Rapport n° 82 (2020-2021) de M. Mathieu DARNAUD et Mme Françoise GATEL , fait au nom de la commission des lois, déposé le 28 octobre 2020

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N° 82

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 octobre 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi organique (procédure accélérée) relatif à la simplification des expérimentations mises en oeuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l' article 72 de la Constitution ,

Par M. Mathieu DARNAUD et Mme Françoise GATEL,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Jacky Deromedi, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, M. Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Mikaele Kulimoetoke, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

680 (2019-2020) et 83 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 28 octobre 2020 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois a adopté, sur le rapport de Mathieu Darnaud (Les Républicains - Ardèche) et de Françoise Gatel (Union centriste - Ille-et-Vilaine), le projet de loi organique n° 680 (2019-2020) relatif à la simplification des expérimentations mises en oeuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution .

Ce texte permet une simplification du recours aux expérimentations locales et prévoit de nouvelles issues au terme de celles-ci. Il ne s'agit toutefois que d'ajustements essentiellement techniques, qui ne sont pas de nature à consacrer un véritable droit à la différenciation. Une révision constitutionnelle serait pour ce faire nécessaire, à l'image de celle portée par l'article 3 de la proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales , adoptée par le Sénat le 20 octobre 2020.

Suivant l'avis de ses rapporteurs, la commission des lois a adopté le projet de loi organique, en clarifiant les issues possibles à l'issue de l'expérimentation et en renforçant son évaluation, consubstantielle à la méthode expérimentale.

I. LES EXPÉRIMENTATIONS SUR LE FONDEMENT DU QUATRIÈME ALINÉA DE L'ARTICLE 72 DE LA CONSTITUTION : UN DISPOSITIF PEU UTILISÉ

A. L'INSCRIPTION DANS LA CONSTITUTION DES EXPÉRIMENTATIONS LOCALES EN 2003

La méthode expérimentale, selon laquelle les théories doivent être observées et évaluées afin d'éliminer celles qui ne fonctionnent pas et de les remplacer par d'autres, a d'abord fondé le développement des sciences biologiques, physiques et médicales avant de s'étendre aux sciences sociales.

La recherche en sciences sociales s'est par la suite progressivement imposée comme un outil indispensable pour la conception des politiques publiques. C'est ainsi que l'expérimentation, qui consiste à mettre en oeuvre temporairement un dispositif afin d'en mesurer, à son terme, les effets au regard d'une évaluation, a été reconnue comme une méthodologie permettant d'éclairer la décision publique.

Les premières expérimentations ont été mises en oeuvre dès 1959, avec la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 dite « loi Debré » 1 ( * ) sur l'enseignement privé qui prévoyait, dans son article 9, que les contrats dits « simples » ne pouvaient être conclus que pour neuf ans. La loi prévoyait ensuite que le Gouvernement, au regard d'une évaluation réalisée par le comité national de conciliation, devait saisir le Parlement « de dispositions nouvelles destinées à prolonger ce régime, à le modifier ou le remplacer ».

Le droit français a ainsi progressivement reconnu l'expérimentation , qui est désormais un instrument bien intégré dans la culture administrative. Tant la jurisprudence constitutionnelle 2 ( * ) qu'administrative 3 ( * ) ont admis qu'une autorité administrative peut procéder à une expérimentation en édictant, pour une période temporaire, une règle dérogatoire ne s'appliquant qu'à une partie de la population ou du territoire.

Toutefois, le juge constitutionnel avait jugé contraire à la Constitution l'habilitation par le législateur des collectivités territoriales à déroger, à titre expérimental, à des dispositions législatives et réglementaires en vigueur . Il avait considéré que le législateur ne pouvait déléguer sa compétence dans un cas non prévu par la Constitution, fût-ce à titre expérimental, dérogatoire et limité dans le temps 4 ( * ) .

C'est la raison pour laquelle le Parlement a souhaité inscrire cette possibilité dans la Constitution par la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République . Un dispositif de portée générale, inscrit à l'article 37-1, a ainsi été complété par un dispositif plus spécifique inscrit au quatrième alinéa de l'article 72. Celui-ci permet aux collectivités territoriales de déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou règlementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences 5 ( * ) .

Les conditions d'une telle expérimentation ont été précisées par la loi organique n° 2003-704 du 1 er août 2003 relative à l'expérimentation par les collectivités territoriales , dont les dispositions ont été codifiées aux articles L.O. 1113-1 à L.O. 1113-7 du code général des collectivités territoriales 6 ( * ) .

Il revient à la loi ou, le cas échéant, au décret, d'autoriser les collectivités territoriales à déroger à titre expérimental aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences . La loi ou le décret définissent également la durée de l'expérimentation, qui ne peut excéder cinq ans renouvelables une fois pour une durée de trois ans, et mentionnent les dispositions auxquelles il peut être dérogé. Ils précisent également la nature juridique et les caractéristiques des collectivités territoriales autorisées à participer à l'expérimentation ainsi que, le cas échéant, les cas dans lesquels l'expérimentation peut être entreprise.

B. UN BILAN EN DEMI-TEINTE

1. Un faible nombre d'expérimentations menées sur le fondement de l'article 72 de la Constitution...

Seules quatre expérimentations ont été menées sur la base de l'article 72 de la Constitution depuis sa création. L'une d'entre elles a été abandonnée, les trois autres généralisées avant leur évaluation.

Les expérimentations menées sur le fondement
du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution

Le revenu de solidarité active (RSA), destiné à assurer aux personnes sans ressources ou disposant de faibles ressources un niveau minimum de revenu, a été expérimenté entre 2007 et 2008 dans trente départements volontaires (loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 et loi n° 2007-123 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat ). Il a été généralisé le 1 er juin 2009, avant son évaluation finale.

La tarification sociale de l'eau , lancée en 2013 par la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification sociale de l'eau et sur les éoliennes , a été prolongée en 2018 jusqu'en 2021, avant d'être généralisée par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique , avant son évaluation finale 7 ( * ) . Elle a été expérimentée par 50 communes et établissements publics de coopération intercommunale, qui pouvaient mettre en oeuvre de nouvelles tarifications de l'eau et de l'assainissement, ainsi que des systèmes d'aides au paiement de la facture d'eau afin de garantir un meilleur accès à ces services aux ménages les plus modestes.

Les nouvelles modalités de répartition de la taxe d'apprentissage des fonds non affectés par les entreprises ont été expérimentées par deux régions à partir du 1 er janvier 2017, à la suite de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels . L'expérimentation a été abandonnée à la suite de la réforme de la taxe d'apprentissage portée par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel .

L' accès à l'apprentissage jusqu'à l'âge de 30 ans a été expérimenté par neuf régions entre 2017 et 2019, à la suite de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels avant d'être généralisé avant son évaluation finale par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui a ouvert l'accès à l'apprentissage jusqu'à l'âge de 29 ans.

