Rapport n° 166 (2020-2021) de M. Claude NOUGEIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 2 décembre 2020
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N° 166
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021
Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 décembre 2020 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les assurances pour concourir à la solidarité nationale face aux conséquences économiques et sociales d'une crise sanitaire majeure,
Par M. Claude NOUGEIN,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, M. Christian Bilhac, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel . |
Voir les numéros :
Sénat : |
477 (2019-2020) et 167 (2020-2021) |
L'ESSENTIEL
Réunie le 2 décembre 2020 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Claude Nougein sur la proposition de loi n° 477 (2019-2020) visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les assurances pour concourir à la solidarité nationale face aux conséquences économiques et sociales d'une crise sanitaire majeure , présentée par M. Olivier Jacquin et plusieurs de ses collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Cette proposition de loi fait suite aux réflexions initiées dès le début de la crise sanitaire sur la participation des assureurs à l'effort national pour faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Cette réflexion a conduit, d'une part, à des travaux parlementaires et du Gouvernement sur le rôle des assureurs dans l'indemnisation des pertes d'exploitation des entreprises consécutives aux mesures administratives prises pour endiguer l'épidémie de Covid-19. D'autre part, la nécessité de garantir une contribution financière des assureurs , aux côtés du budget général de l'État, pour financer des mesures de soutien aux entreprises, a motivé le dépôt d'amendements , débattus lors de l'examen des projets de loi de finances rectificatives pour 2020 et du projet de loi de finances pour 2021, visant à créer ou renforcer des dispositifs fiscaux visant le secteur assurantiel .
Comme indiqué dans l'exposé des motifs de la présente proposition de loi, l'objectif de ses auteurs est de cibler les « sur-bénéfices » engrangés du fait de la crise sanitaire . Ainsi, la présente proposition de loi comporte un article unique visant instaurer une contribution exceptionnelle sur le résultat d'exploitation des entreprises d'assurance non-vie, dès lors que l'état d'urgence sanitaire a été appliqué au cours d'un exercice comptable .
Les entreprises d'assurance visées s'acquittent de cette contribution lorsque, sur l'exercice au cours duquel l'état d'urgence sanitaire est appliqué, leur résultat d'exploitation a augmenté par rapport à la moyenne des trois derniers exercices clos . Ainsi, l'assiette de la contribution correspond à la hausse du résultat d'exploitation par rapport à cette moyenne, c'est-à-dire, selon l'exposé des motifs, les « sur-bénéfices » réalisés. Le taux de la contribution est fixé à 80 % .
Au cours de la réunion de commission, l'opportunité d'instaurer un dispositif pérenne de taxation des assurances non-vie, dont l'application serait uniquement conditionnée à l'application d'un état d'urgence sanitaire, a été longuement abordée .
Le rapporteur a souligné le caractère peu opérant du dispositif proposé en l'état, eu égard aux conséquences économiques et sociales très variables de l'état d'urgence sanitaire , selon l'ampleur et la durée des mesures administratives prises. Il a ainsi rappelé que l'état d'urgence sanitaire constituait davantage une « boîte à outils » pour que le pouvoir exécutif puisse faire face à une situation d'urgence, qu'un état standardisé , qui constituerait l'étalon d'une économie frappée par une crise sanitaire.
Ce constat est renforcé par le fait que le dispositif proposé ne prévoit aucune durée ni ampleur géographique minimales d'application de l'état d'urgence sanitaire . Ainsi, même un état d'urgence appliqué sur une partie du territoire et pour une brève période rendrait les assurances non-vie redevables de cette contribution.
En outre, le rapporteur a fait part à la commission des dernières données disponibles qui modèrent l'idée selon laquelle les assurances non-vie bénéficieraient d'un effet d'aubaine lié à la crise sanitaire .
Enfin, il a considéré que les leçons de l'actuelle crise sanitaire doivent être tirées en organisant de façon pragmatique la participation des assureurs au soutien de l'économie. Il a partagé sa conviction selon laquelle cette participation doit reposer sur le coeur de métiers des assureurs, à savoir l'indemnisation d'un risque prévue contractuellement , via l'instauration d'une couverture assurantielle applicable au risque sanitaire pour les entreprises, et non un dispositif pérenne de taxation.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des finances n'a pas adopté de texte de commission .
En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte initial de la proposition de loi .
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
ARTICLE UNIQUE
Contribution exceptionnelle du secteur
des assurances en cas d'état d'urgence sanitaire
. Le présent article propose d'instaurer une contribution exceptionnelle sur le résultat d'exploitation des entreprises d'assurance non-vie, dès lors que l'état d'urgence sanitaire a été appliqué au cours d'un exercice comptable. Les entreprises d'assurance visées s'acquittent de cette contribution lorsque, sur l'exercice au cours duquel l'état d'urgence sanitaire est appliqué, leur résultat d'exploitation a augmenté par rapport à la moyenne des trois derniers exercices clos. Ainsi, l'assiette de la contribution correspond à la hausse du résultat d'exploitation par rapport à cette moyenne, c'est-à-dire, selon l'exposé des motifs, les « sur-bénéfices » réalisés. Le taux de la contribution est fixé à 80 %. Constatant que le dispositif proposé reposait, d'une part, sur l'idée d'un lien « automatique » entre l'application de l'état d'urgence sanitaire et la variation du résultat des assurances non-vie et, d'autre part, sur le postulat d'une profitabilité de la crise sanitaire pour les assurances non-vie, le rapporteur a exprimé des doutes quant au caractère opérationnel de la présente proposition de loi. Après avoir rappelé que la simple application de l'état d'urgence sanitaire peut difficilement constituer un marqueur fiable pour caractériser la situation économique d'un secteur d'activité comme les assurances non-vie, le rapporteur a indiqué que les auditions menées ont fait état d'une grande disparité de l'évolution de la sinistralité selon les branches assurantielles au cours de l'année 2020, modérant ainsi l'idée d'un effet d'aubaine de la crise sanitaire pour le secteur. En tout état de cause, le rapporteur a rappelé que l'instauration de toute contribution fiscale sur le secteur assurantiel devait tenir compte des engagements pris par le secteur depuis le début de la crise d'une part, et des perspectives mitigées, à moyen et long terme, sur la rentabilité du secteur, d'autre part. En considérant que la mobilisation des assureurs en réponse à une crise sanitaire était tout à fait justifiée, le rapporteur a considéré que les leçons de l'actuelle crise sanitaire doivent être tirées en organisant de façon pragmatique et pérenne la participation des assureurs au soutien de l'économie. Il partage la conviction selon laquelle cette participation doit reposer sur le coeur de métiers des assureurs, à savoir l'indemnisation d'un risque prévue contractuellement, via l'instauration d'une couverture assurantielle applicable au risque sanitaire pour les entreprises. La commission des finances n'a pas adopté le présent article. |
I. LE DROIT EXISTANT : L'APPLICATION DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE N'ENTRAÎNE AUCUNE CONSÉQUENCE PARTICULIÈRE POUR LE SECTEUR ASSURANTIEL
A. L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE, UN RÉGIME JURIDIQUE CRÉÉ EN RÉPONSE À LA CRISE DE LA COVID-19
Afin de lutter contre la propagation de l'épidémie de Covid-19, en mars dernier, le Gouvernement a pris plusieurs mesures d'urgence sur le fondement de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, qui autorise le ministre chargé de la santé, « en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas d'épidémie », à prescrire toute mesure nécessaire.
Eu égard à l'atteinte aux libertés individuelles portée par ces mesures d'urgence , le législateur a souhaité sécuriser le fondement juridique de celles-ci en créant un nouveau régime d'état d'urgence sanitaire par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19. L'entrée en vigueur de cette loi a également constitué la première application de l'état d'urgence sanitaire.
Les modalités d'application et les prérogatives de ce régime sont définies aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique.
Aux termes de l'article L3131-15 du même code, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, prendre un certain nombre de mesures aux seules fins de garantir la santé publique .
