TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE M. GÉRALD DARMANIN, MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS (13 MAI 2020)
Réunie le mercredi 13 mai 2020, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019.
M. Vincent Éblé , président. - Nous recevons aujourd'hui, par visioconférence, M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, pour évoquer le projet de loi de règlement et d'approbation des comptes de l'année 2019.
Monsieur le ministre, vous nous avez déjà présenté, fin janvier, les premiers éléments relatifs à l'exécution 2019. Les rapports annuels de performance nous ont été transmis par la suite et le projet de loi de règlement a été déposé dès le 2 mai - contre le 15 mai l'an dernier et le 23 mai il y a deux ans. Nous notons l'effort ainsi réalisé par votre administration, alors même que la période de confinement a affecté son activité.
L'examen de la loi de règlement constitue une étape dans le « chaînage vertueux » des lois de finances, qui doit permettre d'éclairer à l'automne l'examen du prochain projet de loi de finances. Cette année, il sera une référence au regard de ce qui constituait, jusqu'à l'émergence de la crise sanitaire, une année relativement « normale » - pour autant qu'un déficit public de 3 % du PIB puisse être considéré comme normal....
Le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux vous interrogeront donc sur l'exécution budgétaire de 2019, mais les enseignements de l'année 2019 risquent de les pousser à s'intéresser également aux éléments que vous pourriez avoir sur l'exécution de l'année 2020. Sur cette question, nous avons reçu la semaine dernière Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales, pour ce qui concerne les collectivités territoriales. M. Jérôme Fournel, directeur général des finances publiques, nous a donné les premiers éléments dont il disposait sur les recettes de l'État. Nous poursuivons par ailleurs un programme d'auditions d'organismes représentatifs - la Fédération bancaire française, la Fédération française de l'assurance, la Banque de France, le Médiateur du crédit, demain l'Autorité des marchés financiers... - et d'économistes.
La crise sanitaire a bouleversé toutes les prévisions budgétaires. Pourrez-vous nous préciser le calendrier du Gouvernement pour le prochain débat d'orientation des finances publiques - qui doit se tenir avant l'été -, voire pour la présentation d'un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), qui sera nécessaire afin de donner de la visibilité sur l'évolution du budget de l'État, à l'heure de la reprise espérée de l'économie et de la préparation d'un plan de relance annoncé à maintes reprises ?
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. - Il y a quelque chose de saugrenu, voire d'anachronique, à parler de la loi de règlement de 2019, tant les choses ont changé... Mais il me semble important de l'évoquer, car le Sénat et l'Assemblée nationale auront à en débattre. Cet exercice est nécessaire pour le contrôle de l'action gouvernementale et afin d'enrichir notre réflexion pour l'avenir.
La situation actuelle est cependant très différente de celle de 2019?: le chômage partiel représentait 100 millions d'euros de dépenses publiques en 2019, contre 26 milliards d'euros au cinquième mois de 2020. Les montants ne sont pas du tout du même ordre... En 2019, nous avons perçu 281,3?milliards de recettes fiscales, soit 8 milliards d'euros de plus que ce que prévoyait la dernière loi de finances rectificative (LFR) - les recettes ont été supérieures de 2 milliards d'euros pour l'impôt sur les sociétés, de 1,3 milliard d'euros pour l'impôt sur le revenu et de 3?milliards d'euros pour l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) et le prélèvement forfaitaire unique (PFU) -, grâce à un meilleur recouvrement, à la lutte contre la fraude et au civisme économique. En 2020, nous enregistrons au contraire 43 milliards d'euros de recettes en moins par rapport à la LFI pour les cinq premiers mois de l'année... Ces deux années sont donc difficilement comparables.
Mais, comme le souligne aussi la Cour des comptes, il y a eu un assainissement des comptes publics durant les trois derniers exercices budgétaires. Le déficit budgétaire était de 3,4 % du PIB lorsque je suis arrivé aux responsabilités, en mai 2017 ; il était de 2,9 % fin 2017, après les premières mesures d'économies, de 2,3 % en 2018 et de 2,1 % en 2019, soit un niveau largement inférieur à ce que certains, notamment le rapporteur général, craignaient. Pendant ces trois ans, la croissance avait pourtant ralenti, certes moins en France que dans le reste de l'Europe. Pourtant, le projet de budget pour 2019 a été modifié quelques semaines après son vote en raison de la crise des « gilets jaunes » et des annonces du Président de la République à la suite du grand débat. Malgré cela, les comptes ont été tenus sans budget modificatif, et nous avons diminué le niveau de déficit de 1,3 point en trois exercices budgétaires.
Si les recettes fiscales ont augmenté, les taux d'imposition ont baissé avec la suppression de la taxe d'habitation (TH), la baisse de l'impôt sur les sociétés (IS), la réforme de la fiscalité du patrimoine...
Nous avons aussi lutté contre la fraude fiscale, en nous inspirant des travaux du Sénat ; je me félicite de ce consensus.
L'impôt a été également mieux recouvré, grâce au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, qui a apporté 1,3 milliard d'euros de recettes supplémentaires. La Cour des comptes a salué la sincérité et la qualité des comptes de l'État, mais elle a déploré, à juste titre à mon sens, la complexité de notre fiscalité : les taxes affectées, les dépenses fiscales, des dispositions dérogatoires compliquées nuisent au principe d'unité budgétaire. Sur ce point, le ministre de l'action et des comptes publics regrette, tant vis-à-vis de ses collègues que du Parlement, la création de ces dispositions qui affectent la sincérité, la simplicité et la lisibilité des comptes.
