LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de sa commission des finances, un amendement du Gouvernement visant :
- à minorer les crédits de la mission « Enseignement scolaire » de 13 414 837 euros en AE comme en CP, afin de « tenir compte des votes intervenus dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 ». Cette minoration se répartit à hauteur de :
• 922 123 euros en AE comme en CP sur le programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » ;
• 3 053 972 euros en AE comme en CP sur le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré » ;
• 2 988 642 euros en AE comme en CP sur le programme 230 « Vie de l'élève »
• 795 219 euros en AE comme en CP sur le programme 139 « Enseignement privé du premier et du second degrés » ;
• 5 173 085 euros en AE comme en CP sur le programme 212 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » ;
• 481 796 euros en AE comme en CP sur le programme 143 « Enseignement technique agricole » ;
- à majorer les crédits de la mission « Enseignement scolaire » de 12 653 750 euros afin de « tirer les conséquences sur la mission " Enseignement scolaire " des décisions annoncées lors du rendez-vous salarial du 18 juin 2018, concernant d'une part la revalorisation des indemnités kilométriques et d'autre part de la revalorisation des barèmes des frais de nuitée ». Cette majoration se répartit à hauteur de :
• 2 124 931 euros en AE comme en CP sur le programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » ;
• 3 366 805 euros en AE comme en CP sur le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré » ;
• 473 099 euros en AE comme en CP sur le programme 230 « Vie de l'élève » ;
• 11 130 euros en AE comme en CP sur le programme 139 « Enseignement privé du premier et du second degrés » ;
• 5 683 201 euros en AE comme en CP sur le programme 212 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » ;
• 994 584 euros en AE comme en CP sur le programme 143 « Enseignement technique agricole ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 31 octobre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Gérard Longuet, rapporteur spécial, sur la mission « Enseignement scolaire ».
M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Je vous proposerai d'adopter sans modification le budget de la mission « Enseignement scolaire ».
Ce budget marque, par rapport au quinquennat précédent, une inflexion qui correspond aux souhaits de la majorité de notre commission. Sans doute cette inflexion n'est-elle ni suffisante ni décisive, mais les orientations du ministre répondent à nos voeux.
Les dépenses augmentent de 1,7 % en crédits de paiement ; ce qui est moins que pendant le quinquennat précédent, au cours duquel les dépenses ont crû de 2,4 % par an pendant cinq ans. Un symbole significatif : la très légère diminution des effectifs, à hauteur de 1 850 équivalents temps plein (ETP), sachant que notre démographie diminue de façon inquiétante ; au cours des prochaines années, les effectifs d'élèves dans le premier degré diminueront ainsi de trente à quarante mille élèves par an. C'est d'ailleurs cela qui permettra d'absorber la généralisation de la scolarité à partir de trois ans - mesure de bon sens - à moyens constants, et même en prolongeant la baisse des effectifs.
Ce qui est surtout satisfaisant, c'est moins la baisse des effectifs que la répartition de l'effort, puisque, conformément à nos souhaits, les effectifs dans le premier degré progressent de 1 800 ETP, en raison notamment de la généralisation, qui s'achèvera en 2019, du dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et REP+. Environ trois cent mille élèves bénéficieront de ce dispositif, qui devrait améliorer les résultats du primaire, facteur de réussite dans le secondaire.
Les mesures du ministre de l'éducation nationale éclairent sa volonté de soutenir la qualité de l'enseignement primaire, au travers des stages de réussite pour 70 000 futurs collégiens - ces stages sont animés par des professeurs volontaires, rémunérés en heures supplémentaires - et de l'extension de la politique des devoirs faits au collège, qui commence à porter ses fruits. Tout cela est de bon augure pour la réussite de notre formation.
En contrepartie, il faut des moyens. Sur l'enseignement secondaire, le ministre a été prudent ; on sent qu'il veut mettre de l'ordre mais qu'il n'a pas encore complètement arrêté sa politique. Les classes de moins de dix élèves par enseignant représentent environ 7 % des classes. Cette proportion s'explique notamment par l'organisation territoriale de l'enseignement technique et professionnel et par l'organisation actuelle du baccalauréat qui conduisent à une dispersion extrême des moyens humains et à des effectifs d'élèves réduits.