Mesures réglementaires susceptibles d'être
prises par le Premier ministre
- Réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules, et l'accès aux moyens de transport et des conditions de leur usage ; - interdiction aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ; - ordonner la mise en quarantaine des personnes susceptibles d'être affectées ; - ordonner des mesures de placement et maintien en isolement, à leur domicile ou tout autre lieu d'hébergement adapté, des personnes affectées ; - ordonner la fermeture provisoire et réglementer l'ouverture, y compris des conditions d'accès et de présence, d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ; - limiter ou interdire des rassemblements sur la voie publique et des réunions de toute nature ; - ordonner la réquisition de toute personne et de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ; - prendre des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits rendues nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits ; - prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de médicaments appropriés pour l'éradication de la catastrophe sanitaire ; - prendre toute mesure limitant la liberté d'entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire. |
S'agissant du ministre chargé de la santé , l'article L. 3131?16 du code de santé publique prévoit qu'il puisse prescrire toute mesure réglementaire relative à « l'organisation et au fonctionnement du dispositif de santé » et « toute mesure individuelle nécessaire à l'application des mesures prescrites par le Premier ministre ».
Enfin, l'article L. 3131-17 du même code organise la déclinaison territoriale de la réponse sanitaire, en habilitant les préfets à prendre les mesures générales ou individuelles d'application des dispositions de l'état d'urgence sanitaire.
En application de l'article L. 3131-18 du même code, les mesures prises en application de l'état d'urgence sanitaire peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge administratif.
Cet arsenal législatif a permis de prendre plusieurs mesures restrictives de la liberté de circulation, qui se sont traduites par d'importantes conséquences économiques et sociales.
À titre d'illustration, des mesures visant à interdire, ou à limiter les déplacements , ont été prises en mars dernier 1 ( * ) , puis reconduites pour la seconde période d'application de l'état d'urgence sanitaire, à compter du 17 octobre 2020 2 ( * ) . Il en va de même pour les restrictions d'accès ou la fermeture des établissements recevant du public 3 ( * ) , ainsi que pour l'interdiction des rassemblements publics 4 ( * ) , et la réglementation de l'accès aux transports collectifs 5 ( * ) .
B. DANS LE SILLAGE DE LA CRISE SANITAIRE, UNE CRISE ÉCONOMIQUE QUI OUVRE LE DÉBAT SUR LA PARTICIPATION DU SECTEUR ASSURANTIEL AU SOUTIEN DE L'ÉCONOMIE
Depuis le début de la crise sanitaire, la question de la participation des assureurs au soutien de l'économie s'est posée dans le débat public. Cette réflexion a été conduite sur les aspects suivants :
- d'une part, sur le rôle des assureurs dans l'indemnisation des pertes d'exploitation des entreprises consécutives aux mesures administratives visant à limiter la propagation de l'épidémie ;
- d'autre part, sur la nécessité de garantir une contribution financière des assureurs, aux côtés du budget général de l'État, pour financer des mesures de soutien aux entreprises .
Sur ces deux volets, plusieurs initiatives parlementaires ont été conduites depuis le mois de mars.
S'agissant de l'instauration d'une nouvelle couverture assurantielle contre les pertes d'exploitations, plusieurs propositions de loi ont été déposées en ce sens à l'Assemblée nationale 6 ( * ) et au Sénat 7 ( * ) . Au Sénat, la proposition de loi 8 ( * ) déposée à l'initiative de Jean-François Husson et de plusieurs de ses collègues a d'ailleurs été adoptée le 2 juin dernier .
Concernant la participation financière des assureurs , plusieurs amendements déposés au Sénat lors de l'examen des projets de lois de finances rectificatives pour 2020 successifs ont proposé d'instaurer des taxes sur le secteur assurantiel.
Lors de l'examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, le Sénat a d'ailleurs adopté deux dispositifs fiscaux , motivés par le souci d'instaurer une contribution exceptionnelle du secteur assurantiel en réponse aux conséquences économiques de la crise sanitaire :
- le premier proposait une hausse de la taxe sur les excédents de provision 9 ( * ) ;
- le second rétablissait la taxe de 10 % sur les réserves de capitalisation 10 ( * ) .
Toutefois, ces dispositifs n'ont pas été retenus dans le texte ayant fait l'objet d'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat lors de la commission mixte paritaire.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'ASSUJETTISSEMENT DES ASSUREURS À UNE CONTRIBUTION EN CAS D'APPLICATION DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE
Le présent article vise à instaurer une contribution exceptionnelle sur le résultat d'exploitation des entreprises d'assurance non-vie, dès lors que l'état d'urgence sanitaire a été appliqué au cours d'un exercice comptable .
À cet effet, le présent article insère un nouvel article 224 au sein d'une nouvelle section du code général des impôts , après l'article 223 sexies , intitulée « Contribution exceptionnelle du secteur des assurances en cas d'état d'urgence sanitaire » (alinéas 1 à 3).
Le I du présent article prévoit que les entreprises d'assurance non-vie opérant en France , c'est-à-dire les entreprises dont les contrats d'assurance proposés relèvent des assurances de responsabilité, de dommages et de personnes, y compris les complémentaires santé, sont assujetties à une contribution exceptionnelle au titre de tout exercice au cours duquel un état d'urgence sanitaire est appliqué sur tout ou partie du territoire de la République (alinéa 4).
Le dispositif proposé ne précise pas si la contribution définie par le présent article ne s'applique qu'aux entreprises d'assurances relevant du code des assurances , ou si elle s'applique également aux mutuelles et unions régies par le code de la mutualité et aux institutions de prévoyance régis par le code de la sécurité sociale , qui peuvent également réaliser des opérations d'assurance non-vie. Toutefois, compte tenu de l'équilibre général du dispositif, il peut être considéré que la contribution proposé vise l'ensemble des acteurs de l'assurance non-vie.
Les entreprises d'assurance visées s'acquittent de cette contribution lorsque, sur l'exercice au cours duquel l'état d'urgence sanitaire est appliqué, leur résultat d'exploitation a augmenté par rapport à la moyenne des trois derniers exercices clos (alinéa 4). Ainsi, l'assiette de la contribution correspond à la hausse du résultat d'exploitation par rapport à cette moyenne, c'est-à-dire, selon l'exposé des motifs, les « sur-bénéfices » réalisés .
D'après l'exposé des motifs, le fait que la période d'appréciation du résultat d'exploitation retenue soit la durée totale de l'exercice comptable vise à « tenir compte des « « effets rebonds » que connaîtront nécessairement certains secteurs, à commencer par celui de la santé ».
Le taux de la contribution est fixé à 80 % .
Le II du présent article prévoit les modalités de recouvrement de cette contribution, et indique que celle-ci est recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions (alinéa 5).
Il revient à l'entreprise d'adresser une déclaration à l'administration fiscale relative au calcul du montant de la contribution dont elle est redevable, accompagnée de pièces justificatives. Cette contribution est payée spontanément au comptable public compétent (alinéa 6).
Le III du présent article prévoit une sanction administrative en cas de non-acquittement de la contribution .
Si le paiement de la contribution n'est pas effectué dans un délai, ce dernier n'étant pas explicitement prévu par la rédaction proposée, l'assurance encourt la suspension de l'agrément administratif obligatoire délivré par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) , défini aux articles L. 321-1 à L. 321-7 du code des assurances. Cette suspension ne peut excéder une durée d'un an .
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF QUI SEMBLE PEU OPÉRANT, ET ÉTABLI SUR DES PRÉSUPPOSÉS QUI NE SE SONT PAS, À L'HEURE ACTUELLE, COMPLÉMENT FONDÉS
A. UN DISPOSITIF PROBLÉMATIQUE, ÉTABLI SUR DES PRÉSUPPOSÉS QUI N'APPARAISSENT PAS COMPLÉTEMENT FONDÉS
1. Compte tenu des caractéristiques de l'état d'urgence sanitaire, sa déclaration n'entraîne pas de conséquences directes et prévisibles sur le résultat d'exploitation des assureurs
Au cours de l'examen des projets de loi de finances rectificative pour 2020, le Sénat a déjà eu l'occasion de se prononcer sur l'opportunité d'instaurer une taxe acquittée par le secteur assurantiel pour répondre à la crise sanitaire. Toutefois, le dispositif proposé se caractérise par une certaine originalité, en ce qu'il établit un lien causal entre l'application de l'état d'urgence sanitaire et la taxation du résultat d'exploitation des assurances non-vie .
En fondant cette contribution sur l'application de l'état d'urgence sanitaire au cours d'un exercice, les auteurs de la proposition de loi ont fait le choix d'instaurer un dispositif pérenne , pour l'avenir, qui ne trouverait à s'appliquer qu'en cas de crise sanitaire suffisamment grave pour que l'état d'urgence sanitaire soit déclaré et appliqué sur tout, ou partie, du territoire.