Source : Rapport de la commission des lois sur les propositions de loi constitutionnelle
et organique
pour le plein exercice des libertés locales , adoptées par le Sénat le 20 octobre 2020 8 ( * )

Le faible nombre d'expérimentations menées sur le fondement de l'article 72 de la Constitution ne doit pas laisser penser que les collectivités territoriales sont rétives à la méthode expérimentale .

Les collectivités sont tout d'abord souvent engagées dans des expérimentations menées sur la base de l'article 37-1 de la Constitution. Les députés Jean-René Cazeneuve et Arnaud Viala estimaient, en 2018, que 28 expérimentations mises en oeuvre sur la base de l'article 37-1 intéressaient les collectivités territoriales 9 ( * ) . C'est par exemple le cas de l'expérimentation « Territoires zéro chômeurs » dont la prolongation est actuellement discutée par le Parlement.

Les autorités disposant d'un pouvoir normatif peuvent par ailleurs recourir à l'expérimentation dans l'exercice de ce pouvoir 10 ( * ) . Lorsque la loi confie aux collectivités territoriales l'exercice d'une compétence, elles peuvent, sous réserve du respect des dispositions législatives et réglementaires nationalement applicables, décider d'une expérimentation dans cette matière afin de tester la pertinence d'une politique publique. Cela peut par exemple être le cas en matière de collecte et de traitement des déchets, de transport, ou encore d'aides sociales. L'on peut ainsi citer l'expérimentation menée par la commune de Dunkerque portant sur la gratuité des transports collectifs le weekend entre 2015 et 2018, qui a été généralisée à l'ensemble de la semaine en 2018.

2. ...Qui s'explique notamment par une procédure trop contraignante

Le faible recours aux expérimentations locales fondées sur le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution s'explique par un cadre qualifié par le Conseil d'État dans son étude intitulée « Les expérimentations : comment innover dans la conduite des politiques publiques ? », d'« excessivement contraignant ». Deux difficultés sont en particulier soulignées : une procédure trop lourde, et une issue binaire de l'expérimentation.

La procédure à suivre pour participer à des expérimentations fondées sur le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution est très lourde et dissuade souvent les collectivités . Pas moins de sept étapes sont prévues par la loi organique pour qu'une expérimentation locale soit lancée :

- une loi ou un décret autorise l'expérimentation ;

- l'organe délibérant de la collectivité prend une délibération motivée pour demander à entrer dans l'expérimentation ;

- la collectivité la transmet au représentant de l'État qui l'adresse au ministre en charge des collectivités territoriales assortie de ses observations ;

- le ministre vérifie que les conditions légales -ou réglementaires- sont remplies ;

- le Gouvernement fixe par décret la liste des collectivités autorisées à prendre part à l'expérimentation ;

- les collectivités prennent des actes dérogatoires qui sont transmis au préfet ;

- ces actes sont publiés au Journal Officiel , ce qui conditionne leur entrée en vigueur.

Cette procédure aux multiples étapes prend du temps : à titre d'exemple, l'expérimentation sur la tarification sociale de l'eau a été décidée en 2013, mais le décret fixant la liste des collectivités y participant n'est paru que deux ans plus tard, le 14 avril 2015 11 ( * ) .

Seconde difficulté : l'issue binaire de l'expérimentation . La loi organique prévoit en effet soit que la mesure testée est généralisée, soit que l'expérimentation est abandonnée. Comme le soulignent les députés Cazeneuve et Viala, « cette conception restrictive de l'expérimentation a constitué un frein non seulement psychologique mais aussi financier à l'utilisation de ce nouvel outil. Pourquoi consacrer du temps et des moyens humains et financiers pour concevoir, mettre en oeuvre et évaluer une expérimentation qui risque, in fine , d'être abandonnée ? » 12 ( * ) .

C. UNE ÉVALUATION LACUNAIRE

Même si le Conseil constitutionnel juge qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose au législateur de déterminer les modalités de l'évaluation consécutive à une expérimentation 13 ( * ) , l'évaluation est consubstantielle à la méthode expérimentale . Cette rigueur méthodologique est nécessaire à un double titre :

- elle est la condition de la robustesse et de la capacité de l'expérimentation à éclairer le mieux possible le décideur à son issue ;

- dans les expérimentations fondées sur le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, parce qu'elles portent atteinte au principe d'égalité en prévoyant qu'une mesure expérimentale s'applique sur une partie seulement du territoire, l'autorité compétente doit savoir si la mesure testée est pertinente pour atteindre l'objectif qu'elle s'est fixé. L'évaluation est donc le contrepoids indispensable à l'instabilité du droit et à la rupture d'égalité qui caractérise ces expérimentations.

La loi organique prévoit une évaluation systématique des expérimentations fondées sur le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution : l'article L.O. 1113-5 du code général des collectivités territoriales dispose qu'avant l'expiration de la durée fixée pour l'expérimentation, le Gouvernement transmet au Parlement, aux fins d'évaluation, un rapport assorti des observations des collectivités territoriales qui ont participé à l'expérimentation . Ce rapport expose les effets des mesures prises par les collectivités en ce qui concerne notamment le coût et la qualité des services rendus aux usagers, l'organisation des collectivités territoriales et des services de l'État ainsi que leurs incidences financières et fiscales.

L'expérience montre cependant que les évaluations n'ont jamais été rendues à temps . Sur les quatre expérimentations menées sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, une seule a fait l'objet d'une évaluation qui a néanmoins été rendue un mois après sa pérennisation.

De même, l'article L.O. 1113-5 du code général des collectivités territoriales dispose que chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport retraçant l'ensemble des propositions d'expérimentations et demandes à participer à une expérimentation formulées par les collectivités territoriales , en exposant les suites qui leur ont été réservées. Ce rapport, pourtant prévu depuis 2003, n'a jamais été rendu .

L'insuffisance de l'évaluation se retrouve également dans les expérimentations menées sur la base de l'article 37-1 de la Constitution. Comme le souligne le Conseil d'État dans son étude précitée, aucune information pour l'issue de 65 expérimentations n'est disponible. Ce chiffre élevé démontre la nécessité de renforcer le suivi précis et régulier des expérimentations menées.

II. LE PROJET DE LOI ORGANIQUE : SIMPLIFIER LA PROCÉDURE DES EXPÉRIMENTATIONS LOCALES ET CLARIFIER LES ISSUES POSSIBLES

A. L'ÉTUDE DU CONSEIL D'ÉTAT

Face au constat partagé de faible recours aux expérimentations fondées sur le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, le Conseil d'État a adopté le 4 juillet 2019 une étude intitulée « Les expérimentations : comment innover dans la conduite des politiques publiques ? ». Il y propose plusieurs évolutions afin d'alléger les contraintes procédurales pesant sur les collectivités territoriales à l'entrée et au cours de l'expérimentation, en :

- mettant fin à l'exigence d'autorisation par décret en Conseil d'État pour entrer dans l'expérimentation ;

- ne subordonnant plus l'entrée en vigueur des normes à la publication au Journal Officiel , mais en maintenant cette publication à titre informatif ;

- appliquant le droit commun du contrôle de légalité aux actes des collectivités pris dans le cadre de l'expérimentation 14 ( * ) .

