Rapport n° 628 (2017-2018) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 4 juillet 2018

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N° 628

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juillet 2018

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2017 ,

Tome II : Contributions des rapporteurs spéciaux

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

980 , 1055 et T.A. 137

Sénat :

595 (2017-2018)

PARTICIPATION DE LA FRANCE AU BUDGET DE L'UNION EUROPÉENNE - M. PATRICE JOLY, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DU PRÉLÈVEMENT SUR RECETTES EN 2017

Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSRUE) est défini à l'article 6 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 1 ( * ) comme « un montant déterminé de recettes de l'État [...] rétrocédé directement au profit [...] des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ». Il est composé principalement des éléments suivants :

- la ressource relative à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui correspond à 0,3 % d'une assiette harmonisée pour l'ensemble des États membres ;

- la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB) , dite « ressource RNB ».

Bien que le PSRUE représente une dépense au sens de la comptabilité nationale, il est traité comme une moindre recette et son montant est inscrit en première partie de loi de finances.

Traditionnellement, le PSRUE ne fait pas l'objet d'une contribution de la part de votre rapporteur spécial dans le cadre du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes. Toutefois, deux éléments ont justifié pour votre rapporteur spécial que le PSRUE fasse l'objet d'un traitement spécifique . D'une part, ses travaux de contrôle budgétaire en cours ont souligné des écarts significatifs chaque année entre le montant du PSRUE voté en loi de finances initiale et son exécution . D'autre part, l'exercice 2017 est marqué par l'ouverture des négociations relatives au prochain cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027 . Ces dernières vont s'inscrire dans le contexte du retrait de la participation du Royaume-Uni au financement du budget de l'UE, ce qui interroge la soutenabilité des dépenses et des recettes du budget de l'UE.

1. L'exercice 2017 est marqué par une moindre exécution du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSRUE) de près de 2,3 milliards d'euros

Évolution du prélèvement sur recettes
au profit de l'Union européenne

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

2017

Crédits votés en LFI

20 224

20 742

20 169

18 690

Crédits exécutés

20 347

19 702

18 996

16 380

Écart LFI/exécution en valeur

123

- 1 040

- 1 173

- 2 310

Écart LFI/exécution en %

0,6 %

- 5 %

- 5,8 %

- 12,3 %

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

En 2017, le budget de l'Union européenne s'est élevé à 157,8 milliards d'euros en crédits d'engagement, et 134,5 milliards d'euros en crédits de paiements . La loi de finances pour 2017 évaluait le montant du PSRUE à 18 690 millions d'euros . Alors que la loi de finances rectificative pour 2017 du 28 décembre 2017 2 ( * ) avait déjà minoré le montant du PSRUE pour 2017 de 1 509 millions d'euros, le montant en exécution du PSRUE s'élève finalement à 16 380 millions d'euros , soit une exécution d'environ 12,3 % de moins que la prévision inscrite en loi de finances initiale.

Cette sous-exécution du PSRUE de plus de 2 milliards d'euros est la plus élevée depuis l'adoption de l'actuel cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, en vigueur pour la période 2014-2020.

2. Cette surestimation en loi de finances résulte de plusieurs facteurs

Premièrement, selon la Commission européenne, les retards de la programmation et de la consommation des crédits alloués au titre de la politique de cohésion expliquent la moindre dépense de l'Union européenne, et par conséquent la surestimation de la contribution des États membres à son budget . La politique de cohésion, correspondant à la sous-rubrique 1b du budget de l'Union européenne, comprend le fonds social européen, le fonds européen de développement régional (FEDER) et le fonds de cohésion dont ne bénéficie pas la France.

Cet argument, déjà avancé pour justifier la sous-exécution de près de 706 millions d'euros en 2016, est habituel. Par conséquent, le PSRUE voit son montant être réévalué à la hausse au cours de la seconde période du cadre financier pluriannuel de l'UE par un effet de rattrapage dans le processus de décaissement des crédits. La loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 3 ( * ) a d'ailleurs prévu une hausse de près de 17 % du PSRUE à partir de 2019, puis de 3 % environ en 2020.

Prévisions de PSRUE de 2018 à 2022
inscrits dans la LPFP

(en milliards d'euros, en crédits de paiement)

2018

2019

2020

LPFP 2018-2022

19,9

23,3

24,1

Source : loi de programmation des finances publiques 2018-2022

Néanmoins, au-delà de cette montée en puissance progressive de la politique de cohésion, le cadre financier pluriannuel 2014-2020 se distingue par un décaissement des crédits plus lent que prévu . D'après la Commission européenne, le processus de désignation des autorités de gestion nationales prend plus de temps que pour la programmation 2007-2013. En octobre 2017, la Commission était toujours en attente de la désignation des autorités de gestion de 62 programmes, soit 11 % de l'ensemble d'entre eux . En particulier en France, la désignation des autorités de gestion a été ralentie par l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles qui a désigné les régions comme autorités de gestion.

Par ailleurs, la période 2014-2019 est marquée par la modification de la règle de dégagement d'office, ce qui aurait, d'après la Commission européenne, un effet désincitatif sur la programmation et la consommation des crédits. Désormais les États membres disposent d'un délai de trois ans, au lieu de deux ans, pour présenter à la Commission européenne les demandes de paiement pour les programmes qui ont fait l'objet d'un préfinancement par l'État membre. Au-delà de trois ans, les projets n'ayant pas commencé à être mis en oeuvre sont « dégagés » d'office 4 ( * ) .

Deuxièmement, la moindre exécution du PSRUE pour 2017 provient également d'une gestion infra-annuelle marquée par un report important du solde excédentaire de l'exercice 2016 ainsi que par une actualisation à la baisse des dépenses de l'UE en cours d'année . Ceci s'est traduit par la présentation par la Commission européenne de six projets de budgets rectificatifs , les derniers ayant été adoptés le 30 novembre 2017. Deux d'entre eux se distinguent par l'ampleur des montants concernés :

- le budget rectificatif n° 2 reporte le solde excédentaire de l'exercice de 2016 d'un montant de 6,4 milliards d'euros. Le report du solde précédent est habituellement estimé à environ 1 milliard d'euros par an. Pour l'exercice 2017, l'excédent budgétaire particulièrement élevé s'explique notamment par le montant élevé des amendes devenues définitives en 2016 (3,052 milliards d'euros) ;

- le budget rectificatif n° 6 prend acte du retard pris dans la programmation des fonds de cohésion en actualisant les bases et les clés de contribution des États membres. Ce projet de budget rectificatif prévoyait une baisse du besoin en crédits de paiement de l'UE d'environ 7,7 milliards d'euros, ce qui s'est traduit par un abaissement de 1,509 milliard d'euros pour le PSRUE de la France . Or, les rectifications apportées par ce budget rectificatif n'ont pas pu être intégrées au projet de loi de finances pour 2018 car ce dernier a été présenté en conseil des ministres avant l'adoption du projet de budget rectificatif présenté par la Commission européenne .

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Les retards d'exécution des dépenses du cadre financier pluriannuel 2014-2020 font peser une incertitude sur le montant du PSRUE pour les années à venir

Après trois années consécutives de sous-exécution du PSRUE, celui-ci devrait connaître une augmentation significative d'ici 2020, conformément aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Toutefois, pour certains programmes, les retards sont d'une telle ampleur qu'il semble difficile d'envisager de consommer l'ensemble des crédits de paiement prévus par le cadre financier pluriannuel 2014-2020, ce qui complexifie l'évaluation à venir du PSRUE.

Votre rapporteur spécial s'inquiète d'un possible « goulet d'étranglement » que certaines autorités de gestion pourraient rencontrer d'ici 2020 afin de programmer et de consommer l'ensemble des crédits de paiements. Le cas du programme « Leader », sous-enveloppe du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) qui vise à soutenir les projets de développement rural porté par des groupes d'action locale (GAL), en constitue une illustration. En effet, au cours de l'audition par votre rapporteur de M. Thibaut Guignard, Président de LeaderFrance, il a été rappelé qu'à la fin de l'année 2017, seuls 4,5 % des crédits du programme avaient été programmés et seulement 1 % d'entre deux effectivement consommés, alors que la France devrait bénéficier d'un montant de 687 millions d'euros environ au titre de ce programme pour la période 2014-2020.

Toutefois, une inversion de cette tendance semble en cours de réalisation . Fin 2016, le taux d'exécution des paiements de l'ensemble des fonds structurels et d'investissement alloué à la France s'élevait à 8,2 %, contre 9,2 % en moyenne pour l'ensemble de l'Union européenne 5 ( * ) . D'après les données publiées par la Commission européenne en mai 2018 6 ( * ) , le taux d'exécution des paiements pour la France est passé fin 2017 à 19 %, contre 16,4 % pour l'ensemble de l'Union européenne .

2. Réduire l'écart entre le PSRUE voté en loi de finances et son exécution passe par une amélioration de la prévision budgétaire de l'Union européenne

L'estimation annuelle du montant du PSRUE est effectuée par la direction du budget, grâce à l'utilisation d'un calculateur développé en interne qui évalue les variations à venir des dépenses de l'Union européenne, ce qui se répercute sur le montant de la contribution de la France. Le montant du PSRUE inscrit dans le projet de loi de finances repose sur :

- le projet de budget de la Commission européenne , présenté en N-1. Il établit les prévisions de besoins de financement de l'Union en crédits de paiements pour l'année suivante ;

- les hypothèses d'évolution des assiettes des ressources TVA et RNB de l'ensemble des États membres , actualisées après la réunion du comité consultatif des ressources propres (CCRP) en mai de l'année N-1 ;

- les hypothèses des montants des corrections accordées à certains États membres ainsi que le montant prévisionnel du solde budgétaire de l'exercice en cours et qui sera reporté sur le budget de l'année suivante.

Toutefois, la contribution de la France au budget de l'Union européenne est susceptible d'être modifiée en cours d'année. En effet, en application de l'article 310 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), le budget doit être équilibré en recettes et en dépenses, et par conséquent, la contribution des États membres constitue la variable d'ajustement en cas d'évolution non anticipée des dépenses .

Outre le mécanisme de report du solde de l'exercice précédent, d'autres facteurs peuvent modifier le montant du PSRUE en cours d'exercice, tels que la révision des assiettes TVA et RNB, ou encore la réévaluation a posteriori de la participation de la France au financement de la correction britannique. L'ensemble de ces éléments participe à la volatilité du montant du PSRUE en exécution par rapport à la prévision inscrite en loi de finances .

Écart entre l'exécution du PSRUE et sa prévision en LFI

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Étant donné que le montant du PSRUE intervient dans le calcul des prévisions du déficit public annuel , votre rapporteur spécial souhaite insister sur la nécessité d'améliorer les prévisions d'exécution du budget de l'Union européenne . A l'occasion d'une audition des membres du cabinet du commissaire Günther Oettinger à Bruxelles, il a été indiqué à votre rapporteur spécial que la Commission européenne travaillait à renforcer le dialogue entre les services de la direction générale du budget de la Commission européenne et les États membres afin de mieux anticiper le volume annuel des dépenses de l'Union européenne. Dans cette perspective, le retour annoncé de la règle dite du « N+2 » au lieu du « N+3 » pour le dégagement d'office dans le prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027 7 ( * ) pourrait encourager les États membres à transmettre plus rapidement leurs demandes de paiements, et donc à mieux anticiper l'évolution des dépenses de l'Union européenne.

3. Les propositions de la Commission européenne pour le prochain cadre financier pluriannuel (2021-2027) sont moins ambitieuses que prévu

Le 2 mai 2018, la Commission européenne a présenté ses propositions relatives au prochain cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027. Dans la continuité du document de réflexion sur l'avenir des finances de l'Union européenne, publié par la Commission européenne en juin 2017, les propositions sont axées vers le financement de nouvelles priorités politiques et la réforme des principaux postes de dépenses de l'Union européenne, à savoir la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion.

Ainsi, les propositions de la Commission européenne visent à augmenter les crédits alloués à plusieurs postes de dépenses tels que la recherche et l'innovation, avec la création du programme « Horizon Europe » qui serait associé à la mise en place d'un Conseil européen de l'innovation. De plus, un fonds européen de défense verrait le jour afin de promouvoir la compétitivité de l'industrie de défense en Europe et de renforcer la coopération entre les entreprises des États membres tout au long du cycle de recherche. Enfin, la gestion de la crise migratoire et la sécurité des frontières extérieures de l'Union européenne constituent également des dépenses budgétaires qui seraient en augmentation. À ce titre, la Commission souhaite porter à 10 000 le nombre d'agents de Frontex opérationnels d'ici à 2027.

Le redéploiement des crédits vers ces nouvelles priorités politiques se traduirait par des coupes budgétaires de 5 à 10 % des montants alloués à la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion.

Si le rapporteur spécial n'a pas d'observations particulières concernant le financement de nouvelles priorités budgétaires, il souhaite néanmoins signaler quatre points de vigilance.

Premièrement, le budget de l'Union européenne proposé pour la période 2021-2027 est inférieur à ce qui avait été initialement envisagé . En janvier 2018, à l'occasion d'une conférence sur l'avenir du budget de l'Union européenne post-2020, le commissaire Günther Oettinger avait affirmé la nécessité de relever le niveau du plafond de dépenses au-delà de 1 % du revenu national brut (RNB) des 27 États membres de l'Union européenne. Le Parlement européen, soutenu par le Comité des régions, a adopté une résolution le 14 mars dernier en se prononçant en faveur d'une hausse du plafond de dépenses de l'Union européenne à hauteur de 1,3 % du RNB .

La Commission européenne a finalement proposé un cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 d'un montant de 1 279 milliards d'euros (euros courants) en crédits d'engagement, soit 1,114 % du revenu national brut (RNB). Toutefois, le fonds européen de développement (FED) est désormais inclus dans le cadre financier pluriannuel, ce qui tend à surestimer le niveau des dépenses prévues pour la période 2021-2027. Hors FED, il a été indiqué à votre rapporteur spécial que le niveau de dépenses s'établirait plutôt à 1,08 % du RNB. S'il a été indiqué à votre rapporteur spécial que ce niveau de dépenses pourrait encore évoluer à la hausse au cours des négociations à venir , il regrette que la Commission européenne ne se soit pas alignée sur la position du Parlement européen . Certes, l'augmentation du plafond de dépenses de l'Union européenne entraînerait une hausse sensible de la contribution annuelle des États membres. Toutefois, cette hausse semble envisageable pour votre rapporteur, compte tenu de l'amélioration de la conjoncture au sein de l'Union européenne et de la nécessité de ne pas hiérarchiser les dépenses entre les politiques communes historiques - politique agricole commune et politique de cohésion - et les nouvelles priorités à financer.

Deuxièmement, les propositions de la Commission européenne peinent à prendre en compte les besoins des territoires non métropolitains de l'Union européenne, en particulier au travers des politiques agricole commune et de cohésion . La baisse annoncée de la politique de cohésion devrait se traduire principalement par une réduction de l'ordre de 45 % du fonds de cohésion dont les premiers bénéficiaires sont les États membres d'Europe centrale. La France devrait connaître une diminution d'environ 5,4 % des crédits au titre de la politique de cohésion. Elle apparaît ainsi relativement préservée par rapport à ses partenaires européens. Toutefois, votre rapporteur spécial regrette la baisse des taux de cofinancement européen qui pourrait pénaliser les territoires ruraux les plus fragiles, notamment en termes de capacités d'ingénierie, dans le financement de projets locaux . Concernant la politique agricole commune (PAC), le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), qui finance le deuxième pilier, devrait connaître une réduction d'environ 13 % de ses crédits pour s'établir à 70 millions d'euros environ pour la période 2021-2027. Votre rapporteur spécial encourage le Gouvernement à soutenir une meilleure prise en compte des territoires ruraux dans les négociations du prochain cadre financier pluriannuel .

Troisièmement, votre rapporteur spécial souligne les difficultés rencontrées au cours des auditions à obtenir des données chiffrées avec exactitude en ce qui concerne les montants à venir des politiques communes . Dans une résolution adoptée le 30 mai dernier, le Parlement européen a d'ailleurs exprimé sa surprise et son inquiétude quant aux divergences entre les différentes communications de la Commission européenne sur le cadre financier pluriannuel.

Quatrièmement, la Commission européenne souhaite parvenir à trouver un accord concernant le prochain cadre financier pluriannuel avant les prochaines élections européennes de mai 2019 . Ce calendrier contraint est justifié par la nécessité d'éviter le retard pris au début de la programmation 2014-2020 en raison des élections européennes qui avait perturbé l'avancée des négociations. Si cet argument semble légitime afin de ne pas pénaliser les porteurs de projets locaux dans la mise en oeuvre des fonds structurels, votre rapporteur spécial souligne qu'il aura pour conséquence de priver les prochains parlementaires européens d'un pouvoir d'appréciation sur le futur budget de l'Union européenne jusqu'en 2027 . Dans cette perspective, l'introduction d'une révision à mi-parcours du prochain cadre financier pluriannuel apparaît comme étant non négociable.

MISSION « ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT » - MM. VINCENT DELAHAYE ET RÉMI FÉRAUD, RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

La mission « Action extérieure de l'État » regroupe en 2017 les crédits des trois programmes suivants :

- le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » qui comprend les contributions de la France aux organisations internationales et les moyens dévolus au ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), à l'exception de ceux destinés aux affaires consulaires, à la coopération technique, scientifique et culturelle et à l'aide publique au développement ;

- le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » qui contient notamment les crédits dédiés à la protection consulaire, à la délivrance de services administratifs aux Français de l'étranger, à l'accès des élèves français au réseau de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ou encore à la délivrance de visas ;

- le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » , qui finance l'ensemble des politiques de coopération culturelle et d'influence ainsi que le service d'enseignement public à l'étranger et le tourisme.

Le périmètre de la mission n'a pas évolué en 2017, hormis la suppression du programme 341 , créé de façon temporaire, qui était dédié à la préparation et l'organisation de la conférence mondiale sur le climat de Paris (COP 21).

Exécution des crédits de la mission par programme en 2017

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Exécution 2017 / Exécution 2016

Exécution 2017 / LFI 2017

105

AE

2 056,9

1 899,4

1 789,6

- 13,0 %

- 5,8 %

CP

2053,9

1 903,0

1 788,8

- 12,9 %

- 6,0 %

185

AE

720,1

715,4

671,2

- 6,8 %

- 6,2 %

CP

715,3

715,4

676,4

- 5,4 %

- 5,5 %

151

AE

347,1

387,3

371,5

7,0 %

- 4,1 %

CP

345,9

387,3

371,6

7,4 %

- 4,0 %

341

AE

- 4,2

CP

143,6

Total, P341 inclus

AE

3 119,8

3 002,1

2 832,4

- 9,2 %

- 5,7 %

CP

3 258,7

3 005,7

2 836,9

- 12,9 %

- 5,6 %

Total, hors P341

AE

3 124

3 002,1

2 832,4

- 9,3 %

- 5,7 %

CP

3 115,1

3 005,7

2 836,9

- 8,9 %

- 5,6 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

À la fin de l'exercice 2017, le taux d'exécution des crédits s'élève à 94,3 % en autorisations d'engagement (AE) et à 94,4 % en crédits de paiement (CP) par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2017. Entre 2016 et 2017, les crédits consommés ont ainsi diminué de 9,33 % en AE et de 8,93 % en CP. Cette sous-consommation résulte principalement des annulations en cours de gestion qui s'élèvent à 199,1 millions d'euros en AE et à 208,7 millions d'euros en CP (hors titre 2).

Évolution du taux d'exécution des crédits de la mission
« Action extérieure de l'État »

Note de lecture : le taux d'exécution est calculé par référence aux crédits ouverts en loi de finances initiale, et non aux crédits disponibles (qui incluent les reports de crédits et les mouvements réglementaires intervenus en cours d'année).

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Toutefois, cette sous-consommation apparente des crédits de la mission masque des disparités entre les dépenses de personnel relevant du titre 2, et les autres postes de dépenses. Le taux d'exécution du titre 2 s'élève en 2017 à 101 % des crédits ouverts en LFI (104 % en 2016). Cette surconsommation des dépenses de personnel découle de l'effet de change qui module le montant de l'indemnité de résidence à l'étranger (IRE) des agents expatriés, titulaires ou contractuels, civils ou militaires. Néanmoins, une fois l'effet de change neutralisé, les dépenses de personnel ont été maîtrisées , et en particulier le plafond d'emplois fixé à 12 040 ETPT par la loi de finances initiale a été respecté (11 920 ETPT en exécution).

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2017

(en millions d'euros)

Programme

LFI 2017

Reports

Décrets d'avances

Virements et transferts

Fonds de concours et attributions de produits

Crédits ouverts 2017

Crédits consommés 2017

Écart crédits consommés / ouverts

105

AE

1899,4

18,8

- 115,5

2,1

9,6

1811,5

1789,6

- 1,2 %

CP

1903,0

13,9

- 124,4

2,1

9,8

1803,3

1788,9

- 0,8 %

185

AE

715,4

0,7

- 58,7

13,6

3,4

673,2

671,2

- 0,3 %

CP

715,4

5,8

- 58,7

13,6

3,4

678,4

676,4

- 0,3 %

151

AE

387,3

0,0

- 6,7

- 4,9

1,9

375,4

371,5

- 1,0 %

CP

387,3

1,9

- 7,4

- 4,9

1,9

376,6

371,6

- 1,3 %

Total

AE

3002,1

19,5

- 180,9

10,7

14,9

2860,1

2832,3

- 1,0 %

CP

3005,7

21,5

- 190,5

10,7

15,2

2858,4

2836,9

- 0,8 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes)

Par rapport aux crédits disponibles, en incluant les reports et les mouvements réglementaires intervenus en cours d'exercice, le taux de consommation s'élève environ à 99,2 % des crédits ouverts (en CP).

Toutefois, l'exercice 2017 a été marqué par des mouvements de crédits importants. Deux décrets d'avance en date du 20 juillet 2017 et du 30 novembre 2017 ont annulé 180,8 millions d'euros en AE et 190 millions d'euros en CP. Ainsi, près de 6 % des crédits votés en loi de finances initiale ont fait l'objet d'une annulation en cours de gestion .

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. La sous-exécution des crédits résulte d'économies ponctuelles sur les dépenses d'intervention, et non de réformes structurelles

En 2017, la mission est composée à 35 % de dépenses d'intervention, 33 % de dépenses de personnel et 30 % de dépenses de fonctionnement.

Les dépenses de fonctionnement en exécution ont enregistré une baisse d'environ 2 % et s'élèvent ainsi à 846,9 millions d'euros, contre 861,2 millions d'euros en 2016. Cette baisse résulte principalement des annulations de crédits portant sur les crédits du programme 185 dédiés aux subventions pour charges de service public (SCSP) des opérateurs (voir infra). En effet, les SCSP versées ont diminué de près de 7,6 % en 2017, soit un montant d'environ 34,1 millions d'euros. Les SCSP du programme 185 représentent en 2017 72 % des dépenses de fonctionnement de la mission, ce qui contribue à la rigidité à court terme de celles-ci.

Les dépenses d'investissement en exécution s'élèvent à 52 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 28 % par rapport à l'exercice précédent . Cette augmentation résulte principalement des travaux d'entretien du parc immobilier, en France comme à l'étranger (voir infra ). Les dépenses d'investissement incluent également les dépenses de sécurité à hauteur de 37 millions d'euros et le financement de projets informatiques (4 millions d'euros).

L'exécution des dépenses de personnel est globalement stable par rapport à celle constatée pour l'exercice 2016 . Les dépenses du titre 2 s'élèvent à 951,1 millions d'euros (AE=CP).

Seules les dépenses d'intervention constituent les variables d'ajustement des dépenses de la mission . Les crédits d'intervention consommés en 2017 représentent un montant de 989,6 millions d'euros (CP), et un taux d'exécution de 90 % par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2017. Les dépenses d'intervention représentent le principal gisement d'économies pour l'ensemble de la mission grâce à la conjonction de deux facteurs :

- la diminution du financement des opérations de maintien de la paix (OMP) . La contribution globale pour 2017 s'élève à 304 millions d'euros, soit deux fois moins que celle pour 2016. Outre la clôture d'OMP, il faut noter le report des appels à contribution sur l'exercice 2018, notamment pour les opérations en Somalie et au Soudan du Sud, ainsi que la révision du barème des contributions à l'ONU ;

- l'évolution favorable du change euro-dollar a permis de réduire les dépenses d'intervention du programme 105 étant donné que près de 80 % des contributions aux OMP ont été payées en dollars américains.

Toutefois, vos rapporteurs spéciaux souhaitent souligner que la couverture du risque de change, même si elle a connu une évolution favorable en 2017, constitue toujours un risque pour la soutenabilité de la mission. Un rapport du Gouvernement au Parlement, réalisé par l'Inspection générale des finances et des affaires étrangères, a été rendu en août 2016 sur la question. Il préconise notamment d'établir une provision budgétaire en loi de finances initiale pour couvrir ce risque. Or, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) n'a toujours pas mis en oeuvre cette recommandation, ni fait évoluer la convention qui lie l'Agence France Trésor (AFT) et le ministère en la matière. Vos rapporteurs spéciaux demandent à ce que des mesures soient prises rapidement afin de pallier un risque de dégradation du taux de change de l'euro.

2. La poursuite de la rationalisation des effectifs du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) est difficilement soutenable

Le nombre d'équivalent temps plein travaillé (ETPT) a diminué de près de 22 % depuis 2011, en passant de 15 271 ETPT à 11 920 ETPT . Toutefois, comme le souligne un référé de la Cour des comptes relatif à la gestion des ressources humaines du MEAE en date de novembre 2016, la masse salariale du ministère n'a cessé de croître. Les dépenses de personnel de la mission s'élevaient en 2011 à 862 millions d'euros (en CP), contre 951 millions d'euros en 2017 , soit une progression de 10 % environ en 6 ans seulement. La progression continue de la masse salariale s'explique tout d'abord par un glissement vieillesse technicité (GVT) ainsi que, dans une moindre mesure, par l'évolution du point d'indice. De plus, le MEAE se distingue par une surreprésentation des catégories A+ par rapport aux autres catégories de personnel, résultant de flux de recrutement très élevés de conseillers des affaires étrangères jusqu'en 2012. Dans son référé, la Cour des comptes évoque plusieurs pistes pour contenir l'évolution croissante de la masse salariale du ministère, telles que le rééquilibrage de la structuration de l'encadrement supérieur du ministère , ou encore le remplacement progressif d'agents titulaires par des agents de droit local et des contractuels de droit français . Ces deux catégories de personnel représentent en 2017 déjà près de 48 % des effectifs du ministère .

Catégories d'emplois pour chaque programme en 2017

(en ETPT)

P105

P185

P151

Total

Titulaires et CDI en administration centrale

2 221

59

493

2 773

Titulaires et CDI dans le réseau

1 532

62

1 103

2 697

CDD et volontaires internationaux

618

588

97

1 303

Militaires

631

0

0

631

Agents de droit local

2 801

81

1 634

4 516

Total

7 803

790

3 327

11 920

Source : Commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Concernant l'exercice 2017, le plafond d'emplois a été respecté, même s'il a été rehaussé à hauteur de 18 ETPT. Pour rappel, une suppression nette de 450 emplois était initialement prévue entre 2015 et 2017. Néanmoins, la mise en oeuvre du plan de renforcement des moyens de lutte anti-terroriste et de sécurisation des implantations à l'étranger s'est traduite par la création de 67 ETPT, par dérogation au schéma d'emplois initial.

La réduction du nombre ETPT au sein du MEAE devrait se poursuivre au cours des exercices 2019 et 2020. Lors d'une audition devant votre commission des finances en mai dernier, le ministre de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé une réduction de 10 % des effectifs en postes à l'étranger , à l'exception des ETPT alloués à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

Vos rapporteurs spéciaux s'inquiètent de la poursuite de la rationalisation des effectifs du ministère, en particulier si celle-ci n'est pas associée à une réforme complète de la gestion des ressources humaines. À l'occasion de l'examen du PLF pour 2018, le MEAE avait déjà indiqué à vos rapporteurs spéciaux que « compte tenu des effets qu'auront ces suppressions sur l'organisation générale du ministère, une réflexion doit être conduite afin de déterminer les mesures nécessaires à l'accomplissement de ces objectifs (de suppression) après plusieurs années de réduction continue des effectifs parallèlement à un accroissement des missions exercées par le MEAE » 8 ( * ) . La question de l'évolution du schéma d'emplois interroge nécessairement le dimensionnement du réseau diplomatique et consulaire, ainsi que son articulation avec les services à l'étranger d'autres ministères, tels que la direction générale du trésor .

Par ailleurs, vos rapporteurs spéciaux souhaitent attirer l'attention du Gouvernement sur le fait que l'évolution de la masse salariale reste difficile à apprécier étant donné que le montant exact de l'indemnité de résidence (IRE) ne fait pas l'objet d'une documentation précise. Or, d'après les estimations de la Cour des comptes, l'IRE pourrait représenter jusqu'à 40 % des dépenses de personnel du ministère.

L'évolution de la masse salariale étant un déterminant majeur de la soutenabilité de la mission, les rapporteurs spéciaux pourront en approfondir l'examen à l'occasion d'un prochain contrôle budgétaire.

3. La gestion pluriannuelle du patrimoine immobilier reste à améliorer

D'après la direction du budget, le parc immobilier du MEAE est composé de plus de 1600 bâtiments et est valorisé à hauteur de 4,3 milliards d'euros en 2016.

Les dépenses de fonctionnement du parc immobilier comprennent l'entretien et la maintenance ainsi que les contrats de locations et les loyers budgétaires. L'augmentation en AE et en CP par rapport à la loi de finances s'explique par les engagements pluriannuels réalisés pour les nouveaux baux. Ces dépenses supplémentaires sont difficilement prévisibles car très sensibles aux variations du change.

Les dépenses d'investissement comprennent à la fois l'achat d'immobilisations corporelles et les dépenses d'entretien lourd des bâtiments à l'étranger. D'après les informations du MEAE, le parc immobilier nécessiterait des investissements à hauteur de 1 à 2 % de sa valeur par an, soit entre 50 et 100 millions d'euros par an . Or, l'exécution des dépenses d'investissements est 30 % inférieure à celle prévue en lois de finances pour le programme 105 (en CP). Cette sous-consommation résulte de retards importants pris dans la mise en oeuvre des travaux lourds , notamment pour la rénovation de plusieurs postes diplomatiques.

Dépenses de fonctionnement et d'investissement
relatives à l'immobilier du MEAE supportées par le programme 105

(en millions d'euros)

Crédits votés 2017

Exécution

Écart crédits votés/consommés

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dépenses de fonctionnement

88,3

86,9

90,7

89,7

2,7 %

3,2 %

Dépenses d'investissement

Dont entretien lourd

65,5

12,2

65,5

12,2

48,9

10,45

45,4

9,8

- 25,3 %

- 14,4 %

- 30,7 %

- 19,7 %

Total

153,8

152,4

136,1

135 ,1

- 11,4 %

- 11,4 %

Source : commission des finances (à partir des documents budgétaires)

L'examen du projet de loi de règlement pour 2016 avait déjà mis en évidence le non-respect des délais de travaux pour plusieurs projets d'investissement immobilier. Le rapport annuel de performance indiquait qu'une procédure de priorisation des nouvelles opérations devait être établie. Vos rapporteurs spéciaux regrettent que les résultats de cette procédure ne leur aient pas été transmis . Ils s'associent à la recommandation renouvelée à plusieurs reprises de la Cour des comptes qui vise à créer « un outil interministériel de programmation pluriannuelle des dépenses immobilières pour apprécier la pertinence des dépenses et opérations découlant de la stratégie d'implantation du ministère 9 ( * ) ».

Vos rapporteurs spéciaux soulignent par ailleurs que la question de l'efficience de la gestion du parc immobilier est indissociable de celle de l'évolution des ressources humaines du MEAE en ce qu'elle interroge la pertinence et la soutenabilité de la cartographie du réseau diplomatique et consulaire.

4. Les annulations réalisées en cours d'exercice ont accru la participation des opérateurs aux efforts de maîtrise de la dépense, non sans difficultés

Les subventions pour charges de service public (SCSP) versées aux opérateurs se sont élevées à 416 millions d'euros (en CP), contre 450 millions d'euros en 2016 , soit une baisse de 7,6 % environ . Les SCSP ont baissé pour tous les opérateurs, hors dotation liée à la sécurité, à hauteur de 3,3 % pour l'AEFE, 2 % pour Atout France, 3 % pour l'Institut français. La SCSP de Campus France est restée stable par rapport à 2016.

Les annulations occasionnées par les décrets d'avance ont compliqué la fin de la gestion des opérateurs, et en particulier de l'AEFE. Sa SCSP a été amputée de 33 millions d'euros en juillet 2017. Plusieurs mesures budgétaires ont été prises par l'opérateur afin de couvrir ses dépenses jusqu'à la fin de l'exercice. Ainsi, le taux de contribution des établissements du réseau (en gestion directe et conventionnés) est passé de 6 à 9 % de leurs frais de scolarité, des reports de subvention au titre de 2017 ont été prévus, et d'autres mesures structurelles ont été décidées telles que la suppression de 180 postes à partir de la rentrée de septembre 2018. Cette dernière a entraîné des journées de grève et une forte mobilisation des enseignants français à l'étranger depuis l'automne dernier.

Vos rapporteurs spéciaux ont alerté le Gouvernement à plusieurs reprises sur la brutalité de l'annulation d'une partie de la SCSP de l'AEFE, cette dernière ayant entraîné une mobilisation politique forte. Leurs travaux de contrôle budgétaire en cours vont s'attacher à évaluer la soutenabilité budgétaire de l'Agence qui fait face à une augmentation constante de ses effectifs (2 % par an environ) alors que le financement public tend à diminuer au détriment des familles .

MISSION « ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L'ÉTAT » - M. JACQUES GENEST, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

A. UNE FORTE AUGMENTATION DES DÉPENSES DE LA MISSION

1. Une augmentation des dépenses de la mission principalement liée au cycle électoral et à un changement de périmètre...

Les dépenses de la mission ont augmenté de 11,9 % (pour les crédits de paiement ) tandis que les autorisations d'engagement mobilisées ont été supérieures de 13,1 % par rapport au niveau de 2016.

Le cycle électoral et un changement de périmètre expliquent près des deux tiers de cette augmentation.

Évolution des dépenses de la mission

(en millions d'euros)

Programme

2016

2017

Variation

Administration territoriale (307)

1 669,5

1 705,3

+ 36

Vie politique, cultuelle et associative (232)

232,8

370,8

+ 138

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (216)

797,2

943,5

+ 146,3

Total

2 699,5

3 019,6

+ 320,1

Source : RAP 2017

Appréciée au regard des trois programmes de la mission, la dynamique des dépenses, annoncée par les ouvertures de la loi de finances initiale, a été cependant nuancée. Forte pour les programmes 232 et 216, elle a été plus mesurée, mais supérieure à l'inflation pour le programme 307 « Administration territoriale ».

Les programmes de la mission AGTE

Les trois programmes de la mission « AGTE » sont, on le rappelle, d'une inégale densité budgétaire, le programme 307 (« Administration territoriale ») regroupant environ 54,4 % des crédits de paiement (1 690,7 millions d'euros ouverts en 2017 par la loi de finances initiale).

Les deux autres programmes, « Vie politique, cultuelle et associative » (232) pour 470,1 millions d'euros d'ouvertures en 2017, année marquée par un échéancier électoral dense qui détermine le profil budgétaire du programme, et « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » (216) avec 945,7 millions en loi de finances initiale pour 2017, mobilisent, le premier, 15,1 % des moyens (à comparer aux 3,9 % de l'exercice précédent), le second 30,4 % des crédits.

Cette répartition prend en compte une certaine irrégularité de la structure de la mission en raison d'un cycle électoral dont les effets sur la programmation et l'exécution des crédits ouverts en loi de finances initiale sont chroniquement significatifs.

La programmation financière de la mission adoptée en loi de finances initiale avait annoncé une hausse des dépenses.

Évolution des crédits de la mission dans la loi de finances initiale

(crédits de paiement en millions d'euros)

Programme

2016

2017

Variation

Administration territoriale (307)

1 641,8

1 690,7

+ 48,9

Vie politique, cultuelle et associative (232)

99,4

470,1

+ 370,7

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (216)

788

945,7

+ 157,7

Total

2 529,2

3 106,5

+ 577,3

Source : RAP 2016 et 2017

En ce qui concerne les ouvertures de crédits de paiement, sur les 577,3 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires ouverts en 2017 (+ 22,8 %), 370,7 millions d'euros avaient été inscrits au profit du programme 232, soit près des deux tiers des crédits supplémentaires, le reliquat étant principalement rattachable à une forte progression des crédits ouverts au titre du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », programme de soutien du ministère (+ 157,7 millions d'euros), pour une large partie (100,4 millions d'euros) du fait d'un changement de périmètre budgétaire (voir infra) .

Les ouvertures de crédits pour 2017 ont donc été d'emblée marquées par les effets du cycle électoral, particulièrement dense au cours de l'année.

Son impact se vérifie également, mais à un moindre degré, quand on considère la progression effective des dépenses par rapport à 2016.

Pour soutenue qu'elle a été (+ 320,1 millions d'euros), celle-ci s'est révélée cependant globalement moins forte en exécution que prévu. L'augmentation des dépenses du programme 232 de 138 millions d'euros (+ 59,3 %), rend compte de 43 % de la progression des dépenses totales de la mission, soit moins qu'escompté du fait d'un niveau de dépenses plus élevé que programmé en 2016, mais aussi d'un niveau de dépenses moins élevé en 2017 que prévu. Il faut relever que cette dernière sous-consommation des crédits n'est pas équivalente à des économies définitives si bien que des reports de crédits exerceront un impact haussier sur les dépenses de 2018, qui dépasseront les crédits ouverts.

De son côté, l'alourdissement des dépenses du programme de soutien 216, plus proche de la prévision, ressort comme particulièrement marqué avec 146,3 millions d'euros de plus qu'en 2016 (+18,4 %).

L'inclusion des crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance dans le programme suscite un alourdissement des dépenses de 72,9 millions d'euros en crédits de paiement (en retrait de près de 30 millions d'euros par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale), soit à peu près la moitié du supplément de dépenses. Pour être partiellement optique, cette progression des dépenses n'en correspond pas moins à la dérive de certaines charges, en particulier des charges juridiques et contentieuses, sur laquelle votre commission des finances avait pu formuler de clairs avertissements.

Par rapport à ces deux programmes, le programme 307, qui est le principal programme de la mission en termes financiers, et est également le programme le plus « pilotable » de la mission, enregistre une progression de ses dépenses de 2,1 %, supérieure à celle envisagée en loi de finances initiale.

2. Une dynamique tirée par les dépenses de fonctionnement et des dépenses de personnel qui, malgré un schéma d'emplois négatif, augmentent, mais plus modérément
a) Une forte progression des dépenses de fonctionnement et d'intervention

Les dépenses de fonctionnement et d'intervention de la mission progressent de plus de 38 % en 2017.

En 2017, l'augmentation des dépenses de la mission est attribuable pour près des neuf dixièmes à l'accroissement des dépenses de fonctionnement (60 %) et d'intervention (29 %).

Plus modéré, l'alourdissement des dépenses de personnel contribue à 12,5 % de l'élévation des charges.

Les dépenses de la mission AGTE sont majoritairement des dépenses de personnel.

Le poids de ces dépenses varie cependant d'une année à l`autre à raison des particularités du programme 232 qui porte presque exclusivement des dépenses de fonctionnement ou d'intervention et dont l'ampleur des dotations est dépendante du calendrier électoral.

L'exercice 2017, qui enregistre une réduction de la part relative des dépenses de personnel dans le total des charges budgétaires de la mission à 64,6 % contre 70,6 % en 2016 le confirme dans la mesure où cette variation résulte pour moitié de l'augmentation des dépenses liées au cycle électoral.

Structure des dépenses de la mission AGTE par nature

2016 (A)

2017 (B)

Variation B/ A

Dépenses de personnel

70,6 %

64,6 %

- 6

Autres dépenses

29,4 %

35,4 %

+ 6

dont :

Fonctionnement

23,3 %

27 %

+ 3,7

Investissement

2 %

1,7 %

-0,3

Interventions

4,1 %

6,7 %

+ 2,6

Opérations financières

NS

0,0 %

NS

Total

100 %

100 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2017

Le recul de 6 points est compensé par un alourdissement du poids relatif des dépenses de fonctionnement de 3,7 points et des dépenses d'intervention, au demeurant plus élevées que prévu dans la loi de finances initiale, de 2,6 points.

Données sur l'exécution des crédits de la loi de finances initiale
par nature de dépenses

(en millions d'euros)

Réalisation 2016 (A)

Prévision 2017 (B)

Réalisation 2017 (C)

C-A

C-B

Dépenses de personnel

1 908,6

2 041,2

1 949,1

+ 40,5

- 92,1

Autres dépenses

791,0

1 128,0

1 070,6

+ 279,6

- 57,4

dont :

Fonctionnement

628,8

833,9

815,6

+ 186,8

- 18,3

Investissement

53,5

113,5

52,5

- 1

- 61,0

Interventions

108,5

180,5

202,4

+ 93,9

+21,9

Opérations financières

0,3

0

0

- 0,30

0

Total

2 699,6

3 169,2

3 019,7

+ 320,1

- 149,5

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2017

En ce qui concerne les dépenses d'intervention, leur progression résulte pour l'essentiel du changement de périmètre de la mission déjà signalé avec l'inclusion des crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance.

S'agissant des dépenses de fonctionnement, les programmes 232 et 216 sont responsables de la quasi-totalité de leur hausse. Pour ce dernier programme, la progression est due aux dépenses de contentieux (voir infra ) tandis que pour le programme relatif au financement de la vie politique ce sont les coûts des élections tenues en 2017 qui en expliquent la dynamique.

b) Malgré un schéma d'emplois a priori économe, une progression des dépenses de personnel

La mission AGTE est placée sous l'influence d'une réorganisation de ses effectifs censée prolonger la forte réduction de long terme des emplois rémunérés par la mission. Il s'agit du plan préfecture nouvelle génération (PPNG), qui prévoit la suppression de 1 300 ETPT en trois ans.

Cet objectif implique logiquement une réduction progressive du plafond d'emplois de la mission.

Les données du tableau ci-dessous paraissent témoigner d'une difficulté à s'inscrire dans cette trajectoire dans la mesure où le plafond d'emplois s'est trouvé augmenté de 847 ETPT par rapport à la consommation de 2016 (passant de 32 277 ETPT à 33 124 ETPT).

Évolution des emplois en 2017 (en ETPT)

(en ETPT)

Programme

Réalisation 2016

LFI+LFR+

Réalisation 2017

Écart

2017/2016

Écart 2017 réalisés/ 2017 prévus

Transferts en

gestion

Administration territoriale (307)

25 797

26 371

25 985

+ 188

- 386

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (232)

6 437

6 702

6 432

-5

- 270

Vie politique, cultuelle et associative (207)

43

51

50

+7

- 1

Total

32 277

33 124

32 467

+ 190

- 657

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Toutefois, cette donnée n'est pas pleinement probante dans la mesure où elle a intégré un certain nombre de transferts en gestion ainsi que des effets en année pleine de mesures antérieures.

En revanche, il est plus significatif d'observer que le nombre d'ETPT consommés s'est finalement trouvé supérieur de 190 unités par rapport à 2016.

Ce supplément de moyens a été concentré sur le programme 307 (+ 188 ETPT).

Ces emplois correspondent pour l'essentiel à un renforcement des centres d'expertise et de ressources titres (CERT) mis en place en application du PPNG (+ 32 ETPT) principalement pour le CERT chargé de la délivrance des certificats d'immatriculation, de l'impact de l'augmentation des besoins liés à l'accueil des étrangers (+ 94 ETPT) et de la mise en oeuvre du pacte de sécurité.

Dans ces conditions, les schémas d'emplois de la mission ont été révisés.

Le RAP pour 2017 indique que la baisse des ETP a été plus faible qu'anticipée pour le programme 307, à - 485 contre une prévision de - 500. Il présente une décomposition de ces mouvements faisant ressortir que le PPNG a suscité la suppression de 685 ETP tandis que les besoins nés du pacte de sécurité et de l'accueil des migrants ont entraîné la création de 200 ETP.

Cette présentation est sans doute un peu flatteuse dans la mesure où les suppressions d'emplois imputées au plan PPNG ne prennent pas nécessairement en considération un certain nombre de besoins apparus en cours d'exercice et qui n'ayant donné lieu qu'à des recrutements tardifs n'ont pas exercé au cours de l'exercice 2017 tout leur potentiel d'augmentation des emplois du programme 307. De la même manière, la variation des effectifs au titre de l'accueil des migrants pourrait se révéler sensiblement plus forte en année pleine que celle retracée par le ministère.

Celui-ci a très largement recouru à des emplois temporaires pour assurer les plans de charge correspondant au terme de recrutement en cours d'année. Mais, il est d'ores et déjà prévu que l'opération « 1 000 mois vacataires » destinée à assurer l'accueil des étrangers (avec un effet de 84 ETPT en 2017) soit reconduite en 2018, pour un effet en année pleine de 100 ETPT. Quant aux besoins complémentaires d'effectifs en lien avec la mise en oeuvre du PPNG apparus une fois déployées les réorganisations de process , ils pourraient n'être pas tout à fait stabilisés.

Quant au programme 216, la réduction de sa consommation en ETPT résulte d'un changement de périmètre lié aux modifications apportées aux conditions de prise en charge des emplois des cabinets du ministre de l'aménagement du territoire et de son secrétariat d'État.

En bref, malgré la réalisation d'un schéma d'emplois de - 500 ETP, le nombre des ETPT rémunérés par la mission a subi une augmentation de 190 unités par rapport à 2016.

Modeste en volume, elle a néanmoins contribué à l'accroissement de 1,7 % des dépenses de personnel de la mission (+40,6 millions d'euros).

Cette évolution traduit plusieurs mesures, les unes générales, comme l'augmentation de la valeur du point d'indice (8,9 millions d'euros supplémentaires) ou l'application du protocole PPCR (5,9 millions d'euros), d'autres, catégorielles. Parmi celles-ci figurent les mesures de restructuration liées à la mise en oeuvre du PPNG, qui devrait se traduire par un coût pérenne pour la mission.

B. LE RESPECT DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES, MAIS UN MONTANT D'ENGAGEMENTS RESTANT À COUVRIR QUI S'ALOURDIT CONSIDÉRABLEMENT

La mission aura respecté son plafond de dépenses tel que fixé par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques qui s'appliquait en 2017.

Mais, ce résultat n'a pu être obtenu que moyennant une hausse conséquente des engagements non couverts par des crédits de paiement qui pèseront inévitablement sur les dépenses de la mission à l'avenir.

Le tableau ci-dessous, qui présente les différents éléments d'appréciation de la conformité de l'exécution budgétaire des crédits de la mission aux plafonds de la loi de programmation des finances publiques à moyen terme (il tient compte des changements de périmètre de la mission 10 ( * ) ), montre que les dépenses de l'année ont respecté le plafond qui leur était imposé.

On doit rappeler au préalable que la mission AGTE, qui incarne pourtant l'État dans ce qu'il a de plus régalien, n'est pas considérée comme une mission prioritaire dans la programmation pluriannuelle des finances publiques.

1. Une norme de dépense respectée

Comparaisons entre la norme de dépense et l'exécution de 2017

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2017

Les modifications de périmètre ont conduit à une adaptation de la norme de dépenses en l'élevant de 78 millions d'euros. Au total, les dépenses de 2017 laissent une marge sous le plafond de 56,4 millions d'euros.

Mais, ce résultat d'ensemble est tributaire de situations différenciées selon les programmes.

Le programme 216 extériorise un dépassement de la norme de 44,5 millions d'euros compensée par une économie de 99 millions d'euros sur le programme 232. Selon la Cour des comptes, le programme 307, quant à lui, dépasse la norme de dépense d'un peu plus de 20 millions d'euros.

Au-delà de ces constats, deux observations s'imposent :

- les résultats d'exécution sont susceptibles d'évolutions significatives d'une année sur l'autre, notamment parce que certaines dépenses de la mission liées à des circonstances extérieures, sont difficilement prévisibles (il en va ainsi notamment des dépenses associées aux élections) ;

- les résultats de l'année 2017 semblent illustrer une tendance à un dépassement systématique de la programmation du programme 216 qui supporte notamment des charges de contentieux et d'investissements très souvent supérieures aux prévisions.

Selon que ces dépenses excédentaires sont ou non financées par redéploiement, la mission respecte la norme de dépense, mais au prix d'économies qui peuvent peser sur d'autres projets, ou, au contraire, la dépasse.

2. Une très forte augmentation des engagements non couverts par des crédits de paiement au terme de l'exercice budgétaire pour le programme 307

Les engagements non couverts par des crédits de paiement à la fin de l'exercice budgétaire ont augmenté de plus de 10 millions d'euros au total, passant de 840,1 millions d'euros à 850,5 millions d'euros de fin 2016 à la fin de 2017.

Pour une partie prépondérante, les opérations concernées sont portées par le programme 216, notamment du fait des investissements immobiliers qu'il finance. Les engagements corrélatifs sont difficiles à suivre en l'état de l'information budgétaire, certaines opérations complexes pouvant donner lieu à des décomptes différés. Les résultats pour 2017 doivent être pris avec d'autant plus de prudence que les délais prévisionnels de réalisation des projets connaissent un allongement sensible tandis que s'offre la perspective de la mise en oeuvre du nouveau schéma de stratégie immobilière pour l'administration centrale du ministère.

Quant aux deux autres programmes de la mission, les engagements demeurant à couvrir connaissent une nette augmentation, de l'ordre de 50 %, passant de 60,7 millions d'euros à 91 millions d'euros en un an. Une partie de ces restes à payer concernent la carte nationale d'identité (22,7 millions d'euros). Un surcoût aurait dû être constaté sur ce projet. Or, là également, l'on doit mentionner la perspective que le retour du projet d'une carte d'identité électronique, dont le projet avait été abandonné à la suite de décisions défavorables du Conseil constitutionnel, mais qui refait surface du fait des règles adoptées par l'Union européenne, puisse se traduire par de nouveaux engagements pour le ministère, qu'il conviendra de couvrir.

Force est enfin d'observer que certaines charges latentes peuvent s'ajouter. Il en va ainsi avec l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). Si le résultat en gestion ressort comme favorable (avec un excédent de 11,5 millions d'euros), il ne traduit pas nécessairement l'équilibre fondamental de l'établissement. Certaines recettes ont été transférées de 2016 sur 2017, tandis que des charges, en particulier celle résultant de la mise en oeuvre du PPNG (voir infra ), pour avoir déjà commencé à peser en 2017, n'exerceront leurs pleins effets qu'au-delà.

C. AU PRIX D'UNE GESTION DES CRÉDITS EN COURS D'EXERCICE CONFRONTÉE AU POIDS DES NÉCESSITÉS

Le bouclage de l'exercice 2017 a été favorisé par des reports de charges, mais a également dû solliciter une recomposition des moyens au détriment du programme d'administration territoriale pour couvrir les impasses de financement du programme 216.

1. La sous-exécution des crédits prévus pour financer la vie politique

La loi de finances initiale (LFI) pour 2017 avait ouvert 3,100 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,106 milliards d'euros en crédits de paiement. Une fois pris en compte les mouvements de crédits opérés en gestion, les rattachements de fonds de concours et les attributions de produits, les dotations disponibles pour 2017 en crédits de paiement ont été portées à 3,179 milliards d'euros, soit, avec un plafond supérieur de 2 % au niveau voté en loi de finances initiale, une modification nette apparemment mineure, mais qui aurait pu entraîner un dépassement de la norme de dépense.

Cependant, finalement, la consommation des crédits a atteint 3,019 milliards d'euros, soit 95 % des autorisations finalement disponibles et un taux d'exécution de 97,2 % des seuls crédits votés en loi de finances initiale.

L'écart avec les dotations ouvertes (87 millions d'euros) provient surtout d'une sous-exécution des crédits du programme 232 provisionné pour assurer le financement de la vie politique.

Un déficit de consommation de 96,2 millions d'euros doit être constaté en fin de gestion sur ce programme, soit plus de 20 % des crédits disponibles.

2. Des modifications de crédits globalement modestes mais ponctuellement significatives

Appréciée à partir de leur valeur nette, les mesures prises au cours de l'exercice 2017 pour adapter les crédits ouverts en loi de finances initiale peuvent sembler de peu d'importance. Cependant, une fois décomposées, elles doivent être jugées plus significatives, ayant été mobilisées pour financer des impasses de budgétisation tôt diagnostiquées.

Mouvements et consommation de crédits de la mission en 2017

Source : Chorus-contrôle budgétaire et comptable ministériel, dans Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2017

Elles ont emprunté les deux vecteurs classiques que sont les mouvements réglementaires, d'un côté, et, de l'autre, les ajustements de la loi de finances rectificative de fin d'année.

Les premiers (hors rattachements de fonds de concours) ont porté sur un total de crédits de 106,2 millions d'euros, pour un bilan net de -16,7 millions d'euros en crédits de paiement, mais des ouvertures nettes de 22,3 millions d'euros en autorisations d'engagement.

La loi de finances rectificative a procédé, de son côté, à l'ouverture de 19,4 millions d'euros de crédits de paiement (20,2 millions d'autorisations d'engagement). Au total, le bilan des mouvements se solde par une modeste variation consolidée des dotations en crédits de paiement avec une disponibilité supplémentaire de 2,7 millions d'euros. Pour les autorisations d'engagement, le bilan est plus conséquent avec 42,5 millions d'euros de plus.

Dans ce contexte d'ensemble, les évolutions intervenues sur les différents programmes de la mission apparaissent nettement plus significatives.

Si les mesures administratives de gestion des crédits du programme 232 consacré principalement au financement de la vie politique, que la loi de finances rectificative de fin d'année n'a pas modifiés, ont été modestes en valeur, il en est allé autrement pour les deux autres programmes de la mission.

Sur le programme 307, si, au total, les mouvements réglementaires de crédits ont atteint un niveau très modeste (0,3 % des crédits de paiement ouverts en loi de finances), les crédits concernés par des ajustements en cours de gestion ont impliqué une masse de plus de 58 millions d'euros (3,4 % des crédits ouverts par la loi de finances). Les reports entrants (23,6 millions d'euros) complétés par des transferts de crédits (6,3 millions d'euros) ont été à peu près effacés par les annulations des décrets d'avances de juillet et novembre 2017 (- 25,6 millions d'euros).

La Cour des comptes critique régulièrement l'opération de transfert par laquelle le programme 307 se voit crédité des moyens qu'il met à la disposition du programme 147 (« politique de la ville ») au titre des délégués du préfet. Cette opération de régularisation financière, qui intervient en fin d'année, apparaît inéluctable compte tenu des intentions du ministère de l'intérieur de conserver in fine la responsabilité de ces agents.

Les modifications de crédits en gestion appliquées au programme doivent être complétées par la prise en compte des opérations du schéma de fin de gestion. Les crédits mis en réserve ont été en quasi-totalité annulés (pour un montant de plus de 50 millions d'euros). Ces annulations présentent a priori un caractère paradoxal au vu des jugements portés sur la programmation des crédits, tant par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel que par le responsable du programme. Le premier n'avait pas accordé son visa à la programmation des crédits hors titre 2 tandis que le second avait demandé la levée de la réserve de précaution pour plus de 11 millions d'euros. En outre, la mobilisation d'un volume d'emplois supérieur à la prévision aurait pu conduire à accroître encore davantage la pression sur le programme. Mais, les conditions pratiques du recrutement (voir supra ) ainsi que la sous-consommation de crédits d'investissement ont permis de demander au programme 307 un effort net dont le programme 216 a dû être exempté.

