L'ESSENTIEL
La présente proposition de loi, composée de dix articles, touche à des matières variées, toutes liées à la sécurité sanitaire. Ce champ d'intervention de l'action publique, qui connaît depuis quelques temps une extension progressive, invite le législateur à réunir au service d'un même objectif - historiquement désigné par le terme de « salubrité publique » - plusieurs voies d'action relevant de logiques distinctes : mesures de police, mesures de prévention, mesures de surveillance, mesures d'urgence.
Les enjeux liés au maintien de la salubrité publique ont considérablement évolué. L'essor des nouvelles technologies ainsi que l'accroissement des mouvements de population ont conduit à une dilatation notable de leur échelle et de leurs impacts potentiels, qui nécessite qu' un regard renouvelé soit porté tant sur les acteurs que sur les outils.
Votre commission s'est montrée particulièrement attentive, au cours de l'examen de ce texte, à trois enjeux : la rationalisation de l'intervention des acteurs publics , le maintien de la pertinence des outils et des mesures dont ces derniers disposent , et le respect des droits et libertés fondamentales de nos concitoyens .
1. Rationaliser l'intervention des acteurs publics face à de nouveaux enjeux de santé publique
La proposition de loi aborde deux cas émergents de pathologies pour lesquels l' organisation actuelle de la réponse des pouvoirs publics ne paraît pas parfaitement satisfaisante : les maladies vectorielles transmises par des moustiques porteurs d'agents pathogènes (dengue, Zika, chikungunya) et les allergies entraînées par la prolifération de certaines espèces végétales nuisibles à la santé de l'homme (ambroisie).
La prévention et la lutte contre ces pathologies nécessitent d'abord que les acteurs publics compétents soient clairement identifiés . Compte tenu de leur nature initiale, limitées à des enjeux circonscrits d'hygiène publique et de « moralité », les missions de police en matière de salubrité publique ont historiquement fait l'objet d'une attribution générale au maire , qui demeure l'acteur local le plus pertinent, en raison de sa proximité, pour repérer ou évaluer le danger d'un événement sanitaire.
Cette compétence du maire a toutefois été concurrencée, au fur et à mesure de l'expansion et de la diffusion des enjeux de santé publique, par celle d'acteurs spécialisés et déconcentrés de l'État sur les territoires, aujourd'hui les agences régionales de santé (ARS) . En matière de lutte anti-vectorielle, tout l'enjeu de ce texte a été de définir la bonne articulation entre l'acteur qui fonde sa compétence sur la proximité de son action (le maire) et celui qui la fonde sur la spécialité de sa mission (l'ARS).
Au-delà des enjeux liés à l'efficacité de la lutte anti-vectorielle, le pragmatisme commandait que l'intervention du maire en la matière soit limitée à une simple obligation de signalement de toute situation suspecte , l'essentiel des mesures préventives et répressives devant relever de la compétence de l'ARS , seul acteur doté des moyens et de la force de frappe nécessaires à la lutte contre des maladies à potentiel élevé de diffusion.
Ce même pragmatisme a conduit votre commission, lorsqu'elle a redéfini le régime de police administrative préventive relatif à la lutte contre les espèces végétales dangereuses pour la santé humaine , à recentrer la compétence dans les mains de l'ARS, mais cette fois sans préjudice de celle détenue par le maire au titre des missions générales qu'il pourra, dans le cas d'espèce, continuer d'accomplir.
Enfin, la commission s'est opposée à l'augmentation de charge pesant sur les collectivités départementales que le texte comprenait en revêtant d'un caractère obligatoire la lutte contre les moustiques perçus comme nuisance.
2. Interroger la pertinence des outils existants en cas de danger sanitaire
Le caractère hautement contagieux de certaines maladies importées (fièvres hémorragiques dites « africaines ») ou parfois « autochtones » (tuberculose à bacille multi-résistant) a conduit à proposer l'instauration de plusieurs mesures que l'on pourrait qualifier de « sûreté sanitaire » . Ces dernières sont au nombre de trois :
- la simplification et la fluidification du régime actuel de la déclaration obligatoire de certaines maladies ;
- la possibilité de rechercher les personnes contacts d'une personne malade, potentiellement atteintes par la maladie, et de leur appliquer une mesure d'éviction ;
- enfin, la possibilité de prononcer l'isolement contraint d'une personne malade et contagieuse qui, refusant de se prêter à un isolement thérapeutique nécessaire, s'y verrait contrainte par l'autorité publique.
Dans ces trois cas, votre commission a souhaité évaluer la nécessité de la mesure proposée au regard du droit existant. Elle souhaite à cet égard rappeler que toute initiative relative aux données personnelles de santé et donnant lieu à des traitements innovants se doit de respecter les grands principes énoncés par la réglementation européenne au sein du règlement général de protection des données (RGPD).
Elle souhaite également souligner que notre arsenal juridique est loin d'être lacunaire en matière de réponses à apporter aux situations sanitaires exceptionnelles . Tant le ministre chargé de la santé que le préfet peuvent se trouver investis, dans diverses situations présentant une menace ou un risque grave pour la santé de la population, de pouvoirs importants pouvant aller jusqu'à la restriction de la liberté d'aller et venir pour des motifs d'ordre public sanitaire.
De nouveaux pouvoirs leur sont attribués par la présente proposition de loi, qui les circonscrit pour les rendre opérationnels, là les pouvoirs existants présenteraient l'inconvénient d'habilitations trop larges et donc peu mobilisables.
Votre commission, essentiellement soucieuse que l'enrichissement de la palette des mesures de « sûreté sanitaire » n'entraîne pas de risque de redondance ou de concurrence, n'a pas souhaité revenir sur les grandes intentions du texte initial. Elle reste néanmoins convaincue que l'action des autorités de l'État en la matière ne se trouve pas nécessairement entravée par l'inadaptation des outils que le droit met en leurs mains, mais surtout par le défaut d'appropriation de ces derniers .
3. Rester attentif à ce que la réponse des pouvoirs publics respecte toujours les droits et les libertés de nos concitoyens
Après la nécessité, c'est à la proportionnalité des mesures proposées que la commission s'est montrée particulièrement attentive.
Les modifications qu'elle a apportées en matière de traitement des données personnelles de santé ont réaffirmé avec force l'importance du principe de l'anonymat de ces données , quand bien même certaines situations permettraient d'y déroger.
Les rédactions nouvelles des articles instaurant les mesures d'éviction et d'isolement contraint qu'elle a proposées ont eu pour ambition de réaffirmer l'application à ces dernières du régime de protection des libertés fondamentales assuré par le juge des référés .
Elle s'est montrée particulièrement soucieuse que les garanties assurées aux personnes faisant l'objet d'une mesure d'éviction , dont certaines n'étaient pas mentionnées par le texte initial (notamment celle de bénéficier d'un suivi médical adapté), soient explicitement mentionnées.