N° 3533
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 QUINZIÈME LÉGISLATURE |
N° 116
SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021 |
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Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 novembre 2020 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission mixte paritaire(1)
chargée de proposer un texte sur les dispositions restant
en discussion du projet de loi
de
programmation
de la
recherche
pour les
années
2021
à
2027
et portant
diverses
dispositions
relatives à la
recherche
et à
l'
enseignement
supérieur
,
PAR Mme Danièle HÉRIN,
Députée
|
PAR Mme Laure DARCOS,
Sénatrice
|
(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, sénateur, président ; M. Bruno Studer, député, vice-président ; Mme Laure Darcos, sénatrice, Mme Danièle Hérin, députée, rapporteurs .
Membres titulaires : MM. Stéphane Piednoir, Jean-François Rapin, Mmes Marie-Pierre Monier, Sylvie Robert, M. Julien Bargeton, sénateurs ; Mme Valérie Gomez-Bassac, MM. Pierre-Alain Raphan, Patrick Hetzel, Frédéric Reiss, Philippe Berta, députés.
Membres suppléants : MM. Max Brisson, Olivier Paccaud, Jean-Raymond Hugonet, Jean Hingray, Mme Claudine Lepage, MM. Bernard Fialaire, Pierre Ouzoulias, sénateurs ; M. Francis Chouat, Mme Fannette Charvier, MM. Régis Juanico, Pierre-Yves Bournazel, Mme Béatrice Descamps, M. Bertrand Pancher, Mme Elsa Faucillon, députés.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (15 ème législ .) : |
Première lecture : 3234 , 3339 rect. et T.A. 478 |
Sénat : |
Première lecture : 722 (2019-2020), 51 , 52 , 32 , 40 et T.A. 13 (2020-2021) Commission mixte paritaire : 117 (2020-2021) |
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur se réunit au Sénat le lundi 9 novembre 2020.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. Laurent Lafon, sénateur, président, de M. Bruno Studer, député, vice-président, de Mme Laure Darcos, sénatrice, rapporteur pour le Sénat, et de Mme Danièle Hérin, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale.
M. Laurent Lafon , sénateur, président . - Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue à nos collègues députés pour cette commission mixte paritaire consacrée au projet de loi de programmation de la recherche, qui a été déposé le 22 juillet par le Gouvernement, et adopté le 23 septembre par l'Assemblée nationale puis le 30 octobre par le Sénat, quelques semaines seulement après le renouvellement partiel de notre assemblée. Les délais ont donc été très contraints pour étudier ce texte attendu depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, par la communauté scientifique et universitaire. Je salue donc la célérité et la qualité du travail accompli par nos rapporteurs et nos deux assemblées dans des conditions compliquées.
Les amendements adoptés dans chacune d'entre elles ont, je le crois, permis d'améliorer significativement le texte présenté par le Gouvernement. La recherche joue un rôle fondamental dans le progrès de nos connaissances, la croissance de notre économie, le développement de notre industrie et la préservation de notre environnement ainsi que de notre santé, comme le rappelle avec beaucoup d'acuité la crise sanitaire que nous connaissons depuis plusieurs mois.
La recherche française fait face depuis plusieurs années à des défis que nous avons trop tardés à relever : un niveau de financement trop faible, des chercheurs insuffisamment rémunérés et valorisés, des organisations administratives trop complexes et, le plus inquiétant peut-être, une parole scientifique de plus en plus contestée. L'attente qui entoure l'issue de notre commission mixte paritaire (CMP) est donc grande. Il nous appartient aujourd'hui de trouver un accord qui dépasse les enjeux d'opinion et les postures partisanes, et qui soit susceptible de dessiner un avenir partagé pour la recherche française. Je sais que nos rapporteurs ont travaillé en ce sens, en lien aussi avec le Gouvernement.
M. Bruno Studer, député, vice-président . - Le projet de loi qui nous réunit porte la marque d'une ambition renouvelée pour la politique française de la recherche, que la crise sanitaire rend, si cela était nécessaire, encore plus impérative. Au-delà de la programmation des crédits des programmes 172, 193 et 150 et de l'Agence nationale de la recherche (ANR), qui permettra de renforcer massivement l'effort public de recherche de notre pays, à un horizon qu'il reviendra à notre commission de fixer définitivement, il comporte également de nombreuses dispositions, parfois techniques, qui constituent autant de facteurs de simplification et de modernisation tant des carrières des chercheurs et des enseignants-chercheurs que, plus largement, de notre système de recherche.
