulation sans l'accord préalable du Premier président.

Concernant l'exercice 2021, la réserve de 1,97 million d'euros (dont 0,98 million d'euros sur le titre 2 et 0,99 million d'euros sur le hors titre 2) a été intégralement levée dès le début de la gestion, le 6 janvier 2021.

IV. LE PROGRAMME 340 : « HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES »

Afin d'assurer l'autonomie budgétaire du Haut Conseil des finances publiques, et à l'initiative du Sénat qui avait modifié la loi organique en ce sens, le programme 340 « Haut Conseil des finances publiques » a été créé en 2013.

Le premier alinéa de l'article 11 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 précise que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) est un organisme indépendant « placé auprès de la Cour des comptes ». Il est présidé par le Premier président de la Cour.

Les liens entre le Haut Conseil et la Cour sont très étroits. La Cour est fortement représentée au sein du Haut Conseil et apporte une contribution logistique au fonctionnement du Haut Conseil. Outre son président, le collège du Haut Conseil compte quatre magistrats de la Cour. Au total, cinq des onze membres du Haut Conseil appartiennent ainsi à la Cour des comptes.

A. UNE NOUVELLE HAUSSE DU PROGRAMME 340, FAISANT SUITE AU DOUBLEMENT DE SES CRÉDITS EN 2021

1. Une nouvelle hausse en 2022 alimentant le recrutement de personnels supplémentaires

Le budget du HCFP est en hausse en 2022 à 1,35 million d'euros.

Évolution des crédits par action du programme 340

(en millions d'euros et en %)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

01 - Haut Conseil des finances publiques - Total programme 340

AE

1,1

1,35

+ 0,2

+ 22,6 %

CP

1,1

1,35

+ 0,2

+ 22,6 %

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2021, son budget est passé de 500 000 euros à 1,1 million d'euros, pour permettre le recrutement de 2 rapporteurs spéciaux , tandis que le Parlement s'était opposé au recrutement de 3 magistrats supplémentaires. La hausse des crédits du programme 340 s'est donc élevée à 130 % entre 2020 et 2021, à laquelle s'ajoute celle de 22 % en PLF 2022.

Les crédits demandés pour l'année 2022 sont de 1,35 million d'euros en CP comme en AE, alimentant une nouvelle hausse des dépenses de personnel, qui s'élèvent à 0,95 million d'euros hors CAS pensions et 0,35 million d'euros de contribution au CAS.

Cette augmentation devrait selon les documents budgétaires permettre le recrutement de trois nouveaux rapporteurs à partir d'août 2022, soit 9 ETP au total.

Ces trois ETP correspondent à ceux qui n'ont pas été accordés en PLF 2021 par le Parlement, au motif que l'activité du Haut Conseil ne le justifiait pas . Le HCFP parviendrait donc à obtenir les emplois demandés l'année précédente en les étalant sur deux ans, et ce alors que les deux emplois accordés en LFI 2021 ne sont pas encore pourvus . Selon les réponses au questionnaire budgétaire, ces deux emplois sont cependant « en voie d'être pourvus ». Toutefois, dans la mesure où les conséquences de la réforme en cours du Haut conseil ( cf. infra ) demeurent inconnues, le rapporteur spécial souligne que les arguments soulevés lors de la discussion en 2021, et notamment la possibilité pour le Haut Conseil de davantage solliciter les compétences existantes au sein de la Cour des comptes, demeurent valables en 2022 .

Le rapporteur spécial rappelle en outre que, sur les 3 ETP dont disposait en 2020 le HCFP, seuls 2,5 ont été consommés . Il semblerait donc logique de mettre fin à cette sous-consommation au cours des dernières années avant de procéder à de nouveaux recrutements.

Les crédits de fonctionnement restent quant à eux stables à 50 000 euros pour le financement des expertises externes ainsi que les frais de mission des membres du Haut Conseil.

2. Cette dynamique s'inscrit dans le cadre de la réforme en cours du HCFP

La proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques adoptée en première lecture par le Sénat le 27 septembre 2021, qui demeure en cours de navette parlementaire, prévoit d'élargir les missions du HCFP.