Il propose également, à cadre constitutionnel constant, d' ajouter deux issues possibles aux expérimentations :

- la possibilité de généraliser des mesures prises à titre expérimental à une partie seulement des collectivités, dans le respect du principe d'égalité ;

- la possibilité de modifier la loi régissant l'exercice de la compétence objet de l'expérimentation, afin de donner aux collectivités territoriales compétentes davantage de marges de manoeuvre.

B. LE PROJET DE LOI ORGANIQUE

Sur la base des recommandations du Conseil d'État, le Gouvernement a déposé, le 29 juillet 2020, sur le bureau du Sénat un projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en oeuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution 15 ( * ) .

Celui-ci poursuit quatre objectifs : simplifier les conditions de participation à l'expérimentation (1), assouplir le régime juridique des actes pris par les collectivités territoriales durant l'expérimentation (2), ajouter deux issues possibles aux expérimentations locales (3) et supprimer l'un des rapports au Parlement (4).

1. Simplifier les conditions de participation à l'expérimentation

Aujourd'hui, toute collectivité territoriale entrant dans le champ d'application défini par la loi - ou, le cas échéant, par le règlement - peut demander, dans le délai imparti par celle-ci, à participer à l'expérimentation. Le Gouvernement a compétence liée pour l'y autoriser (par décret) si les conditions légales sont remplies.

La procédure permettant de bénéficier de l'expérimentation est toutefois longue. Les délais entre la promulgation de la loi et la publication du décret était ainsi de :

- 9 mois pour l'expérimentation sur le RSA ;

- 2 ans pour l'expérimentation sur la tarification sociale de l'eau ;

- 5 mois pour les expérimentations sur la répartition de la taxe d'apprentissage des fonds non affectés par les entreprises et sur l'accès à l'apprentissage jusqu'à l'âge de 30 ans.

Le projet de loi organique propose donc, dans ses articles 1 er , 2, 4 et 7, de simplifier la procédure permettant de bénéficier de l'expérimentation .

Au lieu d'une procédure comptant de nombreuses étapes, toute collectivité entrant dans le champ d'application de l'expérimentation pourrait décider par délibération motivée d'y participer . Il reviendrait au préfet, et non plus au Gouvernement, de vérifier dans le cadre du contrôle de légalité que la collectivité remplit les conditions législatives - ou, le cas échéant, règlementaires - de participation.

Dans le cas contraire, le représentant de l'État pourrait assortir son recours contre la délibération d'une demande de suspension, la délibération cessant alors de produire ses effets jusqu'à ce que le tribunal administratif ait statué sur sa demande.

La délibération motivée de l'assemblée délibérante par laquelle la collectivité déciderait de participer à l'expérimentation serait publiée au Journal Officiel à titre informatif. En cas de demande de suspension, la délibération ne serait publiée qu'une fois la décision du tribunal administratif rendue.

2. Rapprocher le régime juridique des actes pris pendant l'expérimentation du droit commun

Les articles L.O. 1113-3 et L.O. 1113-4 du code général des collectivités territoriales organisent le régime juridique des actes pris par les collectivités territoriales dans le cadre de l'expérimentation.

Les actes à caractère général et impersonnel d'une collectivité territoriale portant dérogation aux dispositions législatives ou règlementaires doivent mentionner leur durée de validité. Ils entrent en vigueur après leur transmission au préfet dans le cadre du contrôle de légalité et leur publication au niveau local, ainsi que leur publication au niveau national au sein du Journal Officiel .

Si, dans le cadre du contrôle de légalité, le préfet exerce un recours contre un acte et l'assortit d'une demande de suspension, l'acte cesse de produire ses effets jusqu'à ce que le tribunal administratif ait statué sur la demande. Si le tribunal administratif n'a pas statué dans un délai d'un mois suivant la saisine, l'acte redevient exécutoire.

L'article 3 du projet de loi organique modifie profondément ce régime, en le rapprochant du droit commun :

- la publication de l'acte au Journal Officiel ne serait plus nécessaire à son entrée en vigueur, mais ne serait réalisée qu'à titre informatif ;

- les actes seraient contrôlés au titre du contrôle de légalité dans les conditions de droit commun. Cela signifie qu'en cas de demande de suspension de l'acte, le tribunal devrait se prononcer sur la demande avant que celle-ci ne produise ses effets.

3. Ajouter deux issues à l'expérimentation

À l'expiration de la durée prévue pour l'expérimentation, trois possibilités sont offertes au législateur ou au pouvoir réglementaire par les articles L.O. 1113-6 et L.O. 1113-7 du code général des collectivités territoriales :

- prolonger l'expérimentation ou en modifier les contours, pour une durée qui ne peut excéder trois ans ;

- généraliser les mesures prises à titre expérimental ;

- abandonner l'expérimentation.

L'issue binaire -généralisation ou abandon- des expérimentations se justifie par le principe d'égalité : les expérimentations fondées sur le quatrième alinéa de la Constitution y permettant des dérogations, celles-ci doivent nécessairement être temporaires.

Dans les collectivités territoriales de droit commun en effet, à l'inverse des collectivités à statut particulier ou des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, les règles d'attribution et d'exercice des compétences sont en principe les mêmes au sein de chaque catégorie de collectivité : la Constitution ne prévoit pas de possibilités d'adaptation pour prendre en compte les « caractéristiques » ou « contraintes particulières » de certaines de ces collectivités. Pour autant, et comme le souligne le Conseil d'État dans son avis sur la différenciation des compétences des collectivités territoriales relevant d'une même catégorie et des règles relatives à l'exercice de ces compétences 16 ( * ) , il n'en résulte pas que les règles applicables aux compétences des collectivités territoriales doivent être identiques pour toutes les collectivités relevant de la même catégorie . Le principe d'égalité, applicable aux collectivités territoriales, « ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit » 17 ( * ) .

La loi peut ainsi, à droit constitutionnel constant, différencier les modalités d'exercice des compétences en fonction des différences de situation objectives entre les collectivités territoriales , même si celles-ci appartiennent à la même catégorie. Elle peut également renvoyer au pouvoir réglementaire local , consacré depuis 2003 par le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, pour la définition de ses modalités d'application. Les collectivités territoriales sont alors amenées à définir elles-mêmes les conditions d'exercice de leurs compétences.

Ce sont ces possibilités qu'entend traduire l'ajout de deux issues possibles aux expérimentations prévu par l'article 6 du projet de loi organique. Le Gouvernement propose de compléter l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales en indiquant que :

- l'expérimentation peut également aboutir au maintien des mesures prises à titre expérimental dans les collectivités territoriales ayant participé à l'expérimentation, ou dans certaines d'entre elles, et leur extension à d'autres collectivités territoriales ;

- la loi peut également modifier les dispositions régissant l'exercice de la compétence ayant fait l'objet de l'expérimentation.

L'abandon de l'expérimentation ne serait quant à lui plus explicitement mentionné parmi les issues possibles de l'expérimentation.