Celui-ci a, au total, supporté des ajustements administratifs en gestion pour un solde négatif de 18,2 millions d'euros. Mais, ces mouvements de crédits ont eu une nature très différente de ceux subis par le programme 307. En premier lieu, il convient de relever que la loi de finances rectificative de fin d'année a ouvert au programme 19,6 millions d'euros de crédits supplémentaires si bien qu'au total, les modifications apportées aux crédits en cours d'année ont dégagé des moyens supplémentaires à hauteur de 1,4 million d'euros.

Par ailleurs, les modifications réglementaires actant une baisse des crédits ont répondu à une justification technique tandis que les autres modifications se traduisant par des hausses de moyens ont été destinées à financer des dépenses non provisionnées.

Avec un cumul des changements réglementaires de crédits, nettement supérieur au solde net, de 53,9 millions d'euros, l'essentiel des réductions de moyens est venu de transferts effectués au profit d'autres ministères (en particulier, le ministère de la transition écologique et solidaire au titre des services déconcentrés de la sécurité routière). Par ailleurs, un virement de 4,4 millions d'euros a été réalisé à partir de dotations prévues pour financer le fonds interministériel de prévention de la délinquance afin de financer le « plan tourisme ».

En revanche, les décrets d'avances ont dû apporter des moyens supplémentaires au programme alors même que la quasi-totalité de la mise en réserve a dû être levée, afin de financer des impasses de la programmation budgétaire initiale.

3. Une gestion des fonds de concours et des attributions de produits qui suscite la perplexité

Il convient d'ajouter à ces modifications des crédits de la loi de finances initiale celles résultant des fonds de concours et des attributions de produits qui atteignent un niveau élevé pour la mission AGTE, tout particulièrement pour le programme 307. Or, les modalités de gestion de ces apports suscitent une certaine perplexité.

Les rattachements de fonds de concours et autres attributions de produits (plus de 78 millions d'euros en comptant les reports de crédits de fonds de concours de l'année 2016) complètent les moyens du programme, en les majorant de 4,6 %.

Il apparaît que plus de 17 millions d'euros de cette masse n'ont pas été employés en 2017. Ceci traduit un taux de non consommation de plus de 20 %, qui est en soi excessif.

Plus qualitativement, les ressources correspondant à cette sous-consommation ne laissent d'engendrer quelques interrogations. Circonstances aggravantes, une partie des recettes en question provient de financements européens par le FEDER correspondant à des projets de développement territorial dont l'exécution appelle une totale rigueur. Les reports constatés sur ces interventions européennes suscitent à cet égard une certaine inquiétude. Une autre partie, importante, concerne des versements de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) censés couvrir des frais engagés par le ministère de l'intérieur. Le phénomène de non-consommation sur ces dernières ressources apparaît récurrent, les exercices budgétaires se concluant par des reports systématiques, ce qui conduit à s'interroger sur le niveau des produits versés par l'ANTS, dans le cadre de ses relations financières avec le ministère, notamment au titre de la carte nationale d'identité (CNI).

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. UNE INFORMATION BUDGÉTAIRE LARGEMENT PERFECTIBLE

L'information budgétaire fournie présente des lacunes tant sur les ressources et les charges que du point de vue de la performance.

Des données financières qui mériteraient d'être explicitées sont livrées sans explication, même succinctes.

Quant à la performance, la mission comporte trois programmes assortis chacun d'objectifs suivis par des indicateurs (6 objectifs et 13 indicateurs au total).

Outre que, pour nombre d'indicateurs de performances, les résultats faisant l'objet d'un suivi échappent à la prise du responsable de programme, de nombreux indicateurs ressortent comme peu significatifs tandis que des objectifs primordiaux ne sont pas couverts par le suivi de performance.

Votre rapporteur spécial expose ci-après quelques exemples parmi d'autres des difficultés rencontrées.

1. Certaines données financières appellent des justifications qui font défaut

La lecture du RAP pour 2017 recèle quelques exemples où l'explicitation attendue des opérations financières qu'il décrit, la « justification au premier euro », fait défaut.

En matière de recettes, on relèvera, par exemple, la mention de plus de 5 millions d'euros d'attribution de produits correspondant à la vente des informations publiques issues du fichier tenu dans le cadre du système d'immatriculation des véhicules (SIV). Celui-ci correspond aux données nécessaires à l'immatriculation des véhicules. Il s'agit donc d'un fichier destiné à délivrer des titres sécurisés, dont il est pour le moins surprenant d'apprendre incidemment qu'il fait l'objet d'opérations commerciales. Pourtant, aucune autre information n'est fournie sur ce point.

Quant aux dépenses, parmi de trop nombreux points d'opacité, on signalera la mention que l'exécution des crédits de fonctionnement de l'action n° 3 du programme 216, action qui regroupe les dépenses d'informatique, s'est élevée à 50,8 millions d'euros. Or, les tableaux récapitulant l'exécution chiffrent ces dépenses à 61,9 millions d'euros. Le montant de 50,8 millions d'euros, qui est justifié par la « correction des erreurs d'imputation », n'est pas corrigé dans les tableaux récapitulatifs, d'où l'on peut déduire que ceux-ci présentent une image fausse de l'exécution. Par ailleurs, nulle information n'est fournie sur les tenants et aboutissants des « erreurs d'imputation ».

2. La maquette de performance du programme 307 s'étiole de plus en plus et rend de moins en moins compte des priorités assignées au réseau préfectoral

Le programme 307 « Administration territoriale », qui, jusqu'en 2015 affichait cinq objectifs, n'en affiche plus que trois.

En 2016, l'objectif d'amélioration de la coordination des actions interministérielles avait cessé de faire l'objet d'un suivi en loi de finances.

En 2017, c'est le développement des actions de modernisation et de qualité des préfectures qui, en lien avec l'affaiblissement des relations directes entre usagers et entités du réseau, se trouve abandonné.

Alors même que la période a été marquée par des initiatives, présentées comme fortes, pour redéfinir les missions du réseau, l'information budgétaire se réduit à la portion congrue, semblant traduire une difficulté majeure à passer d'un discours général volontariste sur les principes à l'affirmation, plus substantielle, d'objectifs concrets.

Force est d'observer que les objectifs développés dans les directives nationales d'orientation des préfectures et sous-préfectures , en particulier dans la dernière en date qui couvre les années 2016-2018, sont loin d'être repris avec exhaustivité dans les documents budgétaires , alors même que ces objectifs, prioritaires, ne sont pas si nombreux que leur traduction dans l'information budgétaire soit de nature à les alourdir plus que de raison. On les rappelle pour mémoire : « quatre orientations principales se dégagent pour les services : conforter les préfectures au coeur de missions régaliennes de l'État ; moderniser les relations avec l'usager ; incarner la proximité sur le territoire ; déployer les outils d'accompagnement de ces évolutions ».

Votre rapporteur spécial avait recommandé qu'un effort soit conduit pour que les objectifs opérationnels définis dans le cadre des orientations fixées au réseau préfectoral trouvent une traduction permettant d'enrichir une information budgétaire qui doit pouvoir saisir de façon réaliste les réformes entreprises et les orientations données aux moyens financés par le programme d'administration générale territoriale de l'État.

Cette recommandation laissée sans aucune suite doit ici être renouvelée.

Quant aux indicateurs de suivi, au nombre de sept, certains d'entre eux laissent, pour le moins, à désirer.

Sur ce point, on ne peut que répéter qu'il serait utile que les indicateurs de gestion selon lesquels le responsable de programme apprécie les résultats obtenus, dont l'exhaustivité est nettement plus satisfaisante que celle qui caractérise l'information fournie au Parlement, soient indiqués dans les documents de restitution budgétaire.

Quant à des critères plus qualitatifs , on rappelle que certains indicateurs suivent des données dont la réalisation n'incombe qu'en partie au responsable du programme. Ainsi en va-t-il de l'élaboration des plans communaux de sauvegarde.

Surtout, d'autres fournissent des indications à la faible significativité et susceptibles d'induire des conclusions hâtives, voire erronées.

Dans ce sens, la détection des fraudes documentaires par les préfectures est certainement sensible à un « effet lampadaire ». S'il n'est pas sans signification, son interprétation comme témoin de l'efficacité administrative est soumise à trop d'incertitudes pour qu'il puisse être jugé comme représentatif de celle-ci. Il est difficile, en l'état des informations fournies, de souscrire pleinement à l'affirmation selon laquelle la détection de la fraude est corrélée à la montée des compétences des « centres d'expertise et de ressources titres » (CERT). En toute hypothèse, il s'agit d'un indicateur pour le moins ambivalent. D'un côté, l'augmentation du taux de détection peut témoigner d'une meilleure efficacité des services de guichet, de l'autre, il peut signifier une détérioration des performances des mesures systémiques de sécurisation des titres, qui ont marqué l'historique récent des réorganisations administratives auxquelles ont été soumises leurs délivrances. Enfin, rien n'est dit sur les suites données aux constats de fraude si bien que l'orientation, pourtant prioritaire, donnée aux services dans le cadre du plan Préfecture nouvelle génération (PPNG) d'améliorer la détection des fraudes ne fait l'objet que d'une évaluation sommaire dans les documents budgétaires.

De leur côté, les indications données sur la performance atteinte dans le domaine de la délivrance des titres sécurisés ont été améliorées. Les critiques qu'on leur avait ici adressées venaient de ce qu'elles portaient, non sur les délais de traitement des dossiers présentés par les demandeurs, mais sur le nombre des préfectures parvenant à traiter ces demandes en moins de 15 jours, méthode susceptible d'écraser les écarts de performances. Le suivi du délai moyen de délivrance des permis de conduire et du passeport biométrique permet d'atténuer cet effet d'écrasement. Toutefois, il ne l'évite pas tout à fait dans la mesure où présentant une performance moyenne, il ne restitue ni les très bons résultats parfois obtenus, ni les temps d'attente manifestement excessifs supportés en certains points du territoire et dans certaines circonstances de temps. Votre rapporteur spécial a largement exposé la diversité des délais de traitement dans son rapport consacré aux crédits de la mission demandés dans le projet de loi de finances pour 2018.

Enfin, et sans préoccupation d'exhaustivité, force est d'observer que le suivi du contrôle de légalité par la mesure d'un taux de contrôle des actes prioritaires reçus en préfecture peut être affecté par des ruptures de champ. On sait que la dimension des actes prioritaires a fortement varié dans le temps (voir infra ). Les rapports annuels de performances successifs en témoignent qui rendent compte de la variabilité quantitative des actes reçus d'une année sur l'autre, mais aussi de la modulation des contrôles en fonction de choix locaux au demeurant très contraints. Ajoutons qu'un indicateur purement quantitatif ne saurait saisir la qualité du contrôle, qui est évidemment essentielle.

3. La maquette de performance du programme 232 est réductrice

Le suivi de la performance du programme repose sur un seul et unique indicateur, le coût moyen des différentes élections par électeur inscrit sur les listes électorales. Il n'offre aucun moyen tangible d'apprécier les résultats de l'action du responsable du programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative ».

L'indicateur suivant les délais de publication des comptes des partis politiques, qui offrait une indication, trop partielle (le délai de traitement des comptes de campagne des candidats aux élections politiques n'était pas appréciable) mais utile, sur les conditions de mise en oeuvre de la mission attribuée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ne figure plus dans la maquette de performance.

Les résultats tels qu'ils sont appréhendés ne dépendent pas exclusivement, loin de là, du responsable de programme. En effet, ni les coûts des élections ni le délai de traitement des comptes des partis politiques ne sont réellement pilotés par le secrétaire général du ministère de l'intérieur.

Par exemple, le coût des élections résulte soit de circonstances électorales singulières, qui conduisent à étendre plus ou moins les remboursements effectués au profit des candidats en fonction des résultats des scrutins, soit de décisions éminemment politiques sur lesquelles le responsable de programme est sans prise. Ainsi en va-t-il, par exemple, de la dématérialisation des documents de propagande électorale, qui fait l'objet d'une opposition systématique de la part du Parlement.

Néanmoins, des améliorations pourraient intervenir dans le sens d'une meilleure lisibilité de ce qui relève à proprement parler des services de l'État dans le coût des élections. Il serait justifié de distinguer les opérations sous leur maîtrise directe (mise sous pli et adressage de la propagande électorale notamment) des opérations qui ne font l'objet que d'un remboursement passif (impression et affichage de la propagande à la charge des candidats).

Au-delà, on peut regretter que le dispositif de suivi de la performance ne soit pas mobilisé pour être le support d'une information régulière et développée sur les conditions du financement de la vie politique et des cultes.

Il pourrait être intéressant de présenter dans ce cadre un bilan des activités de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et de leurs effets sur la consommation des crédits du programme.

4. La maquette de performance du programme 216 est incomplète

Quant aux indicateurs de performance du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », pour fournir quelques indications utiles pour le suivi des éléments de la « fonction de production » du ministère, ils sont marqués par leur insuffisance.

Des améliorations sont parfois intervenues ces dernières années. Ainsi en va-t-il pour l'issue des contentieux qui n'était informée que pour celui des étrangers mais peut désormais être appréciée pour une gamme plus étendue de litiges.

Néanmoins, certains indicateurs sélectionnent sans raison évidente des données qui ne sont que partiellement représentatives du problème administratif envisagé et délaissent des données importantes. C'est le cas dans le domaine de la gestion du personnel où manquent des données importantes sur les processus de restructuration des qualifications, de mobilité géographique ou fonctionnelle ou encore sur les éléments quantitatifs de productivité du travail. Ces lacunes sont particulièrement regrettables s'agissant d'une administration de réseau en phase de changement.

Au total, un effort d'exhaustivité et de représentativité des objectifs et indicateurs de suivi des performances des actions publiques financées par la mission s'impose.

B. DES RÉSULTATS INFÉRIEURS AUX ATTENTES

Dans le contexte actuel du suivi de la performance, les résultats obtenus apparaissent mitigés.

S'il est bien vrai que l'utilité sociale des actions financées par la mission n'est pas toujours susceptible d'être restituée par des indicateurs ponctuels, à dimension exclusivement quantitative et dont les niveaux dépendent en partie de facteurs extérieurs à l'action publique, les indicateurs suivis ne témoignent pas de l'atteinte des objectifs fixés.

1. Les indicateurs de performance du programme 307 semblent traduire les difficultés rencontrées dans l'accomplissement des missions

Des dix sous-indicateurs du programme 307, six révèlent des résultats inférieurs aux attentes .

Votre rapporteur spécial souhaite tout particulièrement que les cibles des indicateurs relatifs à la sécurité civile , qui pourraient être enrichis pour tenir compte des nouvelles menaces, soient toutes atteintes.

Par ailleurs, la détérioration des résultats obtenus dans le domaine de la délivrance des titres sécurisés, pour laquelle le dispositif de suivi de la performance reste incomplet - seules les performances de la délivrance des permis de conduire et des passeports biométriques sont publiées dans ce cadre - , témoigne des difficultés rencontrés pour atteindre les cibles prescrites aux services.

Non seulement la cible n'est pas atteinte, seuls 69,6 % des passeports biométriques et 88,3 % des cartes nationales d'identité étant délivrés en 15 jours ou moins contre des objectifs de 90 % et 95 % respectivement, mais encore les résultats observés traduisent-ils une profonde dégradation par rapport à l'année précédente. Le recul atteint près de 10 % dans les deux cas. Si le niveau d'exigences a été légèrement relevé pour la délivrance des permis de conduire, la mise en place des nouveaux circuits de délivrance des titres sécurisés dans le cadre du PPNG semble laborieuse.

Les motifs des déconvenues enregistrées, qui paraissent encore plus aigües pour certains titres (les certificats d'immatriculation des véhicules en particulier) appellent un suivi attentif et une restitution publique nettement plus transparente que celle, approximative, du rapport annuel de performances.

2. Le programme 232 a été confronté à des choix peu propices à l'optimisation de ses résultats

Le suivi de la performance du programme, on l'a indiqué, est structuré autour d'indicateurs globalement indépendants de toute influence du responsable de programme. Ainsi en va-t-il, en particulier, s'agissant du coût des élections, pour les conditions de diffusion de la propagande électorale dont la dématérialisation est régulièrement envisagée sans être jamais mise en oeuvre.

Peu de progrès ont été accomplis ces dernières années. Alors que la numérisation pénètre dans tous les domaines de la vie des Français, les économies qu'elle pourrait permettre n'ont pas été mobilisées. Cette résistance engage une responsabilité qui incombe au premier chef aux Gouvernements qui n'ont pas su convaincre du bien-fondé des nombreuses initiatives développées en ce sens ces dernières années. Des projets non concertés sont apparus sans l'indispensable phase de consultations nécessaire à toute méthode de réforme qui se veut convaincante. Moyennant un processus débarrassé de son empreinte solitaire et technocratique, le nouveau cycle électoral qui s'ouvre devrait fournir l'occasion d'expérimentations limitées mais réalistes. Elles pourraient passer par l'ouverture d'une option de réception par voie numérique des documents de propagande électorale exercée au gré des électeurs. L'échec du projet de dématérialisation de la propagande électorale a entraîné en 2017 un surcoût estimé à 168,9 millions d'euros.

Par ailleurs, quant à la mission attribuée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, l'indicateur suivant les délais de publication des comptes des partis politiques n'est plus publié. La dernière publication de cet indicateur signalait une détérioration du délai nécessaire au traitement des comptes en 2016 avec l'ajout d'un mois supplémentaire au délai déjà important employé l'année précédente (6 mois et 20 jours au lieu de 5 mois et 7 jours en 2015).

Il s'agissait d'un mauvais résultat que le Gouvernement avait expliqué par un alourdissement de la charge de travail. Celle-ci n'avait pas empêché le responsable de programme de procéder à une opération de fongibilité asymétrique des crédits qui avait conduit à employer 10,5 millions d'euros prévus pour rémunérer des personnels afin de régler des prestations liées à l'externalisation et à la mise sous pli de la propagande électorale.

Cette année à nouveau, une opération de fongibilité asymétrique des crédits a été appliquée au programme 232. Elle est d'un montant encore supérieur à celui mentionné ci-dessus. Elle a atteint 15,7 millions d'euros afin de financer un surcoût des mises sous pli de la propagande électorale lié à son externalisation. Celui-ci paraît résulter d'un recours plus systématique à cette modalité de traitement de la propagande électorale.

Initialement estimés à 40,9 millions d'euros, les crédits de personnel mobilisés pour les opérations électorales n'ont été consommés qu'à hauteur de 19,4 millions d'euros (soit un taux de non-consommation considérable de plus de 52 %).

3. Le programme 216, des inquiétudes sur le contentieux, l'informatique et l'immobilier

En ce qui concerne le programme 216, l'un des enjeux majeurs est de mieux maîtriser les contentieux traités par le ministère. Les cibles fixées ne sont pas atteintes. Cette sous-performance est d'autant plus insatisfaisante que les objectifs, exprimés par un taux de réussite devant les juridictions saisies, sont, avec une cible de 80 % de réussite, très inférieurs au 100 % qu'on serait en droit d'attendre de l'État qui dispose de moyens de prévention des contentieux supérieurs aux justiciables ordinaires. Le choix d'une cible sensiblement inférieure suggère que les attentes du ministère ne sont pas systématiquement de remporter ses procès, mais d'obtenir des victoires partielles.

Quant aux systèmes informatiques, la durée d'indisponibilité de certaines applications informatiques ressort encore comme particulièrement élevée. Alors que des progrès d'ensemble avaient pu être extériorisés ces dernières années, une nouvelle dégradation intervient en 2017. Or, elle concerne des programmes particulièrement sensibles correspondant à des opérations de police (passage rapide aux frontières, fichier des personnes recherchées et des véhicules volés), à des opérations de délivrance de titres sécurisés, l'application SIV (système d'immatriculation des véhicules) notamment, ou encore à des opérations de statut constitutionnel en lien avec le contrôle de légalité (ACTES).

La portée de l'indicateur d'indisponibilité des applications reste difficile à apprécier. En premier lieu, le résultat de l'indicateur (un peu plus de 32 heures d'indisponibilité) ne peut être mis en cohérence avec les informations présentées par le RAP que sous certaines conditions de pondération non explicitées et qui viennent réduire le sens de l'indicateur. Ainsi, selon le RAP, un incident électrique survenu au mois de juillet aurait engendré à lui seul 131 heures 40 minutes d'indisponibilité pour neuf applications. C'est nettement plus que la durée d'indisponibilité relevée par l'indicateur. Il est possible qu'une pondération soit mise en oeuvre, mais alors force est de lui associer une forme de déperdition de l'information. L'indisponibilité des applications qui compte opérationnellement est, en effet, l'indisponibilité observée et non l'indisponibilité calculée. En toute hypothèse, qu'un seul incident survenu dans un unique data-center puisse paralyser les applications de sécurité de l'État au point révélé par le RAP doit conduire à des améliorations urgentes.

L'explosion des dépenses informatiques passées de 543 euros par poste en 2016 à 1 537 euros en 2017 mérite d'être mise en lumière. Elle paraît liée à des renouvellements de matériels et n'avoir pas été anticipée par la programmation initiale des crédits (mais les informations budgétaires sont sur ce point particulièrement peu satisfaisantes - voir infra ).

De la même manière, la maîtrise des opérations immobilières, dont les indicateurs varient avec une forte ampleur d'une année sur l'autre, semble perfectible au vu des dépassements de délais et de budgets dont ces indicateurs témoignent. On ne saurait oublier, par ailleurs, les interrogations sur l'état des emprises immobilières des préfectures et des sous-préfectures et leur niveau d'utilisation.

C. UNE MISSION GÉNÉRALISTE ET HÉTÉROCLITE NÉCESSAIREMENT ÉLOIGNÉE DE L'ESPRIT DE LA NOMENCLATURE BUDGÉTAIRE DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES

La loi organique relative aux lois de finances a entendu préserver le principe de spécialité budgétaire, son article 7 posant à ce titre plusieurs normes régulatrices. Ainsi du I de l'article qui énonce qu'une « mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie » et encore qu'un « programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associées des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation » .

Le moins qu'on puisse dire de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » est qu'elle est très éloignée de satisfaire la lettre et l'esprit de ces dispositions organiques, dont le sens est d'aboutir à une nomenclature budgétaire garantissant les conditions d'une décision éclairée des autorités budgétaires, au premier rang desquelles se situe le Parlement, mais aussi une gestion des politiques publiques rigoureuse.

Il y a lieu de considérer certains des prolongements pratiques de cette contravention aux règles les plus éminentes s'appliquant aux finances publiques.

De ce point de vue, la mission AGTE apparaît, à bien des égards, comme une mission « réservoir » .

Elle regroupe des crédits destinés à financer moins des politiques publiques bien identifiées que des structures administratives chargées de surcroît de missions souvent très générales (comme l'intitulé de la mission l'indique assez) dont l'identification présente certaines difficultés.

Par ailleurs, nombre des moyens rattachés à la mission sont en réalité redéployés vers d'autres missions tandis qu'au sein du programme 307 une action rassemble des dotations dites « d'animation et de soutien du réseau » qui ont vocation à être réparties entre d'autres actions du programme.

Ces caractéristiques de la mission AGTE sont illustrées par le niveau élevé des crédits déversés à partir de la mission vers d'autres missions (ou, au sein de la mission, entre programmes). Les principaux déversements s'effectuent au profit de la mission « Sécurités » (559 millions d'euros), « Immigration, asile et intégration » (37,7 millions d'euros), « Outre-mer » (38,8 millions d'euros) et « Relations avec les collectivités territoriales » (10,8 millions d'euros).

L'écart entre les consommations de crédits de la mission AGTE et ses dépenses complètes, une fois ces déversements pris en compte, s'est élevé en 2017 à 501,6 millions d'euros, 16,7 % des emplois de crédits de la mission se trouvant consacrés à des politiques publiques prises en charge en dehors du champ propre de la mission AGTE.

Si le niveau des crédits consommés s'est élevé à 3 019,6 millions d'euros, les dépenses « pour compte propre », n'ont été que de 2 518 millions d'euros.

Cette situation, qui ne facilite pas l'analyse budgétaire des politiques proposées et exécutées par le Gouvernement, et, de ce fait, compromet la qualité même de la décision publique, ne paraît pas favoriser l'efficacité des moyens affectés à la mission (comme en témoigne l'analyse par votre rapporteur spécial des indications fournies pour rendre compte des résultats des politiques publiques qu'elle est censée recouvrir) non plus que celle des autres missions bénéficiaires effectives d'une proportion considérable des moyens votés dans le cadre de la mission AGTE.

Les charmes de la mutualisation peuvent favoriser une programmation insuffisamment rigoureuse des ressources nécessaires à la conduite des actions publiques dont la tendance à l'efflorescence spontanée est peut-être particulièrement marquée dans le domaine sous revue. À force de superpositions, le risque de marginalisation sourde de certaines missions peut croître en fonction directe d'une mutualisation qui n'a pas encore le don miraculeux d'abattre les contraintes de moyens.

Les écarts entre le diagnostic sur la situation d'emploi de la mission AGTE associé aux données nominales et celui fondé sur des structures constantes, qui montrent l'importance des changements de périmètre que subit fréquemment la mission du fait de sa vocation généraliste, attestent qu'un large usage est fait de la réorientation de ressources, au gré d'évolutions soumises aux circonstances.

D. UNE CONTRAINTE D'EMPLOIS QUI POSE PROBLÈME

Comme on l'a relevé, la mission AGTE n'appartenait pas au groupe des missions prioritaires défini par la précédente loi de programmation pluriannuelle des finances publiques sous l'empire de laquelle la mission se trouvait encore en 2017.

Même si cette catégorie ne figure plus explicitement dans la nouvelle loi de programmation, les faits parlent d'eux-mêmes : la mission AGTE est appelée à contribuer plus que d'autres aux économies de dépenses budgétaires retracées dans la nouvelle loi de programmation pluriannuelle à l'horizon 2022.

À l'échéance de 2020, elle devra réduire ses dépenses, en euros constants, de 190 millions d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale pour 2017 (au format de 2018).

Or, outre que cette mission finance des interventions régaliennes essentielles, elle se trouve confrontée quotidiennement aux contraintes les plus urgentes du moment. Elle est ainsi sollicitée pour améliorer la sécurité des Français et pour fournir une réponse adaptée à des flux d'immigration en forte hausse, et qui présentent des difficultés particulières de traitement. Ainsi en va-t-il, par exemple, dans le domaine de l'asile.

L'exécution pour 2017 illustre les tensions entre une programmation budgétaire théorique et le poids des réalités. Elles devraient alourdir durablement les perspectives d'emplois de la mission et ainsi des dépenses de personnel susceptibles d'en découler.

La gestion réelle des emplois (voir supra ) a été marquée par des besoins apparus du fait des circonstances, dont il y a tout lieu de penser qu'elles ne seront pas transitoires. Aux observations présentées plus haut sur ce point, il y a lieu d'ajouter les interrogations nées de la substitution d'emplois précaires, mais pérennisés, aux emplois classiques du ministère. Elle conduit à s'inquiéter de voir l'État employeur s'affranchir de règles qu'il impose aux autres agents économiques, mais, également, compte tenu des motifs de ces recrutements, en particulier l'accueil des étrangers, de la capacité réelle des personnels appelés à traiter des demandes complexes à réunir toutes les conditions de technicité nécessaires.

Dans ces conditions, la contrainte d'emplois appliquée à la mission pourrait devenir assez virtuelle.

Cette perspective s'impose d'autant plus qu'il convient de noter que cette contrainte est concentrée sur le programme 307 d'administration territoriale, l'autre programme de la mission porteur significatif d'emplois, le programme 216, se voyant, quant à lui, épargné. C'est ce qui ressort clairement du tableau récapitulant les évolutions d'emplois en 2017 exposé plus haut.

À son tour, cette répartition de la contrainte d'emplois aboutit à un retrait de la présence physique de l'État sur l'ensemble du territoire, qui (voir infra ) n'est pas sans susciter de lourdes interrogations.

E. UNE FOIS ENCORE, LA PROGRAMMATION DES DÉPENSES DE CONTENTIEUX A ÉTÉ DÉBORDÉE EN GESTION

L'action 6 du programme 216 est consacrée aux dépenses de contentieux et de protection fonctionnelle en lien avec les activités du ministère de l'intérieur.

Votre rapporteur spécial appelle régulièrement l'attention sur les dérapages de ces dépenses qui, en exécution, sont toujours très supérieures aux prévisions de la loi de finances initiale. Tel est encore une fois le cas cette année.

Données relatives aux dépenses de contentieux
et de protection fonctionnelle

Source : Cour des comptes, d'après ministère de l'intérieur et LFI

* Estimation ministère de l'intérieur

Le tableau ci-dessus récapitule les données historiques et les prévisions du ministère de l'intérieur pour l'exercice 2017. Celles-ci se sont révélées trop optimistes puisque les dépenses effectives ont atteint 139,3 millions d'euros, soit 24 millions d'euros de plus qu'anticipé et, surtout, 84,3 millions de plus que les dotations de la loi de finances initiale.

Le taux de couverture des dépenses effectives de contentieux par les crédits initiaux (39,5 %) s'est ainsi considérablement dégradé en 2017, de près de 12,8 points.

La réduction de la charge des dépenses de contentieux de près de 14 millions d'euros l'an dernier a fait place à une progression de 56,7 millions d'euros soit davantage que les crédits demandés dans le projet de loi de finances de l'année.

Ces évolutions sont attribuées à différentes causes : des reports de charges de l'exercice 2016 sur 2017, et l'existence de contentieux exceptionnels.

Ces explications témoignent l'une d'une gestion budgétaire particulièrement critiquable, l'autre d'une appréciation difficile à réaliser. Les contentieux exceptionnels tendent à devenir habituels.

Il est heureux que le ministère se soit attaché à réagir. Les mesures adoptées pour améliorer la situation ont été exposées dans le rapport consacré au projet de loi de finances pour 2018.

Votre rapporteur spécial suivra avec vigilance les résultats obtenus. Il ne peut à ce stade que s'interroger sur la cohérence entre la contrainte d'emplois exercée sur la mission, qui peut conduire à une raréfaction des capacités de suivi et d'expertise, et l'objectif poursuivi ainsi que sur certaines intentions exprimées.

F. UN BUDGET DE TRANSITION : QUEL AVENIR POUR L'ÉTAT DE PROXIMITÉ ?

Votre commission des finances a publié l'an passé un rapport de contrôle budgétaire consacré à l'échelon le plus local de l'administration générale de l'État, celui des sous-préfectures 11 ( * ) .

Celles-ci ont été prises dans un processus de progressive dégradation de leurs moyens dans un contexte où leurs missions ont tardé à trouver un socle de doctrine solide.

Dans le même temps, tant l'État que les collectivités territoriales ont suivi des réorganisations marquées par l'émergence de pôles de gestion publique plus puissants mais aux logiques géographiques plus vastes et ainsi exposées aux risques d'un éloignement par rapport au local.

Dans ce contexte, le ministère de l'intérieur revendique sa vocation à représenter l'État dans ses circonscriptions administratives les plus traditionnelles (arrondissements, départements).

De fait, la plupart des emplois financés par la mission relèvent de l'échelon départemental.

Source : rapport annuel de performances de la mission pour 2017

Le tableau ci-dessus extrait du RAP pour 2017, dont il faut regretter qu'il ne détaille pas les emplois affectés dans les sous-préfectures, fait ressortir cette prépondérance, 89 % des emplois de la mission étant positionnés à l'échelon départemental ou infra-départemental.

Néanmoins, il illustre également une tendance à une recomposition des effectifs du ministère de moins en moins proches du terrain. C'est ainsi qu'en 2017 se constate une augmentation de 70 % des effectifs régionaux (+ 697 ETPT) contre une baisse de 526 ETPT au niveau départemental.

L'évolution des ETP présents au 31 décembre de l'année traduit plus spectaculairement encore cette évolution puisque entre 2016 et 2017, la baisse atteint 2 200 ETP.

On doit voir dans ces modifications de positionnement géographique des agents l'impact du « Plan préfecture nouvelle génération ».

Le développement des effectifs régionaux correspond, d'une part, au renforcement des secrétariats généraux pour les affaires régionales, d'autre part, au déploiement de plates-formes se substituant pour les fonctions suivantes à des moyens autrefois localisés plus à proximité : les centres partagés de comptabilité Chorus, les agents des centres d'expertise et de ressources titres (CERT) et ceux des pôles d'appui juridique (PAJ).

Par ailleurs, certains agents sont désormais « gérés » au niveau régional : les services de naturalisation, les guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile (GUDA).

Ces réorganisations sont passibles d'appréciations différenciées.

La professionnalisation d'un certain nombre de fonctions incombant au ministère peut certainement justifier des regroupements. Néanmoins, deux écueils doivent être évités : la perte de visibilité des conditions réelles pouvant entourer localement certaines situations, la perte d'expertise par des services territorialisés pouvant éprouver un sentiment de dépossession par des structures éloignées développant des doctrines propres.

En toute hypothèse, le constat s'impose d'une administration générale de l'État qui se fait moins accessible.

Il est certes de bonne politique d'exploiter les opportunités offertes par le numérique. Encore faut-il qu'il n'en résulte pas de difficultés supplémentaires pour les usagers du service public. Le recours au numérique a particulièrement touché la délivrance des titres sécurisés qui, petit à petit, a marginalisé le rôle de la plupart des mairies de notre pays et suscité des difficultés nouvelles pour la partie de la population française qui éprouve encore bien des obstacles pour accéder au numérique, soit qu'elle ne soit pas couverte par des infrastructures performantes, soit qu'elle manque des équipements nécessaires ou, tout simplement, de la maîtrise des nouvelles technologies.

Ces situations ne sont pas si rares qu'elles puissent être négligées.

Elles supposent de conserver des conditions d'accès physiques aux services et, ainsi, de résorber les situations d'éloignement résultant de la fermeture des services de proximité.

Or, celles-ci devraient encore s'accentuer dans le cadre de la nouvelle directive nationale d'orientation des préfectures et des sous-préfectures et de l'idéal d'une « France sans guichets », autrement dit sans contact entre les usagers et l'État prestataire de services et sans visibilité de l'État pour nombre de nos concitoyens, porté par le plan « préfectures nouvelle génération ».

L'année 2017 a permis d'illustrer les écueils d'une numérisation à marche forcée telle que la dessinait le PPNG.

Le ministère a dû se résoudre à mettre en place quelque 300 points d'accès numérique. Équipés d'un ordinateur ils sont servis par des volontaires du service civique et restituent sur des bases plus fragiles une forme de service public de proximité trop hâtivement délaissé.

Si cette adaptation est bienvenue, elle doit rappeler toute l'attention qu'il convient d'apporter aux conditions pratiques de conduite des réformes.

Il est étonnant sur ce point que le ministère ait pu présenter une prévision d'emploi si nettement éloignée de sa réalisation. Les écarts entre les prévisions de la loi de finances initiale et la localisation effective des effectifs (voir le tableau ci-dessus) conduisent à s'interroger sur la gestion prévisionnelle des emplois du ministère.

MISSION « AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES » ET CAS « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL » - MM. ALAIN HOUPERT ET YANNICK BOTREL, RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. LA MISSION « AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES »

A. LA MISSION AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES (AAFAR), UN VECTEUR BUDGÉTAIRE PERFECTIBLE

Les documents annexés aux lois de finances répondent à des fonctionnalités différentes, les unes normatives, faisant écho au principe de spécialité budgétaire qui s'applique au vote et à l'exécution des crédits, les autres, informatives. Ces dernières ont été développées dans le prolongement de l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances qui a souhaité améliorer l'information du Parlement sur les politiques publiques qu'il dote en moyens financiers.

Sur ces deux plans, la mission AAFAR apparaît largement perfectible.

On n'en fournira ici que deux illustrations empruntées au rapport annuel de performances (RAP) annexé au projet de loi de règlement pour 2017.

1. Une évolution structurelle malvenue

À partir de 2017, la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » qui comportait alors quatre programmes a été restructurée par fusion des crédits du programme 154 consacré au développement de l'agriculture et de ceux du programme 149 qui regroupait jusqu'alors les crédits de la politique de la forêt.

Désormais, la mission est structurée autour de trois programmes :

- le programme 149 (« Économie et développement rural de l'agriculture et des territoires ») regroupe les dépenses nationales consacrées à la « Ferme France », et à sa forêt ,

- le programme 206 est spécifiquement dédié aux actions destinées à assurer la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation ,

- enfin, le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » est un programme transversal de soutien aux actions des services .

Les poids budgétaires de ces programmes sont très inégaux, le programme 149 pesant 65,4 % des dotations de loi de finances initiale contre 15,1 % pour le programme 206 et 19,5 % pour le programme 215.

Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la conformité de la confusion des crédits pour la forêt avec ceux consacrés à l'économie agricole avec les termes de l'alinéa 6 de l'article 7 de la loi organique du 1 er août 2001 relatif aux programmes budgétaires dans la mesure où les objets de ces politiques publiques ne sont pas nécessairement les mêmes.

Rappelant qu'ils avaient exprimé le souhait que les services concernés sollicitent les parlementaires des commissions des finances des deux chambres, pour avis, avant d'engager de telles démarches, ils ne peuvent que constater que l'inclusion réalisée cette année des crédits de la pêche et de l'aquaculture dans le programme 149 s'est affranchie de cette ferme recommandation.

Vos rapporteurs spéciaux demandent en ce sens au Gouvernement un recalibrage des programmes composant la mission et souhaitent être consultés sans délai.

2. Une information très incomplète sur les concours publics à l'agriculture

La mission AAFAR ne correspond structurellement qu'à une (faible) partie des concours publics à l'agriculture, qui, en 2017, se seraient élevés à 20,6 milliards d'euros.

Les dépenses sur crédits européens (le budget de la PAC) apportent 8,9 milliards d'euros à l'agriculture française, dont, théoriquement, 7,2 milliards d'euros au titre du premier pilier et 1,7 milliard d'euros en contrepartie du second pilier. Ce dernier entretient des relations très fortes avec le budget de la mission AAFAR puisque les programmations des deux budgets sont interdépendantes, ne serait-ce qu'au titre du cofinancement. Le RAP ne donne pourtant aucune information précise sur les conditions d'exécution du budget de la PAC. Cette lacune est particulièrement regrettable alors même que certaines enveloppes budgétaires prévues au titre du FEADER semblent d'ores et déjà épuisées, ouvrant la perspective d'effets en retour sur la capacité du budget national à honorer les engagements pris auprès des opérateurs.

Quant aux « dépenses fiscales et sociales », elles auraient totalisé de l'ordre de 6,6 milliards d'euros en 2017, soit une fois et demi les dépenses budgétaires imputées sur la mission AAFAR.

Le RAP ne documente que 2,8 milliards d'euros de dépenses fiscales, ce qui paraît assez loin de rendre compte de l'ensemble des dispositifs en vigueur. Encore l'information sur ce point est-elle très insuffisante, nombre de dépenses fiscales n'étant pas chiffrées tandis que des évolutions très marquées (et contradictoires avec le profil d'emploi des crédits budgétaires, comme c'est le cas du dispositif de l'article 1398 du code général des impôts relatif aux pertes de récolte ou de bétail) ne sont pas justifiées.

Les allègements de cotisations sociales, dont la prise en compte au titre des crédits budgétaires fluctue sur la base d'arrangements purement institutionnels (voir infra ), ne sont pas détaillés.

Sans même évoquer les insuffisances des informations livrées dans le cadre du suivi de la performance, force est de recommander qu'une meilleure mise en perspective des crédits budgétaires avec les autres concours publics à l'agriculture soit accessible au Parlement et à l'ensemble des citoyens.

B. UNE ANNÉE BUDGÉTAIRE À NOUVEAU CHAOTIQUE

La structure des interventions financées par la mission exposée ci-dessus ne peut aspirer qu'à donner de simples ordres de grandeur dans la mesure où le programme 149 subit régulièrement des reconfigurations profondes tant au stade de la programmation que, surtout, de l'exécution.

Des besoins supplémentaires viennent de plus en plus souvent perturber en cours de gestion une structure d'interventions de plus en plus théorique, fluctuant au gré de circonstances peu prévisibles pour certaines, mais compensant, pour l'essentiel, des choix initiaux d'affichage budgétaire aussi insincères qu'insoutenables (voir infra ).

Les autres programmes concourent également à la volatilité de la structure d'interventions du ministère. Ils peuvent eux-mêmes se trouver confrontés à la virtualité des inscriptions budgétaires et sont fréquemment conduits à subir les ajustements de moyens qu'impose la contrainte budgétaire. Il en va particulièrement ainsi du programme 206 relatif à la sécurité sanitaire des aliments et des productions végétales et animales, qui est de plus en plus impacté par des crises, dont la récurrence suscite une profonde inquiétude.

La Cour des comptes avait qualifié l'exécution en 2016 des crédits de la mission AAFAR de « chaotique et tendue » ajoutant que la programmation des crédits faisait ressortir des « économies en trompe l'oeil » .

Ces appréciations, devancées par les observations critiques formulées par votre rapporteur spécial Alain Houpert au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2016 n'ont rien changé à la programmation du budget pour 2017.

Celle-ci a été construite sur des hypothèses de charges virtuelles qui, en exécution, ont dû être reconnues comme telles.

Des crédits sont ouverts mais ne sont pas dépensés au titre des interventions qu'ils sont supposés financer. Des dépenses sont effectuées, le plus souvent inéluctables, sans que les crédits ne soient prévus en loi de finances initiale.

Ces travers ont marqué avec une particulière gravité la programmation des crédits par le projet de loi de finances initiale pour l'année 2017.

Au-delà des problèmes de sincérité budgétaire que pose une programmation initiale insoutenable, ces constatations invitent à prolonger et amplifier la réflexion sur la gestion du ministère de l'agriculture.

Votre rapporteur spécial Yannick Botrel ne partage que partiellement cette critique et ne s'associe pas à la qualification d'insincérité de l'exécution budgétaire. Il estime cependant que le manque de méthodologie dans la construction budgétaire de la mission est largement préjudiciable à la bonne exécution des crédits et ne permet qu'un respect partiel des autorisations votées par le Parlement.

Certes, les « difficultés de pilotage » des interventions du ministère stigmatisées par la Cour des comptes doivent être déplorées. L'incapacité de la France à se conformer aux critères d'attribution des aides de la politique agricole commune avec ses conséquences budgétaires est inacceptable. Elle fait peser sur la collectivité une charge considérable et obère lourdement les marges de manoeuvre budgétaire de notre pays. Cependant, force est de tenir compte, selon lui, de la vocation naturelle du budget agricole à répondre à des aléas affectant les exploitations, vocation qui appelle nécessairement des ajustements de dépenses.

En toute hypothèse, il n'existe pas de doute sur l'objectif d'une amélioration de la gestion administrative des paiements agricoles au stade de la programmation comme à celui de la consommation.

Il convient surtout de garder à l'esprit que le ministère de l'agriculture, dans sa prise en charge de la mission AAFAR, mais aussi dans ses responsabilités d'exécution des crédits européens, porte la responsabilité éminente de contribuer à la santé économique de l'agriculture française et d'assurer la qualité sanitaire de ses productions auprès des consommateurs.

Il est également comptable de l'intégrité des enveloppes budgétaires de la France dans le budget européen.

Avec cette dernière responsabilité, compte tenu de l'ampleur des dotations européennes, le ministère engage des enjeux sectoriels mais aussi macroéconomiques de première importance.

1. Un dépassement considérable des crédits ouverts en loi de finances initiale
a) Un dépassement considérable des autorisations votées en loi de finances initiale...

Les crédits ouverts en loi de finances initiale (3,3 milliards d'euros) ont été largement dépassés par les dépenses effectives.

Celles-ci avec 4,6 milliards d'euros ont excédé les crédits de la loi de finances initiale de pas moins de 39,3 % (1,3 milliard d'euros de plus que prévu).

De la loi de finances pour 2017
à l'exécution des crédits

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes. Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017

Ces dépassements avaient été anticipés par le contrôleur budgétaire et comptable (CBCM) du ministère qui avait émis un avis défavorable à la programmation des crédits des programmes 149 et 206 après avoir évalué l'impasse de financement dont elle témoignait à 1 059,3 millions d'euros pour le premier programme cité 12 ( * ) .

(1) Les emplois

Du côté des autorisations d'emplois, le constat se dégage d'un ample dépassement du plafond d'emplois en exécution ouvert par la loi de finances initiale.

Celui-ci a été augmenté en cours de gestion par la loi de finances rectificative de fin d'année, témoignage d'une certaine souplesse dans la mise en oeuvre des autorisations parlementaires.

En ce qui concerne les emplois de la mission, le plafond en avait été fixé par la loi de finances initiale à 4 619 ETPT pour le programme 206 et à 7 849 ETPT pour le programme 215.

Les ETPT finalement mobilisés ont excédé ces deux plafonds de, respectivement, 32 ETPT pour le premier programme et 332 ETPT pour le second, soit des surplus de 0,7 % et 4,2 %.

Pour le programme 206, l'essentiel des emplois mobilisés en sus des autorisations initiales est attribué aux nécessités de gestion de la crise de l'influenza aviaire (voir ci-dessous) tandis que, pour le programme 215, ce dernier facteur est également mentionné, ce qui illustre la pluralité, regrettable, des choix de rattachement d'emplois pourtant dédiés à la même catégorie d'intervention, en plus des emplois nécessaires à la mise à niveau des pratiques de paiement face au défi qu'offre leur conformité aux règlements européens (voir infra les développements sur les refus d'apurement).

Il n'est pas injustifié de pouvoir adapter les effectifs aux impératifs du moment. Mais, deux observations s'imposent cependant au vu de la gestion des autorisations d'emplois relevée en 2017.

En premier lieu, les dépassements très significatifs enregistrés mériteraient une information systématique et complète du Parlement sur leurs justifications.

En second lieu, dans la mesure où ils ont répété des pratiques observées ces dernières années, et alors même que certains des motifs avancés pour les justifier avaient pu faire l'objet d'annonces concluant à leur péremption (le plan FEAGA d'adaptation du registre cadastral, en particulier), on incline à voir dans les modifications des plafonds d'emplois en cours de gestion le témoignage d'une information faussée donnée au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances de l'année en même temps, peut-être que d'une conduite opérationnelle de projets majeurs très défaillante.

(2) Les dépenses

Le dépassement des ouvertures de crédits initiales a principalement touché le programme 149 mais le programme 206 n'a pas été épargné par la sur-exécution, tandis que le programme 215 a connu une exécution globale à peu près en ligne avec les prévisions.

Comparaison entre les crédits ouverts en loi de finances initiale
et les dépenses effectives

Programme

149

206

215

LFI (A)

2 187,9

505,7

652,7

Dépenses (B)

3 357,7

625,5

653,1

B- A

+ 1 169,8

+ 119,8

+ 0,4

Source : commission des finances du Sénat

Dans ce contexte général, les dépassements enregistrés ont été plus ou moins forts.

En ce qui concerne le programme 149, près de 1 169,8 millions d'euros de dépenses en excédent des crédits initialement votés à 2 187,9 millions d'euros ont été réalisées.

Au total, le taux de consommation des ouvertures de la loi de finances a atteint 153,5 %.

Pour le programme 206, il a dépassé 123,7 % (avec un excédent de dépenses de 119,8 millions d'euros pour une ouverture de 505,7 millions d'euros en loi de finances initiale).

Quant au programme 215, ses dépenses ont été globalement conformes à la prévision.

Ces écarts répètent, en les amplifiant considérablement, ceux observés l'an dernier.

De la même manière, la sous consommation des crédits dédiés à la forêt, déjà relevée l'an dernier (seules 84,5 % des dotations initiales avaient été mobilisées) se reproduit, le niveau de la consommation des crédits s'établissant à 87,3 %.

b) ... qui a nécessité des ajustements massifs en gestion...

Afin de faire face aux impasses budgétaires apparues en cours de gestion, des mouvements de crédits massifs sont intervenus en cours d'année en plus des relèvements des plafonds d'autorisations d'emplois.

Chronique de l'exécution budgétaire de la mission
par programme

Source : MAA

Comme le montrent les données exposées dans le tableau ci-dessus, les ouvertures effectuées en cours d'année ont atteint 1 431,9 millions d'euros (en crédits de paiement) soit 42,8 % des crédits de la loi de finances de l'année.

Une partie importante des ouvertures a été réalisée par voie législative, la loi de finances rectificative de fin d'année ayant autorisé plus de 70,1 % des crédits de paiement supplémentaires ouverts en cours d'année ( + 1 004 millions d'euros en crédits de paiement ).

Néanmoins, alors que les ouvertures en gestion ont atteint un niveau historiquement élevé, les mouvements réglementaires de crédits ont largement contribué à modifier l'autorisation parlementaire de début d'année.

Elles ont atteint 398,7 millions d'euros (hors fonds de concours), soit 11,9 % des crédits ouverts en loi de finances initiale. À eux seuls les reports de l'exercice précédent ont accru les dotations de 284,9 millions d'euros.

c) ... et la levée de la réserve d'une précaution privée en pratique de sa justification intrinsèque

La mise en oeuvre de la réserve de précaution dans le cadre de l'exécution du budget agricole en 2017 illustre les contournements par la pratique des motifs théoriques que poursuit le législateur.

La réserve de précaution ne sert plus à couvrir des aléas macrofinanciers ou liés à une politique publique donnée. Elle est utilisée pour financer des sous-budgétisations acquises dès la loi de finances initiale au prix d'une gêne considérable pour les gestionnaires des crédits alors ouverts pour honorer des engagements inéluctables, dont elle retarde le paiement au cours de l'année ou pis encore au-delà de l'exercice budgétaire.

La gestion de la réserve de précaution n'a pas manqué d'être fortement affectée par les conditions « acrobatiques » de la gestion de la dépense publique agricole.

La loi de programmation des finances publiques pour la période 2014 à 2019 a prescrit qu'une réserve de précaution au taux plancher de 6 % des crédits hors crédits de personnel soit appliquée afin de faire face en cours de gestion à des aléas tant en dépenses qu'en recettes.

Cette norme budgétaire, dans l'état de son énoncé, suscite certaines interrogations, dont celle de la portée de l'intervention du législateur, une fois le législateur organique ayant consacré la pratique très ancienne des gels de crédits, dans le champ de la gestion administrative de la dépense publique qu'il autorise. La fixation d'un taux minimal autorise un dépassement trop systématique mis en oeuvre à la seule discrétion des gestionnaires de la dépense aboutissant à limiter la portée des décisions du Parlement.

Le statut juridique de la réserve de précaution étant très peu déterminé, la seule sanction accessible au Parlement n'intervient qu'en bout de course, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative. Mais celui-ci, pour lui ouvrir la faculté de rejeter les annulations de crédits envisagées, intervient dans un contexte peu favorable à la restauration des décisions de début d'exercice.

En outre, la norme réglant la mise en réserve est si peu nuancée que sa mise en oeuvre offre un assez grand nombre de motifs de perplexité.

On peut notamment s'interroger sur le sens de la fixation par la loi d'un taux plancher de réserve à un ensemble de crédits correspondant à des interventions très diverses en leur nature, certaines discrétionnaires, d'autres peu susceptibles de flexibilité.

À cette interrogation s'en ajoutent d'autres pour nourrir une certaine perplexité sur la justification et les effets de la réserve de précaution pour une mission comme la mission AAFAR. Elles tendent à mettre en évidence l'effet perturbateur de la mise en réserve sur l'exécution des crédits.

Les opérations intervenues au titre de la réserve de précaution sur les crédits de la mission AAFAR en 2017 en fournissent une illustration choisie.

Lors de l'exercice sous revue, la mise en réserve de crédits s'est appliquée dès l'entrée en vigueur de la loi de finances initiale pour 2017, par application d'un taux de gel de 8 % pour les crédits de fonctionnement, d'investissement et d'intervention, et de 0,5 % pour les crédits de personnel.

Les crédits consacrés aux subventions pour charges de service public des opérateurs sous tutelle du MAA ont fait l'objet d'un gel pondéré tenant compte de la part de la subvention destinée à couvrir des dépenses de personnel au sein des établissements concernés.

Sur le hors titre 2, le montant de la mise en réserve sur les crédits de la LFI 2017 s'est ainsi élevé à 171,7 millions d'euros (en CP) tandis que sur le titre 2, la réserve initiale s'est élevée à 4,3 millions d'euros.

Des surgels sont intervenus en gestion, portant la réserve de précaution à 460 millions d'euros.

Hormis une annulation des crédits ainsi réservés de 9,8 millions d'euros, la totalité de la réserve a dû être restituée aux gestionnaires de programmes. Cette issue était, en réalité, inéluctable au vu des impasses budgétaires parfaitement connues par le ministère (elles avaient été cernées dès la programmation initiale des crédits par le contrôle budgétaire et comptable ministériel). D'emblée, il était acquis que la réserve ne suffirait pas à combler ces impasses et qu'une nouvelle autorisation budgétaire devrait être présentée au Parlement.

Dans ces conditions, la mise en réserve initiale, aggravée par les surgels décidés en cours d'année, peut être considérée, moins comme la mise en oeuvre d'une norme prudentielle, que comme le symptôme d'une programmation budgétaire initiale défaillante, aux effets perturbants pour les gestionnaires de crédits, et l'annonce d'une fin de gestion devant faire face aux vices de conception de la loi de finances initiale.

Tous effets qui sont, pour le moins paradoxaux, au vu des intentions de bonne gestion auxquelles répond la pratique de la mise en réserve des crédits.

À cet égard, il est assez inquiétant d'observer que, parmi les 9,8 millions d'euros de crédits de la réserve annulés, une somme de 7 millions d'euros a pu être prélevé sur un programme 206 appelé à être finalement complété à hauteur de 148,1 millions d'euros pour faire face à une impasse de financement initiale finalement élargie par la gestion de la réserve de précaution.

Votre rapporteur spécial Yannick Botrel rappelle qu'il estime qu'un meilleur cadrage juridique et budgétaire de cette réserve de précaution permettrait d'atténuer, voire de supprimer ces critiques récurrentes 13 ( * ) .

Vos rapporteurs spéciaux remarquent que la réserve de précaution n'est pas le seul mécanisme dont l'esprit se trouve remis en cause par la pratique. Ils relèvent que la fongibilité asymétrique des crédits qui permet aux gestionnaires d'employer une partie des économies réalisées sur les dépenses de personnel pour financer des dépenses présentant une autre nature a été mise en oeuvre dans des conditions très contestables par le ministère.

C'est ainsi que 3,3 millions d'euros ont été attribués à l'association d'action sociale, culturelle, sportive et de loisirs du ministère de l'agriculture pour lui permettre de procéder au remboursement des personnels mis à sa disposition par le ministère.

Si cette opération témoigne d'une intention de clarifier les relations entre le ministère et ladite association louable, sa conformité avec l'esprit de la procédure de fongibilité asymétrique des crédits suscite une certaine perplexité.

d) Des dépassements qui suscitent une réelle perplexité

Ces différentes évolutions, détaillées ci-après, suscitent, pour le moins, une certaine perplexité.