En l'occurrence, l'article 12 propose d'étendre le mandat du HCFP en lui confiant la mission de se prononcer sur le « réalisme » des prévisions de dépenses et de recettes inscrites aux projets de loi de finances (PLF) et projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Toutefois, le Sénat a limité l'ampleur de cet élargissement du mandat du Haut Conseil : il a considéré que le Haut Conseil des finances publiques devrait se prononcer sur la « cohérence » notion figurant déjà dans le droit en vigueur - des prévisions de dépenses et de recettes du Gouvernement plutôt que sur leur « réalisme », ce qui reviendrait à rester à une charge de travail constante pour le HCFP.

En outre, le Sénat a supprimé les dispositions permettant au Gouvernement de demander au HCFP, au stade de l'avant-projet de loi, de se prononcer sur les conséquences financières de certaines dispositions du PLF et du PLFSS . Il a considéré que cette mission ne pouvait être conduite à la seule initiative du Gouvernement, s'est interrogé sur la capacité du HCFP à l'assurer et a estimé qu'elle pouvait aussi être confiée par le Parlement à des organismes extérieurs.

À ce titre, et selon la rédaction définitive du texte, des évolutions de crédits devraient être demandées par le Haut Conseil au cours des prochaines années . Le rapporteur spécial souligne enfin que le Haut Conseil a connu une hausse importante de ses moyens au cours des deux dernières années, qui a constitué en quelque sorte une anticipation des conséquences de la réforme.

Un nouvel accroissement en 2023 ne semble donc pas indispensable, en particulier si les propositions du Sénat, qui conduisent à entériner un périmètre de compétences existant, sont conservées au cours de la discussion parlementaire.

B. LA PERSPECTIVE D'UNE FUSION DES PROGRAMMES 340 ET 164

Hormis les dotations retracées dans les programmes 551 et 552 de la mission « crédits non répartis », prévues par la LOLF, le programme 340 est le seul dont l'existence est élevée au rang organique . En effet, l'ouverture ou la suppression de programmes intervient habituellement en loi de finances.

Dès lors, la création d'un programme spécifique au Haut Conseil, prévue par l'article 22 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, « déroge[ait] au deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 7 de la loi organique du 1 er août 2001 » 10 ( * ) , d'après l e Conseil constitutionnel.

L'étendue très restreinte du programme 340 a conduit la Cour des comptes à évoquer une fusion avec le programme 165, ce qui impliquerait que les moyens du HCFP soient intégrés à ceux de la Cour. Cette fusion apparait cohérente dans la mesure où les rapporteurs du HCFP sont des magistrats de la Cour des comptes mis à disposition du Haut conseil.

Pour cette raison, les rapporteurs spéciaux de la mission Conseil et contrôle de l'État en appellent depuis des années à ce que, lors d'une réforme du HCFP, les programmes 340 et 164 puissent être réunis.

La proposition de loi organique prévoit la suppression de la mention imposant un programme budgétaire spécifique au Haut Conseil. Le rattachement des crédits du Haut Conseil au programme 164 pourrait ainsi être enfin envisagé , ce qui, selon le rapporteur spécial, serait une mesure de mise en cohérence.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 26 octobre 2021, sous la présidence de Mme Christine Lavarde, vice-président, la commission a examiné le rapport de M. Christian Bilhac, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

Mme Christine Lavarde , président . - Nous examinons cet après-midi les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Christian Bilhac , rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'État » . - La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits des juridictions administratives et financières et ceux du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 prévoit une hausse de 5 % des crédits de la mission, qui atteindrait 754 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Cette hausse profite essentiellement au programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », lequel concentre plus des deux tiers des crédits de la mission. Elle s'explique par la création de quarante et un emplois pour 2022, vouée au renforcement des tribunaux administratifs et à prolonger la dynamique des recrutements engagés depuis 2015.

Toutefois, la hausse des crédits de personnel reste inférieure à celle du volume contentieux. La justice administrative est en effet confrontée depuis des années à une inflation du nombre d'affaires : en vingt ans, les entrées contentieuses ont progressé de 105 % en première instance et de 116 % en appel. Le contentieux des étrangers représente à lui seul plus de la moitié des affaires ; il a augmenté de 34 % en 2021 par rapport à 2020.

La réduction des délais de jugement représente un enjeu crucial pour la justice administrative. Un gain d'un mois de délai moyen de jugement se traduirait par une baisse des dépenses de 14 millions d'euros, sans compter le coût humain et social que peuvent représenter des procédures trop longues. Dans le cas particulier du contentieux électoral, la rapidité de la décision constitue aussi un véritable enjeu démocratique.