4. Le contrôle du Parlement

Le Parlement, qui autorise l'expérimentation lorsqu'il s'agit de déroger à des dispositions législatives, doit être en mesure de décider en toute connaissance de cause de potentielles modifications à apporter au cours de l'expérimentation ou de l'issue qu'il donnera à celle-ci.

C'est la raison pour laquelle l'article L.O. 1113-5 du code général des collectivités territoriales prévoit que le Parlement est destinataire de deux types de rapport réalisés par le Gouvernement :

- un rapport d'évaluation à la fin de l'expérimentation, afin qu'il puisse décider de l'issue de celle-ci ;

- un rapport annuel récapitulant l'ensemble des demandes d'expérimentation formulées par les collectivités et effectuant un bilan des entrées dans les expérimentations.

Depuis 2003, le rapport annuel n'a jamais été rendu . Le projet de loi organique, dans son article 5, propose en conséquence de le supprimer définitivement, indiquant dans l'étude d'impact que « cette disposition permettra d'alléger les obligations qui incombent au Gouvernement [car] il ne sera pas nécessaire de mettre en place un dispositif interministériel visant à recueillir, auprès des départements ministériels concernés, les propositions d'expérimentations formulées par les collectivités territoriales ainsi que les suites qui leur ont été réservées » 18 ( * ) .

Le Gouvernement considère également que « ce rapport présente un moindre intérêt, s'agissant des demandes de participation des collectivités territoriales prévues par la loi ou le règlement, dès lors que le projet de loi organique supprime la procédure de candidature des collectivités territoriales » 19 ( * ) .

C. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS

1. Un projet de loi organique d'une faible portée

Le projet de loi organique a pour objet de simplifier les conditions de participation à l'expérimentation et de clarifier les issues possibles au terme de celles-ci . Il s'agit de dispositions auxquelles la commission des lois ne peut qu'être favorable, car elles apportent des ajustements à la procédure des expérimentations locales qui seront sans doute bénéfiques à leur développement.

Les expérimentations locales constituent en effet un outil contribuant à l'atteinte de l'objectif d'adaptation du droit aux réalités locales . Il faut toutefois le souligner, le projet de loi organique ne permettra pas une différenciation accrue par rapport à ce qui est possible aujourd'hui . Alors que le Gouvernement annonce un projet de loi « 3D » (« décentralisation, différenciation, déconcentration »), certains considèrent que ce projet de loi organique constitue le fondement du D de différenciation. Son exposé des motifs indique ainsi qu'il permettra d'« illustrer le principe de différenciation territoriale ».

Ce serait pourtant attribuer au projet de loi organique une portée qu'il n'a pas . Sans révision constitutionnelle, les différences de traitement doivent se justifier par un motif d'intérêt général ou des différences de situation objective entre les territoires, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et ne pourront se fonder sur la volonté des collectivités territoriales.

À cadre constitutionnel constant, plus intéressante est la volonté exprimée par le Gouvernement dans l'étude d'impact du projet de loi organique et ré-exprimée à l'occasion des auditions des deux rapporteurs, de mettre en place des « guichets uniques » et des appels à projets pour que les collectivités puissent exprimer leurs demandes d'expérimentations . C'est un premier signe d'une culture ascendante qui permettra de définir des politiques publiques mieux adaptées aux réalités territoriales. Il sera toutefois nécessaire de faire un effort particulier pour développer l'ingénierie de chacune des collectivités territoriales , afin que l'expérimentation ne soit pas un moyen de développer l'inégalité des territoires en fonction de leurs capacités.

Par ailleurs, la commission des lois souhaite insister sur le fait que le développement des expérimentations ne sera bénéfique que si cela permet de responsabiliser les élus , mis en capacité d'oser et de co-construire les politiques publiques. Un ajustement de la loi, la création de « boîtes à outils » à la disposition des collectivités territoriales ou un renvoi plus large au pouvoir réglementaire sont autant de solutions à la main du législateur et du pouvoir réglementaire à l'issue de l'expérimentation qui permettent de mieux adapter la loi aux réalités territoriales.

Pour ce faire, deux axes en particulier doivent faire l'objet d'une attention particulière :

- la bonne information des citoyens et des entreprises , qui doivent être mis en capacité de comprendre le droit qui leur est applicable. Pour ce faire, la publication au Journal officiel des actes pris dans le cadre de l'expérimentation, si elle n'est plus nécessaire à leur entrée en vigueur, devra toutefois intervenir dans un délai rapide afin que le public destinataire de la mesure expérimentée soit correctement informé du droit applicable localement ;

- une évaluation des expérimentations renforcée , alors même que la culture de l'évaluation en France n'est aujourd'hui que peu développée.

Ce sont ces objectifs de clarification et d'évaluation accrue qu'a voulu mettre en oeuvre la commission des lois, par l'adoption de cinq amendements de ses rapporteurs. Parmi eux, les amendements COM-4 et COM-5 visent à clarifier la rédaction des articles 2 et 4 du projet de loi organique, et l' amendement COM-8 effectue une coordination nécessaire à l'article 7.

2. Préciser les issues possibles à l'expérimentation

Le Gouvernement, en ajoutant deux possibilités aux issues explicitement prévues pour la fin de l'expérimentation, entend mentionner dans la loi l'ensemble des possibilités dont dispose le législateur. Il s'agit sans doute d'une clarification utile, même si elle n'a que peu de portée en droit.

La pérennisation de l'expérimentation dans une partie seulement des collectivités ne pourra en effet se faire que dans le respect du principe d'égalité . Une différence de situation objective devra justifier une différence pérenne de traitement. Dans ce cadre, la pérennisation d'une expérimentation sur une partie seulement du territoire était déjà possible : il aurait suffi au législateur de cibler de manière fine, à l'aune de plusieurs critères, les collectivités pouvant se saisir de l'expérimentation 20 ( * ) . L'ajout auquel procède le projet de loi n'y change rien : une catégorisation fine sera toujours nécessaire pour une pérennisation d'une expérimentation sur une partie seulement du territoire. Celle-ci devra se justifier par des différences entre les collectivités, qui peuvent tenir à plusieurs critères comme par exemple la catégorie juridique de la collectivité, les seuils de population, la densité, ou des critères géographiques ou financiers.

La commission a donc souhaité, par l'adoption d'un amendement COM-7 de ses rapporteurs , indiquer dans la loi organique que la pérennisation sur une partie seulement du territoire ne pourra se faire que dans le respect du principe constitutionnel d'égalité . Seule une révision constitutionnelle, telle que celle envisagée par l'article 3 de la proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales adoptée par le Sénat le 20 octobre 2020 21 ( * ) , aurait permis une réelle différenciation par une pérennisation des expérimentations sur une partie seulement du territoire, sur la base de la volonté de chacune des collectivités.

De la même manière, le législateur peut déjà, dans le cadre actuel de l'expérimentation, modifier dans la loi les dispositions qui régissent l'exercice de la compétence ayant fait l'objet de l'expérimentation pour laisser davantage de marge de manoeuvre aux collectivités . Le mentionner explicitement comme le propose le projet de loi organique permet certes de donner une plus grande visibilité à cette possibilité, mais n'assouplit pas le cadre juridique en vigueur.