En 2019, la maîtrise de l'offre dans l'enseignement secondaire général et technologique passe par deux mesures. La première est la diminution du nombre d'épreuves au baccalauréat, qui permettra la reconquête de semaines scolaires au mois de juin. C'est très important, car les obligations règlementaires de service (ORS) des enseignants s'entendent à l'échelle de la semaine, non de l'année, et, en 2019, les ORS ne seront pas remises en cause, alors que leur annualisation comblerait bien des besoins de remplacement.
Second levier : la réorganisation de l'enseignement professionnel. Le ministère évoque des « campus d'excellence » ; on ne sait pas ce que c'est, mais espérons qu'il s'agisse de regrouper l'offre de l'enseignement professionnel pour en éviter la dispersion ; en effet, l'enseignement professionnel prépare à dix mille métiers différents, ce qui est une source de complexité et de sous-utilisation des moyens, donc d'un coût élevé.
En outre, l'orientation vers l'enseignement professionnel sera plus bienveillante. Les enseignants ont tendance à orienter autant que possible vers la voie générale ; en conséquence, l'apprentissage et l'enseignement professionnel ont l'image d'un enseignement par défaut, d'un échec.
Au total, les effectifs dans le secondaire diminueront à hauteur de 2 650 ETP. Cette baisse sera compensée un peu par la rationalisation de l'offre que je viens d'évoquer et beaucoup par l'augmentation des heures supplémentaires. En effet, le nombre d'heures supplémentaires pouvant être imposées par le chef d'établissement en cas de nécessité de service passera d'une à deux heures à compter de la rentrée prochaine.
Donc ce budget repose sur un équilibre entre le soutien à l'enseignement primaire et la rationalisation du secondaire.
Quelles en sont les mesures concrètes ?
J'indique tout d'abord qu'un dépassement du plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques de 170 millions d'euros peut être constaté, dû à l'effort de sincérité par rapport au budget précédent. Ainsi, une partie de l'augmentation des crédits prévue en 2019 vise à sincériser les comptes.
Le ministère, réalisant que les enseignants sont mal payés en début de carrière et voulant encourager les enseignants à prendre en charge les classes difficiles augmente de manière significative l'indemnité versée en REP+.
Néanmoins, d'une manière générale, - il y a là une ambiguïté -, la hiérarchisation des revenus liée à l'ancienneté et le poids du secondaire au sein de l'éducation nationale sont tels que l'effort, pour spectaculaire qu'il soit, bénéficie plus aux enseignants en fin de carrière. Ainsi, dans le cadre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), le surplus touché par un professeur certifié s'élèvera à 10 000 euros s'il est en fin de carrière et à 1 000 euros s'il est débutant.
Par ailleurs, le fait de recruter moins permettra, on l'espère, de maintenir le niveau au concours. En outre, les étudiants pourront être associés dès la deuxième année de licence à l'enseignement, avec une indemnisation, ce qui les familiarisera avec leur futur métier. Ces mesures, qui favorisent le recrutement et les vocations, sont peu coûteuses, en raison précisément de cette hiérarchie fondée sur l'ancienneté.
Cette politique n'est malheureusement pas assez stimulante pour casser ce préjugé qui nuit à la qualité du recrutement dans certaines matières - mathématiques, anglais, français.
Le budget prévoit aussi un léger effort de productivité pour l'administration non enseignante, mais il est marginal.
Un motif de satisfaction pour nous réside dans la fin du logiciel Sirhen, équivalent pour l'éducation nationale du système Louvois au ministère des armées ; cela correspond à une demande du Sénat. Toutefois, cela ne règle pas le problème au fond, car il faut tout de même un système de gestion des ressources humaines.
Je conclurai sur une note plus personnelle. Nous avons la chance d'avoir un ministre qui connaît son ministère ; cela lui permet de l'administrer, sans annoncer de réformes mais en les faisant. C'est un progrès. En revanche, j'émets le voeu qu'il s'intéresse plus à ses partenaires, à commencer par les collectivités territoriales. En effet, le ministère est une structure organisée et hiérarchisée qui ignore ses partenaires.
