EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 7 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux, sur les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Crédits non répartis » et « Action et transformation publiques », et sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Nous examinons trois missions et le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Nous avons inclus dans notre rapport des éléments relatifs à la gestion italienne du patrimoine immobilier de l'État.
La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est la principale mission du pôle économique et financier de l'État. L'administration fiscale - la direction générale des finances publiques (DGFiP) -, et l'administration des douanes - la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) - représentent les trois quarts cet ensemble.
La suppression du mécanisme des « loyers budgétaires », dont je reparlerai, fait mécaniquement baisser, par un changement de périmètre, le montant des crédits de la mission par rapport à l'année dernière. Après correction, il apparaît que ceux-ci diminuent seulement de 0,7 %, pour s'établir à 10,7 milliards d'euros. La quasi-totalité de l'effort est en réalité portée par les dépenses de personnel, qui reculent de 59 millions d'euros - il est vrai qu'elles représentent plus de 80 % des crédits de la mission. Pour le reste, et malgré quelques gains d'efficience çà et là, les dépenses de fonctionnement courant semblent désespérément rigides.
Au sein de cet ensemble, la DGFiP représente les trois quarts des crédits et les quatre cinquièmes des effectifs. Le budget qui nous est présenté a quelque chose de paradoxal : il ressemble à s'y méprendre aux précédents, et pourtant, il porte en lui les prémices d'une restructuration d'ampleur inédite depuis au moins dix ans, c'est-à-dire depuis la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique en 2008.
En quoi ce budget ressemble-t-il aux précédents ? D'abord, parce qu'il est avant tout construit sur une trajectoire de suppressions de postes, dont tout le reste est censé découler, si tout va bien. Ainsi, 2 130 postes seront supprimés en 2019, soit un rythme comparable à celui des dernières années, exception faite des années 2017 et 2018, au cours desquelles 500 postes avaient été « préservés » dans le cadre de la préparation du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Cette année encore, Bercy est le principal contributeur aux réductions d'effectifs dans la fonction publique d'État, juste devant le ministère de l'éducation nationale et très loin devant tous les autres.
Parce qu'il ressemble aux précédents, ce budget présente aussi les mêmes défauts. J'en citerai trois.
Premier défaut, la navigation à vue dans la réorganisation territoriale. Il ne s'agit pas de mettre en doute sa nécessité - la DGFiP doit adapter sa présence aux réalités économiques, démographiques et technologiques -, ni de sous-estimer l'effort accompli - 890 services comptaient moins de cinq agents en 2012 et ils ne sont plus que 506 aujourd'hui, et sur les 42 services qui ne comptaient qu'un seul agent en 2012, il n'en reste plus que 6. Au total, 782 fusions de trésoreries et services des impôts ont eu lieu entre 2012 et 2018.
Toutefois, ce chantier est mené de façon opportuniste, au gré des départs en retraite et des mutations individuelles, sans stratégie d'ensemble et sans concertation. En pratique, chaque directeur régional est prié chaque année de « rendre » un certain nombre de postes pour atteindre le schéma d'emplois. Il ne serait pourtant pas compliqué d'introduire un peu de visibilité pluriannuelle, au moins pour les structures importantes telles que les trésoreries hospitalières.
Deuxième problème, la pression croissante au sein des services. En dix ans, les effectifs de la DGFiP ont diminué de 16 %, mais le nombre d'entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés (IS) a augmenté de 50 %, les personnes accueillies dans les services de proximité de 40 %, et les opérations de publicité foncière de 13 %, avec des délais de publication considérables, parfois au-delà de 120 jours.
