IV. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. UN DÉCROCHAGE INDÉNIABLE DE NOTRE PAYS, QUE LA LOI DE PROGRAMMATION POUR LA RECHERCHE NE PERMETTRA PAS D'ENRAYER

En 2018 33 ( * ) , la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) de notre pays s'est élevée à 51,8 milliards d'euros, soit 2,20 % du produit intérieur brut (PIB). S'il demeure très en deçà de l'objectif de 3 % du PIB fixé par la stratégie de Lisbonne de mars 2000, ce chiffre est surtout révélateur du décrochage de la France par rapport aux autres pays ambitieux en matière de recherche . Ainsi, la DIRD se situe en moyenne à 2,37 % du PIB dans les pays de l'OCDE ; elle atteint 3,21 % du PIB au Japon, 4,55 % en Corée du Sud, 2,79 % aux États-Unis et 3,04 % en Allemagne - pays qui s'est récemment fixé pour objectif d'atteindre une DIRD de 3,5 % du PIB.

Dépense intérieure de R&D en pourcentage du PIB
dans les principaux pays de l'OCDE en 2018

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données du Mesri

Au demeurant, de nombreux indicateurs corroborent ce constat d'une perte de vitesse de la France en matière scientifique . Ainsi, dans un rapport intitulé « La position scientifique de la France dans le monde et en Europe, 2005-2018 » et publié en février 2021, l'Observatoire des sciences et techniques relève qu'avec un peu moins de 2,8 % des publications scientifiques de diffusion internationale, la France fait certes partie des pays les plus intensifs en recherche, mais « sa position s'érode parmi ceux-ci , alors que certains pays émergents continuent de progresser rapidement dans de nombreux domaines scientifiques ».

À titre d'exemple, s'agissant de la part mondiale des publications, la France (2,8 % des publications) a été devancée en 2018 par la Corée du Sud (2,9 %), et occupe donc désormais le 9 ème rang , après avoir été dépassée par l'Inde en 2014 et l'Italie en 2016. La France est par ailleurs le deuxième pays qui enregistre le plus fort recul de cet indicateur entre 2005 et 2018 (- 34 %), derrière le Japon (- 45 %).

Le bilan est tout aussi critique s'agissant du centile des publications les plus citées au monde, autre indicateur régulièrement utilisé pour mesurer l'excellence scientifique. Ainsi, la position de la France n'a cessé de se dégrader entre 2013 et 2018 , période pendant laquelle notre pays est passé du 5 ème au 8 ème rang, après avoir été dépassé par l'Australie, le Canada puis l'Italie.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que rien ne laisse augurer d'un renversement de tendance à court terme. Bien au contraire, alors que l'objectif premier du programme 172 est de « produire des connaissances scientifiques au meilleur niveau international », les indicateurs de performance témoignent de résultats en-deçà des objectifs fixés en 2021, associés à des prévisions en berne pour 2022 .

Indicateur 1.1 du programme 172
« Production scientifique des opérateurs du programme »

(en %)

2019

2020

2021

Prévision PAP 2021

2021

Prévision actualisée

2022

Prévision

2023

Cible

Part des publications de référence internationale des opérateurs du programme dans la production scientifique mondiale

1,5

1,4

1,4

1,4

1,4

1,6

Part de la production scientifique des opérateurs du programme dans l'espace France-Allemagne-Royaume-Uni

13,1

13,0

13,2

12,9

13,1

13,3

Reconnaissance scientifique des opérateurs du programme

1,02

0,97

1,0

0,9

0,8

1,0

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Pour deux des trois sous-indicateurs, les objectifs fixés pour 2022 sont ainsi inférieurs aux niveaux atteints en 2019 ; le rapporteur spécial regrette vivement que la budgétisation du programme 172 se borne ainsi à entériner le décrochage scientifique de notre pays .

À cet égard, si la LPR, adoptée en 2020, a suscité beaucoup d'attentes dans la communauté scientifique, force est de constater qu'elle n'entrainera pas de renversement de tendance.

En effet, en admettant que tous les gouvernements successifs respectent la trajectoire sur la période 2021 - 2030, et une fois neutralisés les effets de l'inflation, les crédits destinés à la MIRES ne progresseraient que de 1,058 milliard d'euros sur dix ans, soit à peine plus de 100 millions d'euros par an.

In fine , la programmation budgétaire se contente de projeter, sur les années à venir, la progression passée du budget de la recherche.

Évolution des crédits portés par les programmes 172, 193 et 150
depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

S'il est indéniable que cette trajectoire met un terme à l'érosion progressive des moyens alloués à la recherche publique tout en redonnant des marges de manoeuvre budgétaires aux organismes de recherche , elle n'augure pas d'un réinvestissement massif dans la recherche permettant a minima à la France de conserver son rang mondial dans un contexte marqué par une concurrence internationale toujours plus intense.


* 33 Dernières données disponibles.

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