Ainsi, le dédoublement des classes de primaire et la généralisation de la scolarisation à trois ans représentent des classes supplémentaires. Pourtant, les collectivités territoriales ne sont souvent mobilisées que pour payer les factures. Autre exemple, les collectivités pourraient être davantage impliquées dans la vie des établissements plutôt que de se limiter à être le témoin de conflits, au sein des établissements, entre les syndicats d'enseignants, la direction et les parents d'élèves, qui se terminent généralement en une demande de subvention... Le ministre dirige son administration, c'est bien, mais l'éducation nationale, c'est aussi ses milliers d'établissements et sa diversité d'acteurs.
Deuxième partenaire auquel Jean-Michel Blanquer pense insuffisamment : les employeurs et les régions, en partie dépossédées de la formation au profit des branches professionnelles, qui ne connaissent pas la réalité des territoires et des parents. Dans le cadre de la revalorisation de l'enseignement professionnel, il faut remettre autour de la table, avec l'éducation nationale, les élus locaux, les employeurs mais aussi les intercommunalités.
Enfin, je veux évoquer un aspect un peu particulier que l'on commence à observer en milieu urbain. En 1959, les relations entre public et privé ont été réglées au travers d'une sorte de conférence de Yalta, mais, alors que les parents changent, les ratios demeurent. Il faudra en reparler un jour ou l'autre. En particulier, des écoles hors contrat émergent dans les très grandes villes, soit pour raisons de choix pédagogiques soit pour des raisons idéologiques et communautaires. Le ministre fait bien fonctionner son administration mais il est ministre de la France entière, non seulement de son administration. Nous devons interpeller le ministre au sujet de cet isolement face à ces partenaires.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le tort du Sénat est souvent d'avoir raison trop tôt, mais, pour une fois, notre message a été entendu par le ministre. La France favorise trop l'enseignement secondaire au détriment du primaire. Les options proposées dans le secondaire ne sont pas forcément toutes nécessaires, et elles sont très coûteuses. Il faut mettre l'accent sur le primaire.
Le rapporteur spécial appelle notre attention sur les moyens considérables de Sirhen. Il fallait effectivement avoir le courage de trancher, mais le coût de ce logiciel et de son remplacement s'élève tout de même à 500 millions d'euros. Les ministères doivent en tirer les leçons et cesser de développer leurs propres logiciels de paie.
J'ai deux questions pour Gérard Longuet. Y a-t-il des postes non pourvus ou des concours qui ne donnent pas les résultats escomptés ? Le resserrement des postes devrait améliorer la qualité du recrutement, mais quel est l'état des effectifs réels par rapport aux effectifs prévus ?
Par ailleurs, y a-t-il des moyens consacrés au développement de l'internat, qui permet de traiter le décrochage scolaire ? Le ministre veut relancer cette pratique ; c'est une excellente initiative, car c'est un bon moyen de lutter contre les inégalités scolaires, de même que les devoirs faits au collège. Est-ce encore à l'état de projet, ou y a-t-il déjà, dans le projet de loi de finances pour 2019, des moyens consacrés à cela ?
Je suis d'accord avec les analyses du rapporteur spécial et je recommande, comme lui, d'adopter le budget de cette mission.
M. Vincent Delahaye . - Notre rapporteur général évoquait la constance. Chaque année, je m'étonne que l'on parle du budget de l'éducation nationale sans disposer de chiffres sur le nombre de classes et le nombre d'enseignants qui ne sont pas devant des élèves.
Notre rapporteur se réjouit d'une légère diminution de postes d'enseignants, soit 1 850 ETP en moins, mais le tableau d'emploi montre une augmentation de 5 813 emplois, les contrats aidés étant en effet transformés en postes. Au final, les effectifs dans l'éducation nationale augmentent bel et bien.
Les résultats scolaires se sont-ils améliorés du fait de l'augmentation de 48 000 postes sous le précédent quinquennat ?
Le tableau d'emploi du ministère fait état de 28 000 postes de soutien à la politique du ministère de l'éducation nationale. Que font ces personnes ?
M. Antoine Lefèvre . - Les contractuels de l'éducation nationale sont de plus en plus nombreux dans les zones défavorisées. Or, ces enseignants ne sont pas nécessairement bien formés. Dispose-t-on de chiffres précis ?
