B. L'ÉTAT DU DROIT : DES VIOLENCES RÉPRIMÉES PAR LE DROIT PÉNAL MAIS TOLÉRÉES PAR LA JURISPRUDENCE
Certains s'interrogent sur la nécessité d'inscrire dans le code civil un principe d'interdiction des punitions et châtiments corporels au motif que le code pénal sanctionne déjà les auteurs de violences commises sur des mineurs. Cette analyse est cependant incomplète : en effet, la jurisprudence reconnaît traditionnellement aux parents un « droit de correction » qui légitime le recours aux violences ordinaires dans l'éducation des enfants.
1. La répression pénale des violences commises sur les enfants
Le code pénal prohibe toutes les violences commises sur les personnes et retient comme une circonstance aggravante le fait que la victime soit âgée de moins de quinze ans.
Ainsi, son article 222-13 punit d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende les violences commises sur un mineur de quinze ans, lorsqu'il en résulte une interruption temporaire de travail (ITT) inférieure à huit jours. En application de ce même article, la peine est aggravée à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende lorsque ces violences ont été commises par un ascendant ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur.
L'article 222-14 punit quant à lui de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende les violences habituelles sur mineur de quinze ans.
L'article 222-14-3 du même code précise que les violences sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s'il s'agit de violences psychologiques .
Malgré ces dispositions, la jurisprudence vient tempérer l'application des sanctions par l'invocation d'un « droit de correction » reconnu aux parents.
2. Le droit de correction : fondement coutumier d'une acceptation des violences faites à l'enfant
Depuis deux siècles, la chambre criminelle de la Cour de cassation reconnaît aux parents et aux éducateurs un « droit de correction ». Cette jurisprudence permet au juge pénal de renoncer à sanctionner les auteurs de violences dès lors que celles-ci :
- n'ont pas causé de dommages à l'enfant ,
- restent proportionnées au manquement commis,
- et ne présentent pas un caractère humiliant 5 ( * ) .
Pourtant, les contours de ce droit demeurent peu définis, les critères retenus par la jurisprudence étant évolutifs et différant au gré des cas d'espèce.
Ce « droit de correction » est contestable au regard du principe de légalité des délits et des peines, faute de tout fondement textuel. Le fondement de ce droit de correction n'est pas expressément explicité par la Cour de cassation et semble reposer sur la coutume ou sur l'autorisation de la loi, ce droit étant considéré comme un attribut inhérent à l'autorité parentale.
Implicitement, la jurisprudence relative au « droit de correction » semble signifier aux parents qu'il existerait une violence « nécessaire », voire « acceptable » pour l'éducation des enfants, alors que les études scientifiques, comme cela vient d'être indiqué, montrent que les violences, quelles qu'elles soient, peuvent avoir des répercussions sérieuses sur le développement de l'enfant.
* 5 Cass. Crim. 29 octobre 2014.