B. 26,5 MILLIONS D'EUROS PRÉVUS POUR MAÎTRISER LE FLUX D'HEURES SUPPLÉMENTAIRES : UNE MESURE BIENVENUE MAIS INSUFFISANTE

Contrairement aux gendarmes, les policiers bénéficient d'une compensation au titre des services supplémentaires effectués (dépassement horaire, permanences, rappels). Sauf pour les compagnies républicaines de sécurité (CRS), dont les heures supplémentaires peuvent être payées, ces services complémentaires sont compensés par l'octroi d'heures récupérables 38 ( * ) .

Le stock d'heures supplémentaires à apurer s'élève, au 31 décembre 2018, à 23 millions d'heures. Le stock des heures supplémentaires est constitué des heures accomplies et des majorations horaires prévues dans les textes (ces dernières représentent en moyenne 20 % du stock).

Le montant du rachat du stock des heures supplémentaires accomplies s'élève à 230 millions d'euros 39 ( * ) .

Stock d'heures supplémentaires de la police nationale

(en millions d'heures)

Source : commission des finances du Sénat

Pour la première fois depuis l'émergence de cette problématique, votre rapporteur spécial relève qu'une mesure nouvelle de 26,5 millions d'euros est inscrite au PLF 2020 pour indemniser un flux annuel de 2 millions d'heures environ , correspondant au volume identifié comme incompressible par la DGPN pour donner aux chefs de service les marges de manoeuvre opérationnelles nécessaires.

Parallèlement, des évolutions réglementaires intervenues en septembre 2019 40 ( * ) prévoient de scinder le compteur des heures supplémentaires des agents en un compte historique et un compte actif, de manière à :

- geler sur le compte historique les heures supplémentaires pour une indemnisation au-dessus d'un seuil de 160 heures , ce qui représenterait environ 11,94 millions d'heures pour un coût de 148,90 millions d'euros (hypothèse basse) ;

- laisser sur le compte actif les heures supplémentaires en dessous du seuil de 120 heures, ce qui représenterait environ 13,39 millions d'heures pour un coût de 166,96 millions d'euros.

- donner la possibilité aux agents de verser sur le compte de leur choix les heures comprises entre 120 et 160 heures ;

Cette évolution apparaît bienvenue, même si votre rapporteur spécial tient à rester vigilant quant à la nécessité de ne pas laisser subsister un compte par agent d'heures supplémentaires non indemnisables trop important, au risque de déstabiliser fortement les services. En effet, les fonctionnaires peuvent liquider leurs heures supplémentaires avant leur départ à la retraite. Ces derniers étant juridiquement en congés et non en retraite, ils ne sont pas remplacés durant cette période, ce qui contribue à creuser un véritable « trou » opérationnel. Le stock de plus de 13 millions d'heures supplémentaires subsistant en-dessous de la limite de 120 heures par agents apparaît à cet égard toujours particulièrement pénalisant pour l'avenir.

La DGPN indique également que l'indemnisation des heures supplémentaires va s'accompagner, dès 2020, de mesures de contrôle et de régulation, ainsi :

- la faculté pour les chefs de service d'imposer l'utilisation des heures supplémentaires en repos au-delà d'un seuil de 160 heures va être ouverte ;

- les repos manqués par l'utilisation des heures supplémentaires accomplies seront obligatoirement restitués, ce qui permettra de réduire mécaniquement les flux.

L'apurement du stock , quant à lui, devrait démarrer dès la fin 2019, puisque le ministre de l'intérieur a annoncé mobiliser 50 millions d'euros en fin de gestion 2019 pour indemniser près de 3,5 millions d'heures supplémentaires, soit environ 15 % de l'ensemble 41 ( * ) . Si cette mesure constitue une bonne nouvelle, il est regrettable qu'elle ne figure pas dans le présent projet de loi de finances et soit reléguée à la fin de gestion de l'année.

Une telle mesure devrait être répétée plus de trois années de suite pour pleinement endiguer le stock d'heures supplémentaires situées au-dessus du seuil de 160 heures par agent (11,94 millions d'heures pour un coût de 148,90 millions d'euros), considéré par la DGPN comme devant être indemnisée afin de libérer la police nationale de ce risque latent de perte opérationnelle.


* 38 Ces dernières correspondent au nombre d'heures supplémentaires, multiplié par un coefficient allant de 1 à 3 selon le moment où elles ont été effectuées.

* 39 Le taux horaire de l'indemnité est calculé à raison des mille huit cent vingtièmes du traitement annuel brut soumis à retenue pour pension afférent à l'indice brut 342, soit 12,47 euros depuis le 1 er février 2017.

* 40 Arrêté du 5 septembre 2019 portant organisation relative au temps de travail dans les services de la police nationale (APORTT).

* 41 Audition du directeur général de la police nationale.

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