B. POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS 2014, LE COMPTE EST PRÉSENTÉ EN DÉFICIT
1. Un déficit prévisionnel de 73 millions d'euros en 2019
Pour la première fois depuis la loi de finances pour 2014, le compte est présenté avec un déficit à hauteur de 73 millions d'euros en 2019 , comme le détaille le tableau ci-après.
Si cette prévision traduit une démarche de sincérité, elle tire surtout les conséquences de l'exécution 2017 , qui s'est soldée par la constatation d'un déficit de 84 millions d'euros. Le déficit résulte en effet essentiellement d'une attrition marquée et structurelle des ressources du compte , avec des produits de cession prévus en baisse de 35 % par rapport à 2018.
Équilibre prévisionnel en 2019
du
compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine
immobilier de l'État »
(en euros)
PLF 2019 |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Programme 721 - Contribution cessions immobilières au désendettement de l'État |
AE |
0 |
||
CP |
||||
Programme 723 - Opérations immobilières nationales et des administrations centrales |
AE |
391 286 587 |
||
CP |
483 000 000 |
|||
Produits des cessions immobilières |
320 000 000 |
|||
Produits de redevances domaniales |
90 000 000 |
|||
Total pour le compte d'affectation spéciale |
AE |
410 000 000 |
391 286 587 |
- 73 000 000 |
CP |
483 000 000 |
Source : projet de loi de finances pour 2019
2. Des recettes en baisse qui changent de nature
Depuis 2017, le compte bénéficie essentiellement de deux types de recettes :
- le produit des cessions de biens immobiliers ainsi que des droits à caractère immobilier attachés aux immeubles de l'État ;
- le produit des redevances domaniales ou des loyers perçus par l'État 5 ( * ) .
Une double logique a présidé à l'affectation au compte du produit des redevances domaniales, jusqu'alors versé au budget général :
- de façon immédiate, elle compensait l'intégration des dépenses portées par l'ex-programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » ;
- de façon plus structurelle, elle actualisait le modèle de financement initial du compte , qui faisait supporter la modernisation du patrimoine immobilier de l'État par le produit tiré des cessions réalisées.
Les recettes prévues du compte diminuent de près de 30 % par rapport à 2018 , en raison de la très forte diminution des produits de cession. Alors que la loi de finances pour 2018 en escomptait 491,7 millions d'euros, seulement 320 millions d'euros sont attendus à ce titre en 2019 .
Il s'agit du montant le plus faible prévu depuis la création du compte , y compris durant la période d'atonie du marché immobilier entre 2008 et 2011.
Une démarche de sincérité doit donc être relevée. Le projet de loi de finances tire les conséquences des recettes de cessions effectivement enregistrées en 2017 (339,6 millions d'euros), inférieures de 32 % à la prévision. De même, les cessions déjà effectuées en 2018 ne devraient pas permettre de réaliser le montant initialement prévu de 491,7 millions d'euros. Au 31 août dernier, seulement 155,5 millions d'euros ont été encaissés sur le compte à ce titre, soit 32 % du montant inscrit en loi de finances initiale, une proportion en retrait par rapport aux exercices précédents.
Parallèlement, un montant identique de 90 millions d'euros au titre des produits de redevances domaniales est inscrit pour 2019.
Ainsi que l'illustre le graphique ci-après , la structure des recettes du compte a profondément évolué depuis 2017 . Les produits de redevances domaniales représentent une part croissante des ressources.
Comparaison de la structure des recettes du
compte
entre 2017 et 2019
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
3. Une mobilisation du solde qui n'amortit guère l'atonie des dépenses du compte
Les dépenses proposées en 2019 diminuent de 25,4 % en autorisations d'engagement et de 17 % en crédits de paiement . Comme le détaille le tableau ci-après, elles s'établissent respectivement à 391,3 millions d'euros (AE) et 483 millions d'euros (CP).
Comme l'an dernier, aucune contribution au titre du désendettement de l'État n'est inscrite pour 2019 . Il s'agit d'un choix logique , compte tenu de son caractère essentiellement symbolique et, in fine , coûteux à long terme en raison de son effet d'éviction sur des dépenses d'entretien préventif.