Le texte a déjà été enrichi par nos deux assemblées. Nombre de modifications et d'articles additionnels adoptés par le Sénat précisent et complètent le texte que l'Assemblée avait adopté en septembre. Je sais que nos rapporteurs ont travaillé en bonne intelligence pour rapprocher les positions de nos deux assemblées. J'espère donc sincèrement que nous parviendrons à un texte équilibré, acceptable par l'Assemblée nationale et le Sénat, afin que cette loi de programmation puisse entrer en vigueur dès 2021 et apaiser les inquiétudes et incompréhensions qui ont pu s'exprimer à son sujet au sein de la communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Danièle Hérin, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale . - Il nous appartient de trouver un accord sur les points sur lesquels nos assemblées respectives ont exprimé des divergences, de forme ou de fond, sur les dispositions du projet de loi déposé par le Gouvernement.
Nous avons eu, tout au long de la semaine dernière, des échanges nourris et fructueux entre nous, ainsi qu'avec la ministre, qui nous ont permis de présenter aujourd'hui à la commission mixte paritaire, comme nous le souhaitions tous, un projet de texte équilibré et satisfaisant, qui retient les principaux apports de l'Assemblée nationale et du Sénat, et prend en compte nos préoccupations respectives, moyennant des concessions réciproques.
En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté les grandes lignes du texte proposé par le Gouvernement en l'enrichissant considérablement sur nombre de points importants. Je pense aux dispositions introduites sur le suivi de l'exécution de la loi par le Parlement ou l'actualisation régulière de la programmation. Je pense aussi aux différentes mesures prises pour renforcer l'attractivité des carrières, aux contrats doctoraux ou à la sécurisation des contrats à durée indéterminée (CDI) de mission, à la reconnaissance des docteurs et aux simplifications apportées au fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur et de recherche.
S'agissant de l'évaluation, l'Assemblée nationale a profondément révisé l'article 10 sur le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES), qui sera désormais une autorité publique indépendante, dotée de la personnalité morale, aux missions renforcées. Les députés ont également apporté des améliorations aux mécanismes de financement de la recherche et à l'articulation du monde de la recherche avec la société. Enfin, l'Assemblée nationale a considérablement étoffé le rapport annexé.
Sans vouloir empiéter sur ce que dira Laure Darcos dans un instant, je crois pouvoir dire qu'il y a eu une réelle convergence entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur l'essentiel des dispositions proposées par le Gouvernement. Ce n'était bien sûr pas le cas sur tout, notamment la durée de la trajectoire budgétaire que le Sénat a souhaité réduire à sept ans au lieu de dix. Nous y reviendrons, mais pour le reste, le Sénat s'est surtout attaché à renforcer encore un certain nombre de sujets sur lesquels les députés avaient porté leur attention.
Les discussions que nous avons eues ces derniers jours nous permettent de vous proposer aujourd'hui un texte de nature à faire consensus au sein de notre commission mixte paritaire.
Je veux notamment saluer le fait que le rapporteur du Sénat soit d'accord sur la durée de la programmation, et nous vous proposerons, en conséquence, de nouvelles rédactions des articles 1 er et 2, qui reviennent à la fois à la durée initiale de dix ans et prennent aussi en considération des préoccupations exprimées par le Sénat, en intégrant notamment les crédits du plan de relance dans la programmation et en précisant l'effort budgétaire au cours des premières années. Ainsi, la rédaction que nous vous proposons renforce les financements de l'ANR dès les premières années et accroît le choc budgétaire attendu par la communauté scientifique.
Sur le titre II, relatif à l'attractivité des métiers, le Sénat a adopté la plupart des dispositions du projet de loi, en particulier les chaires juniors de professeur et de directeur de recherche, la création d'un contrat à durée déterminée (CDD) pour des doctorants effectuant leurs travaux de recherche dans une entreprise privée, l'encadrement du contrat post-doctoral ou la mensualisation de la rémunération des vacataires.
