C. LA PROGRAMMATION POUR 2019 TEND À FAIRE DU COMPTE L'OUTIL DU MOINDRE ENDETTEMENT DE L'ÉTAT

1. Une contribution au désendettement de l'État critiquable

Votre rapporteur spécial s'interroge sur la pertinence de la contribution au désendettement de l'État , également doublée par rapport à 2018.

Cette dépense s'écarte de la logique conventionnelle, dès lors qu'elle n'est pas concernée par l'impératif de confidentialité. Elle fait l'objet d'une modulation selon les projets de loi de finances : alors qu'aucune contribution n'avait été enregistrée entre 2007 et 2013, la loi de finances pour 2014 l'avait réactivée. Le graphique ci-après illustre son montant variable depuis 2014.

Le montant de 2 milliards d'euros proposé pour 2019 est exceptionnellement élevé . Dans un contexte de taux faibles, l'intérêt patrimonial d'une telle opération n'est pas avéré.

Surtout, le choix du Gouvernement est peu cohérent compte tenu de l'affectation proposée du produit tiré des cessions au fonds pour l'innovation et l'industrie (FII), dont la dotation sera investie en bons du Trésor (cf. infra ).

En 2019, que ce soit au titre de la contribution au désendettement de l'État ou de la dotation au fonds pour l'innovation et l'industrie, l'intégralité des dépenses viendra amoindrir la dette publique.

Il s'agit donc du « compte du désendettement de l'État ».

Évolution de la contribution au désendettement de l'État depuis 2014

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

2. Un solde cumulé du compte fortement réduit, au risque de porter atteinte à la capacité de l'État actionnaire d'honorer sa doctrine d'intervention

L'inscription d'une contribution au désendettement de l'État de 2 milliards d'euros sur le programme 732 est d'autant plus préjudiciable que le solde du compte est fortement mobilisé par la dotation du fonds pour l'innovation.

Selon les données transmises par l'Agence des participations de l'État à partir des dépenses et recettes déjà comptabilisées et prévues d'ici la fin de l'année, détaillées dans le tableau ci-après, l'exercice 2018 devrait enregistrer un déficit de près de 1,5 milliard d'euros. Il s'agit du double du déficit constaté en 2017.

Exécution du compte d'affectation spéciale
du 1 er janvier 2018 à fin octobre 2018

(en millions d'euros)

Solde au 31 décembre 2017

2 924

Versement du budget général au titre des PIA 3

700

Opérations en fonds propres dans le cadre du PIA 3

- 700

Libération du solde de l'augmentation de capital de Bpifrance

- 685

Achat d'actions EDF auprès de l'EPIC Bpifrance 8 ( * )

- 121

Acquisition de 66,66 % du capital des Chantiers de l'Atlantique

- 80

Versement à l'EPIC Bpifrance au titre de la dotation du fonds pour l'innovation et l'industrie

- 1 600

Dotations en capital des banques multilatérales de développement

- 270

Renforcement des fonds propres de l'AFD

- 120

Cessions de titres SAFRAN

1 240

Autres recettes

296

Autres dépenses

- 197

Solde à la fin octobre 2018

1 391

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données transmises par l'APE

Il en résultera une ponction dans le solde cumulé du compte, qui devrait se réduire à un niveau inédit depuis 2012 comme le détaille le tableau ci-après.

Évolution du solde cumulé du compte depuis 2012

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018 (p)

Solde de l'exercice

- 494

1 220

- 418

30

1 275,7

- 751,3

- 1 450

Solde cumulé

1 567

2 787

2 369

2 399

3 675

2 924

1 474

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Certes, l'augmentation du solde constatée entre 2012 et 2017 reflète la constitution de réserves en vue de procéder aux opérations de recapitalisation du secteur nucléaire.

Néanmoins, il est indispensable de conserver des marges de manoeuvre sur le compte pour être en mesure de répondre à d'éventuels besoins de financement imprévus.

À défaut, il pourrait en résulter une difficulté à honorer le troisième axe de la doctrine de l'État actionnaire , prévoyant l'intervention en capital de l'État dans une entreprise en cas de risque systémique. En effet, cette intervention serait dépendante d'un versement du budget général et soumise aux contraintes de la gestion budgétaire .

De surcroît, votre rapporteur spécial souligne le caractère largement factice de la contribution au désendettement de l'État prévue en 2019 : son montant proposé de 2 milliards d'euros correspond environ aux déficits constatés en 2017 et 2018 sur le compte. Il s'agit en quelque sorte de financer le « désendettement » de l'État par la ponction du solde cumulé du compte résultant de ses déficits en 2017 et 2018.


* 8 L'État s'était engagé à percevoir les dividendes versés par EDF au titre des exercices 2016 et 2017 en actions. Or, l'EPIC Bpifrance, en tant que nouveau détenteur de près de 390 millions d'actions EDF reçues en dotation dans le cadre de la constitution du fonds pour l'innovation et l'industrie, a reçu le 19 juin 2018 11,8 millions d'actions EDF au titre du solde du dividende 2017. L'État a donc procédé au rachat de ces actions pour un montant de 121 millions d'euros le 22 juin dernier.

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