On peut certes y voir une capacité - bien réelle - à faire mieux avec moins, notamment grâce à la dématérialisation, mais vient un moment où, à missions inchangées, les agents ne sont plus en mesure de faire leur travail correctement. En outre, cela ne tient pas compte de l'arrivée du prélèvement à la source, de la suppression de la taxe d'habitation, du passage au prélèvement forfaitaire unique (PFU) et à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) ou encore de la révision des valeurs locatives. Le Gouvernement semble pour l'instant faire preuve d'une inquiétante légèreté, ou à tout le moins, d'un sérieux manque de transparence, face à ces échéances - des élections professionnelles auront lieu en décembre, ce qui explique sans doute beaucoup de choses.
Dernier motif d'inquiétude : la baisse continue des résultats du contrôle fiscal, qui n'est sans doute que la traduction de ce que je viens de le dire. On a notifié 13 milliards d'euros de droits et de pénalités en 2017, contre 14 milliards d'euros en 2016 et 16 milliards d'euros en 2015, et encore ce chiffre est-il gonflé par quelques grandes affaires et la dernière année du service de traitement des déclarations fiscales rectificatives (STDR). En outre, on ne recouvre que 65 % de ces sommes, avec de fortes disparités selon les impôts. La création de nouveaux outils ne doit pas nous exonérer d'une réflexion profonde sur les difficultés du contrôle fiscal, sur ses effectifs et sur ses moyens, alors que le Gouvernement a fait de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales sa priorité.
Voilà pourquoi le budget 2019 de la DGFiP ressemble aux précédents. Mais on ne saurait s'en tenir à cet horizon annuel : de fait, il s'agit d'un budget de transition, prélude à un bouleversement inédit des missions et de l'organisation de notre administration fiscale, qui devrait avoir lieu au cours des prochaines années.
Le rapport du Comité Action publique 2022 a donné le cap : généralisation des procédures dématérialisées, intensification du recours au datamining , qui a pour l'instant moins d'existence sur le terrain que dans la communication du Gouvernement, et surtout création à l'horizon de 2022 d'une agence unique du recouvrement regroupant les missions de la DGFiP, de la douane, de l'Union de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales (URSSAF) et de nombreux autres organismes.
Bien évidemment, si ces réformes sont menées à bien, leur impact sur l'organisation de la DGFiP sera sans commune mesure avec les réformes des dernières années. Le ministre de l'action et des comptes publics l'a d'ailleurs assumé dans son discours du 11 juillet dernier devant les cadres du ministère auquel j'avais assisté : de nombreux postes seront supprimés, et de nombreuses implantations seront fermées, dans une logique de séparation entre l'accueil physique (front office) et la gestion des dossiers (back office) .
Ces perspectives ne trouvent certes aucune traduction budgétaire dans ce projet de loi de finances, mais elles sont bien réelles. Je souhaite dire ici que, dans ces conditions, le pilotage à vue par le rabot ne sera plus possible. Il faudra de la visibilité, c'est-à-dire une stratégie pluriannuelle transparente et concertée avec les territoires. Il faudra de la logique : comment justifier que 61 % des EPCI dépendent aujourd'hui encore de plusieurs trésoreries ? Enfin, il faudra mutualiser : la DGFiP n'est aujourd'hui présente que dans 250 maisons de services au public (MSAP) sur 1 200, c'est trop peu.
Enfin, je veux dire un mot des systèmes d'information, clef-de-voûte des réformes structurelles qui s'annoncent. Les treize grands projets rattachés à la mission représentent un quart du coût total des grands projets de l'État, soit 608 millions d'euros. Leur retard est assez faible - 18 % par rapport à la prévision initiale -, ce qui s'explique en grande partie par le lancement récent de plusieurs d'entre eux, mais leur dérapage budgétaire est très préoccupant, avec un surcoût global de 95 %, contre seulement 31 % pour l'ensemble des grands projets de l'État. Faut-il rappeler le précédent fâcheux de l'Opérateur national de paye (ONP) et ses 346 millions d'euros dépensés en pure perte, pour mettre en garde contre les erreurs de conception et la faiblesse du pilotage ? Les projets SIRHIUS (ressources humaines) et PAYSAGE (paye), qui totalisent à eux seuls dix-huit années de développement et 106 millions d'euros de surcoût, en sont directement issus.