Ces résultats valident la stratégie économique et fiscale du Président de la République depuis 2017. Juste avant la pandémie, nous avions le taux de chômage le plus bas depuis vingt ans, le plus grand nombre de créations d'emplois, notamment industriels, dans les territoires les plus touchés - je pense notamment aux Hauts-de-France - le plus grand nombre de créations d'entreprises depuis deux décennies, le meilleur taux de croissance de l'Union européenne, une consommation qui repartait à la hausse et des baisses des impôts sur le capital et sur les entreprises... Ces baisses d'impôts n'ont pas provoqué de diminution des recettes, la courbe de Laffer se trouvant ainsi vérifiée. C'est par l'encouragement de la valeur travail et de la croissance des entreprises que nous avons obtenu plus de recettes fiscales et de cotisations sociales. Cela nous a permis de continuer à baisser les impôts. En 2019, l'Insee et la Cour des comptes ont constaté un recul de la dette. Ce cercle vertueux doit nous inspirer. La solution aux difficultés actuelles ne saurait être en aucun cas la création d'impôts nouveaux, mais plutôt l'encouragement de la croissance, de l'investissement et de la consommation. Par cohérence, le Gouvernement va maintenir les baisses d'impôts, voire en proposer d'autres. Si la Covid-19 n'était pas là, dans une sorte d'utopie ou d'uchronie, sans doute commenterions-nous aujourd'hui les bons chiffres du Gouvernement?! Avec des comptes assainis, le Gouvernement a pu continuer à emprunter plus et à soutenir les salariés et les entreprises.
Je vous remercie d'avoir noté les efforts consentis par mon administration pour déposer quinze jours plus tôt que l'an dernier le projet de loi de règlement. Utilisons l'examen de ce texte comme un temps de discussion important, qui permettra à l'exécutif de mieux travailler. L'exécution budgétaire est aussi importante que les inscriptions budgétaires, et les parlementaires sont soucieux de débattre des chiffres et de la sincérité du budget.
J'ai tenu ma promesse : il n'y a eu aucun décret d'avance en 2019, le pouvoir d'autorisation des dépenses du Parlement a été respecté. C'est la seconde fois en quarante-cinq ans qu'il n'y a pas eu de décret d'avance...
M. Vincent Éblé , président. - Il n'est pas impossible que certains membres de la commission souhaitent vous interroger sur l'exercice 2020, au lieu de se limiter strictement à un regard rétrospectif sur l'année 2019.
Dans son rapport sur l'exécution 2019, la Cour des comptes renouvelle ses critiques contre les techniques de débudgétisation, notamment via les fonds sans personnalité juridique contrôlés par l'État, dont les comptes ne sont jamais présentés au Parlement. Ainsi, le fonds pour l'innovation dans l'industrie, alimenté par des dividendes, n'a pas réellement de ressources sanctuarisées, d'autant que devaient s'y substituer les recettes provenant de la privatisation d'Aéroports de Paris, reportée voire abandonnée... En tirerez-vous les conséquences dans le projet de loi de finances pour 2021, en supprimant tout simplement ce fonds pour construire, au sein du budget général, une mission budgétaire ou un autre véhicule plus efficace afin de porter les crédits nécessaires à la relance de notre économie ?
La fiscalité affectée est également un moyen fréquemment utilisé pour contourner les contraintes de l'autorisation budgétaire et pratiquer une forme de débudgétisation. Le plafonnement des recettes au profit du budget de l'État est par ailleurs souvent mal compris, les organismes taxés estimant que leurs contributions doivent être utilisées conformément à leur objet ou que, sinon, il n'a pas lieu d'être. Souscrivez-vous à la recommandation de la Cour des comptes de mieux encadrer la fiscalité affectée ? Ferez-vous de nouvelles propositions dans ce domaine ?
L'exercice 2019 a été marqué par la suppression de la comptabilité d'analyse des coûts, qui contribuait à donner une vision plus complète des coûts d'une politique en présentant notamment les déversements entre missions. Lorsque cette comptabilité d'analyse des coûts a été supprimée par un décret d'octobre 2018, elle devait être remplacée par une comptabilité analytique remplissant des objectifs similaires. Où en est ce projet de généralisation d'une comptabilité analytique de l'État, au-delà de l'expérimentation qui en est faite ?
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - Je me réjouis qu'il n'y ait pas eu de décret d'avance ni de projet de loi de finances rectificative (PLFR) en 2019, mais cette joie aura été de courte durée, car il y a déjà eu deux PLFR cette année, et il sera encore probablement nécessaire d'adapter les dispositifs, peut-être par exemple sur le chômage partiel, même s'il y a un léger retour d'activité, et sans parler encore de relance. Avez-vous prévu un PLFR pour juin ? Concernera-t-il les dispositifs actuels ou prévoyez-vous de nouvelles mesures ? Comprendra-t-il un volet de relance??
Vous vous êtes réjoui de la bonne tenue des comptes, mais nous en avons une vision un peu différente... Depuis 2017, nos voisins ont réduit leur endettement de 5 points de PIB, alors que le nôtre reste au niveau élevé de 98,1 % selon le projet de loi de règlement. Nous avons choisi, contrairement à nos voisins, même d'Europe du Sud - sauf l'Italie - le recours au déficit et à l'endettement. De ce fait, l'Allemagne a beaucoup plus de marges de manoeuvre dans la crise actuelle. Je craignais précédemment que nous en ayons moins, dans l'hypothèse d'un choc pétrolier - c'est actuellement le contraire - ou d'un krach boursier. Ne regrettez-vous pas vos choix, notamment celui de ne pas « avoir réparé la toiture pendant que le soleil brillait », selon la formule de John Kennedy reprise par Christine Lagarde au FMI ? Nous avons un peu trop profité de l'élasticité des recettes pour ne pas faire d'efforts...
Les ministères de l'intérieur et des outre-mer ont connu une croissance de leur masse salariale supérieure à 3 %. La hausse de la masse salariale du ministère de l'intérieur est supérieure de près de 150 millions d'euros à ce qui était prévu en loi de finances, soit un écart de près de 1 %. Disposez-vous d'éléments explicatifs ? S'agit-il par exemple du versement de primes ?
Au contraire, seulement 18,4 % des crédits de paiement ouverts en LFI pour le plan « France Très haut débit » ont été consommés. Or la situation actuelle montre toute l'importance du télétravail ou de l'enseignement à distance, tandis que le directeur général des finances publiques nous a fait part de ses difficultés à mettre en oeuvre le télétravail. Nous avons besoin d'équipements pour accéder au très haut débit, et cette très faible consommation des crédits est regrettable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - J'ai fait mienne votre critique sur la débudgétisation.
