PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE LA MISSION « JUSTICE »
I. UN BUDGET 2019 QUI S'INSCRIT DANS UN CONTEXTE DE RÉFORME DE LA JUSTICE
A. VERS UN « RATTRAPAGE » DES MOYENS DE LA JUSTICE
Le projet de loi de finances pour 2019 propose, pour 2019, l'ouverture de 9,055 milliards d'euros de crédits de paiement (CP) et 9,036 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) pour la mission « Justice ».
Ces dernières années, le budget du ministère de la justice a augmenté régulièrement : ainsi, en 2019, la France y consacrera 1,75 milliard d'euros de plus qu'en 2012 (soit + 24 %).
Évolution des crédits de paiement de la
mission « Justice »
1
(
*
)
et part dans le budget général de
l'État
(en milliards d'euros) (en %)
Source : commission des finances du Sénat
Si elle comprend les crédits de l'administration pénitentiaire, la mission « Justice » exclut ceux relatifs à la justice administrative, qui sont retracés dans la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
Malgré ce renforcement des moyens du ministère de la justice, selon la récente étude de la commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) 2 ( * ) , la France a consacré, en 2016, 65,9 euros par habitant à son système judiciaire, loin derrière l'Allemagne (122 euros par habitant) mais aussi en retrait par rapport au Royaume-Uni (79 euros par habitant), à l'Espagne (79 euros par habitant) ou à l'Italie (75 euros).
Traduisant le renforcement récent des moyens budgétaires en faveur de la justice, ce montant par habitant est néanmoins passé de 60,5 euros en 2010 à 65,9 euros par habitant en 2016.
Cette hausse continue des moyens commence, semble-t-il, à porter ses fruits , notamment dans les juridictions, où le délai moyen de traitement des procédures civiles, hors procédures courtes, amorce une diminution en 2018.
Néanmoins, le défi reste de taille, notamment dans certaines juridictions, et, comme l'a souligné la commission des lois du Sénat, une véritable réforme en profondeur demeure nécessaire, le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ne procédant, selon elle, qu'à une addition décevante de mesures éparses pour la justice civile, se résumant surtout à des mesures de déjudiciarisation au détriment de la protection des personnes vulnérables.
L'exemple du tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny Après avoir été alerté, en 2017, sur la situation problématique du tribunal d'instance d'Aubervilliers et sur les difficultés rencontrées par le TGI de Bobigny, votre rapporteur spécial a souhaité connaître l'évolution de la situation. Voici les principales observations qu'il a recueillies auprès du Président du TGI de Bobigny, M. Renaud Le Breton de Vannoise : - Les effectifs de magistrats du siège ont été réévalués , ce qui a permis de déstocker les affaires familiales et de passer d'un délai moyen d'audiencement d'un an à 4 mois (délai désormais quasiment incompressible en raison des nécessité de la procédure). Cette augmentation des effectifs aurait dû permettre d'augmenter le nombre des audiences pénales mais ce projet n'a, pour l'essentiel, pas pu être mis en oeuvre en septembre en raison de l'insuffisance des effectifs de greffe. - La préoccupation porte sur les effectifs de greffe [ s ur les cinq dernières années, la juridiction a connu un nombre de postes vacants [des fonctionnaires] oscillant entre 30 et 40 postes (taux variant de 8 à 10 %) 3 ( * ) ]. - Les problématiques immobilières sont largement prises en compte. - Depuis la situation de crise rencontrée par le tribunal d'instance d'Aubervilliers entre les mois de septembre et de décembre 2017, la situation demeure fragile, des vacances de postes subsistant, le greffe n'ayant toujours pas de direction, l'agent le plus ancien de la juridiction n'ayant que 8 mois d'ancienneté et la juridiction étant dépourvue de régisseur. [ Les chèques de consignation ou en paiement dans le cadre des saisies des rémunérations sont conservés dans un coffre sans être encaissés. Au 20 septembre 2018, le montant des chèques non encaissés s'élève à la somme de 132 492,93 euros. La durée de validité de certains chèques sera bientôt expirée. (...) Les experts s'inquiètent également de ne pas être payés suite au dépôt de leurs expertises et manifestent désormais leur réticence à prendre de nouvelles missions, voire ont suspendu leur mission dans l'attente de l'encaissement des chèques de consignation » 4 ( * ) ]. Ainsi M. Renaud Le Breton de Vannoise considère en définitive que la situation s'est améliorée pour les effectifs de magistrats et les archives, les difficultés rencontrées demeurent pour une grande part, mais la juridiction et son ressort bénéficient d'une attention tant de l'administration centrale que de la cour d'appel. |
* 1 Périmètre courant.
* 2 « Systèmes judiciaires européennes - Efficacité et qualité de la justice », Études de la CEPEJ n° 26, Edition 2018 (données 2016).
* 3 Fiche sur les effectifs de greffe du ressort du TGI de Bobigny transmise à votre rapporteur spécial, octobre 2018.
* 4 Ibid.