Enfin, la commission des lois a souhaité, par l'adoption du même amendement COM-7 de ses rapporteurs , aller au bout de la clarification des issues possibles de l'expérimentation voulue par le Gouvernement en conservant la mention explicite de la possibilité d'abandonner une expérimentation . Elle a toutefois prévu que le dépôt d'un projet ou une proposition de loi prévoyant l'abandon de l'expérimentation n'aura pas pour effet de proroger l'expérimentation au-delà du terme prévu par la loi autorisant l'expérimentation.

3. Renforcer les moyens dont dispose le Parlement pour évaluer les expérimentations

La commission des lois en est convaincue, l'évaluation est actuellement le parent pauvre de l'expérimentation, alors même qu'elle lui est consubstantielle . Le Conseil d'État, dans son étude précitée, recommande d'ailleurs de la renforcer. Il indique ainsi que l'évaluation peut intervenir à trois moments de l'expérimentation 22 ( * ) :

- durant le déroulement de l'expérience, par des retours réguliers voire continus des acteurs de sa mise en oeuvre et de son public cible ;

- à mi-parcours, afin, le cas échéant, d'adapter la mise en oeuvre de l'expérimentation ;

- à l'achèvement de l'expérimentation, afin de décider des suites qui lui seront données.

Alors que le Gouvernement souhaitait se concentrer sur l'évaluation finale, ce sont ces trois moments de l'évaluation que la commission des lois a souhaité consacrer .

Elle a donc souhaité, en adoptant un amendement COM-6 de ses rapporteurs , que l'évaluation finale de l'expérimentation prévue par l'article L.O. 1113-5 du code général des collectivités territoriales soit complétée par une évaluation intermédiaire, réalisée à mi-parcours .

Elle a également prévu, par l'adoption de ce même amendement, que chaque année, le Gouvernement devrait remettre au Parlement un rapport indiquant, d'une part, les collectivités ayant décidé au cours de l'année écoulée de participer aux expérimentations en cours et, d'autre part, les demandes d'expérimentations formulées par les collectivités qui auraient pu leur être remontées.

*

* *

La commission des lois a adopté ainsi modifié le projet de loi organique n° 680 (2019-2020) relatif à la simplification des expérimentations mises en oeuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution .

Ce texte sera examiné en séance publique la semaine du 2 novembre 2020 .

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 28 OCTOBRE 2020

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Alors que nous examinions la semaine dernière une réforme d'ampleur du droit des collectivités territoriales, au travers des propositions de loi organique et constitutionnelle issues des cinquante propositions formulées par le groupe de travail oecuménique constitué sur l'initiative du président du Sénat, qui visait à donner un nouvel élan aux libertés locales et à consacrer la pleine reconnaissance des responsabilités locales, le Gouvernement nous présente aujourd'hui un texte au souffle court, si je puis dire. Il s'agit de simplifier le recours aux expérimentations locales et de prévoir explicitement de nouvelles issues au terme de l'expérimentation.

Le droit français a progressivement fait une place assez large aux expérimentations. Ce n'est toutefois qu'en 2003, après la révision constitutionnelle, que le législateur a pu permettre aux collectivités territoriales de déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités - une durée de cinq ans, renouvelable une fois, pour une durée maximale de trois ans -, aux dispositions législatives ou règlementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences.

Cette forme d'expérimentation, que nous appellerons les expérimentations locales, est désormais inscrite au quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution. Les modalités de ces expérimentations ont été précisées par la loi organique du 1 er août 2003 relative à l'expérimentation par les collectivités territoriales, dont les dispositions ont été codifiées dans le code général des collectivités territoriales. Toutefois, cette forme d'expérimentation n'a pas prospéré. Comme nous l'indiquions la semaine dernière, seules quatre expérimentations ont été menées sur cette base. L'expérimentation concernant la répartition des fonds non affectés de la taxe d'apprentissage a été abandonnée, à la suite de la réforme de l'apprentissage ; celles qui concernent le revenu de solidarité active (RSA), la tarification sociale de l'eau et l'accès à l'apprentissage jusqu'à trente ans ont été généralisées avant même leur évaluation.

Ce faible recours aux expérimentations locales s'explique notamment par un cadre excessivement contraignant. C'est ce qu'a relevé le Conseil d'État dans une étude sur les expérimentations, qu'il a rendu publique en octobre dernier, adressant deux reproches : la procédure est trop lourde, et les issues des expérimentations sont binaires, avec une généralisation à l'ensemble des collectivités ou un abandon. Pour notre part, nous y ajouterons un troisième reproche : l'évaluation de ces expérimentations est lacunaire.

En ce qui concerne la procédure tout d'abord, pas moins de sept étapes sont nécessaires pour qu'une expérimentation locale soit lancée. La loi autorise une expérimentation ; l'organe délibérant de la collectivité prend une délibération pour demander à bénéficier de l'expérimentation ; la délibération est transmise au préfet, qui la transmet alors au Gouvernement assortie de ses observations, et le Gouvernement vérifie que la collectivité remplit les conditions de participation à l'expérimentation. Le Gouvernement fixe alors par décret la liste des collectivités autorisées à participer à l'expérimentation, lesquelles peuvent prendre des actes dérogatoires. Ceux-ci sont transmis au préfet, qui les transmet au Gouvernement afin qu'ils soient publiés au Journal officiel , et ils peuvent alors enfin entrer en vigueur.

Le Gouvernement propose donc en premier lieu de simplifier les conditions de participation à l'expérimentation. Toute collectivité entrant dans le champ d'application de l'expérimentation pourra décider d'y participer, par délibération motivée. Cette délibération, dont la légalité sera vérifiée par le préfet, sera publiée au Journal officiel à titre informatif. Il prévoit en second lieu de rapprocher le régime juridique des actes pris pendant l'expérimentation du droit commun. Ces actes seront contrôlés au titre du contrôle de légalité dans les conditions de droit commun, et la publication au Journal officiel ne sera plus nécessaire à leur entrée en vigueur, mais sera réalisée à titre informatif. Ces mesures constituent une véritable simplification de la procédure.

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Le second facteur expliquant le faible recours aux expérimentations locales est, selon le Conseil d'État, leur issue binaire. La loi organique prévoit en effet que la mesure testée est soit généralisée, soit abandonnée. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement propose de préciser que l'expérimentation peut également aboutir au maintien des mesures prises à titre expérimental dans les collectivités territoriales ayant participé à l'expérimentation, ou dans certaines d'entre elles, et à leur extension à d'autres collectivités territoriales, et que la loi peut aussi modifier les dispositions régissant l'exercice de la compétence ayant fait l'objet de l'expérimentation. La possibilité d'abandonner l'expérimentation ne sera toutefois plus explicitement mentionnée.