Nous sommes ainsi parvenus à un compromis sur l'article 3 relatif aux chaires juniors, qui pourront représenter 20 % maximum des recrutements pour les directeurs de recherche et 15 % pour les professeurs - c'est la limite votée par le Sénat.
Le Sénat a ajouté des dispositions intéressantes auxquelles nous souscrivons : le fait que les maîtres de conférences puissent être nommés professeurs sans qualification du Conseil national des universités (CNU) ; l'expérimentation pour les universités de la possibilité de recruter des maîtres de conférence hors liste de qualification du CNU - cela peut être utile dans des spécialités qui n'y sont pas représentées ; la facilitation du recours au CDI de chantier pour les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) et les fondations ayant une activité de recherche.
S'agissant du titre III, nous vous proposerons des améliorations rédactionnelles, à la fois concernant le HCERES et les questions d'intégrité scientifique, avec la suppression de l'article 10 A introduit par le Sénat, étant entendu que ce sujet majeur reste traité au sein de l'article 10. Nous avons également amélioré le dispositif prévu à l'article 12 en renforçant les précisions introduites par le Sénat en matière de destination du préciput.
J'en viens aux deux dernières parties du texte, les articles 13 et suivants. Je tenais d'abord à remercier le sénateur Pierre Ouzoulias, dont l'amendement sur les possibles conflits d'intérêts des chercheurs a introduit l'article 13 A. Ce sujet avait également préoccupé les députés, mais nous n'étions pas arrivés à une formulation satisfaisante. Celle-ci permettra à la loi d'aborder ce sujet important.
Nous sommes également d'accord avec votre commission de la culture au sujet des articles 22 ter et 22 quater , adoptés en séance publique par le Sénat malgré un avis défavorable du rapporteur. Le souci du bien-être animal procède assurément de bonnes intentions, mais les mesures proposées nous entraîneraient dans une fausse direction. Il est opportun de les supprimer.
Enfin, le Gouvernement nous avait demandé plusieurs habilitations pour prendre des ordonnances. Les débats à l'Assemblée nationale avaient déjà mis au jour les réticences des députés à les lui accorder toutes. Je pense notamment aux interventions en séance publique de notre collègue le recteur Patrick Hetzel. Nous reconnaissons que les sénateurs ont su, sur la question de l'enseignement supérieur privé, faire preuve d'une fermeté plus grande encore que la nôtre. Certes, on peut regretter que la disparition des dispositions correspondantes rende à l'exécutif la tâche plus difficile pour opérer, dès la rentrée de septembre 2021, la remise en ordre qu'il appelle de ses voeux. Mais il serait inélégant de notre part de ne pas saluer ce succès du Sénat dans sa défense des droits du Parlement.
Il nous appartient donc de trouver un accord sur les points pour lesquels nos assemblées respectives ont exprimé des divergences, de forme ou de fond, sur les dispositions du projet de loi déposé par le Gouvernement.
Mme Laure Darcos , sénatrice, rapporteur pour le Sénat . - Nous voici arrivés presque au terme d'un long travail mené par nos deux chambres sur ce sujet si central de l'avenir de notre recherche.
Je tiens tout d'abord à remercier nos collègues rapporteurs de l'Assemblée nationale, qui ont enrichi le texte initial du Gouvernement. À son tour, le Sénat a imprimé sa marque, si bien que le texte que nous proposons aujourd'hui à la CMP reflète la sensibilité propre à chacune de nos assemblées.
Je veux évoquer rapidement nos principaux points de satisfaction, mais également de déception.
Les points de satisfaction tout d'abord. Je suis heureuse de pouvoir dire que tous les groupes du Sénat ont vu certaines de leurs mesures adoptées et préservées dans le texte de la CMP, ce qui n'est pas si fréquent et montre notre capacité à oeuvrer ensemble. Ainsi, je veux citer :
- la contribution du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et en particulier celle de Pierre Ouzoulias, à la prise en compte de l'intégrité scientifique à l'article 10 ;
- la vigilance de Sylvie Robert et du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur l'article 20 bis , qui échouait à définir des situations d'urgence justifiant le recours à des procédures exceptionnelles. Nous proposerons de maintenir la suppression adoptée par le Sénat ;
- l'avancée sur la date de mise en oeuvre de la mensualisation de la rémunération des vacataires à l'article 6 bis , à l'initiative de Jean-Pierre Decool et du groupe Les Indépendants - République et Territoires ;
- la dispense de qualification nationale pour le recrutement des professeurs des universités à l'article 3 bis , à l'initiative de notre collègue Jean Hingray et du groupe Union Centriste ;
- l'inscription, à l'initiative de Julien Bargeton, parmi les missions du service public de l'enseignement supérieur, de la sensibilisation aux enjeux de la transition écologique et du développement durable à l'article 20 ter.