Il semble pourtant que les différentes administrations de Bercy n'aient pas pris la mesure de la tâche qui s'annonce. Le budget informatique de la DGFiP a été divisé par dix en dix ans - les responsables de CAP 22 affirmaient devant nous que les banques investissent beaucoup plus dans l'informatique que l'État -, et 80 % des dépenses d'investissement de la DGFiP vont à la maintenance d'applications obsolètes, dont certaines, pourtant au coeur de l'administration fiscale, datent des années 1980. Il y a une dizaine de ruptures applicatives dans la chaîne du contrôle fiscal.
Pour un projet aussi ambitieux que celui de l'agence du recouvrement, rien ne pourra se faire sans rendre les systèmes interopérables et évolutifs. Peut-être faudra-t-il même tout recommencer à zéro ou presque, tant les 200 traitements de données et les 50 téléservices de la DGFiP et de la DGDDI sont hétérogènes, sédimentés et « défendus » par les services qui les ont conçus et qui les utilisent. Nous ne sommes qu'au début de ce chantier. Le PLF prévoit déjà quelques transferts de recouvrement des douanes vers la DGFiP.
M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Comme depuis trois ans, la direction générale des douanes et droits indirects fait exception au sein de la mission : ses crédits et ses effectifs augmentent. Ils s'établissent à 1,6 milliard d'euros pour 2019, en hausse de 2,6 %.
La douane se prépare en effet au Brexit : quelle que soit l'issue des négociations - accord ou non -, beaucoup de choses changeront le 31 mars prochain. Dans ce contexte, 350 postes supplémentaires seront créés en 2019 au titre du Brexit , ce qui se traduit par 250 créations nettes compte tenu des 100 suppressions au titre de la modernisation de la douane, chantier structurel et de long terme. Ces nouveaux postes viennent s'ajouter aux créations de postes précédentes : 285 équivalents temps plein (ETP) en 2016, 250 ETP en 2017 et 200 ETP en 2018. C'est un changement de taille pour une administration qui voyait, depuis le traité de Maastricht, ses effectifs diminuer.
Toutes les missions de la douane seront affectées par le Brexit , du contrôle des voyageurs et des marchandises aux missions fiscales, notamment lors de la détaxe. Les effectifs seront affectés en priorité aux grandes frontières que nous avons avec le Royaume-Uni, à Calais, à Dunkerque et dans les autres ports de la Manche, à la Gare du Nord et dans les aéroports parisiens, mais d'autres parties du territoire sont aussi concernées. Les formalités douanières devront ainsi être rétablies dans les aéroports du Sud-Ouest de la France, qui accueillent chaque année par vol direct des millions de Britanniques.
La deuxième grande priorité assignée à la douane pour l'année 2019 est le soutien aux buralistes et la lutte contre la contrebande de tabac, deux actions d'autant plus nécessaires que le Gouvernement a décidé de porter progressivement le prix du paquet de cigarettes à 10 euros. Le nouveau protocole 2018-2021 signé en février avec les buralistes se traduit par l'inscription de 111 millions d'euros de crédits d'intervention sur le programme 302, en forte hausse par rapport à l'année dernière. Le protocole crée notamment un fonds de transformation pour aider les buralistes à développer de nouveaux services de proximité. Ce fonds est doté de 26 millions d'euros en 2019, avec un effet moindre sur le solde, car cela est financé par une contribution des fournisseurs, les fabricants de tabac.
Je souhaite signaler le rôle des buralistes dans nos territoires, où ils sont parfois les derniers commerçants. À cet égard, l'article 63 du projet de loi de finances, qui permettra à l'administration fiscale de confier à des partenaires l'encaissement des espèces avec un objectif « zéro numéraire » en 2022, pourrait être l'occasion pour les buralistes de diversifier leurs activités, par exemple dans le cadre d'un partenariat avec La Poste.