Le fonds pour l'innovation dans l'industrie devait être abondé par les privatisations de la Française des jeux et d'Aéroports de Paris. Il appartient au ministre de l'économie et des finances, créateur et ordonnateur du fonds, de décider s'il faut le rebudgétiser au travers de missions particulières ou s'il doit continuer à être alimenté par des recettes de dividendes. Il a promis qu'il améliorerait les choses pour 2021, notamment avec le plan « batteries ». Il présentera sa stratégie. Ce fonds finance aussi le programme d'investissements d'avenir.
Ce n'est pas moi qui pèche sur la fiscalité affectée, mais plutôt le Parlement...
M.?Vincent Éblé , président. - Ce n'est pas faux...
M. Gérald Darmanin,?ministre. - Cette fiscalité affectée serait pédagogique, dit-on ; ce n'est pas évident... On ne peut pas affecter tous les crédits par rapport aux recettes : la culture ne peut pas payer pour la culture, ni l'éducation pour l'éducation. Personne ne voudra taxer les enfants?! Mais recourir à ce type de fiscalité a parfois été un réflexe... Il faut mieux encadrer, et même parfois supprimer, certains dispositifs de fiscalité affectée. Nous avons supprimé et rebudgétisé certaines petites taxes depuis 2017, parfois des « contributions volontaires obligatoires », curiosité lexicale des finances publiques ! Nous avons pu voir, avec la taxe sur les farines, qu'il était difficile de toucher à ces taxes. Mais nous avons supprimé les petites taxes, les remplaçant par des lignes budgétaires de 200 millions à 300 millions d'euros. Il faudra faire de même pour les taxes moyennes et grosses. Ces taxes sont d'autant moins comprises qu'elles sont plafonnées et que le surplus revient au budget de l'État. Mais invente-t-on un tuyau pour les dépenses ? Celles-ci doivent-elles correspondre obligatoirement aux recettes ? Si l'on continue ainsi, on ne fera pas d'économies ; or les dépenses publiques s'élèvent actuellement à 61 % du PIB...
La fiscalité affectée marche dans un sens mais pas dans l'autre. Ainsi, on a demandé au budget général de l'État de compenser l'effondrement des recettes des amendes des radars dû à la destruction de ceux-ci, alors qu'elles profitaient aux départements, à la Sécurité routière et à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Mais lorsqu'il y a trop de recettes, on n'est pas content que l'État récupère le surplus... Les parlementaires autorisent les crédits et donnent un avis sur les politiques publiques, or si la fiscalité est affectée, vous ne décidez plus de grand-chose... Le ministre de l'action et des comptes publics, lui, est favorable à ce que l'on rebudgétise au maximum.
Le ministère des armées est précurseur en matière de comptabilité analytique?; il présentera ses travaux lors de l'examen du prochain budget. De nombreux ministères ont également été sensibilisés, mais le Covid-19 a freiné la généralisation du dispositif.
Mieux vaut un PLFR qu'un décret d'avance, monsieur le rapporteur général?! Je vous remercie des débats constructifs que nous avons eus lors de la discussion des deux derniers PLFR et des compromis obtenus. La tentation était grande, pour le Gouvernement, de faire des décrets d'avance, mais nous avons préféré avoir recours à un PLFR, avec une autorisation parlementaire explicite.
Nous déposerons un troisième PLFR fin juin ou début juillet. À l'exception de quelques mesures, nous ne serons plus dans l'urgence, mais dans la résilience, en vue d'accompagner certains secteurs toujours fermés ou dont les conditions sanitaires de réouverture sont difficiles, comme le tourisme, la restauration, les activités sportives ou culturelles. Nous annoncerons aussi des mesures en faveur des collectivités territoriales - je m'y suis engagé.
Le plan de relance, troisième étape après l'urgence et la résilience, ne sera pas contenu dans ce PLFR. Nous aurons une grande concertation nationale, en lien avec les collectivités territoriales. Les choix n'ont pas encore été faits, car nous ne connaissons pas encore l'ampleur de la crise, nous ne savons pas s'il y aura un reconfinement, à combien se monteront les pertes de recettes et quelles seront les conditions de reprise d'activité... Le Premier ministre donnera prochainement des précisions.
La majorité sénatoriale aurait pu davantage nous encourager à faire plus d'économies pour réduire l'endettement, mais vous avez voté contre nos mesures d'économies portant sur la politique du logement ou les contrats aidés...
La comparaison avec d'autres pays n'est pas totalement juste, car nous avons rendu notre dette plus sincère, en reprenant la dette de la SNCF et en mettant fin au statut des cheminots. Nous avons ainsi comptabilisé plusieurs milliards d'euros dans la dette. Sans cette opération de vérité des chiffres, nous aurions pu réduire la dette à peu de frais. Mais nous sommes fiers de cette sincérité. L'Allemagne fait mieux que la France car elle a mieux tenu ses comptes. Avant la crise financière, Allemagne et France avaient toutes deux une dette d'environ 60 % du PIB. En 2017, après avoir eu un taux d'endettement proche de 90 %, l'Allemagne était redescendue à 65?%, mais la France est restée à 90 %. Nous pourrions plutôt nous comparer avec l'Italie ou l'Espagne ; nous avons fait mieux qu'elles.
La France a pu emprunter beaucoup, rapidement, sans être attaquée, grâce à l'euro, n'en déplaise aux eurosceptiques. L'euro a sauvé les économies européennes. Voyez les déclarations du responsable du budget britannique : il n'est pas si simple de vivre tout seul...
Vous avez raison concernant les 150 millions d'euros de dépenses supplémentaires du ministère de l'intérieur. Le protocole de décembre 2018, obtenu après un accord entre les syndicats et l'État, revalorise les salaires de la gendarmerie et de la police. Une grande partie du stock d'heures supplémentaires a été payée. Les mouvements sociaux et le G 7 mouvementé ont aussi imposé de mobiliser davantage d'effectifs. Tout cela explique ce dépassement. Le ministre de l'intérieur en est conscient.
La sous-consommation des crédits pour le plan « France Très haut débit » n'est pas due à un manque d'argent ni à des retards de l'État, mais à des retards opérationnels dans l'exécution des contrats pour des chantiers très lourds. La mise en oeuvre de la loi de programmation de la justice n'a pas non plus atteint le niveau prévisionnel des dépenses. Ce n'est pas dû à une économie de fonds publics mais à la difficulté, pour les collectivités locales, de libérer du foncier pour construire des prisons...