Les ouvertures de crédits en cours de gestion ont pour l'essentiel dû compenser des sous-budgétisations initiales.

Il en est allé ainsi pour les refus d'apurement communautaire, la tranche 2017 (359,4 milliards d'euros) de la sanction financière infligée à la France par la commission européenne n'ayant pas été budgétée.

Par ailleurs, d'autres charges certaines associées à des dépenses différées en 2016 (voir infra) ou à des engagements habituels n'avaient pas été suffisamment provisionnées (les exonérations de cotisations sociales pour l'emploi des salariés saisonniers, les indemnisations consécutives à l'abattage des cheptels, notamment dans le cadres de l'influenza aviaire, les charges du Fonds national de gestion des risques en agriculture alors même que la fièvre catarrhale ovine s'était déclarée depuis 2015, une large partie des MAEC et de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN)).

Votre rapporteur spécial Alain Houpert avait rappelé lors de l'audition du Premier président de la Cour des comptes par la commission des finances du Sénat consacrée à l'exécution du budget de l'État en 2016 tenue le mercredi 31 mai 2017 la récurrence de ses observations sur la sincérité des dispositions des lois de finances relatives aux dotations de la mission AAFAR. Il s'était interrogé sur la perspective d'une évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, sortant du dilemme du « tout ou rien » auquel il se trouve confronté, pourrait prononcer des inconstitutionnalités partielles au motif de l'insincérité des crédits ouverts dans le cadre de telle ou telle mission budgétaire.

En réponse à son intervention, le Premier président de la Cour des comptes avait déclaré :

« La Cour des comptes ne peut qu'observer des éléments d'insincérité, mais c'est le Conseil constitutionnel qui est le juge de la sincérité. Sa jurisprudence est de ne prendre en compte l'insincérité que lorsque les grandes lignes de la loi de finances initiales sont faussées. En l'espèce, les éléments d'insincérité se multiplient, et portent sur plusieurs milliards d'euros... Cela pose un problème ! »

C'est également le sentiment de votre rapporteur spécial Alain Houpert.

Selon lui, il faut certes convenir que la programmation budgétaire doive faire avec des aléas auxquels le recours aux procédures prévues pour ajuster les moyens en cours d'exercice, qui ont cette fonction, permet d'apporter une réponse budgétaire. Néanmoins, outre que ces procédures suscitent assez régulièrement la perplexité - ainsi de l'ouverture en fin d'exercice de crédits dont la consommation sur l'exercice est dès l'origine une vue de l'esprit -, voire la réprobation - ainsi du recours aux décrets d'avances en contravention avec les critères qui en conditionnent la validité -, il est manifeste que des engagements certains ne sont chroniquement pas couverts par des ouvertures de crédits dans le cadre de la mission AAFAR au point que l'autorisation parlementaire se trouve d'emblée régulièrement affectée d'une malfaçon qui vient ébranler les principes de notre droit budgétaire.

La Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire consacre ainsi le jugement d'insincérité qu'avait pu formuler votre rapporteur spécial Alain Houpert sur le projet de loi de finances pour 2017 en évoquant « une programmation... partiellement insincère » .

Votre rapporteur spécial Yannick Botrel souhaite, de son côté, rappeler les termes son intervention lors de l'audition du même Premier président de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques le mercredi 5 juillet 2017 par lesquels il a pu mettre en évidence le poids des aléas tant climatiques que sanitaires sur les ouvertures de crédits au bénéfice de la mission AAFAR, l'ampleur des épizooties (fièvre catarrhale ovine, grippe aviaire) et leur impact budgétaire étant par exemple par nature imprévisible. De plus, il faut prendre en compte les incidences de contentieux passés relatifs aux conditions d'exécution des subventions de la politique agricole commune par la France.

2. Une forte progression des dépenses par rapport à 2016...

Données relatives à l'exécution de la mission 14 ( * )

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances pour 2017

a) Comme annoncé lors de l'examen de la loi de finances pour 2017 par votre commission des finances, les dépenses de la mission ont explosé par rapport à l'exercice précédent...

Avec un niveau de dépenses de 4,6 milliards d'euros en crédits de paiement et une consommation des autorisations d'engagement du même ordre, les dépenses de la mission AAFAR ont connu une explosion par rapport à l'année précédente où les crédits de paiement consommés avaient atteint près de 3,2 milliards d'euros.

L'augmentation des dépenses jouxte les 40 % pour les crédits de paiement, soit une aggravation nominale de 1 479 millions d'euros 15 ( * ) , qui représente un peu plus de 15 % de l'augmentation des dépenses nettes du budget général (hors dette et pensions) entre 2016 et 2017, pour un budget pesant 1,4 % des crédits ouverts en loi de finances initiale (même périmètre) .

L'augmentation des dépenses a été variable selon les programmes concernés, le programme 149 ( dans le périmètre de l'ancien programme 154) en concentrant la majeure partie avec une hausse de 1 437,7 millions d'euros ( + 85,6 % en crédits de paiement).

Compte tenu de l'augmentation des dépenses du programme 206 (+ 74,5 millions d'euros soit + 13,5 %), les autres programmes ont totalisé une légère diminution de leurs dépenses de l'ordre de 33,2 millions d'euros, le programme support de la mission (le programme 215) absorbant la majeure partie de ce recul (- 29,6 millions d'euros).

Du point de vue des évolutions des dépenses par nature, les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'intervention, dont le poids dans les dépenses de la mission s'alourdit de 10 points, passant de 70 % du total à plus de 80 % ont connu les augmentations les plus importantes, les dépenses d'intervention faisant plus que doubler.

De leur côté, les dépenses de personnel directement payées par les crédits de titre 2, c'est-à-dire hors les contributions versées par le budget pour rémunérer les personnels des opérateurs, ont diminué, mais plus modérément, de 1,3 %. Ce repli est moindre que celui enregistré sur les dépenses du programme soutien de la mission, dont les crédits sont pourtant à 86,5 % des crédits de personnel, observation qui indique assez que les autres dépenses de ce programme ont supporté l'essentiel des ajustements.

Évolution des dépenses de la mission par titre
entre 2016 et 2017 16 ( * )

(en millions d'euros)

2016

2017

Variation 2017/2016 (en %)

Variation 2017/2016 (en valeur)

Dépenses de personnel

891,7

880,4

- 1,3

- 11,3

Autres dépenses

2 265,8

3 756,0

65,8

1 490,2

Dont :

Dépenses de fonctionnement

1 087,8

1 474,8

35,6

387

Dépenses d'investissement

9,0

9,1

1,1

0,1

Dépenses d'intervention

1 065,6

2 260,7

112

1 195,1

Dépenses d'opérations financières

103,4

11,3

- 89,1

- 92,1

Total

3 157,5

4 636,3

46,8

+ 1 478,8

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2016

L'évolution des emplois s'est inscrite en baisse, mais dans un contexte marqué par des recrutements exceptionnels réalisés ces dernières années et, en particulier, en 2016.

Le programme 206 a connu une augmentation de sa consommation d'ETPT qui est passée de 4 588 en 2016 à 4 651 en 2017 (+ 1,4 %), principalement sous l'effet de la dernière tranche des créations d'emplois de surveillance sanitaire des abattoirs de volailles. A l'inverse, l'autre programme de la mission porteur d'emplois, le programme 215, a perdu 390 ETPT, passant de 8 448 à 8 058 unités (soit un repli de 4,6 %).

Au total, les ETPT mobilisés par la mission ont diminué passant de 13 036 ETPT à 12 709 ETPT, soit une baisse de 2,5 %.

Cette diminution ne se retrouve pas à due proportion dans les évolutions salariales qui ne baissent que de 1,3 %. Cette discordance traduit un renchérissement du coût unitaire du travail associé à divers facteurs : requalification des effectifs ; impact du protocole PPCR et de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.

b) ... explosion favorisée par une dépense de protection sociale nouvelle attribuée à des changements de périmètre, mais aussi par une gestion des engagements affranchie de l'annualité budgétaire
(1) Un « changement de périmètre »... et puis s'en va

La programmation initiale des crédits pour 2017 a enregistré l'effet de plusieurs modifications du périmètre de la mission. La plus significative a été l'ouverture d'une ligne de crédits destinés à compenser la réduction des cotisations versées à la caisse centrale de mutualité sociale agricole du fait de la baisse de 7 points du taux des cotisations d'assurance maladie des exploitants agricoles. Elle impliquait un ressaut des dotations de l'ordre de 480 millions d'euros.

Un tiers de l'augmentation de la dépense de la mission peut être attribué à cette modification du périmètre des dépenses prises en charge par le budget agricole.

En réalité, le recours au concept de changement de périmètre 17 ( * ) ne résulte ici que d'une facilité de langage. La création d'un avantage social comme celui dont s'agit ne peut être considérée comme tel. Il s'agit bien d'une charge nouvelle qu'on n'évoque comme modifiant le périmètre de la mission qu'à la seule fin d'en isoler la responsabilité propre dans la dynamique de la dépense.

Il serait plus juste de considérer comme une mesure de périmètre la disparition de cette charge dans le projet de loi de finances pour 2018.

En effet, la compensation sur crédits de la réduction du taux de cotisation d'assurance maladie des exploitants agricoles n'aura eu qu'une brève existence. Du fait des changements apportés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 au système de financement de la protection sociale (l'augmentation de 1,7 point de la CSG compensée par des réductions de cotisations sociales), qui ont été appliqués aux agriculteurs, la loi de finances pour 2018 a entériné la suppression de la charge correspondant à la réduction du taux de la cotisation d'assurance maladie.

Le bilan pour les exploitants agricoles des réaménagements du financement de la protection sociale appellera une attention sans faille.

À ce stade, vaut d'être soulignée la qualité très fluctuante de l'information budgétaire sur les concours publics à l'agriculture puisqu'aussi bien les transferts destinés à compenser les pertes de recettes des affiliés au régime de sécurité sociale des agriculteurs du fait des dérogations dont ils bénéficient après avoir été inscrits en crédits en 2017 n'apparaissent déjà plus comme tels, même à titre de simple information budgétaire.

(2) L'impact d'une minoration artificielle de la dépense lors des exercices précédents

L'évolution des dépenses de la mission AAFAR entre 2016 et 2017 ne peut être considérée sans tenir compte de l'impact sur l'exécution budgétaire de l'année 2016 de différentes opérations ayant conduit à minorer les dotations ouvertes en loi de finances initiale lors de l'exercice 2016.

Il en va ainsi d'abord de l'inscription de crédits sur l'exercice 2015 qui avait permis d'anticiper des dépenses que l'exercice 2016 aurait dû normalement supporter. Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire des crédits de la mission pour 2016, la Cour des comptes avait fait état d'une « diminution artificielle de la dépense » . Cette appréciation, qui tendait particulièrement à mettre en évidence le paiement anticipé en 2015 d'une partie de la tranche 2016 des refus d'apurement (voir infra ) pour 300 millions d'euros, avait été partagée par vos rapporteurs spéciaux moyennant quelques nuances.

S'il est vrai que ce paiement avait permis d'alléger d'autant les dépenses en 2016, il n'en avait pas moins permis d'acquitter une charge certaine représentant un « paiement par anticipation » dont on pouvait se féliciter autant qu'on doit déplorer les reports de charges.

La critique des reports de charges de 2016 sur l'exercice postérieur pour de nombreuses dépenses d'intervention n'était, de son côté, pas contestable . Il en était allé ainsi, en particulier, pour la consommation des crédits relatifs à l'indemnité de compensation de handicap naturel (ICHN) et plusieurs versements au titre des mesures agro-environnementales et climatiques pour un montant de 255,3 millions d'euros ou encore pour les prêts bonifiés (53 millions d'euros).

Les effets de ces reports de charges peuvent être appréciés à partir de la comparaison entre les dépenses enregistrées en comptabilité budgétaire et celles restituées par une comptabilisation en droits constatés 18 ( * ) .

La différence entre ces deux comptabilisations est considérable, les dépenses excédant les coûts constatés de 1 253 millions d'euros pour le programme 149 et de 32,5 millions d'euros pour le programme 206. Pour le programme 215, les données comptables sont équivalentes.

On relève en particulier l'effet du rattrapage du calendrier de paiement des aides surfaciques des campagnes 2015 et 2016 que traduit une dépense d'intervention de 612,5 millions d'euros au titre de l'action n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires » du programme 149 (elle n'avait été dotée que de 358,4 millions d'euros en loi de finances initiale). Parmi ces dépenses figure l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN) et les MAEC. Ces deux lignes, qui n'avaient supporté aucune charge en 2016, ont occasionné 588,2 millions d'euros de dépenses.

3. ... mais la persistance de charges non soldées qui doit être confrontée à une programmation pluriannuelle des crédits préoccupante

En dépit de la forte augmentation des dépenses constatée en 2017, les engagements restant à couvrir se situent à un niveau très élevé. Ce constat ne fait que renforcer les inquiétudes nées de la programmation très préoccupante des crédits de la mission adoptée dans le cadre de dernière la loi de programmation pluriannuelle de finances publiques.

Le montant des engagements à fin décembre 2017 non couverts par des crédits de paiement atteint un niveau considérable.

Il s'élève à 1,8 milliard d'euros pour le programme 149 dont 414 millions d'euros pour les MAEC, 273 millions d'euros pour la bonification des prêts, 198 millions d'euros pour les dépenses d'intervention de FranceAgrimer et 251 millions d'euros pour la modernisation des exploitations agricoles. Pour le programme 206, les engagements non couverts totalisent 59 millions d'euros correspondant à des frais de laboratoire, aux engagements financiers pris dans le cadre des conventions avec les organismes à vocation sanitaire et à des dépenses vétérinaires non acquittées. Pour le programme 215, les engagements à couvrir se montent à 53,8 millions d'euros.

Ces engagements n'ont que peu diminué malgré la croissance très forte des dépenses de l'année.

Par ailleurs, ils ne recouvrent pas l'ensemble des engagements latents à honorer. Ainsi, de nouveaux risques de refus d'apurement doivent être considérés.

À ce lourd contexte il convient d'ajouter les retards pris dans la consommation de crédits stratégiques, qui s'est trouvée contrainte en exécution par la nécessité de financer les diverses urgences exposées ci-dessus. Ainsi, la consommation des moyens prévus pour aider l'installation des jeunes agriculteurs a été inférieure d'un tiers par rapport à la programmation. Cette sous-exécution n'est pas soutenable dans un contexte où il importe de lutter contre la déprise agricole. De la même manière, la consommation des crédits en faveur de l'agriculture biologique a été très resserrée au point que les aides au maintien ont été abandonnées.

En bref, les besoins de financement de la politique agricole demeurent élevés malgré l'ampleur des dépenses budgétaires de 2017 qui n'ont que peu contribué à financer les priorités de notre politique agricole.

Dans ces conditions, la confrontation de cette situation avec la contrainte exercée sur les crédits de la mission par la dernière loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, qui programme une réduction très préoccupante des crédits de la mission de 340 millions d'euros entre 2018 et 2020, ne fait que renforcer les inquiétudes nées de cette perspective.

C. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une conjoncture agricole qui s'améliore en 2017, mais sans effacer la profonde dégradation de 2016 avec des stabilisateurs automatiques n'offrant que peu de soutien au revenu agricole
a) Un redressement fragile de la valeur ajoutée agricole qui illustre les effets compensatoires du couple volume-prix

Les comptes provisoires de l'agriculture pour 2017, s'ils ne sauraient rendre compte avec exactitude des évolutions finalement constatées une fois les données de l'année plus exhaustivement recensées, illustrent les difficultés particulièrement aigües rencontrées par la branche agricole au cours de ces dernières années 19 ( * ) , et, ainsi, certaines difficultés structurelles de l'agriculture.

Source : Comptes prévisionnels de l'agriculture pour 2017 ; INSEE

La production agricole (hors subventions) se redresse globalement en volume, mais, si la croissance est forte pour les végétaux, elle fait place à une contraction pour les produits animaux.

La capacité des producteurs à valoriser les volumes se révèle inégale, les prix des produits dépendants étroitement des marchés agricoles mondiaux.

Si ceux-ci connaissent des tensions sur les produits animaux, qui permettent aux producteurs de mieux que compenser la réduction des volumes produits, il n'en va pas de même pour les productions végétales. Les prix chutent fortement, en particulier pour les betteraves (- 18 %). Cette dernière évolution réplique celle observée sur le lait, la fin des quotas produisant les mêmes effets.

Évolution de la production (hors subventions) en volume, en prix,
et en valeur entre 2016 et 2017

Source : comptes prévisionnels de l'agriculture pour 2017 ; INSEE

Le redressement de la production en valeur (+ 2,4 %) ne permet pas d'effacer l'effondrement subi en 2016 (près de 7 % de recul).

Il en va de même de l'augmentation de la valeur ajoutée. La hausse de 9,8 % de la valeur ajoutée brute fait suite à la chute de 13,7 % de l'année précédente.

Par ailleurs, le redressement de 2017 n'a pas toute la robustesse souhaitable. Il provient moins du dynamisme des recettes que des économies réalisées sur les coûts d'exploitation. Or, celles-ci apparaissent fragiles.

Si les charges de consommations intermédiaires de la branche agricole se replient de 2,3 %, venant ainsi soutenir la valeur ajoutée agricole, il n'est pas sûr que cette évolution témoigne d'une tendance. La réduction du volume des consommations intermédiaires pourrait ne résulter que de l'existence de stocks élevés à l'issue d'une campagne 2016 particulièrement désastreuse. Par ailleurs, la réduction des prix, qui touche essentiellement les engrais, peut être considérée comme un effet retardé d'une inflexion des prix des matières premières, qui, l'envol des consommations énergétiques non stockables en témoigne, appartient déjà au passé. En bref, le choc pétrolier de 2017 amplifiera probablement ses effets lors de l'année 2018. Avec la résorption des stocks d'intrants, il est probable que les consommations intermédiaires, au lieu d'améliorer les revenus agricoles, comme en 2017, pèseront à la baisse en 2018.

Dans ce contexte, le maintien du niveau de recours aux pesticides, dont les prix demeurent stables, doit être remarqué.

La valeur ajoutée brute de la branche agricole qui permet de financer les facteurs de production (le capital et le travail) s'élève en 2017 à 29,5 milliards d'euros. Elle intègre une partie seulement des subventions, les subventions aux produits (1,2 milliard d'euros correspondant à la prime à la vache allaitante) qui demeurent à peu près inchangées.

Une fois comptabilisée l'obsolescence des immobilisations, la valeur ajoutée nette de la branche agricole atteint 18,9 milliards d'euros. Elle augmente de 15,4 % mais après la réduction considérable de près d'un quart en volume (- 23,7 %) et plus d'un cinquième en valeur (- 21 %) constatée l'an dernier.

La valeur ajoutée brute de la branche agricole se situe en 2017 au niveau atteint en 1990.

Évolution de la valeur ajoutée brute de la branche agricole
depuis 1980

Source : INSEE, comptes prévisionnels de l'agriculture arrêtés en novembre 2017

b) Un faible soutien des interventions publiques

Une partie importante de l'activité agricole est financée par des transferts publics en lien avec des subventions européennes ou nationales. Par ailleurs, il convient de prendre en compte les impacts de la fiscalité agricole aux fortes particularités.

Si, sur ce dernier point, les informations fournies par la documentation budgétaire demeurent trop fragmentaires pour fonder une appréciation tout à fait précise, il apparaît que, globalement, les transferts entre la branche agricole et les administrations publiques, bien que très substantiels, ne revêtent pas la propriété contra-cyclique qu'on pourrait souhaiter.

(1) Des subventions publiques acycliques

La valeur ajoutée brute une fois corrigée des subventions publiques et des impôts sur la production (la « valeur ajoutée brute au coût des facteurs ») se redresserait moins fortement que la valeur ajoutée brute. Sa progression serait de 7,5 % contre 9,8 % pour la valeur ajoutée brute.

Ce différentiel illustre l'impact des transferts publics nets sur les revenus de la production agricole. Les subventions d'exploitation demeureraient à peu près inchangées 20 ( * ) , mais les prélèvements obligatoires augmenteraient fortement.

Les subventions d'exploitation représentent désormais la plus grande partie des soutiens publics à l'agriculture, depuis les réformes apportées à la politique agricole commune.

Sources : Service de la statistique et de la prospective (SSP) du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ; Offices agricoles

Selon les comptes prévisionnels de l'agriculture, à 8,2 milliards d'euros, elles seraient quasiment stables par rapport à 2016, marquant un repli de 245 millions d'euros par rapport à 2015.

Évolution des subventions d'exploitation à l'agriculture
depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : INSEE, comptes prévisionnels de l'agriculture arrêtés en novembre 2017

Encore doit-on préciser qu'il ne s'agit pour l'année 2017 que de prévisions. Ce poste des comptes provisoires reste incertain du fait des conditions acrobatiques de l'exécution budgétaire, les opérations de fin de gestion pouvant induire des retards de paiement ainsi qu'on l'a amplement exposé dans le présent rapport. On observe en particulier que les subventions réellement versées au titre de l'ICHN ont finalement été très inférieures aux chiffres estimés par les comptables nationaux sur la base des droits constatés.

En toute hypothèse, l'inertie des subventions à l'exploitation ne sont que le reflet de la programmation de la politique agricole commune qui a inscrit les crédits de la rubrique agricole sur une pente descendante.

Elle illustre l'insuffisante flexibilité de la programmation budgétaire européenne dont la rigidité devrait, idéalement, être corrigée dans la future programmation pluriannuelle des interventions agricoles.

Quant aux impôts sur la production, il est notable qu'ils progresseraient très fortement, de 11,5 % sous l'effet d'une hausse des impôts fonciers de 19,5 %. Cette forte augmentation prévisionnelle est expliquée par la fin des dégrèvements d'office de taxe foncière sur les propriétés non bâties accordés dans le cadre du plan d'aide aux céréaliers affectés en 2016 par une chute sans précédent de leurs revenus.

Le compte d'exploitation de la branche agricole
entre 2016 et 2017

Source : INSEE, comptes prévisionnels de l'agriculture arrêtés en novembre 2017

Le tableau ci-dessus permet d'observer la propriété fort peu stabilisatrice des transferts publics nets à l'agriculture. Ceux-ci avaient ajouté 25 % à la valeur ajoutée brute de la branche en 2016 alors qu'elle s'était effondrée. En 2017, la contribution des transferts publics nets est du même ordre dans un contexte de redressement de la valeur ajoutée brute.

(2) Des prélèvements obligatoires peu élastiques ?

Il est difficile d'établir un diagnostic précis de la vigueur des stabilisateurs automatiques liés à la fiscalité agricole à partir de la documentation budgétaire. Les comptes de l'agriculture apportent de leur côté quelques informations supplémentaires mais qui demeurent limitées au champ des seules opérations du compte de production et même à ce niveau n'atteignent pas la précision souhaitable 21 ( * ) .

On relève que les impôts à la production devraient connaître une augmentation plus rapide que celle de la valeur ajoutée brute. En revanche, aucune information n'est à ce stade disponible sur les évolutions de la fiscalité personnelle des revenus.

Cette lacune des comptes devraient être comblée.

Vos rapporteurs spéciaux ont suivi avec la plus grande attention les propositions souvent issues des travaux du Sénat pour moderniser la fiscalité des revenus agricoles. Ils constatent que ce dossier, auquel il conviendra d'apporter des prolongements réalistes, demeure ouvert à l'orée de la nouvelle législature.

À cet égard, il serait souhaitable que le Gouvernement diffuse largement les bases sur lesquelles il entend moderniser la fiscalité agricole comme cela a été indiqué lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018.

Des évolutions importantes sont intervenues sur ce point, lors de la dernière législature, avec l'adoption du régime « micro-BA » par la loi de finances rectificative de fin d'année 2015. Elles appellent une évaluation rigoureuse.

Par ailleurs, le projet visant à mettre en oeuvre l'engagement du Président de la République de création d'un régime de retraites unique fondé sur une uniformisation du rendement des contributions vieillesse ne peut manquer d'inquiéter pour une activité agricole soumise à des aléas considérables et dont les équilibres des régimes sociaux reposent en partie, comme c'est normal au vu de ses caractéristiques démographiques, économiques et sociales sur la solidarité nationale. Sur ce point également, une vigilance sans failles s'imposera 22 ( * ) .

2. Une partie importante des dépenses de la mission n'apporte pas de bénéfice à l'agriculture nationale, ne faisant que compenser des gaspillages de droits détenus sur le budget européen

De façon récurrente, vos rapporteurs spéciaux doivent déplorer le poids budgétaire des refus d'apurement communautaire subis par la France, problème auquel votre commission des finances avait, dès 2008, consacré un rapport de contrôle budgétaire 23 ( * ) .

Vos rapporteurs spéciaux avaient, l'an dernier, attiré l'attention sur la perspective de nouvelles charges de cette nature estimant le risque pendant « de l'ordre de 700 millions d'euros ». Ils avaient hélas vu juste.

L'ampleur des enjeux financiers présentés par des « incidents », qui tendent à devenir structurels, ont conduit vos rapporteurs spéciaux à demander que la commission des finances saisisse la Cour des comptes d'une enquête sur les responsabilités des différents maillons de la chaîne de paiement des subventions européennes destinées à la France dans cette situation.

Les résultats de cette enquête devraient permettre de mieux mesurer l'efficacité des dispositifs intermédiaires mis en place pour préserver la trésorerie des exploitations, d'envisager les risques que les corrections financières décidées par la Commission européenne suscitent pour l'économie des exploitations agricoles et d'apprécier la « jurisprudence » des autorités européennes dans une affaire qui engage très fortement les intérêts financiers des États membres.

Le tableau ci-dessous témoigne de l'ampleur de ces enjeux financiers. Le poids des refus d'apurement communautaire s'est considérablement aggravé ces dernières années.

Évolution du montant des refus d'apurement communautaire
entre 2009 et 2017

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017

On rappelle que les refus d'apurement viennent sanctionner, selon des conditions variables, la non-conformité des aides aux conditions énoncées dans les règlements de la politique agricole commune.

D'un point de vue calendaire, l'ampleur des corrections financières peut être sensible au rythme des enquêtes conduites par la Commission européenne pour vérifier la conformité des versements. Le mécanisme des paiements peut être sommairement résumé comme suit. Les organismes payeurs font l'avance des dépenses. Celles-ci sont ultérieurement remboursées aux États membres par la Commission, tous les mois dans le cas du FEAGA, tous les trimestres dans celui du FEADER. Les corrections financières auxquelles donnent lieu les enquêtes de la Commission sont imputées sur l'ensemble des dépenses remboursées à l'État qui y est astreint.

Chronique des refus d'apurement communautaire en 2017

Source : MAA cité dans Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017

En cas de refus d'apurement, les crédits budgétaires nationaux doivent prendre le relais et se substituer aux paiements effectués par le budget européen.

Le tableau ci-dessus situe l'impact en 2017 des refus d'apurement sur la gestion des crédits du programme 149. Les dépenses correspondantes ont excédé 21 % des dépenses du programme au cours de l'année (25 % en soustrayant la dépense nouvelle liée à la réduction de sept points du taux de la cotisation d'assurance maladie des exploitants).

Ces dépenses nationales ne peuvent être considérées comme bénéficiant à l'agriculture française dans la mesure où elles se substituent à des subventions européennes dont celle-ci se trouve privée et que les crédits nationaux ne font que compenser. Au mieux 24 ( * ) , leur bilan est neutre pour les agriculteurs.

En revanche, elles grèvent très lourdement les finances publiques de la Nation. En réduisant le « taux de retour » de la France sur le budget européen, elles alourdissent les charges du budget national dans des proportions considérables.

À l'heure où la réduction du déficit public est la ligne d'horizon de la gestion de la sphère publique, une charge supplémentaire de 721 millions d'euros correspondant à une dépense manifestement inutile constitue une faute grave de gestion.

Ils expriment la ferme recommandation que, de telles dérives se trouvant conjurées pour l'avenir, la France puisse trouver dans une meilleure gestion des aides européennes par le ministère de l'agriculture une source structurelle d'économies.

Il faut espérer que les propos du ministre de l'action et des comptes publics lors de sa récente audition par votre commission des finances sur l'exécution de la loi de finances pour 2017 25 ( * ) , qui semblent traduire une prise de conscience de la gravité du problème, aboutissent à une pleine prise en compte de cette préoccupation constante de vos rapporteurs spéciaux.

3. La sécurité sanitaire de l'alimentation, une politique publique à consolider

Le programme 206 de la mission AAFAR est consacré à la sécurité et à la qualité sanitaire de l'alimentation.

Vos rapporteurs spéciaux, il y a deux ans, ont consacré à la politique publique destinée à garantir la sécurité sanitaire des aliments un rapport de contrôle et d'évaluation 26 ( * ) qui avait pu souligner les besoins de consolidation d'une politique publique évidemment essentielle.

Y avait aussi été mise en exergue l'illisibilité budgétaire de cette politique et certaines ambiguïtés de l'information budgétaire apportée par le programme 206 de la mission.

Pour l'essentiel, vos rapporteurs spéciaux renvoient aux soixante-et-une recommandations exposées dans leur rapport auxquelles la considération de l'exécution des crédits en 2017 apporte une justification supplémentaire.

Données relatives à l'exécution du programme 206
« Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation » en 2017

Exécution 2016

Crédits votés en LFI 2017

Crédits consommés en 2017

Crédits consommés 2017/2016
(en %)

Crédits consommés/crédits votés en LFI en 2017 (en %)

Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale

21,9

25,3

27,4

25,1

8,3

Lutte contre les maladies animales

131,1

90,2

180,7

37,9

100,0

Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires

17,5

16,3

22,7

29,7

39,3

Actions transversales

69,8

69,1

74,6

6,9

6,9

Élimination des cadavres et des sous-produits animaux

4,4

3,9

2,6

- 40,1

- 33,3

Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation

302,3

297,1

313,4

3,6

5,4

Qualité de l'alimentation et offre alimentaire

4,1

3,7

4,1

0

10,8

Total

506,2

505,6

625,5

23,5

23,8

Source : commission des finances du Sénat à partir des données du rapport annuel de performances de la mission pour 2017

a) Une programmation budgétaire globalement déconcertante prise à revers par des crises sanitaires prévisibles

Les crédits ouverts en loi de finances initiale dans le cadre du programme 206 avaient été fixés à un niveau supérieur de 4,1 % à celui de la loi de finances initiale pour 2016, mais à un niveau inférieur de plus de 8 % par rapport aux dépenses finalement constatées lors de cette année.

Plus encore que cela n'avait été le cas en 2016, la programmation budgétaire témoignait ainsi d'un « volontarisme » déconcertant au vu des défis sanitaires de toutes sortes dont l'intensification ne pouvait manquer d'être anticipée par les autorités sanitaires.

C'est d'ailleurs sur ce dernier motif que la programmation budgétaire avait reçu un avis défavorable du contrôleur budgétaire et comptable ministériel.

L'impasse budgétaire était donc parfaitement prévisible justifiant totalement le jugement d'insincérité porté par votre rapporteur spécial Alain Houpert et finalement repris par la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire pour 2017.

Au demeurant, la nécessité de procéder à des ajustements de crédits est vite apparue en cours d'année. Des crédits supplémentaires ont été ouverts pour 148,1 millions d'euros, dont la majeure partie dès le décret d'avance du 20 juillet 2017. 101,4 millions d'euros de crédits d'intervention ont alors été ouverts.

En lieu et place de la baisse des dépenses envisagée à hauteur de 8 % (soit 45,3 millions d'euros), les dépenses de sécurité sanitaire de l'alimentation ont excédé celles effectuées en 2016 de 13,5 % (+ 74,5 millions d'euros).

Au total, la dérive par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale a atteint près de 120 millions d'euros (23,4 % des crédits ouverts).

Le taux de consommation des crédits de paiement a atteint 95,7 % laissant un solde disponible de 26,7 millions d'euros, dont 13,6 millions d'euros au titre des versements du budget européen pour contribuer au financement de la lutte contre l'influenza aviaire, arrivés tardivement et rattachés « en fonds de concours tardifs », reportés sur l'exercice 2018.

Si la plupart des crédits supplémentaires ont été inscrits pour financer des dépenses de fonctionnement et d'intervention, 18,2 millions d'euros ont abondé les dotations du titre 2, soit une ouverture supplémentaire représentant plus de 6 % des crédits initiaux.

b) Une priorité accordée à des interventions très en amont de la chaîne alimentaire aux dépens des analyses aux stades plus proches de la consommation, qui suscite des inquiétudes quant au suivi des risques sanitaires de l'alimentation

L'augmentation ainsi décrite ne doit pas occulter les arbitrages très significatifs réalisés dans l'allocation des moyens au cours de l'exercice sous revue.

On relève, en particulier, que les dépenses, considérées comme finançant les opérations de contrôle et de surveillance les plus au coeur de la politique de sécurité sanitaire de l'alimentation elle-même , ne sont responsables que de moins de 10 % (6,4 millions d'euros) du supplément de dépenses observé par rapport à 2016 (74,5 millions d'euros).

Au total d'ailleurs, les dépenses de cette action ne représentent que 3,6 % des dépenses du programme.

Encore faut-il considérer plus finement cette évolution. Les dépenses regroupées dans l'action 3 du programme ne sont pas dénuées d'une certaine hétérogénéité. Elles financent les interventions réalisées pour analyser les risques sanitaires en abattoirs et dans le cadre des plans de surveillance et de contrôle prescrits par la réglementation européenne dont l'objet est double : contribuer à l'analyse générale de risques et résorber les situations ponctuelles de risques. Mais, elles concourent aussi à l'indemnisation des éleveurs frappés par certains risques sanitaires. C'est cette dernière catégorie de dépenses qui a absorbé l'augmentation des consommations de crédits de l'action. Les indemnisations résultant de l'abattage des troupeaux sont passées de 5 millions d'euros en 2016 à 9,2 millions d'euros en 2017. Elles n'avaient pas été budgétées, seuls 3 millions d'euros de crédits ayant été programmés. Le niveau des indemnisations accordées semble assez loin de recouvrir les engagements latents de l'État dans un contexte général d'augmentation des restes à payer sur les engagements du programme 206. Ils atteignent désormais 59 millions d'euros.

L'impasse de financement constatée n'a pas été financée par une réduction uniforme des dépenses correspondant aux autres mesures de surveillance sanitaire. Néanmoins, outre que certaines d'entre elles ont été ajustées à la baisse (parfois très nettement, comme dans le cas de la mise en oeuvre des plans de surveillance et des plans de contrôle de la contamination des denrées), le déficit de moyens n'a pas été comblé.

La France peine à respecter ses obligations européennes, circonstance fâcheuse en soi, et plus encore au vu de l'historique de nos relations sur ce point avec les services de la commission. Ajoutons que pour un pays à forte vocation exportatrice, les difficultés à remplir le plan de charge destiné à garantir la qualité de nos produits sont susceptibles de contribuer à la forte dégradation de notre position extérieure agroalimentaire.

C'est d'ailleurs très largement que les cibles du programme 206 ne sont pas atteintes.

Les défaillances sont manifestes dans le domaine du suivi des contrôles. Les mises en demeure adressées par les services ne donnent lieu à réitération du contrôle que dans moins de 70 % des cas alors même que la cible de 95 % apparaît déjà très permissive. Les établissements agréés ayant fait l'objet d'une inspection défavorable ne font l'objet d'un suivi renforcé que dans 88 % des cas (contre une cible également fixée à 95 %). Encore faut-il qu'ils soient inspectés. Or, si pour les abattoirs l'obligation européenne d'une inspection permanente est peu ou prou mise en oeuvre, il est loin d'en aller de même pour les établissements situés plus en aval de la production. Les conditions dans lesquelles un transformateur de produits laitiers a pu dissimuler la persistance de résultats défavorables de ses examens d'autocontrôle suggèrent une défaillance de la supervision publique.

Enfin, le taux de prélèvements des végétaux révélant une non-conformité stagne à un niveau infime (7,4 %) alors même que les non conformités sont très fréquentes dans les lots examinés. Il est vrai que l'utilité de tels prélèvements peut être questionnée dès lors que les examens suivants les prélèvements ne sont pas systématiques. Mais, cette situation n'est pas acceptable au vu des nécessités opérationnelles, et, notamment, de la recherche de molécules interdites.

C'est, naturellement, plus globalement que la question des produits phyto pharmaceutiques se pose. Les résultats obtenus dans le cadre du plan Ecophyto demeurent négatifs. L'écart à la cible, pourtant assouplie, reste très conséquent (près de 10 millions de doses unités de pesticides de plus, soit un dépassement de plus de 12 %). Les résultats sont encore pires qu'il n'apparaît puisqu'aussi bien les surfaces cultivées en agriculture biologique connaissent une progression très nette, soutenue notamment par des concours publics en forte augmentation.

Vos rapporteurs spéciaux ont entamé une étude destinée à contrôler et évaluer l'efficacité des concours à l'agriculture biologique. À l'heure où ce mode de production semble rencontrer le succès, il serait pour le moins opportun que le Gouvernement présente une évaluation systématique des difficultés de mise en oeuvre du plan Ecophyto.

c) Les moyens de la politique de sécurité sanitaire de l'alimentation sont illisibles et la nomenclature budgétaire ne respecte pas la loi organique relative aux lois de finances

Vos rapporteurs spéciaux doivent ici répéter leur insatisfaction face au maintien de conditions de budgétisation de la politique de sécurité sanitaire des aliments qui enfreignent gravement la lisibilité budgétaire souhaitée par la loi organique relative aux lois de finances.

La nomenclature budgétaire n'offre pas de lisibilité de la politique publique de sécurité sanitaire de l'alimentation, ce diagnostic pouvant s'appuyer sur la dissémination des données budgétaires tant au sein du programme 206 que dans la documentation budgétaire générale. En cela, elle manque au respect de la loi organique relative aux lois de finances.

Dans ces conditions, il est impossible d'appréhender la dynamique de la dépense destinée spécifiquement à assurer la protection des consommateurs contre les risques sanitaires de l'alimentation, et, plus généralement, de l'effort public consacré à la sécurité sanitaire des aliments.

Vos rapporteurs spéciaux ont pu mettre en évidence les problèmes posés par la définition du périmètre de cette politique publique.

Schématiquement, on rappellera que le programme 206 comprend des interventions visant à assurer l'intégrité sanitaire des matières premières animales et végétales, interventions dont le poids dans les dépenses du programme est très largement majoritaire, mais aussi d'autres interventions plus proches du risque sanitaire lié à la consommation des aliments. Si les premières interventions ont une vocation marquée de préservation de l'intégrité des cheptels et des végétaux, elles ne sont cependant pas étrangères à la problématique générale de sécurité sanitaire de l'alimentation. Dans une conception où celle-ci va « du champ à l'assiette », la nomenclature budgétaire ne retient pas sans raison les différentes actions du programme 206 comme concourant à la sécurité et à la qualité sanitaires de l'alimentation. Pour autant, les crédits ouverts n'en financent pas moins des interventions hétéroclites dont certaines n'ont qu'un lien très ténu avec les objectifs affichés par l'intitulé du programme.

Ce constat conduit à juger que le programme 206 n'est pas conforme à la loi organique relative aux lois de finances qui a entendu préserver le principe de spécialité des crédits tout en en enrichissant la conception par une prise en compte plus systématique de leur destination fonctionnelle de moyens au service d'une politique publique donnée .

Dans ces conditions et au-delà même du contenu de la mission budgétaire, vos rapporteurs spéciaux ne peuvent qu'exprimer leur refus de décerner un certificat de qualité à la présentation budgétaire des interventions nécessitées par la politique de sécurité sanitaire des aliments, qui est sérieusement défectueuse.

Sur ce point, une série d'observations complémentaires s'imposent.

En premier lieu, doit être évoquée l'extrême fragmentation des moyens déployés, éparpillés dans plusieurs missions budgétaires . Celle-ci reflète l'interministérialité des interventions de l'État, qui témoigne d'une superposition des services opérationnels qui est loin d'être optimale.

Du point de vue de l'information budgétaire, il serait, à tout le moins, justifié d'entreprendre l'élaboration d'un document de politique transversale unifiant les crédits de la politique publique de sécurité sanitaire des aliments.

Vos rapporteurs spéciaux relèvent, en outre, que les crédits de personnel du programme se trouvant agglomérés dans une action dédiée (l'action n° 6), il est impossible de disposer d'une vue satisfaisante de l'affectation des personnels (et des crédits correspondants) aux différentes catégories d'intervention financées par le programme.

En témoignent les données fournies à vos rapporteurs spéciaux pour rendre compte des personnels spécifiquement dédiés à la surveillance de la qualité sanitaire des aliments dans le cadre de leur contrôle sur la politique de sécurité sanitaire des aliments, qui n'apparaissent pas comme tels dans la nomenclature budgétaire.

Ainsi, selon ces données, les effectifs affectés par la DGAL à la sécurité sanitaire des aliments stricto sensu, dans le cadre de l'action 3 du programme 206, se seraient élevés en 2015, à 1 844 ETPT (soit environ 2 820 agents) sur les 4 511 ETPT du programme 206, soit 40,9 % des ETPT du programme.

Il apparaît ainsi nécessaire de mieux imputer les emplois et les crédits de rémunération aux différentes interventions opérationnelles du programme , en particulier à celles concourant spécifiquement à la sécurité sanitaire de l'alimentation.

Vos rapporteurs spéciaux suggèrent enfin que l'information budgétaire fasse l'objet d'une amélioration sur un point particulier. Il s'agit des produits tirés des très nombreux prélèvements obligatoires appliqués dans le champ de la politique sanitaire de l'alimentation.

Une présentation systématique de ces prélèvements devrait être fournie dans le cadre des documents budgétaires d'autant que certains d'entre eux résultant directement des obligations européennes contractées par la France ont un lien très direct avec les interventions financées sur les crédits du programme 206.

II. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

La mission « Développement agricole et rural » correspond au compte d'affectation spéciale éponyme, dit « CASDAR » qui a été créé par la loi de finances pour 2006.

Elle a pour objet le financement d'opérations de développement agricole et rural orientées par les priorités du programme national de développement agricole et rural (PNDAR). Celui-ci, qui couvre actuellement les années 2014 à 2020, a pour priorité de « conforter le développement et la diffusion de systèmes de production innovants et performants à la fois du point de vue économique, environnemental et sanitaire » en s'inscrivant dans le cadre de « Projet agro-écologique pour la France » .

L'importance des enjeux est évidente dans un contexte où les innovations doivent permettre de substituer des modes de production présentant des coûts de toute nature qu'il importe de réduire.

1. Le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », deux programmes aux destinataires propres

La mission repose sur deux programmes : le programme 775 « Développement et transfert en agriculture » et le programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture ».

Les crédits du programme 775 (voir infra ) sont principalement destinés aux chambres d'agriculture et aux organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR). Il s'agit de diffuser des bonnes pratiques et des connaissances .

Quant au programme 776 , davantage orienté vers la recherche appliquée 27 ( * ) , il finance des recherches réalisées par une pluralité d'acteurs, au premier rang desquels les instituts techniques agricoles et FranceAgriMer. Par ailleurs, le pilotage de la recherche passe aussi pour une proportion de 18 % par la procédure d'appel à projets .

Le schéma ci-dessous illustre l'emploi des ressources du CAS en 2015. Compte tenu de l'inertie de la gestion des interventions financées par le compte, il donne un aperçu fiable des dépenses de 2017.

On y observe que chaque programme est dirigé vers des partenaires propres et prépondérants : les chambres d'agriculture pour le programme 775 (près des deux tiers des dépenses) et les instituts techniques agricoles pour le programme 776 (55,4 % des crédits).

Dans les deux cas, FranceAgrimer se voit déléguer une partie des disponibilités de chaque programme.

Source : rapport d'activité du CASDAR pour 2015 ; ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt et des affaires rurales

2. Les ressources du compte, des déconvenues par rapport aux prévisions de recettes mais une charge non négligeable pour les exploitants

Le CASDAR, alimenté jusqu'en 2015 par une fraction (85 %) du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, prévue à l'article 302 bis MB du code général des impôts en perçoit depuis la totalité.

Pour 2016, la prévision de recettes avait été établie à 147,5 millions d'euros. Finalement les recettes enregistrées au compte avaient atteint le niveau de 130,8 millions d'euros, soit une moins-value de produits de 16,7 millions d'euros (- 11,4 %). Une même déconvenue, mais de moindre ampleur, doit être constatée pour 2017.

La prévision de recettes de 147,5 millions d'euros a laissé place à une exécution à hauteur de 133,4 millions d'euros. La moins-value atteint 14,1 millions d'euros (dont 15,3 millions d'euros pour la seule taxe, des recettes diverses ayant été constatées pour 1,3 million d'euros).

Par ailleurs, comme c'est structurellement le cas (voir le tableau ci-dessous), le CAS a pu bénéficier de reports de crédits de l'exercice 2016, pour 50,4 millions d'euros, soit près de 34 % des crédits ouverts en loi de finances initiale.

Exécution et prévision des recettes du CASDAR

(en millions d'euros)

Année

Recettes LFI

Recettes constatées

Exécution (CP)

Reports N-1

2006

134,46

145,96

99,70

-

2007

98,00

102,05

101,34

21,71

2008

102,50

106,30

98,47

22,41

2009

113,50

110,56

112,34

34,44

2010

114,50

104,89

111,21

41,44

2011

110,50

110,44

108,38

40,30

2012

110,50

116,76

114,35

42,37

2013

110,50

120,58

106,98

57,92

2014

125,50

117,10

132,40

43,20

2015

147,50

137,10

131,30

43,20

2016

147,5

130,8

129,2

48,9

Source : commission des finances du Sénat

Les moins-values de recettes en exécution sont expliquées par la dégradation du chiffre d'affaires des exploitants agricoles entre 2015 et 2016.

On rappelle que le paiement de la taxe intervient avec un an de décalage.

L'an dernier, vos rapporteurs spéciaux avaient alerté sur la perspective de « variations peu favorables à la bonne exécution du compte », compte tenu des « évolutions économiques très défavorables de 2015 » qui ne devaient pas manquer de se répercuter sur les recettes encaissées.

La programmation des recettes n'a pas tenu compte des observations de vos rapporteurs spéciaux qui, pourtant, se sont avérées en pratique.

Par ailleurs, l'interrogation sur les conditions de financement du CAS, la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles pouvant se révéler lourdement procyclique en raison de la volatilité des conditions économiques de l'activité agricole, persiste.

Il en va de même pour les effets redistributifs des transferts abrités par le CAS qui ne sont pas clairement cernés, non plus d'ailleurs que ne le sont les conditions concrètes de recouvrement de la taxe.

3. Un taux de consommation des crédits peu satisfaisant

Dans ce contexte, la gestion des crédits de paiement peut être résumée comme suit pour 2017.

Dépense et gestion des crédits du CASDAR

(en millions d'euros)

Programme 775

Programme 776

Total

LFI

70,5

76,9

147,4

LFR

0

Reports

10,5

39,9

50,4

Crédits disponibles

81

116,8

197,8

Crédits consommés

60,1

68

128,1

Crédits non consommés

20,9

48,8

69,7

Source : ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Malgré la déconvenue sur l'évolution réelle des recettes, le compte confirme en 2017 le phénomène observé à plusieurs reprises par le passé de soldes positifs en exécution.

Le solde se situe cette année à 2,7 millions d'euros contre 5,8 millions d'euros en 2015 et 1,6 million d'euros en 2016.

Cette légère amélioration provient d'une sous-exécution des crédits disponibles considérable (35 %).

Hors crédits reportés, le taux de consommation des crédits est un peu moins dégradé mais il n'est que de 86,67 %.

L'écart est, une fois de plus, particulièrement considérable pour le programme 776 pour lequel le taux de consommation des crédits se situe sous la barre des 60 %.

Il est vrai que la gestion des projets soutenus par le CAS implique, tout particulièrement pour ce programme, un dépassement de l'annualité budgétaire. Ils sont conduits sur une durée souvent supérieure à l'année et mobilisent une séquence de versements qui l'excèdent. Dans ce contexte, des reports et des restes à payer interviennent à chaque fin d'exercice.

C'est ainsi que pour l'exercice 2017, les engagements de crédit non couverts par les paiements effectués s'élèvent en fin d'année à 45,3 millions d'euros soit près de 66 % des dépenses de l'année.

4. Améliorer les informations sur les performances atteintes et recourir davantage aux appels à projets pour contrer la logique d'abonnement aux aides

La justification au premier euro des deux programmes du CASDAR présente, une fois de plus, un caractère lacunaire .

Pour le programme 775 , le rapport annuel de performances ne fournit pas d'information suffisamment détaillée sur l'utilisation des crédits destinés au réseau des chambres d'agriculture , à la fédération des coopératives agricoles et aux organismes nationaux de vocation agricole et rurale (ONVAR) .

L'indicateur utilisé consiste à suivre les effectifs desdits organismes consacrés par eux à atteindre les grands objectifs du programme national de développement agricole et rural. On se doute bien que là est leur pente naturelle et qu'il n'est pas très difficile de fournir au logiciel censé accueillir les déclarations des organismes les données permettant d'extérioriser des résultats probants.

Il résulte de ce manque d'information une impossibilité de savoir si les crédits du programme servent aux projets de développement plus qu'aux structures qui sont censées les porter.

Le ministère de l'agriculture indique procéder à des évaluations des actions financées par le truchement du compte mais, outre que cette évaluation paraît orientée plutôt vers un contrôle de conformité que vers une évaluation des impacts seule à même de fonder une appréciation de la valeur ajoutée des financements publics, le programme ne comporte aucun indicateur permettant d'en rendre compte .

Cette lacune doit être corrigée , objectif fixé par vos rapporteurs spéciaux d'autant plus aisément atteignable que le ministère de l'agriculture publie un compte rendu d'activité du CASDAR riche en informations sur les programmes soutenus mais qu'il conviendrait de compléter par l'adoption d'une démarche évaluative.

Vos rapporteurs spéciaux relèvent avec satisfaction l'orientation consistant à développer des « projets pilotes régionaux » faisant intervenir les partenaires de terrain et pouvant favoriser, de ce fait, un effet de levier susceptible de démultiplier les moyens consacrés à chaque projet. Cette évolution correspond par ailleurs à l'esprit même des interventions financées par le programme qui porte notamment sur la diffusion de bonnes pratiques à partir de pilotes.

Il restera à vérifier que l'émergence d'une matrice régionale débouchera effectivement sur un renforcement des ressources et qu'elle aboutira à la préservation des équilibres locaux d'intervention du CASDAR .

Quant au développement des conventions avec les ONVAR 28 ( * ) , présenté par le ministère de l'agriculture comme correspondant à l'émergence d'un « CASDAR-ONVAR », si l'on peut y voir une diversification bienvenue des partenariats mobilisés par le dispositif, il est regrettable que la communication du ministère aille jusqu'à suggérer qu'une sorte de droit de tirage automatique puisse lui être associé .

Enfin, vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la portée des objectifs économiques affichés comme l'une des composantes du cadre d'intervention du CAS. Cet objectif est certainement stratégique d'autant qu'il s'agit de l'inscrire dans un processus de conciliation entre les contraintes économiques et écologiques. C'est la raison pour laquelle il convient de le prendre au sérieux, ce qui suppose mieux que de financer des interventions ponctuelles.

L'élaboration d'un véritable projet national d'optimisation agro-économique des exploitations agricoles doté des moyens et d'une gouvernance adaptée s'impose. Il faut aujourd'hui dissiper l'éclatement des actions entreprises en ce domaine dont témoigne l'agencement des ressources du ministère de l'agriculture qui couvrait une dispersion budgétaire trop forte des moyens et de leur gestion (voir, à ce propos, la superposition des crédits dans les différents programmes de la mission AAFAR et dans le CASDAR).

S'agissant du programme 776 , l'information est, là aussi, insuffisante.

Le RAP décrit insuffisamment les projets sélectionnés dans le cadre des procédures d'appel à projets et les actions d'accompagnement thématiques innovantes .

Pour le programme 776 , l'indicateur unique 29 ( * ) se décline en deux sous-indicateurs de moyens : le premier repose sur la « part des financements portant principalement sur des problématiques de développement durable pour la compétitivité de l'agriculture » et le second sur la « part de financements impliquant une unité mixte technologique (UMT) ou un réseau mixte thématique (RMT) » rapportés à l'ensemble des financements du programme.

Au regard des cibles, les résultats visés sont mieux qu'atteints en 2016.

Néanmoins, la significativité du premier sous-indicateur n'est guère satisfaisante. Il n'est pas difficile de « verdir » des projets de recherche appliquée quand les objectifs du PNDAR sont énoncés en des termes tellement généraux que leur référentiel comporte une élasticité si forte qu'il est sans lisibilité autre que conjecturale.

Vos rapporteurs spéciaux attendent davantage de précisions dans l'énoncé et le suivi des objectifs poursuivis.

À l'heure où la thématique de l'agro-écologie oriente fortement les choix publics dans le domaine de l'agriculture, il est nécessaire de renforcer la programmation de la recherche, ce qui passe par une information plus satisfaisante du Parlement.

Dans le cadre du programme 776, la préconisation d'accroître la part des dépenses résultant de procédures d'appels à projets , déjà formulée par vos rapporteurs spéciaux et qui fait écho à celle de la Cour des comptes, est progressivement mise en oeuvre année après année. Les appels à projets ont mobilisé près de 20 % des crédits finalement disponibles. Ils permettent de mobiliser des partenaires diversifiés, en particulier les établissements universitaires ou l'enseignement technique agricole, mais sans exclusive. Les entités institutionnelles du développement agricole n'en sont pas exclues comme en témoigne la part importante des appels à projets sollicitant FranceAgrimer (plus de la moitié de l'enveloppe de 2016).

Enfin, compte tenu de l'accompagnement par un riche dispositif de sélection et, dit-on, d'évaluation desdits projets, qui contraste avec une gouvernance nettement plus routinière des subventions accordées aux organismes soutenus par le CASDAR, ce n'est pas trop demander que le ministère de l'agriculture s'attache à restituer les résultats des recherches appliquées financées par les exploitations agricoles, qui, de leur côté, ont droit à cette information.

MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT » ET COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS » - MM. YVON COLLIN ET JEAN-CLAUDE REQUIER, RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2017

1. La mission « Aide publique au développement »

La mission « Aide publique au développement » regroupe les crédits des principaux programmes concourant à la politique française d'aide publique au développement :

- le programme 110 « Aide économique et financière au développement », mis en oeuvre par le ministère de l'économie et des finances ;

- le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères et du développement international.

Exécution des crédits de la mission « Aide publique au développement » en 2017

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Exécution 2017 / Exécution 2016

Exécution 2017 / LFI 2017

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Aide économique et financière au développement

303,8

891,0

2 142,5

966,0

2 154,1

932,0

709 %

105%

101 %

96 %

Solidarité à l'égard des pays en développement

1 581,3

1 555,0

1 663,5

1 639,0

1 529,1

1 560,2

97 %

100 %

92 %

95 %

Mission

1 885,1

2 446,0

3 806,0

2 605,0

3 683,2

2 492,2

195 %

102 %

97 %

96 %

Source : commission des finances du Sénat

En 2017, les crédits exécutés de la mission se sont élevés à 3,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 2,5 milliards d'euros en crédits de paiement . Le taux d'exécution est respectivement de 97 % et de 96 %.

Taux d'exécution des crédits de la mission « Aide publique au développement » (en CP)

Source : commission des finances du Sénat

Par ailleurs, l'exercice a été marqué par l'annulation, par décret d'avance en juillet 2017, de 154 millions d'euros .