Le pendant nécessaire à cette politique est une action résolue contre la contrebande. La douane travaille à la mise en place d'un système de traçabilité indépendant des fabricants, ce qui représente une grande avancée.
Cela m'amène, plus généralement, à l'action de la DGDDI en matière de lutte contre les trafics. Les résultats sont bons, quoique très variables d'une année sur l'autre. Toutefois, avec le prisme de la commission des finances, on ne peut que regretter que les indicateurs de performance reposent tous sur des seuils permettant de définir les « dossiers à enjeu » : 2 800 euros pour les cigarettes de contrebande, 1 000 euros pour les stupéfiants, 150 articles pour les contrefaçons, 3 500 euros en matière fiscale etc. Bien sûr, cela incite les douaniers à se concentrer sur les fraudes les plus graves. Toutefois, cette méthode ne paraît pas adaptée à l'un des grands défis actuels de la douane : l'essor du e-commerce , caractérisé par une multitude de petits envois représentant chacun un faible risque ou enjeu, mais dont l'ensemble est très important. À cet égard, une coopération plus étroite avec les plateformes s'impose.
La dernière caractéristique du budget 2019 de la douane est le quasi-achèvement du programme de renouvellement de ses moyens opérationnels. Sa flotte aérienne est maintenant au complet : trois des sept nouveaux avions Beechcraft sont déjà opérationnels, et les autres le seront bientôt. En ce qui concerne le renouvellement des hélicoptères, la douane a finalement fait le choix de louer trois d'entre eux, dont deux aux Antilles. À court terme, cela libère la douane des coûts de maintenance. Le choix de la location explique en partie la forte baisse de 29 % des dépenses d'investissement.
Telles sont les perspectives de l'année à venir. Cela dit, la douane est, comme la DGFiP, engagée dans une transformation de long terme de son organisation et de ses missions. Les progrès de la dématérialisation et de l'exploitation des données, la mise en oeuvre du nouveau code des douanes de l'Union et du « droit à l'erreur », et surtout la mise en place de l'agence du recouvrement auront des conséquences majeures qui appellent plusieurs remarques.
Tout d'abord, si les transformations seront importantes, elles ne devraient pas pour autant avoir l'ampleur de celles de la DGFiP, ne serait-ce que parce que la douane est une administration plus petite, avec environ 17 000 agents, répartis principalement dans les 168 bureaux de douane et les 210 brigades terrestres et qu'elle a une forte dimension opérationnelle. Quelque 44 fusions ont eu lieu depuis 2015, selon un plan stratégique qui devrait s'achever en 2020, avec deux ans de retard. On compte encore 35 bureaux ou brigades avec moins de cinq agents.
Ensuite, les remarques de Thierry Carcenac au sujet de la DGFiP s'appliquent pleinement à la douane : il faudra demain davantage de prévisibilité et de concertation au niveau des territoires. Par ailleurs, la « déconcentration de proximité » voulue par Gérald Darmanin pourrait vite se heurter à la limite du stock de services « déconcentrables ». Le service des ressources humaines de la douane est déjà installé à Bordeaux, celui des finances à Lyon, les écoles des douanes à Tourcoing et à La Rochelle.
M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - J'en viens aux crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Dans la mesure où vous trouverez l'essentiel des informations dans notre rapport, je concentrerai mon propos sur un préalable et deux points essentiels.
Le préalable porte sur la suppression des loyers budgétaires à partir de 2019. La question de l'avenir des loyers budgétaires était en suspens depuis deux ans. Plusieurs critiques étaient adressées à cet outil historique de la politique immobilière de l'État, concernant notamment les lourdeurs de leur gestion. Leur objectif était d'inciter les ministères à rationaliser leurs emprises immobilières.