M. Roger Karoutchi . - Depuis une vingtaine d'années, il est question de modifier les horaires des certifiés et des agrégés. Il y a trois ans, le ministère voulait instaurer 20 heures de travail hebdomadaire. Cette réforme aurait permis de réduire le nombre de recrutements, de rehausser le niveau des concours et de fluidifier la gestion des horaires des établissements. J'ai le sentiment que cette piste a été abandonnée par le Gouvernement : est-ce le cas ?
M. Arnaud Bazin . - La contraction de l'offre des enseignements dans le secondaire va-t-elle affecter l'apprentissage du latin et du grec ?
Le nombre de postes d'auxiliaires de vie scolaire (AVS) augmente-t-il dans ce budget ?
M. Éric Bocquet . - Depuis plusieurs années, nous connaissons une crise du recrutement aussi bien dans l'académie de Créteil que dans celle de Versailles. Les conditions d'exercice et les rémunérations expliquent sans doute cette désaffection. Sur 150 000 étudiants qui s'inscrivent aux concours, seul un tiers se présente aux épreuves et des postes ne sont pas pourvus afin de ne pas brader les recrutements. Pour combler ces manques, des contractuels, qui n'ont pas forcément les qualifications requises, sont embauchés. Qu'entend faire le ministère pour inverser la tendance ?
M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - En 2018, 400 postes mis au concours du CAPES n'ont pas été pourvus, principalement en mathématiques, en lettres et en langues vivantes. Cet état de fait favorise la diminution des effectifs que j'évoquais tout à l'heure. Les métiers de l'enseignement sont en compétition avec d'autres métiers de services. Ainsi, les formations au numérique reposent en grande partie sur les mathématiques. Or, il faut une grande force de conviction pour préférer gagner moins dans une classe indisciplinée que de gagner plus dans l'ambiance décontractée d'une « start-up », même si les risques de licenciements ne sont ensuite pas minces... Le métier d'enseignant a donc besoin d'être soutenu, tant sur le plan matériel que psychologique : les enseignants ont trop souvent le sentiment d'être seuls. C'est un beau métier mais la matière est difficile et l'environnement incertain, surtout du fait que la hiérarchie tente de s'affranchir de ses responsabilités en demandant aux enseignants d'étouffer les incidents. Sans travail et sans discipline, pas de résultats.
Le primaire compte 3 000 contractuels et le secondaire 30 000. À une époque, la contractualisation permettait d'espérer une titularisation. Aujourd'hui, tel n'est plus le cas : ces emplois sont occasionnels. L'existence de contractuels est l'expression de la crise de cette profession.
La création de 46 000 postes d'enseignants entre 2012 et 2017 n'a pas fait l'objet d'une évaluation scientifique. Le pourcentage des élèves rencontrant des difficultés reste au même niveau : entre 15 % et 20 %. Il est néanmoins difficile de se prononcer, car les effets de ces recrutements ne pourront être mesurés que dans la durée.
Lors de la précédente législature, la politique « plus de maîtres que de classes » était menée. Le ministre a fait un choix différent en scindant les classes en deux : mathématiquement, le résultat est identique, mais le résultat semble bien meilleur car chaque enseignant est responsable de sa classe. Nous allons demander l'évaluation des mesures menées. Même s'il coûte cher, le dédoublement des classes semble donner des résultats ; il en va de même pour la politique des devoirs faits qui mobilise des enseignants mais aussi des volontaires. Enfin, les stages de réussite reposent sur la mobilisation des familles et le sens de la responsabilité des élèves.
Le ministre a évoqué l'internat mais le budget ne comporte aucune mesure concrète, alors que des internats pourraient sauver des établissements. Les internats de la réussite ont bénéficié de crédits des Programmes d'investissements d'avenir (PIA). Je ne vois rien dans le budget qui permette d'améliorer le sort des 210 000 places d'internat et qui sont occupées à 80 %. Les deux adversaires de l'internat sont la multiplication des établissements sur le territoire, ce qui renforce la proximité mais nuit aux internats, mais aussi l'évolution du milieu familial qui se veut plus protecteur des enfants.
L'augmentation de 5 813 postes qui figure dans le budget de l'éducation nationale n'en est pas une : il s'agit de l'extension en année pleine des recrutements intervenus en 2018 et de la transformation de contrats aidés en accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).
