II. DES LIGNES ROUGES À RESPECTER POUR MAINTENIR LA COHÉRENCE DU PROJET EUROPÉEN DANS UNE NÉGOCIATION QUI S'ANNONCE DIFFICILE
A. UNE RELATION AUSSI ÉTROITE QUE POSSIBLE DANS LE RESPECT DE L'AUTONOMIE DE L'UNION EUROPÉENNE
La proposition de résolution européenne est équilibrée : elle fixe des lignes rouges pour la négociation, tout en exprimant notre souhait de conserver une relation étroite, privilégiée , avec le Royaume-Uni.
Elle souligne notamment qu'un partenariat même très ambitieux ne pourra jamais conférer des droits équivalents à ceux d'un État membre de l'Union européenne. Il s'agit de préserver la cohérence du projet européen , qui repose sur un équilibre de droits et d'obligations. Si cet équilibre devait être rompu, l'Union européenne risquerait d'en être durablement déstabilisée.
La PPRE rappelle la nécessité de préserver l'intégrité du marché unique et de l'union douanière ainsi que les « quatre libertés » (biens, services, capitaux, personnes). Le rôle de la Cour de justice de l'Union européenne doit également être préservé, pour la cohérence de l'ordre juridique européen.
La PPRE souligne que l'objectif d'établir une zone de libre-échange implique des conditions de concurrence équitables , donc des normes communes, y compris dans le domaine fiscal . Cette harmonisation doit être envisagée de façon dynamique, c'est-à-dire en tenant compte de l'évolution des normes européennes dans le temps. En matière agricole , une vigilance particulière est nécessaire, ce qui nécessite de renforcer les effectifs et les moyens des autorités douanières et vétérinaires.
La PPRE récuse toute dissociation de la question de la pêche qui doit rester liée à l'ensemble de la négociation. Les questions à résoudre portent sur l'accès aux eaux, l'accès aux marchés et la gestion des ressources halieutiques. Les parties souhaitent un accord sur la pêche avant le 1 er juillet 2020 , ce qui doit être rendu compatible avec l'indissociabilité des différentes corbeilles de négociation , telle qu'exposée par Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État chargée des affaires européennes, lors de son audition conjointe du 19 février 2020 par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et par la commission des affaires européennes.
Sur les services financiers , le texte rappelle que, pour le Royaume-Uni, le régime du « passeport financier européen » laissera place à l'octroi d'équivalences et préconise d'en tenir compte dans le cadre d'une refonte des régimes d'équivalences existants. Un renforcement de la gouvernance et des pouvoirs de l'Autorité européenne des marchés financiers serait souhaitable.
Le texte fixe également des lignes directrices pour la négociation dans les domaines de la propriété intellectuelle (en particulier s'agissant des indications géographiques protégées), des droits des consommateurs, de l'environnement et des transports. Il rappelle notamment l'importance de préserver l'attractivité des ports de l'Union, en s'opposant à la mise en place de zones franches portuaires au Royaume-Uni .
Dans le domaine de la sécurité intérieure , le texte juge indispensable d'instituer une coopération entre le Royaume-Uni et l'Union européenne en matière d'échange de données, de coopération policière et judiciaire, assurant un haut niveau de protection de ces données.
En matière de politique étrangère, de sécurité et de défense , la PPRE promeut un partenariat étroit avec le Royaume-Uni dans les enceintes multilatérales. Elle préconise l'établissement d'un cadre permanent de consultation, de coordination et de dialogue, qui pourrait prendre la forme d'un « Conseil de sécurité européen » . Cette idée fut formulée pour la première fois dans la déclaration franco-allemande de Meseberg en juin 2018, mais suscite des divergences d'analyse au sein du couple franco-allemand. Sa valeur ajoutée pourrait être de permettre une association du Royaume-Uni aux décisions prises par les États membres de l'Union européenne, selon des modalités permettant toutefois de préserver l'autonomie de décision de l'UE.
La PPRE préconise une association - aussi étroite que possible pour un État tiers - du Royaume-Uni aux missions et opérations civiles et militaires de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et une coopération privilégiée pour le développement en commun de capacités de défense .
Lors de son discours de Greenwich du 3 février 2020, le Premier Ministre Boris Johnson a toutefois indiqué ne souhaiter ni nouveau traité ni nouvelles institutions pour traiter des questions de politique étrangère et de défense avec l'Union, ce qui exclut, de fait, l'hypothèse d'un Conseil de sécurité européen.
Le retrait britannique ne devrait, en revanche, pas affecter la coopération bilatérale franco-britannique dans le domaine de la défense . Cette coopération bilatérale sera marquée, en 2020, par la célébration de l'Appel du 18 juin et par celle des 10 ans des traités de Lancaster House. La force expéditionnaire conjointe franco-britannique doit bientôt atteindre sa pleine capacité opérationnelle. Notre coopération dans le domaine capacitaire, notamment en matière de missiles et de guerre des mines, est essentielle. Cette coopération bilatérale est structurante pour la défense européenne. Elle doit se poursuivre et se renforcer .
Enfin, la PPRE souligne l'importance du mécanisme de règlement des différends , qui devra être suffisamment dissuasif et effectif. Elle demande, en outre, un élargissement du champ des mesures de sauvegarde .