N° 25
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 octobre 2021
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi tendant à reconnaitre aux membres de l' Assemblée nationale et du Sénat un intérêt à agir en matière de recours pour excès de pouvoir ,
Par Mme Maryse CARRÈRE,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .
Voir les numéros :
Sénat : |
696 (2020-2021) et 26 (2021-2022) |
L'ESSENTIEL
Réunie le 6 octobre 2021 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois a examiné le rapport de Maryse Carrère (Rassemblement Démocratique et Social Européen - Hautes-Pyrénées) sur la proposition de loi n° 696 (2020-2021) tendant à reconnaître aux membres de l'Assemblée nationale et du Sénat un intérêt à agir en matière de recours pour excès de pouvoir déposée par Jean-Claude Requier (Rassemblement Démocratique et Social Européen - Lot) et plusieurs de ses collègues, inscrite à l'ordre du jour de l'espace réservé du Groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Faisant suite à une première proposition de loi examinée en 2011, la présente proposition de loi tend à reconnaître un intérêt à agir aux membres du Parlement pour introduire des recours pour excès de pouvoir contre des refus de prise de décrets d'application, des ordonnances dépassant le champ de l'habilitation défini par la loi ou des décrets de ratification d'accords internationaux lorsque ces accords auraient dû être ratifiés en vertu d'une loi, en application de l'article 53 de la Constitution.
Suivant l'avis de sa rapporteure, la commission des lois a adopté la proposition de loi après l'avoir modifiée, notamment afin de limiter ce droit de recours aux présidents des deux assemblées parlementaires ainsi qu'aux présidents de leurs commissions permanentes.
I. UN DROIT DE VETO IMPLICITE OFFERT AU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE EN MATIÈRE D'APPLICATION DES LOIS
A. DES INTRUMENTS D'APPLICATION INDISPENSABLES À L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI
Afin de renforcer le pouvoir exécutif, la Constitution de la V e République a limité le champ matériel donné à la loi. En application de son article 34, la loi ne peut prescrire que des règles, des principes fondamentaux ou des objectifs qui concernent des domaines limitativement énumérés par cet article.
Il en résulte deux conséquences. La première est que les normes qui ne relèvent pas de cette énumération appartiennent, par principe, au domaine réglementaire, en application de l'article 37 de la Constitution. Une partie de la doctrine juridique qualifie souvent les règlements relevant de l'article 37 de « règlements autonomes » car ils ne tirent pas directement leur autorité d'une loi 1 ( * ) .
La loi ne devant prescrire que des règles de portée générale, la seconde conséquence est que des « règlements d'application » sont nécessaires pour prendre leur relais et fixer les détails qui ne sont pas prévus par la loi. Ces règlements d'application sont, en principe, des décrets du Premier ministre, en application de l'article 21 de la Constitution qui précise que celui-ci « assure l'exécution des lois ». Le législateur peut, toutefois, déroger à cette règle en prévoyant une application par arrêté ministériel.
De la prise de ces décrets d'application dépend l'effectivité des lois votées par le Parlement. D'une part car, en l'absence de décret d'application, la substance de la norme n'est, en général, pas suffisante pour qu'elle soit appliquée. Lorsque la loi renvoie, par exemple, à un décret le soin de fixer le montant d'un seuil ou la composition d'un comité, il n'est pas possible d'appliquer la loi si les décrets d'application correspondant n'ont pas été pris.
D'autre part, car l'article 1 er du code civil dispose que « les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ».
Il en découle qu'une disposition qui nécessite une mesure d'application ne pourra entrer en vigueur que si cette mesure d'application est elle-même entrée en vigueur. En théorie, le pouvoir exécutif peut donc exercer une sorte de veto sur le travail du législateur puisqu'il lui suffit de ne pas prendre les règlements d'application pour que les dispositions législatives qui ne sont pas d'application directe n'entrent jamais en vigueur.
* 1 Une partie de la doctrine conteste la notion de règlement autonome dans la mesure où le juge administratif en contrôle la légalité, au même titre que les règlements d'application. Ils ne sont donc pas placés au même niveau que la loi dans la hiérarchie des normes mais constituent, avec les règlements d'application, une catégorie de norme homogène inférieure à la loi.