L'ajout des issues possibles aux expérimentations dans la loi organique permet sans doute de clarifier les possibilités dont dispose le législateur au terme d'une expérimentation. Cet ajout n'a cependant que peu de portée en droit. Le législateur, en effet, peut déjà, dans le cadre actuel de l'expérimentation, modifier dans la loi les dispositions qui régissent l'exercice de la compétence ayant fait l'objet de l'expérimentation pour laisser davantage de marge de manoeuvre aux collectivités. De même, et sans révision constitutionnelle, la pérennisation de l'expérimentation dans une partie seulement des collectivités ne pourra se faire que dans le respect du principe d'égalité. Une différence de situation objective devra justifier une différence pérenne de traitement. L'ajout de cette issue au niveau organique ne permet donc pas, comme le présente parfois le Gouvernement, une différenciation par une pérennisation des expérimentations sur une partie seulement du territoire sur la base de la volonté de chacune des collectivités.

Aussi, nous vous proposerons de préciser que cette pérennisation « partielle » ne peut se faire que dans le respect du principe d'égalité, afin d'expliciter la portée de cet ajout dans le cadre constitutionnel actuel.

Nous vous proposerons également, comme notre collègue Kerrouche, de maintenir l'abandon parmi les issues possibles de l'expérimentation. Nous pourrions toutefois corriger une anomalie de la loi organique actuelle, en prévoyant que le dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi visant à l'abandon de l'expérimentation n'aura pas pour effet de proroger l'expérimentation au-delà du terme prévu par la loi autorisant l'expérimentation.

Enfin, l'évaluation des expérimentations locales est aujourd'hui déficiente, nous l'avons souligné à plusieurs reprises. La loi organique prévoit pourtant deux types de rapport évaluatif : un rapport final réalisant une évaluation de l'expérimentation. Sur les quatre expérimentations menées sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, une seule a fait l'objet d'une évaluation, qui a été rendue publique un mois après sa pérennisation. Est également prévu un rapport annuel du Gouvernement au Parlement qui permet d'effectuer un suivi annuel des demandes d'expérimentation et des entrées dans les expérimentations en cours. Or, depuis 2003, celui-ci n'a jamais été rendu. Le Gouvernement propose donc, dans son projet de loi organique, de le supprimer.

Nous sommes quant à nous convaincus que l'évaluation est consubstantielle à l'expérimentation. Elle seule permet au législateur de définir, en connaissance de cause, les suites à donner à une expérimentation. C'est pour cette raison que nous vous proposerons de consacrer trois moments d'évaluation, conformément aux recommandations du Conseil d'État : une évaluation finale, une évaluation intermédiaire et un suivi annuel. L'évaluation finale actuellement en vigueur serait ainsi complétée par une évaluation intermédiaire, réalisée à mi-parcours pour chacune des expérimentations. Chaque année, le Gouvernement devrait également remettre au Parlement un rapport indiquant, d'une part, les collectivités ayant décidé de participer à une expérimentation locale et, d'autre part, les demandes d'expérimentations formulées par les collectivités.

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Vous l'aurez compris, le projet de loi organique que nous examinons aujourd'hui a le souffle court, mais nous y sommes favorables, car les expérimentations locales constituent un outil essentiel de nature à atteindre l'objectif d'adaptation du droit aux réalités locales, que nous défendons ardemment. Par ailleurs, les dispositions prévues apportent des ajustements à la procédure retenue afin d'en faciliter le recours. Il faut toutefois le souligner, ce projet de loi organique ne permettra pas une différenciation accrue par rapport à ce qui est aujourd'hui possible.

Cependant, la mise en place de guichets uniques et d'appels à projets afin que l'ensemble des collectivités puissent exprimer leurs demandes d'expérimentations nous semble une idée intéressante. C'est un premier signe d'une culture ascendante, qui permettra sans doute de définir des politiques publiques mieux adaptées aux réalités territoriales et de cultiver un principe qui nous est cher, celui de la subsidiarité. Cette mesure ne relève pas d'une disposition que nous pourrions inscrire dans la loi organique, mais nous serons attentifs à ce que le Gouvernement mène à bien ce projet, et nous ne pouvons à ce stade que l'encourager à progresser avec plus de détermination et d'ambition.

M. Éric Kerrouche . - Je n'y mettrai pas les formes : il ne sera pas difficile de voter ce texte dans la mesure où il n'a pas d'ambition. Le Gouvernement tente des adaptations, car il n'y aura pas de réforme constitutionnelle pendant ce quinquennat. En effet, la loi Engagement et proximité, qui devait initialement ne porter que sur le statut de l'élu, a été une loi corrective. De plus, la loi 3D - décentralisation, différenciation, déconcentration - est retardée. Le projet de loi organique qui nous est présenté donne à penser que le Gouvernement nous fait patienter. Même si la simplification procédurale des expérimentations est utile et bienvenue, je vois mal comment elle pourrait changer radicalement les choses, et je ne suis pas certain qu'elle modifie fondamentalement le rapport à la décentralisation.

Je note un décalage entre le discours gouvernemental sur les territoires et les actes. C'est ce même gouvernement qui a refusé à l'Assemblée nationale l'expérimentation du revenu de base portée par quatorze départements. Le plan de relance est extrêmement centralisateur, les collectivités n'ayant que la possibilité d'abonder des crédits d'État décidés par le préfet. Ce texte illustre un art pauvre.

Mme Dominique Vérien . - Merci pour votre rapport qui nous éclaire, notamment sur les limites du projet de loi organique. Si l'expérimentation est la bienvenue, la différenciation que nous appelons de nos voeux n'est pas encore à l'ordre du jour. Il nous faut attendre la loi 3D et un hypothétique volet constitutionnel.

Il est bon de favoriser les expérimentations pour voir si nous sommes prêts à une réelle différenciation, mais les petites collectivités n'ont pas l'ingénierie suffisante pour pouvoir les conduire. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pourra-t-elle les aider ? Encore faut-il que les services départementaux de l'Etat se développent... Même le programme « Petites villes de demain » risque d'être difficile à mettre en oeuvre.

La première étape qui nous est ici proposée devra être accompagnée en pratique.

Mme Cécile Cukierman . - Ce texte fait débat au sein de notre groupe. Les premiers articles du projet de loi organique visent à simplifier la procédure. Pourquoi pas, dirais-je, mais la capacité des collectivités à se saisir des expérimentations dépasse la simple question de la simplification.

Au travers de l'article 5, le Gouvernement veut supprimer l'obligation de transmission d'un rapport au Parlement. Or, si l'on veut inscrire l'expérimentation dans le cadre républicain, il est indispensable d'en maintenir l'évaluation et le suivi.

Quant à l'article 6, auquel nous nous opposerons, il ouvre la voie non pas simplement à une différenciation, mais à une inégalité des collectivités territoriales. Aujourd'hui, toutes les collectivités territoriales ne sont pas à égalité pour accéder aux expérimentations ; elles ne le seront pas plus demain pour les pérenniser ou non. Je ne sais pas si l'on peut attendre de l'ANCT quelque aide en la matière, mais, personnellement, je n'y crois pas. Elle sera dans l'incapacité d'apporter l'ingénierie technique qui manque cruellement à un certain nombre de collectivités.

On risque à terme d'accroître les inégalités territoriales : les lois opposent de plus en plus les métropoles aux petites collectivités. Nous ne voterons pas ce projet de loi organique.