Notre rapporteur des crédits de l'enseignement supérieur, Stéphane Piednoir, a également été à l'origine de plusieurs modifications importantes, comme l'expérimentation de la dérogation à la qualification nationale pour le recrutement des maîtres de conférences, les conditions pour devenir chef d'un établissement de recherche, ou encore les précisions sur les objectifs de la répartition du nouveau préciput, en lien avec Jean-François Rapin, que je remercie pour son aide sur l'article 2.
Je n'oublie pas non plus notre président Laurent Lafon, qui a renforcé le dispositif des « cordées de la réussite » à l'article 20 et a proposé l'instauration d'un délit d'entrave à la tenue de débats organisés au sein des universités, que nous proposerons de déplacer à l'article 20 bis AA.
J'en viens maintenant à notre principale déception, dont nous aurons à reparler au moment de l'examen des articles : la durée et le niveau de la programmation. Même si, pour parvenir à un accord, nous n'avions pas d'autre choix que d'accepter les dix ans, je dois bien dire que cette temporalité sans équivalent pour une loi de programmation, corrélée à un niveau d'engagement très largement absorbé par l'inflation, n'apportera pas le sursaut budgétaire dont la recherche a besoin. Néanmoins, le Gouvernement a entendu la position du Sénat et a accepté de revoir sa copie en présentant une nouvelle trajectoire des autorisations d'engagement (AE) de l'ANR, plus ambitieuse sur les deux premières années.
Je voudrais enfin dire un mot sur un sujet qui a suscité ces derniers jours beaucoup d'émoi, celui des libertés académiques. L'amendement adopté au Sénat à l'article 1 er A, que nous avons déplacé à l'article 9 bis , n'avait évidemment pas pour but d'entraver ce principe constitutionnel, mais de le conforter. Je comprends cependant que cette ambition, que j'estime encore pour ma part essentielle, n'a pas été bien comprise, et je vous proposerai donc une nouvelle rédaction.
En conclusion, je crois que nous devrons tous faire preuve de la plus grande vigilance dans les prochaines années, notamment par l'intermédiaire de la clause de revoyure, pour nous assurer que les promesses budgétaires de ce projet de loi se concrétisent réellement dans les faits. Je tiens enfin à souligner les conditions particulières de l'examen de ce texte en séance au Sénat : il était concomitant avec l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, et le cabinet de la ministre nous envoyait ses amendements le matin même de leur examen en séance...
M. Patrick Hetzel, député . - Le groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale a salué les avancées du Sénat en termes budgétaires et pour ramener la durée de la programmation de dix à sept ans. Chacun convient qu'il faut donner plus de moyens à la recherche. La rédaction du Sénat constituait un progrès significatif à cet égard. Malheureusement, je crains que, pour parvenir à un accord, on ne revienne sur ce point. Les chercheurs nous ont pourtant alertés. Les financements manquent ; le glissement vieillesse-technicité (GVT), par exemple, n'est pas financé.
Deux sujets sont source de difficultés. La suppression, même à titre d'expérimentation, de la qualification préalable par le CNU pour les maîtres de conférences ou les professeurs d'université a créé un émoi considérable parmi la communauté universitaire, suscitant une pétition qui a recueilli 28 000 signataires parmi les enseignants-chercheurs. Il ne s'agit pas d'une question de droite ou de gauche. Le CNU et la qualification sont un élément essentiel d'équilibre de notre système. Je suis inquiet qu'on souhaite le supprimer. On risque de susciter des problèmes majeurs au sein de la communauté académique, d'autant plus que le CNU comme les universitaires n'ont pas été consultés. Est-il vraiment possible de modifier un élément essentiel du recrutement sans en débattre avec les intéressés ?
Un autre enjeu est la liberté académique, qui est un droit constitutionnel. Là aussi, j'espère que nous trouverons un point d'équilibre.
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La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.