Rapport n° 297 (2018-2019) de M. Richard YUNG , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 6 février 2019

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N° 297

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 février 2019

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , autorisant l' approbation de la décision (UE, EURATOM) 2018/994 du Conseil du 13 juillet 2018 modifiant l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct , annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976,

Par M. Richard YUNG,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Robert del Picchia, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; M. Olivier Cigolotti, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Olivier Cadic, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Rachid Temal, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

1355 , 1462 et T.A. 212

Sénat :

227 et 298 (2018-2019)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

À la suite de l'Assemblée nationale, qui l'a adopté sans modification le 19 décembre 2018 en première lecture, le Sénat est saisi du projet de loi n° 227 (2018-2019) autorisant l'approbation de la décision (UE, EURATOM) 2018/994 du Conseil du 13 juillet 2018 modifiant l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976.

Votre rapporteur a présenté ses conclusions sur ce texte à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées le 6 février 2019, sous la présidence de M. Christian Cambon, président. À l'issue de cette réunion, la commission, suivant la proposition de votre rapporteur, a adopté, sans modification, le projet de loi précité.

Conformément aux orientations du rapport d'information « Redonner tout son sens à l'examen parlementaire des traités » 1 ( * ) adopté le 18 décembre 2014 par la commission, celle-ci a autorisé la publication du présent rapport sous forme synthétique : le compte-rendu de l'examen en commission qu'on pourra lire ci-après en tient lieu.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 6 février 2019 , sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Richard Yung sur le projet de loi n° 227 (2018-2019) autorisant l'approbation de la décision (UE, EURATOM) 2018/994 du Conseil du 13 juillet 2018 modifiant l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976.

M. Richard Yung, rapporteur. - Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant l'approbation de la décision 2018/994 du Conseil du 13 juillet 2018 modifiant l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct.

Cet acte électoral a été adopté en 1976, en prévision des premières élections européennes organisées trois ans plus tard. Il fixe des dispositions communes pour l'organisation de ces élections dans l'ensemble des États membres.

Dans le contexte d'un désintérêt hélas croissant des citoyens européens pour ce scrutin, manifesté par une baisse progressive et inquiétante du taux de participation - passé, en France, de 60 % en 1979 à 42 % en 2014 -, l'Union européenne a souhaité harmoniser les procédures électorales entre les États membres, en poursuivant trois objectifs :

- rendre le processus électoral plus transparent pour les citoyens ;

- consolider les principes communs régissant les élections dans chacun des États membres afin d'en souligner le caractère européen, comme le prévoit le traité de Rome ;

- et in fine, renforcer la légitimité et la représentativité du Parlement européen.

Après trois ans de négociation, la présente décision a été adoptée par le Conseil, après avis conforme du Parlement européen. Le Sénat s'est d'ailleurs prononcé sur ces négociations, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, le 16 novembre 2017. À présent, et en application de l'article 223 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, il revient à chaque État membre d'approuver cette décision selon ses procédures constitutionnelles ; c'est la raison pour laquelle nous l'examinons aujourd'hui.

L'approbation de cette décision n'appellera aucune modification en droit interne puisque la loi relative à l'élection des représentants au Parlement européen, actualisée le 25 juin 2018, a déjà intégré ces dispositions dans notre droit électoral. Cette loi a été soumise au Conseil constitutionnel qui n'en a censuré qu'un membre de phrase, sans rapport avec les dispositions que nous examinons aujourd'hui. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la conférence des présidents a inscrit ce projet de loi en procédure d'examen simplifié.

Cette décision est composée de deux articles : l'article premier énumère les modifications apportées à l'acte électoral de 1976, et l'article 2 contient les dispositions finales du texte.

L'article premier de l'acte électoral, dans sa nouvelle rédaction, précise que les députés européens sont - je cite - des « représentants des citoyens de l'Union », comme le stipule le traité de Lisbonne. Cette modification vise à asseoir la légitimité des députés ainsi élus comme parlementaires européens et non comme représentants du seul État membre dans lequel ils ont été élus.