M. Alain Richard . - Je veux saluer le travail de nos deux rapporteurs. J'approuve l'objet de ce projet de loi organique, qui permet de développer davantage l'expérimentation pouvant déboucher sur une différenciation conforme à la Constitution. Permettez-moi d'en rappeler les termes, la différenciation est possible « sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti ». Certains disent qu'il faut aller plus loin, mais cela signifie-t-il qu'il faudrait alors toucher à cette condition de base ? La discussion que nous avons eue il y a quinze jours nous a conduits à nous opposer au principe d'égalité devant le suffrage. Pour ma part, je suis favorable à la différenciation administrative, mais la différenciation sur le fond des droits des citoyens ou de ceux qui leur sont applicables est une impasse et, permettez-moi cette audace, elle n'est pas, à mon avis, fortement demandée par les collectivités territoriales.

Ce texte est de nature à faciliter les demandes d'expérimentations ; nous verrons si nombre d'entre elles porteront sur une variété des droits des citoyens, comme la possibilité d'avoir un RSA à deux vitesses, comme le propose notre collègue Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche . - Non.

M. Alain Richard . - Mais si. Il y a là, me semble-t-il, une limite sur laquelle nous devons nous prononcer. J'estime, pour ma part, qu'elle ne doit pas être franchie.

Nous allons assister à une différenciation des modalités, mais pas des finalités de l'action administrative des collectivités territoriales. Si nous diffusons, par des propos trop enthousiastes, l'illusion auprès des élus locaux que l'on peut tout faire au nom de la différenciation, ceux-ci connaîtront des désillusions.

M. André Reichardt . - Je remercie les rapporteurs de leur excellent travail. Ce texte a le souffle court en effet. Nous pouvons nous satisfaire de la simplification de la procédure. En revanche, permettez à l'Alsacien que je suis de vous dire que le compte n'y est pas pour ce qui concerne la différenciation.

Certes, tout n'est pas possible en matière de différenciation, mais quand même... Dans l'attente du fameux projet 3D, qui sera peut-être déposé en janvier prochain ou au premier semestre à tout le moins, ce texte est un pis-aller. J'ai eu l'outrecuidance de penser que peut-être la collectivité européenne d'Alsace pourrait en bénéficier en attendant des jours meilleurs. Le Gouvernement va mettre en place un appel à projets... On pourrait quasiment parler d'appel d'offres ? Quid de la différenciation ? L'Alsace souhaite l'inverse : qu'une collectivité locale puisse faire acte de différenciation, dans des conditions déterminées certes, et mettre en oeuvre une expérimentation. D'où ma grande déception.

Nous ne ferons pas la fine bouche : ne serait-ce qu'au regard de la simplification, ce texte mérite d'être mis en oeuvre. Mais il serait bon que l'on retrouve du souffle à la sortie de cette crise sanitaire afin que puisse être mise en place une véritable différenciation. Vous l'avez compris, l'Alsace l'attend.

M. Éric Kerrouche . - Je reviendrai sur les propos d'Alain Richard. On peut concevoir qu'il s'agit d'un bon texte parce qu'il n'a pas d'ambition, en s'abritant de manière jacobine derrière la Constitution... C'est une façon de voir les choses.

Sur la différenciation, arrêtons de nous mentir. Les différenciations existent déjà. Il y a autant de politiques publiques qu'il y a de communes. Comme l'a relevé Cécile Cukierman, la différence de moyens ou d'expertise ne doit pas être à l'origine de la différenciation ; là est le vrai problème.

Revenons sur les aides économiques apportées aux entreprises, monsieur Richard. Comme on fait appel au pouvoir réglementaire de chacune des régions pour les mettre en oeuvre, il y a autant de régimes d'aides économiques que de régions. Pour autant, cela signifie-t-il que notre pays ne fonctionne pas ? Non, c'est simplement une conception différente de la liberté des territoires.

Mme Cécile Cukierman . - La différence est consubstantielle à toute société. Nous sommes pour la libre administration des collectivités territoriales. À l'issue des élections, les politiques menées par les majorités en place sont différentes les unes des autres ; nous ne remettons pas ce principe en question. Mais la loi va leur donner demain des prérogatives législatives et réglementaires pour accélérer leurs capacités à apporter des réponses sur leur territoire. Dans une vision progressiste de l'action publique, la résorption des inégalités demeure un défi. Oui, il y a des pauvres, mais mon combat politique est d'essayer de résorber ces inégalités. Oui, des différences existent, mais l'article 6 va-t-il ou non aggraver les inégalités ? Je ne puis m'en satisfaire s'il les aggrave, et je suis convaincue que tel sera le cas. Il est en tout cas de nature à renforcer le sentiment d'inégalité des élus, selon qu'ils sont en zone métropolitaine ou dans un territoire riche ou pas.

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Nous avons un vrai débat sur la différenciation. Pour certains la différenciation serait une rupture de l'égalité, de l'unité républicaine ou encore un encouragement à la compétition entre territoires. Nous devrons nous accorder sur la définition de ce qu'est la différenciation.

Dès lors que l'on croit à un principe d'égalité de droits et de libertés, les moyens doivent être différenciés pour permettre d'atteindre cet objectif d'égalité. Avec les territoires d'outre-mer et la collectivité européenne d'Alsace, notre pays a une grande culture de la différenciation, à ceci près que nous ne pouvons aujourd'hui y répondre qu'en cultivant un droit d'exception.

On parle de l'égalité d'accès à la différenciation. Mesurons le besoin de différenciation selon les niveaux de collectivités. La mise en place de l'appel à projets paraît être une solution très positive, mais elle peut être très compliquée pour les petites collectivités - soyons vigilants. Monsieur Richard, nous avons été plus ambitieux en disant que la différenciation devait être plus naturelle pour servir un principe d'égalité de droits et de libertés. Il faut toucher avec précaution et légèreté, mais pertinence, à la Constitution.

La simplification de la procédure proposée par le Gouvernement va faciliter le parcours de l'expérimentation, mais le degré d'appétence des collectivités reste une inconnue.

La collectivité européenne d'Alsace est un premier pas intéressant, mais nous devons aller plus loin.

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Sur la forme, je souscris à vos propos, ce texte manque de souffle ou, à tout le moins, son ambition est relativement limitée : sa seule vertu est de simplifier la procédure des expérimentations. Je ne crois pas qu'il faille ici parler de différenciation, car il l'élude totalement.

La question de l'ingénierie des collectivités est un véritable sujet. N'y voyez pas malice, mais je ne suis pas sûr que l'ANCT apportera une réponse satisfaisante aux plus petites collectivités ou à certains départements.

Les associations d'élus que nous avons auditionnées ne nous ont, en effet, pas fait part d'une grande appétence pour les expérimentations, qui plus est pour la différenciation. Lorsque les collectivités sont en demande, elles le font savoir ouvertement ; j'en veux pour preuve l'Alsace ou d'autres territoires. Selon l'Assemblée des départements de France, le Doubs souhaiterait travailler notamment sur la question du logement.