Nous défendions l'idée d'une remise à plat des loyers budgétaires afin de les conforter, dans la mesure où ils permettent aux ministères d'intégrer le coût de la fonction immobilière.
Un choix différent a été fait cet été par le Gouvernement. J'appelle toutefois votre attention sur deux éléments : d'une part, les documents budgétaires intègrent la suppression des loyers budgétaires comme une mesure de périmètre, ce qui réduit artificiellement les crédits portés par les missions ; d'autre part, aucun dispositif alternatif n'est proposé pour inciter les ministères à la rationalisation de leurs emprises immobilières - le taux d'occupation effectif est, avec 14 mètre carrés ou 15 mètres carrés par agent, supérieur à la norme fixée à 12 mètres carrés. Nous serons donc attentifs à la façon dont la Direction de l'immobilier de l'État procédera.
Le compte d'affectation spéciale regroupe 7,5 % des crédits immobiliers ; le reste est réparti dans quarante-quatre programmes, avec près de 9 800 agents. Cela recèle un grand flou.
En 2016, la Direction de l'immobilier de l'État a été créée pour remplacer France Domaine, et elle a été rattachée à la DGFiP.
Cependant, les moyens humains et budgétaires sont éclatés, et l'architecture de la politique immobilière de l'État nous semble baroque. Cet éclatement des moyens est même renforcé avec la création du programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multioccupants », qui représente près de 900 millions d'euros en autorisations d'engagement.
Parallèlement, la rationalisation des emprises immobilières peine à se répercuter dans la maquette de performance. Le ratio présentant le nombre de mètres carrés par poste de travail demeure au-dessus des objectifs ; au Royaume-Uni, ce ratio atteint 8 mètres carrés par agent. La lisibilité et l'efficacité de la politique immobilière de l'État ne sont donc pas au rendez-vous.
Plus encore, sa soutenabilité n'est pas assurée, avec un déficit de 73 millions d'euros. Il importe donc de faire évoluer les produits du compte vers des recettes pérennes, car on faisait fonctionner le CAS avec les cessions immobilières, qui s'essoufflent, surtout avec la décote Duflot. La nouvelle directrice de la Direction de l'immobilier de l'État souhaite faire évoluer les pratiques vers la signature de baux emphytéotiques.
Nous avons étudié comment d'autres pays procèdent en la matière, notamment l'Italie. Dans ce pays, une société à capitaux publics, l'Invimit, reçoit ainsi des biens immobiliers dont l'État n'a plus l'utilité, afin de procéder à leur valorisation en les mettant en location. Ce modèle nous paraît intéressant, dans la mesure où il procure à l'État des revenus récurrents et assure la soutenabilité de la politique immobilière de l'État.
Un changement semble s'opérer en France, puisque la possibilité de procéder à la location à grande échelle des biens inutiles est envisagée. La semaine dernière, à l'occasion de la présentation des axes de la réforme de l'État, le Premier ministre a annoncé la création future de foncières publiques. Or il en existait déjà une, la SOVAFIM. Elle était critiquable mais elle avait le mérite d'exister.
La SOVAFIM avait ainsi une filiale chargée de gérer l'immobilier pénitentiaire, et qui a permis de rénover d'anciennes prisons de centre-ville. La Garde des sceaux souhaite créer 7 000 places de prison avec 1,7 milliard d'euros ; sans système financier de ce type, on ne pourra pas les financer.
M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - J'aborde désormais la mission « Action et transformation publiques ». Les enjeux budgétaires sont d'une moins grande envergure, mais cette mission revêt une importance politique cruciale puisqu'elle constitue un vecteur budgétaire du processus Action publique 2022.
Il s'agit d'une mission nouvelle, créée par la loi de finances pour 2018, et non pérenne, puisqu'elle a vocation à s'éteindre en 2022. Alors que les montants inscrits l'an dernier étaient anecdotiques, l'exercice 2019 consacre sa montée en charge, avec 310 millions d'euros en crédits de paiement et 1,2 milliard d'euros en autorisations d'engagement. La mission comprend deux facettes : la première porte sur la politique immobilière de l'État, avec le programme de rénovation des cités administratives ; la seconde porte sur le politique de transformation de l'action publique, avec deux fonds.