La dynamique de réduction des délais de jugement en cours doit être poursuivie : entre 2002 et 2020, le délai prévisible moyen de jugement de première instance est passé de près de vingt mois à dix mois. L'impact de la crise sanitaire sur le délai moyen de jugement a été paradoxalement limité, grâce à la réduction des entrées à due concurrence du ralentissement du traitement du stock. La hausse de 6 % des crédits demandée pour les juridictions administratives me semble donc justifiée pour poursuivre les efforts.

Par ailleurs, plusieurs projets immobiliers de grande ampleur sont en cours. La nouvelle cour administrative d'appel de Toulouse, réalisée pour un coût total de 2,8 millions d'euros, sera livrée au printemps 2022. Le tribunal administratif de Marseille, une fois sa rénovation achevée, devrait être occupé à partir de février 2022.

Pour la première fois depuis de nombreuses années, les moyens accordés à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) sont stables. Elle a notamment bénéficié de 90 % des créations d'emplois du programme depuis 2015 et a triplé sa capacité de jugement en dix ans, période pendant laquelle les dossiers entrants ont cru de 115 %. La CNDA a désormais atteint sa pleine capacité de jugement et peut théoriquement traiter environ 90 000 affaires par an. Après l'année 2020, marquée par le confinement et une évolution des entrées non significative, le nombre d'affaires traitées par la CNDA devrait augmenter de 10 à 27 % par rapport à l'année 2019.

Les crédits des autres programmes évoluent peu dans l'ensemble.

Le budget du CESE, établi à 44 millions d'euros pour 2022, reste stable. C'est toutefois une stabilité en trompe-l'oeil : la réforme du CESE, engagée au début de l'année 2021, a réduit de 58 le nombre de conseillers, ce qui devrait dégager des marges d'économies à hauteur de 2,1 millions d'euros. En outre, le budget pour 2022 conserve la hausse de 4,2 millions accordée en 2020 et 2021 pour la Convention citoyenne pour le climat et devrait plus généralement servir au renforcement de la participation citoyenne aux travaux du CESE. Ces augmentations « cachées » devraient permettre de financer la mise en oeuvre des nouvelles missions confiées au CESE par la loi organique adoptée l'année dernière.

Le budget alloué à la Cour des comptes et aux juridictions financières augmente de 2,5 % par rapport à 2021, en raison d'une évolution positive du schéma d'emplois découlant de la création de dix équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, ce malgré une sous-consommation chronique des plafonds d'emplois. Vingt-cinq recrutements devraient être effectués en 2022 pour l'attribution à la Cour des comptes du mandat de commissaire aux comptes de l'Organisation des Nations unies (ONU). Celle-ci n'est pas encore annoncée, mais la Cour étant la seule candidate, l'issue ne fait guère de doutes.

Le projet de réforme « JF2025 » de la Cour des comptes ne devrait pas avoir de conséquences budgétaires majeures avant 2023, une fois entérinées les réformes proposées dans le cadre de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS, et le cas échéant celle du régime de responsabilité des comptables publics prévue par le présent PLF.

Enfin, les crédits du programme 340, intitulé « Haut Conseil des finances publiques », augmentent de 22 % du fait du recrutement de trois rapporteurs supplémentaires. Ces trois ETP correspondent à ceux qui n'ont pas été accordés par le Parlement au titre du budget pour 2021. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) obtiendrait donc les emplois demandés l'année précédente en les étalant sur deux ans. Toutefois, cette augmentation est modeste. Le budget du HCFP, d'un montant de 1,4 million d'euros, demeure minime par rapport à l'ensemble des crédits de la mission. Au demeurant, la réforme en cours du HCFP n'aura de conséquences budgétaires qu'en 2023.

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - En dépit de la suppression de 58 conseillers, le CESE se verra attribuer de nouvelles missions, compte tenu notamment de la participation à ses travaux de citoyens tirés au sort. Quelles seront ces nouvelles missions ? Nécessiteront-elles un renforcement des moyens du CESE à hauteur de plus de 6 millions d'euros depuis 2019 ?

Le projet « JF2025 » de la Cour des comptes n'est pas sans lien avec l'importante réforme que le Gouvernement souhaite mettre en oeuvre par voie d'ordonnance. Quels sont concrètement les moyens mobilisés par cette réforme ?