La question des rapports est importante. Si nous devions définir chacun ce que nous entendons par expérimentation et différenciation, il y aurait autant de réponses que de sénateurs. Nous devons avancer sur ce point ; les rapports pourraient y contribuer.

En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi organique.

Pour un texte organique, le Conseil constitutionnel utilise deux critères cumulatifs : il considère comme « cavalier » toute disposition qui, d'une part, ne présente pas de lien, même indirect, avec le texte initial et qui, d'autre part, est prise sur un fondement constitutionnel différent.

En l'espèce, le périmètre du texte comprend toute disposition prise sur le fondement de l'article 72 de la Constitution et visant à modifier le droit applicable aux expérimentations réalisées sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 2

L'amendement rédactionnel COM-4 est adopté.

Article 4

L'amendement rédactionnel COM-5 est adopté.

Article 5

Mme Cécile Cukierman . - Je retire l'amendement COM-1 au profit de l'amendement COM-6 de nos rapporteurs.

Mme Françoise Gatel , rapporteur . -L'adoption de celui-ci rendrait sans objet votre amendement COM-3 , monsieur Kerrouche. Pourriez-vous nous préciser quels organismes vous souhaiteriez voir participer à l'évaluation des expérimentations ?

M. Éric Kerrouche . - Il s'agirait d'organismes publics indépendants, par exemple universitaires, de manière que cette évaluation ne soit pas laissée au seul Gouvernement ; elle doit être extérieure.

L'amendement COM-1 est retiré.

L'amendement COM-6 est adopté ; l'amendement COM-3 devient sans objet.

Article 6

L'amendement COM-7 est adopté ; l'amendement COM-2 devient sans objet.

Article 7

L'amendement de coordination COM-8 est adopté.

Le projet de loi organique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 2

M. DARNAUD, rapporteur

4

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 4

M. DARNAUD, rapporteur

5

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 5

Mme CUKIERMAN

1

Suppression de l'article

Retiré

M. DARNAUD, rapporteur

6

Institution d'une évaluation intermédiaire des expérimentations locales - maintien du rapport annuel du Gouvernement au Parlement, qui présenterait les collectivités ayant décidé de participer à une expérimentation ainsi que les demandes d'expérimentation formulées par les collectivités territoriales

Adopté

M. KERROUCHE

3

Participation d'un organisme public indépendant à l'évaluation des expérimentations - renforcement du rapport annuel du Gouvernement au Parlement

Satisfait
ou sans objet

Article 6

M. DARNAUD, rapporteur

7

Pérennisation des expérimentations dans le respect du principe d'égalité - maintien de l'abandon parmi les issues possibles d'une expérimentation

Adopté

M. KERROUCHE

2

Maintien de l'abandon parmi les issues possibles d'une expérimentation

Satisfait
ou sans objet

Article 7

M. DARNAUD, rapporteur

8

Amendement de coordination

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23  juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 23 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 24 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 25 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 26 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 28 octobre 2020, le périmètre indicatif du projet de loi organique n° 680 (2019-2020) .

Ce périmètre comprend toute disposition prise sur le fondement de l'article 72 de la Constitution et visant à modifier le droit applicable aux expérimentations réalisées sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale des collectivités locales (DGCL)

M. Stanislas Bourron , directeur général

Mme Marine Fabre , cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique

Cabinet du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Mme Lila Mahnane , conseillère parlementaire

Mme Pauline Malet , directrice adjointe du cabinet

M. Gabriel Morin , conseiller en charge de l'aménagement du territoire

Associations de représentants d'élus - « Territoires Unis »

Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) : M. Alexandre Touzet , maire de St-Yon et vice-président de la communauté de communes Juine et Renarde, et Mme Charlotte de Fontaines , chargée des relations avec le Parlement

Assemblée des Départements de France (ADF) : M. Jérôme Briend , conseiller juridique, et Mme Marylène Jouvien , attachée parlementaire

Régions de France : M. Jules Nyssen , délégué général, et M. Frédéric Eon , conseiller parlementaire et juridique.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl19-680.html


* 1 Loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement privés .

* 2 Conseil constitutionnel, 28 juillet 1993, n° 93-322 DC : « il est [...] loisible au législateur de prévoir la possibilité d'expériences comportant des dérogations aux règles ci-dessus définies de nature à lui permettre d'adopter par la suite, au vu des résultats de celles-ci, des règles nouvelles appropriées à l'évolution des missions de la catégorie d'établissements en cause ».

* 3 Conseil d'État, 24 juin 1993, n° 353605.

* 4 Conseil constitutionnel, 17 janvier 2002, n°2001-454 DC.

* 5 Le quatrième alinéa de la Constitution dispose désormais que « Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences ».

* 6 Ils constituent le chapitre III du titre unique du livre I er de la première partie du code général des collectivités territoriales, intitulé « Expérimentation ».

* 7 L'évaluation n'a en effet été publiée qu'en janvier 2020.

* 8 Rapport n° 48 (2020-2021) de Mathieu Darnaud et Françoise Gatel, sur les propositions de loi constitutionnelle et organique pour le plein exercice des libertés locales , fait au nom de la commission des lois et déposé le 14 octobre 2020. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl19-682.html .

* 9 Mission flash sur l'expérimentation et la différenciation territoriale , communication des députés Jean-René Cazeneuve et Arnaud Viala, mardi 9 mai 2018. Le rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/colter/l15b0912_rapport-fond# .

* 10 Conseil d'État, 15 juin 2007, n° 284773, Centre d'éducation routière Gargan gare et autres.

* 11 Décret n° 2015-416 du 14 avril 2015 fixant la liste des collectivités territoriales et de leurs groupements retenus pour participer à l'expérimentation en vue de favoriser l'accès à l'eau et de mettre en oeuvre une tarification sociale de l'eau.

* 12 Mission flash sur l'expérimentation et la différenciation territoriale précitée.

* 13 Conseil constitutionnel, n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016.

* 14 Actuellement, l'article L.O. 1113-4 du code général des collectivités territoriales prévoit que, dès lors que le préfet assorti sa transmission d'une demande de suspension, l'acte cesse de produire ses effets jusqu'à ce que le tribunal administratif ait rendu sa décision. Dans le contrôle de légalité ordinaire, le juge administratif statue sur la demande de suspension dans un délai d'un mois (article L. 2131-6 du même code).

* 15 Projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en oeuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution , déposé sur le bureau du Sénat le 29 juillet 2020. Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl19-680.html .

* 16 Conseil d'État, avis n° 393651 du 7 décembre 2017 sur la différenciation des compétences des collectivités territoriales relevant d'une même catégorie et des règles relatives à l'exercice de ces compétences .

* 17 Conseil constitutionnel, 6 mai 1991, n° 91-291 DC.

* 18 Étude d'impact sur le projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en oeuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution , p 35.

* 19 Étude d'impact, p 34.

* 20 La généralisation n'intervenant par la suite qu'au sein des collectivités territoriales répondant à l'ensemble de ces critères.

* 21 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl19-682.html .

* 22 Étude du Conseil d'État précitée, p 64.

* 23 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 24 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 25 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 26 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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