E. CLARIFIER LA RÉFORME DE L'ORGANISATION JURIDICTIONNELLE DE PREMIÈRE INSTANCE, TOUT EN VEILLANT AU MAINTIEN DU MAILLAGE TERRITORIAL ET À LA PROXIMITÉ DE L'INSTITUTION JUDICIAIRE
Votre commission a accepté le regroupement du tribunal de grande instance et des tribunaux d'instance de son ressort, déjà approuvé par le Sénat en octobre 2017 dans la proposition de loi d'orientation et de programmation sur le redressement de la justice.
Alors que le projet de loi maintenait les dénominations actuelles de tribunal de grande instance et de tribunal d'instance pour le nouveau tribunal unifié et pour ses chambres détachées, votre commission a préféré clarifier la réforme sur ce point, en retenant la dénomination de tribunal de première instance, comportant en dehors de son siège des chambres détachées. Elle a insisté sur le fait que cette réforme ne devait conduire à la fermeture d'aucune implantation judiciaire, au nom de l'exigence de proximité pour le justiciable.
Elle a supprimé le dispositif complexe et peu utile de spécialisation des tribunaux de grande instance en matière civile et pénale, sur décision des chefs de cour, en cas de pluralité de tribunaux dans un même département. Elle a accepté, en revanche, le principe de procureurs chefs de file dans ce même cas. Elle a ajouté des garanties d'affectation pour les magistrats et de localisation pour les fonctionnaires de greffe, ainsi qu'un mécanisme d'encadrement de toute modification de la carte judiciaire, permettant la concertation avec les acteurs locaux, reprenant des dispositions de la proposition de loi précitée.
Pour assurer un traitement adapté et pérenne du coeur des contentieux de l'actuel tribunal d'instance, votre commission a créé une fonction nouvelle de juge chargé des contentieux de proximité, dans le cadre de l'ordonnance de roulement du président du tribunal de première instance, à l'instar du juge aux affaires familiales, et non comme une fonction statutaire spécialisée. Ce juge serait compétent pour les litiges dont l'enjeu est inférieur à 10 000 euros ainsi qu'en matière de baux d'habitation, de saisie des rémunérations, de crédit et de surendettement.
Votre commission a également supprimé l'expérimentation concernant les cours d'appel, consistant, dans deux régions, à confier à des chefs de cour chefs de file des fonctions d'animation et de coordination des autres chefs de cour et à spécialiser certaines cours d'appel en matière civile, qu'elle a jugée peu pertinente.
F. ENRICHIR LA RÉFORME : RÉNOVER L'AIDE JURIDICTIONNELLE, TRANSFORMER LES TRIBUNAUX DE COMMERCE EN TRIBUNAUX DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET RÉGULER LA MOBILITÉ DES MAGISTRATS
À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a introduit, selon le cas, dans le projet de loi ou dans le projet de loi organique plusieurs mesures déjà adoptées par le Sénat le 24 octobre 2017 dans les propositions de loi sur le redressement de la justice, afin d'enrichir la réforme aujourd'hui présentée par le Gouvernement.
Elle a ainsi adopté une réforme de l'aide juridictionnelle, sujet absent du projet de loi, consistant dans le rétablissement de la contribution pour l'aide juridique en première instance, modulable de 20 à 50 euros, et l'obligation de consultation préalable d'un avocat avant le dépôt de toute demande d'aide juridictionnelle, afin d'assurer un filtrage effectif des demandes en appréciant la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire, comme l'a prévu le législateur depuis la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle a également introduit une réforme des tribunaux de commerce, en élargissant leur corps électoral à toutes les entreprises, incluant les agriculteurs et les travailleurs indépendants et professionnels libéraux, et en étendant leur compétence en matière de prévention et de traitement des difficultés à toutes les entreprises ainsi qu'aux personnes morales non commerçantes, le tribunal de grande instance étant complètement déchargé de cette mission accessoire. Elle leur a donné compétence en matière de baux commerciaux lorsque les deux parties relevaient déjà de sa compétence. En conséquence, les tribunaux de commerce prendraient la dénomination plus représentative de tribunaux des affaires économiques.
Enfin, votre commission a souhaité réguler davantage la mobilité des magistrats, qui pèse sur le fonctionnement des juridictions et contribue à leur désorganisation, en prévoyant des durées minimales et maximales d'exercice des fonctions, à hauteur de trois ans au moins, portés à quatre ans pour les fonctions spécialisées, et de dix ans au plus, sans remettre en cause les durées maximales existant déjà. Elle a également établi des critères de sélection et d'évaluation des chefs de cour et de juridiction.
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Votre commission a adopté le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions ainsi modifiés.