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2017 sur la mission
« Aide publique au développement »

(en millions d'euros)

Program-me

LFI 2017

Reports
entrants

Décrets
d'avance

Vire-ment
ou
transfert

Fonds de concours et attributions de produits

Reports sortants

Crédits disponi-bles

Exécu-tion 2017

Écart
consom-mé/
prévu

Prog. 110

966,0

77,1

- 42,2

- 0,7

-

- 60,7

939,5

932,0

- 7,5

Prog. 209

1 639,0

39,4

- 111,8

- 0,6

2,8

- 3,2

1 565,6

1 560,2

- 5,4

Mission

2 605,0

116,5

- 154,0

- 1,3

2,8

- 63,8

2 505,1

2 492,2

- 12,9

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

2. Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers »

Le compte de concours financiers regroupe pour sa part des prêts à des États étrangers qui concourent à la politique française d'aide publique au développement, à l'exception du programme concernant la Grèce :

- le programme 851 permet de financer l'achat par des pays étrangers de matériels et services d'entreprises françaises ;

- le programme 852 permet de refinancer les dettes de certains pays envers la France;

- le programme 853 porte un prêt très concessionnel (taux de 0,25 % sur trente ans dont dix de différé), la « ressource à condition spéciale », accordé par l'État à l'agence française de développement, qu'elle utilise pour octroyer à son tour des prêts concessionnels ;

- le programme 854 était destiné à porter la contribution de la France au plan de soutien en faveur de la Grèce, finalement confié au Fonds européen de stabilité financière (FESF).

1,6 milliard d'euros ont été exécutés en AE et 493 millions d'euros en CP , pour un taux d'exécution global respectivement de 80 % et 71 %, qui masque cependant une situation très contrastée selon les programmes (cf. infra ).

Exécution des crédits du compte de concours financiers
« Prêts à des États étrangers » en 2017

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Exécution 2017 / Exécution 2016

Exécution 2017 / LFI 2017

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

851 - Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France

258,8

191,1

300,0

300,0

197,0 (*)

268,0

13 %

140 %

65,7 %

89,3 %

852 - Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

553,7

553,7

148,0

148,0

0,2

0,2

33 %

33 %

0,1 %

0,1 %

853 - Prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

195,0

-

1 552,0

250,0

1 392,0

225,0

714 %

-

90 %

90 %

854 - Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

Total

1 007,5

744,8

2 000,0

698,0

1 589,2

493,2

158 %

66 %

79,5 %

70,7 %

(*) : Il s'agit des engagements effectivement réalisés ; 163 millions d'euros de CP ayant été apurés sur des opérations antérieures, le chiffre d'exécution réelle est de 34 millions d'euros.

Source : commission des finances du Sénat

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. La confirmation d'une relance de notre politique d'APD

L'aide publique au développement (APD) de la France au sens de l'OCDE n'a cessé de diminuer entre 2010 et 2014 , passant de 0,5 % de notre revenu national brut (RNB) à 0,35 %. Cette diminution s'est également vérifiée en montants, notre aide passant de 10,6 milliards de dollars à 9,2 milliards de dollars. À compter de 2015, ce chiffre s'est légèrement amélioré, atteignant 0,37 % en 2015 et 0,38 % en 2016.

Le projet de loi de finances pour 2017 visait à accentuer cette reprise et la loi votée par le Parlement a permis d'aller plus loin dans cette direction, plusieurs amendements parlementaires ayant augmenté les crédits consacrés à cette politique. Par ailleurs, le candidat Emmanuel Macron avait montré une certaine ambition lors de la campagne électorale et au lendemain de son élection, s'engageant à porter notre aide à 0,55 % du RNB d'ici 2022. L'enjeu de l'exécution de 2017 est donc de savoir si cette ambition a été respectée .

À cet égard, vos rapporteurs spéciaux constatent plusieurs points positifs :

- le montant des ressources consacrées à l'aide publique au développement 30 ( * ) exécutées en 2017 a atteint un niveau inédit depuis 2010 , en s'élevant à 3,50 milliards d'euros, contre 3,15 milliards d'euros en 2016 ;

- le ratio d'APD par rapport au RNB atteint 0,42 % : si ce chiffre demeure modeste, il permet de repasser au-dessus de la moyenne des pays du comité d'aide au développement (CAD) et marque une rupture avec les années précédentes ;

- la part du produit de la taxe sur les transactions financières que le Parlement avait décidé d'affecter à l'Agence française de développement (AFD) lui a effectivement bénéficié, contrairement à 2016 où ces ressources avaient été réorientées vers le Fonds de solidarité pour le développement (FSD).

2. L'exécution 2017 est tout de même marquée par des annulations de crédits qui inquiètent dans la perspective de l'atteinte de l'objectif de 0,55 % du revenu national brut en 2022

Vos rapporteurs spéciaux appellent tout de même à une grande vigilance sur l'exécution des crédits de la présente mission.

Après plusieurs années où ce taux se situait entre 98 % et 100 %, voire plus, le taux d'exécution des crédits de paiement est tombé à 92 % en 2012. Ce taux s'est progressivement rétabli jusqu'en 2016, mais redescend en 2017 à 97 % .

Exécution des ressources consacrées au développement depuis 2007
(en CP)

(montants en millions d'euros) (taux d'exécution en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat

Ce taux d'exécution de 97 % s'explique par l'annulation par décret d'avance, en juillet 2017, de 154 millions d'euros . En définitive, l'écart entre les montants inscrits en loi de finances et ceux exécutés atteint 113 millions d'euros.

La nécessité de revenir en-dessous des 3 % de déficit public dès 2017 pouvait justifier cette mesure d'économie par rapport au budget préparé par le précédent gouvernement. Néanmoins, le taux d'exécution de la mission « Aide publique au développement » est un bon indicateur du degré d'ambition accordé à cette politique, qui est trop souvent considérée comme une variable d'ajustement.

Vos rapporteurs spéciaux réitèrent leur souhait que les crédits de cette mission soient sanctuarisés et espèrent que les efforts de « sincérité budgétaire » menés par l'actuel Gouvernement permettront d'assurer un meilleur taux d'exécution en 2018.

3. L'exécution du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » est contrastée

Vos rapporteurs spéciaux s'étaient inquiétés à plusieurs reprises du taux d'exécution du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » et notamment des programmes 851 et 852, mais constataient avec satisfaction, en 2016, une relative amélioration.

L'exécution 2017 est contrastée :

- sur le programme 851 - l'ancienne « Réserve pays émergents » - le taux d'exécution des autorisations d'engagement est proche de celui de l'an dernier et le taux d'exécution des crédits de paiement progresse fortement ;

- sur le programme 852 - les consolidations de dettes -, le taux d'exécution est pratiquement nul, comme en 2014, du fait du report du traitement de la dette du Zimbabwe .

Taux d'exécution des crédits des programmes 851 et 852

2012

2013

2014

2015

2016

2017

851 - Prêts à des États étrangers, de la réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructures

AE

71,4 %

99,9 %

73,2 %

35,1 %

69,6 %

65,7 %

CP

40,4 %

61,1 %

54,6 %

41,6 %

63,7 %

89,3 %

852 - Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

AE

39,3 %

5,4 %

0,0 %

19,8 %

75,4 %

0,1 %

CP

39,3 %

5,5 %

0,0 %

19,8 %

75,4 %

0,1 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

MISSION « ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION » - M. MARC LAMÉNIE, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. UNE EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION CONFORME EN 2017 AUX DIFFÉRENTES NORMES DE PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » dotée de 2,538 milliards d'euros, en loi de finances initiale (contre 2,612 milliards d'euros en 2016), soit 0,8 % du budget général hors recherche et développement, a finalement occasionné 2,503 milliards d'euros de dépenses en 2017.

Elle a ainsi dégagé une économie de 35 millions d'euros par rapport à la programmation budgétaire initiale.

Elle comporte trois programmes à l'ampleur inégale :

- le programme 158 « Indemnisations des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale » ;

- le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » ;

- le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».

Le tableau ci-dessous détaille la diversité des dotations des différents programmes de la mission. S'en détache la prédominance du programme 169 (95 % des dotations) qui regroupe les différents transferts en dépenses en faveur du monde combattant.

Crédits ouverts par la loi de finances initiale de l'année 2017

(en millions d'euros)

Intitulé du programme

AE

CP

%

167

Liens entre la nation et son armée

38,1

38,3

1,5 %

169

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

2 403,4

2 398,4

94,5 %

158

Indemnisations des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

100,8

100,8

4,0 %

Total

2 542,3

2 537,5

100%

Source : Cour des comptes ; note d'analyse budgétaire pour 2017

A. LES OUVERTURES DE CRÉDITS DE LA LOI DE FINANCES INITIALE ONT ÉTÉ RESPECTÉES ET PRESQUE INTÉGRALEMENT CONSOMMÉES

Les crédits ouverts par la loi de finances initiale ont été consommés en quasi-totalité (98,6 %), des annulations globalement modérées (30,2 millions d'euros) ayant cependant été décidées en cours d'année.

Compte tenu de ces dernières, le taux de consommation des crédits finalement disponibles s'est révélé globalement très élevé tutoyant les 100 %.

Les dépenses ont atteint 2 503,3 millions d'euros pour un total de crédits de paiement ouverts en début d'exercice de 2 535,5 millions d'euros, ramenés en gestion à 2 507,3 millions d'euros.

Exécution des crédits de la mission en 2017

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2016

Crédits votés en LFI 2017

Crédits ouverts en 2017

Crédits exécutés en 2017

Exécution 2017/Exécution 2016 (en %)

Exécution 2017/LFI 2017 (en %)

167

AE

36,1

38,1

36,6

36,2

+ 0,3

- 5,0

CP

37,9

38,3

32,3

35,0

- 7,6

- 8,6

169

AE

2 456,8

2 403,4

2 380,0

2 379,4

- 3,1

-1,0

CP

2 456,8

2 398,4

2 375,0

2 374,3

- 3,4

-1,0

158

AE

95,4

100,8

96,0

94,0

- 1,5

- 6,7

CP

95,4

101,8

96,0

94,0

- 1,5

- 7,7

Total

AE

2 588,4

2 542,3

2 512,6

2 509,6

- 3,3

- 1,3

CP

2 590,1

2 538,5

2 507,3

2 503,3

- 3,3

-1,4

Note : les crédits ouverts en 2017 cumulent les crédits de la loi de finances initiale, les attributions de produits et rattachements de fonds de concours et les mouvements de crédits en gestion.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Globalement, les modifications de crédits intervenues en cours d'année n'ont apporté que peu d'évolutions à la programmation initiale, ainsi que le montre le tableau ci-dessous.

Mouvements infra annuels de crédits

(en millions d'euros)

P 167

P 169

P 158

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

LFI

38,10

38,30

2 403,40

2 398,40

100,80

100,80

2 542,30

2 537,50

Total des mouvements de crédits

-1,50

-2,10

-23,60

-23,60

-4,76

-4,76

-29,86

-30,46

Dont

Reports

0,10

0,10

0,10

0,10

0,20

0,20

Virements

-0,50

-1,98

-1,98

-1,98

-2,48

Transferts

1,30

1,30

1,30

1,30

Décrets d'avance

-1,60

-1,70

-25,00

-25,00

-2,78

-2,78

-29,38

-29,48

Fonds de concours

0,10

0,10

0,10

0,10

Source : Cour des comptes ; note d'analyse budgétaire pour 2017

Les crédits finalement disponibles ont assez largement respecté les ouvertures de la loi de finances initiale (98,8 % des crédits initiaux ont été préservés) malgré un bilan consolidé négatif des mouvements nets de crédits mis en oeuvre en cours d'année (- 30,5 millions d'euros dont - 23,6 millions d'euros sur le programme 169).

Dans ce contexte, où, globalement, les conditions d'exécution des dotations ont dégagé des taux de consommation élevés , on doit mentionner quelques nuances.

Ainsi, le programme 158 , qui ne concentre que 4 % des moyens de la mission, a connu un taux d'exécution des crédits initiaux plus faible, à 92,3 % , que la moyenne. Il en est allé de même pour le programme 167 pour lequel la consommation des crédits n'a atteint que 91,4 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année.

Enfin, l'exécution tendue des crédits du programme 169 témoigne d'un calibrage très serré des mouvements de crédits opérés sur ce programme , une annulation brute de 25 millions d'euros (dans le cadre du décret d'avance du 20 juillet 2017) ayant réduit à très peu les marges de manoeuvre mobilisables en cours de gestion. Selon la Cour des comptes, la trésorerie du compte d'affectation spéciale Pensions aurait même été sollicitée, au titre de « l'avoir du ministère des armées au sein de (ladite) trésorerie » , expédient quelque peu énigmatique au vu des conditions de financement de ce compte par les ministères. La réduction des moyens en cours d'année s'est inscrite dans un contexte où, d'emblée, les crédits prévus au projet de loi de finances avaient été réduits de 9 millions d'euros, cet amendement gouvernemental venant plus que compenser les effets de l'initiative parlementaire lors de l'examen du projet de loi de finances de l'année. La réserve parlementaire avait en effet permis d'abonder les dotations ouvertes pour témoigner la reconnaissance de la Nation à ses anciens combattants à hauteur de 400 000 euros.

Du fait des besoins constatés, la réserve de précaution, qui avait d'abord été fixée à 8 % des dotations ouvertes en loi de finances initiale pour les crédits hors titre 2 a été presque intégralement débloquée en gestion. En particulier, les 187,5 millions d'euros mis en réserve sur le programme 169 ont été dégelés à hauteur de 162,6 millions d'euros.

Votre rapporteur spécial s'interroge sur l'application à des dépenses de guichet, correspondant à des créances légales, de la procédure de mise en réserve des crédits, du moins au taux élevé mis en oeuvre qui, d'ailleurs, excédait systématiquement le taux plancher (de 6 % pour les dépenses hors celles de personnels) déterminé par la loi de programmation des finances publiques .

Il était plus qu'improbable que les erreurs de programmation puissent atteindre le taux de mise en réserve pratiqué sur de telles dotations. Dans ces conditions, la tentation est forte d'interpréter la pratique suivie comme une façon d'exempter les crédits a priori « pilotables » de taux de mise en réserve dont le niveau, qui devrait être extrêmement élevé, se révèlerait largement virtuel sauf à envisager une réformation drastique des autorisations budgétaires votées par le Parlement, au point que celles-ci seraient d'emblée largement privées de la portée qui doit être la leur. 31 ( * )

Votre rapporteur spécial avait souhaité, par cette observation, que la formulation d'une règle concernant la réserve de précaution, en sus de celle, de principe, de la loi organique relative aux lois de finances, dans une future loi de programmation pluriannuelle des finances publiques soit adaptée aux conditions de fait qui s'imposent à la dépense publique de sorte que les modalités d'application de ladite règle n'en révèlent pas l'irréalisme.

Il semble avoir été en partie entendu puisque le taux plancher de la réserve de précaution a été réduit par la nouvelle loi de programmation des finances publiques à l'horizon 2022.

Cependant, il reste qu'au plan symbolique le gel des droits conférés aux anciens combattants et victimes de guerre, pour virtuel qu'il doive être, représente pour le moins une maladresse par laquelle l'État jette le doute sur des engagements solennels au nom d'une norme technique à la portée pratique moins qu'évidente.

B. LES DÉPENSES DE LA MISSION SE SONT INSCRITES TRÈS EN DESSOUS DU PLAFOND FIXÉ PAR LA PROGRAMMATION TRIENNALE DES FINANCES PUBLIQUES

Malgré un niveau élevé de consommation des crédits, la mission a respecté la norme de dépense de la loi de programmation des finances publiques.

Celle-ci avait dessiné une trajectoire franchement baissière du plafond de crédit de la mission devant passer de 2,89 milliards d'euros en 2014 à 2,51 milliards d'euros en 2017 soit une réduction du plafond de 13 % entre 2014 et 2017.

Comparaison entre le plafond de la loi de programmation pluriannuelle
et l'exécution des crédits en 2017

(en millions d'euros)

Plafond de la loi de programmation des finances publiques

2 511

Changements de périmètres

0,04

Plafond au format 2017

2 511,04

Crédits ouverts en 2017

2 507,3

Contribution au CAS « Pensions »

0,3

Exécution hors fonds de concours et CAS « Pensions »

2 501,6

Marges sous le plafond 2016

9,44

Source : commission des finances du Sénat d'après le programme annuel de performances pour 2017 et la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques (2014-2019)

Les dépenses effectuées au cours de l'exercice ont respecté cette trajectoire. Cependant, alors qu'elles étaient inférieures au plafond des crédits pour 2016 de 47,8 millions d'euros, la marge a été ramenée en 2017 à 9,4 millions d'euros. Si les crédits prévus pour les programmes 167 et 158 de la mission avaient été exécutés en totalité, la dépense aurait saturé la norme.

Comme la majorité des dépenses de la mission correspond à des charges de guichet, cette situation traduit des difficultés de prévision dès lors qu'on prétend envisager une période dépassant l'horizon immédiat. Si la plupart des hypothèses de budgétisation sont relativement inertes, en particulier en ce qui concerne les volumes, il n'en va pas nécessairement de même pour les valeurs qui commandent l'indexation des charges.

De fait, une partie substantielle des économies constatées par rapport aux prévisions est attribuable à une inflation moins dynamique qu'escompté qui a limité les effets de l'indexation des prestations mises à la charge de la mission, illustrant le phénomène d'élasticité de certaines dépenses publiques aux variations des prix.

Le ralentissement des prix aura ainsi amplifié la baisse programmée des dépenses de la mission dans un contexte de faible renforcement des statuts ménagés aux anciens combattants avec lequel la loi de finances pour 2017 a apporté une inflexion significative 32 ( * ) mais dont les effets ne seront sensibles qu'au-delà de l'exercice sous revue.

II. UNE DIMINUTION DES DÉPENSES QUI SE POURSUIT MAIS SUR UN RYTHME RALENTI

Les dépenses de la mission s'inscrivent sur une tendance spontanément baissière. Elles dégagent ainsi régulièrement chaque année des économies qu'on peut qualifier « d'économies de constatation » même si les choix de revalorisation modérée des prestations qui en constituent l'essentiel des charges doivent également être pris en compte.

Néanmoins, tous les cinq ans, en lien avec le cycle électoral, l'on relève des évolutions atypiques.

L'exécution 2017 confirme cette tendance, qu'avaient déjà annoncée les inflexions intervenues en 2016.

A. LA POURSUITE D'ÉCONOMIES MAIS SUR UN RYTHME EFFECTIF MOINS SOUTENU QUE LE RYTHME TENDANCIEL

En 2015 , la mission avait dégagé des économies de 152,5 millions d'euros (soit une baisse de l'ordre de 5 % par rapport aux dépenses de 2014) principalement concentrées sur les crédits prévus au programme 169 dont les dépenses avaient accusé un repli de 210 millions . La baisse des dépenses de la mission aurait été sensiblement plus forte (elle aurait même dépassé 7 %) en dehors d'un événement exceptionnel : l'accord conclu entre la France et les États-Unis pour solder la dette de réparation envers certaines victimes de la déportation reconnue par la France. Cet accord avait, en effet, conduit à inscrire une dotation exceptionnelle de 54,5 millions d'euros au titre de 2015 .

En 2016, les dépenses de la mission ont poursuivi leur diminution mais dans des proportions plus mesurées.

Les économies constatées s'étaient élevées à 129,7 millions d'euros, soit un niveau proche de l'an dernier. Toutefois, cette évolution pouvait être qualifiée de partiellement « faciale » du fait de l'accord mentionné qui avait occasionné une dépense non -récurrente. Une fois neutralité son impact, les économies structurelles dégagées en 2016 pouvaient être estimées à 74,1 millions d'euros, soit un niveau beaucoup plus faible qu'en 2015 .

En bref, le rythme de réduction des charges de la mission avait nettement décéléré en 2016 .

Avec 86,7 millions d'euros, l'année 2017 dégage des économies du même ordre et confirme ainsi la contraction des économies réalisées sur la mission par rapport à une tendance historique généralement calée sur les données démographiques.

B. DES ÉCONOMIES CONCENTRÉES SUR LE PROGRAMME 169 PRINCIPALEMENT DE CONSTATATION MALGRÉ L'AMORÇAGE D'UN PROCESSUS DE REVALORISATION ET UNE CERTAINE INERTIE DES MAJORATIONS DES RENTES MUTUALISTES

Ainsi que l'a illustré le tableau récapitulant les données d'exécution des crédits par programme en 2017 (voir supra ), confirmées par les données d'exécution des crédits par nature de dépenses ci-dessous, comme l'an dernier, les économies réalisées sur les dépenses de la mission se sont concentrées sur les dépenses d'intervention, et, plus particulièrement, sur les dépenses du programme 169.

Évolution des consommations de crédits par titre

Crédits exécutés en 2016

Crédits votés en LFI 2017

Crédits exécutés en 2017

Exécution 2017/ Exécution 2016

Exécution 2017 / Crédits ouverts en LFI 2017

Titre 6
(dépenses d'intervention)

2 489,1

2 440,5

2 408,1

- 81

- 32,4

Autres titres

101

97,3

95,3

-5,7

-2

dont :

Titre 3
(dépenses de fonctionnement)

94

95,5

93,6

- 0,4

- 1,9

Total

2 590,1

2 537,8

2 503,4

- 86,70

- 34,4

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

De fait, les dépenses du programme 169, qui se sont inscrites en baisse de 82,4 millions d'euros par rapport à 2016 (elles se situent en deçà des ouvertures de crédits de la loi de finances initiale à hauteur de 24,1 millions d'euros), diminuent de 3,43 %.

Ce rythme de diminution des dépenses du programme est toutefois nettement plus faible que le rythme tendanciel, qui avoisine 7 %.

La structure des dépenses du programme peut être déclinée à partir des quatre grandes actions suivantes correspondant à des regroupements de prestations de nature homogène :

- l'administration de la dette viagère qui compte les pensions militaires d'invalidité des victimes de guerre et les prestations rattachées ainsi que la retraite du combattant ;

- la gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité : soins médicaux gratuits et appareillage des mutilés, remboursement des réductions de transport accordées aux invalides, remboursement des prestations de sécurité sociale accordées aux invalides... ;

- les interventions au titre de la solidarité : majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et des victimes de guerre , subventions aux associations, action sociale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) et subventions versées à cet organisme, Institution nationale des Invalides ;

- les actions en faveur des rapatriés .

Le tableau ci-après qui présente les principales évolutions des dépenses du programme entre 2016 et 2017 montre l'influence prédominante de la dette viagère sur les tendances de la dépense.

Évolution des dépenses du programme 169 entre 2016 et 2017

Exécution en 2016

Exécution en 2017

Évolution 2017/2016
(en millions d'euros)

Évolution 2017/2016
(en %)

Administration de la dette viagère

1 942,7

1 875,4

- 67,7

-3,4

Pensions militaires d'invalidité de victimes de guerre

1 200,7

1 134,4

- 66,3

-5,5

Retraite du combattant

742

741

- 1

-1,3

Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité

146,7

138,9

- 7,8

-5,2

Soins médicaux gratuits

56,9

52

-4,9

-8,6

Remboursement des réductions de transport

2,8

2,5

- 0,3

-10,7

Remboursements des prestations de sécurité sociale aux invalides

87

84,3

- 2,7

-3,1

Solidarité

350,8

341,2

-9,6

-2,7

Majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et victimes de guerre

250,5

244,7

- 5,8

-2,3

Pécules

ND

ND

Subventions aux associations

0,7

2

1,3

+185

Action sociale de l'ONACVG

25,4

26,4

1

+4

Subventions versées à l'ONACVG

62,1

58

-4,1

+6,6

Institution nationale des Invalides

12,1

12,1

0,00

0

Actions en faveur des rapatriés

16,6

18,9

2,3

+13,9

Total

2 456,8

2 374,4

- 82,4

-3,3

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En effet, les poids en crédits de chacune de ces grandes têtes de chapitre diffèrent nettement.

Crédits consommés en titre 6 (intervention)
en 2017 (M€)

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2017

La dette viagère mobilise 82 % des dotations suivie des actions dites de solidarité (11 %) tandis que les interventions au titre des droits complémentaires ne représentent que 6 % des crédits, contre 1 % pour les interventions en faveur des rapatriés.

Dans ce contexte, si la baisse des dépenses a atteint 82,4 millions d'euros entre 2016 et 2017, le repli des dépenses liées à la rente viagère (-67,7 millions d'euros) en a été le principal facteur, la seule action bénéficiant d'une élévation de ses moyens a été aux rapatriés.

1. La baisse du nombre des bénéficiaires de la dette viagère a été partiellement compensée par une revalorisation mesurée du point de la pension militaire d'invalidité

Les différents postes de dépense de la dette viagère figurés dans le graphique ci-après font ressortir la part prépondérante des pensions militaires d'invalidité (48,9 % du total), suivies des charges liées à la retraite du combattant (30,20 %) et des dépenses liées à divers droits accordés aux anciens combattants.

Crédits de paiement du programme 169
consommés en 2017

Source : RAP pour 2017

En 2017, les deux principales catégories de dépenses évoluent très différemment. Les pensions militaires d'invalidité reculent de 4,6 %(à peu près en ligne avec la baisse de 5,3 % des dépenses liées aux droits) tandis que les charges liées à la retraite du combattant ne fléchissent que de 0,7 %.

La divergence entre les évolutions des grandes catégories de dépenses de la dette viagère ne tient pas à la démographie des bénéficiaires, mais à des revalorisations différenciées.

Structurellement, l'un des déterminants des variations des charges budgétaires de ces dépenses d'intervention en est le nombre des bénéficiaires.

Celui-ci suit une tendance baissière comme indiqué dans le tableau ci-après.

Entre 2007 et 2017, le nombre des allocataires des pensions militaires d'invalidité de victimes de guerre s'est replié de 149 656 unités, soit près de 40 %, ce repli atteignant plus de 479 000 personnes pour les bénéficiaires de la retraite du combattant (environ - 33 %).

Évolution du nombre des bénéficiaires des rentes viagères

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2017

Afin d'élargir la perspective temporelle, on peut rappeler que, sur le long terme, la réduction du nombre des bénéficiaires des deux prestations n'a pas été concomitante.

Jusqu'à la moitié des années 2000, le contingent des titulaires de la retraite du combattant s'est accru, dans des proportions importantes d'ailleurs.

Ce n'est qu'au-delà que leur nombre a rejoint la tendance à la baisse du nombre des bénéficiaires de pensions militaires d'invalidité.

Évolution des effectifs des Pensions militaires d'invalidité
et des Retraites du combattant de 1999 à 2010

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2010

Quoi qu'il en soit, désormais, la pente de la décrue des titulaires de la retraite du combattant tend à s'accentuer tandis que celle des pensionnés invalides suit une tendance au repli plus régulière .

Par rapport à 2016, les évolutions des populations bénéficiant de ces deux prestations témoignent globalement de cette convergence : les titulaires de pensions militaires d'invalidité reculent de près de 6 % tandis que pour les bénéficiaires de la retraite du combattant le repli est de 4,9%.

Ce léger différentiel démographique a contribué à l'écart relevé dans l'évolution des dépenses de l'une et l'autre catégorie, mais le facteur principal réside dans des revalorisations plus favorables pour la retraite du combattant que pour les pensions d'invalidité.

Pour celles-ci, la baisse des dépenses a été un peu moins accusée que celle des bénéficiaires. Le différentiel, d'un peu plus d'un point, s'explique par la revalorisation du point PMI en application de la règle du rapport constant (voir l'encadré ci-dessous), mais aussi par un effet de composition, qui tend de façon autonome à augmenter le coût unitaire des pensions.

Modalités de revalorisation des pensions correspondant
aux pensions militaires d'invalidité et à la retraite du combattant

Depuis 2005, la valeur du point de pension militaire d'invalidité (PMI) est révisée proportionnellement à l'évolution de l'indice INSEE des traitements bruts de la fonction publique de l'État, à la date de cette évolution, et non plus de manière rétroactive comme dans le dispositif en vigueur auparavant, suivant ainsi les règles du rapport constant. Quant au montant de la retraite du combattant, il est fixé par référence à un nombre de points d'indice de PMI , déterminé à l'article L. 256 du CPMIV G. Il peut donc varier sous l'effet de deux facteurs : le nombre de points d'indice de PMI et la valeur de celui-ci.

S'agissant de la revalorisation du point d'indice des PMI , l'arrêté du 1 er août 2017, prenant acte de la variation de l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique d'État, qui a été revalorisé en cours d'année de 0,6 % a porté la valeur du point de 14,12 euros à 14,40 euros à compter du 1 er janvier de l'année. En outre, l'arrêté du 28 février 2017 a appliqué en année pleine l'augmentation de la valeur du point PMI à 14,12 euros mise en oeuvre au 1 er juillet 2016.

Quant à la retraite du combattant , l'année 2017 a enfin permis de de rompre avec la stagnation constatée depuis 2012. On rappelle qu'à la faveur d'attributions régulières de points, la retraite du combattant était passée de 37 points à 48 points de PMI entre 2007 et 2012, le nombre de points PMI de la retraite du combattant ayant augmenté de 30 %, son montant progressant de 34,3 %.

Séquence des augmentations de la retraite du combattant entre 2007 et 2012

Alors qu'il s'élevait à 37 points au 1 er juillet 2007, soit 495,06 euros à la valeur du point à cette date, il a été revalorisé chaque année entre 2008 et 2012 :

- deux points supplémentaires au 1 er juillet 2008 : 39 points , soit 526,89 euros ;

- deux points supplémentaires au 1 er juillet 2009 : 41 points , soit 526,89 euros ;

- deux points supplémentaires au 1 er juillet 2010 : 43 points , soit 592,97 euros ;

- un point supplémentaire au 1 er juillet 2011 : 44 points , soit 595,55 euros ;

- quatre points supplémentaires au 1 er juillet 2012 : 48 points , soit 665,28 euros.

Depuis cette date, la retraite du combattant n'avait connu pour seule revalorisation que celle liée à l'évolution de la valeur du point de PMI, particulièrement modérée du fait du gel de la valeur du point d'indice de la fonction publique pendant six ans. C'est sous l'effet de la revalorisation du point d'indice des PMI que la retraite du combattant avait pu connaître une légère augmentation de son montant en 2016. En 2017, il faut relever une augmentation de 2 points de PMI à partir du 1 er janvier suivie d'une seconde augmentation, de 2 points à nouveau, à partir du 1 er septembre de sorte qu'à cette échéance la retraite du combattant a été calculée sur la base de 52 points de PMI. C'est une progression de 8,3 % par rapport à la situation prévalant en 2016. Elle ne se retrouve que partiellement dans les dépenses de 2017 puisque la seconde revalorisation ne joue qu'au prorata de sa période d'application (un quadrimestre).

En année pleine, compte tenu de la décrue tendancielle du nombre des bénéficiaires, ces mesures devraient représenter une charge supplémentaire de l'ordre de 60 millions d'euros, ce qui, transitoirement, infléchira la pente descendante spontanée des dépenses de la mission.

2. Les économies sur les majorations des rentes mutualistes ont été nettement plus contenues si bien que leur poids dans les dépenses du programme 169 continue de s'alourdir...

En 2017, les charges liées aux rentes mutualistes inférieures de l'ordre de 7 millions d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances atteignent 244,7 millions d'euros et absorbent plus de 71 % des dépenses de solidarité du programme 169 (plus de 10 % des dépenses du programme). Elles se replient de 5,8 millions d'euros par rapport à 2016 (- 2,3%) parallèlement à la décrue du nombre des bénéficiaires. Cette dernière est comme souvent très inférieure à celle touchant les autres catégories de prestataires.

Un regard rétrospectif sur les trois plus importantes catégories de dépenses du programme 169 (les PMI, la retraite du combattant et les majorations des rentes mutualistes versées par l'État), qui concentrent plus de 89 % du total des dépenses, fait ressortir des évolutions notables.

Entre 2010 et 2017, le nombre des bénéficiaires de ces dépenses a diminué de 487 250 (cette grandeur est le résultat de l'addition de la baisse des bénéficiaires de chaque intervention, sachant qu'une même personne peut bénéficier de plusieurs d'entre elles).

Les reculs relatifs les plus significatifs ont concerné les titulaires de pensions militaires d'invalidité (- 30 % en 2017 par rapport à 2010) et des retraites du combattant (- 25 %).

En revanche, les bénéficiaires des majorations des rentes mutualistes versées par l'État, s'ils sont moins nombreux en 2017 qu'en 2010, n'ont diminué que de 17,26 %.

La rente mutualiste du combattant

La rente (ou retraite) mutualiste du combattant est un système de rente par capitalisation créée par la loi du 4 août 1923, qui a posé pour la première fois le principe du versement d'une majoration financée par l'État , en plus de la rente constituée par les anciens combattants et leurs ayants cause du conflit 1914-1918. Après la Seconde Guerre mondiale, plusieurs dispositions législatives et réglementaires ont permis, successivement, d'en étendre le bénéfice à tous les titulaires de la carte d'ancien combattant, aux victimes de guerre (veuves, veufs, orphelins ou ascendants des civils ou militaires décédés en opération) et aux titulaires du titre de reconnaissance de la nation (TRN) . Ce dispositif a été maintenu par l'article L. 222-2 du code de la mutualité.

L'adhésion doit avoir lieu dans un délai de dix ans à compter de l'attribution de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation. Au-delà, la majoration spécifique est réduite de moitié.

Les majorations s'appliquent au montant de la rente résultant des versements personnels et sont versées par les mutuelles et les sociétés mutualistes aux souscripteurs et remboursées par l'État l'année suivante . Le total formé par la rente et la majoration spéciale de l'État est limité à un plafond, dit « plafond majorable ». Le plafond annuel majorable des rentes mutualistes du combattant a été fixé par l'article 101 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 (loi de finances pour 2007) à 125 points de pension militaire d'invalidité, soit 1 800 euros au 1 er janvier 2017, en augmentation du fait de l'indexation du point de PMI .

La rente mutualiste se cumule avec toutes les autres pensions et retraites. Elle est exonérée d'impôt pour sa part inférieure au plafond majorable. Les versements effectués pour constituer la rente sont déductibles du revenu imposable, dans la limite de la constitution d'une rente majorée égale à ce même plafond. En cas de décès, ils peuvent être transmis à un bénéficiaire hors droits de succession. Au-delà du plafond majorable, le régime fiscal est celui de l'assurance-vie.

Onze organismes gèrent la rente mutualiste du combattant, dont la Caisse autonome de retraite des anciens combattants (CARAC) avec 181 191 adhérents, la France Mutualiste avec 104 846 adhérents, CNP Assurances, avec 49 870 adhérents et MUTEX, avec 26 673 adhérents.

La baisse tendancielle du nombre des bénéficiaires de chacune des interventions n'a pas eu de prolongements identiques sur leurs coûts si bien que l'élasticité des charges budgétaires aux évolutions concernant les bénéficiaires de ces trois interventions ressort fortement dispersée.

Les dépenses des pensions militaires d'invalidité ont régressé de 28 % soit à peu près comme la population des bénéficiaires. Apprécié à partir des dépenses de 2016, la diminution des charges par rapport à 2010 ressortait comme plus forte que celle des titulaires de pensions, puisque celles-ci avaient été durablement gelées. En revanche, pour la retraite du combattant, du fait des revalorisations mentionnées plus haut, le différentiel entre la réduction des bénéficiaires et celle des dépenses a montré une certaine inélasticité de celles-ci par rapport aux évolutions de la population (- 8,9 % contre - 25 % pour la population des bénéficiaires).

Mais c'est pour la majoration des rentes mutualistes que les dépenses se révèlent à long terme les plus rigides par rapport aux modifications du nombre des bénéficiaires. Celui-ci a diminué de 17,26 % tandis que les charges liées au régime de majoration ont légèrement augmenté depuis 2010.

Évolution des effectifs et des dépenses des trois principales interventions
du programme 169 entre 2010 et 2017

2010

2017

2017/2010
(en %)

2017/2010
(en nombre)

Pensions militaires d'invalidité

Effectifs

308 940

216 496

- 29,8

- 92 444

Dépenses

1 766 641

1 133 371

- 35,8

- 633 270

Retraite du combattant

Effectifs

1 339 730

1 008 047

- 24,7

- 331 683

Dépenses

796 393

744 994

- 6,4

- 51 399

Majoration des rentes mutualistes

Effectifs

418 164

353 031

- 15,5

- 65 133

Dépenses

243 349

244 669

+0,6

+ 1,3

Total

Effectifs

2 066 834

1 577 574

- 21,4

- 489 260

Dépenses

2 806 343

2 123 034

- 24,3

- 683 349

Source : Commission des finances du Sénat d'après les données des rapports annuels de performances de la mission pour 2010 et 2017

Ces évolutions différenciées proviennent du sort très contrasté connu par les valeurs unitaires de chacune des interventions envisagées. En particulier, la valeur de la pension militaire d'invalidité moyenne s'est fortement repliée tandis que, pour les deux autres chefs de dépenses, une revalorisation est intervenue.

Dans ces conditions, le poids des charges budgétaires liées aux revalorisations des rentes mutualistes dans le total des dépenses du programme ne cesse de s'alourdir . Il s'élevait à 8 % en 2010 et représente en 2017 10,2 % des dépenses du programme.

3. ... non sans susciter quelques interrogations

La contribution de l'État aux rentes mutualistes aboutit, pour les bénéficiaires, à un quasi-doublement de la valeur de la retraite du combattant qu'ils perçoivent.

Néanmoins, le nombre des bénéficiaires de ces deux catégories de dépenses est très inégal puisque les prestataires de la retraite du combattant (plus d'un million) excèdent de près de 650 000 ceux qui bénéficient de la majoration des rentes mutualistes par l'État (353 000 en 2017).

La structure des charges du programme tend à se déformer au profit d'une intervention moins « universelle » que les autres interventions qu'il finance.

Cette situation tient à la sous-utilisation de la faculté ouverte aux ayants droit de se constituer un complément de retraite disposant d'un soutien élevé de l'État, ce qui appelle une élucidation.

À ce stade, votre rapporteur spécial se limitera à relever que cette sous-utilisation conduit à des économies significatives qu'on peut estimer moyennant quelque simplification - il faudrait, en particulier, également tenir compte de la non saturation du plafond de la majoration par les épargnants - à 440 millions d'euros .

Évolution de la valeur unitaire des trois principales interventions
du programme 169 entre 2010 et 2017

(en euros)

2010

2017

2017/2010 (en %)

2017/2010 (en valeur)

Pensions militaires d'invalidité

5 476

5 073

- 7,4

- 403

Retraite du combattant

584

717

22,8

133

Majoration des rentes mutualistes

582

684

17,5

102

Source : Commission des finances du Sénat d'après les données des rapports annuels de performances de la mission pour 2010 et 2017

III. LES CRÉDITS DE LA MISSION SONT LOIN DE RENDRE COMPTE DE L'EFFORT PUBLIC CONSACRÉ À LA RECONNAISSANCE DE LA NATION ENVERS SES ANCIENS COMBATTANTS

Il convient de compléter le paysage suggéré par les crédits de la mission par la mention de deux circuits de financement complémentaires, constitués, l'un, par des dépenses rattachables aux actions financées par la mission mais prises en charge par d'autres missions budgétaires, l'autre, par des transferts effectués au profit des anciens combattants et victimes de guerre à travers les dépenses fiscales correspondant aux divers avantages fiscaux qui leur sont réservés.

A. DES DÉPENSES EFFECTIVES SUPÉRIEURES AUX DÉPENSES DIRECTES ET INSUFFISAMMENT RECENSÉES

En ce qui concerne les crédits « déversés » par d'autres missions budgétaires, ils correspondent principalement aux dépenses de personnel acquittées par le ministère de la défense pour organiser la journée défense et citoyenneté.

Au total, les crédits engagés à partir d'autres missions se sont élevés à 105,8 millions d'euros en 2017 (+ 2,6 millions d'euros par rapport à 2016) comme récapitulés ci-dessous.

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2017

Dans ces conditions, les dépenses complètes de la mission se sont élevées, en réalité, à 2 609,2 millions d'euros, soit 104,2 % des dépenses imputées sur les seuls crédits ouverts à elle par la loi de finances initiale.

Votre rapporteur spécial s'interroge toutefois, une fois encore, sur l'exhaustivité des dépenses extérieures prises en compte pour donner une vision plus complète des dépenses publiques liées à l'accomplissement des objectifs assignés aux crédits de la mission.

En plus des concours apportés à l'Institution nationale des invalides par le ministère de la santé, qui ne sont pas récapitulés dans le document budgétaire au titre des dépenses indirectes présentées ci-dessus, il convient de considérer les contributions des collectivités territoriales dont un recensement mériterait de figurer dans les documents budgétaires afin de mieux rendre compte de l'effort public consacré aux différentes politiques publiques financées par la mission.

B. LES TRANSFERTS PUBLICS AU PROFIT DES ANCIENS COMBATTANTS DÉPASSENT DE BEAUCOUP LES DÉPENSES PUBLIQUES DU FAIT DE RÉGIMES FISCAUX AVANTAGEUX

Quant aux transferts réalisés au bénéfice des anciens combattants à travers les régimes fiscaux dérogatoires qui leur reconnaissent des avantages particuliers, ils sont évalués par le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement à 762 millions d'euros, soit 30,4 % des dépenses budgétaires de la mission .

Dans ces conditions, l'effort public consolidé consacré aux différents objectifs poursuivis par la mission doit a minima être relevé d'à peu près un tiers par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale une fois les dépenses fiscales additionnées aux dépenses publiques qu'ils permettent d'engager.

Votre rapporteur spécial observe toutefois que les prescriptions détaillées de dépenses de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques ne s'appliquent pas aux dépenses fiscales 33 ( * ) si bien que leur niveau, quoiqu'élevé, ne conduit pas à réviser l'appréciation portée plus haut sur le respect du triennal par les consommations de crédits.

En revanche, la dynamique des dépenses fiscales tranche avec celle des crédits. Pour 2016, ces derniers se replient tandis que les dépenses fiscales restent presque stables, moyennant une révision effectuée pour l'année 2016 qui en a augmenté l'estimation de près de 20 millions d'euros.

Les six dépenses fiscales inventoriées dans le rapport annuel de performances passent de 769 millions d'euros en 2016 à 762 millions d'euros en 2017. Elles déclinent légèrement malgré l'assouplissement de la condition d'âge pour bénéficier de la demi-part supplémentaire (1 an de moins et 30 millions d'euros de plus), mais depuis 2010 leur croissance a été particulièrement forte. Alors, les cinq dépenses fiscales recensées s'élevaient à 430 millions d'euros. Dans un contexte de quasi-homogénéité entre le champ de l'évaluation de ces transferts entre 2010 et 2017, on relève ainsi une augmentation de 77 % du poids des dépenses fiscales en sept ans. Avec 332 millions d'euros en plus, elles ont considérablement atténué la baisse de 672 millions d'euros constatée sur les dépenses de la mission.

Encore faut-il observer que seules trois des six dépenses fiscales recensées dans le rapport annuel de performances sont évaluées tandis que l'inventaire des transferts alloués aux anciens combattants et à leurs ayants droits par la Cour des comptes conduit à constater que le recensement proposé par la documentation budgétaire continue d'être incomplet.

Exemples de dépenses fiscales et sociales
non mentionnées par les documents budgétaires selon la Cour des comptes

L'impôt sur le revenu (IR)

Le projet annuel de performances (PAP) ne fait pas figurer :

- la part des dépenses fiscales découlant des dispositifs prévus par le programme 158 qui correspondrait à 3,5 % de la dépense n° 120126 ; le ministère de la défense, la direction du budget et le Secrétariat général du Gouvernement ont indiqué qu'ils étaient disposés à répartir la dépense fiscale qui figure aujourd'hui au titre du programme 169 entre les deux programmes 158 et 169 et à rattacher les montants correspondants dans le PAP. Des travaux seront entrepris à ce sujet ;

- l'exonération d'impôt sur le revenu des PMI reversées aux ayants droit des militaires et anciens combattants décédés, en vertu des dispositions du CPMIVG ;

- pour le programme 158, les indemnités versées aux ayants droit des victimes de spoliation qui sont exonérées d'IR.

Les droits de mutation

Le PAP ne mentionne pas l'exonération dont bénéficie le capital versé aux victimes de spoliations qui serait soumis au droit d'enregistrement (programme 158).

Les droits de succession

Le PAP ne mentionne pas que :

- la transmission du capital de la rente mutualiste, lorsqu'il a été opté pour le régime réservé viagèrement, se fait hors droit de succession dans la limite de la fiscalité actuelle ;

- pour les ayants droit des victimes de spoliations, les indemnités versées postérieurement au décès du bénéficiaire ne constituent pas un patrimoine taxable.

Les prélèvements sociaux

Certaines aides bénéficient d'exonérations de prélèvements sociaux :

- les PMI, la retraite du combattant, la retraite mutualiste des anciens combattants (dans la mesure où elle bénéficie de la majoration de l'État) et les allocations de reconnaissance servies aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie et leurs veuves sont exonérées de CSG et de CRDS. Cette exonération est d'ailleurs codifiée par l'article L. 136-2-III-3° du code de la sécurité sociale. Le coût de ces avantages est difficile à évaluer en raison des modulations susceptibles d'intervenir. Compte tenu de l'augmentation des taux de la CSG en 2018, il devrait s'alourdir par rapport aux données suivantes appréciées par la Cour des comptes sur la base de différents échanges : le coût de l'exonération pour les retraites mutualistes avait été estimé, en 2013, à 80 millions d'euros ; quant à la retraite du combattant, l'exonération avait été estimée à 67 millions d'euros ;

- les sommes perçues par les orphelins des victimes de la barbarie, les orphelins des victimes d'actes d'antisémitisme pendant la Seconde guerre mondiale et par les victimes de spoliations ne sont pas soumis à prélèvements sociaux.

Bien que ces deux exonérations ne relèvent pas de la loi de finances initiale stricto sensu, et ne doivent pas figurer dans le PAP à ce titre, mais du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les montants correspondants viennent augmenter le coût global de cette politique. Ils pourraient donc être mentionnés dans les documents budgétaires pour porter à la connaissance de la représentation nationale le coût de cette politique.

L'impôt sur la fortune (ISF)

Le PAP ne fait pas figurer les dispositifs suivant qui sont exonérés d'ISF :

- les sommes allouées aux ayants droit des victimes de persécutions antisémites en vertu de l'article 885 K du code général des impôts ;

- la rente mutualiste, sa valeur de capitalisation n'est pas imposable ;

- l'ensemble des aides financières versées aux orphelins et aux victimes de spoliations n'entrent pas dans le champ de l'ISF. Lorsque ces indemnités sont versées aux ayants droit des victimes elles sont également exonérées d'ISF.

Ces derniers avantages ne devraient plus être comptabilisés comme dépenses fiscales du fait de la suppression de l'ISF.

Source : à partir de la note d'analyse budgétaire 2015. Cour des comptes

La montée en puissance des transferts fiscaux dans le total des expressions de la reconnaissance de la Nation aux anciens combattants conjointe avec celle des majorations accordées aux rentes mutualistes conduit à une concentration des manifestations de soutien de la Nation à ses anciens combattants dans un contexte où les allocations les plus « universelles » n'ont bénéficié ces dernières années d'aucune revalorisation significative.

IV. L'EXÉCUTION 2017 À TRAVERS LES RÉCENTS TRAVAUX DE CONTRÔLE DE LA COMMISSION DES FINANCES

A. UNE ANNÉE 2017 « ATYPIQUE » MAIS SANS ÉVOLUTION NOTABLE DU PÉRIMÈTRE DES INTERVENTIONS DE LA MISSION

Si, au contraire des années antérieures, l'exécution de la mission a été marquée en 2017 par l'influence de revalorisations de plusieurs allocations, le périmètre des interventions en faveur du monde combattant n'a que très modestement évolué.

La loi de finances pour 2017 a apporté quelques modifications au code des pensions militaires et des invalides de guerre (CPMIVG) :

- l'article 53 du projet de loi de finances (article L. 141-19 du CPMIVG a étendu le bénéfice du supplément de pension accordé à certains conjoints ou partenaires survivants d'un ayant droit aux personnes relevant de cet état âgées de moins de 40 ans et ayant au moins un enfant à charge (avec un impact de 130 000 euros en 2017) ;

- l'article 54 a revalorisé l'allocation de reconnaissance versée aux conjoints et ex-conjoints survivants, non remariés, d'anciens membres des formations supplétives (pour un coût de 570 000 euros) ;

- l'article 55 a amélioré les pensions de réversion dues aux ayants cause des militaires tués dans l'exercice de ses fonctions sur le territoire national et de plusieurs catégories d'agents de la sécurité civile décédés en service et cités à l'ordre de l'armée (coût de 100 000 euros).

L'effet de ces mesures peut être considéré comme très modéré.

Il n'en va pas ainsi avec la revalorisation de la retraite du combattant (60 millions d'euros en année pleine) et de l'indexation du point de PMI (22 millions d'euros).

Dans ce contexte, les débats sur la loi de finances pour 2018 ont traduit la volonté du Sénat de donner tout leur écho aux justes revendications du monde combattant.

Votre rapporteur spécial veillera à ce que ce dossier, qui fait l'objet d'une revue des possibles annoncée par la secrétaire d'État chargée des anciens combattants, soit traité avec toute l'attention que mérite le monde combattant.

Il ajoute que l'année budgétaire 2017 doit être appréciée en fonction d'un contexte d'ensemble marqué par des pertes de pouvoir d'achat chronique des deux allocations les plus largement distribuées en faveur du monde combattant. La revalorisation tous les cinq ans de ces allocations ne peut être considérée comme de bonne méthode.

Elle répond à des objectifs financiers que la direction du budget semble souhaiter amplifier 34 ( * ) en remettant en cause les allocations de reconnaissance de la Nation jugées par elle inadaptées aux conditions nouvelles d'exercice de la mission militaire marquées par sa professionnalisation. Ce faisant, elle suppose une dégradation sourde de la considération montrée aux combattants, qui n'est pas davantage acceptable que les projets évoqués.

B. LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ, UNE DÉCEPTION (TRANSITOIRE ?) EN 2017

Le programme 167, qui finance trois actions principales, a connu un recul de 7 % faisant suite à celui de près de 9 % de l'an dernier. Dans la mesure où ce programme ne regroupe que 1,4 % des dotations de la mission, l'économie en valeur demeure modérée (- 2,8 millions d'euros).

Dans ce contexte, les dépenses occasionnées par la « Journée défense et citoyenneté » ont été à peu près stabilisées. On rappelle toutefois que la mission ne regroupe qu'une faible partie des crédits consacrés à ce rendez-vous (celle relative à ses frais de fonctionnement notamment au titre de l'alimentation et du transport) qui se révèlent plus flexibles que les dépenses de personnel.

Celles-ci font l'objet d'un déversement en provenance de la mission « Défense » pour un montant de 105 millions d'euros en 2017 en hausse de 2,6 millions d'euros.

Dans ces conditions, le coût moyen de la JDC s'élèverait à 135,5 euros, pour un coût total de 106,6 millions d'euros.

Comme l'an dernier, s'impose le constat d' une fréquentation de la JDC moindre que prévu (786 515 jeunes contre 810 000 en prévision).

Ce déficit de fréquentation, de 23 500 jeunes, nécessite une élucidation dans la mesure où l'on ne peut que réaffirmer l'objectif d'une vaste fréquentation d'un rendez-vous qui constitue au demeurant une obligation légale.

Votre rapporteur spécial rappelle sur ce point les analyses qu'il avait présentées à la commission des finances à l'occasion de son récent rapport sur la Journée défense et citoyenneté 35 ( * ) :

« Un nombre encore trop important de jeunes n'accomplissent pas leur JDC , avec des taux de non-participation très préoccupants dans certains départements . 1,8 % des jeunes d'une classe d'âge ne se font pas recenser et 4,1 % n'effectuent pas leur JDC, ce qui représente respectivement 14 400 et 32 800 jeunes 36 ( * ) .

Ces taux sont beaucoup plus élevés dans certains départements. Ainsi à Paris, 9,1 % des jeunes ne se font pas recenser, tandis que 12,8 % ne sont pas en règle avec la JDC . Les taux de participation à la JDC sont également significativement plus bas que la moyenne dans les Hauts-de-Seine, en Seine-Saint-Denis, dans les Alpes-Maritimes, ainsi qu'en Guadeloupe, en Guyane, à Wallis-et-Futuna et à Mayotte».

Quant aux indicateurs de performances du programme portant sur la JDC, pour satisfaisants qu'ils apparaissent - ils sont basés sur une enquête de satisfaction sommaire réalisée à la fin de la journée -, ils ne suffisent pas à convaincre tout à fait d'une utilité sociale de la JDC qui doit être améliorée en tenant compte des recommandations de votre rapporteur spécial formulées dans le cadre du rapport précité et auquel il renvoie.

Qu'il lui soit permis d'insister particulièrement sur l'inscription de la JDC dans le « parcours citoyen » dont l'école de la République est chargée et qui mérite toute son attention mais aussi sur l'opportunité qu'offre la JDC pour détecter les difficultés éprouvées par certains jeunes et amorcer des solutions que leur cursus n'a pas permis d'apporter.

Mais, à l'évidence, l'instauration confirmée lors du conseil des ministres du 27 juin 2018, d'un service universel obligatoire d'un mois rend quelque peu rétrospectives certaines de ces recommandations.

C. LES SOUTIENS APPORTÉS À L'INSTITUTION NATIONALE DES INVALIDES, UNE STABILITÉ AVANT UN PLUS FORT ENGAGEMENT ?

La loi de règlement témoigne de la stabilité de la subvention versée par la mission à l'Institution nationale des Invalides (INI). Celle-ci s'est établie à 12,09 millions d'euros, comme en 2015 et 2017.

Cette subvention représente un peu plus d'un tiers des ressources de l'INI qui est par ailleurs attributaire d'une dotation annuelle de financement versée par le ministère de la santé (11,8 millions d'euros) et s'efforce de développer des ressources propres.

L'exécution 2017 prolonge ainsi une dynamique de financement de l'INI qui s'est révélée insoutenable comme l'a exposé votre rapporteur spécial dans son rapport de contrôle sur l'établissement 37 ( * ) .

Le « jeu de rôles » entre le ministère de la défense et le ministère de la santé, qui s'est affranchi des règles d'indexation de sa dotation pourtant prévues par des dispositions légales et réglementaires a abouti à un effet de ciseaux entre des subventions publiques déclinant en euros constants et des charges de fonctionnement progressant en valeur, au point que le bouclage financier de l'INI a reposé sur une ponction du fonds de roulement et sur un décalage des investissements programmés mais non exécutés.

En 2017, la perte atteint 1,5 million d'euros et un nouveau prélèvement est effectué sur la trésorerie.

Cette gestion « au fil de l'eau » présente à l'évidence des limites.

Votre rapporteur spécial a pu rendre compte des progrès réalisés en 2016 pour redonner un horizon à l'INI : l'adoption du schéma d'investissement, l'adoption d'un nouveau projet d'établissement, le maintien de la spécificité de l'institution dans un contexte de plus fort engagement dans l'offre globale de soins.

Ces évolutions favorables demandent encore à être traduites dans les faits. Elles requerront une attitude positive des partenaires mais aussi des moyens financiers et une politique du personnel à la hauteur des enjeux.