M. Vincent Delahaye . - Je salue la sincérité du budget et la bonne tenue des recettes, mais je serai plus critique sur les dépenses. Certes, vous avez pu profiter de taux bas pour faire des économies sur les intérêts de la dette. Si la dette finançait de l'investissement, ce serait positif, mais la majorité de cette dette paie le fonctionnement d'aujourd'hui en tirant des traites sur les générations futures - et il en est ainsi depuis longtemps...
Quel est le montant de l'investissement de l'État dans un budget de 400 milliards d'euros ?
Vous n'avez pas répondu sur la LPFP. Lorsque nous débattrons du budget nécessaire pour financer la relance, il faudra un projet de programmation des finances publiques pour savoir comment revenir à une situation plus habituelle des finances publiques. Il faudrait une LPFP avant le plan de relance économique.
Olivier Dussopt a annoncé une révision des niches fiscales en fonction de leur vertu écologique. Pensez-vous aller un peu plus loin?? J'y serais favorable, afin notamment de supprimer des niches inefficaces.
M. Yvon Collin . - Merci d'avoir développé votre analyse de la loi de règlement. La loi de finances rectificative du 25 avril reposait sur l'hypothèse d'une récession limitée à 8 % en 2020. Cela suppose un rebond de la consommation, porté par la désépargne des Français. Les Français ont beaucoup épargné. Quels leviers utiliser pour les inciter à consommer davantage ?
Les collectivités territoriales sont inquiètes de la baisse des recettes fiscales et de la hausse des dépenses. Les dépenses liées à la crise pourraient-elles être passées en section d'investissement pour ne pas grever les dépenses de fonctionnement ou dans un budget annexe « spécial Covid-19 » ?
La réforme de la taxe d'habitation se poursuivra, malgré l'impact de la crise sanitaire sur les finances publiques. Le Gouvernement l'a confirmé, allant jusqu'à évoquer un possible effet d'aubaine. La substitution d'une part de TVA à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dans un contexte de forte épargne et de chute de la consommation pourrait avoir de fortes incidences pour les départements.
Mme Sylvie Vermeillet . - Je suis rapporteur spécial du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Le niveau de la retraite unitaire moyenne des fonctionnaires baisse depuis 2010, notamment pour les catégories B et C, en raison du durcissement des conditions de durée d'assurance et d'âge. Pouvez-vous me communiquer l'actualisation de ces données pour 2019 ?
Dans la perspective de la future réforme des retraites, à moins que celle-ci ne soit définitivement enterrée, la situation des personnels actifs de la fonction publique -principalement les policiers, les militaires et le personnel hospitalier - pourrait-elle être favorablement révisée ?
Je me permets de vous faire part d'une inquiétude de mon collègue Nuihau Laurey sur la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, qui fait office de caisse nationale d'assurance vieillesse, maladie, des affaires familiales et d'Urssaf. La crise économique et le report de paiement des cotisations ont un impact immédiat sur sa trésorerie. Si aucune nouvelle source de liquidités n'est identifiée d'ici à juillet, les prestations sociales en Polynésie ne pourront plus être honorées - pensions de retraite, remboursements d'assurance maladie, dotations de fonctionnement des hôpitaux, allocations familiales, etc. Le président de la Polynésie française vous a demandé un emprunt, à l'instar des décisions prises pour la Nouvelle-Calédonie. Lui répondrez-vous favorablement, pour une application d'ici à juillet ?
M. Arnaud Bazin . - Vous avez évoqué un effort en matière de sincérité des comptes, mais l'exécution budgétaire de la prime d'activité a encore été dépassée en 2019, de plus de 800 millions d'euros, pour atteindre 9,5 milliards d'euros. Certes, il y avait une urgence qui a abouti à la réforme du dispositif, mais comment expliquer cette sous-budgétisation récurrente ? Quelles actions prévoyez-vous pour rendre le budget plus sincère ?
Au titre de 2020, 9,9 milliards d'euros sont inscrits pour la prime d'activité. Cette prévision tient-elle toujours ou prévoyez-vous un nouveau dépassement ?
Une prime exceptionnelle de 150 euros, plus 100 euros par enfant à charge, est prévue pour les familles les plus en difficulté. Ces aides seront-elles financées sur l'enveloppe de 880 millions d'euros identifiée dans le PLFR 2 au titre de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ? Si oui, cette enveloppe devra probablement être complétée pour tenir compte des besoins au titre de l'aide de solidarité et de l'aide aux étudiants précaires. Comment assurer l'intégralité du financement, qui augmentera jusqu'à 1,1 milliard d'euros ? Des mouvements budgétaires sont-ils prévus ? Les caisses d'allocations familiales (CAF), déjà fortes sollicitées, trouveront-elles les moyens d'assurer cette prestation dans un délai raisonnable ?
Les dépenses pour l'aide alimentaire, financées par la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - dont je suis rapporteur spécial avec M. Éric Bocquet -, se sont élevées à 58 millions d'euros, soit un dépassement de plus de 7 millions d'euros par rapport aux crédits inscrits en LFI, probablement à cause des dépenses déclarées inéligibles et écartées du champ des demandes de remboursement auprès de l'Union européenne au titre du Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD). La France va-t-elle pouvoir récupérer la totalité de ces fonds européens ou le budget national devra-t-il financer ce manque à gagner ?
En 2020, de nombreux compatriotes seront de plus en plus en difficulté. Les associations d'aide alimentaire sont extrêmement sollicitées. Avant la crise, cette aide profitait à 5 millions de personnes ; désormais, ce sont 8 millions de personnes qui y ont recours, selon Christelle Dubos. Le Gouvernement a annoncé une enveloppe de 39 millions d'euros pour ces associations : est-elle déjà parvenue aux associations ? Où est-ce pris dans le budget de l'État ? D'autres aides financières seront-elles débloquées sur les plans national et européen ?