L'essentiel des crédits prévus cette année porte sur le premier volet. Il est en effet proposé d'inscrire la quasi-intégralité des crédits prévus, avec 900 millions d'euros d'autorisations d'engagement dès 2019. L'objectif est de sélectionner les projets retenus au cours du premier semestre afin de permettre leur réalisation d'ici à 2022.
Ce programme répond à un besoin réel - nous connaissons bien l'état des cités administratives de nos territoires. Toutefois, nous appelons votre attention sur deux éléments : d'une part, tous les projets ne pourront pas être financés, et l'anticipation du calendrier ne doit pas conduire à précipiter la sélection des dossiers au détriment de leur qualité ; d'autre part, un lien direct est opéré avec la réforme des services déconcentrés de l'État, dans une perspective de rationalisation et de mutualisation.
Ce lien désormais explicite entre politique immobilière et réforme de l'action publique est confirmé avec les deux autres programmes de la mission. Ils retracent chacun les crédits budgétaires à destination de deux fonds, le Fonds pour la transformation de l'action publique et le Fonds pour l'accompagnement des agents de la fonction publique.
Le Fonds pour la transformation de l'action publique vise à accompagner les réformes, en soutenant les coûts initiaux devant permettre de réaliser des économies structurelles à moyen terme. Il fonctionne sous forme d'appels à projets, dont le premier au cours du premier semestre a retenu dix-sept projets dans des domaines variés.
Le Fonds pour l'accompagnement interministériel ressources humaines est une création de ce projet de loi de finances. Il s'agit même d'une surprise, car il ne figurait pas dans la maquette budgétaire soumise à l'occasion du débat d'orientation des finances publiques en juillet dernier. Aucune information ne nous a été communiquée ; des éléments ont cependant été apportés par le Premier ministre lundi 29 octobre dernier. Il s'agit en réalité du fonds devant accompagner la réduction de 50 000 postes de fonctionnaires d'État d'ici à 2022.
C'est d'ailleurs l'écueil principal de ces deux programmes : plus qu'un réel vecteur de la transformation publique, il s'agit en pratique d'une incarnation d'Action publique 2022 devant légitimer les économies attendues de ce processus.
En attendant que ces économies se matérialisent, il est proposé un montant de 160 millions d'euros en crédits de paiement au titre du Fonds pour la transformation de l'action publique et de 50 millions d'euros en crédits de paiement au titre du Fonds pour l'accompagnement interministériel ressources humaines.
Je conclus par quelques remarques sur la mission « Crédits non répartis ». Il s'agit de la mission la moins dotée du budget général pour 2019, avec 204 millions d'euros en crédits de paiement et 504 millions d'euros en autorisations d'engagement. L'essentiel des crédits devant être répartis au moment du vote de la loi de finances, en vertu du principe de spécialité budgétaire, il est normal que le niveau de crédits soit minime pour cette mission particulière. Ses deux programmes sont destinés à couvrir des dépenses qui sont ensuite réparties en cours de gestion dans les différentes missions.
Je relève un léger écart de 79 millions d'euros entre les crédits demandés pour 2019 et la programmation triennale, correspondant à la budgétisation du programme 551, « Provision relative aux rémunérations publiques ». Ce programme retrace des dépenses de personnel dont l'absence de répartition est généralement justifiée, dans l'attente de la tenue des négociations salariales dans la fonction publique. Pourtant, cette année, le rendez-vous salarial a déjà eu lieu, deux mois et demi avant le dépôt du projet de loi de finances.
Je m'étonne donc du maintien de 70 millions d'euros inscrits sur ce programme, qui financeront l'an prochain la revalorisation de trois rémunérations : la monétisation des jours épargnés sur un compte épargne-temps, les frais de nuitée et l'indemnité kilométrique.
