B. GARANTIR L'ACCÈS À LA JUSTICE ET VEILLER À LA PROXIMITÉ DE L'INSTITUTION JUDICIAIRE

En matière de justice civile, votre commission a largement rétabli le texte adopté par le Sénat en première lecture, avec l'intention d'améliorer les procédures et de mieux protéger les personnes les plus fragiles.

1. Conforter et mieux encadrer le recours aux modes alternatifs de règlement des différends, dans l'intérêt des justiciables

Votre commission a ainsi proposé, comme en première lecture, de supprimer l'extension du champ de l'obligation de tentative de règlement amiable des différends préalable à la saisine du juge (article 2), estimant que le premier dispositif mis en place dans la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 précitée était trop récent pour produire ses effets et pour être évalué, mais également que le nombre de conciliateurs de justice en fonction serait insuffisant pour envisager une telle extension à brève échéance.

Elle a rétabli l'exigence de certification obligatoire par le ministère de la justice des services en ligne de résolution amiable des litiges et d'aide à la saisine des juridictions (article 3), dans l'objectif d'imposer des garanties pour les justiciables pouvant recourir à ces services.

Elle a ensuite choisi de maintenir la phase de conciliation judiciaire dans la procédure de divorce contentieux , compte tenu de son intérêt pour les parties (article 12).

2. Mieux protéger les personnes les plus vulnérables, en préservant le rôle protecteur du juge

S'agissant de l'extension de la représentation obligatoire (article 4), votre commission a jugé que le dispositif finalement retenu par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, en net retrait par rapport au projet de loi initial 8 ( * ) , pouvait satisfaire la volonté exprimée par le Sénat de garantir l'accès au juge, puisque le changement le plus notable serait simplement l'extension du principe de la représentation obligatoire par avocat dans certains contentieux devant le tribunal de grande instance. Elle n'a donc pas souhaité revenir sur ces dispositions à ce stade.

Surtout, comme en première lecture, votre commission s'est opposée à de nombreuses mesures tendant à accentuer la logique de déjudiciarisation , souvent au détriment de la protection des personnes vulnérables, dans le seul but de rechercher des économies.

Elle a maintenu la compétence du juge pour recueillir le consentement en matière d'assistance médicale à la procréation (article 5) et pour homologuer les changements de régimes matrimoniaux en présence d'enfants mineurs (article 7).

Alors qu'en première lecture, le Sénat avait limité l'expérimentation de la révision des pensions alimentaires par les caisses d'allocations familiales aux hypothèses dans lesquelles les parties étaient d'accord, votre commission a décidé de supprimer purement et simplement cette disposition (article 6), compte tenu des inquiétudes exprimées par l'ensemble des acteurs du monde judiciaire.

Elle a également rétabli le texte adopté par le Sénat en première lecture concernant le maintien d'un contrôle effectif de tous les comptes de gestion des personnes en tutelle , réalisé par défaut par les directeurs des services de greffe judiciaires, et repris le dispositif gradué destiné à assurer l'établissement effectif de l'inventaire à l'ouverture de la mesure de protection (article 17).

De surcroît, elle a refusé de reprendre de nombreuses dispositions ou articles additionnels adoptés par l'Assemblée nationale visant à amplifier la réforme de la protection juridique des majeurs (articles 8, 8 bis , 8 ter , 8 quater et 16), sans aucune étude d'impact ni concertation. Alors que le projet de loi initial ne comprenait que quelques mesures disparates sur le sujet et qu'une réforme globale de la protection juridique des majeurs est attendue, vos rapporteurs estiment très contestable que celle-ci soit finalement mise en oeuvre sans vision d'ensemble et dans des conditions qui ne permettent pas une étude et une concertation plus approfondies.

En matière de règlement dématérialisé sans audience des petits litiges (article 13), votre commission a supprimé la faculté offerte au tribunal de refuser une demande d'audience formulée par l'une des parties, considérant que cela pourrait constituer un obstacle inutile à l'accès au juge.

Enfin, en matière de contentieux des injonctions de payer (article 14), elle a rendu optionnelle la saisine par voie dématérialisée du nouveau tribunal de grande instance à compétence nationale spécialement désigné.

3. Réformer l'organisation judiciaire sans fragiliser la proximité de la justice dans les territoires

S'agissant de la réforme de l'organisation judiciaire, si le regroupement du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance cristallise à lui seul une large part de l'opposition du monde judiciaire, qui craint un éloignement pour le justiciable et la suppression de sites judiciaires, votre commission a repris les garanties que le Sénat avait déjà apportées en première lecture et qui sont susceptibles d'apaiser certaines des craintes exprimées (article 53) :

- la suppression de la possibilité de spécialiser certains tribunaux en matière civile et pénale lorsqu'il existe plusieurs tribunaux au sein d'un même département - et même à l'échelle de deux départements , comme l'a voté l'Assemblée nationale -, la procédure permettant de procéder à cette spécialisation étant particulièrement lourde, alors même qu'elle ne risque de concerner qu'un faible volume d'affaires ou, dans le cas contraire, qu'elle pourrait conduire à vider des juridictions de leur substance et à les supprimer à terme ;

- la fixation au niveau national d'un socle minimal de compétences des chambres détachées remplaçant les tribunaux d'instance situés en dehors du siège du nouveau tribunal unifié, afin d'éviter qu'elles soient définies au cas par cas, de façon trop limitée ou résiduelle, des compétences supplémentaires pouvant leur être attribuées par les chefs de cour sur proposition des chefs de juridiction ;

- la création d'un dispositif d'encadrement de toute modification de la carte judiciaire , laquelle relève de la compétence du pouvoir réglementaire, comportant une évaluation, au vu des observations présentées par les chefs de cour ainsi que par le conseil départemental, dont il serait rendu compte dans un rapport public, et sur la base de critères objectifs préexistants.

En outre, alors que votre commission des lois mène actuellement une mission d'information avec la commission des affaires sociales sur l'avenir de la justice prud'homale, le rétablissement du texte de première lecture emporterait la suppression de la mutualisation du greffe du conseil de prud'hommes et du greffe du tribunal issu du regroupement du tribunal de grande instance et des tribunaux d'instance, lorsqu'ils sont situés dans la même commune. En effet, une telle disposition mérite d'être évaluée dans le cadre de cette mission.

Votre commission a également supprimé les dispositions relatives à la réforme des juridictions sociales (articles 53 bis AA, 53 bis AE et 53 bis AF), ainsi que l' expérimentation prévue concernant les cours d'appel (article 54).

4. Réformer l'aide juridictionnelle pour assurer son financement

Votre commission a rétabli la réforme de l'aide juridictionnelle qu'elle avait proposée en première lecture (articles 52 bis à 52 quinquies ), estimant qu'un tel sujet ne pouvait être absent du projet de loi.

Elle a ainsi prévu, notamment :

- le rétablissement de la contribution pour l'aide juridique en première instance, modulable de 20 à 50 euros ;

- l'obligation de consultation préalable d'un avocat avant le dépôt de toute demande d'aide juridictionnelle, afin d'assurer un filtrage effectif des demandes en appréciant la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire, comme l'a prévu le législateur depuis la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'obligation pour les bureaux d'aide juridictionnelle de consulter les organismes sociaux pour apprécier les ressources du demandeur.


* 8 L'Assemblée nationale a en effet supprimé en nouvelle lecture les dispositions tendant à étendre la représentation obligatoire par avocat en appel pour les contentieux de la sécurité sociale et de l'admission à l'aide sociale.

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