L'article 3 précise désormais que dans les États membres ayant recours à un scrutin de liste, le seuil d'éligibilité doit être compris entre 2 % et 5 % des suffrages exprimés dans les circonscriptions comptant plus de trente-cinq sièges. Cette disposition instaure un tel seuil pour éviter l'éparpillement des voix et favoriser ainsi l'émergence de familles politiques de taille significative afin de faciliter le processus législatif au Parlement. En France, le seuil d'éligibilité est fixé à 5 % des suffrages exprimés depuis 1979. Il n'a pas été remis en cause par la loi relative à l'élection des représentants au Parlement européen du 25 juin dernier.

Afin d'harmoniser le calendrier de dépôt des candidatures, l'article 3 bis nouveau en fixe la date limite. Ainsi, au sein de chaque État membre, les candidatures doivent impérativement être déposées au moins trois semaines avant la date de l'élection. En France, la date limite est fixée au quatrième vendredi précédant le jour du scrutin ; elle est donc conforme à l'échéance instituée au niveau européen, qu'elle précède même d'une journée.

En outre, trois nouvelles possibilités sont ouvertes :

- premièrement, la possibilité de faire apparaître sur les bulletins de vote le nom ou le logo du parti politique européen d'affiliation, ce que le droit français permettait déjà ;

- deuxièmement, le texte instaure la faculté de voter par correspondance, par voie électronique ou en ligne, sous réserve d'assurer la confidentialité du scrutin, la fiabilité du résultat et la protection des données à caractère personnel. En France, le vote électronique est possible dans plusieurs bureaux de vote bénéficiant d'une autorisation préfectorale ; en revanche, le vote par correspondance a été supprimé en 1975. Quant au vote en ligne, il n'est ni prévu, ni envisagé en raison du risque de cyberattaques, ce que je regrette à titre personnel pour nos compatriotes résidant à l'étranger. Comme je l'indiquais, il s'agit d'une faculté et non d'une obligation ; ainsi, au sein de l'Union européenne, seule l'Estonie a fait le choix du vote sur Internet pour les élections de mai prochain ;

- et enfin troisièmement, la possibilité de prendre les mesures nécessaires permettant la participation des ressortissants résidant dans un État tiers. C'est déjà le cas pour les Français établis hors de l'Union européenne, qui peuvent soit voter par procuration, soit se déplacer dans les bureaux de vote installés dans nos ambassades et nos consulats.

L'acte de 1976 dispose que « nul ne peut voter plus d'une fois ». À cet égard, une obligation de prévoir, dans les législations nationales, des sanctions en cas de double vote, est introduite par la présente décision. L'article L. 92 du code électoral français trouve déjà à s'appliquer dans ce cas précis : il prévoit une peine d'emprisonnement de six mois à deux ans ainsi qu'une amende de 15 000 euros.

Enfin, la décision précise que chaque État membre devra désigner une autorité chargée d'échanger avec ses homologues européennes les données relatives aux électeurs et aux candidats. Il s'agit notamment de communiquer, au cours des semaines précédant la tenue du scrutin, les données sur les citoyens inscrits sur le registre électoral ou candidats dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants. En France, l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a été chargé de l'échange d'informations relatives aux électeurs. Le ministère de l'intérieur, quant à lui, communique aux autres États membres l'identité de leurs ressortissants candidats dans l'Hexagone, ainsi que la liste des citoyens français sous le coup d'une peine d'inéligibilité.

Pour conclure, la portée de cette décision du Conseil sera limitée pour notre pays. En effet, à l'exclusion de la disposition relative au vote en ligne qui n'a aucun caractère contraignant (puisqu'il s'agit d'une faculté et non d'une obligation), les dispositions de la présente décision sont déjà en vigueur dans notre droit interne. Ce texte a néanmoins le mérite de faire progresser la question de l'harmonisation des modalités d'élection des parlementaires européens, harmonisation vers laquelle les quatre dernières décennies ont montré qu'il est difficile de tendre en raison de l'attachement des États membres à leurs propres traditions électorales. À titre d'exemple, les prochaines élections européennes auront lieu du jeudi 23 au dimanche 26 mai car dans certains pays comme les Pays-Bas ou l'Irlande, les électeurs sont habitués à voter en semaine.

Je préconise donc l'adoption de ce projet de loi, voté par l'Assemblée nationale le 19 décembre dernier.

Treize États membres ont déjà notifié leur approbation de la décision.

L'examen en séance publique au Sénat est prévu le jeudi 14 février prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, ont souscrit.