M. Roger Karoutchi . - Avez-vous l'impression, pour le budget 2019, que les mesures d'urgence de 10 milliards d'euros décidées à la suite du mouvement des « gilets jaunes » ont atteint leur objectif ? Certains ont critiqué des mesures précipitées, coûteuses, qui n'auraient pas eu les effets escomptés. Qu'en est-il ?
Rapporteur spécial de la mission « Avances à l'audiovisuel public », j'observe désespérément la capacité du secteur à faire quelques économies. Vous aviez envisagé soit la suppression de la redevance audiovisuelle, soit son réajustement avec la disparition de la taxe d'habitation. Votre réflexion a-t-elle avancé sur ce sujet ?
M. Charles Guené . - Rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », je constate un décalage régulier entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement s'agissant des subventions d'investissement. Cela rend difficile le suivi de l'investissement local, d'autant que les indicateurs de performance sont peu adaptés. Seule la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) fait l'objet d'un suivi. Ne faudrait-il pas mettre un peu d'ordre pour le prochain PLF ?
Pour l'exécution 2020, avez-vous eu beaucoup de demandes d'avance sur TVA de la part des collectivités territoriales, et si oui, pour quelles sommes ? Envisagez-vous de rendre le fonds de compensation de la TVA (FCTVA) plus contemporain, ou serait-ce un projet farfelu ?
Vous avez envoyé aux préfets des directives pour un engagement plus rapide de la DETR, de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et de la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID). Quels sont les niveaux d'engagement actuels ?
N'aurions-nous pas intérêt à trouver un dispositif de neutralisation pour les indices synthétiques, qui seront bouleversés par la réforme de la TH ? Ne faut-il pas laisser de côté l'idée de revenir sur les impôts économiques, afin que les collectivités ne soient pas perturbées dans la vision de leurs ressources ?
M. Thierry Carcenac . - Je ne doutais pas que vous seriez content du travail effectué en présentant la loi de règlement ; c'est normal pour un ministre...
Après les mesures d'urgence consécutives à la crise des « gilets jaunes », nous allons arriver à une situation budgétaire plus préoccupante avec une crise sanitaire, économique et, à terme, sociale.
Vous avez indiqué fermement qu'il n'y aurait pas de création d'impôts nouveaux. Il y a quelques jours, M. Raymond Soubie, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, préconisait de créer quelques recettes nouvelles en matière de solidarité. Certes, nous n'en sommes qu'à l'exécution du budget, mais cela nous permettrait d'examiner le PLF 2021 en disposant d'éléments différents.
Avec M. Claude Nougein, je suis rapporteur spécial de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Le programme 348 « Rénovation des cités administratives » démarre lentement. Comment, dans le cadre de la relance, aller plus rapidement vers la transition environnementale ? Cela permettrait de faire des économies.
Vous avez évoqué la fraude fiscale et avez mis en oeuvre du data mining . Mais j'ai cru comprendre que, en 2019, vous avez eu des difficultés à recruter du personnel spécialisé en informatique pour s'en charger.
Nous affectons de plus en plus de TVA - 31,2 milliards d'euros cette année - à la Sécurité sociale, ce qui va poser des problèmes. Qu'en sera-t-il à l'avenir ? Peut-on savoir ce qui passe globalement du budget de l'État au budget de la Sécurité sociale ?
Mme Christine Lavarde . - La Cour des comptes vous demandait un report partiel des crédits du compte de commerce « Opérations commerciales des domaines ». Vous lui avez répondu avec un non-report de 51 millions d'euros sur 124 millions d'euros. Quelles pourraient être les « dépenses exceptionnelles » pour lesquelles vous indiquez vouloir conserver un montant prudentiel de trésorerie dans l'exposé des motifs du projet de loi de règlement ?
Pour être éligible au quatrième appel d'offres du Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP), il n'est plus forcément nécessaire d'atteindre la cible de rendement de 1 euro d'économie pour 1 euro investi dès trois ans prévue dans les trois premiers appels d'offres. Pourquoi un tel assouplissement ?
Dans le prochain projet de loi de finances, irez-vous dans le sens de la Cour des comptes, qui demande la suppression du compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs » dans sa note d'exécution budgétaire ?
M. Claude Raynal . - Monsieur le ministre, que ce soit au Sénat ou en visioconférence, vous êtes toujours aussi satisfait de votre propre travail. Mais vous oubliez de mentionner quelques éléments. Lors de votre arrivée aux affaires, la croissance était de 2,3 %, alors qu'en 2012, vos amis de l'époque nous avaient laissé une croissance de 0,2 %. En outre, il y a eu trois points de déficit public récupérés sous Nicolas Sarkozy, un peu plus de deux points sous François Hollande et à peine un point depuis que vous êtes en fonction. Et je suppose que vos déclarations sur le refus de l'impôt s'adressaient d'abord à votre propre majorité, au sein de laquelle les propositions fiscales foisonnent...
La DETR est le seul indicateur pertinent de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Les autres sont très généraux et évasifs. Pourrait-on améliorer cela à l'avenir ?
Avez-vous eu beaucoup de demandes d'acomptes sur le FCTVA pour 2020 ? Avez-vous une idée du montant déjà mobilisé au titre d'avances ?
Les projets qui relèvent de la DSIL et de la DETR sont engagés de longue date, pour des montants fixés lors de l'acceptation des dossiers. Du fait de la crise, les collectivités territoriales devront payer un peu plus cher les prestations. Envisagez-vous de laisser un peu de liberté aux préfets, évidemment à enveloppe globale inchangée, si des adaptations s'imposent ?
M. Philippe Dallier . - L'an dernier, le report de la réforme des aides personnalisées au logement (APL) vous a amené à mobiliser 627 millions de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative. Pour autant, les charges à payer de la mission « Cohésion des territoires », principalement au titre des aides au logement, augmentent de 273 millions d'euros. En 2020, la réforme du calcul des aides au logement est reportée sine die . Or, dans les deux premiers projets de loi de finances rectificative, vous ne corrigez pas le tir. La dette due au titre des aides au logement indiquée dans le compte général de l'État pourrait ainsi augmenter encore, d'autant que la dégradation de la situation économique et sociale pourrait conduire à une hausse importante du nombre d'allocataires.