Le programme d'investissement comporte des enjeux importants puisqu'il représente au minimum 50 millions d'euros. En l'état des informations de votre rapporteur spécial, il serait financé à hauteur de 10  à 15 millions d'euros par le fonds de roulement, le reste étant pris en charge par une dotation du ministère de la défense.

Votre rapporteur spécial, qui s'interroge sur le principe apparemment adopté d'une exclusivité de la participation des budgets militaires au financement du projet dès lors que la patientèle de l'INI est principalement civile, restera attentif aux prolongements des impulsions données pour rénover l'INI.

D. DE QUELQUES POINTS D'ATTENTION

Votre rapporteur spécial a eu l'occasion d'évoquer le statut réservé aux victimes des attentats terroristes qui frappent la France. Une réflexion est en cours sur ce point afin de vérifier si le statut de victimes civils d'actes de guerre constitue une solution adéquate pour celles-ci et leurs familles. Votre rapporteur spécial restera attentif aux évolutions qui pourraient devoir intervenir. Il entend à ce stade saluer ces victimes et se féliciter des efforts dont il a été le témoin lors de son déplacement à l'Institution nationale des invalides pour leur apporter tous les soins nécessaires.

Il continue à s'interroger sur les délais nécessaires à la conclusion de certaines procédures conditionnant l'ouverture des droits.

Enfin, il appelle l'attention sur la nécessité de renforcer les possibilités d'action de la commission d'indemnisation des victimes de spoliations antisémites au sujet de laquelle une approche étroitement budgétaire ne doit pas conduire à des conclusions hâtives, voire fautives.

1. Certains indicateurs de performances, en voie d'amélioration, témoignent d'une amélioration de la conduite des procédures, mais encore insuffisante

L'an dernier, votre rapporteur spécial s'était inquiété de la longueur des délais nécessaires au traitement des pensions militaires d'invalidité.

Pour un objectif à 300 jours, ce sont 353 qui avaient été nécessaires en moyenne pour traiter les dossiers notifiés .

En 2016, une centaine de jours avaient été gagnés, un délai moyen de 259 jours séparant la notification d'une demande de son traitement. Le délai correspondant atteint même 180 jours pour les blessés les plus graves du fait de leur participation à des opérations extérieures.

L'on s'était réjoui de ces progrès. L'année 2017 n'en engrange pas de supplémentaires. Au contraire, le délai s'allonge d'une journée. La phase médicale paraît poser des problèmes particuliers. Les médecins ne sont pas assez disponibles pour les visites, pour une série de raisons, parmi lesquelles sont évoqués le caractère peu attractif des tarifs, les trous dans la couverture territoriale des praticiens et un déficit de médecins conseils.

Ces motifs recouvrent, pour certains, des situations auxquelles c'est bien plus généralement que notre politique de santé doit apporter des réponses.

Dans ces conditions, il y a tout lieu de penser que la durée de traitement des demandes de pension militaire d'invalidité puisse demander ponctuellement des délais intolérables.

Par ailleurs, tout en faisant ressortir l'amélioration de la gestion des demandes, votre rapporteur spécial ne peut qu'observer que les délais de traitement restent substantiels.

2. Le programme 158, quelles réparations pour les victimes de spoliations ?

Le programme 158 regroupe plusieurs catégories d'interventions publiques en faveur des victimes, et de leurs ayants droits, de crimes perpétrés pendant la seconde guerre mondiale (victimes de spoliations, de déportation et d'actes de barbarie).

Ses crédits prévus à 100,8 millions d'euros par la loi de finances initiale ont été amputés de 4,8 millions d'euros en exécution par décret d'avance, mais aussi par un virement de crédits au profit du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ». Ce virement, pour respecter formellement la loi organique relative aux lois de finances, apparaît beaucoup plus contestable au regard de son esprit. Entre la coordination du travail gouvernemental et l'indemnisation des victimes de persécutions et d'actes de barbarie, il n'y a vraiment rien de commun sinon un rattachement budgétaire dont la contingence est parfaitement illustrée par l'inscription de deux programmes concernés dans deux missions distinctes.

Par ailleurs, compte tenu des charges non payées sur le programme 158, qui dépassent 35 millions d'euros, ce virement apparaît décidément inconséquent.

Dans ces conditions, la consommation des crédits disponibles après annulation a été de 94 millions d'euros.

Votre rapporteur spécial a consacré cette année un rapport particulier de contrôle et d'évaluation de l'action de la commission d'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS).

Insistant sur la signification très relative des consommations de crédits pour apprécier les enjeux des missions financées par le programme, que le dispositif de performance intégré au RAP ne permet aucunement de restituer, il renvoie aux quarante observations principales et aux trente recommandations formulées dans le rapport 38 ( * ) pour mesurer leur hauteur et la nécessité de créer une CIVS mieux armée pour y répondre.

MISSION « CONSEIL ET CONTRÔLE DE L'ÉTAT » - M. DIDIER RAMBAUD, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

Le plafond des crédits de paiements (CP) de la mission « Conseil et contrôle de l'État inscrit dans la programmation triennale 2015-2017 était fixé à 0,51 milliard d'euros 39 ( * ) , hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

De même que le montant prévu en loi de finances pour 2017, le montant des crédits exécutés en 2017 n'a pas dépassé ce plafond, atteignant 0,509 milliard d'euros hors contribution de la mission au CAS « Pensions », laquelle s'élève à 135,46 millions d'euros.

1. Une consommation des crédits en hausse, qui demeure relativement homogène au sein de chaque programme

Le montant total des CP exécutés atteint 644,7 millions d'euros, soit une hausse de 3,2 % par rapport à 2016 40 ( * ) , une évolution supérieure à la hausse prévue en loi de finances qui atteignait 2 %. Cet écart entre l'évolution des crédits prévus et l'évolution des crédits exécutés s'explique par un plus fort taux d'exécution, atteignant 99,3 % , et donc proche de saturer le montant total des CP inscrits en loi de finances pour 2017 .

Même s'il se situe à un niveau maximal depuis 2014, ce taux s'écarte peu des valeurs des années précédentes, toujours au-dessus de 97,5 % . La gestion des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » est en effet sujette à une forte rigidité en raison de la prépondérance des dépenses de titre 2, qui représentent 84,7 % des crédits exécutés .

Évolution de la consommation des crédits de la mission
de 2014 à 2017

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Au sein de chaque programme, la consommation des crédits se situe également à un niveau proche de la saturation du montant autorisé pour 2017, si ce n'est le programme 340 pour lequel 20 % des AE et CP n'ont pas été utilisés.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2017

(en millions d'euros et en %)

Programmes

Crédits exécutés 2016

Crédits prévus en LFI 2017*

Total crédits prévus 2017

Crédits exécutés 2017

Total crédits exécution 2017

Exécution 2017 / exécution 2016

Exécution 2017 / LFI 2017

Écart total exécution / prévision 2017

T2

HT2

T2

HT2

T2

HT2

T2

HT2

T2

HT2

165

AE

313,2

55,4

330,5

81,3

411,8

323,1

77,2

400,3

3,2%

28,3%

-2,2%

-5,1%

-2,8%

CP

313,2

64,5

330,5

64,5

395,0

323,1

64,9

388,0

3,2%

0,7%

-2,2%

0,7%

-1,8%

126

AE

35,3

5,2

34,1

6,1

40,2

35,4

5,8

41,2

0,3%

10,3%

4,0%

-5,7%

2,5%

CP

35,3

5,2

34,1

5,5

39,6

35,4

5,8

41,2

0,3%

10,3%

4,0%

5,4%

4,2%

164

AE

180,4

35,0

188,5

30,8

219,3

187,4

26,4

213,8

3,9%

-32%

-0,6%

-14%

-2,5%

CP

180,4

25,2

188,5

25,6

214,1

187,4

27,7

215,1

3,9%

9,1%

-0,6%

8,4%

0,5%

340

AE

0,3

0,02

0,4

0,1

0,5

0,4

0,0

0,4

3,6%

-363%

-11%

-91%

-20,4%

CP

0,3

0,02

0,4

0,1

0,5

0,4

0,0

0,4

3,6%

-319%

-11%

-90%

-20,3%

Total

AE

529,2

95,5

553,5

118,3

671,8

546,3

109,4

655,7

3,2%

12,7%

-1,3%

-7,5%

-2,4%

CP

529,2

94,9

553,5

95,6

649,1

546,3

98,5

644,7

3,2%

3,6%

-1,3%

3,0%

-0,7%

* Crédits votés en LFI 2017 hors fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'écart entre la consommation et la prévision des crédits de la mission est principalement porté par le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » , pour lequel 7 millions d'euros n'ont pas été consommés, tandis que la consommation des programmes 126 « Conseil économique, social et environnemental » et 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » a légèrement dépassé le montant des crédits inscrits.

2. Une gestion marquée par un abondement global de crédits

Ces « surconsommations » constatées sur les programmes 126 et 164 ont été rendues possibles par plusieurs ouvertures de crédits en cours de gestion sur ces deux programmes. Le programme 165 a également bénéficié de telles ouvertures.

Exécution des crédits de la mission en 2017
par programme

(en millions d'euros et en %)

Programme

Écart entre les crédits consommés / prévus

Écart entre crédits ouverts / crédits prévus

Taux d'exécution consommés / prévus

Taux d'exécution consommés / ouverts

Conseil d'État et autres juridictions administratives (165)

- 6,94

14,68

98,2%

94,7%

Conseil économique, social et environnemental (126)

1,66

1,66

104,2%

100 %

Cour des comptes et autres juridictions financières (164)

1,01

7,93

100,5%

96,9%

Haut Conseil des finances publiques (340)

- 0,09

-0,03

79,7%

85,4%

Total pour la mission

- 4,72

24,24

99,3%

95,75%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La mission a bénéficié d'un solde positif de mouvements de crédits , avec un abondement de 3,7 % du montant des crédits inscrits, portant, in fine , le montant total des crédits ouverts à 673,34 millions d'euros, et leur taux de consommation à 95,75 % .

Si le montant des reports est resté stable par rapport à 2016, l'ouverture de CP réalisée dans la seconde loi de finances rectificative (LFR) est exceptionnellement élevée, contribuant à près de la moitié des abondements intervenus en cours de gestion. 15,4 millions d'euros ont en effet été ouverts pour financer le relogement du tribunal administratif de Marseille. Ces crédits n'ont toutefois pas été utilisés , l'acte de vente des nouveaux locaux ayant été reporté de début décembre 2017 à 2018. Aussi leur report sur l'année 2018 a-t-il été sollicité.

Par ailleurs, les annulations de crédits réalisées par les décrets d'avance de juillet et novembre 2017 sont modérées, de l'ordre de 6,4 millions d'euros , soit la moitié du montant des annulations en 2016. Les deux principaux programmes dérogeant à la règle de mise en réserve des crédits, ces annulations ont été notamment permises par diverses mesures d'économie réalisées au sein des programmes 164 et 165, afin de contribuer au respect de la norme de dépenses de l'État.

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2017

(en millions d'euros)

Programme

Montant inscrit en LFI 2017

Reports entrants

Décrets d'avance

Virement ou transfert

LFR de fin de gestion

Fonds de concours et attributions de produits

Crédits ouverts

Crédits consommés

Conseil d'État et autres juridictions administratives (165)

394,98

3,86

-4,50

0,02

15,08

0,22

409,66

388,05

Conseil économique, social et environnemental (126)

39,56

0,30

-0,30

-0,26

1,93

41,22

41,22

Cour des comptes et autres juridictions financières (164)

214,11

7,19

-1,55

0,01

2,28

222,04

215,12

Haut Conseil des finances publiques (340)

0,45

-0,03

0,42

0,36

Total mission

649,10

11,34

-6,38

0,03

14,82

4,44

673,34

644,74

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

L'exécution des crédits de chaque programme confirme la sincérité de leur budgétisation en LFI pour 2017, à l'exception du programme 340 « Haut Conseil des finances publiques » pour lequel 20 % des crédits inscrits n'ont pas été consommés, même s'il faut noter que l'an passé, ce taux s'élevait à 30 %.

A. LE PROGRAMME 165 « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES »

1. De moindres dépenses de personnel et de fonctionnement

Le programme 165 concentre près des deux tiers des mouvements de crédits réalisés sur la mission 2017 , dont une ouverture de CP de près de 20 millions d'euros. Pour autant, ces abondements en cours de gestion n'ont pas tous été consommés, tels que les 15,4 millions d'euros de CP ouverts dans la seconde LFR pour 2017.

Trois quarts des annulations de CP sur la mission ont porté sur ce même programme, pour un total de 4,5 millions d'euros , rendues possibles par une sous-exécution des dépenses de personnel - 323 millions d'euros réalisés contre 330 millions d'euros prévus - et une maîtrise des dépenses de fonctionnement. La généralisation de l'utilisation de l'application « Télérecours » à tous les avocats et les administrations de l'État a favorisé d'importantes économies sur les frais de justice 41 ( * ) , qui ont baissé de plus d'un million d'euros par rapport à l'enveloppe prévue pour 2017 , laquelle avait déjà été diminuée de 11,4 %par rapport à 2016.

2. Une maîtrise des délais de jugements rendus par les juridictions administratives

Les objectifs du principal indicateur de performance du programme ont globalement été respectés, voire dépassés . Ainsi, la durée moyenne de jugement devant le Conseil d'État en 2017, de 7 mois, est inférieure de deux mois à celle prévue dans le projet annuel de performance pour 2017 et à celle exécutée en 2015. Les délais demeurent maîtrisés du côté des tribunaux administratifs , alors que le nombre d'affaires entrantes a augmenté de plus de 2 % en 2017. Les cours administratives d'appel excèdent très légèrement leur objectif de délai pour 2017 - 11 mois et 3 jours contre 10 mois et 20 jours - mais demeurent au même niveau qu'en 2016, tandis que le nombre d'entrées a faiblement progressé mais se situe à son plus haut niveau.

Cette maîtrise des délais s'accompagne d'une hausse de la productivité des juridictions administratives, dont le ratio du nombre d'affaires jugées par magistrat ou agent de greffe a progressé par rapport à 2016.

3. La Cour nationale du droit d'asile, un bilan satisfaisant pour l'année 2017 mais peu engageant pour 2018

Le bilan de la performance de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) était particulièrement attendu cette année au regard de l'augmentation considérable du nombre d'entrées, de l'ordre de 34 % en 2017, contre 3,4 % en 2016.

Dans ce contexte, les délais moyens de jugement constatés se situent à niveau satisfaisant : avec un délai de 13 semaines pour la procédure accélérée, la réalisation est loin de l'objectif de 6 semaines mais demeure stable par rapport à 2016, tandis que les affaires en procédure ordinaire ont été jugées dans un délai moyen de 6 mois et 17 jours, proche de la cible de 6 mois et inférieur à la réalisation de 2016, mais toujours supérieur à la cible de 5 mois fixée par le législateur 42 ( * ) .

Certes, des moyens supplémentaires ont été accordés à la CNDA, dont la création de deux nouvelles chambres et de 40 emplois en 2017. La Cour des comptes relève cependant une difficulté dans le recrutement des agents de la CNDA 43 ( * ) , causant un report de certains recrutements en 2018 et partant un retard dans l'exécution du schéma d'emplois. Ces retards sont d'autant plus regrettables que les employés de la CNDA continuent de travailler dans un cadre contraint : le nombre d'affaires traitées par rapporteur - 267 en 2017 - demeure proche de celui de 2016 et supérieur à celui de 2015 (respectivement 273 et 241) tandis que le nombre d'affaires rapporté au nombre d'agents de greffe est nettement supérieur à la prévision et à la réalisation de 2016 - 310 contre respectivement 280 et 275.

Dès lors, votre rapporteur spécial partage l'inquiétude du responsable de programme, lequel redoute un risque de prolongation des délais de jugement devant la Cour , malgré la hausse du nombre d'emplois autorisée dans la loi de finances pour 2018.

B. LE PROGRAMME 126 « CONSEIL ÉCONOMIQUE SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL »

1. Des dépenses en légère hausse, compensée par le recours aux attributions de produits

Les crédits ouverts sur le programme 126 ont fait l'objet d'une exécution totale en 2017 , exécution par ailleurs en hausse de 1,7 % par rapport à 2016, alors que la hausse prévue en LFI 2017 s'élevait à 4,4% par rapport au LFI 2016.

Cette hausse est principalement imputable à l'augmentation des dépenses de titre 3 et 5 , de 10,3 % par rapport à 2016. Cette augmentation est notamment issue d'une hausse des dépenses d'investissement liées aux travaux de restauration du Palais d'Iéna et des frais de déplacements des membres du Conseil.

Les attributions de produits réalisées en 2017, d'environ 1,93 millions d'euros , sont en légère baisse par rapport à 2016 (3 millions d'euros), mais demeurent supérieures à la prévision (1,7 millions d'euros). Celles-ci sont issues des recettes de valorisation de Palais d'Iéna , et ont initialement abondé la dotation de titre 2 . Le projet annuel de performance prévoyait pourtant l'ouverture des crédits d'attributions de produits sur les dépenses hors titre 2. Il est pour le moins étonnant que cette programmation n'est pas été respectée, alors que la technique de la fongibilité asymétrique a dû être employée pour affecter ces mêmes attributions de produits sur des dépenses hors titre 2, afin de financer en partie les études de mise en accessibilité du Palais d'Iéna.

Les attributions de produits revêtent une importance accrue pour le Conseil économique social et environnemental (CESE) dans la mesure où, depuis 2018, l'État ne prend plus en charge le financement des opérations d'investissement. Dès lors, la rénovation du Palais d'Iéna devrait être financée par les recettes issues de sa valorisation.

2. Une activité consultative qui retrouve son niveau habituel

L'activité du CESE en 2017 a renoué avec un rythme de production intellectuelle analogue aux années précédentes . 27 avis ont été rendus, dont 7 sur saisine du Gouvernement, contre 15 en 2016, année pour laquelle l'activité consultative avait été ponctuellement plus réduite en raison du renouvellement du Conseil .

La progression de cette activité consultative est fortement liée au recrutement de personnel de catégories A+ et A. Aussi la LFI 2017 prévoyait-elle un schéma d'emploi de + 10 ETPT, devant notamment permettre au Conseil de saturer son plafond d'emplois , fixé à 150 depuis 2016. Toutefois, le schéma a été sous-exécuté, à + 3 ETPT. Dès lors, les dépenses de personnel ont modérément augmenté par rapport à 2016, de 0,3 %.

C. LE PROGRAMME 164 « COUR DES COMPTES ET AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES »

1. Des dépenses de personnel en augmentation, sans pour autant atteindre le plafond d'emplois

Les dépenses de titre 2 ont progressé de 3,9 % par rapport à l'exécution 2016, en raison d'une part croissante de postes de catégorie A+ et A et d'un schéma d'emplois de + 49 ETP . La réalisation d'un tel schéma d'emplois s'inscrit dans le cadre de la lettre plafond et du report de + 50 ETP non réalisés en 2016, après le gel des recrutements décidé à la suite de la réforme territoriale des juridictions financières.

Cependant, malgré sa hausse, le plafond d'emploi réalisé reste inférieur de 4 % à celui prévu en loi de finances pour 2017 (1 840 ETPT). Cet écart se justifie notamment par le besoin des juridictions financières de disposer d'une marge permettant l'éventuelle réintégration des magistrats en position extérieure .

L'augmentation du plafond d'emplois réalisé s'est effectuée en parallèle d'une extension des compétences des juridictions financières, amorcée en 2017 avec le lancement des travaux préparatoires à l'expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales et de missions de contrôle de certains établissements sociaux et médicaux-sociaux . Si la réalisation de ces nouvelles activités devait se faire à moyen constant en 2017, elles devraient requérir une quarantaine de postes supplémentaires dans les années à venir d'après la Cour.

À cet égard, le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, a rappelé devant la commission des finances du Sénat que l'expérimentation de « la certification est un exercice lourd qui pourrait être réservé à un certain niveau de collectivités », sans pour autant en préciser le seuil . 44 ( * )

2. Des résultats globalement satisfaisants en matière de performance

L'indicateur principal du programme 165, portant sur les suites données aux recommandations des juridictions financières , respecte la prévision de la LFI pour 2017 - 75,9 % de recommandations mises en oeuvre, contre 72 % en 2016 et 70 % 2016.

Les indicateurs relatifs à la part contrôlée des comptes tenus par les comptables publics par la Cour des comptes et aux effets sur les comptes des travaux de certification sont en diminution « apparente » par rapport à 2016. En effet, pour le premier, la performance réalisée en 2016 avait atteint un niveau record en raison du volume financier exceptionnellement élevé de l'une des entités contrôlées. Aussi la part des comptes contrôlés en 2017 se situe à un niveau proche des autres années - 13,5 % en 2017 contre 16 % en 2015.

Le second indicateur mesure quant à lui le taux de corrections réalisées sur les corrections demandées , constitué par la moyenne des taux mesurés pour la certification des comptes de l'État et pour la certification des comptes du régime général de la sécurité sociale. Depuis 2015, ce taux diminue et la performance réalisée peut ainsi être interprétée de façon négative.

Or, cette diminution du taux traduit une situation positive : sous l'effet de long terme des travaux de certification, la fiabilisation des comptes de l'État conduit à diminuer le volume financier des corrections demandées par la Cour . En revanche, cette meilleure prise en compte des corrections dans les comptes de l'État a eu pour effet de mettre en évidence la situation des comptes des régimes sociaux, dont le volume financier de corrections demandées demeure élevé , et pondère ainsi à la baisse l'indicateur.

Afin d'éviter une interprétation erronée dans la lecture cet indicateur , son calcul a été révisé dans le projet annuel de performance pour 2018 , comme l'avait constaté votre rapporteur spécial à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2018 45 ( * ) . Ainsi, l'indicateur ne prend plus en compte les montants financiers des corrections réalisées et demandées par la Cour, mais le nombre de constats d'audit formulés lors des travaux de certification . Si la démonstration de la performance à travers ce nouveau mode de calcul n'est peut-être pas tout à fait évidente, la lecture de l'évolution de l'indicateur se fait désormais sans ambigüité et l'impact des travaux de certification de la Cour paraît positif : 135 constats étaient réalisés en 2016 contre 123 en 2017.

D. LE PROGRAMME 340 « HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES »

1. Un taux de consommation des crédits en nette amélioration

Inférieur à 70 % en 2016, le taux de consommation des crédits inscrits au programme 340 atteint près de 80 % en 2017 et 85 % des crédits ouverts. Cette progression s'explique notamment par une plus faible dotation du titre 3 - 50 000 euros en 2017, contre 150 000 euros en 2016 mais il faut souligner que le taux d'exécution des dépenses de fonctionnement demeure très faible - 10 % en 2017.

2. Le maintien du programme en question

La pertinence de l'existence de ce programme est interrogée compte tenu du faible montant de ses crédits et l'absence de réelle mesure de la performance . Le Gouvernement et la Cour des comptes partagent cette observation réitérée, mais toute modification portant sur l'existence du programme 340 ne pourra être réalisée qu'à travers une loi organique .

MISSION « CULTURE » - MM. VINCENT ÉBLÉ ET JULIEN BARGETON, RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

L'exécution des crédits de la mission « Culture » a été conforme à la budgétisation votée en loi de finances initiale pour 2017 . Les dépenses de la mission s'élèvent ainsi pour l'année 2017 à environ 2,9 milliards d'euros, avec un taux d'exécution de 95,8 % en autorisations d'engagement et 97,5 % en crédits de paiement.

Évolution du taux d'exécution des crédits de la mission « Culture »

(en %)

Note de lecture : le taux d'exécution est calculé par référence aux crédits ouverts en loi de finances initiale, y compris fonds de concours et attributions de produits, et non aux crédits disponibles (qui incluent également les reports de crédits et les mouvements réglementaires intervenus en cours d'exercice).

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La part la plus importante des crédits de la mission, 41,7 % des crédits de paiement, est portée par le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » qui regroupe les politiques transversales et les fonctions de soutien du ministère de la culture, et en particulier l'ensemble des crédits de titre 2 du ministère. Les programmes « Patrimoines » et « Création », qui correspondent aux deux grandes politiques thématiques de la mission, représentent respectivement 30,8 % et 27,5 % des crédits de paiement.

Exécution des crédits de la mission
par programme en 2017

(en millions d'euros et en %)

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Évolution entre l'exéc. 2017 et l'exéc. 2016

Évolution entre l'exéc. 2017 et la LFI 2017

Total

Dont T2

Total

Dont T2

Total

Dont T2

Total

Dont T2

Total

Dont T2

Total

Dont T2

Total

Dont T2

Patrimoines

AE

874,8

970,1

931,5

6,5%

56,6

0,0

-4,0%

-38,6

0,0

CP

858,8

907,1

877,7

2,2%

18,9

0,0

-3,2%

-29,4

0,0

Création

AE

743,2

797,2

780,5

5,0%

37,3

0,0

-2,1%

-16,7

0,0

CP

748,6

779,0

784,2

4,8%

35,7

0,0

0,7%

5,2

0,0

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

AE

1 111,9

668,7

1 267,0

696,7

1 196,0

696,8

7,6%

4,2%

84,2

28,0

-5,6%

0,0%

-70,9

0,1

CP

1 133,3

668,7

1 236,1

696,7

1 187,2

696,8

4,8%

4,2%

53,9

28,0

-4,0%

0,0%

-48,9

0,1

Total

AE

2 729,9

668,7

3 034,3

696,7

2 908,0

696,8

6,5%

4,2%

178,1

28,0

-4,2%

0,0%

-126,3

0,1

CP

2 740,6

668,7

2 922,2

696,7

2 849,1

696,8

4,0%

4,2%

108,5

28,0

-2,5%

0,0%

-73,1

0,1

Source : commission des finances du sénat (d'après les documents budgétaires)

L'exécution par programme montre une relative homogénéité , tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, puisque le taux d'exécution se situe pour chaque programme entre 94 et 98 %. On peut cependant constater une légère surconsommation des crédits de paiement du programme « Création » , dont le taux d'exécution atteint 100,7 %.

Taux d'exécution des crédits de la mission « Culture »
par programme

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette surconsommation des crédits de paiement du programme « Création » s'explique en particulier par l' abondement, en fin de gestion, du fonds géré par le Centre national des variétés en faveur des entreprises du spectacle vivant, afin de les aider à surmonter les difficultés rencontrées à la suite des attentats de l'année 2015 ( cf. infra ).

Outre les crédits des trois programmes, 22 dépenses fiscales sont rattachées à la mission « Culture », pour un montant total exécuté de 293 millions d'euros , quasiment équivalent au chiffrage de la loi de finances initiale, qui évaluait le coût de ces dispositifs à 294 millions d'euros.

La diminution pour la seconde année consécutive du montant total des dépenses fiscales de la mission « Culture » s'explique par deux paramètres :

- les dépenses fiscales auparavant rattachées au programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » ont été transférées vers la mission « Médias, livre et industries culturelles » en 2016 ;

- la réduction d'impôt sur les sociétés pour les entreprises ayant effectué des versements en faveur de l'achat de Trésors nationaux et autres biens culturels spécifiques, rattachée au programme « Patrimoines », est une dépense fiscale dont le montant peut fortement varier d'une année à l'autre.

Évolution du montant des dépenses fiscales
de la mission « Culture »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La mission se caractérise par ailleurs par un nombre important d'opérateurs rattachés. Ceux-ci sont rattachés à chacun des programmes de la mission : les musées au programme « Patrimoines », les théâtres et salles de spectacles au programme « Création » ou encore les écoles d'enseignement supérieur culture au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Ces 74 opérateurs représentent au total 827 millions d'euros de subventions pour charges de service public et le montant total des crédits versés aux opérateurs en 2017 s'est élevé à 1 118,46 millions d'euros, toutes catégories comprises. On constate cette année une moindre augmentation du montant de ces crédits en comparaison avec les années précédentes. Ces opérateurs sont soumis aux mêmes règles de régulation budgétaire que les gestionnaires du ministère de la culture, puisque la mise en réserve des crédits était également de 8 % en 2017.

Évolution des crédits versés aux opérateurs de la mission « Culture »
de 2015 à 2017 (exécution)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'un d'eux, le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), bénéficie d'une taxe affectée , dont le plafond a été relevé de 30 à 50 millions d'euros par la loi de finances rectificative pour 2016. Le rendement de la taxe est évalué à 34 millions d'euros pour l'année 2017. Le montant exact exécuté n'est à ce jour pas connu.

L'analyse des crédits par nature de dépense montre que les dépenses de fonctionnement de la mission, hors subventions pour charges de service public, s'élèvent à 145,9 millions d'euros, supérieures de plus de 25 millions d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale. La Cour des comptes note que cette sous-budgétisation est constante depuis 2013 , même si elle avait été limitée en 2015, et que le ministère de la culture doit ainsi « veiller à poursuivre une politique volontariste d'économies sur les dépenses de fonctionnement (hors subventions pour charges de service public) et ajuster prévision et exécution des dépenses » .

Les crédits de titre 2 sont intégralement inscrits sur le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » qui regroupe l'ensemble des dépenses de personnel du ministère de la culture, à l'exception des emplois pris directement en charge par deux opérateurs que sont le Musée du Louvre, rattaché au programme « Patrimoines », et la Bibliothèque nationale de France, rattachée au programme « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Les crédits correspondants sont donc inclus dans la subvention pour charges de service public versée à ces deux opérateurs, et relèvent donc du titre 3. Le ministère de la culture envisage l'extension de ce dispositif de gestion directe des emplois par les opérateurs à de nouveaux établissements, dont le Musée d'Orsay, le Château de Versailles et le Centre des monuments nationaux, ce qui a entraîné le mardi 19 juin 2018 un mouvement de grève des personnels concernés.

Le plafond d'emploi du ministère de la culture a été respecté en 2017. Il était fixé par la loi de finances initiale à 11 189 ETPT, le plafond exécuté s'élève quant à lui à 10 924 ETPT.

Le ministère de la culture est confronté dans l'exécution de son plafond d'emplois à la difficulté de pourvoir l'ensemble des vacances de poste . Ce constat rejoint les observations déjà formulées par vos rapporteurs spéciaux quant à l' attractivité des emplois du ministère de la culture , en administration centrale mais également dans les administrations déconcentrées où le régime indemnitaire est moins avantageux que celui de la plupart des autres ministères.

L'ensemble des programmes de la mission a connu des annulations de crédits , rendues possibles en particulier par la sous-consommation des crédits du fonpeps inscrits au programme 224 ( cf. infra ). Le programme « Création », qui bénéficiait auparavant du dégel intégral des crédits mis en réserve en début d'exercice, a également connu cette année une annulation d'environ 10 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

L'exercice 2017 se caractérise, en comparaison avec l'année précédente, par de moindres aléas de gestion , l'année 2016 ayant été marquée par les conséquences des attentats pour les établissements culturels mais également par les crues du printemps qui avaient touché certains d'entre eux.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Le retour à un niveau de fréquentation normal des établissements culturels

La fréquentation des établissements culturels en 2017 s'établit à nouveau à un niveau normal, quasiment équivalent à celui de l'année 2014 . 42,8 millions de visiteurs ont ainsi été comptabilisés, conformément à l'objectif de fréquentation fixé par le projet annuel de performances 2017, au-delà du seuil de 40 millions de visiteurs.

Les années 2015 et 2016 avait été marquées par les conséquences des attentats, en particulier ceux du 13 novembre, mais également par les crues importantes qui avaient conduit certains établissements culturels parisiens à restreindre l'accès du public, en particulier pour mettre à l'abri des oeuvres stockées en réserves et menacées par la montée des eaux. La fréquentation ne s'était alors élevée qu'à 38,3 millions de visiteurs, entraînant une perte de ressources pour les musées.

L'augmentation de la fréquentation est également notable chez les publics jeunes , à la fois dans la catégorie des moins de 18 ans qui inclut les scolaires et dans la catégorie des jeunes de 18 à 25 ans.

Évolution de la fréquentation physique payante et gratuite
des institutions patrimoniales et architecturales
(indicateur 2.2 du programme « Patrimoines »)

(en millions de visiteurs)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Les salles de spectacles avaient été également durement touchées par ces attentats. Leur fréquentation avait sensiblement diminué et les exigences de sécurisation de ces lieux avaient nécessité une aide de l'État.

Le fonds d'intervention pour la sécurité et le risque économique lié à des évènements imprévisibles des structures du spectacle vivant , créé par la loi de finances rectificative pour 2015 et géré par le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), a ainsi pu bénéficier en fin d'exercice de 7,52 millions d'euros de dotation complémentaire . Ces crédits ont permis, comme l'annonçait le ministère de la culture à l'automne 2017 à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, de financer un ensemble de projets de sécurisation qui avaient été déposés auprès de la commission chargée de répartir les crédits de ce fonds. 280 dossiers ont ainsi été soutenus par le fonds en 2017. Le rapport annuel de performances indique que la dotation complémentaire a été financée par une levée partielle des crédits mis en réserve au programme.

2. L'exécution confirme la budgétisation en hausse pour la deuxième année consécutive

Vos rapporteurs spéciaux se félicitent que l'exécution du budget de la mission « Culture » confirme l'effort consacré dans la loi de finances initiale pour la deuxième année consécutive en faveur des politiques culturelles, après plusieurs années de nette diminution des crédits de la mission.

L'ensemble des programmes est concerné par cette budgétisation 2017 à la hausse.

Cette budgétisation a ainsi permis de maintenir le niveau des crédits consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques, qui constituent une part importante des crédits du programme « Patrimoines ». Ces crédits permettent non seulement de réaliser des travaux sur les monuments historiques dont l'État est propriétaire, mais ils viennent également, par un effet de levier, participer à l'entretien et la restauration de monuments dont les collectivités locales ou des personnes privées sont propriétaires.

Évolution du montant des crédits de paiement de la mission « Culture »
par programme entre l'exécution 2016 et l'exécution 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le Gouvernement avait donné, dans le budget 2017, la priorité à la création , avec une augmentation des moyens consacrés à ce pan de la politique culturelle de plus de 30 millions d'euros par rapport au budget 2016. Le taux d'exécution élevé , tant pour les autorisations d'engagement que pour les crédits de paiement du programme, montre que cette priorité s'est confirmée dans l'exécution budgétaire.

La réduction des inégalités territoriales dans l'accès à la culture et l'éducation artistique et culturelle (EAC) constituaient des priorités fortes de la mission « Culture » , que le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » porte, notamment grâce au renforcement des moyens consacrés à l'EAC. Un effort budgétaire important avait été réalisé en 2016, il a été maintenu et renforcé dans le budget 2017 et confirmé par l'exécution 2017.

Cette priorité donnée à l'éducation artistique et culturelle se traduit par davantage d'actions éducatives menées à l'attention des jeunes en âge scolaire , ce que confirme l'évolution des résultats de l'indicateur 2.1 du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui mesure la proportion de jeunes scolaires ayant eu accès à des telles actions. Le Gouvernement a par ailleurs fixé dans la loi de finances pour 2018 un objectif ambitieux de 100 % de jeunes pour cet indicateur à l'horizon 2020. Cependant, vos rapporteurs spéciaux avaient souligné le biais méthodologique de cet indicateur qui peut comptabiliser plusieurs fois un même enfant qui aurait bénéficié de plusieurs actions éducatives.

Évolution du montant des crédits de l'action n° 2
« Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle »
du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »
comparée à l'évolution de l'indicateur 2.1 « Part des enfants et adolescents
ayant bénéficié d'une action d'EAC » (2014 à 2017)

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

3. L'incertaine soutenabilité du vaste programme immobilier du ministère de la culture et de ses opérateurs

Le constat a été formulé à plusieurs reprises, tant par la Cour des comptes dans ses notes d'exécution que par vos rapporteurs spéciaux, mais il convient de le souligner à nouveau à l'occasion de l'examen du présent projet de loi de règlement : la soutenabilité de la mission « Culture » apparaît incertaine au regard de l' important programme immobilier entrepris par le ministère de la culture et ses différents opérateurs. Il se traduit, après une diminution sensible au cours des derniers exercices budgétaires, par une nouvelle hausse des dépenses d'investissement de titre 5. La hausse constatée peut également être observée dans les dépenses de titre 7, les dépenses d'opérations financières, qui correspondent au financement des investissements des opérateurs de la mission.

La Cour des comptes souligne donc que « avec le retour programmé d'opérations d'investissement, le montant des restes à payer connaît une hausse sensible en 2017 et devrait continuer à augmenter dans un proche avenir (en particulier sur le programme 175) » .

Le programme immobilier du ministère de la culture
et de ses opérateurs

1) Les grands chantiers

Le coût du projet de restauration et d'aménagement du Grand Palais est évalué à 488 millions d'euros, dont 128 millions d'euros de subventions du ministère de la culture.

La réalisation de la cité du Théâtre aux ateliers Berthier, qui réunira la Comédie française, le Théâtre de l'Odéon et le Conservatoire national supérieur d'art dramatique sur un même site, représente un coût de 86 millions d'euros pour le ministère de la culture.

Le projet Bastille , qui consiste à rassembler des fonctions logistiques de l'Opéra sur le site de Bastille et à aménager une salle modulable, est évalué à 59 millions d'euros.

Le coût de la relocalisation du Centre national des arts plastiques à Pantin restant encore à la charge du ministère de la culture est évalué à 43,45 millions d'euros , sur les 56,9 millions d'euros de coût global pour le ministère.

2) Les schémas directeurs des opérateurs

Plusieurs établissements publics sont dotés de schémas directeurs de rénovation ou de réhabilitation : le château de Fontainebleau (environ 60 millions d'euros restant à mobiliser sur les 88 millions d'euros de coût global), Versailles ( 80 millions d'euros restant sur les 192 millions d'euros de coût du projet) ou encore la Bibliothèque nationale de France pour le site du Quadrilatère Richelieu ( 168 millions d'euros environ sur les 233 millions d'euros de coût global).

Par ailleurs, des travaux seront à réaliser pour la rénovation du Centre Pompidou , pour un montant estimé de 150 millions d'euros , sans que ceux-ci soient programmés compte tenu du coût.

Les chantiers en cours appellent, compte tenu de leur ampleur et de leur coût financier, à une vigilance particulière . En particulier, la restauration du Grand Palais représente à elle seule un poids important pour la soutenabilité de la mission et implique une maîtrise des dépenses d'investissement et une modération dans l'engagement de nouveaux projets d'envergure au ministère de la culture.

4. L'insuffisante montée en puissance du Fonpeps en 2017

L'exécution 2017 des crédits de la mission « Culture » a mis en évidence la difficulté de mise en oeuvre du fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle , le Fonpeps . Dès la discussion budgétaire de l'automne dernier, vos rapporteurs spéciaux avaient souligné le retard pris dans la signature des décrets mettant en oeuvre les dispositions en faveur de l'emploi dans le domaine du spectacle, qui se manifestait par une consommation des autorisations d'engagement et des crédits de paiement nettement inférieure aux prévisions de la loi de finances pour 2017.

Les données d'exécution confirment ce constat puisque seulement 10 millions d'euros ont été engagés sur les 90 millions d'euros d'autorisations d'engagement inscrites en loi de finances. Le montant est identique en crédits de paiement, alors que 55 millions avaient été prévus initialement.

Cette très nette sous-consommation a conduit à un recalibrage du dispositif en loi de finances pour 2018. L'action 8 du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » n'a été dotée que de 25 millions d'euros en crédits de paiement. Le redimensionnement du dispositif conduit à s'interroger, au-delà du retard pris dans la signature des décrets de mise en oeuvre, sur l'adaptation des mesures envisagées aux besoins du secteur . Vos rapporteurs spéciaux s'attacheront à vérifier la montée en puissance effective du Fonpeps dans la budgétisation 2019.

5. La situation financière fragile de l'INRAP

Les difficultés persistantes de trésorerie de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) appellent à une vigilance particulière quant à l'achèvement des réformes structurelles en cours. La Cour des comptes observe ainsi que la situation financière de l'INRAP reste préoccupante .

L'institut bénéficie depuis 2016 d'une dotation budgétaire en lieu et place de l'affectation de la redevance d'archéologie préventive (RAP), qui a été entièrement reversée au budget général de l'État.

Si l'intervention du ministère de la culture n'a pas été nécessaire au cours de l'année 2017 pour combler les difficultés de trésorerie de l'INRAP, l'institut a en revanche bénéficié cette année de 12 millions d'euros au titre du crédit d'impôt recherche (CIR).

MISSION « DÉFENSE » - M. DOMINIQUE DE LEGGE, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

En 2017, contribution au CAS (compte d'affectation spéciale) « Pensions » comprise, les dépenses de la mission « Défense » se sont élevées à 43,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 42,3 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit un taux de consommation s'élevant à 102,1 % en AE et 102,3 % en CP.

Entre 2016 et 2017, les dépenses ont augmenté de 1,6 milliard d'euros en AE et de 1,1 milliard d'euros en CP . Cette hausse est principalement portée par les programmes 212 « Soutien de la politique de défense » , à hauteur de 516 millions d'euros en AE et 680 millions d'euros en CP, et 146 « Équipement des forces » , à hauteur de 1,8 milliard d'euros en AE et 171 millions d'euros en CP.

Évolution des dépenses de la mission « Défense »
en autorisations d'engagement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses de la mission « Défense »
en crédits de paiement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'augmentation des AE entre 2016 et 2017 résulte pour l'essentiel d'une hausse des dépenses de titre 5 (investissement), à hauteur de 1,7 milliard d'euros , et de titre 2 (personnel), à hauteur de 594 millions d'euros . Les dépenses de fonctionnement diminuent quant à elles de 613 millions d'euros par rapport à l'exécution 2016.

Évolution des dépenses en autorisations d'engagement par titre

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En CP, la hausse constatée en 2016 et 2017 est imputable à une augmentation des dépenses de personnel (+ 597 millions d'euros) et d'investissement (+ 556 millions d'euros).

Évolution des dépenses en crédits de paiement par titre

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Au total, si la consommation de CP a été supérieure de 933 millions d'euros aux prévisions, elle est proche du montant de crédits ouverts in fine , 78,7 millions d'euros n'ayant finalement pas été dépensés.

Mouvements de crédits intervenus en gestion
pendant l'exercice 2017

(en CP, en millions d'euros)

Prog.

LFI 2017 (y.c FDC et ADP)*

LFI 2017 (hors FDC et ADP)

Virement ou transfert

Décrets d'avance

Décrets d'annulation

Reports entrants

Fonds de concours et attributions de produits

LFR de fin de gestion

Ouvertures / annulations

Crédits ouverts

Exécution 2017

144

1 336,0

1 336,0

33,9

0,0

- 0,2

0,0

0,5

0,0

34,2

1 370,2

1 370,2

178

7 653,4

7 297,0

10,7

712,9

0,0

39,1

410,3

75,0

1 247,9

8 544,9

8 537,3

212

22 210,5

21 906,7

28,8

168,1

0,0

0,5

310,8

0,0

508,3

22 415,0

22 346,0

146

10 124,7

10 051,4

- 35,6

- 850,0

0,0

690,5

150,3

0,0

- 44,8

10 006,6

10 004,5

Total

41 324,6

40 591,0

37,8

31,0

- 0,2

730,1

872,0

75,0

1 745,7

42 336,7

42 258,0

* Fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le montant des restes à payer de la mission « Défense » au 31 décembre 2017 s'élevait, selon le compte général de l'État, à 52,1 milliards d'euros , soit une augmentation de 3,4 % par rapport à 2016. Comme le note la Cour des comptes dans son analyse de l'exécution budgétaire 2017 de la mission « Défense », « l'annulation des 850 millions d'euros de CP, sans annulation d'AE associés, contribuera à augmenter ces restes à payer . En effet, l'intégralité des AE ouvertes ont bien été soit engagées soit affectées, malgré les reports d'engagements de certains programmes qui ont été nécessaires en raison de l'annulation de CP ». Par ailleurs, ce montant devrait mécaniquement croître du fait de l'augmentation des investissements prévue par nouvelle loi de programmation militaire. Votre rapporteur spécial ne peut, par conséquent, une nouvelle fois, que se féliciter du revirement opéré par le Gouvernement, qui a prévu dans le projet de loi de programmation militaire 2019-2025 46 ( * ) que l'article 17 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 47 ( * ) , qui plafonne le montant des restes à payer de l'État à son niveau de 2017, ne s'applique pas au ministère des armées .

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une gestion 2017 marquée par l'annulation de 850 millions d'euros à l'été qui a pesé sur le calendrier de commandes et de livraisons d'équipements

Évolution du montant de la réserve de précaution

(en AE, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution du montant de la réserve de précaution

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La réserve initiale s'est élevée à 1,88 milliard d'euros en AE et 1,75 milliard d'euros en CP.

Un « surgel » a ensuite été appliqué à hauteur de 584 millions d'euros en AE et 1,1 milliard d'euros en CP, dont 194,8 millions d'euros en AE et en 713,6 millions d'euros CP étaient des crédits de 2016 reportés en 2017 .

Sur ces montants de crédits mis en réserve, 1,66 milliard d'euros en AE et 1,2 milliard d'euros en CP ont été dégelés en cours d'exercice. Par ailleurs, le décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance a annulé 850 millions d'euros de crédits gelés en CP sur le programme 146 « Équipements des forces ».

Le reliquat des crédits hors titre 2 mis en réserve de précaution (700 millions d'euros en AE et en CP) a ensuite été dégelé le 26 décembre 2017 .

Par ailleurs, pour la deuxième année consécutive, un mouvement de fongibilité asymétrique a été opéré le 28 décembre 2017 à hauteur de 11,5 millions d'euros au profit d'opérations d'infrastructures (rénovation du système électrique de la base navale de Brest et maintenance lourde d'infrastructure générale) et le paiement de factures relatives à des prestations d'entretien des bâtiments au profit des PME-PMI (plomberie, peinture, électricité, etc.).

Votre rapporteur spécial prend acte du dégel de l'intégralité des crédits mis en réserve, ainsi qu'il l'avait appelé de ses voeux lors de l'examen en commission des crédits de la mission « Défense » pour 2018, alors que cette décision n'était pas encore actée .

Il regrette cependant l'annulation de 850 millions d'euros en CP intervenue sur le programme 146 . Certes, celle-ci ne s'est pas traduite par des annulations pures et simples de programmes d'armement, mais elle a eu des conséquences sur le calendrier de paiement et de livraisons de certains d'entre eux.

Ainsi qu'il est indiqué dans le rapport annuel de performances pour 2017, cette annulation s'est traduite par « une réduction des paiements en 2017 (500 millions d'euros) et en 2018 (350 millions d'euros), répartis dans l'objectif de minimiser les conséquences immédiates sur les opérations d'armement ».

S'agissant de l'année 2017, « la réduction des paiements 2017 a correspondu, pour 230 millions d'euros, à de moindres versements sur les trésoreries de l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAR) et de la NATO helicopter management agency (NAHEMA) ».

Par ailleurs, « des décalages d'engagements réduisant les paiements 2017 et 2018 et des renégociations de certains contrats en cours » ont été opérés, qui « ne sont pas sans conséquence sur la conduite des opérations d'armement concernées » .

Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017 de la mission « Défense », la Cour des comptes estime cependant que si l'effet de cette mesure est « différé », il n'en est pas moins « significatif » . Elle rappelle que les annulations de CP ont un effet multiplicateur sur les reports de commandes . Ainsi, pour « obtenir 30 millions d'euros de réduction du besoin de réduction du besoin de CP en 2017, il a été nécessaire de reporter 305 millions d'euros de commande ». Au total, selon la Cour des comptes, « tous les moyens utilisés pour réduire le besoin de paiement à hauteur des 850 millions de CP annulés conduisent donc à des impacts physiques de réduction des équipements livrés aux forces, même si ces effets sont plus ou moins différés dans le temps en fonction des leviers mobilisés ».

2. Un surcoût lié aux opérations extérieures et aux missions intérieures record s'élevant à plus d'1,5 milliard d'euros

La loi de finances pour 2017 avait inscrit un niveau de crédits au titre du surcoût des opérations extérieures (Opex) s'élevant à 450 millions d'euros, conformément au niveau de provision prévu dans la loi de programmation militaire pour les années 2014-2019 48 ( * ) , qui n'a pas été modifié malgré son dépassement systématique. Elle prévoyait en outre un niveau de dépenses au titre du surcoût lié aux missions intérieures (Missint) s'élevant à 41 millions d'euros.

Comme cela était prévisible, compte tenu du niveau de consommation des années antérieures, cette provision totale de 491 millions d'euros a été significativement dépassée, la dépense au titre des Opex et des Missint s'élevant in fine à un niveau record de 1,542 milliard d'euros .

L'écart à la prévision, de plus d'un milliard d'euros, correspond également à un niveau jamais atteint au cours des dernières années .

Évolution des surcoûts Opex et Missint

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données de la direction du budget

Lors de son audition par votre commission des finances 49 ( * ) , la ministre des armées, Florence Parly, a précisé que le montant du surcoût Opex-Missint restant à la charge des armées s'est élevé à 228 millions d'euros .

Exécution 2017 au format LPM*

(en millions d'euros)

* Crédits de paiement de la mission « Défense » hors contribution au CAS « Pensions » et y compris recettes issues de cessions

Source : ministère des armées

Si ce niveau correspond globalement à la part de la mission « Défense » dans le budget de l'État hors pensions (environ 15 %), cela n'a pas toujours été le cas. Dans sa note sur l'exécution 2016 des crédits de la mission « Défense », la Cour des comptes rappelait ainsi qu'« en calculant le taux réel de couverture des surcoûts Opex et Missint par la solidarité interministérielle, en y intégrant les annulations de fin de gestion, il s'avère que la " solidarité " interministérielle est de moins en moins réelle : in fine , ce sont seulement 6 % des dépenses en 2015 et 8 % en 2016 qui ont été supportées par les crédits des autres ministères ».

Votre rapporteur spécial considère par conséquent que la hausse progressive de la provision Opex et Missint prévue dans le projet de loi de programmation militaire, qui passera de 650 millions d'euros en 2018 à 850 millions en 2019 puis à 1,1 milliard d'euros à compter de 2020 - qui répond à une demande constante de votre commission des finances - va dans le bon sens . Compte tenu des niveaux constatés au cours des dernières années, et sauf réduction significative des engagements français à l'étranger et sur le territoire national, cette hausse ne devrait cependant pas permettre de couvrir l'intégralité des surcoûts. Il conviendra par conséquent que la clause de sauvegarde prévue à l'article 4 du projet de loi de programmation militaire, permettant un financement interministériel de ceux-ci, soit effectivement activée .

3. Une exécution du schéma d'emplois supérieure aux prévisions mais qui ne permet pas de compenser le déficit constaté en 2016

La loi de finances initiale prévoyait la création de 464 postes en 2017 . Ces effectifs supplémentaires devaient favoriser la montée en puissance des unités opérationnelles et de leurs soutiens, de la cyber-défense et du renseignement.

Schéma d'emplois 2017

(en ETP)

Catégorie d'emplois

Sorties

dont départs en retraite

Entrées

dont primo recrutements

Schéma d'emplois

Schéma d'emplois

Réalisation

Prévision PAP

Catégorie A (personnels civils titulaires et non titulaires)

968

229

1 559

979

591

428

Catégorie B (personnels civils titulaires et non titulaires)

1 066

299

1 394

711

328

184

Catégorie C (personnels civils titulaires et non titulaires)

2 115

441

2 295

1 455

180

- 137

Ouvriers de l'État

1 834

903

896

420

- 938

- 722

Officiers

2 158

659

2 509

1 246

351

399

Sous-officiers

8 567

2 780

8 785

3 969

218

4

Militaires du rang

17 492

1 944

17 337

15 509

- 155

304

Volontaires

1 916

2 101

1 822

185

4

Total

36 116

7 255

36 876

26 111

760

464

Source : rapport annuel de performances pour 2017

En gestion, le ministère des armées a par ailleurs obtenu l'autorisation de recruter 707 ETP au-delà de la prévision inscrite en loi de finances, soit 1 171 ETP, afin de compenser le déficit constaté en 2016 .

Au total, 760 postes ont été créés sur le périmètre de la mission « Défense », soit un écart de + 296 équivalents temps plein (ETP) par rapport à la prévision inscrite en loi de finances, mais un déficit de 411 ETP par rapport à l'objectif actualisé . Cet écart devrait faire l'objet d'un rattrapage en gestion 2018.

4. Des dépenses de personnel en hausse de près de 600 millions d'euros sous l'effet de l'augmentation des effectifs et des mesures générales et catégorielles

Contribution au CAS « Pensions » incluse, les dépenses de personnel (titre 2) se sont élevées à 20,1 milliards d'euros en 2017 , contre 19,5 milliards d'euros en 2016 (+ 597 millions d'euros), soit un niveau de consommation proche de la prévision inscrite en loi de finances (20 milliards d'euros).

Hors CAS « Pensions », les dépenses de titre 2 ont progressé de 308,4 millions d'euros, passant de 11,7 milliards d'euros en 2016 à plus de 12 milliards d'euros en 2017 .

Facteurs d'évolution des dépenses de personnel
hors contribution au CAS « Pensions »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Parmi les facteurs expliquant cette hausse, peuvent notamment être relevés :

- le coût des mesures catégorielles , à hauteur de 242 millions d'euros , du fait de la mise en oeuvre du « plan d'amélioration de la condition du personnel » (cf. encadré ci-après) et du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) ;

Le plan d'amélioration de la condition du personnel

Dans le cadre du plan d'amélioration de la condition du personnel (PACP) lancé dans le prolongement des annonces du Président de la République lors de ses voeux aux armées présentés le 14 janvier 2016, différentes mesures financières ont été décidées afin de prendre en compte la forte mobilisation des armées tant à l'extérieur que sur le territoire national .

En premier lieu, une indemnité d'absence cumulée (IAC) a été créée. Celle-ci est versée dès lors que le militaire est absent de son domicile personnel plus de 150 jours par an . Son montant est progressif et varie en fonction de la durée d'absence. Son coût s'est élevé à 14,7 millions d'euros en 2017.

Par ailleurs, afin de prendre en compte les difficultés rencontrées par les personnels pour prendre l'ensemble des sept jours de permissions complémentaires planifiées (PCP), il leur est versé une indemnité correspondant à la monétisation de deux jours de PCP sous la forme d'une indemnité pour temps d'activité d'obligations professionnelles complémentaires (ITAOPC). Le coût de cette mesure s'est élevé à 32,8 millions d'euros en 2017 .

Enfin, le bénéfice de l' indemnité pour sujétion d'alerte opérationnelle (AOPER), qui avait déjà été étendu en 2015 au profit des personnels mobilisés dans le cadre de l'opération Sentinelle a été ouvert aux militaires exerçant des missions internes de sécurité et protection. Son montant a en outre été doublé, passant de 5 euros à 10 euros par jour . 8,2 millions d'euros ont été dépensés à ce titre en 2017 .

- la mise en oeuvre de mesures générales , pour un montant de 83,2 millions d'euros, dont 83 millions d'euros au titre de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique au 1 er février 2017 ;

- l'exécution du schéma d'emplois , pour un montant de 56 millions d'euros ;

- le glissement vieillesse technicité (GVT) solde, pour un montant de 16 millions d'euros , dont + 172,4 millions d'euros au titre du GVT positif et - 156,7 millions d'euros au titre du GVT négatif.

5. Un taux de réalisation insuffisant pour certains équipements pourtant majeurs pour les armées

Le taux de réalisation des principales opérations d'armement - qui mesure l'état d'avancement des commandes, des livraisons, des jalons techniques ou des étapes importantes du programme à franchir dans l'année considérée - s'est élevé à 65,8 % en 2017, pour une cible et une prévision fixées à 85 % .