Le rapporteur relève que ce choix est évidemment guidé par l'expérience des mesures administratives prises au cours du premier semestre de l'année 2020, et qui, dans le cadre du nouvel état d'urgence sanitaire, ont mis à l'arrêt notre économie pendant plusieurs mois.
Toutefois, si l'épisode de confinement du printemps s'est tenu sous le sceau de la première application de l'état d'urgence sanitaire, le rapporteur souligne que la déclaration et l'application de cet état d'urgence spécifique peuvent entraîner des conséquences économiques et sociales très variables selon l'ampleur et la durée des mesures administratives pouvant être prises.
Dans cette perspective, l'état d'urgence sanitaire constitue davantage une « boîte à outils » pour que le pouvoir exécutif prenne des mesures justifiées par la crise sanitaire, plutôt qu'un état standardisé , qui constituerait l'étalon d'une économie frappée par une crise sanitaire.
Il en est pour preuve la variation de l'activité économique entre les deux périodes d'application de l'état d'urgence sanitaire au cours de l'année 2020, la première s'étalant entre le 23 mars et le 11 juillet, et la seconde ayant été initiée le 17 octobre 2020. Comme le montre la direction générale du trésor 11 ( * ) , la baisse de l'activité s'est traduite par une contraction de 30 % du produit intérieur brut (PIB) lors du premier confinement, et contre 20 % lors du second confinement . Cette moindre réduction de l'activité s'explique par les mesures administratives prises lors de cette seconde vague qui, par exemple, restreignent moins la liberté de circulation.
Par conséquent, le rapporteur estime que la simple application de l'état d'urgence sanitaire peut difficilement constituer un marqueur fiable pour caractériser la situation économique d'un secteur d'activité comme les assurances non-vie . Un dispositif fiscal qui entendrait se fonder sur la déclaration de l'état d'urgence sanitaire introduirait une confusion problématique entre les mesures prises pour endiguer l'épidémie et leurs conséquences économiques et sociales, qui varient selon la nature des mesures prises.
Ce constat est renforcé par le fait que le dispositif proposé ne prévoit aucune durée ni ampleur géographique minimales d'application de l'état d'urgence sanitaire .
En effet, les assurances non-vie pourraient être redevables de cette contribution, assise sur la hausse de leur résultat d'exploitation par rapport aux trois derniers exercices clos, dans le cas où l'état d'urgence sanitaire serait déclaré par décret en conseil des ministres pour une durée brève , sans prorogation au-delà d'un mois autorisée par le Parlement, et motivée par un péril pour la santé de la population circonscrit localement .
Par ailleurs, le résultat d'une assurance non-vie peut être dégradé au cours d'un exercice pendant lequel l'état d'urgence sanitaire est appliqué, sans lien avec ce dernier . Ainsi, en avril et mai 2020, les sinistres payés en raison des catastrophes naturelles auraient augmenté de 43 % par rapport à la même période en 2019 12 ( * ) .
Ainsi, le rapporteur ne partage pas l'idée selon laquelle l'expérience des premières applications de l'état d'urgence sanitaire puisse fonder une nouvelle « doctrine » fiscale instaurant une contribution exceptionnelle, résultant automatiquement de l'application de cet état juridique particulier. Le régime juridique de l'état d'urgence sanitaire a été justifié par sa plasticité et son adaptabilité à une grande diversité de catastrophes sanitaires, ayant pour point commun de mettre en péril, par leur nature et leur gravité, la santé de la population 13 ( * ) .
Par ailleurs, le rapporteur s'oppose au principe d'une taxation systématique d'un effet d'aubaine supposé qui pourrait donner lieu, une fois ce principe élargi à l'ensemble d'une politique fiscale, à des revendications, chaque année, de taxation sectorielle éparses.
Chaque application de l'état d'urgence sanitaire donnant lieu à des conséquences économiques et sociales spécifiques, et donc à des effets variables sur l'activité des assurances non-vie, le rapporteur s'oppose également au principe d'un dispositif de taxation pérenne, et privilégie, si un dispositif fiscal devait être mis en oeuvre, une taxe ponctuelle, calibrée selon les effets propres à chaque application de l'état d'urgence sanitaire .
À ce titre, les dispositifs fiscaux adoptés dans notre assemblée lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 14 ( * ) et du projet de loi de finances pour 2021 15 ( * ) , le premier à l'initiative du Gouvernement, et le second à l'initiative du Sénat, s'inscrivent pleinement dans cette perspective. Ils constituent, en effet, des dispositifs exceptionnels , n'ayant vocation à s'appliquer qu'au cours d'un ou de deux exercices budgétaires.
2. La profitabilité de la crise sanitaire pour les assureurs est un postulat à nuancer
Comme indiqué dans l'exposé des motifs de la présente proposition de loi, l'objectif de ses auteurs est de cibler les « sur-bénéfices » engrangés du fait de la crise sanitaire. L'idée d'une profitabilité de la crise sanitaire pour les assureurs non-vie constitue le second postulat sur lequel repose le dispositif proposé , après celui selon lequel chaque application de l'état d'urgence sanitaire entraîne des conséquences identiques sur le secteur assurantiel.
Dès le début de la crise sanitaire, la question d'un « effet d'aubaine » de cette crise pour les assurances a été posée , en raison de la baisse de la sinistralité dans un contexte de moindre activité sociale et économique.
Le rapporteur rappelle que ce débat a été en partie entretenu par l'annonce par certains assureurs de gestes commerciaux, en particulier en matière d'assurance automobile , présentés comme la contrepartie pour les assurés d'une moindre sinistralité. Or, la diversité des politiques commerciales entre les assurances a vraisemblablement nourri une forme d'ambiguïté quant au niveau de sinistres indemnisé par les assurances.
Ce contexte a justifié l'adoption de l'article 25 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 16 ( * ) , introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de Laurent Saint-Martin, rapporteur général du budget, avec un avis favorable du Gouvernement. Cet article demande au Gouvernement de rendre un rapport au Parlement sur la participation des assurances au fonds de solidarité, ainsi qu'une évolution globale et par type de risque , depuis le 1 er juillet 2019, de la sinistralité et des sommes engagées au titre de l'indemnisation des sinistres. La commission des finances avait alors estimé que « ces données devraient permettre d'établir dans quelle mesure le confinement de la population s'est traduit par une chute de la sinistralité (...). Le cas échéant, cette baisse des sinistres permettrait ainsi de libérer des marges de manoeuvre pour les assurances qui pourraient être mobilisées au profit du fonds de solidarité » 17 ( * ) .
S'agissant de l'évolution de la sinistralité, le rapport du Gouvernement remis au Parlement se fonde sur une enquête réalisée par la direction générale du trésor auprès des trois principales fédérations professionnelles du secteur 18 ( * ) .
Le constat réalisé par cette première enquête statistique est très net : sur les mois d'avril et mai 2020, soit au cours du premier confinement, « on constate une baisse des sinistres payés de 25 %, toutes catégories d'activité non-vie confondues 19 ( * ) », correspondant à « une baisse des prestations de 1,9 milliard d'euros pour les organismes ayant participé à la remontée statistique ». Les sinistres payés diffèrent de la notion de « charge de sinistres », ce dernier représentant un agrégat plus large qui intègre les provisions pour sinistres à payer.
Toutefois, les auditions menées par le rapporteur appellent à la plus grande prudence dans l'interprétation de ces premières données élaborées en juillet dernier.
Tout d'abord, lors de son audition, la direction générale du trésor a souligné que la baisse des prestations payées au cours du premier confinement ne constituait qu'un indicateur imparfait de l'évolution globale des sinistres au cours de l'année 2020 . En effet, ces premières estimations de la baisse de la sinistralité, cantonnées à une période limitée aux mois de mars et avril derniers, risquaient d'être compensées par un phénomène de rattrapage observé au cours de la seconde moitié de l'année.
En tout état de cause, l'appréciation de l'évolution de la sinistralité pour 2020 ne pourra être menée qu' ex-post , lorsque les données définitives pour l'ensemble des assurances non-vie seront connues, soit en avril 2021.
Lors de son audition, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) , entité de supervision du secteur assurantiel , a confirmé l'inversion de tendance par rapport aux données relatives aux sinistres payés en avril et mai derniers publiées dans le rapport du Gouvernement.
