CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE
ANTITERRORISTE
Article 5
(art. 627-3, 672-2, 628-1 et 702 du code de procédure
pénale)
Extension des compétences du parquet national
antiterroriste
Cet article donne compétence au parquet national antiterroriste (PNAT) pour traiter les demandes d'entraide judiciaires adressées par la Cour pénale internationale (CPI), représenter le ministère public devant la cour d'assises dans les affaires de crimes contre l'humanité et crimes et délits de guerre, et poursuivre les crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la Nation. La commission des lois l'a adopté sans modification. |
I. Les modifications proposées au champ de compétences du parquet national antiterroriste
L'article 69 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, entré en vigueur le 1 er juillet dernier, a créé un parquet national antiterroriste (PNAT), placé auprès du tribunal judiciaire de Paris.
Ce parquet spécialisé est compétent pour connaître des infractions terroristes, des infractions relatives à la prolifération d'armes de destruction massive, des crimes contre l'humanité, des crimes et délits de guerre, des crimes de torture et de disparitions forcées commises par les autorités étatiques. Il dispose d'une compétence concurrente avec celle des autres parquets, ce qui lui permet de se concentrer sur les dossiers dont l'importance justifie qu'ils soient traités par un parquet national.
Pour les affaires entrant dans son champ de compétences, il exerce les fonctions du ministère public, que ce soit au stade de l'enquête ou de l'information judiciaire, du jugement ou de l'exécution et de l'application des peines. Il s'appuie sur un réseau de référents désignés dans les parquets dont les ressorts sont particulièrement exposés à un risque de radicalisation violente. En cas de crise, ses effectifs peuvent être renforcés par des magistrats du parquet de Paris.
L'article 5 du projet de loi vise à modifier le code de procédure pénale afin de procéder à plusieurs ajustements concernant les compétences du PNAT.
Le 1° et le 2° tendent à modifier les articles 627-1, 627-2 et 627-3 du code de procédure pénale afin de donner une responsabilité nouvelle au PNAT en matière de coopération avec la Cour pénale internationale (CPI).
Le procureur de la République antiterroriste serait ainsi chargé, en lieu et place du procureur de la République de Paris, de recevoir et d'exécuter les demandes d'entraide adressées à la France par la CPI sur le fondement de l'article 87 du statut de Rome du 18 juillet 1998, qui l'autorise à adresser des demandes de coopération aux États parties.
De même, le procureur de la République antiterroriste serait dorénavant chargé d'exécuter sur le territoire national les mesures conservatoires décidées par la Cour en application du k du paragraphe 1 de l'article 93 du statut de Rome. Ces mesures conservatoires peuvent consister en l'identification, la localisation, le gel ou la saisie du produit des crimes, des biens, des avoirs et des instruments qui sont liés aux crimes, aux fins de leur confiscation éventuelle, sans préjudice des droits des tiers de bonne foi.
Le 3° vise à modifier l'article 628-1 du code de procédure pénale afin de permettre au procureur de la République antiterroriste de représenter le ministère public devant la cour d'assises de Paris dans les affaires de crimes contre l'humanité, de crimes et délits de guerre ou de torture dont il s'est saisi.
Comme cela a été indiqué, le procureur de la République antiterroriste dispose d'une compétence concurrente pour poursuivre ces crimes et délits. Mais il ne peut, compte tenu de la rédaction de l'article 34 du code de procédure pénale, représenter le ministère public devant la cour d'assises de Paris. C'est au procureur général près la cour d'appel de Paris, ou à ses substituts, qu'incombe cette mission.
En matière antiterroriste, l'article 706-25 du code de procédure pénale prévoit une exception à l'article 34 précité, afin de permettre au procureur de la République antiterroriste ou à ses substituts de représenter le ministère public près la cour d'assisses.
Il est proposé d'instaurer une exception analogue pour les affaires de crimes contre l'humanité ou de crimes et délits de guerre : en première instance, le procureur de la République antiterroriste en personne ou ses substituts représenteraient ainsi le ministère public près la cour d'assises de Paris ; en appel, le procureur général aurait la possibilité de se faire représenter par le procureur de la République antiterroriste ou par l'un de ses substituts.
Le 4° modifie enfin l'article 702 du code de procédure pénale afin de confier au PNAT une compétence concurrente en matière de crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la Nation .
Les crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la Nation consistent en des infractions de trahison et d'espionnage, des atteintes à la sécurité des forces armées et aux zones protégées intéressant la défense nationale et des atteintes au secret de la défense nationale.
En temps de guerre, ils sont instruits et jugés par les juridictions des forces armées, conformément au code de justice militaire.
En temps de paix, ils sont instruits et jugés par les juridictions de droit commun, conformément aux règles du code de procédure pénale. Certains tribunaux judiciaires et cours d'assises ont cependant été spécialisés, par la voie règlementaire, sur ce contentieux particulier (Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Rennes, Cayenne et Toulouse). De plus, l'article 702 du code de procédure pénale confie en la matière une compétence concurrente, sur tout le territoire national, au parquet de Paris, au juge d'instruction et au tribunal correctionnel du tribunal judiciaire de Paris ainsi qu'à la cour d'assises de Paris.
La modification proposée vise à confier cette compétence concurrente non plus au procureur de la République de Paris mais au procureur de la République antiterroriste et à préciser que la compétence nationale prévue par l'article 702 concerne les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité .
II. Des modifications pertinentes au regard des compétences déjà attribuées au parquet national antiterroriste
Le Sénat s'était opposé, au moment de l'examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, à la création du PNAT, considérant que cette nouvelle structure n'apportait pas de véritable valeur ajoutée par rapport à la compétence nationale qui était auparavant reconnue au parquet de Paris.
Dès lors que le PNAT a commencé à fonctionner, il serait cependant peu justifié de s'opposer à des mesures de cohérence, qui améliorent le dispositif et réparent des oublis de la loi de programmation.
Le rapporteur s'est interrogé sur le bien-fondé de l'extension de la compétence du PNAT aux crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la Nation. À l'analyse, il apparaît que ces crimes et délits relevaient autrefois de la compétence de la section antiterroriste du parquet de Paris et que la mesure proposée a ainsi pour effet de réunir des affaires que la création du PNAT avait temporairement dissociées . Les magistrats du PNAT ont l'habitude de travailler avec la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), qui est impliquée dans la répression des crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la Nation, de sorte qu'il paraît raisonnable de confier les dossiers d'une grande complexité au parquet national antiterroriste.
La commission a adopté cet article sans modification . |