Le Gouvernement consent à attribuer au HCFP les moyens que le Parlement lui avait refusés. Lors de l'examen du PLF pour 2023, nous veillerons tant au budget du HCFP qu'au périmètre de ses missions.

Mme Christine Lavarde , président . - Est-il prévu, à terme, d'augmenter les moyens alloués aux juridictions financières, notamment aux chambres régionales des comptes, chargées de certifier les comptes des collectivités locales ?

M. Vincent Delahaye . - Cette hausse de 5 % des crédits est considérable, voire anormale. Alors que l'on augmente le budget de la justice, la Cour des comptes affirme que cette dernière souffre non pas d'un problème de moyens, mais de difficultés d'organisation. Les juridictions administratives suivent-elles bien les évolutions technologiques et numériques ? Ce n'est pas uniquement en augmentant les moyens des juridictions que l'on parvient à atteindre les buts recherchés.

Pour ma part, je suis plutôt favorable à la suppression du CESE et du HCFP. La suppression de 58 conseillers, sur un total de 233, représente une réduction d'effectifs de 25 %. Or les frais fixes ne diminuent pas en parallèle. Ne pourrait-on pas les réduire ?

Enfin, l'augmentation de 22 % des crédits alloués au HCFP n'est absolument pas justifiée. Bien que le budget total de cette institution soit faible, je ne le voterai pas.

M. Roger Karoutchi . - En raison de la pandémie, les flux migratoires se sont réduits ces deux dernières années. Résultat : moins de demandes de droit d'asile, moins de contentieux ; la CNDA semble à peu près parvenir à remplir ses missions. Toutefois, cette période est transitoire. Il est certain que les flux migratoires vont reprendre en 2022.

Les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) sont presque systématiquement contestées devant la CNDA en cas de rejet des demandes de droit d'asile. Or, 75 % des demandeurs se trouvent déboutés. La CNDA demande des moyens supplémentaires. En attendant, les déboutés trouvent le moyen de mettre en oeuvre des voies de recours devant d'autres juridictions, administratives ou judiciaires, aux fins de voir leurs appels confortés. On ne s'en sort pas !

En 2019, le Gouvernement avait annoncé une réforme de la procédure administrative et judiciaire du droit d'asile, mais elle n'est toujours pas mise en oeuvre. Est-il possible de simplifier la procédure et d'en réduire les délais ?

M. Christian Bilhac , rapporteur spécial . - Outre la participation de citoyens tirés au sort, qui a été mentionnée, la réforme prévoit d'élargir le droit de pétition des citoyens. Par ailleurs, la saisine du CESE par le Gouvernement devrait porter sur tous les projets de loi à caractère économique, social et environnemental. Mais beaucoup de ces missions étaient déjà en partie effectives avant la réforme, notamment le lien avec les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER).

Les chambres régionales des comptes se verront allouer 200 000 euros supplémentaires pour l'exécution de leur nouvelle mission d'évaluation des politiques publiques. Pour la certification des comptes des collectivités, 15 ETP sont mobilisés pour les 25 collectivités concernées. Mais cette certification étant au stade expérimental, il n'est pas certain qu'elle sera maintenue.

Le Conseil d'État a mis en place le télérecours, c'est-à-dire la numérisation des procédures de dépôt de requête, lequel a permis de réaliser une économie de 3,4 millions d'euros par an. Du reste, entre les moyens mis en oeuvre, les économies réalisées et l'efficacité, il m'est difficile de juger la situation.

Les délais de jugement doivent être raccourcis. Est-ce là un problème de moyens ou de méthode ? Je laisse cette question ouverte... Quoi qu'il en soit, notre société se judiciarise de plus en plus, c'est certain. Il serait sans doute davantage pertinent de rationaliser les moyens mis en oeuvre plutôt que d'en demander de nouveaux.

L'OFPRA et la CNDA sont intimement liés. Des tentatives de simplification ont déjà eu lieu par le passé. Il est en effet inquiétant de constater que les jugements rendus dans le cadre du contentieux du droit d'asile ne servent pas à grand-chose. Toutefois, pour le moment, il nous faut composer avec l'état du droit et continuer de faire face à l'afflux massif de contentieux. Et pour cela, il faut des moyens ! Bien entendu, ces difficultés appellent une réforme en profondeur, comme proposée par le Conseil d'État en 2020. Mais je doute qu'elle puisse voir le jour avant l'adoption du PLF.