Avec les précautions d'usage nécessaires pour l'interprétation de données trimestrielles intermédiaires communiquées par le secteur assurantiel, l'ACPR a indiqué au rapporteur qu'à la fin du troisième trimestre de cette année, il n'était pas observé de décrue substantielle de la charge des sinistres en assurance non-vie . Les données préliminaires reçues, qui requièrent encore que soient menés l'ensemble des contrôles qualité, font apparaître que la charge de sinistres progresserait de 6 % environ, une fois exclue l'assurance santé 20 ( * ) , cette dernière faisant figure d'exception en raison de l'important report de soins observé ces derniers mois.
Néanmoins, l'évolution globale de la sinistralité pour l'assurance non-vie masque d'importantes disparités entre les branches assurantielles .
Ainsi, l'ACPR a fait état d'une hausse significative des sinistres couverts par les contrats d'assurance de « pertes pécuniaires diverses » qui enregistrent les sinistres payés en matière d'annulation d'évènements et d'indemnisation des pertes d'exploitation, qu'il s'agisse d'une indemnisation à titre contractuel ou volontaire.
En effet, le ratio net combiné pour cette branche , c'est-à-dire le coût du sinistre et des charges d'exploitation rapporté aux primes perçues, est passé de 88,3 % au troisième trimestre de 2019 à 133,2 % au troisième trimestre de 2020 21 ( * ) . À l'inverse, ce ratio a diminué pour l'assurance automobile , hors responsabilité civile aux tiers, en passant de 101,8 % à 86,4 % en comparant les troisièmes trimestres 2019 et 2020.
Le rapporteur insiste à nouveau sur la difficulté d'extrapoler une tendance annuelle à partir de données trimestrielles encore incomplètes . Si ces dernières permettent d'apporter un premier éclairage, les auditions de la direction générale du Trésor et de l'ACPR ont souligné l'importance de conduire une évaluation ex-post plus fiable, une fois l'ensemble des données connues.
Les disparités entre les branches de l'assurance non-vie permettent de s'interroger sur l'assiette retenue par la présente proposition de loi pour définir la contribution à laquelle les assurances sont assujetties . En effet, le choix d'asseoir cette contribution sur le résultat d'exploitation apparaît problématique à double titre :
- le résultat net de l'entreprise permet de compenser les hausses de sinistres d'une branche par les économies réalisées par une autre branche , et cette mutualisation dépend du degré de spécialisation de l'assurance dans une branche ;
- le résultat dépend certes du coût du sinistre, mais également des primes perçues, qui sont soumises à la concurrence, des coûts d'exploitation, du montant des provisions techniques, et des revenus financiers issus du portefeuille mobilier de l'assurance. Sa variation n'est pas uniquement le reflet de l'évolution de la sinistralité.
La Fédération française de l'assurance (FFA) a dressé un état des lieux similaire lors de son audition par le rapporteur. Dans une note en date du 24 novembre 2020 , la FFA estime que la hausse du montant des sinistres payés en 2020 devrait s'élever à près de 2 milliards d'euros 22 ( * ) , ventilée de la façon suivante :
- une économie de 1,4 milliard d'euros sur les sinistres de la branche automobile ;
- une hausse des sinistres de la branche « professionnels » de 2,6 milliards d'euros ;
- une hausse des sinistres des autres branches de 820 millions d'euros .
Le rapporteur rappelle toutefois qu'il s'agit d'une prévision de sinistralité pour l'ensemble de l'année 2020 .
Au-delà de l'année 2020, l'ACPR a indiqué au rapporteur que les sinistres en matière d'assurance non-vie pourraient également être en hausse l'année prochaine, en raison d'une augmentation du taux de défaillance des entreprises . En effet, selon le principe dit de « portabilité », les contrats d'assurance santé collectifs et la prévoyance font obligation aux assureurs de continuer à honorer la couverture des sinistres pendant les douze mois suivant la fin du contrat de travail, alors même qu'ils ne reçoivent plus de cotisations.
À cet égard, le rapporteur souligne que cet exemple démontre que les conséquences économiques de la crise sanitaire ont un effet plus direct sur le résultat des assurances que l'application de l'état d'urgence sanitaire en lui-même .
Dès lors que les premières observations réalisées en 2020 ne permettent pas d'établir avec certitude un lien direct entre l'application de l'état d'urgence sanitaire et une hausse du résultat d'exploitation des assurances non-vie, le rapporteur estime qu'il est permis de s'interroger sur le caractère objectif et rationnel des critères qui fondent la différence de traitement proposé envers les assurances non-vie .
B. LA CONTRIBUTION DES ASSUREURS EN CAS DE CRISE SANITAIRE DOIT TENIR COMPTE DES PERSPECTIVES ASSOMBRIES DU SECTEUR
Tout d'abord, à la demande du Gouvernement, et en vertu des demandes répétées du Sénat et de l'Assemblée nationale, le secteur assurantiel a contribué au soutien du tissu économique en réponse à la crise sanitaire.
Certes, le rapporteur rappelle que cette mobilisation du secteur assurantiel s'est inscrite dans un contexte particulier, marqué par une forte défiance des assurés envers leurs assureurs , dès lors qu'il est apparu que les garanties « pertes d'exploitation » souscrites ne s'appliquaient pas, dans la plupart des contrats, au cas de la pandémie de la Covid-19.
Néanmoins, il convient d'apprécier la pertinence de toute proposition visant à taxer le secteur assurantiel à la lumière des engagements pris par celui-ci .
Pour les seuls adhérents à la FFA, l'ensemble des gestes commerciaux réalisés se serait élevé à 2,6 milliards d'euros , auxquels il faut ajouter l'abondement au fonds de solidarité à hauteur de 400 millions d'euros.
Cette mobilisation s'inscrit dans un contexte de dégradation de la solvabilité des assureurs au cours de l'année 2020 , même si celle-ci reste nettement au-dessus des règles prudentielles .
Dès le mois de juillet dernier, dans son rapport remis au Parlement, le Gouvernement pointait les effets de la crise de la Covid-19 sur le bilan des organismes d'assurance, vie et non-vie confondus. Ainsi, le Gouvernement indiquait que les fonds propres des assureurs ont baissé de 40 milliards d'euros au cours du premier trimestre , en raison de la chute des marchés qui a dégradé la valorisation du portefeuille de valeurs mobilières des assureurs, réduisant leurs actifs.
Certes, un rebond des marchés financiers a été observé depuis, mais le Gouvernement estimait en juillet que celui-ci « ne permettra sans doute pas un retour rapide à la situation de départ » 23 ( * ) .
Au-delà de la question conjoncturelle, liée aux conséquences économiques de la crise sanitaire, les auditions menées par le rapporteur ont mis en exergue la baisse tendancielle de la profitabilité de l'assurance non-vie depuis plusieurs années .
Comme l'ont souligné la direction générale du trésor et l'ACPR, la persistance d'un environnement de taux bas depuis plusieurs années fait peser un risque sur la capacité des assureurs à servir les taux d'intérêt pour lesquels ils se sont engagés envers leurs assurés, en raison de la baisse des rendements des actifs sous-jacents. Cette tendance réduit les marges de manoeuvres dont disposent les assurances pour équilibrer leurs bilans grâce à leur portefeuille de valeurs mobilières .
Or, les revenus tirés du portefeuille d'actifs permettent, pour certaines branches, d'être maintenues à l'équilibre malgré un montant de charges - incluant le coût des sinistres et les charges d'exploitation - supérieur au montant des primes reçues . Il en va ainsi de l'assurance automobile obligatoire dont le ratio combiné, c'est-à-dire les charges de l'assureur rapportées au montant des primes, s'est élevé en moyenne à 111 % 24 ( * ) sur toute l'année 2019, soit avant la crise sanitaire. Pour cette branche, la hausse de la sinistralité s'explique essentiellement par l'augmentation du coût des réparations automobile, et par la hausse du montant des indemnités versées aux victimes des accidents.
Dans cette perspective, le rapporteur appelle à la plus grande vigilance quant à l'appréciation des conséquences de la baisse de la sinistralité sur les résultats des assurances non-vie .
C. UNE PROPOSITION ALTERNATIVE : MOBILISER LES ASSUREURS FACE À LA CRISE SANITAIRE VIA LEUR CoeUR DE MÉTIER, C'EST-À-DIRE PAR LA COUVERTURE DE RISQUES
Pour l'ensemble des raisons précédemment exposées, le rapporteur estime que le dispositif proposé par la présente proposition de loi ne semble pas de nature à garantir une mobilisation pertinente du secteur assurantiel en cas de crise sanitaire .