La scolarisation des enfants handicapés fonctionne assez bien. Les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ont augmenté de 300 % les prescriptions d'accompagnement au bénéfice d'enfants handicapés qui sont de plus en plus nombreux : il s'agit d'enfants qui souffrent souvent de problèmes psychologiques, plus que de handicaps physiques. Les MDPH font porter à l'éducation nationale des problèmes qui ne ressortent pas, à proprement parler, de l'éducation. La définition du handicap mériterait peut-être d'être revue.
Le Comité CAP 2022 a proposé la création d'un nouveau statut pour les enseignants du secondaire. Depuis, plus rien. Les agrégés assurent 15 heures hebdomadaires tandis que les autres doivent dispenser, en fonction des catégories auxquelles ils appartiennent, 18 ou 21 heures de cours. Nous poserons la question au ministre en séance publique. Dans un rapport que j'ai commis, je proposais d'augmenter les obligations de service à 20 heures hebdomadaires pour les certifiés, les contractuels et les agrégés, hors classes préparatoires aux grandes écoles.
Les langues anciennes ne sont pas menacées. En revanche, sont visées les multiples activités professionnelles enseignées à l'école et la diversité des options. Il ne semble en effet pas indispensable de consacrer autant de moyens à des langues peu pratiquées qui, pour certaines, relèvent de la volonté individuelle ou de la vie communautaire. Le ministère va vers l'offre qu'il juge la plus utile.
M. Marc Laménie . - Ce budget s'élève à 72,8 milliards et dispose de moyens humains considérables. Quid du partenariat avec les collectivités locales ? Quid des transports scolaires ? Pourriez-vous faire le point sur la médecine scolaire qui semble sous-dotée ?
Je déplore que les jeunes soient assez peu sensibilisés au devoir de mémoire, même si les situations sont très diverses d'une académie à l'autre, d'un établissement à l'autre.
Enfin, je regrette que les liens entre l'éducation nationale et les entreprises soient si ténus.
M. Patrice Joly . - Je serai assez nuancé sur ce projet de budget. Certes, le dédoublement des classes semble une bonne chose mais y a-t-il, comme le craint l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), un glissement des moyens affectés aux territoires ruraux vers les territoires urbains ? J'approuve également les efforts faits pour améliorer la rémunération des enseignants et pour augmenter le nombre d'AESH.
Pourtant, au regard des besoins révélés par l'enquête PISA, les moyens ne semblent pas à la hauteur des enjeux et augmentent dans de moindres proportions que lors du précédent quinquennat.
Je regrette la diminution sensible du nombre de postes d'enseignants dans le secondaire alors qu'il y aura 26 000 jeunes de plus en 2018-2019 et 40 000 en 2019-2020.
Comment seront financées les heures supplémentaires censées améliorer le pouvoir d'achat des enseignants ?
Les collectivités locales doivent supporter le coût du dédoublement des classes et de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire. Certes, l'État compense grâce à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), mais toutes les communes ne sont pas éligibles.
Les territoires ruraux souffrent de postes non pourvus aussi bien dans le primaire que le secondaire.
Je m'abstiendrai donc sur ce budget.
M. Jean-François Husson . - Je regrette l'absence de travail partenarial entre l'éducation nationale et les collectivités territoriales. Aujourd'hui, le ministère décide et les collectivités obtempèrent. La dépense publique doit être réduite et la DETR redéployée. L'école doit être le premier maillon pour l'égalité des chances. Les expérimentations positives devraient être mieux connues.
M. Michel Canévet . - Heureusement, le programme prévisionnel d'accroissement du nombre d'enseignants du précédent quinquennat n'a pas été mené à son terme : il eut été plus difficile de réadapter les effectifs.
Les taux d'insertion professionnelle sont particulièrement élevés dans l'enseignement agricole. Merci à notre rapporteur de l'avoir rappelé car cette filière a besoin de considération.
La baisse de la natalité va-t-elle compenser l'obligation d'instruction dès 3 ans ?
L'enseignement privé bénéficie de crédits budgétaires relativement moindres que dans le public. Or, l'évolution du taux de scolarisation dans le privé ne semble pas justifier une telle différence de traitement.
Mme Fabienne Keller . - Dans votre rapport, il apparaît que les effectifs dans le premier degré vont chuter de 200 000 élèves.
M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Il s'agit d'effectifs cumulés.