La dette relative aux frais de gestion des APL qui est mentionnée dans le compte général de l'État - elle était de 137 millions d'euros en 2017, de 229 millions d'euros en 2018 et de 664 millions d'euros en 2019 -, se cumule-t-elle avec celle que je viens d'évoquer ?
M. Jean-François Husson . - Les enjeux écologiques me tenant particulièrement à coeur, je regrette l'intégration de la prime à la conversion dans le programme 174. Cette prime, qui n'est donc plus financée par les recettes du malus automobile, a été sensiblement rabotée au mois de juillet 2019, dans une logique purement comptable : elle coûtait trop cher à l'État parce qu'elle fonctionnait trop bien ! Quel bilan tirez-vous de l'opération ?
En 2019, la France, qui ne respectait pas un certain nombre de normes en matière de pollution atmosphérique, a été condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne au paiement d'astreintes. Où en est-on?? Quel est le montant des pénalités ?
L'accident de l'usine Lubrizol et la crise pandémique actuelle montrent que la culture de l'anticipation du risque reste imparfaite dans notre pays. Aucune leçon ne semble avoir été tirée. Comment justifiez-vous que les crédits consacrés à la prévention des risques naturels, technologiques ou nucléaires aient diminué dans le projet de loi de finances pour 2020 ? Que comptez-vous faire en loi de finances pour 2021 pour y remédier et mieux préparer l'avenir ?
M. Jean Bizet . - Je souhaite vous faire part de ma grande inquiétude sur l'avenir de l'euro, en raison d'abord du récent avis de la Cour de Karlsruhe et surtout de la divergence croissante entre l'Allemagne et la France. Nous traînons le péché originel de la création de la monnaie unique : Helmut Kohl et François Mitterrand ont pris une décision politique avant d'opérer un minimum de convergences, comme le souhaitait Jacques Delors.
Que comptez-vous faire pour éviter une fracture franco-allemande, que je sens de plus en plus irrémédiable, et une relégation de la France dans les pays de l'Europe du Sud, avec l'émergence possible d'un euro à deux vitesses ?
M. Jean-Marc Gabouty . - Rapporteur spécial des crédits du compte d'affectation spéciale dont relèvent les amendes de police et les amendes de radars, je suis réservé sur la fiscalité affectée, qui met en difficulté les missions concernées lorsque la source fiscale se tarit. Imaginez quelle sera la situation pour 2020 de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), qui est financée par la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, par le compte d'affectation spéciale dont je suis rapporteur spécial et par une redevance sur les recettes des sociétés d'autoroutes ! Seriez-vous favorable à une simplification et à une réduction de la fiscalité affectée ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Dans le budget exécuté en 2019, il y avait 12,4 milliards d'euros de dépenses d'investissement et 53,5 milliards d'euros de dépenses de fonctionnement, soit 600 millions d'euros de plus en investissements et 600 millions d'euros de moins en fonctionnement par rapport à 2018. Il ne m'appartient pas de répondre sur une loi de programmation des finances publiques. À l'automne dernier, alors qu'il n'y avait pas encore le Covid-19, M. le Premier ministre avait évoqué les incertitudes liées au Brexit ou au débat sur les retraites. À titre personnel, je souhaite une telle loi, mais la question est prématurée aujourd'hui. En revanche, le débat sur l'orientation des finances publiques qui était prévu pour la fin du mois de juin ne sera pas reporté ; nous pourrons aborder le sujet à cette occasion.
Je me suis engagé à construire un budget « vert » pour que le Parlement puisse contrôler les dépenses et les recettes du point de vue non seulement comptable, mais également de l'efficacité des politiques publiques en matière d'environnement. Comme l'a montré le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), il est difficile d'établir clairement si une dépense est polluante ou non. La construction d'une ligne de chemin de fer, qui permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre mais a des conséquences sur la biodiversité, ou celle d'une centrale nucléaire, qui réduit les émissions de CO2 mais produit des déchets, sont-elles, ou non, des dépenses polluantes ? Les dépenses fiscales, notamment celles qui relèvent du logement, de l'artificialisation des sols ou de la politique de la ville - cela déplaira sans nul doute à un certain nombre de parlementaires et de responsables politiques -, sont néfastes pour l'environnement. Tout est affaire de choix politiques.
M. Collin a évoqué le rebond de la consommation. Nombre de Français ont effectivement plus épargné que d'habitude. Il y a eu de l'épargne forcée - de nombreux magasins étaient fermés pendant le confinement -, mais aussi beaucoup d'épargne de précaution, par peur de l'avenir. Nous devons lutter contre l'absence de confiance. À mon sens, le grand problème que nous connaissons aujourd'hui, c'est celui du manque de confiance. Il faut convaincre les entrepreneurs d'investir, les investisseurs de venir dans notre pays et nos concitoyens de consommer. Nous devons montrer aux Français et aux entreprises qu'ils peuvent avoir confiance dans notre économie. Nous avons été confrontés aux mêmes problèmes, certes à plus petite échelle, lors de la crise des « gilets jaunes ». Pendant plusieurs mois, les mesures très fortes que le Gouvernement avait prises pour augmenter le pouvoir d'achat des Français avaient abouti à une hausse non de la consommation, mais de l'épargne, comme si nos concitoyens ne croyaient pas que les impôts allaient continuer à baisser. Puis il y a eu un déblocage, et nous avons eu des recettes fiscales très importantes, notamment au titre de la TVA. L'économie n'est pas qu'une science dure ; c'est aussi une science comportementale. Nous devons donner confiance. Et, encore une fois, le choix du Gouvernement n'est pas d'augmenter les impôts ou de reporter les baisses prévues.