Par ailleurs, le Gouvernement a inscrit une mesure de transfert de 9 millions d'euros vers le programme 551, à partir de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ». Ce montant correspond au versement du forfait mobilité durable pour la fonction publique d'État. Là-encore, je m'interroge sur l'opportunité de ce transfert, qui aurait pu se réaliser en cours de gestion, comme le permet la LOLF.
La dotation du programme 552, « Dépenses accidentelles et imprévisibles », est strictement égale à celle de 2018, avec 124 millions d'euros. Ce montant, inscrit à titre conventionnel, reste cependant plus élevé que par le passé, afin d'absorber partiellement la baisse du taux de mise en réserve des crédits par mission de 8 % à 3 %, qui s'applique à partir de 2018. Il faudra donc attendre l'examen du prochain projet de loi de règlement pour vérifier que le montant des crédits n'est pas surévalué.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Les constantes sont là. La douane, qui a déjà des difficultés à recouvrer la TVA, fait face à des volumes qui ont considérablement augmenté avec un personnel stable. Nous l'avions constaté lors d'un déplacement à Roissy en 2013 avec Philippe Dallier. Nous y sommes retourné cette année, et les volumes avaient encore augmenté. Cela pose la question de l'informatisation. Je suis très étonné de cette division par dix des crédits d'informatique à la DGFiP.
M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Je vous le confirme.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Pourtant, beaucoup de tâches sont encore faites manuellement, je pense par exemple à la publicité foncière ou à la redevance d'archéologie préventive.
Nous sommes à la veille de bouleversements considérables. Bercy semble avoir un plan secret ; s'agit-il de la suppression du réseau, le recouvrement étant fait par les entreprises ou des opérateurs ? On ne pourrait plus se rendre dans une trésorerie sans rendez-vous. L'impôt n'est pas simplifié mais on a une diminution du service public. Je le regrette. On laisse les citoyens seuls face à leurs questions...
Quant à l'immobilier de l'État, il n'existe malheureusement pas de politique en la matière, l'exemple caricatural étant le cas de l'Imprimerie nationale. C'est très coûteux. Le ministère affiche des objectifs de réduction, au détriment du service. Je préférerais que cela passe par une meilleure productivité et que le service public continue d'exister.
M. Philippe Dallier . - La date annoncée de 2022 pour l'agence du recouvrement est-elle contrainte ou peut-elle être décalée ? Je vois mal comment on pourrait être prêt dans moins de 3 ans.
Par ailleurs, Claude Nougein parlait des débitants de tabac et de l'augmentation du prix du paquet de cigarettes. Les douanes ont-elles l'intention de lutter davantage contre la fraude, y compris en plein Paris ?
M. Éric Jeansannetas . - Ma question concerne la réorganisation du réseau de la DGFiP, notamment en zone rurale. On se bat pour installer la fibre optique en zone rurale, afin de permettre l'installation d'entreprises et d'administrations sur le territoire.
Or ce n'est pas le chemin qui semble emprunté ; au contraire, on privilégie la concentration dans les agglomérations plus peuplées - on transfère de Limoges à Bordeaux, de Guéret à Limoges, des petites villes à Guéret. Les maires que nous représentons ont un fort sentiment d'abandon, alors que l'État a les outils pour aménager le territoire. Mais s'il y a un plan secret de fermeture du réseau, tout cela ne sert à rien...
M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Philippe Dallier, il y a peu de contrôles des douanes à Paris, c'est plutôt la police qui se charge de ces contrôles. Des mesures sont tout de même prises. Un accord a été signé avec Andorre. En effet, la consommation de tabac rapportée à la population de cette principauté est de trois ou quatre paquets par jour par habitant, bébés compris...