M. Marc Laménie . - L'an dernier, le rapport spécial indiquait qu'un certain nombre d'emplois dans les juridictions financières n'étaient pas exécutés par rapport au plafond d'emplois. Est-ce toujours le cas ? En 2021, 53 646 organismes, collectivités ou structures étaient soumis au contrôle des chambres régionales des comptes. Qu'en est-il aujourd'hui ? Le nombre de chambres régionales des comptes reste-t-il stable ?

M. Bernard Delcros . - En 2020 et en 2021, les crédits du CESE ont bénéficié d'une hausse de 4,2 millions d'euros en vue de l'organisation de la Convention citoyenne pour le climat. En fin de compte, seul 1 million d'euros a été dépensé sur l'ensemble des crédits. Cette année, nous octroyons de nouveau une enveloppe supplémentaire de 4,2 millions d'euros au CESE, à laquelle s'ajoutent les économies réalisées grâce à la réduction du nombre de conseillers. Est-il bien nécessaire de reconduire ainsi ces crédits, alors que nous devons tenir le cap de la réduction du déficit ?

M. Michel Canévet . - L'objectif de réduction des délais d'instruction et d'examen des contentieux doit être poursuivi avec vigueur, tout comme la limitation du nombre de contentieux - les tribunaux administratifs sont saisis pour tout et n'importe quoi.

Je m'inquiète de l'évolution des budgets alloués aux autorités administratives indépendantes et aux administrations publiques indépendantes, qui sont respectivement en hausse de 15 % et de 20 %. Le HCFP, lui, voit son budget augmenter de 22 %. On ne pourra pas continuer à attribuer des moyens toujours plus significatifs aux différents démembrements de l'État : revenons à l'orthodoxie budgétaire !

M. Didier Rambaud . - Ayant été rapporteur spécial de cette mission entre 2017 et 2020, j'ai écouté avec attention la présentation de ce rapport, qui ne m'a en rien surpris. L'augmentation de 5 % des crédits de la mission ne m'effraie pas. Il s'agit tout de même du conseil et du contrôle de l'État, deux fonctions régaliennes !

L'accroissement du contentieux des étrangers devant la CNDA est le point noir de cette mission : entre 2018 et 2019, les recours avaient augmenté de 40 % ! Je partage l'avis de Roger Karoutchi : il est temps de simplifier la procédure. Mais la France demeure une terre d'asile, nous devons donc avancer avec doigté.

Vous nous avez indiqué qu'un gain d'un mois de délai moyen de jugement se traduirait par une baisse des dépenses de 14 millions d'euros. Comment êtes-vous parvenu à cette conclusion ?

Mme Sylvie Vermeillet . - Je souscris aux propos de mes collègues Vincent Delahaye et Michel Canévet. En 2012, le budget alloué au CESE était de 38,7 millions d'euros. Aujourd'hui, il est porté à 44,4 millions d'euros, auxquels s'ajoute 1,7 million d'euros de fonds propres. Le CESE compte de moins en moins de membres ; chaque rapport aura un coût unitaire de 2,42 millions d'euros. Bref, je ne suis pas favorable à cette hausse budgétaire.

Certes, le budget alloué au HCFP est modeste. Il est toutefois passé de 500 000 euros à 1,1 million d'euros en 2021, et ce pour assurer le recrutement de deux rapporteurs spéciaux. Peut-on avoir un éclairage sur les dépenses de personnels ?

M. Christian Bilhac , rapporteur spécial . - S'agissant des juridictions financières, en 2020, 1 763 ETP étaient consommés sur 1 802, et 1 766 sur 1 802 en 2021.

Il est difficile d'évaluer la production des chambres régionales des comptes en 2020 en raison de la période pré-électorale de réserve.

À l'origine, le CESE avait demandé une hausse de 10 % de ses crédits ! Cette prétention budgétaire s'avérait déraisonnable, d'autant plus qu'encore une fois, les crédits du CESE ne sont stables qu'en apparence...