En 2020 et en 2021, les collectivités locales vont connaître des difficultés liées aux baisses de recettes. Mais 70 % des recettes des collectivités locales ne sont pas liées à l'activité économique ; c'est le cas de la taxe d'habitation, de la taxe foncière et des dotations de l'État. En revanche, 30 % des recettes seront touchées. Pour certaines collectivités, la loi a prévu un plancher. Si les recettes de TVA s'écroulent, les régions percevront toujours des recettes à un niveau plancher, l'année de référence étant 2017. De même, la réforme de la taxe d'habitation prévoit un plancher et une année de référence. Cela garantit des recettes aux départements, notamment aux plus pauvres d'entre eux, en évitant une augmentation des taux qui réduirait encore la compétitivité de l'économie territoriale sans régler les problèmes sociaux. Le député Jean-René Cazeneuve doit rendre son rapport dans quelques semaines. Nous réfléchissons, dans le respect de l'autonomie financière des collectivités territoriales, à la possibilité de compensations de pertes de recettes qui n'étaient pas prévues par la loi. Les droits de mutation vont connaître un effondrement, ce qui aura des répercussions sur les finances des départements, des communes et des intercommunalités. Le Gouvernement envisage de proposer au Parlement - en 2009, personne n'a fait cela . - de compenser ces pertes de recettes. Je ne suis pas du tout favorable au tour de passe-passe qui consisterait à faire comme si toutes les dépenses des collectivités - je pense par exemple aux achats de gel hydroalcoolique ou aux salaires des agents recrutés pour veiller à la distanciation sociale dans les cantines - étaient de l'investissement ! Nous préférons travailler sur la compensation d'une partie des pertes de recettes des collectivités locales - le Premier ministre fera peut-être demain une annonce pour les collectivités touristiques - et sur la discussion comptable. Nous avons proposé aux collectivités locales et aux associations d'élus de faire soit un budget annexe, soit un compte dédié. Nous sommes en train de parvenir à un consensus.
Je vous fournirai bien volontiers les données du compte d'affectation spéciale « Pensions ».
Nos amis de Polynésie française ont raison de se poser des questions. La République française n'a évidemment pas l'intention de laisser tomber les gouvernements autonomes du Pacifique ; je vous renvoie aux mesures qui ont été prises en faveur de la Nouvelle-Calédonie dans le deuxième projet de loi de finances rectificative. Mais nous devons aussi respecter l'autonomie de ces territoires : les questions sociales relèvent de la « souveraineté » du gouvernement polynésien. Nous avons proposé que la Polynésie française puisse, à l'instar de la Nouvelle-Calédonie, bénéficier de prêts. La solidarité nationale serait ainsi maintenue tout en garantissant l'autonomie de compétences du gouvernement autonome de M. Fritch, qui mène actuellement des réformes sociales courageuses. Le Gouvernement proposera donc au travers du troisième projet de loi de finances rectificative une aide pour la Polynésie française à peu près équivalente à celle qui existe pour la Nouvelle-Calédonie.
M. Bazin m'a interrogé sur la prime d'activité. En 2019, la reprise économique a été beaucoup plus forte que dans nos prévisions. Or cette prime, versée automatiquement, s'applique entre 0,5 SMIC et 1,3 SMIC. Les millions d'euros supplémentaires tiennent non à une sous-évaluation de la part du Gouvernement, mais à la forte baisse du chômage en 2019. Au demeurant, le Parlement pourrait légitimement s'interroger sur un système dans lequel la reprise d'activité conduit à la fois à réduire les dépenses sociales, puisqu'il y a moins d'allocations chômage à verser, et à les augmenter via la prime d'activité ! Mais ce mécanisme permet effectivement d'aider ceux qui travaillent. À ce stade, je ne peux pas vous communiquer les chiffres de la prime d'activité pour 2020, mais nous sommes passés de 3 milliards d'euros à presque 10 milliards d'euros en trois ans !
Selon vous, les 880 millions d'euros prévus au titre de la prime sociale ne seront pas suffisants. Pour ma part, je n'en sais rien. Ce que je sais en revanche, c'est qu'une enveloppe de 1,7 milliard d'euros est consacrée aux dépenses imprévisibles et accidentelles. Nous aurons donc la possibilité de mobiliser si nécessaire des crédits supplémentaires sans déposer de nouveau projet de loi de finances rectificative ni prendre des décrets d'avance.
Je répondrai sur les fonds européens après m'être concerté avec Mme de Montchalin.
M. Karoutchi s'est interrogé sur l'efficacité des mesures adoptées à la suite du mouvement des « gilets jaunes ». Il appartient au Parlement d'évaluer l'action gouvernementale. À mes yeux, les décisions qui ont été prises, parfois de manière très rapide, ont été exécutées avec une grande dextérité par l'administration française, notamment par les services qui sont sous mon autorité. Cela a permis d'améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens. L'augmentation de 100 euros du SMIC a été immédiate, et nous en avons eu la traduction budgétaire. La baisse de l'impôt sur le revenu - je vois que l'aile droite de l'hémicycle est désormais très favorable au prélèvement à la source, qui a permis des recettes supplémentaires sans augmentation des impôts - aide nos concitoyens, en particulier les plus modestes, puisque le dispositif est ciblé sur les deux premières tranches. Je pense donc que ces mesures ont démontré leur efficacité.
Ma conviction sur l'audiovisuel public n'a pas changé. Son mode de financement, qui était sans doute adapté aux circonstances voilà quinze ou vingt ans, doit évoluer. D'abord, comment ferons-nous pour adresser un courrier aux redevables alors que la taxe d'habitation est supprimée ? Surtout, beaucoup de nos concitoyens regardent aujourd'hui la télévision sans téléviseur. Nous devons continuer à réfléchir sur le sujet. Le ministre de la culture y travaille. Je fais confiance aux responsables de l'audiovisuel public pour prendre les décisions courageuses qui s'imposent.
Chacun regrette les décalages entre crédits de paiement et autorisations d'engagement auxquels M. Guené a fait référence. Il est difficile de savoir comment les sommes allouées au titre de la DSIL et de la DETR seront dépensées. Si les années électorales ne sont déjà pas très bonnes pour l'investissement en temps normal, que dire de celles où les scrutins ne se tiennent pas à des dates fixes ? La décision, prise après avis du conseil scientifique, du Président de la République et du Premier ministre de permettre aux quelque 30 000 conseils municipaux élus au premier tour de se réunir pour élire les maires permettra sans doute de débloquer certains dossiers.
Monsieur Raynal, je n'ai pas autorité sur les préfets s'agissant des dotations d'investissement. Mais M. Lecornu a indiqué que l'enveloppe globale serait maintenue et qu'il serait fait preuve de souplesse. Le Gouvernement souhaite que les parlementaires soient associés aux décisions relatives à la DSIL et à la DETR.