Il s'agit maintenant de faire évoluer le métier de débitant de tabac. Des aides publiques ont été mises en place. La Française des Jeux aide aussi : les meubles, loués jusqu'à présent, seront gratuits. Le « cash back » permettra aux débitants de tabac de servir aussi de banques, dans les bourgs où il n'y a plus de distributeurs et où ils sont parfois les derniers commerçants.
Les débitants de tabac viennent souvent me voir ; ils sont très actifs, bien organisés et ouverts, mais inquiets et on les comprend.
En Creuse, comme en Corrèze, on nous explique qu'il faut une seule trésorerie par communauté de communes. On va dans cette direction.
M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Y a-t-il un plan caché ? Je ne le sais pas. Cela pourrait représenter 30 000 emplois en moins, sur 100 000...Le ministre, devant les directeurs, le 11 juillet, a signalé qu'il y aurait des conséquences sur l'organisation territoriale. Il a été demandé aux préfets de région et de département de faire des propositions de déconcentration de services, afin de voir de quelle façon on peut maintenir dans le monde rural certains services. Nous avons reçu un courrier pour nous en informer.
Parallèlement, la capacité d'accueil a augmenté en 10 ans de près de 40 %... On veut faire du front office ! L'Assemblée nationale a adopté un amendement à l'article 3 du projet de loi de finances qui établit des conventions avec la MSAP pour accompagner les citoyens dans le cadre du prélèvement à la source.
Les trésoreries rurales posent aussi le problème des mutations. On sera désormais affecté à l'échelle d'un département. Il sera intéressant de faire venir le ministre pour répondre à nos questions sur la réorganisation comme il l'avait proposé. Après les élections de décembre, on pourra peut-être aller un peu plus loin. Le personnel est un peu dérouté.
J'en viens au contrôle fiscal. Il a tendance à diminuer, alors qu'on veut faire du datamining . Il y a là un vrai sujet. L'objectif est de 20 % de la programmation fin 2019 et de 50 % à terme. On veut en même temps orienter l'activité des services vers le conseil aux entreprises. Je ne suis pas sûr qu'il y ait une vraie volonté de lutte contre l'évasion fiscale... À suivre !
M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - L'amendement n°1 a été adopté par notre commission lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016 et par le Sénat l'an dernier. Il réduit les crédits du programme 156 de 2,2 milliards d'euros. Cette économie résulte d'un alignement du temps de travail dans la fonction publique sur le temps de travail des autres Français, soit 37 heures et demie...
M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Le groupe socialiste vote contre cet amendement et les deux suivants.
M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - L'amendement n° 2 a été adopté par le Sénat lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2015, 2016 et 2018. Il porte le délai de carence dans la fonction publique d'État de un à trois jours. L'économie supplémentaire qui en résultera s'élèvera à 216 millions d'euros.
M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Je m'abstiens pour le vote sur les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits, ainsi modifiés, de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
Article additionnel après l'article 77
M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Il s'agit, par l'amendement n° 3, de généraliser la règle de trois jours de carence pour tous. Il tire les conséquences de l'amendement n° 2.
L'amendement n° 3 portant article additionnel après l'article 3 est adopté.
Enfin, les crédits de la mission « Crédits non répartis », les crédits de la mission « Action et transformation publiques » et les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » sont adoptés sans modification.
M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Je voudrais faire une dernière observation après ce vote. Le Sénat n'est plus représenté au conseil de l'immobilier de l'État, depuis le renouvellement du Sénat. J'ai adressé une lettre au Président Gérard Larcher à ce sujet.
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Réunie à nouveau le jeudi 22 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, la commission des finances adopté un amendement n° II-52 du rapporteur général et a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » ainsi modifiée, des crédits des missions « Crédits non répartis » et « Action et transformation publiques » sans modification, et du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » sans modification.
La commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption d'un article additionnel après l'article 77, en le transformant en article additionnel avant l'article 77 bis .
Elle a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des articles 77 bis et 77 ter .