Il considère qu'une telle mobilisation est justifiée , au regard du rôle essentiel du secteur assurantiel dans le financement de l'économie, et étant donné que les assurés se tournent en premier lieu vers lui en cas de mauvaise fortune.
Pour l'avenir, le rapporteur considère que les leçons de l'actuelle crise sanitaire doivent être tirées en organisant de façon pragmatique et pérenne la participation des assureurs au soutien de l'économie. Le rapporteur partage la conviction selon laquelle cette participation doit reposer sur le coeur de métier des assureurs, à savoir l'indemnisation d'un risque prévue contractuellement .
En effet, dès le début de la crise sanitaire, la faible application des garanties facultatives « pertes d'exploitation » souscrites par les entreprises 25 ( * ) a contribué à entretenir l'idée que les assureurs ne jouaient qu'incorrectement leur rôle de garant dans le contexte d'une crise pénalisant leurs assurés, sans qu'ils puissent en être tenus responsables.
Dans cette perspective, la proposition de loi adoptée en juin dernier par le Sénat 26 ( * ) , à l'initiative de Jean-François Husson et de plusieurs de ses collègues, constitue une première réponse adéquate , en proposant l'instauration d'une garantie obligatoire pour indemniser les entreprises en cas de crise sanitaire.
Le rapporteur invite le Gouvernement à se saisir de cette proposition de loi, et à l'enrichir dans le cadre de la navette parlementaire , des propositions issues de la réflexion menée par le Gouvernement en la matière.
À court terme, et dans l'attente de l'instauration d'un tel dispositif, cette proposition n'épuise pas la question de la contribution financière des assureurs en réponse à la crise sanitaire . Si le rapporteur ne partage pas les objectifs du dispositif proposé par la présente proposition de loi, il invite néanmoins le secteur assurantiel à maintenir son effort en faveur du soutien à l'économie, en tant qu'acteur essentiel de financement de celle-ci.
Décision de la commission : la commission des finances n'a pas adopté cet article.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 2 décembre 2020 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Claude Nougein sur la proposition de loi n° 477 (2019-2020) visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les assurances pour concourir à la solidarité nationale face aux conséquences économiques et sociales d'une crise sanitaire majeure, présentée par M. Olivier Jacquin et plusieurs de ses collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain.
M. Claude Raynal , président . -Nous examinons ce matin le rapport de Claude Nougein sur la proposition de loi visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les assurances pour concourir à la solidarité nationale face aux conséquences économiques et sociales d'une crise sanitaire majeure, présentée par Olivier Jacquin, dont je salue la présence, et plusieurs de ses collègues. J'indique d'ores et déjà qu'aucun amendement n'a été déposé en vue de l'élaboration du texte de la commission.
M. Claude Nougein , rapporteur . - La proposition de loi de notre collègue Olivier Jacquin - que je salue également -, a pour objet d'instaurer une contribution exceptionnelle, acquittée par les assureurs, assise sur la hausse de leur résultat d'exploitation en cas d'application de l'état d'urgence sanitaire. Elle s'inscrit dans la continuité des réflexions engagées depuis le début de la crise sanitaire, qui visent à faire participer les assureurs à l'effort national de soutien de notre tissu économique. Lors de l'examen des projets de loi de finances rectificative pour 2020 et du projet de loi de finances pour 2021, le Sénat a déjà eu l'occasion, à plusieurs reprises, de débattre de ce sujet, et de définir sa position. Le dispositif de la présente proposition de loi ne nous est d'ailleurs pas inconnu puisqu'il a été présenté, dans une rédaction différente, lors de l'examen du deuxième projet de loi de finances rectificative, puis, dans cette rédaction, lors de la discussion des troisième et quatrième projets de loi de finances rectificative pour 2020.
Contrairement aux autres dispositifs fiscaux prévoyant de taxer le secteur assurantiel que nous avons examinés au cours des derniers mois, celui-ci présente une certaine originalité en ce qu'il établit un lien causal entre l'application de l'état d'urgence sanitaire et la taxation du résultat d'exploitation des assureurs.
En effet, aux termes de l'article unique de cette proposition de loi, les assurances non-vie opérant en France sont assujetties à une contribution exceptionnelle au titre de tout exercice au cours duquel l'état d'urgence sanitaire est appliqué sur tout ou partie du territoire. Cette contribution est assise sur la hausse du résultat d'exploitation constaté au cours de l'exercice par rapport à la moyenne des trois derniers exercices clos. L'objectif est clair : taxer les « sur-bénéfices » réalisés au cours de l'état d'urgence sanitaire. Le taux de cette contribution s'élève à 80 %.
Ainsi, ce dispositif est établi sur deux présupposés : d'une part, un lien « automatique » entre l'application de l'état d'urgence sanitaire et une variation du résultat d'exploitation des assurances non-vie ; et, d'autre part, une évidente profitabilité de la crise sanitaire pour ces compagnies. Or, les auditions que j'ai menées ont conforté l'idée d'une très grande fragilité de ces deux postulats. Cela m'a conduit à conclure que le dispositif proposé est peu opérant.
Premièrement, l'idée d'un lien direct entre l'état d'urgence sanitaire et le résultat d'exploitation des assurances non-vie n'apparaît pas fondée.
Certes, en choisissant d'assujettir les assurances à cette taxe en raison de l'application de l'état d'urgence sanitaire, les auteurs de la proposition de loi ont évidemment souhaité instaurer une taxe qui ne serait appliquée qu'en cas de crise sanitaire grave. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que l'état d'urgence sanitaire peut entraîner des conséquences économiques et sociales variables selon l'ampleur et la durée des mesures administratives prises. En effet, l'état d'urgence sanitaire est une « boîte à outils » de nature à permettre au pouvoir exécutif de prendre des mesures face à une catastrophe sanitaire. Le deuxième confinement en constitue d'ailleurs une illustration parfaite : les mesures prises pour endiguer l'épidémie étant moins strictes, leurs effets sur l'activité économique sont moindres qu'au cours du premier semestre.
Ce constat est renforcé par le fait que le dispositif proposé ne prévoit aucune durée ni ampleur géographique minimales de l'état d'urgence sanitaire. Ainsi, un état d'urgence circonscrit localement, et pour une durée brève, un mois par exemple, entraînerait d'office un assujettissement de l'ensemble des assurances non-vie à cette contribution.
De la même façon, le résultat des assurances non-vie peut se dégrader au cours de l'application de l'état d'urgence sanitaire, sans aucun lien avec celui-ci. Ainsi, en mai et avril derniers, les sinistres payés au titre des catastrophes naturelles ont augmenté de 43 % par rapport à la même période en 2019.
Compte tenu de ces éléments, je ne partage pas l'idée selon laquelle les premières expériences liées à l'application de l'état d'urgence sanitaire puissent fonder une nouvelle « doctrine » fiscale. Je suis très réservé sur le principe d'instaurer une disposition fiscale pérenne, alors que chaque état d'urgence sanitaire a ses propres caractéristiques.
Deuxièmement, le dispositif proposé repose sur un second postulat, à savoir l'idée d'une profitabilité de la crise sanitaire pour les assureurs non-vie. La question d'un possible « effet d'aubaine » de cette crise a jalonné nos débats depuis le début de l'épidémie, en raison de la baisse de la sinistralité. Ce contexte a d'ailleurs justifié que le Parlement demande un rapport au Gouvernement, dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative, sur l'évolution de la sinistralité par rapport à 2019.
Ce rapport, qui a été remis en juillet dernier, se fonde sur une enquête statistique partielle pilotée par la direction générale du Trésor (DGT). Le constat de cette première enquête est très clair : en avril et mai 2020, on observe une baisse de 25 % des sinistres payés, toutes catégories d'assurances non-vie confondues, ce qui correspond à une réduction de 1,9 milliard d'euros du montant des prestations payées. Néanmoins, les auditions que j'ai menées m'ont encouragé à la plus grande prudence dans l'interprétation de ces premières données.
En effet, lors de son audition, la DGT a souligné que l'appréciation de l'évolution de la sinistralité pour 2020 ne pourra être menée qu' ex post , lorsque les données définitives pour l'ensemble des assurances non-vie seront connues, soit en avril 2021.