Mme Fabienne Keller . - Certes, mais il va falloir accompagner cette évolution qui concerne potentiellement 8 000 enseignants. En outre, nous allons devoir affronter des fermetures de classes et même d'écoles.
M. Jérôme Bascher . - Hier, en conseil des ministres, a été reporté le plan pour la sécurité à l'école, pourtant urgent. Les auditions que vous avez menées ont-elles montré que ce sujet était prioritaire ? Quels sont les crédits qui lui sont consacrés ?
S'agissant des conseils d'administration des établissements publics locaux d'enseignement, vous avez indiqué, à juste titre, que les partenaires regardaient passer les obus. Ne devrait-on pas revoir ces conseils d'administration, voire ces établissements publics, pour une meilleure efficacité, y compris budgétaire ?
M. Emmanuel Capus . - Vous avez rapidement abordé la question de la détresse des enseignants confrontés aux problèmes de sécurité et d'incivilité, et de déliquescence de l'autorité. Des moyens complémentaires sont-ils prévus dans le projet de loi de finances pour assurer la sécurité des enseignants face à des classes toujours plus difficiles ?
Votre rapport évoque le succès de l'enseignement technique agricole, dont les crédits augmentent moins vite que ceux des autres types d'enseignement, alors qu'il est en profonde mutation. Les sommes qui lui sont allouées sont-elles suffisantes ?
Mme Sophie Taillé-Polian . - Je ne partage pas l'ensemble de vos analyses, Monsieur le rapporteur spécial.
La situation était délicate dans les écoles primaires l'année dernière, car il était difficile d'appréhender les conséquences du dédoublement des classes de CP et CE1 en REP et REP+ sur les effectifs des autres classes de ces écoles, voire d'autres écoles, quelquefois situées dans des zones de grande mixité. Des écoles maternelles ont pu ainsi être confrontées à des fermetures de classes, voire d'écoles en milieu rural, ou à l'absence d'ouverture de classes.
Un suivi de ces mesures de dédoublement serait nécessaire pour s'assurer qu'elles n'ont pas servi à « déshabiller Pierre pour habiller Paul ». La dégradation de la situation dans certaines écoles périphériques crée un sentiment d'injustice et peut altérer la qualité de l'enseignement en école maternelle.
M. Bernard Delcros . - Les difficultés à pourvoir un certain nombre de postes ont des conséquences importantes sur la qualité de l'enseignement. Je l'ai constaté en milieu rural : on fait appel à des personnes parfois mal préparées, recrutées au pied levé. Il faudrait mesurer, par territoire ou secteur et sur plusieurs années, l'évolution des recrutements sur des postes qui ne peuvent être pourvus par des enseignants titulaires.
M. Jean Pierre Vogel . - Le dédoublement des classes en REP en REP+ est une excellente mesure. Peut-elle être étendue aux zones de revitalisation rurale (ZRR) ? Les classes REP et REP+ sont plutôt situées dans les zones urbaines ; les zones rurales sont, une fois de plus, abandonnées.
Le seuil de fermeture des classes en ZRR pourrait-il être fixé à douze élèves ?
M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Les questions soulevées sont toutes intéressantes, et vous trouverez de nombreuses réponses dans mon rapport.
Marc Laménie et Jean-François Husson ont évoqué le partenariat avec les collectivités locales. Nous avons besoin de reconstruire cette responsabilité. En tant qu'ancien élu local, je mesure combien l'éducation nationale ne fonctionne bien qu'avec une connaissance réelle des terrains, lesquels sont différents.
On voit bien la diversité dans la mise en oeuvre des politiques publiques sur le territoire national, ce qui agace les parlementaires. Ceux-ci sont confrontés soit à des formules générales dont ils ne mesurent pas nécessairement les effets sur le terrain soit à des problèmes de terrain qui n'intéressent pas l'administration centrale.
Le ministre dirige le ministère, mais ce dernier doit bien être le ministère de l'éducation « nationale », une politique déclinée sur l'ensemble du territoire, dans toute sa diversité, avec l'ensemble des partenaires.
Prenons l'exemple du programme « devoirs faits » au collège : cela signifie qu'il faut mettre en place de nouvelles tournées de ramassage scolaire, ce qui a un coût. Ce dispositif est optionnel : ne devrait-on pas l'imposer à tous les parents pour ne pas avoir à organiser plusieurs ramassages ?