M. Pierre Laurent. - Malgré son état d'esprit constructif, le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) n'est pas favorable à ce projet de loi. Non que le contenu du texte présente une difficulté, mais il n'apparait pas à la hauteur de l'enjeu démocratique des élections européennes dont le taux de participation ne cesse de s'effriter. Il nous faut imaginer de nouvelles voies de dialogue avec les citoyens européens et les Parlements nationaux. Nous sommes favorables à un approfondissement des pouvoirs du Parlement européen, mais le projet de loi ne le propose pas, alors que la question de la légitimité démocratique se trouve au coeur de la crise de l'Union européenne.

Nous dénonçons, par ailleurs, la méthode consistant à voter sur un texte dont les modalités d'application en droit français ont été fixées au mois de juin dernier. Nous nous dirigeons ainsi à nouveau vers un débat tronqué : temps de campagne limité à deux mois, répartition scandaleuse du temps d'antenne - selon mes calculs, notre formation politique bénéficiera d'un temps de parole compris entre huit et dix minutes -, fixation du seuil d'éligibilité à 5 % alors qu'il pourrait être de seulement 2 %. Fort curieusement d'ailleurs, la loi française autorise le remboursement des frais de campagne à partir de 3 %. Cette dernière disposition conduira à priver 10 % des suffrages exprimés d'une représentation au Parlement européen au profit des grandes formations politiques comme La République En Marche et le Rassemblement national. Vous comprendrez que ce texte, et singulièrement son application en droit français, ne nous satisfasse pas.

M. Joël Guerriau. - Les conséquences du présent projet de loi ne m'apparaissent pas si limitées que ce que notre rapporteur indique. Nous attendons beaucoup de l'Union européenne, en particulier dans des domaines économique et démocratique fondamentaux où elle accuse un retard - l'intelligence artificielle et la défense notamment, secteur dans lequel, à défaut de réussir à construire une décision commune, elle se tourne vers les États-Unis. Le mode d'élection du Parlement européen est-il efficace ? Nous dialoguons fréquemment entre Parlements nationaux ; dans un contexte de réduction envisagée du nombre de parlementaires, il aurait pu être imaginé que certains d'entre eux siègent au sein du Parlement européen, sur le modèle des conseillers municipaux dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Cette solution aurait le mérite de la cohérence. Pensez que, demain, des représentants des gilets jaunes et des élus du Rassemblement national siègeront au Parlement européen ! Comment pourraient-ils efficacement porter la voie de notre assemblée et défendre ses positions ? Je ne voterai pas ce texte !

M. Jean-Pierre Grand. - Il conviendrait que, dans chaque État membre, aucun autre scrutin ne soit organisé le jour des élections européennes...

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je souhaite vous faire part de ma déception quant à l'article 9 bis de la décision : une fois de plus, les citoyens européens résidant hors de l'Union européenne se trouvent quasiment écartés du scrutin. Une directive de 1993 leur permettait de voter lorsqu'ils résidaient dans un autre pays de l'Union européenne. En revanche, lorsqu'ils vivent dans un État tiers, l'article 9 bis ne fait qu'ouvrir cette possibilité, laissée à la discrétion de l'État dont ils sont ressortissants. Le droit de vote représente pourtant un principe fondamental de la démocratie ! Il existe pourtant des solutions, notamment la réservation de quelques sièges au Parlement pour les représentants des ressortissants européens établis à l'étranger.

M. Richard Yung, rapporteur. - La réforme des institutions européennes demeure un vaste débat... À titre personnel, je souhaiterais l'instauration d'une circonscription transnationale.

Monsieur Laurent, le seuil de 5 % des suffrages exprimés est celui retenu en France pour la plupart des scrutins proportionnels. Par ailleurs, je ne suis pas certain qu'il défavorise les petites formations politiques dans le cadre d'une circonscription électorale unique.

Enfin, monsieur Guerriau, la politique européenne en matière de défense comme de recherche ne sont pas du ressort de ce modeste projet de loi.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité.

Conformément aux orientations du rapport d'information n° 204 (2014-2015) qu'elle a adopté le 18 décembre 2014, la commission a autorisé la publication du présent rapport synthétique.


* 1 Rapport d'information n° 204 (2014-2015).

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