La Cour des comptes et le HCFP ont deux budgets séparés, mais c'est une et même maison avec les mêmes personnels ! Le budget de ces deux institutions devrait être réuni, mais nous ne connaissons pas les contours du partage quelque peu fictif qui existe. Il est demandé au HCFP de se prononcer très rapidement sur une problématique donnée ; s'il n'avait à disposition qu'un nombre de personnels très restreint, séparé de la Cour de comptes, il aurait beaucoup de mal à remplir ses missions.

Le chiffrage d'une économie de 14 millions d'euros, induite par la réduction des délais de jugement, ressort de plusieurs études réalisées par le Conseil d'État. Toutefois, je ne suis pas capable de vous dire à quoi ce montant correspond concrètement.

Madame Vermeillet, attendons de sortir de la période de réserve pour savoir ce qu'il en est. En ce qui concerne le HCFP, il est prévu que 1,3 million d'euros soit consacré aux rémunérations du rapporteur général, de trois rapporteurs généraux et de quatre rapporteurs.

Le budget des juridictions administratives augmente de 30 millions d'euros en CP ; celui du CESE de 0,2 million d'euros ; celui des juridictions financières de 5 millions d'euros ; celui du HCFP de 0,2 million d'euros. En fin de compte, ce sont les juridictions administratives qui sont le plus gros bénéficiaire de la hausse des crédits de la mission. Resituons le contexte global de la dépense et ne nous égarons pas sur des détails. Il n'en demeure pas moins que chaque euro doit être dépensé utilement.

Mme Isabelle Briquet . - Je me réjouis du renforcement des moyens alloués aux juridictions administratives, ce qui a permis de réduire les délais de jugement à un an, et de la consolidation du budget de la CNDA. Toutefois, il ne faudrait pas que la réduction des délais conduise à altérer la qualité de la justice. Plusieurs associations, telles que la Cimade , dénoncent le fait que les procédures accélérées privent un grand nombre de demandeurs de l'exercice de voies de recours suspensifs.

L'augmentation des moyens alloués au HCFP pose question, surtout dans le contexte actuel d'orientation des finances publiques et compte tenu des raisons pour lesquelles cette institution a été créée.

M. Jean-Marie Mizzon . - La justice administrative n'est pas rendue de façon homogène sur le territoire. Dans mon département, qui relève de l'autorité juridictionnelle du tribunal administratif de Strasbourg, c'est plutôt en années que l'on compte les délais de jugement, bien qu'un certain nombre de mesures aient été prises pour éviter les recours abusifs. Existe-t-il un classement des délais de jugement selon les tribunaux administratifs ?

M. Éric Bocquet . - La suppression de 58 membres du CESE s'est-elle répartie sur l'ensemble des collèges ou a-t-elle davantage concerné l'un d'entre eux ? En outre, comment expliquer l'augmentation des moyens du HCFP ?

M. Patrice Joly . - La judiciarisation de la société ne fait pas de doute lorsque l'on voit l'évolution des affaires traitées et enregistrées. Cela participe du dysfonctionnement du contrôle démocratique. Je suis surpris que l'on veuille toujours renforcer les moyens alloués à la certification des comptes. Celle-ci a pour seul objectif de fournir des informations sur la solvabilité d'un organisme. Or la solvabilité de nos institutions publiques, collectivités locales ou État, c'est la solvabilité de nos concitoyens !

L'évaluation des politiques publiques, elle, est essentielle. Il conviendrait que les contrôles puissent porter sur les trajectoires en matière de neutralité carbone, de mise en oeuvre des politiques par l'État ou les collectivités ou de lutte contre le réchauffement climatique.

Je m'interroge sur l'ampleur des moyens que l'on souhaite dédier au HCFP. Veut-on continuer à accepter la doxa financière et budgétaire que l'on nous répète depuis une dizaine d'années ? Si l'allocation de moyens supplémentaires consistait en cela, nous aurions intérêt à réallouer les crédits aux juridictions financières.

M. Jean-Michel Arnaud . - Je ne peux qu'appuyer les propos de mon collègue Roger Karoutchi. On s'aperçoit que 40 à 45 % des recours formés devant les juridictions administratives concernent le droit des étrangers. Malgré le rehaussement des moyens alloués chaque année aux tribunaux administratifs, les délais de jugement stagnent, voire s'allongent.

J'apprécierais que vous puissiez, l'an prochain, déterminer les délais de jugement par nature d'affaire, afin d'évaluer les difficultés de nos collectivités locales en ce qui concerne le droit du sol ou le logement. Les délais de réponse suscitent une insatisfaction grandissante à l'échelle de mon département et, au-delà, sur tout le territoire national.