De son côté, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), entité de supervision du secteur assurantiel, a confirmé une tendance inverse par rapport aux données publiées dans le rapport du Gouvernement et relatives aux sinistres payés en avril et mai dernier. Avec les précautions d'usage nécessaires pour l'interprétation de données trimestrielles intermédiaires, l'ACPR a indiqué que, à la fin du troisième trimestre de cette année, il n'était pas observé de décrue substantielle de la charge des sinistres en assurance non-vie, à l'exception de l'assurance santé. En effet, cette dernière fait figure d'exception en raison de l'important report de soins observé ces derniers mois.
Ce constat s'explique notamment par des disparités entre les branches assurantielles. Par exemple, l'ACPR a fait état d'une hausse significative des sinistres couverts par les contrats d'assurance de « pertes pécuniaires diverses », qui enregistrent les sinistres payés en matière d'annulation d'événements et d'indemnisation des pertes d'exploitation, qu'il s'agisse d'une indemnisation à titre contractuel ou volontaire.
Enfin, la Fédération française de l'assurance (FFA) a dressé un état des lieux similaire lors de son audition. Dans une note réalisée la semaine dernière, elle évalue la hausse du montant des sinistres payés en 2020 à près de 2 milliards d'euros, nette des économies réalisées sur les sinistres de la branche automobile. Cette estimation doit toutefois être reçue avec prudence, étant donné qu'il s'agit d'une prévision sur l'ensemble de l'année 2020.
Au-delà de la sinistralité au cours de l'année 2020, les sinistres en matière d'assurance non-vie pourraient également être en hausse l'année prochaine, en raison d'une augmentation du taux de défaillance des entreprises. En effet, selon le principe dit de « portabilité », les contrats d'assurance santé collectifs font obligation aux assureurs de continuer à honorer la couverture des sinistres pendant les douze mois suivant la fin du contrat de travail, alors même qu'ils ne reçoivent plus de cotisations. Cet exemple montre bien la difficulté du dispositif proposé : les conséquences économiques de la crise sanitaire ont un effet bien plus direct sur le résultat des assurances que l'application de l'état d'urgence sanitaire en elle-même.
Aussi, je suis opposé au principe d'une taxation systématique d'un prétendu effet d'aubaine qui pourrait donner lieu, chaque année, à des revendications sectorielles éparses. Allons-nous proposer de taxer les fabricants de parapluies lorsqu'une année est marquée par un record de pluviométrie, ou encore les fabricants de crème glacée en cas de canicule ?...
Au-delà de la question du caractère opportun du dispositif proposé, il me semble indispensable d'apprécier toute proposition de contribution au regard des engagements déjà pris par le secteur des assurances depuis le début de la crise sanitaire.
Certes, nous nous souvenons tous que ces engagements ont été pris dans un contexte particulier, marqué par une forte défiance des assurés envers les assureurs, dès lors qu'il est apparu que la plupart des garanties « pertes d'exploitation » souscrites par les entreprises ne donnerait pas lieu à une indemnisation. Cependant, nous ne pouvons ignorer l'ensemble des gestes commerciaux consentis par le secteur.
Par ailleurs, les auditions ont été particulièrement éclairantes quant aux perspectives du secteur assurantiel. En effet, la solvabilité est un facteur essentiel. L'année 2020 a été marquée par une dégradation de la solvabilité des assureurs, même si celle-ci reste nettement au-dessus des ratios prudentiels exigés. Ainsi, au cours du premier semestre, les fonds propres des assureurs ont baissé de 40 milliards d'euros en raison du repli des marchés financiers et de la réduction de la valorisation des portefeuilles d'actifs des assureurs.
Au-delà de cette question conjoncturelle, l'ACPR fait état d'une baisse tendancielle de la profitabilité de l'assurance non-vie depuis plusieurs années. En effet, la persistance d'un environnement de taux bas réduit les marges de manoeuvre dont disposent les assureurs pour équilibrer leurs bilans grâce à leur portefeuille de valeurs mobilières. Or, les revenus des placements financiers permettent d'équilibrer des branches qui sont déjà sous tension, à l'image de l'assurance automobile obligatoire pour laquelle le coût des sinistres ne cesse d'augmenter.
Pour l'ensemble de ces raisons, le dispositif proposé ne semble pas de nature à garantir une mobilisation pertinente du secteur assurantiel en cas de crise sanitaire.
Pour l'avenir, il est évident que nous devons tirer les leçons de la crise sanitaire en organisant de façon pragmatique et pérenne la participation des assureurs au soutien de l'économie. Cette participation doit reposer, j'en suis convaincu, sur le coeur de métier des assureurs, à savoir l'indemnisation d'un risque prévue contractuellement.
La prise en charge limitée, ou même inexistante la plupart du temps, des pertes d'exploitation des entreprises a entretenu l'idée que les assureurs n'ont pas joué correctement leur rôle de garant contre la mauvaise fortune. Dans cette perspective, la proposition de loi adoptée le 2 juin dernier, à l'initiative du rapporteur général, constitue une première réponse adéquate.
À court terme, et dans l'attente de l'instauration d'un tel dispositif, il est certain que la question de la participation financière des assureurs n'est pas complètement épuisée, notamment en raison de la seconde vague que nous connaissons et de la prorogation du fonds de solidarité. Sur ce point, le Sénat a clairement exprimé sa position lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2021, en adoptant une taxe ponctuelle de 2 %, uniquement au titre des primes perçues au cours de l'année 2020, ce qui représente 1,2 milliard d'euros. De plus, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le Gouvernement a prévu une taxe sur les complémentaires santé à hauteur de 1 milliard d'euros en 2020 et de 500 000 euros en 2021.
Aussi, je vous recommande de ne pas adopter la présente proposition de loi ; la discussion en séance publique porterait ainsi sur le texte initial.
En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution adopté par la Conférence des présidents, en vue du dépôt des amendements de séance, je vous propose de considérer qu'entrent dans le périmètre de la proposition de loi toutes dispositions fiscales visant à définir les redevables, l'assiette, le taux, les modalités de recouvrement, et autres modalités d'application d'une contribution acquittée par le secteur assurantiel en lien avec une crise sanitaire majeure.
M. Olivier Jacquin , auteur de la proposition de loi . - À cause de la crise sanitaire actuelle, des entreprises vont crever. Parallèlement, certains secteurs d'activité se portent bien, et c'est tant mieux ; je pense aux entreprises du secteur de la santé, aux pompes funèbres, à la grande distribution, au commerce électronique. Pendant le premier confinement, le secteur de l'assurance a été pointé : alors que nous payons nos cotisations d'assurance annuellement, nos voitures ont été immobilisées, et il n'y a plus eu d'accidents. Très rapidement, dans le débat public, on s'est demandé qui allait payer la crise. Doit-on condamner les entreprises qui vont mal et applaudir celles qui profitent de la situation ?
Le rapport du Gouvernement publié en juillet dernier, nous l'avons obtenu collectivement de haute lutte, et il nous éclaire un peu. Lors de l'examen du deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR2), Albéric de Montgolfier, alors rapporteur général, avait demandé que cette question soit approfondie. Ce rapport mentionne une baisse de la sinistralité dans l'assurance non-vie à 1,9 milliard d'euros lors de la première période de confinement, comme l'a souligné le rapporteur, et des « sur-profits » liés à la situation dans certains secteurs. L'APCR indique toutefois qu'il faut attendre la fin de l'exercice pour avoir plus de visibilité.
Les compagnies d'assurances ne se résument pas aux douze majors qui font régulièrement de la publicité à destination du grand public ; une multitude de petites sociétés sont spécialisées dans des créneaux très particuliers. La situation d'une société spécialisée dans la prise en charge de l'annulation d'événements culturels n'a rien à voir avec celle d'un assureur automobile, qui a fait des économies considérables.
Le dispositif qui vous est présenté n'est pas un « one shot » : il serait déclenché en fonction d'un outil administratif rare, mais voué à se généraliser, l'état d'urgence sanitaire. En plus, il n'est non pas aveugle, mais juste, pragmatique et proportionné puisqu'il se fonde sur des sur-profits réalisés lorsque l'état d'urgence sanitaire est appliqué, en se calant sur le dispositif retenu pour l'impôt sur les sociétés (IS). On compare le résultat d'exploitation de l'exercice au cours duquel l'état d'urgence sanitaire est appliqué avec la moyenne des trois derniers exercices. Et que l'on ne parle pas de spoliation ! Seul le « sur-profit » est prélevé à hauteur de 80 %.
Le rapporteur a parlé de la hausse du nombre de sinistres au titre des catastrophes naturelles au cours de la même période ; j'ai les mêmes chiffres que vous.
