D. RENFORCER LES SANCTIONS CONTRE LES MARCHANDS DE SOMMEIL
En complément des mesures de lutte contre les marchands de sommeil adoptées dans les lois ALUR 2 ( * ) et ELAN, les sanctions pour non-respect des règles relatives au permis de louer et à la déclaration de mise en location sont renforcées aux articles 7 et 8. Votre commission est favorable à ces dispositions.
La mise en place des dispositifs comme le permis de louer ou le « permis de diviser » ou la déclaration de mise en location suppose des moyens humains importants de la part des collectivités. Au regard de ces coûts, votre commission a estimé plus logique que ce soient les collectivités territoriales qui bénéficient du produit des amendes prononcées par le préfet pour non-respect des règles relatives à ces déclarations ou autorisations ( articles 1 er , 7 et 8).
En contrepartie, votre commission a précisé que les collectivités locales ne pouvaient demander aucuns frais pour le traitement des demandes de permis de louer. En effet, dès lors que la mise en place d'un permis de louer n'est pas une nouvelle compétence imposée aux collectivités mais bien un choix qu'elles ont fait, rien ne justifie que cette mesure donne lieu à facturation ( article 2 bis).
Enfin, votre commission est favorable aux dispositions de l'article 9 de la proposition de loi qui étend la possibilité pour des associations de lutte contre l'habitat indigne d'agir en justice dans de nouveaux cas. Elle a en outre supprimé l'obligation d'obtenir l'accord de la victime lorsqu'il s'agit des infractions sanctionnant le non-respect des interdictions d'habiter, la détérioration des locaux pour les rendre impropres à l'hébergement dans le but de faire partir les occupants et le non-respect des obligations en matière de relogement. Il sera ainsi plus facile d'agir contre les propriétaires indélicats, les locataires d'un logement indigne refusant souvent d'agir en justice par peur des représailles.
E. MOBILISER ET COORDONNER LES MOYENS HUMAINS ET FINANCIERS DANS LA LUTTE CONTRE L'HABITAT INDIGNE
Toute modification de la législation aussi opportune soit-elle doit pour être efficace s'accompagner d'une mobilisation forte et coordonnée des pouvoirs publics dans la mise en oeuvre de cette politique de lutte contre l'habitat indigne et d'un déploiement de moyens humains et financiers en adéquation avec les besoins.
Comme votre rapporteur l'a constaté sur le terrain, la lutte contre l'habitat indigne nécessite que les différents acteurs, collectivités territoriales comme État, via ses services nationaux ou déconcentrés, se mobilisent fortement pour dépister l'habitat indigne, engager les procédures administratives appropriées et surtout assurer le suivi des mesures prescrites. C'est la principale demande des élus rencontrés lors des différents déplacements effectués par votre commission.
Si le préfet ne prononce pas les sanctions en matière de permis de louer, si la justice ne poursuit pas les marchands de sommeil, si les directions départementales des finances publiques ne se retournent pas contre les propriétaires défaillants pour récupérer les sommes engagées par les élus au titre des travaux d'office, les pouvoirs publics perdent en crédibilité.
Les bailleurs sociaux doivent également être mobilisés. Or, lors de son déplacement dans la Somme, votre rapporteur a constaté les difficultés du maire de Ham qui a essuyé des refus de tous les bailleurs sociaux pour intervenir sur une opération de réhabilitation portant sur sept logements. La réduction de loyer de solidarité a certes pu fragiliser la situation financière des bailleurs sociaux, néanmoins, ces derniers ont un rôle à jouer dans les opérations de réhabilitation de l'habitat indigne y compris en milieu rural.
Outre une mobilisation de l'ensemble des acteurs, la lutte contre l'habitat indigne suppose des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux .
De ce point de vue, l'APL-accession est un outil essentiel de la politique de lutte contre l'habitat indigne. Sa suppression lors de la loi de finances pour 2018 a conduit certains ménages à renoncer à la réalisation de travaux de rénovation. Pire en Guadeloupe et en Martinique, les programmes de résorption de l'habitat indigne ont été fortement ralentis voire stoppés, alors même que l'économie budgétaire pour l'État est minime, de l'ordre de 50 millions d'euros. Le Sénat s'était opposé à cette suppression décidée unilatéralement. Votre commission appelle le Gouvernement à rétablir d'urgence l'APL-accession.
Au-delà des moyens financiers, il faut d'abord convaincre les propriétaires de rénover leur bien, entretenir les toitures, protéger les murs extérieurs notamment. Votre rapporteur a considéré que le dispositif de Parcours de rénovation énergétique performante (PREP) que lui a présenté le maire de Montfermeil était un outil intéressant.
LE PARCOURS DE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE PERFORMANTE (PREP) L'absence de rénovation énergétique des logements peut paradoxalement favoriser le phénomène des marchands de sommeil. D'une part, non rénové, le logement ou la maison perd de sa valeur et peut être racheté à bas coût par des marchands de sommeil. D'autre part, pour faire face au paiement de leur facture d'énergie, les propriétaires de ces passoires thermiques, souvent âgés ou impécunieux, sont parfois amenés à louer dans des conditions indignes une partie de leur habitation. Ils deviennent ainsi des marchands de sommeil. Comment convaincre ces propriétaires qui n'ont ni les moyens ni les compétences de s'engager dans un chantier de rénovation ? Le Parcours de rénovation énergétique performante fait intervenir trois acteurs : - le maire qui va informer ces propriétaires ; - un tiers qui garantit la qualité des interventions techniques ; - un tiers payeur qui identifie les aides dont le propriétaire peut bénéficier et qui l'accompagne dans ses démarches. Cette démarche coordonnée est ainsi susceptible de donner confiance à ces propriétaires de s'engager dans ce chantier. |
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté la proposition de loi dans la rédaction qu'elle propose au Sénat.
* 2 Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour un accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR.