B. DES INVESTISSEMENTS IMPORTANTS QUI NÉCESSITENT TOUTEFOIS UNE VIGILANCE ET UN SUIVI ATTENTIF
La réussite des projets informatiques du ministère de la justice doit permettre d'améliorer la qualité du service rendu au justiciable mais aussi de libérer les professionnels de certaines tâches - sans créer de tâche supplémentaire fastidieuse ou leur faire perdre davantage de temps. Cette transformation numérique doit donc être particulièrement suivie, afin de s'assurer que le déploiement de nouveaux logiciels se fasse d'une part, sans dépassement des coûts prévus 11 ( * ) et d'autre part, ne soient finalement abandonnés ou peu utilisés par les professionnels .
Par exemple, le coût du projet Portalis qui vise notamment, à dématérialiser les interactions entre les acteurs de la chaîne judiciaire civile, pose question : à son lancement, le coût du projet était estimé à 57,5 millions d'euros. Son coût atteindra finalement près de 94,5 millions d'euros (+ 65 %), que le ministère justifie notamment par l'intégration au projet des impacts de la loi de programmation dans le domaine de la procédure civile .
État d'avancement du projet Portalis En 2018, le portail du SAUJ (service d'accueil unique du justiciable) a fait l'objet d'une expérimentation dans deux juridictions pilotes et a été déployé sur l'ensemble du territoire national entre le 3 décembre 2018 et le 11 avril 2019. Cette application, à destination des agents du SAUJ, leur permet de disposer des informations sur toutes les procédures civiles quelle que soit la juridiction où celle-ci a été initiée. Le portail du justiciable constitue quant à lui un enrichissement du site justice.fr, et a été expérimenté dans les ressorts des juridictions de Lille et Melun entre le 6 mai et le 29 juin 2019. Fort de ce succès, le portail a été généralisé sur l'ensemble du territoire national fin août 2019. Il permet au justiciable, personne physique, de suivre l'état d'avancement de ses procédures civiles, de recevoir des documents des juridictions (convocations, avis, récépissés) par voie dématérialisée. En mars 2020, une nouvelle brique du portail du justiciable a été réalisée afin de permettre au justiciable, pour certaines procédures sans représentation obligatoire, de saisir en ligne la justice . Une expérimentation de ce nouveau téléservice a été présentée aux deux juridictions pilotes retenues début mars mais cette phase expérimentale n'a pas pu être menée en raison de la crise sanitaire. Les travaux ont repris mi-septembre pour une durée de deux mois. Le service pourra ainsi être généralisé à l'automne 2020. Enfin, à la même échéance, le justiciable pourra également suivre l'état d'avancement de son affaire pénale, ce qui marque un nouvel enrichissement du périmètre du portail du justiciable. Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial |
Par ailleurs, le projet de procédure pénale numérique (PPN), qui a pour objectif une dématérialisation de la chaine pénale dès le début de la procédure , et qui associe le ministère de l'intérieur et de la justice doit être attentivement contrôlé et encadré . Expérimenté depuis 2019 à Amiens et à Blois, ce projet devrait coûter 39,7 millions d'euros au total : au regard du calendrier (un objectif de 45 départements concernés d'ici au premier semestre 2022) et des attendus (marchés publics à passer, travaux applicatifs et techniques à mener), le budget prévisionnel apparaît en effet particulièrement optimiste (après 7 millions d'euros prévus en AE et CP en 2020, 20,5 millions d'euros sont prévus en 2021).
* 11 La vigilance du rapporteur spécial est partagée par la commission des finances, qui s'est vue récemment remettre un rapport sur les grands projets informatiques de l'État par la Cour des comptes (La conduite des grands projets numériques de l'État - juillet 2020). La Cour des comptes relève ainsi les dérives du projet Cassiopée, dont le coût et la durée du projet s'élevaient au moment du déploiement au double de ceux prévus initialement, et qui ne tenait pas suffisamment compte des attentes des utilisateurs.