Je m'associe pleinement aux interrogations concernant le budget du HCFP. Alors qu'il démontre un appétit financier certain, le rendement de ses travaux n'est pas à la hauteur des moyens dégagés pour son fonctionnement.

M. Vincent Delahaye . - J'ai cru comprendre que le CESE avait prélevé 1,7 million sur des fonds de réserve. Le CESE dispose-t-il de fonds de réserve ? Si oui, à combien s'élèvent-ils ?

M. Christian Bilhac , rapporteur spécial . - Le droit des étrangers est effectivement complexe. Il existe six délais différents en fonction du type de recours.

L'essentiel de la suppression des postes au CESE concerne les 40 personnalités qualifiées qui étaient nommées par le Gouvernement.

Monsieur Mizzon, chacun sait ici que les moyennes ne reflètent pas la réalité de terrain : les délais moyens sont de 10 mois pour les tribunaux administratifs, 11 mois pour les cours administratives d'appel et 9 mois pour le Conseil d'État. Il doit cependant y avoir des territoires où les jugements sont beaucoup plus rapides, notamment compte tenu des référés. Quoi qu'il en soit, il y a eu une réduction des délais, même si l'on peut être dubitatif compte tenu de ce que l'on peut observer sur nos circonscriptions électorales sur les délais de jugement des cours administratives.

Le CESE dispose de 500 000 euros de réserve de précaution. Il est vrai que les organes chargés du conseil et du contrôle de l'État sont exigeants dans leur demande, mais l'enjeu est aussi la place de l'État. Pour ma part, je crois qu'il faut leur laisser les moyens de fonctionner. Ces moyens sont-ils excédentaires ? Sont-ils insuffisants ? Pour ma part, je crois qu'ils sont suffisants. La Cour des comptes bénéficie en général du respect de nos concitoyens, du fait de ses prises de position sur la gestion financière, qui n'épargnent personne. Elle est reconnue pour son indépendance et incarne le côté régalien de l'État, ce qui ne veut pas dire qu'elle doit toujours demander plus. Ces institutions doivent réfléchir à la manière de dépenser mieux avant de dépenser plus.

Nos collègues députés n'ont, à ce stade, pas remis en cause les crédits de la mission. Pour ma part, je vous invite à les voter, mais vous pouvez bien entendu déposer un amendement qui réduirait le nombre de postes supplémentaires du HCFP.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cour des comptes et Haut conseil des finances publiques

- M. Pierre MOSCOVICI, Premier président ;

- M. Jean-Michel THORNARY, secrétaire général ;

- M. Éric DUBOIS, rapporteur général du Haut conseil des finances publiques ;

- Mme Marie-Laure BERBACH, secrétaire générale adjointe.

Conseil d'État et juridictions administratives

- M. Thierry-Xavier GIRARDOT, secrétaire général ;

- M. Jean-Noël BRUSCHINI, directeur de la prospective et des finances ;

- M. Sylvain HUMBERT, secrétaire général adjoint chargé des juridictions administratives ;

- M. Olivier MASSIN, secrétaire général de la CNDA.

Conseil économique, social et environnemental

- M. Thierry BEAUDET, président ;

- M. Thierry CADART, questeur ;

- M. Luc MACHARD, secrétaire général.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2022.html


* 1 Simplifier le contentieux des étrangers, dans l'intérêt de tous, rapport du Conseil d'État, octobre 2020.

* 2 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

* 3 Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

* 4 Décret n° 2021-274 du 11 mars 2021 relatif à l'utilisation des téléprocédures devant la Cour nationale du droit d'asile.

* 5 Loi organique n° 2021-27 du 15 janvier 2021 relative au Conseil économique, social et environnemental.

* 6 Rapport de Mme Muriel Jourda au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au Conseil économique, social et environnemental.

* 7 Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période.

* 8 Déclaration de Mexico sur l'indépendance des Institutions supérieures de contrôle des finances publiques, principe n° 8 de l'INTOSAI. Ces principes ont été repris par l'Assemblée générale de l'ONU dans sa résolution A/66/209 du 21 décembre 2011.

* 9 Courrier du 25 mai 2005.

* 10 Décision n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012.

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