Dans le cadre du premier projet de loi de finances rectificative pour 2020, un amendement de M. Retailleau a proposé d'augmenter une taxe sur les excédents de provisions d'assurance dommages : elle devait rapporter quelques dizaines de millions d'euros, à rapprocher des 2 milliards que nous évoquons. Cette taxe n'a pas prospéré, car elle n'a pas été retenue par la commission mixte paritaire. Le Gouvernement a aussi usé d'une astuce fiscale courante en créant une taxe additionnelle à la taxe de solidarité additionnelle (TSA) dans le PLFSS pour 2021. Aucun de nos concitoyens n'en voit directement l'effet. Cette taxe discrète a augmenté de manière considérable depuis sa création. Récemment, le Sénat a adopté, à l'initiative de la commission des finances, une taxe au taux initialement fixé à 1 % sur les primes d'assurance dommages, une taxe totalement aveugle, sur toutes les assurances. Le sous-amendement de M. Delahaye l'a portée à 2 %. Je ne vous dis pas ce qu'en pense la société d'assurance spécialisée dans la prise en charge de l'annulation d'événements culturels !
La proposition de Jean-François Husson de couvrir un nouveau risque est une très bonne chose. On l'a vu, de nombreux restaurateurs pensaient être couverts par le risque de fermeture administrative. Mais l'outil que vous proposez n'a pas du tout la même finalité : il vise à améliorer la couverture des risques, tandis que le nôtre tend à opérer un prélèvement juste au bénéfice des entreprises en difficulté.
M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je remercie Claude Nougein d'avoir bien décrit le contexte. Évitons de sur-réagir en ces temps de crise liée à la pandémie. À cet égard, au travers de sa déclaration hier, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire, manie « la carotte et le bâton » en demandant le gel des primes d'assurances acquittées par un certain nombre d'entreprises de secteurs d'activité affectés par la crise sanitaire, alors même que ce sont les décisions de l'État qui ont des conséquences sur ces secteurs. En faisant cette demande, le ministre outrepasse son rôle, l'État doit avoir une vision systémique.
Comme le rapporteur l'a souligné, on ne peut pas prévoir un principe de taxation systémique. D'ailleurs, ce dispositif me semble difficile à gérer, avec une contribution assise sur la hausse du résultat d'exploitation par rapport à la moyenne des trois derniers exercices. La contribution exceptionnelle que le Sénat a adoptée dans le projet de loi de finances pour 2021 présente l'avantage de placer la communauté des assureurs dans une même logique. Que penseraient les sociétaires de la MAIF qui, après avoir bénéficié d'une ristourne, verraient leur compagnie être prélevée de 80 % d'un profit exceptionnel ? Je rappelle que les cotisations sont versées par les assurés. C'est pourquoi je n'étais pas favorable à taxer les réserves de capitalisation des assurances, comme cela a été proposé à plusieurs reprises, car l'État serait un peu « Robin des bois » : cette cagnotte, c'est l'argent des assurés !
Le rôle du législateur est d'être vigilant. Une contribution exceptionnelle des assurances me paraît plus logique parce qu'elle est circonstanciée dans le temps et dans le périmètre.
Ne jouons pas les justiciers. Je reconnais les avantages d'une économie ouverte et libérale, tout en ayant un cadre de régulation, y compris au travers de mesures exceptionnelles lorsque surviennent des situations exceptionnelles. La pandémie est un risque systémique qui concerne tout le monde en même temps. La proposition de loi que nous avons adoptée en juin dernier a une logique : dans un premier temps, une garantie couverte par les assurés entre eux au travers d'une contribution additionnelle obligatoire afin de n'exclure personne, et une indemnité si le risque est avéré et, dans un second temps, une action conjointe de l'État et des assureurs en cas de crise sanitaire majeure.
Pour ces raisons, je me range à l'avis du rapporteur.
M. Éric Bocquet . - Nous le disons depuis des semaines, cette crise historique a des conséquences graves sur le plan économique et sur le plan social. Dans ce contexte très difficile, il se trouve que certains secteurs d'activité s'en sortent beaucoup mieux, voire très bien, dont la grande distribution, les assurances, le numérique. Qui le rapporteur a-t-il auditionné ? Des assureurs, j'imagine, mais a-t-il auditionné des restaurateurs, par exemple ? En effet, 7 % d'entre eux ont souscrit des contrats prévoyant une clause pandémie, mais n'ont pas obtenu d'indemnités - certaines affaires sont portées devant les tribunaux.
Dans le Journal du dimanche , le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, assureur de profession, a indiqué qu'il fallait taxer les assureurs - vous êtes donc en désaccord avec lui. Les assureurs ont promis 2,3 milliards d'euros pour venir en aide aux entreprises et aux populations les plus touchées, mais c'est une promesse. Vous avez cité la MAIF : elle a effectivement reversé 100 millions d'euros à ses adhérents, mais elle n'a pas été suivie par les autres compagnies. Donnons donc de la force à la loi pour contraindre les assureurs. Les réserves sont là ; l'assurance automobile a enregistré 2 milliards d'euros de bénéfices pendant la pandémie. On ne peut pas se contenter de tendre la sébile en espérant l'obole. À un moment donné, il faut prendre des décisions. C'est pourquoi nous soutiendrons cette proposition de loi.
M. Michel Canevet . - Je ne partage pas du tout l'esprit de cette proposition de loi intergroupe. Eu égard aux circonstances exceptionnelles, il ne me semble pas utile de recourir à un dispositif systématique. Si l'état d'urgence sanitaire est proclamé pendant plusieurs années de suite, comment fera-t-on ? Ne faut-il pas au contraire que les compagnies d'assurance réalisent des provisions pour y faire face ?
Par ailleurs, est-ce bien le résultat d'exploitation auquel il faut faire référence ? Il suffit d'ajuster les dotations aux provisions pour réadapter le résultat d'exploitation et, donc, contourner le dispositif ici proposé. Un texte définissant des orientations pour mieux assurer les risques inhérents à des circonstances exceptionnelles aurait plus de sens. Or le mécanisme que vous instituez risque d'avoir des effets qui iront à l'encontre de l'objectif poursuivi : des assureurs délocaliseront une partie de leurs activités pour éviter cette contribution de 80 % ou ne réaliseront pas de provisions, alors que là est leur mission pour faire face à d'éventuels risques. Aussi, je ne partage pas du tout l'esprit ni la philosophie de ce texte.
M. Philippe Dallier . - Même si le confinement n'a pas été appliqué partout de la même manière, d'autres pays européens ont-ils pris des décisions analogues pour faire contribuer les assureurs ?
M. Charles Guené . - Je suis assez sensible à cette contribution fondée sur le résultat d'exploitation, car la notion du chiffre d'affaires m'a toujours gêné. Cependant, cette proposition de loi a trois défauts majeurs. Premièrement, elle est systémique. Si le dispositif proposé ne concernait que la pandémie actuelle, j'aurais pu y adhérer. Deuxièmement, pourquoi ne cibler que les assurances ? D'autres secteurs d'activité peuvent profiter d'effets d'aubaine. Troisièmement, enfin, en visant le résultat d'exploitation, le résultat comptable peut différer avec les provisions. C'est pourquoi je ne suis pas favorable à ce texte.
M. Thierry Cozic . - Je défends le mécanisme proposé par notre collègue Olivier Jacquin : celui-ci est juste et proportionné. Le dispositif vise non pas à ponctionner les profits des assureurs, mais les sur-profits. Eu égard au système de financement des assurances, ces derniers ont été indûment obtenus et doivent faire l'objet d'un prélèvement au profit des assurés.
Par ailleurs, ce dispositif vient en complément des dispositifs votés par le Sénat ou proposés par le Gouvernement. Et interrogeons-nous sur les propos du président des Hauts-de-France - nous n'avons pas les mêmes accointances politiques -, qui a indiqué que les assurances avaient fait de gros profits et qu'elles doivent être mises à contribution pour aider les commerçants et les restaurateurs victimes de fermetures administratives. De même, le ministre de l'économie demande un effort aux assureurs. Voilà qui confirme que cette proposition de loi a toute sa place aujourd'hui.