Présentation par programme des crédits demandés pour 2019
(en millions d'euros)
2018 |
2019 |
Évolution
|
||||
• AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
Programme 721 - Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État |
- |
- |
- |
|||
Programme 723 - Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État |
524,6 |
581,7 |
391,3 |
483,0 |
- 25,4 % |
- 17 % |
Total |
524,6 |
581,7 |
391,3 |
483,0 |
- 25,4 % |
- 17 % |
Source : projet de loi de finances pour 2019
Compte tenu du caractère exceptionnel de l'année 2018, l'évolution des crédits doit toutefois être explicitée.
Dans le cadre du déménagement de plusieurs structures vers le plateau de Saclay 6 ( * ) , la mutualisation de 50 % du produit de cession a été écartée. Le produit tiré de la cession des locaux laissés vacants revient intégralement au ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, afin de contribuer au financement des nouveaux bâtiments à Saclay.
C'est pourquoi, en 2018, un montant de 130 millions d'euros en AE et en CP était inscrit dans le compte pour retracer ce fléchage de crédits vers le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Les dépenses immobilières effectives du compte étaient donc amputées de 12 % par rapport à 2017 en raison de ce fléchage de crédits.
En 2019, le montant inscrit au titre de l'opération de Paris-Saclay diminue à 40 millions d'euros, retracé en titre 7 (dépenses d'opérations financières). Selon les informations transmises par la direction de l'immobilier de l'État, « les ventes restant à réaliser sur les prochaines années, s'agissant des biens occupés par AgroParisTech et l'École normale supérieure de Cachan, devraient contribuer aux recettes du compte à hauteur d'environ 130 millions d'euros et d'environ 30 millions d'euros respectivement, pour partie dès 2019 » 7 ( * ) . Cette opération continuera donc à peser sur les dépenses du compte au cours des prochaines années.
Or un effet cliquet peut être constaté en 2019 sur les dépenses du programme 723 , particulièrement notable pour les autorisations d'engagement, comme l'illustre le graphique ci-après. Le niveau des dépenses d'investissement, considérablement rogné en 2018, n'est pas réévalué en 2019, tandis que les dépenses de fonctionnement diminuent à nouveau de 28 % entre 2018 et 2019.
Évolution des titres de dépenses
immobilières interministérielles
entre 2016 et
2019
(autorisations d'engagement, en millions d'euros)
NB : les crédits immobiliers interministériels recouvrent, pour 2016, les crédits des programmes 309 et 723, pour 2017, ceux des programmes 723 et 724, et pour 2018 et 2019, ceux du programme 723.
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
En neutralisant les dépenses d'opérations financières, l'attrition des crédits de paiement du compte au titre des dépenses d'opérations structurantes (action 11) est particulièrement marquée. Ils sont quasiment divisés par deux entre 2017 et 2019. En regard, la hausse parallèle des dépenses de gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état (action 14) demeure limitée.
Évolution comparée des dépenses
immobilières du compte
entre 2017 et 2019
(crédits de paiement, en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
À l'aune de cette tendance générale, le caractère opportuniste de la comptabilisation de 34 % des crédits du compte comme contribuant à la réalisation du grand plan d'investissement (GPI) au titre de l'initiative 2 « Réduire l'empreinte énergétique des bâtiments publics », déjà souligné l'an passé, se confirme.
Il ne s'agit pas de crédits supplémentaires ouverts dans le cadre du GPI, mais davantage d'un étiquetage de crédits budgétaires traditionnellement inscrits sur le compte.
* 5 Il s'agit du produit des redevances domaniales ou des loyers perçus par l'État et provenant des concessions ou autorisations de toute nature de la compétence du représentant du ministère chargé du budget dans le département, des concessions de logement dont l'État est propriétaire ou locataire, et des locations d'immeubles de son domaine privé, à l'exclusion des redevances ou des loyers de son domaine militaire.
* 6 En 2018, l'École centrale Supélec, la faculté de pharmacie de l'université Paris-Sud (Paris VI) et de l'École normale supérieure de Cachan ont quitté leurs locaux historiques pour rejoindre le plateau de Saclay.
* 7 Réponse de la direction de l'immobilier de l'État au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.