La médecine scolaire a longtemps détenu le monopole de l'accès à la médecine. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Néanmoins, elle doit rester la voiture-balai pour les élèves qui échappent à tout médecin.
Le lien avec la citoyenneté a été évoqué. L'éducation n'est pas envisageable sans des valeurs partagées : le respect de l'autre, celui des adultes, des élèves entre eux et des enseignants par les parents d'élèves. Cette valeur est au coeur de la réussite scolaire. Les établissements scolaires les plus performants sont ceux dans lesquels le chef d'établissement fait respecter une certaine discipline, ce qui est plus facile dans l'enseignement privé où il dispose du choix des élèves et des enseignants.
Pour susciter des vocations, les établissements scolaires doivent être plus forts et travailler avec davantage de partenaires. Pour avoir présidé pendant douze ans le conseil d'un lycée agricole, je peux vous assurer que l'état d'esprit y est tout à fait différent : le président préside et dispose de moyens, car il est un élu régional, et le directeur dirige. Les professionnels sont au conseil d'administration, ce qui change tout : leur parole a un grand poids auprès des parents d'élèves.
Patrice Joly souhaite savoir qui paye le dédoublement des classes primaires. Cette question, que nous posons tous dans nos départements, reçoit des réponses embarrassées des directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen) et des recteurs. On a manifestement gratté ce qu'on pouvait là où on le pouvait... Nous n'avons pas de réponses détaillées par département.
Fabienne Keller a évoqué la démographie : l'éducation nationale connaît parfaitement les tendances lourdes. Mais la répartition géographique est mal connue. Par ailleurs, les parents sont libres de choisir entre centre-ville et périphérie. Nous souhaitons tous sauver les centres-villes, mais les habitants ne veulent pas y vivre, ce qui a des conséquences sur les établissements scolaires... Par ailleurs, le choix de l'école reste assez libre dans notre pays, entre établissement public et privé et même au sein du public. Nous devons affiner au niveau régional des statistiques nationales que nous maîtrisons bien. En banlieue parisienne, on assiste à des phénomènes d'éviction : certains collèges sont abandonnés, et il sera impossible d'obliger les familles à y inscrire leurs enfants. La démographie doit se marier avec l'idée qu'ont les élus locaux du développement de leurs quartiers.
Patrice Joly a également soulevé la question des relations entre le préfet, les élus locaux et la demande scolaire. Les élus disent qu'ils ne sont au courant de rien, les Dasen ne savent pas grand-chose et les préfets encore moins... Le fléchage des crédits d'État pour aider les collectivités locales ne fonctionne pas.
Jean-François Husson a avancé une idée de bon sens : il faut comparer les expériences et retenir ce qui marche le mieux. Pour cela, il faut disposer de chiffres régionalisés. Or la région connaît les lycées, mais ignore les collèges et les écoles primaires. C'est pourtant un tout !
Je comprends que Jean Pierre Vogel se plaigne que la revitalisation rurale ne fonctionne pas. Ce qui peut poser problème en zone rurale, c'est le manque d'ambition des élèves, pourtant travailleurs et sérieux. Le monde rural est souvent hélas coupé de l'avenir : les élèves ne se projettent pas dans vingt ou trente ans. Ces jeunes ne sont pas soutenus par leurs familles, qui craignent qu'ils ne partent et ne reviennent jamais.
L'enseignement agricole est une réussite, comme l'a souligné Michel Canévet, car il a cessé d'être exclusivement agricole. C'est un enseignement rural, qui forme les jeunes aux métiers de la ruralité, de l'agroalimentaire et aux métiers de bouche. Sa force est de reposer sur le volontariat des élèves et des enseignants.
Jérôme Bascher a évoqué le plan pour la sécurité à l'école. Seuls les élus locaux, qui font du quadrillage de quartier, peuvent donner des informations opérationnelles aux enseignants et à leurs dirigeants. Le problème essentiel de la sécurité est la mobilisation des adultes : chacun doit être en partie responsable du « fardeau ».
Le fort recours aux contractuels, évoqué par Bernard Delcros, touche particulièrement les académies de Versailles et de Créteil.
À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
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Réunie à nouveau le jeudi 22 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission des finances, après avoir pris acte des modifications introduites par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».