M. Claude Nougein , rapporteur . - Pour répondre à Éric Bocquet, le Sénat a déjà voté 2,2 milliards d'euros de taxations supplémentaires, si on additionne la taxe sur les complémentaires santé prévue dans le PLFSS pour 2021, et la contribution exceptionnelle sur les primes d'assurance dommages introduite dans le projet de loi de finances pour 2021. Je reconnais volontiers que les assureurs sont maladroits dans leur communication et leur comportement. La presse fait état, pour 2021, de hausse sur les primes à hauteur de 2 % environ pour l'assurance automobile ; ces annonces peuvent être vécues comme une provocation. Le ministre de l'économie a déclaré qu'il demandait aux assureurs de faire un geste significatif, à savoir de ne pas appliquer de hausse de primes aux restaurateurs et aux commerçants ; en contrepartie, il bloquerait la taxe de 2 % proposée par le Sénat. Il demande donc un geste de leur part, pour éviter une taxation à hauteur de 1,2 milliard d'euros. Il en va de l'intérêt des assureurs de suivre la recommandation du ministre.
Vous évoquez les sur-profits de la grande distribution ; c'est absolument faux. Le chiffre d'affaires des très grandes surfaces aurait baissé de 20 % pendant les deux confinements ; en revanche, les petites et moyennes surfaces auraient vu le leur exploser.
S'agissant de la mise en oeuvre de la garantie « pertes d'exploitation », pour les restaurateurs notamment, les assureurs avaient exclu leur application à une crise sanitaire comme celle que nous connaissons dans la plupart des contrats. Toutefois, pour 3 % des contrats, les clauses étant mal écrites, ils ont été contraints de rembourser ; pour 4 % les contrats étaient ambigus, l'affaire est portée en contentieux, avec des différences d'appréciation. Cela signifie que 93 % des contrats ne souffrent d'aucune ambiguïté.
Il s'agit donc de reconnaître que les assureurs ont fait des gestes. Par exemple, bailleurs dans des sociétés foncières, ils ont fait, comme tous les bailleurs, cadeau de deux mois de loyer. Ils ont également continué d'assurer des personnes ou des entreprises ne payant plus leurs cotisations. Certes, il faut leur tordre le bras, mais des gestes commerciaux ont été faits.
Comme Michel Canevet l'a exprimé, le problème n'est pas de taxer ou de ne pas taxer les compagnies d'assurance ; c'est le mécanisme de la taxe qui est dangereux. Par ailleurs, si cette proposition de loi devait suivre un parcours parlementaire classique, elle ne pourrait pas s'appliquer avant 2021 et ne répondrait donc pas à la crise sanitaire de 2020 ; elle s'appliquerait pour les futures crises sanitaires, sans préciser la durée, ni l'échelle, nationale ou locale.
Le danger serait également de servir d'exemple pour d'autres secteurs ; quand on met le doigt dans l'engrenage avec une taxation systématique en cas d'état d'urgence sanitaire, le bras entier peut y passer.
Pour répondre à Philippe Dallier, la direction générale du Trésor nous a indiqué que des réflexions étaient en cours dans d'autres pays européens, mais pour l'instant, ils ne semblent pas privilégier de dispositifs similaires. Souvent, en France, nous avons des idées d'impôts et de taxations assez originales, mais il est inutile de les breveter, car personne ne les suit...
Charles Guené, l'appréciation de résultats comptables est un élément important. Cette année, il peut y avoir de fortes dépréciations. Sur le bilan 2020, à mon avis, entre les engagements extracontractuels, les contributions exceptionnelles, et les dépréciations, il n'y aura pas de sur-profits.
Thierry Cozic souhaiterait ponctionner les sur-profits. Vous citez Xavier Bertrand, qui déclare vouloir mettre à contribution les assurances ; ce n'est pas le sujet, puisque le Sénat a déjà décidé de mettre à contribution les assurances à hauteur de 2,2 milliards d'euros. Faut-il aller plus loin ? Les assureurs doivent contribuer à l'effort de solidarité nationale, mais nous ne sommes pas là pour tuer la poule aux oeufs d'or. Il est important de rester raisonnable.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Le périmètre de la proposition de loi est adopté.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposé sur le Bureau du Sénat.
RÈGLES
RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE
L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
(« CAVALIERS »)
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 27 ( * ) .
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 28 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 29 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 30 ( * ) .
En application de l'article 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des finances a arrêté , lors de sa réunion du 2 décembre 2020, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 477 (2019-2020) visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les assurances pour concourir à la solidarité nationale face aux conséquences économiques et sociales d'une crise sanitaire majeure.
Ce périmètre comprend :
- toutes dispositions fiscales visant à définir les redevables, l'assiette, le taux, les modalités de recouvrement, et autres modalités d'application d'une contribution acquittée par le secteur assurantiel en lien avec une crise sanitaire majeure.
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Fédération française de l'assurance
- M. Franck LE VALLOIS, directeur général ;
- M. Philippe POIGET, conseiller de la présidente ;
- M. Christian PIEROTTI, directeur des affaires publiques et internationales ;
- Mme Viviana MITRACHE, sous-directrice, responsable du département Affaires parlementaires, pôle Affaires publiques.
Direction générale du Trésor
- M. Lionel CORRE, sous-directeur des assurances.
Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)
- M. Jean-Paul FAUGÈRE, vice-président ;
- M. Patrick MONTAGNER, secrétaire général adjoint ;
- Mme Véronique BENSAID-COHEN, conseillère parlementaire auprès du Gouverneur de la Banque de France.
Sénateur Olivier Jacquin, auteur de la proposition de loi.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl19-477.html
* 1 Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020.
* 2 Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020.
* 3 Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, et décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020.
* 4 Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, et décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020.
* 5 Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 et décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020.
* 6 Proposition de loi n° 2775 déposée le 24 mars 2020 par MM. Éric Woerth, Damien Abad et Christian Jacob.
* 7 Proposition de loi n° 394 déposée le 27 mars 2020 par Mme Catherine Dumas et plusieurs de ses collègues ; proposition de loi n° 399 déposée le 8 avril 2020 par M. Jean-Pierre Decool et plusieurs de ses collègues.
* 8 Proposition de loi n° 402 (2019-2020) tendant à définir et à coordonner les rôles respectifs des assurances et de la solidarité nationale dans le soutien des entreprises victimes d'une menace ou d'une crise sanitaire majeure, adoptée par le Sénat le 2 juin 2020.
* 9 Amendement 338.
* 10 Amendements identiques 265 rect. ter et 76.
* 11 « Confinement-reconfinement », billet publié le 4 novembre 2020 par Agnès-Benassy Quéré, cheffe économiste de la direction générale du trésor.
* 12 Rapport du Gouvernement au Parlement en application de l'article 25 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, p. 10.
* 13 Article L. 3131-12 du code de la santé publique.
* 14 Taxe sur les complémentaires santé instituée pour les exercices 2020 et 2021 par les articles 3 et 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
* 15 Amendement I-58 rect . de la commission des finances adopté lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2021.
* 16 Article 25 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificatives pour 2020.
* 17 Rapport n° 406 (2019-2020) fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances rectificative adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020, par M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, p. 186.
* 18 Fédération française de l'assurance (FFA), Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), et le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP).
* 19 Intégrant ainsi les assurances santé, dommages corporels hors santé, dommages aux biens des particuliers, dommages aux biens des professionnels, catastrophes naturelles, responsabilité civile générale, protection juridique, pertes pécuniaires diverses, et construction.
* 20 Réponse écrite de l'ACPR au rapporteur.
* 21 Réponse écrite de l'ACPR au rapporteur.
* 22 Ce montant a également été évoqué par la Présidente de la FFA, Florence Lustman, lors de son audition par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale, le 25 novembre 2020.
* 23 Rapport transmis en application de l'article 25 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificatives pour 2020, p.7.
* 24 Moyenne sur l'année 2019 établie à partir des données transmises par l'ACPR.
* 25 Selon un état des lieux publié par l'ACPR le 28 juin dernier, seuls 7% des contrats de garantie des pertes d'exploitation sont susceptibles d'entrainer une couverture des pertes d'exploitation liées à la crise sanitaire du Covid-19, dont 4 % à couverture incertaine, et 3 % à couverture garantie.
* 26 Proposition de loi n° 402 (2019-2020) tendant à définir et à coordonner les rôles respectifs des assurances et de la solidarité nationale dans le soutien des entreprises victimes d'une menace ou d'une crise sanitaire majeure, adoptée par le Sénat le 2 juin 2020.
* 27 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 28 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 29 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 30 Décision n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011 - Loi organique relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, confirmée par les décisions n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 - Loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, et n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017 - Loi organique pour la confiance dans la vie politique.