Taux de réalisation des équipements

(en pourcentage)

2015

2016

2017

2017

2017

2017

Réalisation

Réalisation

Prévision PAP 2017

Prévision actualisée PAP 2018

Réalisation

Cible PAP 2017

Progression dans la réalisation des opérations d'armement principales du système de forces dissuasion

100

100

90

90

ND

90

Progression dans la réalisation des opérations d'armement principales du système de forces commandement et maîtrise de l'information

71,6

49,7

80

80

53

80

Progression dans la réalisation des opérations d'armement principales du système de forces projection- mobilité- soutien

85

93,3

80

80

81,4

80

Progression dans la réalisation des opérations d'armement principales du système de forces engagement et combat

69,8

84,4

85

85

72,8

85

Progression dans la réalisation des opérations d'armement principales du système de forces protection et sauvegarde

78

66,7

85

85

75

85

Progression dans la réalisation des opérations d'armement principales

75,4

67,2

85

85

65,8

85

Taux de réalisation des livraisons valorisées

62,7

93,3

85

85

79,1

85

Source : rapport annuel de performances pour 2017

S'agissant du système de forces « Commandement et maîtrise de l'information », le taux de réalisation s'est élevé à 53 %, soit - 27 points par rapport à la prévision . Cet écart résulte de plusieurs retards concernant les livraisons d'un avion Hawkeye mis à niveau, de l'ARS de Tours, d'un radar HMA (hautes et moyennes altitudes) rénové, de 64 modules projetables SIA (système d'information des armées), d'une station segment sol SYRACUSE III, d'une station MTLID (moyen technique de lutte informatique défensive), de 8 stations segment sol COM-CEPT (besoins complémentaires en communications d'élongation de projection et de théâtre) et des composantes PARADOS et CLOVIS de ROEM (renseignement d'origine électromagnétique) stratégique ; le lancement du stade de réalisation CONTACT intégration véhicule ; les commandes du 3 e centre ACCS ( air command and control system), de deux radars fixe 2D et de 58 modules projetables SIA.

Le système de forces « Engagement et combat » enregistre un taux de réalisation des équipements de 72,8 %, pour une prévision s'établissant à 85 % (- 12,2 points) . Les retards concernent les livraisons d'un hélicoptère Tigre, de 100 munitions MMP (missile moyenne portée), d'un avion Rafale « rétrofité » F1-F3 et de deux véhicules PLFS (poids lourds pour forces spéciales) ; les commandes de 45 kits de rénovation Mirage 2000D, d'un SNA (sous-marin nucléaire d'attaque) Barracuda et de 23 véhicules PLFS ; le lancement du stade de réalisation « Successeur MICA ».

Enfin, le taux de réalisation des équipements du système de forces « Protection et sauvegarde » s'est élevé à 75 % (- 10 points par rapport à la prévision) . Cet écart résulte de retards de la mise en exploitation SECOIA (site d'élimination de chargements d'objets identifiés anciens) et de la livraison d'un B2M (bâtiment multi-missions).

Votre rapporteur spécial ne peut que regretter les retards pris sur certains programmes , en particulier les livraisons d'un hélicoptère Tigre, d'un B2M, des commandes d'un SNA de type Barracuda ou des 45 kits de rénovation Mirage 2000D, alors que ces derniers sont majeurs pour les armées .

6. Des niveaux de disponibilité technique opérationnelle de certains équipements insuffisants, emportant des conséquences sur l'activité opérationnelle et l'entraînement

Les niveaux de disponibilité technique opérationnelle (DTO) de certains équipements , en particulier des aéronefs (hélicoptères de manoeuvre, hélicoptères d'attaque ou de reconnaissance de l'armée de terre, hélicoptères de la marine nationale, avions de transport tactique et hélicoptères de manoeuvre et de combat de l'armée de l'air), apparaissent très insuffisants 50 ( * ) .

Disponibilité des matériels
par rapport aux exigences des contrats opérationnels

(en pourcentage)

2015

2016

2017

2017

2017

2017

Réalisation

Réalisation

Prévision PAP 2017

Prévision actualisée PAP 2018

Réalisation

Cible PAP 2017

Armée de terre Char Leclerc

93

83

90

100

93

100

Armée de terre AMX 10 RCR

70

66

65

74

77

74

Armée de terre VAB

74

77

75

75

85

82

Armée de terre VBCI

86

83

75

75

84

96

Armée de terre Pièces de 155 mm

78

82

85

85

92

77

Armée de terre Hélicoptères de manoeuvre

42

42

52

50

40

57

Armée de terre Hélicoptères d'attaque ou de reconnaissance

59

59

59

62

60

75

Marine nationale Porte avions

90

95

11

21

27

11

Marine nationale SNA

73

89

61

70

69

59

Synthèse autres bâtiments de la marine

72

76

81

79

76

69

Marine nationale Composante frégates

58

51

65

53

54

69

Marine nationale Chasse

77

73

67

67

66

67

Marine nationale Hélicoptères

55

59

56

54

51

56

Marine nationale Guet aérien, Patrouille et surveillance maritime

54

57

55

55

57

56

Armée de l'air Avions de combat

86

92

90

93

92

90

Armée de l'air Avions de transport tactique

68

61

72

74

60

74

Armée de l'air Avions d'appui opérationnel

93

86

90

90

112

88

Armée de l'air Avions à usage gouvernemental

100

104

100

90

90

100

Armée de l'air Hélicoptères de manoeuvre et de combat

76

74

80

80

70

80

Armée de l'air Système sol-air moyenne portée

86

83

90

85

81

90

Source : rapport annuel de performances pour 2017

Il convient en outre de distinguer la DTO de la disponibilité technique (DT) : la DTO mesure la disponibilité des équipements par rapport au besoin « induit par les contrats opérationnels les plus dimensionnant et au besoin organique » alors que la DT mesure la disponibilité des équipements par rapport au parc total. Par construction, la DT est donc inférieure à la DTO .

La faible disponibilité de ces équipements emporte des conséquences sur l'activité opérationnelle et surtout l'entraînement des armées .

S'agissant de l'armée de terre, le rapport annuel de performances pour 2017 relève que le volume d'heures effectué par les équipages, qui correspond à 93 % de la norme fixée dans la loi de programmation militaire, est « juste suffisant pour réaliser les missions actuelles [...] , mais se caractérise par de fortes disparités entre équipages (les plus jeunes ayant des difficultés à faire les heures requises), et entre types de flottes ».

Pour ce qui concerne la marine nationale, il note que « la faible disponibilité technique globale des hélicoptères limite l'activité des pilotes (204 heures de vol pour une prévision de 220 heures de vol égale à la norme LPM 2014-2019, soit un écart de - 7,3 %) et leur niveau qualitatif. Les reports de charge entre types d'aéronefs induisent une déqualification des équipages (impossibilité de s'entraîner sur tout le spectre) et restreignent le nombre de détachements disponibles pour l'embarquement sur frégates ».

Enfin, s'agissant de l'armée de l'air, le RAP met en avant un phénomène comparable : « des difficultés logistiques et de maintien en condition opérationnelle n'ont pas permis d'atteindre la prévision fixée à 170 heures de vol. La réalisation est stable par rapport à 2016, établie à 164 heures de vol, soit un écart de - 3,5 % par rapport à la prévision, et correspond à 91 % de la norme LPM 2014-2019 (180 heures de vol) ».

MISSION « DIRECTION DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT » ET BUDGET ANNEXE « PUBLICATIONS OFFICIELLES ET INFORMATION ADMINISTRATIVE » - M. MICHEL CANÉVET, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. MISSION « DIRECTION DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

La mission « Direction de l'action du Gouvernement » regroupe diverses entités rattachées au Premier ministre : outre les services du Premier ministre à proprement parler (programme 129 - Coordination du travail gouvernemental), y figurent neuf autorités administratives indépendantes et assimilées (programme 308 - Protection des droits et libertés) ainsi que divers services interministériels déconcentrés (programme 333 - Moyens mutualisés des administrations déconcentrées).

La loi de finances initiale pour 2017 prévoyait, hors fonds de concours et attributions de produits, 1,61 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1,47 milliard d'euros de crédits de paiement (CP) au titre de la mission.

La consommation des crédits de la mission s'est élevée à 1,44 milliard d'euros en AE et 1,37 milliard d'euros en CP , soit un taux d'exécution de 89 % en AE et 93 % en CP.

Cette importante sous-exécution s'inscrit dans la continuité des exercices 2015 et 2016 , où moins de 93 % des crédits prévus par la loi de finances initiale avaient été consommés.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2017
(hors fonds de concours et attributions de produits)

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2016

Crédits votés en LFI 2017

Crédits ouverts en 2017

Crédits exécutés en 2017

Exécution 2017 / exécution 2016

Taux d'exécution par rapport à la prévision LFI

Taux d'exécution 2017 par rapport aux crédits ouverts

Coordination du travail gouvernemental

AE

590,23

702,86

651,23

605,82

+ 3%

86%

93%

CP

578,73

707,01

674,26

619,39

+ 7%

88%

92%

Protection des droits et libertés

AE

90,45

101,17

97,18

84,82

- 6%

84%

87%

CP

96,35

95,58

92,34

90,15

- 6%

94%

98%

Moyens mutualisés des administrations déconcentrées

AE

640,60

808,76

806,45

746,09

+16%

92%

93%

CP

580,26

662,44

663,50

655,91

+13%

99%

99%

Total de la mission

AE

1 321,27

1 612,78

1 554,86

1 436,73

+ 9%

89%

92%

CP

1 255,33

1 465,02

1 430,11

1 365,44

+ 9%

93%

95%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La hausse de 9 %, en AE comme en CP, constatée entre l'exécution 2016 et l'exécution 2017 est principalement due à d' importantes mesures de périmètre :

- le transfert vers le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » des dépenses de fonctionnement des directions régionales placées sous l'autorité des préfets de région, des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR), des délégations régionales à la recherche et à la technologie (DRRT) et des délégations régionales aux droits des femmes (DRDFE), à hauteur de 81,4 millions d'euros en loi de finances initiale ;

- le transfert vers le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de 60 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et de 5,27 millions d'euros , correspondant à la poursuite du rattachement au Groupement interministériel de contrôle (GIC) de l'ensemble de ses effectifs et de la sécurisation de ses emprises.

La hausse des dépenses de personnel du programme 129 (+ 18,6 millions par rapport à 2016) reflète également l'augmentation des effectifs de l'ANSSI ( Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information : + 51 ETPT en 2017 51 ( * ) ) et de la direction des services administratifs et financiers (DSAF) du Premier ministre (+ 27 ETPT), par transfert de moyens dans le cadre de la mutualisation des locaux.

Par ailleurs, la baisse de 6 % constatée en exécution pour le programme 308 « Protection des droits et libertés » correspond majoritairement au transfert d'une partie des dépenses de fonctionnement du Défenseur des droits et de la CNIL vers le BOP Ségur du programme 129 , à la suite du déménagement fin 2016 de ces deux entités sur l'ensemble immobilier Ségur-Fontenoy, rattaché aux services du Premier ministre.

On ne retrouve pas encore dans ce budget les effets de la mutualisation des locaux engagés par le regroupement sur le site Ségur Fontenoy de nombreux services du Premier Ministre, et de quelques autorités administratives indépendantes, du fait du déménagement en 2017 et de dépenses d'équipement, mais ceci devrait trouver une traduction financière d'économies plus concrète en exécution 2018

Évolution des crédits de paiement de la mission
« Direction de l'action du Gouvernement » depuis 2012

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Les évolutions constatées entre la loi de finances initiale et l'exécution 2017 sont majoritairement liées au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », qui représente près de la moitié des crédits de la mission.

Quinze décrets de transfert ont en effet affecté ce programme au cours de l'exercice 2017, correspondant en CP à 5,8 millions d'euros d'ouvertures de crédits et à 91,8 millions d'euros d'annulations , soit près de 14 % des crédits alloués à ce programme en loi de finances initiale.

Synthèse des ouvertures et annulations de crédits
(hors fonds de concours et attributions de produits)

(en millions d'euros)

Programme 129

Programme 308

Programme 333

Mission

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Décrets pour dépenses accidentelles et imprévisibles

17,20

17,20

17,20

17,20

Décrets de transfert

-87,06

-86,03

0,03

0,03

5,39

5,90

-81,64

-80,10

Décrets de virement

2,36

2,36

2,36

2,36

Décrets d'avance

-38,87

-29,42

-4,02

-3,76

-28,39

-18,02

-71,28

-51,2

Arrêtés de report de crédits

9,97

8,60

0

0,50

8,85

1,32

18,82

10,42

Lois de finances rectificatives

-0,14

-0,14

-0,14

-0,14

Total

-96,40

-87,29

-4,05

-3,23

-14,29

-10,94

-114,68

-101,46

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

La majorité des crédits ainsi transférés ont servi à abonder plusieurs programmes des missions « Défense », « Sécurités » et « Administration générale et territoriale de l'État » (cf. infra ).

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une sous-exécution récurrente qui interroge sur le montant des crédits alloués à la mission

Comme en 2015 et 2016, le taux d'exécution de la mission (89 % en AE et 93 % en CP) s'est avéré relativement faible . Cette sous-exécution est notamment due à une part importante de crédits non consommés, qui concerne principalement le programme 129 (54,84 millions d'euros en CP, en légère augmentation par rapport à 2016).

Cette situation, récurrente d'année en année, interroge ainsi votre rapporteur spécial sur la qualité de la budgétisation initiale et le conduit à préconiser, à périmètre constant, une légère baisse des crédits alloués à la mission lors de l'élaboration du prochain budget, permettant ainsi de contribuer au nécessaire effort de diminution de la dépense publique .

2. Des indicateurs rendant difficile la mesure de la performance

L'hétérogénéité des organismes composant la mission complique la mise en place d'objectifs et d'indicateurs communs pertinents, qui sont à revoir pour plus d'efficience dans l'analyse des objectifs à atteindre.

Leur nombre limité n'est toutefois pas de nature à permettre un suivi attentif de l'ensemble de la mission. Votre rapporteur spécial tient en outre à souligner que certains sous-indicateurs existants, tels que le « sentiment d'information [du citoyen] sur l'action du gouvernement » 52 ( * ) , sont calculés sur des bases dont la fiabilité peut être remise en question, et ne présentent qu'un lien ténu avec la budgétisation des crédits alloués .

3. Programme 129 : des mouvements de crédits importants à caractère récurrent

Votre rapporteur spécial souhaite également attirer l'attention sur les mouvements de crédits liés au programme 129 . Si une partie de ces mouvements résulte du caractère imprévisible de certaines opérations, telles que le financement d'actions liées à la sécurité de l'État via des fonds spéciaux (cf. tableau infra ), d'autres revêtent un caractère habituel.

Synthèse des crédits alloués aux fonds spéciaux du programme 129
(action 02)

(en euros)

2013

2014

2015

2016

2017

2018

LFI

50 025 077

50 025 077

49 477 763

56 794 717

67 151 927

67 190 341

Décrets pour dépenses accidentelles et imprévisibles

9 966 000

18 502 000

12 247 000

8 000 000

17 200 000

2 500 000

Décrets de transferts

9 113 000

5 000 000

34 000 000

6 000 000

1 730 000

-

Réallocation de crédits au sein du programme 129

-

-

8 722 236

3 843 187

-

Total Ressources

69 104 077

73 527 077

104 446 999

74 637 904

86 081 927

69 690 341

Consommation

68 814 089

73 418 084

104 446 999

74 637 904

86 080 000

-

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre

Il s'agit notamment des transferts sortants du Secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale (SGDSN) au profit des missions « Défense », « Sécurités » et « Administration générale et territoriale de l'État » , réalisés chaque année à la même période et pour des montants similaires (près de 14 % des crédits alloués au programme 129). Ces transferts correspondent notamment au financement de projets et d'équipements liés à la sécurité de l'État.

Dans sa note d'exécution budgétaire, la Cour des comptes préconise d'inscrire une partie au moins de ces crédits directement dans les trois missions précitées, dès la loi de finances initiale, afin d'améliorer la sincérité de la budgétisation initiale.

Interrogée sur ce point par votre rapporteur spécial, l'administration a toutefois justifié le caractère récurrent de ces transferts en cours de gestion, en indiquant qu'ils étaient principalement dus :

- d'une part, au fait que les besoins propres des services destinataires (police, gendarmerie, sécurité civile, etc.) n'étaient déterminés qu'en cours d'année, postérieurement à la promulgation de la loi de finances initiale ;

- d'autre part, au rôle interministériel du SGDSN en termes d'orientation, de coordination et d'arbitrage en matière de sécurité de l'État.

II. BUDGET ANNEXE « PUBLICATIONS OFFICIELLES ET INFORMATION ADMINISTRATIVE »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE EN 2017

Le budget annexe « Publications officielles et information administrative » est géré par la direction de l'information légale et administrative (DILA), qui a pour principales missions la diffusion légale, l'édition publique et l'information administrative.

La loi de finances initiale pour 2017 prévoyait 187,47 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 177,11 millions d'euros en crédits de paiement (CP) .

Le taux d'exécution pour l'exercice 2017 s'est élevé à 83 % en AE (154,91 millions d'euros) et 87 % en CP (154,46 millions d'euros), soit un taux légèrement inférieur aux exercices précédents.

Exécution des dépenses du budget annexe en 2017

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Prévision LFI (y compris fonds de concours et attributions de produits)

187,47

177,11

Consommation

154,91

154,46

Taux d'exécution (par rapport à la prévision LFI)

83%

87 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Les recettes du budget annexe se sont élevées à 189,9 millions d'euros en 2017, soit une diminution de 2,2 millions d'euros par rapport à l'année 2016. Cette diminution, notamment liée à une chute des ventes de publications de 37 % par rapport à 2016, s'inscrit dans la continuité des précédents exercices (- 20 millions d'euros de recettes depuis 2012).

Il convient de noter que les recettes proviennent essentiellement des coûts d'insertion sur deux bulletins officiels :

- le BOAMP (bulletin officiel des annonces de marchés publics) pour plus de 80 millions euros ;

- le BODACC (bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) pour plus de 91 millions euros.

Leur niveau reste toutefois suffisant pour faire face à des dépenses pour l'heure globalement maîtrisées. L' excédent dégagé par le budget annexe s'élève ainsi à plus de 35 millions d'euros , en nette hausse (+ 10 millions d'euros) par rapport à l'année 2016.

Exécution des crédits du budget annexe par programme en 2017
(y compris fonds de concours et attributions de produits)

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2016

Crédits votés en LFI 2017

Crédits exécutés en 2017

Exécution 2017 / exécution 2016

Taux d'exécution par rapport à la prévision LFI

Edition et diffusion

AE

49,39

66,02

42,14

- 15 %

63 %

CP

52,68

54,54

43,03

- 18 %

79 %

Pilotage et ressources humaines

AE

111,58

121,45

112,77

+ 1 %

93 %

CP

114,17

122,57

111,43

- 2 %

91 %

Total du budget annexe

AE

160,97

187,47

154,91

- 4 %

83 %

CP

166,85

177,11

154,46

- 7 %

87 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La moindre consommation des crédits, notamment en AE (83 %), est notamment liée à une sous-exécution des crédits du programme 623 « Exécution et diffusion » (63 % en AE). Cette sous-exécution trouve notamment sa source dans les économies substantielles réalisées sur certains postes , tels que les activités d'impression , en baisse, ou la plateforme de renseignement téléphonique « 3939 Allô service public » , désormais entièrement internalisée.

Cela permet d'observer le fruit des efforts de gestion mené par la DILA qui montre une baisse très sensible des dépenses de fonctionnement de 12 millions d'euros en valeur.

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Les effectifs de la direction légale de l'information ont diminué de 50 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2017 , contre 68 prévus par le schéma d'emploi. Cette baisse est plus de deux fois supérieure à celle réalisée en 2016 et résulte principalement de la mise en oeuvre du dispositif de cessation anticipée volontaire d'activité (CAVA) 2016-2020, applicable aux personnels de droit privé de la DILA nés avant 1964.

Évolution du nombre d'ETPT de la DILA depuis 2013

Année

2013

2014

2015

2016

2017

Nombre d'ETPT

743

744

731

703

653

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Votre rapporteur spécial encourage la DILA à poursuivre la réduction de ses effectifs , dans un contexte de diminution continue de ses recettes et de transformation numérique. Le projet de loi PACTE visant à simplifier la vie des entreprises pourrait avoir des incidences significatives sur les principales recettes de la DILA pour le cas où une baisse voire une suppression des coûts d'insertion d'annonces légales pourrait être décidé.

MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES », CAS « AIDE À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES », « TRANSITION ÉNERGÉTIQUE » ET « FACÉ » - M. JEAN-FRANÇOIS HUSSON, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

1. Une mission dont les crédits augmentent par rapport à 2016, malgré d'importantes mesures de régulation budgétaire en 2017
a) Une exécution en apparence conforme aux prévisions de la loi de finances initiale

Exécution des crédits de la mission « Écologie, développement et
mobilité durables » par programme en 2017, y compris fonds de concours

(en millions d'euros et en %)

Programme

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Exécution 2017 / exéc. 2016

(en %)

Exécution 2017 / LFI 2017

(en %)

203 «Infrastructures et services de transport »

AE

4 459,27

4 595,6

4 648,5

4,24%

1,15%

CP

4 406,48

4 628,6

4 632,8

5,14%

0,09%

205 «Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture »

AE

100,10

207,4

172

71,83%

-17,07%

CP

158,19

204

168,3

6,39%

-17,50%

170 «Météorologie»

AE

190,24

CP

190,24

113 «Paysages, eau et biodiversité»

AE

259,02

291,5

256,4

-1,01%

-12,04%

CP

242,74

291,5

266

9,58%

-8,75%

159 «Information géographique et cartographique»

AE

92,41

497

479,8

-3,5 %

CP

92,33

497,1

479,8

-3,5 %

181 «Prévention des risques»

AE

-16,17

239,2

153,6

-

-35,79%

CP

-32,43

229,4

146,8

-

-36,01%

174 «Énergie, climat et après-mines»

AE

965,00

455,4

410,3

-57,48%

-9,90%

CP

464,21

456,1

635,7

36,94%

39,38%

345 « Service public de l'énergie »

AE

1 955,47

2 545

2 545

30,1 %

0,00%

CP

1 955,47

2 545

2 543,9

30,1 %

-0,04%

217 «Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables»

AE

3 211,99

2 267

2 946,4

-8,27%

29,97%

CP

3 259,11

2 316,2

3 022,8

-7,25%

30,51%

Total

AE

11 217,33

11 098,1

11 612

3,52%

4,63%

CP

10 736,34

11 167,9

11 896,1

10,80%

6,52%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En loi de finances initiale pour 2017, la mission « Écologie, développement et mobilité durables » bénéficiait de 11,1 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de 11,2 milliards d'euros de crédits de paiement (CP).

En 2017, la maquette budgétaire de la mission a été modifiée, les programmes 159 « Information géographique et cartographique » et 170 « Météorologie » ayant fusionné.

Les dépenses de la mission en 2017 s'élèvent, en exécution, à 11,6 milliards d'euros en AE et à 11,9 milliards d'euros en CP, soit des consommations respectivement de 105 % des AE et 106,5 % des CP votés.

Cette surconsommation des crédits de paiement est à nuancer : comme l'illustre le tableau ci-dessus, tous les programmes respectent la budgétisation initiale, la plupart ayant consommé des montants de crédits inférieurs aux prévisions faites en loi de finances initiale pour 2017.

Avec le programme 174 « Énergie, climat et après-mines », le programme 217 est un des seuls à présenter une consommation de CP supérieure aux crédits votés. Cette apparente surconsommation des crédits de paiement découle en réalité d'une mesure récurrente en gestion : les crédits du titre 2 du programme 337 « Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'égalité des territoires » de la mission « Égalité des territoires, logement et ville » sont transférés vers le programme 217 53 ( * ) , pour un montant de 780,7 millions d'euros - contre 765,6 millions d'euros en 2016.

Cette mesure de gestion complexifie la lisibilité de la présentation budgétaire en donnant l'impression que le programme 217 a bénéficié de crédits supplémentaires en cours de gestion. Le programme 337 a toutefois été supprimé par le projet de loi de finances pour 2018 et ses crédits intégrés au programme 217, résolvant ce problème .

La neutralisation de l'effet du transfert réalisé sur le programme fait apparaître une consommation des crédits de paiement conforme à la budgétisation votée en loi de finances initiale pour 2017.

b) Des mesures de régulation budgétaire ont impacté très fortement la mission

Au cours de la gestion 2017, la quasi-totalité de la réserve de précaution hors titre 2 des programmes de la mission a été annulée .

Or, l'annulation de la majeure partie des crédits mis en réserve en cours d'exécution pose de sérieuses difficultés pour l'accomplissement des missions du ministère et des opérateurs et fragilise la sincérité de la budgétisation initiale .

Seul le programme 345 a bénéficié d'une levée totale de sa réserve initiale. Les programmes 203 et 217 n'ont quant à eux bénéficié que d'une levée partielle de la réserve de précaution afin, respectivement, de financer le dragage des ports et de couvrir une partie des coûts du projet de regroupement immobilier de l'administration sur le site de la Défense.

Ainsi, les mesures de gestion intervenues après les élections de mai et juin 2017 ont fortement impacté la mission : par exemple, le décret d'avance du 20 juillet 2017 54 ( * ) a annulé 194 millions d'euros de CP sur le programme 203. En ce qui concerne le décret d'annulation de la même date 55 ( * ) , la mission a supporté la moitié du schéma d'annulation en AE et 74 % en CP. S'agissant du décret d'avance de fin de gestion du 30 novembre 2017 56 ( * ) , les annulations portées par la mission ont représenté 12,7 % du schéma d'annulation global en CP.

Au total, le montant des annulations est supérieur à celui de la réserve de précaution initiale (557,1 millions d'euros en AE 561,7 millions d'euros en CP) pour tous les programmes de la mission , à l'exception du programme 345. Plus de 4 % des crédits ouverts en LFI ont été annulés.

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2017

(en millions d'euros)

Prog.

Crédits prévus LFI 2017 (hors FDC/ADP)

FDC/ADP prévus LFI 2017

Reports entrants hors FDC

Reports entrants sur crédits FDC

Transferts et virement

Décrets d'avance

Décret d'annu-lation

LFR 2017

FDC/ADP exécutés

Reports sortants

Exécution 2017

113

280,9

10,6

9,7

32,2

0,04

-

-39,7

-

9,2

-26,3

266

159

497,1

-

0,08

0,2

0,2

-3

-14,5

-

0,2

-0,3

479,8

174

456,1

-

153,9

-

0,04

-

-42,2

70

0,3

-2,5

635,7

181

227,6

1,8

-

22,2

-5,8

-6,5

-21,7

- 50,8

3,3

-21

146,8

203

3 146

1 483

5

312

-4,5

-194

-44,9

-

1 711

-297,2

4 632,8

205

197,9

6,2

12,5

1

-0,4

-23,9

-20,7

-

5,2

-3,2

168,3

217

2 269,4

46,8

2,3

0,4

818,6

-8,6

-17,3

-0,3

20,3

-5,8

3 022,8

345

2 545

-

1,1

-

-

-1,1

-

-

-1,1

2 543,9

Note de lecture : les chiffres présentés n'intègrent pas les ajustements techniques prévus par le présent projet de loi de règlement ; ils peuvent donc légèrement différer des données présentées dans le rapport annuel de performances de la mission.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du ministère du budget

c) L'augmentation des crédits de la mission par rapport à 2016 ne permet pas de revenir au niveau des crédits de la mission en 2011

Entre 2016 et 2017, le niveau des crédits de paiement consacrés à la présente mission a augmenté de 10,8 %. Cette hausse est principalement due au programme 345, dont l'exercice 2017 marque la première année de budgétisation en année pleine : les crédits de paiement du programme ont augmenté de 30 % entre 2016 et 2017.

Cette hausse des CP découle également du versement en 2017 de crédits à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) au titre de l'enveloppe spéciale transition énergétique (ESTE), d'un total de 225 millions d'euros (cf. infra ).

Évolution des crédits de la mission
« Écologie, développement et mobilité durables » depuis 2011

(en milliards d'euros, hors programmes d'investissements d'avenir)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Néanmoins, si les crédits consacrés à l'écologie ont sensiblement augmenté depuis 2015, le niveau de crédits atteint à la fin de l'année 2017 ne permet pas même de revenir aux moyens qui y étaient consacrés en 2011.

Entre 2011 et 2017, les moyens budgétaires consacrés à l'écologie ont ainsi diminué de 4 %, alors même qu'un nouveau programme, le programme 345 « Service public de l'énergie », complète la mission et représente plus de 20 % des crédits exécutés de la mission en 2017.

2. Vers une « déqualification » de la structure des emplois portés par la mission

Les dépenses de personnel ( titre 2 ), qui représentent 23,6 % des CP exécutés de la mission, sont réparties entre le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement durable et de la mer » et le programme 181 « Prévention des risques », auquel sont rattachées les dépenses de personnel de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). La quasi-totalité des crédits et des emplois sont imputés sur le programme 217 (2,78 milliards d'euros sur 2,8 milliards d'euros) .

Le plafond d'autorisations d'emplois (PAE) fait l'objet d'une sous-exécution en 2017. La loi de finances initiale prévoyait un PAE de 29 103 ETPT. Si l'on intègre le transfert en cours de gestion des effectifs du programme 337, ce PAE atteint 41 391 ETPT. Or, en exécution, il s'est élevé à 41 088 ETPT , soit une sous-exécution de 970 ETPT, représentant 2,4 % des emplois exécutés.

À l'inverse, à périmètre constant, le schéma d'emplois connaît une sur-exécution , en raison d'un nombre de départs en retraite difficilement prévisible en 2017. L'exécution atteint donc - 722 équivalents temps plein (ETP) contre une prévision de - 660 ETP.

Votre rapporteur spécial partage les inquiétudes formulées par la Cour des comptes 57 ( * ) s'agissant de la déqualification de la structure des emplois du ministère . Depuis 2014, la sur-exécution des schémas d'emplois est allée de pair avec un moindre recrutement d'agents de catégories A et B et davantage de recrutements d'agents de catégorie C. Si ce procédé permet une moindre consommation de crédits de personnel, il participe d'un processus de « dépyramidage » dont les effets en matière de perte de compétences sont particulièrement dommageables en termes de gestion des ressources humaines. La Cour estime ainsi que depuis 2014, 371 emplois de catégorie A ont été détruits au-delà des cibles pour « créer » 755 emplois de catégorie C.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Un coût croissant des dépenses fiscales, qui atteint 3,7 milliards d'euros en 2017, et des évaluations insuffisantes

Les dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission s'élèvent à 3,7 milliards d'euros , soit 31 % crédits de paiement votés de la mission, ce qui représente une hausse de 400 millions d'euros par rapport à 2016.

Évolution des principales dépenses fiscales
rattachées à la mission depuis 2014

(en millions d'euros)

Dépenses fiscales

2014

2015

2016

2017

Évolution 2017/2016

800403

Remboursement d'une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par certains véhicules routiers

357

375

425

758

+333

800404

Remboursement d'une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par les exploitants de transport public routier en commun des voyageurs

39

51

84

135

+51

110222

CITE

619

874

1 678

1 675

-3

800207

Réduction de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel

125

158

155

156

+1

800203

Taux réduit de taxe intérieur de consommation pour les butanes et propanes utilisés comme carburant

105

102

102

102

-

800210

Taux réduit de taxe intérieure de consommation au profit des installations intensives en énergie et soumises au régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre

13

110

228

350

+122

800211

Taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, le gaz naturel et les charbons au profit des installations intensives en énergie et exerçant une activité considérée comme exposée à un risque important de fuite de carbone

70

14

18

+4

800208

Taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le GPL

91

81

75

75

-

Total des dépenses fiscales
rattachées à la mission

1 600

2 100

3 300

3 700

+400

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Il y a lieu, tout d'abord, de relever la stabilité , en 2017, du coût du CITE , alors que celui-ci avait doublé entre 2015 et 2016, passant de 874 millions d'euros à 1,67 milliard d'euros. Son coût devrait d'ailleurs initier une décrue à compter de 2018, grâce au recentrage opéré en loi de finances pour 2018 58 ( * ) , à la suite du rapport de la mission IGF-CGEDD remis au Parlement à l'automne 2017 59 ( * ) , et avant d'être transformé en prime en 2019.

L'augmentation du coût des dépenses fiscales découle surtout des trois principales dépenses reposant sur les taxes intérieures de consommation de produits énergétiques (TICPE).

En effet, la montée en charge de la « contribution climat-énergie » (CCE ou « taxe carbone »), liée à l'évolution du prix de la tonne du CO 2 , entraîne un renchérissement du coût des remboursements et tarifs réduits de TICPE . Le coût des dépenses fiscales augmente ainsi à mesure que l'écart se creuse entre le taux de TICPE de droit commun et les mécanismes dérogatoires.

Pourtant, comme rappelé par le rapporteur général dans son rapport sur l'efficience des dépenses fiscales en faveur du développement durable, « si certaines dépenses fiscales ont été explicitement créées dans un objectif de protection de l'environnement, à l'instar de celles visant à une amélioration de la performance énergétique des logements, d'autres dispositifs créés pour soutenir certaines activités économiques peuvent avoir des effets environnementaux défavorables parfois peu connus, ou mal évalués » 60 ( * ) .

Or les exonérations sectorielles de taxes intérieures de consommation sont, d'après le CGDD, les principales subventions dommageables à l'environnement 61 ( * ) .

Le dispositif de remboursement de TICPE protège principalement le secteur des transports , en ciblant les entreprises qui utilisent beaucoup de carburants, comme le transport routier ou encore le transport routier en commun de voyageurs, afin de préserver la compétitivité des entreprises françaises de ces secteurs face à la concurrence internationale.

Toutefois, votre rapporteur spécial partage le constat du Commissariat général au développement durable (CGDD), qui, dans une étude récente, affirmait : « apporter une aide à des secteurs peut s'avérer légitime, mais il serait plus efficace que cette aide transite par d'autres canaux (qu'une dépense fiscale) : ainsi, elle ne jouerait pas pour les entreprises de ces secteurs comme une désincitation à limiter leur consommation de carburant, en raison des exonérations qui s'appliquent » 62 ( * ) .

Enfin, alors que le Parlement ne dispose que d'une information restreinte sur l'efficacité et l'évolution de certaines de ces dépenses, qu'il est amené à créer ou à prolonger, aux montants parfois importants, il y a lieu de saluer la « revue » progressive des dépenses fiscales, initiée par le ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) et auquel votre rapporteur spécial accordera une attention particulière.

2. Une impasse de financement des projets portés par l'enveloppe spéciale transition énergétique (ESTE)

Afin de soutenir financièrement les mesures relatives à la mobilité durable, aux démarches engagées dans le cadre des territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) ou des territoires « zéro gaspillage, zéro déchet », un fonds dénommé « enveloppe spéciale transition énergétique » (ESTE) a été créé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte 63 ( * ) . Sa gestion financière et administrative est assurée par la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

En 2017, l'action 05 « Lutte contre le réchauffement climatique » a vu ses crédits de paiement augmenter de 37 % par rapport à 2016 en raison d'un versement de 225 millions d'euros à la CDC au titre de l'ESTE, dont 150 millions d'euros issus des reports de 2016, 70 millions d'euros issus d'une ouverture de crédits par la seconde loi de finances rectificative 64 ( * ) pour 2017 et 5 millions d'euros issus de redéploiement de crédits au sein du programme 174.

Ce versement apparaît bienvenu. En effet, l'enveloppe devait être dotée de 750 millions d'euros sur trois ans (en 2015, 2016 et 2017) par tranches annuelles de 250 millions d'euros. Les ouvertures consenties en loi de finances rectificative pour 2017 portent la dotation totale de l'enveloppe à 475 millions d'euros.

En dépit de cet abondement, 275 millions d'euros de crédits de paiement manquent toujours à l'appel pour financer les 750 millions d'euros d'engagements contractés par le précédent Gouvernement. Au surplus, la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 65 ( * ) ne prévoit aucun abondement de l'ESTE, désormais fermée 66 ( * ) .

Autorisations d'engagement et crédits de paiement ouverts sur l'ESTE
entre 2015 et 2017

(en millions d'euros)

* Le dernier comité de pilotage, réuni le 8 août 2017, a désaffecté 50 millions d'euros au profit de l'ANAH, portant le niveau d'engagement à 700 millions d'euros en comptabilité budgétaire de l'État. La consommation de CP est elle aussi minorée de 50 millions d'euros, et s'élève donc à 425 millions d'euros.

Source : commission des finances du Sénat

D'après la Cour des comptes 67 ( * ) , les paiements cumulés nets de l'État, consolidant les montants payés au titre des conventions, s'élèvent à 173 millions d'euros et les restes à payer atteignent 526 millions d'euros .

Cette absence de fiabilité quant aux financements alloués par l'État aux collectivités territoriales est inacceptable , d'autant qu'elle ralentit les initiatives locales en matière de lutte contre la pollution atmosphérique et de financement de la transition énergétique.

3. Une nouvelle sous-exécution des crédits du programme 181 problématique au regard du principe de sincérité budgétaire

L'analyse de l'exécution des crédits du programme 181 « Prévention des risques » fait apparaître une sous-consommation importante - de 36 % en AE et en CP - des crédits prévus en loi de finances initiale .

Comme les années précédentes, cette sous-exécution des crédits du programme résulte des crédits de l'action 01 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » : 21 millions d'euros de CP ont été consommés , sur les 88 millions d'euros de CP prévus en loi de finances initiale - soit un taux de consommation de 24 %. Le taux de consommation est de 29 % s'agissant des AE, comme l'illustre le graphique ci-dessous.

Évolution des crédits de l'action 01 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » du programme 181 « Prévention des risques »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Cette sous-exécution concerne principalement les crédits prévus pour les plans de prévention des risques technologiques (PPRT).

Les PPRT visent à réduire les risques associés à la présence de sites industriels Seveso pour les riverains. 368 PPRT ont été approuvés à la fin de l'année 2017, sur les 393 plans prévus, soit un taux d'approbation de 93,6 %, inférieur à l'objectif de 100 % fixé dans le projet annuel de performance annexé à la loi de finances pour 2017.

À l'instar des années précédentes, le ministère justifie cet écart par le retard pris pour la mise en oeuvre des mesures foncières des PPRT , eu égard à la difficulté rencontrée dans la prise de mesures d'expropriation et de délaissement.

Les crédits de délaissement et d'expropriation n'ont en particulier pas pu être engagés dans leur totalité : alors que la loi de finances initiale prévoyait, au titre des dépenses d'intervention (transferts aux collectivités territoriales) de l'action 01 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » du programme, 33,9 millions d'euros d'AE et 10 millions d'euros CP pour le financement des mesures foncières liées aux PPRT, seuls 27 millions d'euros et 3,1 millions d'euros ont respectivement été engagés et consommés en exécution.

Ainsi, la croissance des besoins en AE et en CP au titre des PPRT devrait se poursuivre dans les prochaines années. Alors que les derniers PPRT devraient être approuvés au plus tard en 2018, l'année 2019 pourrait marquer une augmentation des AE.

4. Des dépenses extrabudgétaires de plus en plus importantes

Les 36 opérateurs rattachés à la présente mission ont bénéficié en 2017 de 7,8 milliards d'euros de financement, contre 7,3 milliards d'euros en 2016, soit une augmentation de 7 %.

Évolution des ressources des opérateurs
de la mission entre 2016 et 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Or, les 26 opérateurs percevant des ressources en provenance du budget général ont bénéficié d'un montant similaire à celui de 2016 - 1,4 milliard d'euros .

La hausse des ressources des opérateurs découle de la progression importante du montant total des impôts et taxes affectés -  + 8 % par rapport à 2016, soit 6,4 milliards d'euros .

D'après la Cour des comptes , les dépenses des opérateurs rattachés à la mission se sont élevées à 9,6 milliards d'euros en 2017 , soit une augmentation de 15 % par rapport à 2016.

Répartition des dépenses concourant
à la politique publique par la mission

(en %)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Au total, plus de la moitié (53 %) des dépenses concourant à la politique publique portée par la mission relève de dépenses extra-budgétaires.

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « AIDE À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES »

1. Un exercice 2017 une nouvelle fois fortement excédentaire

Le dispositif incitatif du bonus-malus automobile , décidé en 2007 dans le cadre du Grenelle de l'environnement et renforcé par le Plan Automobile de 2012, se traduit actuellement par l'octroi d'aides à l'achat ou à la location de véhicules neufs émettant peu de CO 2 bonus ») ainsi qu'au retrait de véhicules qui émettent beaucoup de CO 2 (prime à la conversion) et par l'application d'une taxe additionnelle perçue sur le certificat d'immatriculation des véhicules les plus polluants malus »).

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Aide à l'acquisition de véhicules propres » , également connu sous le nom de « CAS bonus-malus », retrace en dépenses l'attribution des aides et en recettes le produit du « malus » .

Le CAS finance deux types d'aides :

- les « bonus », portés par le programme 791 « Contribution au financement de l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules propres » ;

- les primes à la conversion , retracées par le programme 792 « Contribution au financement de l'attribution d'aides au retrait de véhicules polluants » .

C'est le Fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres , dont la gestion est assurée par l'Agence de services et de paiement (ASP), qui est chargé du suivi des dossiers des demandes d'aides dont le financement repose sur les crédits du compte d'affectation spéciale et qui assure leur versement .

L'exercice 2017 a été une nouvelle fois marqué par un écart significatif entre prévision et exécution , avec une exécution de seulement 85 % des crédits . Cet écart s'est toutefois réduit par rapport à 2016, puisque seuls 80 % des crédits avaient été exécutés cette année-là.

Ce chiffre recouvre toutefois deux réalités très différentes selon les programmes, puisque les crédits du programme 791 n'ont été exécutés qu'à 80,8 % alors que ceux du programme 792 l'ont été à 133,3 % , ce qui montre qu'une fois de plus le Gouvernement n'est pas parvenu à évaluer correctement le nombre de bonus et de primes à la conversion que l'ASP aurait à distribuer.

Exécution des crédits du CAS « Aide à l'acquisition de véhicules propres »
par programme en 2017

(en euros et en %)

Programme

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Taux de consommation (en %)

791 « Contribution au financement de l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules propres »

207 448 198

320 000 000

258 873 298

80,8 %

792 « Contribution au financement de l'attribution d'aides au retrait de véhicules polluants »

28 003 669

27 000 000

35 999 772

133,3 %

Total

235 451 867

347 000 000

294 873 070

85,0 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Au total, on constate donc que les dépenses du CAS ont été surévaluées , puisque seuls 294,8 millions d'euros ont été versés à l'ASP afin de financer les aides et primes à la conversion au lieu des 347 millions d'euros initialement prévus.

Or, dans le même temps, les recettes issues du malus ont été légèrement supérieures au montant prévu en loi de finances initiale, puisqu'elles ont représenté 351,8 millions d'euros , alors que le montant anticipé s'élevait à 347,0 millions d'euros.

Cette somme est en forte hausse de 32,5 % par rapport aux 265,6 millions d'euros de 2016, en raison du durcissement du malus pour l'année 2017 : son seuil de déclenchement a été abaissé de 130 g de CO 2 /km à 127 g de CO 2 /km 68 ( * ) et sa progressivité à partir d'un niveau d'émissions de 155 grammes d'émissions de CO 2 par kilomètre a été fortement accrue.

En conséquence, un fort excédent de 57,0 millions d'euros a été dégagé , si bien que le solde cumulé du compte d'affectation spéciale a atteint en 2017 305,7 millions d'euros , soit plus d'une année de dépenses du CAS.

Solde du CAS « Aide à l'acquisition de véhicules propres »

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

Solde du CAS

- 4,9

+ 141

+ 75,7

+ 30,1

+ 57,0

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. Des résultats contrastés : une forte sous-consommation des crédits du bonus véhicules électriques mais une consommation plus importante que prévue pour le bonus vélos à assistance électrique et pour la prime à la conversion

Plusieurs modifications des aides à l'acquisition de véhicules propres portées par le programme 791 « Contribution au financement de l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules propres » sont intervenues en 2017 .

En particulier, les conditions de versement du bonus - qui varie en fonction du taux d'émission de CO 2 et du type de véhicule concerné - ont été nettement resserrées puisque le bonus pour les véhicules hybrides non rechargeables, émettant entre 61 et 110 g de CO 2 /km, a été supprimé , alors qu'il avait été versé à plus de 35 500 reprises en 2016.

En revanche, les véhicules émettant moins de 20 g de CO 2 /km se sont vus attribuer un bonus de 6 000 euros (contre 6 300 euros en 2016), tandis que celui des véhicules hybrides rechargeables qui émettent entre 21 et 60 g de CO 2 /km s'est élevé à 1 000 euros , comme en 2016.

Nombre de « bonus » automobile versés entre 2015 et 2017

Nombre de véhicules

Véhicules électriques

Véhicules hybrides rechargeables

Véhicules hybrides

Total

2015

18 286

3 326

37 461

59 073

2016

27 131

3 921

35 572

66 624

2017

24 595

3 648

0

28 234

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Si le nombre d'immatriculations de véhicules électriques a augmenté en 2017 avec 32 003 véhicules immatriculés , quoique dans une moindre mesure que ce qu'anticipait le Gouvernement (41 000 immatriculations étaient espérées en loi de finances initiale), le nombre de bonus versé à lui diminué , puisque l'Agence des services et de paiement n'a traité que 24 595 dossiers en 2017, contre 27 131 en 2016.

Surtout, ce chiffre s'est une nouvelle fois révélé très inférieur aux prévisions , puisque seuls 149,4 millions d'euros ont été versés au titre du bonus véhicule électrique alors que 307,2 millions d'euros avaient été prévus à cette fin, soit un taux de consommation des crédits de seulement 48,6 % .

En ce qui concerne les véhicules hybrides rechargeables , les immatriculations ont doublé entre 2016 et 2017 mais, là encore, le nombre de bonus versés a légèrement diminué , puisqu'il est passé de 3 921 aides à 3 648 aides .

A contrario , la prévision de dépenses concernant les vélos à assistance électrique (VAE) s'est avérée sous-estimée : plus de 181 000 aides ont été versées sur 240 470 dossiers instruits, alors que la prévision initiale anticipait 100 000 demandes éligibles. Ce très fort recours au bonus vélo a entraîné un doublement de l'enveloppe initiale prévue , si bien que la dépense au titre des VAE a représenté 47 millions d'euros en 2017 .

Le dispositif de prime à la conversion , instauré le 1 er avril 2015 et porté par le programme 792 « Contribution au financement de l'attribution d'aides au retrait de véhicules polluants » a suscité beaucoup moins de déceptions en 2017 que les années précédentes , dans la mesure où les ambitions du précédent Gouvernement avaient été considérablement revues à la baisse .

Pour mémoire, celui-ci avait prévu que 80 000 primes seraient versées en 2015 . Or, seules 3 230 aides avaient effectivement été attribuées .

Pensant tirer les conséquences de cette déconvenue , il avait nettement assoupli les paramètres de la prime pour 2016 (des véhicules moins anciens susceptibles d'être mis au rebut, des aides plus incitatives et davantage de véhicules éligibles à l'aide), mais avait malgré tout enregistré un nouvel échec : alors que les crédits du programme 792 avaient augmenté de 30 millions d'euros en 2016, le collectif budgétaire de fin d'année avait annulé près de 80 % de ces crédits supplémentaires .

Instruit par ces déconvenues, le Gouvernement avait prévu seulement 27 millions d'euros pour ce programme en 2017, soit un niveau inférieur de 1 million d'euros au montant des crédits exécutés en 2016 .

En 2017, les critères qui régissaient la prime à la conversion étaient les suivants :

- le véhicule mis au rebut , qu'il s'agisse d'une voiture particulière ou d'une camionnette, devait fonctionner au gazole (diesel) et avoir été immatriculé avant le 1 er janvier 2006 ;

- le véhicule acheté était soit un véhicule électrique neuf (4000 euros de prime), soit un véhicule hybride rechargeable essence (2 500 euros de prime) ;

- les ménages non imposables pouvaient percevoir 1 000 euros de prime pour l'achat d'une voiture particulière émettant moins de 110 grammes de CO 2 par kilomètre essence Euro 6 neuve ou d'occasion ou électrique d'occasion, et 500 euros de prime pour l'achat d'une voiture particulière émettant moins de 110 grammes CO 2 par kilomètre essence Euro 5 neuve ou d'occasion.

Sur l'ensemble de l'année 2017, 7 907 primes à la conversion ont finalement été attribuées , contre 9 652 en 2016 et 3 230 en 2015. Il s'agit là d'un résultat très bas , mais comme le Gouvernement s'était également fixé des objectifs très limités, les 27 millions d'euros prévus pour financer ces aides se sont finalement avérés insuffisants , notamment en raison d'un recours à la prime à la conversion plus important que prévu pour les camionnettes.

Aussi a-t-il fallu abonder de 9 millions d'euros les crédits du programme 792 dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2017, si bien que les crédits consommés au titre de la prime à la conversion se sont finalement élevés à 36 millions d'euros en 2017.

IV. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « TRANSITION ÉNERGÉTIQUE »

Dans le cadre de la réforme de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), l'article 5 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a créé un compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » pour retracer l'ensemble des charges de service public de l'énergie qui contribuent à la transition énergétique de la France.

La création du CAS a permis de prendre en charge une partie des dépenses auparavant financées de manière « extrabudgétaire » par l'ancienne CSPE - principalement les dépenses de soutien à la production d'électricité à partir de sources renouvelables et à l'injection de bio-méthane dans les réseaux de transport et de distribution du gaz naturel .

Les autres charges financées par l'ancienne CSPE ne relevant pas directement de la politique de transition énergétique ont été inscrites dans un nouveau programme budgétaire 345 « Service public de l'énergie » au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » 69 ( * ) .

Il convient de noter que 2017 a été le premier exercice d'exécution complet du CAS , l'exercice 2016 n'ayant pas reflété une année complète de compensation des charges de service public de l'énergie, ce qui explique le décalage entre les crédits exécutés en 2016 et les chiffres exécutés en 2017 .

1. En 2017, le compte d'affectation spéciale a été financé quasiment à 100 % par la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE), soit un mode de financement très différent de celui qui avait été conçu lors de sa création

Deux taxes sont affectées au compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » pour lui permettre d'être à l'équilibre et de financer l'intégralité de ses dépenses 70 ( * ) .

En 2016, première année d'existence du CAS, celui-ci avait été principalement financé par la nouvelle contribution au service public de l'électricité (CSPE) ainsi que par une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) .

Alors que le Gouvernement avait d'abord présenté dans le projet de loi de finances pour 2017 un financement du CAS reposant largement sur ces deux taxes , complétées par une fraction de taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE) ainsi que par une fraction de taxe intérieure sur les houilles, les lignites et les cokes (TICC) , il a fait adopter en séance publique par l'Assemblée nationale un amendement qui a bouleversé les ressources du CAS en les faisant provenir en quasi-intégralité de la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE) et en supprimant totalement les recettes issues de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) ainsi que de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) .

Cette mesure prise dans la précipitation visait à prendre en compte les observations de la Commission européenne qui considérait que le financement du CAS , dont les dépenses concernent avant tout le soutien aux énergies renouvelables, par la contribution au service public de l'électricité (CSPE) , revenait à instituer une mesure d'effet équivalent à un droit de douane : alors qu'elle est assujettie à la CSPE, l'électricité importée ne pouvait bénéficier des aides du CAS car celles-ci sont réservées aux entreprises situées sur le territoire national.

L'affectation de la CSPE au développement des énergies renouvelables produites sur le territoire national n'était donc pas conforme aux articles 30 et 110 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) .

En conséquence, le financement du compte repose désormais exclusivement sur les énergies les plus carbonées .

Alors que le précédent Gouvernement avait prévu que les nouvelles recettes affectées au CAS représenteraient 6 983,2 millions d'euros en 2017, l'affectation de recettes au CAS a été ajustée en loi de finances rectificative pour 2017 pour prendre en compte l'annulation de 862,3 millions d'euros en AE et en CP de dépenses pour le CAS (cf. infra ).

Recettes du CAS « Transition énergétique »
en 2016 et 2017

(en euros)

2016
(Exécuté)

2017
(LFI)

2017
(Exécuté)

CSPE

4 209 000 000

-

-

TICGN

24 000 000

-

-

TICPE

-

6 982 200 000

6 119 700 000

TICC

-

1 000 000

1 200 000

Total

4 233 000 000

6 983 200 000

6 120 900 000

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

2. Des dépenses moins importantes que prévu en raison d'une révision à la baisse des charges de service public de l'énergie pour 2017

Le CAS, dont les dépenses relèvent exclusivement du titre 6 « Dépenses d'intervention », comporte deux programmes.

L e programme 764 « Soutien à la transition énergétique » , d'une part, finance :

- le soutien aux énergies renouvelables électriques , c'est-à-dire la compensation aux opérateurs du service public de l'électricité des charges imputables à leurs missions de service public, liées aux contrats d'obligation d'achat ou de complément de rémunération conclus avec des installations de production électrique à partir d'une source renouvelable ;

- le soutien à l'effacement de consommation électrique , c'est-à-dire les primes d'effacement versées aux entreprises lauréates d'appels d'offres incitant au développement des effacements de consommation ;

- le soutien à l'injection de bio-méthane , soit la compensation des charges imputables aux obligations de service public assignées aux fournisseurs de gaz naturel au titre de l'obligation d'achat de biogaz.

Le programme 765 « Engagements financiers liés à la transition énergétique » , d'autre part, finance :

- le remboursement du déficit de compensation des charges de service public de l'électricité accumulé auprès d'EDF au 31 décembre 2015 ;

- les versements au profit du budget général correspondant aux montants des remboursements et dégrèvements au titre de la TICFE 71 ( * ) ;

- les versements au profit de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) correspondant à des demandes de remboursement partiel au profit des entreprises qui bénéficiaient du plafonnement de l'« ancienne » CSPE 72 ( * ) au titre de leurs consommations pour les années 2013 à 2015.

Les dépenses du CAS ont représenté en 2017 quelques 6 388,6 millions d'euros , soit 594,6 millions d'euros de moins que les 6 983,2 millions d'euros qui avaient été prévus en loi de finances initiale, ce qui correspond à un taux d'exécution de 91,5 % .

Exécution des crédits votés du compte d'affectation spéciale
« Transition énergétique » par programme en 2017 (AE = CP)

(en euros)

2016
(exécuté)

2017

(LFI)

2017

(exécuté)

Taux d'exécution

Soutien aux énergies renouvelables électriques

3 557 961 748

5 630 300 000

4 993 562 556

88,7 %

Soutien à l'effacement de consommation électrique 73 ( * )

-

-

-

-

Soutien à l'injection de bio-méthane

21 143 351

49 900 000

52 337 058

104,9 %

Total programme 764

3 579 105 099

5 680 200 000

5 045 093 376

88,8 %

Désendettement vis-à-vis des opérateurs supportant des charges de service public de l'électricité

199 653 492

1 228 000 000

1 228 513 919

100 %

Remboursement et dégrèvements de CSPE

-

-

-

-

Remboursements d'anciens plafonnements de CSPE

157 573 139

75 000 000

114 980 963

153,3 %

Total programme 765

357 226 631

1 303 000 000

1 343 494 882

103,1 %

TOTAL CAS

3 936 331 730

6 983 200 000

6 388 588 258

91,5 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette forte diminution s'explique avant tout par une réévaluation à la baisse des charges de service public de l'électricité pour 2017 par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans sa délibération n° 2017-169 du 13 juillet 2017.