À ma connaissance, les collectivités locales qui avaient demandé des avances de fiscalité sont au nombre de vingt et une, pour un montant total de 18 millions d'euros. J'ai autorisé des avances. Nous sommes à quasiment 50?milliards d'euros de trésorerie pour les collectivités locales.
L'idée de Nicolas Sarkozy relative au FCTVA avait bien fonctionné en 2009. Cela suppose, je le rappelle, une délibération du conseil municipal ou de la collectivité concernée. Cette mesure est réclamée par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF). Cela représente tout de même 6 milliards d'euros d'imputation budgétaire, mais il est vrai qu'une telle mesure aide l'investissement local. Pourquoi pas ? Nous y travaillons.
C'est le moment, me dites-vous, de laisser les collectivités locales tranquilles. C'est le moment, vous répondrai-je, d'aider les entreprises. Le président de l'AMF ne souhaite pas que l'on touche aux impôts de production. La décision est entre les mains du Président de la République. Nous avons indiqué plusieurs fois que ces impôts grevaient la compétitivité des entreprises, notamment dans les territoires les plus industriels. Au moment où nous voulons favoriser la réindustrialisation et la relocalisation des activités sur nos territoires, il va falloir faire un choix de politique économique !
Monsieur Carcenac, il m'arrive d'avoir des désaccords avec d'anciens conseillers de Nicolas Sarkozy, en l'occurrence M. Soubie. Je ne suis favorable ni à la sur-fiscalité ni même à l'idéologie fiscale. Dans ma région, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) provoquait la fuite des gens qui avaient du capital de l'autre côté de la frontière, tandis que nous conservions le chômage ! Le Président de la République a eu le courage de supprimer, conformément à ses engagements de campagne, cet impôt totalement idéologique ; mon ancienne famille politique ne l'avait pas fait, à mon grand regret. Au demeurant, les recettes de l'impôt sur la fortune immobilière sont plus importantes que ce qui était envisagé dans projet de loi de finances de 2019. C'est tout de même intéressant : plus on baisse l'impôt, plus les recettes augmentent. Je fais un pari : si un gouvernement un peu idéologue rétablissait demain l'ISF, vous verriez les recettes s'effondrer au bout de deux ans !
Vous avez évoqué l'immobilier de l'État. Nous avons mis beaucoup d'argent, notamment sur les cités administratives. Les remarques de la Cour des comptes étaient justes. J'ai demandé au nouveau directeur de l'immobilier de l'État, M. Resplandy-Bernard, d'appliquer ses préconisations.
Je n'ai pas connaissance de difficultés de recrutement pour l'équipe de data scientists ; l'effectif actuel correspond à ce qui était prévu. D'ailleurs, dans le projet de loi de finances pour 2020, nous avons augmenté les effectifs et les crédits.
Madame Lavarde, les critères d'éligibilité au FTAP n'ont pas changé. Nous partons évidemment du principe qu'il faut toujours faire des économies d'efficience.
Contrairement à MM. Carcenac et Raynal, je ne pense pas que la solution de chaque problème réside dans la création d'un nouvel impôt?; nos cultures politiques sont assez différentes. M. Raynal aime à procéder à des rappels quasiment préhistoriques, certainement nécessaires, pour savoir qui de M. Sarkozy ou de M. Hollande a créé le plus de problèmes de son point de vue. J'imagine que si son candidat n'a pu se représenter, c'est qu'il devait avoir un très bon bilan en matière, entre autres, de finances publiques !
Monsieur Dallier, les frais de gestion des APL étaient de 333 millions d'euros en 2019 et de 339 millions d'euros en 2018. Cela inclut la dette finale. Nous pourrons vous apporter des réponses plus précises.
J'ai du mal à suivre le raisonnement de M. Husson. La simple lecture des documents budgétaires montre que nous n'avons pas fait d'économies budgétaires sur les primes de conversion. Le dispositif a très bien marché, manifestement trop bien par rapport aux imputations comptables, mais il n'y a pas d'économies sur le budget de l'écologie, qui connaît même son augmentation la plus importante depuis la création du ministère de l'environnement, sous Valéry Giscard d'Estaing. Et je ne pense pas qu'une catastrophe comme celle de Lubrizol soit liée à des problèmes budgétaires !
La question de M. Bizet sur l'avenir de l'euro est quasiment philosophique. Encore une fois, c'est l'euro qui nous a protégés d'attaques sur les marchés financiers. Que se serait-il passé sans l'euro ? À mon avis, nous aurions été confrontés à des problèmes très importants. Nos différences de fiscalité, de politiques de relance, de politiques sociales peuvent-elles faire exploser l'euro ? C'est un risque. Des réponses européennes sont en train d'être mises en place ; la Banque centrale européenne a fait un travail formidable sous la pression des États, et M. Breton va annoncer un grand plan de relance. Nous devons continuer à discuter avec nos amis allemands. Nos politiques budgétaires et fiscales doivent être à peu près similaires. Comme l'a observé M. le ministre de l'économie et des finances, lorsque l'Italie met 2 % de son PIB dans la relance et l'Allemagne 4 % dans le soutien à son économie, on peut s'interroger. Les Européens ont le devoir de faire en sorte que cette grande construction, qui nous a apporté tant de protections, n'explose pas.
Monsieur Gabouty, je regrette également la multiplication des taxes affectées, qui relèvent dans la plupart des cas d'une fausse bonne idée. Nous sommes d'une manière générale favorables à la simplification. Nous avons avancé dans cette voie, parfois avec votre soutien, parfois malgré vos réticences. Faut-il aller plus loin . -? Le rapporteur général de l'Assemblée nationale souhaite déposer une proposition de loi organique tendant à changer le fonctionnement du budget de l'État, en revoyant la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, sujet sur lequel travaille également votre commission. Le ministère de l'action et des comptes publics sera favorable à toute simplification proposée par le Parlement.
M. Vincent Éblé , président. - Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir répondu, comme à votre habitude, de manière assez exhaustive aux interrogations de mes collègues.