Celle-ci est directement liée à la hausse des prix de marchés de gros de l'électricité . En outre, les coûts d'achat prévisionnels des filières photovoltaïque, biomasse et biogaz ont également été revus à la baisse .

En conséquence, 634,2 millions d'euros ont été annulés sur les crédits du programme 764, ce qui explique que son taux d'exécution ne soit que de 88,8 % .

Dans le même temps, les crédits du programme 765 ont été abondés de 40,0 millions d'euros pour payer un surcroît de demandes de remboursement liées aux régimes d'exonération de l'ancienne CSPE , d'où un taux d'exécution de 103,1 % .

3. Les charges de service public de l'énergie représenteront un effort budgétaire de 45 milliards d'euros entre 2018 et 2022 sans que le Parlement ait véritablement son mot à dire

La réévaluation à la baisse des charges de service public de l'électricité pour 2017 effectuée par la CRE ne doit pas donner à penser que celles-ci vont diminuer dans les années à venir , bien au contraire.

La CRE a cherché, dans sa délibération du 13 juillet 2017 précitée, à chiffrer l'évolution des charges de service public de l'énergie de 2018 à 2022 , portées tant par le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » que par le programme 345 « Service public de l'énergie ».

Ses projections montrent que celles-ci devraient augmenter de 28 % en cinq ans , passant de 7 938 millions d'euros en 2018 à 10 161 millions d'euros en 2022, soit un alourdissement supérieur à 2,2 milliards d'euros par an à l'horizon 2022.

Prévision d'évolution des charges de service public de l'énergie
à horizon de 5 ans

Source : commission de régulation de l'énergie (CRE)

Sur ces cinq années, le total des charges cumulées représentera un effort de 44,9 milliards d'euros pour la Nation , dont 30 milliards d'euros pour les énergies renouvelables électriques (67 % du total), 9,9 milliards d'euros pour la péréquation tarifaire avec les zones non interconnectées (ZNI) (22 % du total), 3,3 milliards d'euros pour le soutien à la cogénération (7,4 % du total) et 1 milliard d'euros pour le soutien à l'injection de biométhane (2,2 % du total).

94 % des charges prévisionnelles en matière d'énergies renouvelables et de cogénération sont d'ores-et-déjà engagées . 60 % l'ont été avant 2011 .

À ces sommes viendront en outre s'ajouter les remboursements du déficit de compensation qu'avait accumulé l'État vis-à-vis d'EDF avant le 31 décembre 2015 , soit près de 6,2 milliards d'euros .

L'ampleur des montants en jeu - quelque 51,1 milliards d'euros - rend plus que jamais nécessaire un contrôle très vigilant du Parlement sur l'efficacité et l'efficience des soutiens apportés aux entreprises du secteur de l'électricité et du gaz.

Pour l'heure, ces dispositifs, qui engagent l'État pour des périodes de 20 à 25 ans, font l'objet de décisions qui relèvent uniquement de l'exécutif et le Parlement est par la suite bien obligé de les ratifier implicitement en autorisant les crédits nécessaires pour les honorer.

Cette situation, qui condamne le Parlement à une totale impuissance face à la hausse exponentielle de ces dépenses , est profondément insatisfaisante.

Le Parlement devrait pouvoir encadrer la politique de soutien au développement des énergies renouvelables en fixant chaque année en loi de finances le plafond par filière des nouvelles capacités de production d'électricité issues de sources d'énergie renouvelable , ainsi que le plafond des surcoûts compensés aux opérateurs au titre de l'achat d'électricité issue de sources d'énergies renouvelables , ainsi que votre commission des finances l'a déjà proposé à plusieurs reprises.

Si cette solution apparaissait trop contraignante et court-termiste, il pourrait également être envisagé, dans une perspective pluriannuelle sans doute davantage adaptée aux questions d'énergies renouvelables, de faire voter le Parlement sur ces questions dans le cadre d'une loi de programmation pluriannuelle de l'énergie qui aurait une légitimité beaucoup plus forte que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) adoptée par voie réglementaire et actuellement en cours de discussion.

L'enquête réalisée par la Cour des comptes sur le soutien aux énergies renouvelables 74 ( * ) à la demande de votre commission des finances en application du 2° de l'article 58 de la LOLF est venue confirmer l'acuité de ce problème et la nécessité de mieux associer le Parlement à la prise de décision en matière d'énergies renouvelables .

V. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE (FACÉ) »

1. Le compte d'affectation spéciale FACÉ permet le financement d'aides à l'électrification rurale

Créé en 2011, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ) retrace, en dépenses, les aides versées aux autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité (AODÉ) , en l'occurrence les collectivités ou syndicats d'électrification ayant la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les réseaux de distribution.

Ces dépenses sont financées par une contribution versée par les gestionnaires des réseaux de distribution publique d'électricité , et assise sur le nombre de kilowattheures (kwh) distribués à partir d'ouvrages exploités en basse tension l'année précédente. Fixé par arrêté 75 ( * ) , le taux de cette contribution est plus élevé en zone urbaine - 0,191450 centime d'euro par kilowattheure - qu'en zone rurale - 0,038290 centime d'euro par kilowattheure - permettant ainsi une péréquation dans le financement des aides .

Le CAS comprend deux programmes :

- le programme 793 « Électrification rurale », qui concentre 98 % des autorisations d'engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) du CAS , vise à financer le renforcement, la sécurisation et l'extension des réseaux d'électrification rurale ;

- le programme 794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries » finance des actions de production décentralisée d'électricité dans les zones non interconnectées (ZNI), en particulier dans les collectivités ultramarines, ainsi que dans les sites isolés.

2. Un solde en augmentation en raison d'une sous-exécution des dépenses et de recettes légèrement plus importante que prévu

La consommation des crédits en 2017 a diminué de - 7,4 % en AE et de - 1,8 % en CP par rapport à la consommation des crédits observés en 2016. En outre, 47,5 millions d'euros en AE et 33,8 millions d'euros en CP ouverts en loi de finances initiale n'ont pas été consommés en 2017, contre respectivement 46,8 millions d'euros en AE et 27,4 millions d'euros en CP en 2016.

On observe ainsi une sous-consommation de -10,7 % en AE et de -7,3 % en CP par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale des crédits du programme 793. Ces chiffres sont en légère dégradation par rapport à ceux qui avaient été enregistrés en 2016.

Le programme 794 demeure quant à lui gravement sous-exécuté , seuls 16 % des crédits en AE et 12,4 % en CP ayant été consommés en 2017 (voir infra ).

Exécution des crédits du CAS par programme en 2017

(en euros et en %)

Programme

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Exécution 2017 / exéc. 2016

Exécution 2017 / LFI 2017

(en %)

(en %)

793 « Électrification rurale »

AE

357 151 687

369 600 000

330 130 855

-7,8 %

-10,7 %

CP

348 959 849

369 600 000

342 302 865

-1,9 %

-7,3 %

794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries »

AE

791 958

7 400 000

1 182 241

+49,3 %

-84,0%

CP

631 787

7 400 000

916 829

+45,1 %

-87,6 %

Total

AE

357 943 645

377 000 000

331 313 096

-7,4 %

-12,1 %

CP

349 591 636

377 000 000

343 219 694

-1,8 %

-9,0 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport annuel de performance pour 2017)

Contrairement aux années précédentes, les recettes perçues par le CAS ont été légèrement supérieures de 1,49 million d'euros au montant prévu en loi de finances initiale, puisqu'elles ont atteint 378,5 millions d'euros , contre 377,0 millions d'euros attendus. Cet écart positif s'explique par la régularisation d'erreurs sur le calcul de contributions des années antérieures , issues de déclarations erronées d'assiette.

Il s'agit là d'une bonne nouvelle, puisque la surestimation des recettes permanente du CAS avait fini par représenter, selon la Cour des comptes, un cumul de recettes non perçues de 3 798 098 euros 76 ( * ) entre 2012 et 2016.

Conséquence de cette bonne rentrée des recettes, mais également de la très faible consommation des crédits du programme 784, le solde du CAS en 2017 est nettement positif , puisqu'il représente 35,3 millions d'euros, contre 27,5 millions euros en 2016. Le solde cumulé du compte a atteint 311,8 millions d'euros en 2017.

Équilibre du CAS « Financement des aides aux collectivités
pour l'électrification rurale » en 2017 (en crédits de paiement)

(en euros)

Programme

Recettes

Crédits exécutés

Solde

793 « ÉLECTRIFICATION RURALE »

342 302 865

764 « OPÉRATIONS DE MAÎTRISE DE LA DEMANDE D'ÉLECTRICITÉ, DE PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ PAR LES ÉNERGIES RENOUVELABLES OU DE PRODUCTION DE PROXIMITÉ DANS LES ZONES NON INTERCONNECTÉES, DÉCLARATIONS D'UTILITÉ PUBLIQUE ET INTEMPÉRIES »

916 829

Total

378 488 932

343 219 694

35 269 238

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport annuel de performance pour 2017)

3. Une consommation excédentaire des crédits des aides à l'extension et à la sécurisation des réseaux

Ainsi que le montre le tableau ci-dessous, les actions du programme 793 ont été exécutées à des taux relativement variables, correspondant en moyenne à 92 % du montant initialement prévu en loi de finances .

Ces chiffres viennent appuyer ce que le prédécesseur de votre rapporteur spécial, le sénateur Jacques Genest, relevait dans son rapport de contrôle sur la gestion et l'utilisation des aides aux collectivités pour l'électrification rurale : six ans après sa création, « le FACÉ semble aujourd'hui avoir trouvé un certain rythme de croisière » dans l'instruction des dossiers et le paiement des aides 77 ( * ) .

Exécution du programme 793 par action en 2017

(en euros et en %)

Numéro et intitulé de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits votés

Crédits exécutés

Taux de consommation

Crédits votés

Crédits exécutés

Taux de consommation

3 Renforcement des réseaux

172 000 0000

152 770 589

88,8 %

172 000 000

157 018 461

91,3 %

4 Extension des réseaux

42 700 000

38 843 356

90,1 %

42 700 000

45 046 022

105,5 %

5 Enfouissement et pose en façade

44 500 000

38 650 596

86,9 %

44 500 000

47 791 097

107,4 %

6 Sécurisation des fils nus (hors faible section)

51 000 000

45 190 488

88,6 %

51 000 000

44 984 955

88,2 %

7 Sécurisation des fils nus de faible section

55 000 0000

47 731 358

86,8 %

55 000 000

43 897 770

79,8 %

8 Fonctionnement

1 400 000

756 653

54,0 %

1 400 000

1 067 813

76,3 %

9 Déclaration d'utilité publique (Très haute tension)

500 000

478 954

95,8 %

500 000

496 485

99,3 %

10 Intempéries

2 500 000

5 708 861

228,3 %

2 500 000

2 000 222

80,0 %

Total

369 600 000

330 130 855

89,3 %

369 600 000

342 302 865

92,6 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport annuel de performance pour 2017)

Un point particulier mérite toutefois d'être souligné.

En 2015 comme en 2016, les crédits des actions 6 « Sécurisation des fils nus (hors faible section) » et 7 « Sécurisation des fils nus de faible section » avaient fait l'objet d'une surconsommation .

Pour en tenir compte, un abondement de 25 millions d'euros vers ces deux actions avait été mis en oeuvre à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2017.

Si cela semblait judicieux, il paraissait en revanche problématique que cet abondement soit réalisé au détriment des actions 4 « Extension des réseaux » et 5 « Enfouissement et pose en façade », qui ne faisaient pas l'objet d'une sous-consommation. Jacques Genest, avait ainsi estimé « qu'un risque de surconsommation de ces deux actions pour l'exercice 2017 [était] à craindre ».

Les faits lui ont donné raison, dans la mesure où 45,0 millions d'euros au titre de l'action 4 et 47,8 millions d'euros au titre de l'action 5 ont été exécutés en 2017 alors que seuls 42,7 millions d'euros et 44,5 millions d'euros avaient été respectivement prévus en loi de finances initiale.

Cette situation n'ayant pas été corrigée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, votre rapporteur spécial souhaite qu'elle le soit à l'occasion du projet de loi de finances pour 2019 .

4. La sous-utilisation chronique des aides en faveur des zones non interconnectées s'est poursuivie en 2017

Si la consommation des crédits du programme 793 a atteint un « rythme de croisière », il n'en est pas de même pour le programme 794 , qui est systématiquement marqué par une très forte sous-consommation de ses crédits .

Jacques Genest avait déjà souligné que cette sous-utilisation chronique des aides du programme 794 correspondait à un faible nombre de demandes de subvention déposées par les AODÉ , celles-ci ayant des difficultés dans le montage des dossiers ainsi que pour les mener à bien dans les délais impartis 78 ( * ) .

Si l'on peut convenir avec la Cour des comptes de la nécessité de mieux adapter les aides de ce programme aux collectivités concernées 79 ( * ) - Corse et outre-mer en particulier - votre rapporteur spécial s'interroge cependant sur le maintien des crédits du programme 794 au même niveau depuis la création du FACÉ .

C'est dans cette logique qu'il avait proposé au Sénat, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, l'adoption d'un amendement visant à majorer les majorer les crédits du programme 793 de 4 millions d'euros tout en minorant ceux du programme 794 du même montant , sur la base du montant des crédits non consommés en 2016.

MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES » ET CAS « SERVICES NATIONAUX DE TRANSPORT CONVENTIONNÉ DE VOYAGEURS » - PROGRAMMES TRANSPORTS TERRESTRES ET AFFAIRES MARITIMES - MME FABIENNE KELLER, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DES PROGRAMMES 203 « INFRASTRUCTURES ET SERVICES DE TRANSPORT » ET 205 « SÉCURITÉ ET AFFAIRES MARITIMES » EN 2017

1. Le programme « Infrastructures et services de transport »

La loi de finances initiale pour 2017 prévoyait 3 124,2 millions d'euros d'autorisation d'engagement (AE) et 3 145,8 millions d'euros de crédits de paiement (CP) pour le programme 203 « Infrastructures et services de transport ».

Toutefois, ce programme présente la particularité de recevoir d'importants fonds de concours de la part de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et des collectivités territoriales (dans une proportion moindre).

Si ces fonds de concours sont présentés de manière évaluative dans les documents annexés au projet de loi de finances et ne font donc pas partie des crédits adoptés par le Parlement, ils viennent s'imputer, en cours de gestion, sur le programme et sont compris dans les crédits ouverts et consommés.

Au total, en ajoutant ces fonds de concours ainsi que les attributions de produits, la loi de finances initiale prévoyait 4 595,6 millions d'euros en AE et 4 628,6 millions d'euros en CP pour le programme 203.

La consommation des AE du programme 203 s'est élevée à 4 648,5 millions d'euros tandis que celle des CP atteignait 4 632,8 millions d'euros , soit des niveaux supérieurs aux prévisions de la loi de finances initiale , en raison de l'apport de 1 119,0 millions d'euros en AE et en CP de fonds de concours par l'AFITF, soit un montant plus important que ce qui avait été initialement anticipé.

C'est du reste ce rôle particulier des fonds de concours qui explique que le programme 203 présente un taux d'exécution très inhabituel de 147,3 %.

Exécution des crédits du programme « Infrastructures et services de transport »
en 2017 (y compris fonds de concours et attributions de produits)

(en millions d'euros)

Exécution
2016

LFI
2017

Exécution
2017

Autorisations d'engagement

4 459,27

4 595,6

4 648,5

Crédits de paiement

4 406,48

4 628,6

4 632,8

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En 2017, la réserve de précaution du programme 203 a représenté 236,7 millions d'euros en AE et 238,4 millions d'euros en CP, soit environ 7,6 % de la dotation initiale du programme : le taux de mise en réserve de 8 % hors dépenses de personnel arrêté pour la loi de finances initiale de 2017 a été appliqué uniformément à l'ensemble des postes de dépenses du programme, à l'exception des dépenses de personnel de la subvention pour charges de service public versée à Voies navigables de France, auxquelles ont été appliquées le taux réduit de mise en réserve de 0,5 % .

À ces sommes mises en réserve sont venues s'ajouter 152,2 millions d'euros de surgels en AE et en CP.

En gestion, les décrets d'annulation et les décrets d'avance de l'année ont annulé (hors titre 2) 255,1 millions d'euros en AE et 247,5 millions d'euros en CP, soit un taux d'annulation de 8,1 % en AE et de 7,9 % en CP par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale et de 5,6 % en AE et de 5,3 % en CP par rapport aux crédits ouverts .

À noter en particulier le fort impact des deux décrets du 20 juillet 2017 79 ( * ) adoptés par le nouveau Gouvernement pour contenir le déficit public sous la barre des 3 % du PIB et qui se sont traduits pour le programme 203 par des annulations de 237,9 millions d'euros en AE et de 239,6 millions d'euros en CP.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2017

(en millions d'euros)

Infrastructures et services de transports

LFI 2017

Reports entrants

Mouvements en cours de gestion

(LFR et DA)

Virement ou transfert

Reports sortants

FDC / ADP

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

3 145,8

317,2

-239,6

-4,4

-297,2

1 711,0

4 632,8

147,3 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les aides de l'État au fret ferroviaire ont une nouvelle fois joué un rôle de variable d'ajustement en supportant les deux tiers des annulations de crédits du programme 203 : le projet de loi de finances initiale prévoyait un montant d'aides de 226,3 millions d'euros , mais celui-ci n'a été que de 61,7 millions d'euros , soit un différentiel de 164,6 millions d'euros .

En revanche, le programme a bénéficié de deux levées partielles de la réserve de précaution en gestion :

- un dégel de 26 millions d'euros (AE=CP) pour assurer le financement de l'engagement supplémentaire de l'État dans le dragage des ports, pris par le Premier ministre lors du Comité interministériel de la mer du 4 novembre 2016. Cet effort financier supplémentaire a permis de consacrer 67,5 millions d'euros en 2017 à cette priorité du Gouvernement ;

- un dégel de 155,9 millions d'euros (AE=CP) pour assurer le solde du paiement des concours ferroviaires à SNCF Réseau.

2. Le programme 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture »

Alors que le programme 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » bénéficiait de 201,3 millions d'euros en AE et de 197,9 millions d'euros en CP en loi de finances initiale, seuls 172,0 millions d'euros en AE et 168,3 millions d'euros en CP ont été effectivement consommés en 2017, soit des taux de consommation des crédits de 85,4 % en AE et de 85,0 % en CP .

Exécution des crédits du programme « Sécurité et affaires maritimes,
pêche et aquaculture » en 2017

(en millions d'euros)

Exécution 2016

LFI 2017

Exécution 2017

Autorisations d'engagement

100,1

201,3

172,0

Crédits de paiement

158,2

197,9

168,3

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La réserve de précaution initiale représentait 15,0 millions d'euros en AE et 14,7 millions d'euros en CP, auxquels se sont ajoutés le gel d'une partie des reports de 2016 (10,7 millions d'euros en AE et 12,5 millions d'euros en CP) puis des surgels de 17,1 millions d'euros en AE et 36,7 millions d'euros en CP décidés par le nouveau Gouvernement.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2017

(en millions d'euros)

Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture

LFI 2017

Reports entrants

Mouvements en cours de gestion

(LFR et DA)

Virement ou transfert

Reports sortants

FDC / ADP

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

197,9

13,4

-44,6

-0,4

-3,2

5,2

168,3

85,1 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En fin d'année, les crédits de la réserve de précaution ont été annulés à hauteur de 30,6 millions d'euros en AE et de 44,6 millions d'euros en CP, le programme bénéficiant seulement d'une libération partielle de 5 millions d'euros en AE pour le projet de relocalisation du site de Saint-Malo de l'École nationale supérieure maritime (ENSM), puis de 7,3 millions d'euros en AE et en CP pour couvrir le financement d'exonérations de charges passées au profit de la compagnie maritime Brittany Ferries.

À noter également que la suppression d'engagements juridiques ayant trait à l'ancien fonds européen pour la pêche (FEP) s'est poursuivie en 2017 avec des retraits d'engagement de 7,3 millions d'euros , après que 63,1 millions d'euros avaient déjà été retirés en 2016.

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La situation financière de l'AFITF demeure très fragile en dépit de la « pause » sur les grands projets d'infrastructure annoncée par le Gouvernement

En 2017, l'AFITF a perçu 2 400,2 millions d'euros de recettes affectées : 351,0 millions d'euros au titre de la redevance domaniale autoroutière (soit + 20,9 millions d'euros par rapport à 2016), 515,8 millions d'euros de taxe d'aménagement du territoire (soit + 3,4 millions d'euros par rapport à 2016), 408,9 millions d'euros de produit des amendes radars (soit + 37,3 millions d'euros par rapport à 2016) et 1 124 millions d'euros de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), contre 763,5 millions d'euros en 2016, 339 millions d'euros de TICPE ayant été alloués au remboursement anticipé des dettes Dailly du contrat de partenariat relatif à l'écotaxe poids lourds dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2017.

À noter que l'AFITF n'a pas bénéficié en 2017, contrairement aux années précédentes, du versement de la troisième et dernière tranche de 100 millions d'euros au titre de la contribution des sociétés concessionnaires d'autoroutes prévue dans le cadre du premier plan de relance autoroutier. Ce versement devrait intervenir en 2018. Pour mémoire, le montant total de cette contribution est de 1,2 milliard d'euros , dont 100 millions d'euros par an entre 2016 et 2018, le solde étant étalé d'ici la fin des concessions, au moyen de 20 annuités de 60 millions d'euros .

Les ressources de l'AFITF
sur la période 2014-2017

Source : Cour des comptes et AFITF

Toujours en 2017, l'AFITF a dépensé 1 944,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) , alors que son budget initial s'élevait à 3 220,4 millions d'euros, soit une forte diminution de 1 276,2 millions d'euros : c'est là la conséquence directe de la « pause » sur les grands projets d'infrastructure annoncée par le Président de la République le 1 er juillet 2017.

Les crédits engagés par l'AFITF en 2017 sont également en forte baisse de 530,2 millions d'euros lorsqu'on les compare aux 2 474,4 millions d'euros de 2016.

Ce recul concerne tous les modes de transport , à l'exception des transports collectifs (+41,6 millions d'euros), dont les engagements sont passés de 229,8 millions d'euros en 2016 à 271,4 millions d'euros en 2017, tant pour les projets d'infrastructures de transport collectif en Île-de-France que pour les projets en régions.

Les engagements routiers sont pour leur part passés de 1 083 millions d'euros en 2016 à 728 millions d'euros en 2017, soit une baisse de 355 millions d'euros . Si l'engagement complémentaire de 290 millions d'euros en faveur de la nouvelle route du littoral à La Réunion en 2016 était exceptionnel, ce recul traduit également de moindres engagements sur les CPER, sur des opérations de développement telles que l'A45 (report de l'engagement en 2018) ou bien encore sur le réseau existant.

Alors que les engagements en faveur du mode ferroviaire avaient connu un triplement en 2016 , en particulier avec l'engagement de 720 millions d'euros pour l'achat de matériel roulant en faveur des lignes Paris-Cherbourg et Paris-Le Havre , en vertu de l'accord conclu entre la région Normandie et l'État dans le cadre du transfert à cette région de ces deux lignes de trains d'équilibre du territoire-TET (voir infra ), ils ont diminué de 198 millions d'euros en 2017.

Ils sont ainsi passés de 1 024,5 millions d'euros en 2016 à 826,3 millions d'euros en 2017 malgré un nouvel engagement de 364,1 millions d'euros au titre du matériel roulant des TET, de 132,9 millions d'euros pour le projet Lyon-Turin ou bien encore de 89,9 millions d'euros pour l'électrification de la ligne Serqueux-Gisors.

À noter également la nouvelle baisse des engagements en faveur du mode de transport fluvial passés de 88 millions d'euros en 2015 à 76,9 millions d'euros en 2016 puis 72,2 millions d'euros en 2017 , en raison de l'absence d'engagements nouveaux au profit du projet de canal Seine-Nord Europe.

En ce qui concerne les crédits de paiement , et si l'on exclut les dépenses liées à l'écotaxe poids lourds, la montée en puissance de l'AFITF est très nette ces dernières années, avec 1 714,7 millions d'euros dépensés en 2014, 1 754,5 millions d'euros en 2016, 1 972,4 millions d'euros en 2016 et 2 106,8 millions d'euros en 2017 , soit 134 millions d'euros supplémentaires consommés par rapport à l'année précédente.

Cette hausse des dépenses est principalement liée aux grands projets ferroviaires et routiers .

En matière ferroviaire, les dépenses ont ainsi atteint 964,5 millions d'euros en 2017, soit 144,1 millions d'euros de plus qu'en 2016, en raison des versements consentis en faveur de 5 grands projets structurants :

- la LGV Sud Europe Atlantique , pour laquelle l'AFITF a versé à SNCF Réseau une subvention d'investissement de 252,6 millions d'euros ;

- la LGV Bretagne Pays-de-la-Loire , pour laquelle l'AFITF a payé la première année du loyer immobilier dû par SNCF Réseau au titulaire du contrat de partenariat pour un montant de 64,6 millions d'euros ;

- le contournement Nîmes-Montpellier , pour lequel l'AFITF a payé la première année du loyer immobilier dû par SNCF Réseau au titulaire du contrat de partenariat pour un montant de 22,7 millions d'euros ;

- le tunnel ferroviaire Lyon-Turin , auquel l'AFITF a consacré 61,2 millions d'euros afin que la société de projet puisse poursuivre ses travaux de reconnaissance en attendant le lancement des travaux définitifs ;

- l'acquisition du matériel roulant des trains d'équilibre du territoire (TET), pour un montant de 246,2 millions d'euros .

En matière routière, les crédits de paiement consommés ont atteint 811,4 millions d'euros en 2017, soit 32,4 millions d'euros de plus qu'en 2016.

Cette augmentation est directement liée au financement de la nouvelle route du littoral à La Réunion ( 100 millions d'euros , soit + 79,7 millions d'euros ), alors que les autres dépenses routières sont en baisse (-18,9 millions d'euros pour la régénération, - 16,7 millions d'euros pour la sécurité des tunnels).

L'AFITF a également accéléré en 2017 son désendettement vis-à-vis de SNCF Réseau , puisque le montant de la dette dont elle doit s'acquitter auprès de l'opérateur du réseau ferré national, née du besoin de financement de la seconde phase de la LGV Est et de la LGV Sud Europe Atlantique, a diminué de 232,5 millions d'euros en 2017 pour atteindre 228,5 millions d'euros . Il s'agit là d'un effort de réduction important puisque cette dette représentait encore 745,7 millions d'euros fin 2015 et 460,9 millions d'euros fin 2016.

En dépit de ce progrès significatif, les « restes à payer » de l'AFITF représentent toujours 12,0 milliards d'euros , en légère baisse de 210 millions d'euros par rapport à 2016.

Ils sont concentrés sur le mode ferroviaire, qui représente 63 % de leur total , et présentent pour une partie d'entre eux une grande rigidité car mis en oeuvre dans le cadre de contrats de partenariat public-privé , avec, par exemple, 335,4 millions d'euros dus sur la subvention initiale d'investissement de la LGV Sud Europe Atlantique, 2,0 milliards d'euros pour la couverture des loyers immobiliers de la LGV Bretagne Pays-de-la-Loire ou bien encore 2,3 milliards d'euros pour la couverture des loyers immobiliers du contournement Nîmes-Montpellier.

Évolution des restes à payer de l'AFITF,
corrigés de l'écotaxe poids lourds (2005-2017)

Source : AFITF

A ces montants déjà connus vont s'ajouter la poursuite de la prise en charge du renouvellement du matériel roulant des trains d'équilibre du territoire (TET) transférés aux régions, évaluée à 3,5 milliards d'euros au total (seuls 1,7 milliards d'euros avaient été engagés à la fin de l'année 2017) ou bien encore le financement du projet ferroviaire Lyon-Turin et du Canal Seine-Nord Europe .

Au total, la situation financière de l'AFITF demeure très précaire et il apparaît clairement qu'elle va devoir continuer à faire face dans les années à venir à une véritable « bosse de financement » , que le Gouvernement a commencé à prendre en compte en majorant la trajectoire de dépenses de l'AFTIF dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, avec 2,4 milliards d'euros en 2018, 2,5 milliards d'euros en 2019 et 2020 puis 2,4 milliards d'euros en 2021 et 2022, soit un total de 12,2 milliards d'euros entre 2018 et 2020.

2. Les crédits en faveur de l'entretien du réseau routier non concédé, qui s'était dégradé ces dernières années, ont diminué en 2017 mais restent à un niveau élevé

Alors que le réseau routier non concédé subissait un vieillissement de plus en plus préoccupant , les pouvoirs publics ont pris progressivement conscience ces dernières années de la nécessité de faire de l'entretien et de la régénération des chaussées une véritable priorité .

Mais, alors que les dépenses de l'État en faveur du mode de transport routier avaient atteint 1 322,2 millions d'euros en AE et 1 362,2 millions d'euros en CP en 2016, ils ont représenté 1 241,6 millions d'euros en AE et 1 299,2 millions d'euros en CP en 2017, soit une baisse de 80,6 millions d'euros en AE et de 62,8 millions d'euros en CP.

Après leur forte progression de ces dernières années (elles étaient passées de 337,7 millions d'euros en 2014 à 401,5 millions d'euros en 2015 puis 486,9 millions d'euros en 2016), les dépenses en matière d'entretien routier ont diminué de 44 millions d'euros en 2017 pour s'établir à 442,8 millions d'euros .

Cette baisse s'explique principalement par un très fort recul de -23,6 millions d'euros des crédits de mise en sécurité des tunnels, qui sont passés de 147,3 millions d'euros en 2012 à 39,1 millions d'euros en 2017.

Les dépenses de régénération du réseau routier se sont pour leur part stabilisées à 276,8 millions d'euros , soit un niveau très proche de celui de 2016.

Pour mémoire, les moyens consacrés à la régénération avaient été multipliés par 2,6 entre 2012 et 2016 , notamment grâce aux crédits du plan de relance de l'entretien routier de 120 millions d'euros porté par le précédent Gouvernement et financé par l'AFITF : il est en effet important de maintenir ce niveau d'investissements dans le temps pour permettre à notre réseau routier de retrouver un haut niveau de performance.

La nouvelle baisse de 4,9 millions d'euros des crédits dévolus à l'entretien préventif des chaussées ne va en revanche pas dans le bon sens : elle fait suite à des diminutions de crédits de 11,5 millions d'euros en 2016, 6,2 millions d'euros en 2015 et 7,3 millions d'euros en 2014, si bien que leur montant se limite désormais à 35,6 millions d'euros .

3. Le quasi-doublement en 2017 des dépenses de la Société du Grand Paris témoigne de la montée en puissance du chantier du Grand Paris Express, avec le début de la construction de la ligne 15 sud

Les dépenses de la Société du Grand Paris, qui étaient de 292 millions d'euros en 2014, de 563 millions d'euros en 2015 et de 909 millions d'euros en 2016 se sont élevées à 1 782 millions d'euros en 2017, soit une hausse de 96,0 % qui correspond à un quasi-doublement .

Ses recettes se sont élevées à 539 millions d'euros , en croissance de + 1,3 % par rapport aux 532 millions d'euros de 2016 et de + 3,9 % par rapport aux 519 millions d'euros de 2015, mais en retrait de 60 millions d'euros par rapport aux prévisions initiales. Elles proviennent principalement du produit de trois taxes affectées : la taxe annuelle sur les surfaces à usage de bureaux, la taxe spéciale d'équipement et l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau-IFER.

À noter également que la SGP a souscrit son premier emprunt au cours de l'année 2017, pour un montant de 700 millions d'euros , ses dépenses dépassant désormais largement ses recettes et son fonds de roulement étant épuisé.

Les dépenses d'investissement de la SGP, qui étaient passées de 180,1 millions d'euros en 2014 à 261,1 millions d'euros en 2015, puis à 483 millions d'euros en 2016, soit une hausse de 85 % , ont augmenté de 127 % en 2017 pour atteindre 1 098 millions d'euros , un niveau supérieur de 42 millions d'euros à celui qui était prévu par le budget initial de l'opérateur.

Ces dépenses d'investissement comprennent principalement les dépenses liées aux acquisitions foncières (172 millions d'euros), les études de maîtrise d'oeuvre , les travaux de déviation des réseaux et les autres travaux préparatoires, ainsi que les premiers travaux de génie civil .

En 2017, ce sont les chantiers et réalisations en faveur de la ligne 15 sud qui ont concentré la majorité des dépenses d'investissement de la SGP, puisque celle-ci leur a consacré 761 millions d'euros .

Il ne s'agit là que d'un début puisque les investissements annuels de la SGP devraient représenter entre 2 et 3 milliards d'euros de 2018 à 2025, avec un pic à 3,5 milliards d'euros en 2019.

La réévaluation à l'automne dernier des coûts à la charge de la SGP à 38,5 milliards d'euros en valeur 2012 a toutefois conduit le Gouvernement à annoncer le 22 février 2018 un décalage de la mise en service de certaines lignes ou portions de ligne. Il est dorénavant prévu que les dépenses de la SGP représentent 16 milliards d'euros sur la période 2018-2022 .

En outre, une mission a été confiée début 2018 par le Gouvernement à notre collègue député Gilles Carrez (Les Républicains, Val-de-Marne), afin d'identifier de nouvelles recettes pour financer le projet .

4. Voies navigables de France a maintenu en 2017 un niveau d'investissement relativement important en dépit d'une nouvelle diminution de sa subvention pour charges de service public

Voies navigables de France (VNF) , établissement public placé sous la tutelle du ministère chargé des transports, a pour mission la gestion des voies navigables au nom de l'État . Il bénéficie à ce titre d'une subvention pour charges de service public portée par le programme 203.

Alors que la loi de finances initiale avait prévu que cette somme s'élèverait à 251,4 millions d'euros en 2017, elle s'est finalement limitée à 244,6 millions d'euros , soit un niveau quasiment identique à celui de 2016. Cette réduction correspond aux 6,8 millions d'euros de la réserve de précaution sur la subvention de VNF , qui a fait l'objet d'une annulation en cours de gestion.

Si VNF a perçu 136,8 millions d'euros au titre de la taxe hydraulique, 4,0 millions d'euros ont été rétrocédés au budget général en raison du plafonnement de la taxe fixé à 132,8 millions d'euros . VNF a également perçu 28,2 millions d'euros au titre de ses redevances domaniales et 13,6 millions d'euros de recettes issues de péages.

VNF a bénéficié en 2017 de 70 millions d'euros de subventions de l'AFITF au titre de la restauration et de la modernisation du réseau fluvial . S'il est important, ce chiffre est néanmoins en recul par rapport aux 94,5 millions apportées par l'AFITF à VNF en 2016 grâce au plan de relance de l'investissement pour l'entretien du réseau routier et fluvial qui avait été annoncé par le précédent Gouvernement le 8 février 2016.

Le niveau d'investissements en faveur des infrastructures a représenté 135,8 millions d'euros en 2017, dont 30,3 millions d'euros pour la remise en état du réseau à grand gabarit , 29,2 millions d'euros pour la modernisation des méthodes d'exploitation , 27,6 millions d'euros pour la protection de l'environnement et la sécurité et 8,2 millions d'euros pour le partenariat public-privé des barrages Aisne-Meuse .

Mais, selon les responsables de l'établissement public, que votre rapporteur spécial avait entendus lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, les investissements actuellement consentis pour la régénération, la modernisation et le développement de nos voies navigables demeurent insuffisants pour maintenir le réseau en état et empêcher son vieillissement : selon eux, 230 millions d'euros par an pendant 10 ans seraient nécessaire pour permettre une véritable remise en état et une régénération du réseau .

Consciente du problème, la ministre chargée des transports a demandé à la direction de l'établissement de faire réaliser un audit précis et indépendant du réseau pour vérifier si ce chiffre , avancé depuis quelques années, constitue toujours un reflet fidèle de la réalité et pour fournir des éléments de réflexion sur la hiérarchisation des besoins . Celui-ci devrait être disponible pour l'examen du projet de loi de finances pour 2019.

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « SERVICES NATIONAUX DE TRANSPORT CONVENTIONNÉ DE VOYAGEURS »

1. Les crédits du compte d'affectation spéciale ont permis de financer en 2017 le déficit d'exploitation et le renouvellement du matériel roulant des lignes Intercités au titre de l'année 2016

Le compte d'affectation spéciale « Services de transport nationaux conventionnés de voyageurs » porte les crédits relatifs aux « trains d'équilibre du territoire » (TET) , c'est-à-dire aux trains Intercités , dont l'État est depuis 2011 l'autorité organisatrice 80 ( * ) .

Le CAS perçoit diverses taxes affectées (contribution de solidarité territoriale-CST, fraction de la taxe d'aménagement du territoire-TAT et taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires-TREF) qui lui permettent de reverser une dotation à SNCF Mobilités afin de financer le déficit qu'elle constate au titre de l'exploitation des lignes TET (programme 785 « Exploitation des services nationaux de transport conventionnés ») et de renouveler leur matériel roulant (programme 786 « Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés »).

La loi de finances initiale pour 2017 prévoyait que les ressources du CAS s'élèveraient à 358 millions d'euros . Le niveau de CST pesant sur SNCF Mobilités au titre de 2017 ayant été réduit par l'État de 50 millions d'euros (son montant représentait 90 millions d'euros en 2016), la loi de finances rectificative pour 2017 a affecté au CAS en compensation une part du produit de la TAT supplémentaire de 50 millions d'euros .

Au final, le CAS a donc perçu en 2017 40 millions d'euros de CST, 92 millions d'euros de TAT et 226 millions d'euros de TREF.

Il convient de rappeler que le CAS avait connu une quasi inactivité en 2016 , puisque l'État 81 ( * ) n'avait pas versé de contribution à l'exploitation des TET à SNCF Mobilités au titre de l'année 2016 . En contrepartie, il n'avait pas non plus prélevé sur l'entreprise la contribution de solidarité territoriale (CST) ni la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF).

Cette situation exceptionnelle s'expliquait par le délai nécessaire pour la signature par l'État et SNCF Mobilités de la nouvelle convention d'exploitation des lignes de trains d'équilibre du territoire , qui n'a été paraphée que le 27 février 2017.

Cette convention d'exploitation , qui prend en compte les nombreux effets de la réforme des TET mise en oeuvre depuis trois ans (voir infra ), couvre la période 2016-2020 et pourra être prolongée jusqu'en 2023 . Elle est rétroactive, dans la mesure où elle est réputée en vigueur depuis le 1 er janvier 2016.

Au titre de l'exercice 2017, il était prévu en loi de finances initiale que les dépenses du compte s'élèveraient à 358 millions d'euros en AE et en CP, à raison de 258 millions d'euros (AE=CP) au titre de l'exploitation et de 100 millions d'euros (AE=CP) pour la contribution de l'État aux investissements relatifs à la maintenance et à la régénération du matériel roulant .

À l'issue de la gestion, le compte fait apparaître des dépenses de 300,8 millions d'euros au titre de l'exploitation (programme 785) et de 100 millions d'euros au titre du matériel roulant (programme 786).

Ces dépenses correspondent au versement de 400 millions d'euros qu'a effectué l'État au profit de SNCF Réseau en mars 2017 afin de financer l'exploitation des TET et le renouvellement de leur matériel roulant au titre de l'année 2016 , conformément aux termes de la convention d'exploitation 2016-2020.

Pour financer cette somme, le CAS a bénéficié à la fois des 358 millions d'euros de taxes affectées susmentionnés mais également de reports de crédits représentant 83,6 millions d'euros en AE et 84,0 millions d'euros en CP.

Le paiement de la contribution 2016 ayant eu lieu en 2017 , celui de la contribution pour 2017 aura lieu en 2018 . Les dépenses du CAS devraient donc désormais concerner en année n les sommes dues au titre de l'année n-1, alors qu'elles couvraient jusqu'en 2015 les sommes dues au titre de l'année n. Cette évolution n'est guère de nature à simplifier la lecture du CAS .

2. La nouvelle convention d'exploitation des TET tire les conséquences de la réforme profonde de ces lignes ferroviaires et incite SNCF Mobilités à proposer une politique commerciale plus dynamique

Dans un contexte d'aggravation du déficit d'exploitation des TET , le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche avait mis en place en novembre 2014 une commission « TET d'avenir » et lui avait confié la mission d'étudier les dysfonctionnements de l'offre TET afin de proposer des axes d'amélioration . Sur la base du diagnostic de cette commission, il avait établi le 7 juillet 2015 une feuille de route « pour un nouvel avenir des trains d'équilibre du territoire » visant à réformer profondément les lignes Intercités .

À la suite d'un important travail de concertation, le Gouvernement a décidé de cesser progressivement de financer six lignes de nuit entre le 1 er octobre 2016 et le 1 er octobre 2017 82 ( * ) , seules les lignes Paris-Briançon et Paris-Rodez-Latour-de-Carol restant en activité, à raison d'un aller-retour quotidien , en tant que lignes d'aménagement du territoire .

D'autre part, il a signé des accords de reprise de lignes Intercités avec de nombreuses régions . Ainsi, la région Normandie , par un accord signé le 25 avril 2016, a accepté de devenir l'autorité organisatrice des cinq lignes TET qui la desservent 83 ( * ) et d'en supporter les déficits , à compter du 1 er janvier 2020 au plus tard, en contrepartie d'un financement de l'État de 720 millions d'euros pour renouveler le matériel roulant , largement vétuste, des lignes Paris-Caen-Cherbourg et Paris-Rouen-Le Havre.

À la Normandie sont ensuite venues depuis s'ajouter les régions Grand Est, Nouvelle-Aquitaine, Hauts-de-France, Occitanie et Centre-Val de Loire. Au total, 18 lignes ont été transmises aux régions , selon des modalités spécifiques pour chacune d'entre elles, et l'État s'est engagé à investir plus de 1,4 milliard d'euros au total pour l'acquisition de matériels neufs.

En revanche, l'État est resté l'autorité organisatrice des lignes de longue distance structurantes au niveau national, à savoir les trois lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse , Paris-Clermont-Ferrand et Bordeaux-Toulouse-Marseille . Il s'est engagé à acquérir d'ici 2025 des rames neuves adaptées aux besoins des voyageurs sur ces lignes, pour un montant d'environ 1,2 milliard d'euros .

Par ailleurs, ont également été maintenues sous l'autorité de l'État , au titre de l'aménagement du territoire les trois lignes Nantes-Bordeaux , Toulouse-Hendaye et Nantes-Lyon .

La convention signée le 27 février 2017 entre l'État et SNCF Mobilités relative aux lignes d'équilibre du territoire (TET) pour la période 2016-2020 a tiré les conséquences de ces évolutions profondes .

Elle prévoit que la contribution financière de l'État à SNCF Mobilités portée par le CAS « Service nationaux conventionnés de voyageurs » pour couvrir le déficit de ces trains s'élèvera à 1 668 millions d'euros entre 2016 et 2020 et diminuera de 400 millions d'euros pour 2016 à 250 millions d'euros pour 2020 grâce aux reprises de lignes par les régions (contre 550 millions d'euros en l'absence de réforme).

Elle fixe également à SNCF Mobilités des objectifs en matière de maîtrise de ses coûts et l'incite à mener une politique commerciale plus dynamique (« petits prix ») pour gagner en compétitivité vis-à-vis du transport par autocar longue distance et du covoiturage.

Les premiers résultats observés en 2017 sont encourageants, puisque le taux de remplissage des trains Intercités a atteint 38 % , contre 34 % en 2016. Autre indicateur positif, le nombre de voyageurs-kilomètres a augmenté d'environ 9 % par rapport à 2016.

MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES » PROGRAMME « EXPERTISE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET MÉTÉOROLOGIE » ET BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS » - M. VINCENT CAPO-CANELLAS, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS » EN 2017

La mission « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) retrace dans le cadre d'un budget annexe les activités de production de biens et de prestation de services de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) .

Elle est l'un deux seuls budgets annexes qui subsistent depuis la loi de finances pour 2007, avec le budget annexe « Publications officielles et information administrative ». Elle rassemble trois programmes : le programme 613 « Soutiens aux prestations de l'aviation civile » (consacré aux fonctions supports de la DGAC), le programme 612 « Navigation aérienne » et le programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification ».

Le BACEA est présenté en équilibre . Ses dépenses sont financées principalement par des taxes et redevances , par le produit des recettes tirées de l'activité de ses services et, le cas échéant, par la variation de son endettement .

Le projet annuel de performances 2017 prévoyait un équilibre global du BACEA en dépenses et en recettes à 2 006,8 millions d'euros (hors section en capital). En exécution, ces dépenses et ces recettes se sont élevées, hors résultat d'exploitation, à 2 178,6 millions d'euros .

Le BACEA a enregistré un excédent d'exploitation de 446,9 millions d'euros , en hausse de 257,9 millions d'euros par rapport à celui de 2016 (189 millions d'euros). Le fonds de roulement , pour sa part, a atteint 114,7 millions d'euros , soit 80,3 millions d'euros de plus qu'à la fin de l'année 2016.

Exécution des crédits du budget annexe
« Contrôle et exploitation aériens » en 2017

(en millions d'euros)

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Écart exécution 2017 / exécution 2016

Écart exécution 2017 / LFI 2017

Autorisations d'engagement

2 150,6

2 198,6

2 179,6

1,3 %

- 0,9 %

Crédits de paiement

2 156,7

2 188,5

2 166,6

0,5 %

- 1,0 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En termes de crédits budgétaires, les dépenses exécutées ont atteint 2 179,6 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2 166,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit respectivement 97,2 % des crédits disponibles en AE et 98,8 % en CP.

Les recettes de redevances se sont élevées à 1 665,1 millions d'euros , dont 1 635,1 millions d'euros au titre des redevances de navigation aérienne (redevance de route, RSTCA 84 ( * ) métropole et redevances de navigation aérienne outre-mer) et 30,0 millions d'euros au titre des redevances de surveillance et certification, soit une hausse de 79,6 millions d'euros par rapport à la prévision initiale : comme en 2016, la croissance du trafic aérien survolant la France, supérieure de 5,0 % à la prévision, a permis au BACEA de bénéficier de recettes de redevance de route très dynamiques , supérieures de 63,8 millions d'euros au montant qui avait été anticipé (cette redevance représente à elle seule , avec un produit de 1 374 millions d'euros , 63,1 % des recettes d'exploitation de la DGAC et 78 % de ses recettes commerciales ).

De fait, 2017 a été une année record pour les services de la navigation aérienne , avec plus de 3,1 millions de vols contrôlés (soit une hausse de 4,0 % par rapport à 2016) et 88 jours de pointe dépassant les 10 000 vols contrôlés , contre 49 jours de pointe dépassant ce seuil en 2016.

Les recettes de la taxe d'aviation civile , intégralement perçues par le BACEA depuis le 1 er janvier 2016, ont également été plus favorables qu'espéré , puisque son produit a atteint 436,6 millions d'euros , soit 26,2 millions d'euros de plus que les 410,4 millions d'euros prévus par la loi de finances initiale : cet écart résulte de la croissance du trafic et de la hausse du nombre de passagers par rapport à l'assiette prévisionnelle ( 94,1 millions de passagers contre une estimation de 90,0 millions de passagers).

À noter également que le BACEA a perçu pour la première fois en 2017 14,6 millions d'euros correspondant au produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion excédant le plafond de 210 millions d'euros . Cette somme était reversée précédemment au budget général mais le Parlement avait décidé de l'affecter au BACEA dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2016.

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le désendettement du budget annexe s'est accéléré en 2017 : sa dette représente désormais 52,8 % de ses recettes d'exploitation, contre 67,4 % en 2014

En 2017, le budget annexe a emprunté 102,6 millions d'euros , soit le montant autorisé par la loi de finances initiale , légèrement inférieur de 4 millions d'euros par rapport au montant emprunté en 2016 (le montant prévu pour 2018 est de 87,2 millions d'euros).

Mais il convient de noter qu'il a diminué de 65,3 millions d'euros par rapport à 2015 ( 167,9 millions d'euros ) et de 164,6 millions d'euros par rapport à 2014 ( 267,2 millions d'euros ).

Alors que la dette du BACEA avait connu une augmentation très forte dans les années qui avaient suivi la crise du transport aérien de 2009 pour atteindre un pic à 1,28 milliard d'euros au 31 décembre 2014 , son encours a diminué de 123 millions d'euros en 2017, soit une baisse de - 11,2 % supérieure de 8,5 millions d'euros à la prévision de la loi de finances initiale, pour s'établir à 977,9 millions d'euros au 31 décembre 2017.

La dynamique de résorption de la dette du BACEA s'amplifie donc , après celle déjà observée en 2016 (diminution de - 10,1 % de l'encours), ce qui a permis de ramener le montant des intérêts de cette dette à 17,0 millions d'euros en 2017.

Évolution de l'endettement du budget annexe de 2007 à 2017

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Emprunt contracté

103,0

104,0

282,0

250,7

194,4

250,3

247,9

267,2

167,9

106,6

102,6

Remboursement des emprunts (capital)

104,0

104,0

108,0

154,0

181,5

196,9

222,9

225,3

225,1

219,7

208,1

Endettement net
au 31/12

877,7

877,7

1 051,6

1 148,3

1 161,2

1 214,4

1 239,4

1 281,5

1 224,3

1 100,9

977,9

Évolution en valeur absolue

- 0,7

0,0

173,9

96,7

12,9

53,2

25,0

42,1

- 57,2

- 123,4

- 123,0

Évolution en pourcentage

- 0,08 %

0 %

19,8 %

9,2 %

1,1 %

4,6 %

2,01 %

3,40 %

- 4,46 %

- 10,1 %

- 11,2 %

Source : commission des finances du Sénat

Endettement au 31/12

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Ainsi, alors que le ratio de l'endettement sur les recettes d'exploitation du BACEA , qui constitue l'un des principaux indicateurs de performance de la mission, s'élevait à 67,4 % en 2014, à 60,4 % en 2015 et à 52,8 % en 2016, il a significativement reculé en 2017 pour atteindre le chiffre de 44,9 % , soit un résultat plus favorable que celui qui avait été prévu par la DGAC, qui s'était fixé pour objectif un ratio de 48,9 % . Outre les efforts de réduction de l'encours de dette, ce bon résultat s'explique avant tout par le dynamisme des recettes de la DGAC , et en particulier celles de la redevance de route.

La poursuite du recul de la dette du BACEA , dont l'augmentation continue avait pu paraître un temps menacer la soutenabilité financière de la DGAC, constitue une bonne nouvelle pour nos finances publiques .

Elle devra impérativement se poursuivre dans les années à venir et ce d'autant plus que la DGAC va devoir veiller à maîtriser ses dépenses en matière de masse salariale tout en maintenant à un haut niveau ses dépenses d'investissements .

2. La masse salariale de la DGAC, qui représente près de la moitié des dépenses du BACEA, poursuit sa hausse en dépit du respect du schéma d'emploi, en raison du caractère très favorable des protocoles sociaux

Les dépenses de personnel de la DGAC , qui représentent 53,7 % du BACEA , se sont élevées à 1 163,9 millions d'euros en 2017 (contre 1 141 millions d'euros en 2016), soit 19,3 millions d'euros de moins que la prévision de la loi de finances initiale, en raison du décalage du calendrier de mise en oeuvre des mesures prévues au titre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) et de la mise en oeuvre de mesures programmées en 2017 au-delà de la date de limite de fin de gestion 85 ( * ) .

Hors CAS pensions, ces dépenses sont passées de 879,3 millions d'euros en 2016 à 897,0 millions d'euros en 2017, soit une nette augmentation de 2,0 % sur un an. Selon la Cour des comptes, le coût moyen par ETPT de la DGAC a connu une hausse significative de 2,6 % en 2017 après une hausse de 1,0 % en 2016.

Si le strict respect du schéma d'emploi (0 ETP par an pour la période 2016-2019, contre - 100 ETP par an pour la période 2013-2105) a permis de réaliser des économies de 1,9 millions d'euros , la masse salariale du BACEA a continué à augmenter , les mesures prévues par les protocoles sociaux de la DGAC ayant représenté des dépenses supplémentaires de 18,2 millions d'euros .

De fait, le caractère onéreux de ces protocoles est régulièrement mis en avant par la Cour des comptes, qui a calculé que les dépenses au titre des mesures prévues par les protocoles sociaux successifs s'élevaient à 51 millions d'euros depuis 2013 , à comparer avec les économies de 18,6 millions d'euros réalisées grâce au schéma d'emploi.

Pour mémoire, le coût pour les finances publiques du protocole social 2016-2019 signé le 19 juillet 2016 dans un contexte social tendu est évalué à 55 millions d'euros sur la période, comprenant des mesures catégorielles et l'application du PPCR . Ces différentes mesures devraient représenter des dépenses de 17,6 millions d'euros pour la DGAC en 2018.

Aussi votre rapporteur spécial sera-t-il très attentif au respect des contreparties demandées aux personnels de la DGAC , et en particulier aux ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA), en matière de productivité et d'adaptation du temps de travail , qui doivent leur permettre de faire face à la hausse continue du trafic et à sa saisonnalité de plus en plus marquée .

3. L'effort de rattrapage du retard d'investissements en faveur de la modernisation du contrôle de la navigation aérienne s'est poursuivi en 2017

Les dépenses d'investissement revêtent une grande importance pour la DGAC, car elles sont indispensables pour assurer le passage au « Ciel unique européen » , initiative de la Commission européenne qui vise à moderniser la gestion de l'espace aérien européen , en particulier grâce au coûteux programme technologique SESAR .

Or la DGAC a pris du retard dans son programme de modernisation du contrôle de la navigation aérienne , ainsi que votre rapporteur spécial l'a mis en lumière dans son récent rapport d'information « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe » 86 ( * ) .

Afin de tenter de combler ce retard, la DGAC n'a cessé d'augmenter ses dépenses d'investissement ces dernières années : celles-ci sont passées de 138,3 millions d'euros en 2013 à 179,7 millions d'euros en 2014 puis 181 millions d'euros en 2015.

Ce montant a connu une nouvelle augmentation très significative et bienvenue de 12,8 % en 2016 pour atteindre 204,2 millions d'euros , soit un niveau qui n'avait plus été atteint depuis 2010. L'année 2017 a été une année de stabilisation avec un montant d'investissements de 205,9 millions d'euros .

Sur ce total, 192,7 millions d'euros (soit 93,6 % du total) sont dévolus au programme 612 Navigation aérienne, et notamment aux grands programmes de modernisation du contrôle de la navigation aérienne (4-Flight, Coflight, Sysat, etc.) qui doivent permettre à la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) de faire face à la hausse à venir du trafic dans de bonnes conditions de capacité, de sécurité et de respect des normes environnementales.

Toutefois, comme les années précédentes, il convient de constater que les crédits d'investissements souffrent toujours d'une forte sous-exécution de 76 millions d'euros , puisque 282,3 millions d'euros de crédits avaient été ouverts sur ce poste de dépenses en loi de finances initiale (le taux de consommation des crédits n'est donc que de 86,4 %).

Au total, la DGAC devra renforcer la maîtrise de l'ensemble de ses dépenses hors investissements - en particulier les dépenses de personnel - afin de dégager les marges de manoeuvre nécessaires pour faire face aux importants efforts d'investissements qu'elle devra continuer à consentir dans les années à venir tout en poursuivant ses efforts de désendettement (voir supra ).

4. Des indicateurs de performance qui témoignent d'un excellent niveau de sécurité aérienne mais de retards dus à la navigation aérienne toujours beaucoup trop importants

À l'instar des exercices précédents, l'indicateur de performance relatif à la sécurité aérienne reste très satisfaisant, avec 0,06 croisement hors norme pour 100 000 vols contrôlés (contre 0,07 croisement hors norme en 2016 et 0 croisement hors norme en 2015).

Le pourcentage de retards dus aux services de la navigation aérienne a légèrement diminué en 2017 , puisqu'il est passé à 1,12 minute par vol contre 1,4 minute par vol en 2016.

Il s'agit là toutefois d'un mauvais résultat eu égard aux objectifs fixés à la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) par la Commission européenne dans le cadre de la régulation prévue par le Ciel unique européen. Surtout, la France reste responsable de 33 % des retards dus au contrôle aérien en Europe , alors qu'elle ne contrôle que 20 % du trafic du continent.

Comme l'a relevé votre rapporteur spécial dans le rapport d'information susmentionné, il importe de consentir au plus vite les efforts nécessaires pour résorber ces retards , grâce à la modernisation des systèmes de la navigation aérienne mis à la disposition des contrôleurs aériens ainsi qu'à une meilleure adaptation de leurs tours de services aux caractéristiques nouvelles du trafic aérien (hausse et saisonnalité accrue).

III. LE PROGRAMME 159 « EXPERTISE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET MÉTÉOROLOGIE » DE LA MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES »

Pour la première fois en 2017, le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » a regroupé les subventions pour charges de service public de Météo France, de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et du Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema).

En conséquence, le programme 170 « Météorologie » a été supprimé.

Comme le montre le tableau ci-dessous, la somme de ces trois subventions pour charges de service public représentait 497,1 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2017 (AE=CP). Les crédits exécutés se sont finalement élevés à 479,8 millions d'euros , soit un taux d'exécution de 96,5 % .

La mise en réserve initiale représentait 9,5 millions d'euros , auxquels se sont ajoutés 5,0 millions d'euros de surgels . Ces crédits ont été annulés en cours de gestion par le décret d'annulation n° 2017-1183 du 20 juillet 2017 et le décret d'avance n° 2017-1639 du 30 novembre 2017.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2017

(en millions d'euros)

Expertise, information géographique et météorologie

LFI 2017

Reports entrants

Mouvements en cours de gestion

(LFR et DA)

Virement ou transfert

Reports sortants

FDC / ADP

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

497,1

0,1

- 17,5

0,2

- 0,3

0,2

479,8

96,5 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

1. Météo France a poursuivi en 2017 ses efforts pour augmenter ses ressources propres et compenser ainsi la réduction de sa subvention pour charges de service public

En exécution, la subvention pour charges de service public versée par l'État à l'établissement public Météo France s'est élevée en 2017 à 184,7 millions d'euros , en retrait de - 4,3 % par rapport à la somme prévue en loi de finances initiale, qui s'élevait à 193,0 millions d'euros .

En outre, ce montant apparaît également en recul de - 2,3% par rapport aux montants de crédits exécutés en 2016 (190,2 millions d'euros) et de - 5,6 % par rapport à ceux de 2015 (195,6 millions d'euros).

Sur les 184,7 millions d'euros de subvention perçus par l'opérateur, 20 millions d'euros ont été consacrés à la recherche dans le domaine météorologique , dont la qualité est attestée par la bonne tenue de l'indicateur de performance relatif au nombre de publications scientifiques réalisées par Météo France dans les domaines du changement climatique et de ses impacts ( 30 publications en 2017, soit 1,77 publication par chercheur).

Les 164,4 millions d'euros restant ont pour leur part financé les missions de service public de Météo France en matière d'observation et de prévision météorologique.

Les indicateurs relatifs à la qualité des prévisions météorologiques présentent des résultats positifs , grâce au modèle global Arpège et au modèle à maille fine Arome : 76,5 % pour le taux de fiabilité des prévisions sur la France à trois jours alors que l'objectif était de 75 % et 85,3 % pour le taux de fiabilité des bulletins marine contre un objectif de 84 % .

L'indicateur relatif aux recettes commerciales de l'établissement sur le marché des prestations météorologiques a connu une embellie en 2017: les recettes ont en effet atteint 20,4 millions d'euros, soit 1,3 million d'euros de plus que les 19,1 millions d'euros de 2016, même si la cible fixée à l'établissement était de 20,8 millions d'euros en loi de finances initiale.

Cette amélioration tend à montrer que la stratégie commerciale de l'opérateur , qui cherche à progresser dans les secteurs du sport, de l'énergie, de l'industrie, du BTP ou bien encore de l'agriculture pour compenser son recul dans les secteurs des routes et des médias va dans le bon sens.

En 2017, l'opérateur Météo France a poursuivi la réduction de ses effectifs , supprimant 105 ETPT pour atteindre 2 957 ETPT en fin d'année, soit un niveau inférieur à celui prévu en loi de finances initiale ( 3 020 ETPT ).

En outre, Météo France a réalisé un schéma d'emplois de - 96 ETP , soit - 36 ETP au-delà de l'effort prévu en loi de finances initiale, du fait d'un nombre de départs à la retraite supérieur aux prévisions initiale et du report de plusieurs recrutements. L'établissement comptait en conséquence 2 939 ETPT au 31 décembre 2017.

2. L'IGN, un opérateur fragilisé par le développement de l'open data

Établissement public administratif placé sous la double tutelle des ministres chargés de l'écologie et des forêts, le nouvel Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) est issu de la fusion entre l'Institut géographique national et l'Inventaire forestier national (IFN) intervenue le 1 er janvier 2012 87 ( * ) .

L'IGN a une triple vocation :

- assurer la connaissance continue de la surface du territoire national et de l'occupation de son sol , accessible depuis un site dédié (Geoportail) ;

- actualiser l'inventaire permanent des ressources forestières nationales qui était auparavant assuré par l'IFN ;

- concevoir et commercialiser des produits et services à partir des données recueillies dans le cadre de ses missions de service public.

En exécution, la subvention pour charges de service public versée par l'État à l'IGN s'est élevée en 2017 à 89,5 millions d'euros , en retrait de - 4,0 % par rapport à la somme prévue en loi de finances initiale, qui s'élevait à 93,2 millions d'euros .

Sur cette somme, 75,5 millions d'euros ont été consacrés aux missions de production d'information géographique et cartographique, et notamment à l'entretien et à la mise à jour des bases de données sur lesquelles s'appuient les politiques publiques liées aux territoires. Dans le même temps, 13,3 millions d'euros sont venus financer les activités de recherche et de développement menées au sein de l'Institut.

Le plafond d'emplois avait été fixé en loi de finances initiale à 1 542 ETPT . Il a finalement été sous-exécuté de 7 emplois puisque la réalisation 2017 est de 1 535 ETPT .

S'agissant du schéma d'emplois , la cible était fixée à - 33 ETP par rapport à l'exécution 2016 et elle a été dépassée avec une baisse de - 41 ETP pour atteindre 1 526 ETP sous plafond .

La question du développement du principe des données publiques ouvertes et gratuites open data ») représente un enjeu très important pour l'IGN car les pertes de recettes pour l'opérateur en termes de redevances, licences ou ventes de données pourraient représenter à terme environ 10 millions d'euros par an .

L'indicateur relatif au financement de l'établissement par des ressources propres montre l'ampleur des défis que celui-ci va devoir relever pour compenser cette réduction de ses recettes . Le montant des ressources propres tirées de la vente de données au secteur privé a ainsi représenté 4,1 millions d'euros , contre 4,5 millions d'euros en 2016, alors que la cible était de 6 millions d'euros.

Quant au montant des ressources propres tirées de la mise en place de portails géographiques de l'État , elle est montée en puissance avec 2,5 millions d'euros de recettes contre 1,9 millions d'euros en 2016, mais seule la moitié du chemin a été parcouru puisque la cible s'élève à 5 millions d'euros.

3. Le Cerema a connu en 2017 une nouvelle année très difficile, en l'absence de feuille de route claire des pouvoirs publics

Le Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) est un établissement public administratif qui résulte de la fusion au 1 er janvier 2014 de onze services de l'État, avec un personnel composé majoritairement de fonctionnaires . L'action 11 du programme 159 porte les crédits de la subvention pour charges de service public de cet opérateur.

Les missions du Cérema

Le Cérema apporte son concours à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des politiques publiques du ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) et du ministère de la cohésion des territoires (MCT) dans ses différents domaines de compétence, offrant une vision transversale au service du développement durable .

Ses principales missions sont de promouvoir les modes de gestion des territoires qui intègrent les facteurs environnementaux, économiques et sociaux , d'accompagner les acteurs publics et privés dans la transition vers une économie sobre en ressources et décarbonée, respectueuse de l'environnement et équitable, et d'apporter à l'État et aux acteurs territoriaux un appui d'ingénierie et d'expertise sur les projets d'aménagement nécessitant une approche pluridisciplinaire . Il a vocation à les assister dans la gestion de leur patrimoine d'infrastructures de transport et leur patrimoine bâti, et à renforcer leur capacité à faire face aux risques . En outre, il a pour mission de capitaliser et promouvoir au niveau territorial et international les savoir-faire qu'il développe.

Le Cérema accomplit ses missions essentiellement à la demande de l'État, mais son dispositif spécifique de gouvernance assure la prise en compte des attentes des collectivités , notamment grâce à la mise en place d'un conseil stratégique constitué à parts égales de représentants de l'État et d'élus représentant les collectivités territoriales . Ces dernières seront également présentes, aux côtés des services déconcentrés de l'État, au sein des comités d'orientations territoriaux, permettant d'adapter l'activité au plus près des besoins des acteurs des territoires.

Source : projet annuel de performances pour 2018

En exécution, la subvention pour charges de service public versée par l'État au Cérema s'est élevée en 2017 à 205,6 millions d'euros , en retrait de - 2,5 % par rapport à la somme prévue en loi de finances initiale, qui s'élevait à 210,8 millions d'euros .

93 % de cette somme est consacrée au financement des dépenses de personnel du Cérema . Le reste de la subvention permet de couvrir ses charges d'exploitation.

En 2017, le Cérema a réalisé un schéma d'emplois de - 159 ETP , soit - 34 ETP au-delà de l'effort prévu en loi de finances initiale (- 125 ETP). En conséquence, l'établissement comptait 2 800 ETP au 31 décembre 2017 .

Cette sur-exécution du schéma d'emploi se traduit également par une sous-consommation du plafond d'emplois en ETPT : l'autorisation d'emplois « sous plafond » en loi de finances initiale était fixée à 2 899 ETPT mais la réalisation s'est élevée à 2 867 ?ETPT .

Depuis sa création, la baisse continuelle des moyens du Céréma associée à l'absence de réflexion stratégique de l'État pour l'établissement a considérablement fragilisé un opérateur au sein duquel le malaise social est palpable, comme en témoignent les démissions de son président et de son directeur général survenues à l'automne 2017.

L'État doit définir clairement ses ambitions pour le Cérema et lui donner les moyens de se faire connaître À défaut, il pourrait être envisagé de l'intégrer dans une structure de plus grande taille , comme la future Agence de la cohésion des territoires.

MISSION « ÉCONOMIE » ET COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS OU À DES ORGANISMES PRIVÉS » - MME FRÉDÉRIQUE ESPAGNAC ET M. BERNARD LALANDE, RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. MISSION « ÉCONOMIE »

A. EXÉCUTION DE LA MISSION EN 2017

La mission « Économie », qui représente 1,1 % du budget de l'État, rassemble les crédits de politiques publiques visant à favoriser l'emploi, la croissance, la compétitivité des entreprises, le développement des exportations, la concurrence et la protection des consommateurs. Elle est composée de trois programmes permanents :

- le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » regroupe les instruments de soutien aux entreprises, notamment sous forme de dépenses d'intervention au profit des petites et moyennes entreprises (PME), de l'industrie, de commerce, de l'artisanat et - en partie - du tourisme . Il porte également les crédits des administrations en charge de ces politiques publiques, de deux autorités administratives indépendantes (AAI) et de trois opérateurs ;

- le programme 220 « Statistiques et études économiques » porte principalement les crédits de l'Institut national des statistiques et des études économiques (Insee) ;

- le programme 305 « Stratégie économique et fiscale » porte essentiellement les crédits de la direction générale du Trésor et de son réseau international, les crédits de la direction de la législation fiscale (DLF), ainsi que les crédits de plusieurs opérateurs et la subvention versée à la Banque de France au titre des prestations qu'elle effectue pour le compte de l'État.

Le programme 134 représente environ la moitié des crédits de la mission « Économie » à périmètre constant , le reste étant partagé à peu près à égalité entre le programme 220 et le programme 305.

Le programme 343 « Plan France très haut débit », créé en 2015, porte les financements de l'État en vue d'assurer la couverture intégrale du territoire par le réseau de fibre optique d'ici 2022.

La mission « Économie » porte en outre 27 % de ses dépenses fiscales du budget de l'État.

Exécution par titre des crédits de la mission « Économie »

(en millions d'euros, hors programme 343)

Titre

Exécution 2016

LFI 2017

Exécution 2017

Exé. 2017/
Exé. 2016

Exé. 2017/
LFI 2017

Titre 2 - Personnel

AE

913,3

937,3

920,2

0,80%

-1,80%

CP

913,3

937,3

920,2

0,80%

-1,80%

TOTAL hors Titre 2

AE

1620,1

1369,7

2860,9

76,60%

108,90%

CP

796,7

953,7

2545,3

219,50%

166,90%

Titre 3 - Fonctionnement

AE

623,4

574,7

2036,5

226,70%

254,40%

CP

599,6

572,1

2039,9

240,20%

256,60%

Titre 6 - Intervention

AE

1102,4

790,6

821,2

-25,50%

3,90%

CP

303,1

377,3

503

66,00%

33,30%

Titre 4 - Investissement
(et Titre 7 - Ops. financières)

AE

-105,7

4,5

3,2

-103,00%

-28,90%

CP

-106,1

4,3

2,4

-102,30%

-44,20%

Total P. 134+220+305

AE

2533,4

2307

3781,1

49,30%

63,90%

CP

1710

1891

3465,5

102,70%

83,30%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires).

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une évolution des dépenses brouillée par le périmètre instable de la mission, en prévision comme en exécution

Hors programme 343 « Plan France Très haut débit », dont la logique budgétaire est particulière (cf. infra ), les crédits de la mission « Économie » exécutés en 2017 sont supérieurs de 102,7 % en CP aux crédits exécutés en 2016 , soit 3,5 milliards d'euros en 2016 contre 1,7 milliard d'euros en 2016.

Toutefois, ce quasi-doublement tient presque en totalité aux nouveaux changements de périmètre qui affectent la mission, à la fois en prévision et en cours d'exécution .

S'agissant de la programmation initiale, ces principaux mouvements sont :

- la prise en charge de la « compensation carbone » (116,7 millions d'euros) sur les crédits du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme ». Créée en 2015 (cf. infra ), la compensation carbone était initialement rattachée au programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » ;

- le transfert à Bpifrance Assurance Export des garanties publiques au commerce extérieur (72,6 millions d'euros) , auparavant assurées par la Coface, qui seront à compter de 2017 financées par le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme ».

Il ne s'agit toutefois que des modifications les plus importantes. La mission « Économie » se caractérise en effet par d'incessants changements de périmètre de faible ampleur , qui brouillent le suivi de ses crédits par les gestionnaires, le Parlement et le citoyen. L'année 2017 ne fait à cet égard pas exception.

À ces mesures de périmètre en loi de finances initiale sont venus s'ajouter d'importants mouvements en cours de gestion, dont un majeur, la recapitalisation d'Areva, à hauteur de 1,5 milliard d'euros en crédits de fonctionnement portés par le programme 134, par voie de décret d'avance. En outre, la compensation carbone , surévaluée au titre de l'exercice 2016, a été sous-évaluée au titre de l'exercice 2017 : son montant a dû être porté à 228,8 millions d'euros en cours de gestion.

Toutefois, ces importantes modifications de périmètre, dont la mission « Économie » est coutumière, masquent une légère baisse des dépenses à périmètre constant : entre 2016 et 2017, les AE diminuent en effet de 2,2 % et les CP de 1 % .

Si cet effort pris dans son ensemble doit être salué, il appelle cependant quelques réserves quant à sa répartition entre les différentes composantes de la dépense. Ainsi :

- l'essentiel des économies pèse en réalité sur les dispositifs d'intervention en faveur des entreprises , selon une logique de rabot plus que de remise à plat de l'action publique dans ce domaine ;

- les dépenses de personnel et de fonctionnement, où se trouvent des gisements d'économies structurelles, sont bien moins maîtrisées , du fait non seulement des rigidités inhérentes à ces catégories, mais aussi et surtout de la faiblesse du pilotage budgétaire face à des acteurs fragmentés.

Ceci étant dit, cette rigidité met a priori la mission « Économie » à l'abri de tout risque d'insoutenabilité à moyen terme : l'enjeu du pilotage de la dépense n'est pas tant d'assurer sa soutenabilité que de lutter contre son inertie .

2. Une réduction des dépenses d'intervention sans remise en cause de la logique de rabot

Compte tenu des rigidités inhérentes aux dépenses de personnel et de fonctionnement, accentuées par l'éclatement des structures, les efforts de la mission « Économie » reposent principalement, cette année encore, sur les dispositifs d'intervention en faveur des entreprises , regroupés au sein du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme ».

Les dispositifs en faveur des entreprises relevant du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme »

(crédits de titre 6 exécutés, en CP, en millions d'euros)

Dispositif d'intervention

2015

2016

2017

Évolution 2015-2017

Aide au départ des commerçants

8,2

3,1

-100,0%

Associations de consommateurs

8,6

9,5

8,2

-4,7%

FISAC

12,3

21,5

3,6

-70,7%

Développement des PME

7,3

8,2

4,6

-37,0%

Mission des services à la personne

1

1

0,4

-60,0%

Subventions tourisme

2,6

1,4

6,1

134,6%

Subventions CTI

17,4

15,9

13,1

-24,7%

Subventions AFNOR

8,9

8,2

8,2

-7,9%

Subventions APCE

2,6

0,8

0

-100,0%

Agence France Entrepreneur

1,8

10

Subventions politique industrielle

30

22,2

17,8

-40,7%

Subventions à la Poste

1,4

1,3

1,4

0,0%

Subventions organismes internationaux

9,8

13,7

5,1

-48,0%

Mutations industrielles-constructions navales

2,2

0,6

-100,0%

COFRAC

0,2

0,2

0,2

0,0%

Bpifrance Garantie

26

23

12,8

-50,8%

Économie sociale et solidaire

3,6

3,3

Divers

2,7

0,4

Transport à la presse

130

119

121

-6,9%

TOTAL à périmètre constant

268,5

257,7

216,2

-19,5%

Bpifrance Assurance Export

13,9

Compensation carbone

228,8

Aide d'urgence à Saint Martin, Calais et Corse

8,7

TOTAL

268,5

257,7

467,6

74,2%

Entre 2015 et 2017, après retraitements, ces aides affichent une baisse de 19,5 %, passant de 268,5 millions d'euros à 216,2 millions d'euros .

Il convient en particulier de signaler la baisse tendancielle de la dotation et des projets financés par le Fisac (Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce), dont les dépenses effectivement engagées (9,8 millions d'euros en AE) sont désormais très inférieures aux crédits ouverts en loi de finances initiale (16,2 millions d'euros).

Évolution de la dotation et des dépenses du Fisac
(2010-2018)

(en AE, en millions d'euros)

Réforme du Fisac*

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire budgétaire

Cette évolution résulte notamment de la profonde réforme de 2014 88 ( * ) , consistant à passer d'une logique de guichet à une logique d'appel à projets, dans la limite de l'enveloppe budgétaire initiale, avec une gestion en AE ? CP. Ceci, dit, au-delà du changement de méthode de sélection des dossiers, il existe bien une volonté de réduire l'enveloppe financière globale consacrée par l'État à la lutte contre la désertification et la dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs. De fait, 10 millions d'euros pour près de 65 millions d'habitants représente une somme très modeste. Dès lors, deux solutions sont envisageables à la place du statu quo :

- soit la réforme du Fisac fait ses preuves , et démontre qu'il est possible de financer des projets pertinents, sans effets d'aubaine et avec des résultats tangibles sur l'aménagement du territoire, et alors il conviendra d'augmenter sensiblement les moyens du fonds - au besoin en mettant fin à d'autres dispositifs moins efficaces. C'est notamment à cet effet que le Sénat avait adopté, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, un amendement tendant à porter les crédits du Fisac à 30 millions d'euros , afin de redonner à cet outil les moyens de ses ambitions ;

- soit la réforme de 2014 ne permet pas d'apporter les bonnes réponses , et alors, plutôt que de conserver un dispositif devenu anecdotique, ses crédits devront être transférés directement à d'autres acteurs, le cas échéant au niveau local, à qui reviendrait l'initiative de financer les projets , ce qui aurait au moins le mérite d'éviter la lourdeur de la double instruction des dossiers.

D'une manière générale, l'effort fourni par le programme 134 répond cette année encore à une logique de « rabot » plutôt qu'à une politique volontariste de rationalisation et de sélection de ces multiples dispositifs .

En effet, le programme 134 de la mission « Économie » se caractérise par une multiplicité de dispositifs d'aide , très éclatés, ayant chacun des objectifs différents et des modalités d'intervention variées (subventions directes et indirectes, prêts, actions de communication etc.). Il résulte de cette sédimentation historique une gestion « en silo », des objectifs mal évalués , des interventions parfois concurrentes, parfois insuffisantes, mais toujours mal coordonnées. L'architecture fragmentée du programme complique le pilotage budgétaire, et ceci d'autant que ces aides sont souvent versées à de multiples intermédiaires, qui s'en font en retour les défenseurs auprès du législateur (réseaux consulaires, organismes professionnels, établissements publics etc.).

Il en résulte une faiblesse structurelle du pilotage budgétaire , les responsables « nominaux » devant bien souvent se contenter d'interventions ponctuelles sur tel ou tel élément, mais n'étant pas en mesure de fixer - et a fortiori de mettre en oeuvre - de réelles priorités. Pourtant, des possibilités d'économies existent encore sur certains dispositifs.

3. Les dépenses de personnel : une rigidité due à l'éclatement des structures

Les dépenses de personnel représentent à elles seules 54,9 % des crédits de la mission « Économie » à périmètre constant et 26,6 % à périmètre courant (hors programme 343), soit 920,2 millions d'euros en exécution pour l'année 2017. Elles sont réparties entre les programmes 220 et 305, qui portent les moyens humains de grandes structures administratives (l'Insee et la DG Trésor), et le programme 134, qui est un programme d'intervention mais porte aussi les crédits de personnel relatifs aux multiples structures chargées de mettre en oeuvre les différents dispositifs .

Certes, l'exécution 2016 des crédits de titre 2 est inférieure de 1,8 % à la prévision en loi de finances initiale , une diminution comparable à celle des années précédentes, et les plafonds d'emplois sont respectés : 12 299 ETPT en prévision et 12 022 ETPT en exécution pour l'État, et 2 612 ETPT en prévision et 2 551 ETPT en exécution pour les opérateurs.

Plafond d'emplois de la mission « Économie » pour les services de l'État

(en ETPT)

Programme

Exécution
2016

LFI
2017

Exécution 2017

Écart 2016/2017

Écart exécution/prévision

[134] Développement des entreprises et du tourisme

5 071

5 074

4 929

-2,8%

-2,9%

[220] Statistiques et études économiques

5 335

5 454

5 381

0,9%

-1,3%

[305] Stratégie économique et fiscale

1 616

1 629

1 581

-2,2%

-2,9%

TOTAL MISSION

12 022

12 157

11 891

-1,1%

-2,2%

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Ceci dit, la comparaison entre la prévision initiale et l'exécution ne doit pas masquer une très grande rigidité des dépenses de personnel constatées d'une année sur l'autre : ainsi, les crédits de titre 2 exécutés en 2017 sont en légère hausse de 0,8 % par rapport à 2016 , après une diminution très modérée de 0,1 % en 2015 et de 0,3 % en 2016.

Cette augmentation s'explique toutefois principalement par des mesures catégorielles transversales , et non pas spécifiques à la mission elle-même. L'année 2017 a en effet été marquée par la hausse de la valeur du point de la fonction publique, la hausse de l'indemnité mensuelle de technicité (IMT), et le dispositif « parcours professionnels carrières et rémunérations » (PPCR). En outre, l'indemnité de résidence à l'étranger des agents de la direction générale du Trésor concernés tend à augmenter , du fait du taux de change de l'euro.

Reste que l'on constate une hausse tendancielle de la part relative des dépenses de titre 2 au sein de la mission à périmètre constant, puisque les dépenses d'intervention diminuent progressivement.

Or, en toute logique, la réduction du format des interventions (s'agissant au moins du programme 134) devrait s'accompagner d'une réduction des effectifs qui en ont la charge, et de la masse salariale correspondante. En d'autres termes, il apparaît que l'État accorde de moins en moins d'aides, mais que celles-ci coûtent de plus en plus cher à gérer .

Cette rigidité inhérente aux dépenses de personnel laisse peu de marge aux gestionnaires de programme , et conduit ceux-ci à rechercher des économies sur les autres catégories de dépenses, et notamment les dépenses d'intervention (cf. supra ). On ne saurait toutefois se satisfaire de ce simple constat, qui reviendrait à ignorer deux pistes d'amélioration importantes :

- tout d'abord, il serait souhaitable que la surévaluation des crédits de titre 2 en loi de finances initiale prenne fin . L'exécution inférieure à la prévision mais quasi-stable par rapport à l'exécution de l'année précédente suggère que le pilotage pourrait être resserré. De même, il semble que les plafonds d'emplois, constamment respectés ces trois dernières années, ne soient pas une contrainte très forte , dans la mesure où le nombre d'agents n'est pas un déterminant majeur de la masse salariale de la mission (par rapport, notamment, aux repyramidages et au taux de change) ;

- ensuite , de véritables marges de manoeuvre sur le titre 2 pourraient être dégagées à condition qu' une politique volontariste de rationalisation des dispositifs et de mutualisation des moyens soit mise en place, en particulier pour les opérateurs et les AAI.

4. Des économies de fonctionnement importantes, en dépit de l'éclatement des structures

Hors programme 343 et après neutralisation de la recapitalisation d'Areva, les dépenses de fonctionnement de la mission « Économie » affichent une baisse de 10 % en CP par rapport à l'exécution 2016, et sont inférieures de 5,6 % à la prévision initiale. Elles représentent au total 27,4 % des crédits de la mission hors programme 343.

Cet effort doit être salué, dans la mesure où l'éclatement des structures qui caractérise la mission rend très complexe la réalisation d'économies transversales sur les dépenses de fonctionnement . De fait, ces dépenses étaient en hausse de 1,7 % en 2016 par rapport à 2015.

Ainsi, ce sont non seulement les crédits des structures relevant de l'État qui affichent un effort réel, grâce notamment à la dématérialisation des procédures, à l'amélioration de la politique d'achats ou encore de la politique immobilière, mais aussi les subventions pour charges de service public (SCSP) versées aux opérateurs.

Cette baisse est presque intégralement portée par Business France , dont la SCSP est inférieure de 4,3 % à l'exécution 2016 et de 5,8 % à la prévision en loi de finances initiale. Celle-ci résulte non seulement des gains de productivité permis par la fusion en 2015 de l'Agence française pour le développement international des entreprises (Ubifrance) et de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), mais aussi et surtout de la volonté de diversification des recettes de cet opérateur - dont les recettes d'exploitation sont aujourd'hui supérieures aux subventions publiques.

Évolution des subventions aux opérateurs du programme 134

(crédits de titre 3) (en CP) (en millions d'euros)

Exécution 2016

LFI
2017

Exécution 2017

Exé 2017 / Exé 2016

Exé 2017 / LFI 2017

ANFr - Agence nationale des fréquences

30,6

31,3

30,6

0%

-2,2%

Business France (fusion AFII et Ubifrance)

96,2

97,8

92,1

-4,3%

-5,8%

EPARECA - Établissement public national pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux

5,9

6

5,7

-3,4%

-5%

FNPCA - Fonds national de promotion du commerce et de l'artisanat

financement par une ressource affectée (9,9 M€ en 2016)

INPI - Institut national de la propriété industrielle

financement par une ressource affectée (171,1 M€ en 2016)

Total SCSP :

132,7

135,1

128,4

-3,2%

-5%

Seules sont mentionnées les subventions pour charges de service public (SCSP) du programme 134.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

5. La subvention à la Banque de France : l'épuisement des gisements d'économies ?

En revanche, la subvention à la Banque de France pour les prestations réalisées pour le compte de l'État notamment au titre du secrétariat des commissions de surendettement 89 ( * ) , en baisse continue depuis plusieurs années, affiche cette année une hausse par rapport à l'exécution 2016, mais aussi par rapport à la prévision en loi de finances initiale (celle-ci était de 250 millions d'euros, comme en loi de finances initiale pour 2018).

Évolution de la subvention versée à la Banque de France

(en millions d'euros) (titre 3) (en AE = CP)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PLF 2018

316,64

316,73

304,62

290

279,5

251,56

259,84

250

Source : documents budgétaires et questionnaire budgétaire

Les années précédentes, la subvention avait pu être réduite du fait des gains de productivité réalisés par la Banque de France . Ces gains reposent sur la dématérialisation des procédures et l'accélération du traitement des dossiers les moins complexes, permis par la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

La difficulté à identifier de nouveaux gisements d'économies se retrouve dans les indicateurs de performance . Ainsi, l'indicateur 4.1, qui mesure le délai moyen de traitement d'un dossier, fixait une cible de 3,7 mois pour 2017, mais celle-ci a dû être révisée en cours d'exercice (3,94 mois) et a finalement été largement dépassée (4,11 mois). Il en va de même pour le coût complet du traitement d'un dossier , mesuré par l'indicateur 4.3 : la prévision initiale de 2017, soit 883 euros, a dû être revue à la hausse à 926 euros, pour finalement s'établir à 1 033 euros. Compte tenu de cette exécution difficile, il est permis de douter que la prévision retenue pour 2018, soit 811 euros , puisse être atteinte - et encore moins celle de 752 euros, prévue pour 2020.

6. Le plan « France très haut débit » : des moyens effectivement mobilisés mais insuffisants au regard de l'ambition affichée

Le programme 343 porte une partie de la participation de l'État au financement du plan « France très haut débit » , qui s'élève à 3,3 milliards d'euros d'ici 2022 au total, soit la moitié du financement public engagé 90 ( * ) .

Le plan « France très haut débit »

Annoncé par le Premier ministre le 28 février 2013 dans le cadre de la feuille de route numérique du Gouvernement, le plan « France très haut débit » vise à déployer un réseau de fibre optique à très haut débit sur l'intégralité du territoire d'ici 2022, avec un objectif intermédiaire de 50 % des foyers couverts en 2017 .

Sont considérés comme des réseaux « très haut débit » les réseaux offrant un débit supérieur à 30 Mbits/seconde, y compris avec des technologies « cuivre » ou « câble coaxial » traditionnelles. Seuls les réseaux entièrement en fibre optique ( Fiber to the Home - FttH ) offrent un débit supérieur à 100 mégaoctets.

Le plan représente plus de 20 milliards d'euros d'investissements sur la période 2014-2022, ainsi répartis :

- 6 à 7 milliards d'euros dans les « zones d'initiative privée » , financés par les opérateurs. Ces zones dites « conventionnées » couvrent environ 10 % du territoire mais 57 % de la population dans les 3 600 communes les plus denses, et donc les plus rentables. Les opérateurs s'engagent à y déployer sur fonds propres des réseaux privés mutualisés entre tous les opérateurs ;

- 13 à 14 milliards d'euros dans les « zones d'initiative publique » . Ces zones moyennement ou peu denses, dites « non conventionnées », couvrent 43 % de la population. Y seront déployés des réseaux publics ouverts à tous les opérateurs, en FttH ou avec des technologies intermédiaires. Les réseaux d'initiative publique (RIP) seront financés à moitié par les opérateurs eux-mêmes (dans le cadre de co-financements), et à moitié par des subventions publiques (État, collectivités territoriales, Union européenne).

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire et le rapport annuel de la mission France très haut débit

Sur le plan budgétaire , la participation de l'État au plan « France Très haut débit » a d'abord été portée, à hauteur de 900 millions d'euros, par le fonds national pour la société numérique (FSN), géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir (PIA). Depuis 2014, les crédits restants, soit un total de 2,1 milliards d'euros, sont inscrits sur le programme 343 « Plan France très haut débit » .

La loi de finances initiale prévoyait 409,5 millions d'euros en AE et aucun CP au titre de l'exercice 2017 . Les montants effectivement engagés ont été légèrement moins importants, à 394,3 millions d'euros en AE, mais cette moindre exécution s'explique essentiellement par les engagements plus rapides constatés en 2016, qui avaient nécessité d'importantes ouvertures d'AE en gestion. De fait, l'objectif d'une couverture intermédiaire de 50 % du territoire, prévu pour fin 2017, a été atteint dès la fin de l'année 2016 .

Ouverture des crédits sur le programme 343
« Plan France très haut débit »

(crédits de titre 6 - intervention) (en millions d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Échéancier initial

AE

1 412

188

150

208

25

3

1,6

0

CP

220

561,95

571,59

372,85

Crédits
LFI

AE

1 412

188

409,5

208

CP

Crédits exécutés

AE

1 104

721,9

394,3

CP

-13

8,1

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires successifs.

Cet engagement plus rapide que prévu des AE n'est toutefois pas le signe d'une progression satisfaisante du plan France Très haut débit . Dans son rapport du 31 janvier 2017 sur le sujet 91 ( * ) , la Cour des Comptes estime plutôt que ces surcoûts sont le signe d'un dépassement important du coût total du Plan, évalué à 34,9 milliards d'euros au lieu de 20 milliards d'euros sur la période . Le rapport estime également que « si l'objectif de couverture intermédiaire (50 % en 2017) sera bien atteint, l'insuffisance du co-investissement privé compromet l'atteinte de l'objectif de 100 % en 2022 . Les juridictions financières appellent donc à actualiser les objectifs, à mieux prendre en compte les technologies alternatives à la fibre optique jusqu'à l'abonné, afin de construire un « mix technologique » moins coûteux, et à intégrer un objectif de haut débit minimal pour tous ».

En outre, ces chiffres nationaux dissimulent des réalités locales extrêmement hétérogènes, où les retards des procédures administratives s'ajoutent aux difficultés opérationnelles . Selon l'Agence du numérique, le déploiement d'un réseau d'initiative publique (RIP) peut prendre jusqu'à cinq ou six ans, toutes étapes confondues (diagnostic, adoption du schéma départemental d'aménagement numérique, préparation du projet, choix du constructeur et de l'exploitant, attribution des marchés, construction du réseau etc.). Sur le terrain, des délais plus longs encore sont parfois constatés pour chacune de ces phases .

De fait, dans les territoires urbains, le déploiement du très haut débit atteint même 66,2 % des locaux concernés en 2017, dont 55,4 % en FttH. En revanche, le déploiement des réseaux d'initiative publique dans les territoires ruraux est bien moins satisfaisant : seuls 31,2 % des ménages et locaux professionnels ont accès au très haut débit, dont une petite part seulement (5,5 %) peut bénéficier de la FttH .

Lors de la conférence nationale des territoires, le 17 juillet 2017, le Président de la République a réaffirmé l'objectif d'une couverture du territoire en très haut débit d'ici 2022 , notamment par la mobilisation de toutes les solutions technologiques en complément de la fibre optique, y compris le cas échéant des technologies non filaires telles que les fréquences hertziennes récemment libérées ou la 4G pour les zones où le déploiement de réseaux physiques est trop onéreux.

Si vos rapporteurs spéciaux saluent cette ambition renouvelée, ils appellent toutefois à ce que « l'objectif intermédiaire » d'un « bon haut débit pour tous » en 2020 (supérieure à 8 Mbits/seconde), annoncé le même jour par le Président de la République, n'ait pas pour effet de décaler à plus long terme l'objectif du très haut débit pour tous.

Surtout, vos rapporteurs spéciaux soulignent que les annonces du Président de la République manquent à ce jour de garanties ou de perspectives précises dans quatre domaines :

- premièrement, l'ambition réaffirmée d'une couverture intégrale en très haut débit en 2022 ne s'accompagne d'aucun engagement financier supplémentaire , alors même que la Cour des comptes a identifié des risques de dépassements importants. Compte tenu de la contrainte budgétaire, vos rapporteurs spéciaux appellent à une nette accélération des procédures en cours, afin de tirer parti des conditions actuelles des marchés financiers, c'est-à-dire des taux relativement faibles encourageant les opérateurs et les investisseurs, notamment institutionnels, à investir dans des infrastructures de communication dont la rentabilité est de long terme ;

- deuxièmement, il conviendrait d'utiliser dès maintenant, lorsque nécessaire, la possibilité, créée par l'article 78 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, d'obtenir de la part des opérateurs des engagements contraignants, le cas échéant assortis de sanctions financières pouvant atteindre 3 % du chiffre d'affaires annuel mondial de l'opérateur ;

- troisièmement, et surtout, il est impératif de ne pas perdre de vue que l'objectif ultime est bien la couverture intégrale du territoire en fibre optique jusqu'à l'abonné (FttH) , non pas seulement en « très haut débit », qui n'offre pas un débit suffisant pour le développement économique et donc la cohésion des territoires.

II. COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS OU À DES ORGANISMES PRIVÉS »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

L'article 24 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) dispose que « les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l'État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. (...) Le montant de l'amortissement en capital des prêts et avances est pris en recettes au compte intéressé ».

Au titre de l'année 2016, le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » est composé de quatre programmes d'ampleur très inégale , dont l'exécution est retracée dans le tableau ci-dessous.

Équilibre 2016 et 2017 du compte de concours financiers
« Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés »

(dépenses d'opérations financières - titre 7) (en millions d'euros) (en AE = CP)

Programme

Exercice 2016

Exercice 2017

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

P. 861 Prêts et avances pour le logement des agents de l'Etat

Prévision LFI

0,49

0,45

Exécution

0,03

0,01

P. 862 Prêts pour le développement économique et social

Prévision LFI

150,00

100,00

Exécution

71,00

0,13

P. 863 Prêts à la filière automobile

Prévision LFI

5,00

5,00

Exécution

-

-

P. 867 Soutien à la filière nickel en Nouvelle-Calédonie

Prévision LFI

-

-

Exécution

200,00

-

TOTAL

Prévision LFI

31,24

155,49

- 124,24

39,09

105,45

-66,37

Exécution

41,78

271,03

- 229,25

150,56

0,14

150,42

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En 2017, le compte de concours financiers affiche un solde positif de 150 millions d'euros , correspondant à une quasi-absence de dépenses et à des recettes plus importantes qu'anticipé, sous la forme de remboursements de prêts.

La forte variabilité du solde d'une année sur l'autre s'explique par l'horizon pluriannuel du compte, qui a par construction vocation à retracer des prêts octroyés dont le remboursement est étalé sur plusieurs années. Toutefois, la disproportion constatée cette année doit conduire à s'interroger sur la pertinence même des outils qu'il prévoit .

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Le logement des agents de l'État : un poste de dépenses imprévisible mais de toute façon marginal

Le programme 861 « Prêts et avances pour le logement des agents de l'État » permet d'octroyer des prêts à 1 % aux agents de l'État servant à l'étranger, afin de faciliter les démarches relatives à la location d'un logement dans les environs de leur poste d'affectation. Les crédits demandés en loi de finances initiale sont de 450 000 euros, un montant légèrement en baisse par rapport aux exercices précédents, qui correspond à environ 15 dossiers. En pratique, un seul prêt a été accordé, pour un montant moyen de 12 240 euros . Le reste des crédits disponibles a fait l'objet d'une annulation : cette sous-exécution s'explique par le caractère difficilement prévisible de la dépense, qui dépend des marchés locaux et du rythme de départ des agents à l'étranger.

2. Les prêts à la filière automobile : un outil en voie d'extinction

Le programme 863 « Prêts à la filière automobile » constituait initialement le vecteur budgétaire du plan automobile lancé en 2009, dont les derniers prêts ont été accordés en 2011. En 2013, il a été décidé d'allouer 15 millions d'euros à ce programme pour des prêts aux conditions de marché, non bonifiés, visant à accompagner les investissements productifs et écologiques des PME et des ETI de la filière. L'exercice 2017 est toutefois le deuxième où le fonds de soutien à la filière automobile est alimenté par une dotation budgétaire annuelle (d'un montant de 5 millions d'euros) , alors qu'il était auparavant alimenté par des reports de crédits non consommés, une pratique peu lisible et répétée sans l'autorisation du législateur.

Dans la mesure où aucune recette n'a été enregistrée en 2017 au titre des remboursements de prêts, et compte tenu de la modestie des montants en jeu, vos rapporteurs spéciaux estiment qu' une réflexion pourrait être engagée sur l'extinction à terme de ce programme . Ses interventions pourraient en effet relever plus directement de la mission « Économie », ou de Bpifrance (cf. point suivant).

3. Le Fonds de développement économique et social (FDES) : un outil subsidiaire qui apparaît de moins en moins justifié

Le programme 862 « Prêts pour le développement économique et social » permet à l'État d'octroyer des prêts ponctuels aux entreprises en restructuration et rencontrant des difficultés à accéder au marché du crédit, via le fonds pour le développement économique et social (FDES) , créé en 1955 et « réactivé » en loi de finances pour 2014 dans le cadre du « plan de résistance économique » annoncé par le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, le 12 novembre 2013.

La doctrine d'emploi a été précisée par la circulaire du 9 juin 2015 relative aux modalités d'accueil et de traitement des dossiers des entreprises confrontées à des problèmes de financement, qui précise que le recours à ces prêts est « exceptionnel, subsidiaire et suppose un effet de levier sur d'autres sources de financement », l'objectif cible de cet effet de levier étant la mobilisation de cinq euros privés pour un euro public investi. En outre, le taux des prêts ne peut pas être inférieur au taux de référence publié par la Commission européenne , correspondant au taux de marché.

En pratique, l'exécution 2017 s'est élevée à 132 000 euros seulement, soit bien en-deçà des 100 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale . La dotation initiale, bien que réduite par rapport à l'année dernière (150 millions d'euros), apparaît donc toujours surdimensionnée par rapport aux besoins effectifs, la stabilisation de la situation économique ayant fait diminuer les besoins d'intervention .

En revanche, les 150 millions d'euros de recettes du compte de concours financiers sont en quasi-totalité attribuables au remboursement des prêts consentis par le FDES, et expliquent son solde positif en 2017.

Dans ce contexte, la question du maintien du FDES en tant qu'outil budgétaire ad hoc peut être posée . En effet, soit les aides sont effectivement octroyées à des entreprises structurellement viables, dans une perspective de sauvegarde à long terme du potentiel industriel et technologique de la France et des emplois liés, et alors il existe aujourd'hui d'autres institutions plus adaptées pour assumer l'intervention publique en cas de défaillance temporaire du marché, au premier rang desquelles Bpifrance . Soit les aides relèvent davantage de « l'État pompier » que de « l'État stratège », c'est-à-dire qu'elles sont accordées sur le fondement de considérations politiques quand bien même les sites industriels ne seraient pas viables à terme, et alors l'existence même du FDES est contestable.

MISSION « ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET LOGEMENT » - M. PHILIPPE DALLIER, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

La mission « Égalité des territoires et logement » regroupe des crédits qui ont pour but, selon le projet annuel de performances pour 2017, d'améliorer les conditions de la production de logements décents et d'accès au logement des citoyens, tout en articulant les politiques de l'aménagement, du logement, de l'urbanisme, ainsi que celles de l'hébergement et de la lutte contre l'exclusion.

Elle regroupe en 2017, comme en 2016 :

- le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », qui porte en particulier les dépenses d'hébergement et de veille sociale ;

- le programme 109 « Aide à l'accès au logement », qui contribue au financement des aides au logement à travers la dotation d'équilibre au fonds national d'aide au logement (FNAL) ;

- le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », qui porte notamment les aides à la pierre ;

- le programme 337 « Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'égalité des territoires », consacré aux dépenses de personnel du ministère chargé du logement.

L'année 2017 est la dernière année d'exécution de cette mission. La loi de finances pour 2018 a en effet créé une nouvelle mission « Cohésion des territoires » qui regroupe les crédits des missions « Égalité des territoires et logement » et « Politique des territoires ».

Votre rapporteur a approuvé ce changement de périmètre en raison des liens étroits qui relient les actions en faveur du logement et celles relevant de la politique de la ville. Cette nouvelle configuration permet aussi de supprimer le programme 337, qui accueillait jusqu'en 2017 les crédits consacrés à l'essentiel de la masse salariale du ministère chargé du logement, mais qui étaient ensuite transférés en gestion vers le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Il s'agit d'une mesure de bon sens et de bonne gestion.

S'agissant de 2017, la mission « Égalité des territoires et logement » a reçu une enveloppe budgétaire stable après deux années de modifications importantes du périmètre de la mission, qui avaient notamment vu le transfert à l'État du financement de l'allocation de logement familiale.

Les crédits inscrits en loi de finances initiale sont ainsi passés, entre 2016 et 2017, de 18,36 à 18,39 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 18,15 à 18,35 milliards d'euros en crédits de paiement.

Une nouvelle fois, les crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » ont été assez substantiellement augmentés d'une loi de finances initiale à l'autre (+ 15,1 %, soit 229 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2016), afin de tenir compte des besoins toujours plus importants au cours des dernières années.

À l'inverse, les crédits votés du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » ont diminué en loi de finances initiale de 38,3 % en autorisations d'engagement, soit 247,4 millions d'euros, et de 19 % en crédits de paiement, soit 83 millions d'euros.

Les dépenses de la mission se sont finalement élevées à 18,13 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 18,09 milliards d'euros en crédits de paiement. Ces chiffres correspondent ainsi à un dépassement , par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale, de 1,43 % en autorisations d'engagement et de 1,39 % en crédits de paiement , soit respectivement 350 millions et 270 millions d'euros .

Dans la suite de l'analyse, l'exécution de la mission sera présentée sans tenir compte des crédits du programme 337 « Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'égalité des territoires », dans la mesure où ils sont, en gestion, automatiquement transférés vers le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Exécution des crédits de la mission
par programme en 2017

(en millions d'euros et en %)

Programmes

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Évolution exécution 2017 / exécution 2016
(en %)

Évolution exécution 2017 / LFI 2017

(en %)

Programme 177

AE

1 752,05

1 741,68

2 071,03

+ 18,21 %

+ 18,91 %

CP

1 751,2

1 741,68

1 963,05

+ 12,10 %

+ 12,71 %

Programme 109

AE

15 356,99

15 469,44

15 514,97

+ 1,03 %

+ 0,29 %

CP

15 356,99

15 469,44

15 514,96

+ 1,03 %

+ 0,29 %

Programme 135

AE

848,38

398,76

541,14

- 36,21 %

+ 35,71 %

CP

828,23

353,16

611,33

- 26,19 %

+ 73,10 %

Total mission hors programme 337

AE

17 957,42

17 609,89

18 127,14

+ 0,95 %

+ 2,94 %

CP

17 936,42

17 564,28

18 089,34

+ 0,85 %

+ 2,99 %

Programme 337 *

AE

-

780,74

-

-

-

CP

-

780,74

-

-

-

Total mission

AE

17 957,42

18 390,63

18 127,14

+ 0,95 %

- 1,43 %

CP

17 936,42

18 345,03

18 089,34

+ 0,85 %

- 1,39 %

* Le programme 337 « Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'égalité des territoires » regroupe les effectifs et l'essentiel des crédits de masse salariale du ministère chargé du logement et de l'habitat durable, qui sont intégralement transférés, en gestion, dans le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » relevant du ministère de l'écologie, de l'énergie et de la mer.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'analyse des dépenses par programme met en évidence des situations contrastées, comme le montrent les mouvements de crédits enregistrés sur la mission au cours de l'année.

Répartition des crédits de paiement consommés
par programme

Source : commission des finances, d'après le rapport annuel de performances

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » connaît une nouvelle année de sur-exécution budgétaire . Cette situation était prévisible car, malgré un effort de rebasage, il apparaissait lors de l'examen de la loi de finances pour 2017 que la dotation initiale permettrait uniquement de couvrir l'équivalent de la dépense déjà prévue pour 2016, alors que la demande liée à la crise migratoire était toujours aussi forte.

L'exécution est donc supérieure à la prévision avec un dépassement de 18,9 %, soit 2 071 millions d'euros contre 1 742 millions d'euros en autorisations d'engagement. La sincérité de la programmation budgétaire demeure insuffisante .

Un premier décret d'avance a permis d'ouvrir des crédits nouveaux de 122 millions d'euros en autorisations d'engagement et 120 millions d'euros en crédits de paiement le 20 juillet 2017 afin, selon le rapport de motivation annexé à ce décret, de permettre l'ouverture de places d'hébergement d'urgence rendues nécessaires par la mise à l'abri de migrants en transit et de financer la pérennisation de 5 000 places hivernales décidée en mars 2017.

Un second décret d'avance a porté sur le même programme 177 le 30 novembre 2017, avec l'ouverture de 65 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement tendant à financer les opérateurs qui assurent l'hébergement des personnes migrantes en Île-de-France et, en particulier, les centres d'hébergement d'urgence, le centre de premier accueil et le Samu social de Paris.

En outre, la seconde loi de finances rectificative du 28 décembre 2017 a encore ouvert sur ce programme des crédits de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Ces crédits correspondaient principalement au remboursement de crédits gagés en cours de gestion sur le dispositif de l'allocation de logement temporaire 92 ( * ) , ainsi que, une nouvelle fois, sur des insuffisances relatives à l'hébergement d'urgence.

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » enregistre une dépense supérieure de 0,29 % à la prévision initiale . Si le dépassement est faible en proportion, il correspond à un montant de plus de 45 millions d'euros compte tenu du poids prépondérant de ce programme dans la mission « Égalité des territoires et logement ».

La relative stabilité de ce programme résulte, selon la Cour des comptes, de mesures d'économie telles que la réduction forfatiaire de 5 euros du montant des allocations logement. La dette du fonds national d'aide au logement (FNAL) vis-à-vis des régimes sociaux demeure toutefois de 261 millions d'euros au 31 décembre 2017, contre 258 millions d'euros un an plus tôt.

Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » connaît également une exécution de ses crédits anormalement élevée (+ 35,7 % en autorisations d'engagement et + 73,1 % en crédits de paiement par rapport à l'autorisation en loi de finances initiale), avec une consommation de 541 millions d'euros en autorisations d'engagement et 611 millions d'euros en crédits de paiement. Ce montant est en baisse par rapport à 2016, année qui avait connu un versement exceptionnel de 150 millions d'euros au fonds d'aide à la rénovation thermique (FART). De plus, la suppression en cours de gestion du dispositif d'aide aux « maires bâtisseurs » a permis une économie de 64,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 22,45 millions d'euros en crédits de paiement, hors réserve de précaution.

La gestion de ce programme a été profondément marquée par les conséquences du décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 qui a notamment réduit la participation de l'État au fonds national des aides à la pierre (FNAP), ce qui a conduit à diminuer le montant des fonds de concours versés par le FNAP au programme 135. Ce décret a annulé 184,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 130,5 millions d'euros en crédits de paiement.

L'annulation a porté sur :

- la totalité de la réserve de précaution du programme, pour 50,29 millions d'euros en autorisations d'engagement et 54,49 millions d'euros en crédits de paiement ;

- les autorisations d'engagement encore disponibles sur le dispositif de l'aide aux « maires bâtisseurs », après la décision prise par le gouvernement de ne pas reconduire cette mesure, pour 53,4 millions d'euros en autorisations d'engagement ;

- la participation de l'État au FNAP, pour 76 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement ;

- des ajustements internes à la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) pour 5,19 millions d'euros en autorisations d'engagement et 5 000 euros en crédits de paiement.

Mouvements de crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » en 2017

(en millions d'euros)

Programmes

LFI 2017*

FDC et ADP

Reports entrants hors FDC

Reports entrants sur crédits FDC et ADP

Transferts et virements

Décrets d'avance

LFR 2017

Crédits ouverts 2017

Crédits consommés 2017

177

AE

1 741,68

0,361

123,782

0,240

187,039

89,626

2 142,73

2 071,03

CP

1 741,68

0,361

42,355

0,240

185,000

89,626

2 059,26

1 963,04

109

AE

15 469,44

0,005

45,572

15 515,02

15 514,97

CP

15 469,44

0,005

45,572

15 515,02

15 514,96

135

AE

398,76

800,198

0,711

384,731

0,006

-184,874

1 399,53

541,14

CP

353,16

366,363

6,235

125,264

0,006

-130,493

720,54

611,33

337

AE

780,74

-780,741

0,00

0,00

CP

780,74

-780,741

0,00

0,00

Total mission

AE

17 609,88

800,56

124,50

384,97

0,01

2,17

135,20

19 057,28

18 127,13

CP

17 564,28

366,72

48,60

125,50

0,01

54,51

135,20

18 294,82

18 089,33

* hors fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP)

Source : commission des finances, rapport annuel de performances

S'agissant des dépenses fiscales , leur montant reste très élevé . 53 dépenses fiscales totalisent un coût de 13,29 milliards d'euros, contre 13,6 milliards d'euros en 2016.

Cette légère diminution est liée à l'extinction progressive de certains dispositifs fiscaux, tels que les réductions d'impôt sur le revenu « Scellier » et « Scellier intermédiaire » en faveur de l'investissement locatif et le crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunt supportés à raison de l'acquisition ou de la construction de l'habitation principale. Ces dispositifs produiront encore leur effet pendant plusieurs années, et même jusqu'en 2030 pour le dispositif « Scellier intermédiaire ».

Les réductions d'impôt « Duflot » et « Pinel » en faveur de l'investissement locatif intermédiaire ont un coût estimé de 354 millions d'euros en 2017. Le coût de ces dispositifs est estimé à 554 millions d'euros en 2018.

La Cour des comptes note que sa recommandation tendant à une évaluation régulière de l'efficacité des dépenses fiscales, et à la suppression de celles dont l'efficacité et l'efficience apparaissent insuffisantes, n'a pas été suivie d'effet.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. L'insincérité confirmée de la prévision budgétaire relative aux dispositifs d'hébergement d'urgence et à la veille sociale

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » est chroniquement sous-budgétisé. Il a nécessité, en cours de gestion, des ouvertures de crédit d'un montant de 276,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 274,6 millions d'euros en crédits de paiement.

a) Le fort impact de la dépense d'hébergement d'urgence

Cette évolution repose sur la dynamique de dépense de l'hébergement d'urgence , notamment en Île-de-France, ainsi que sur « l'effet report » de la crise migratoire 93 ( * ) , qui conduisent au financement de mesures nouvelles, notamment à la pérennisation de places d'urgence hivernales (4 200 places) 94 ( * ) . Le taux d'occupation est de 99 % dans les centres d'hébergement pérenne.

La Cour des comptes met en cause plusieurs explications :

- l'information serait insuffisante pour bien isoler les déterminants de la dépense additionnelle ;

- le phénomène d'urgence, la saturation du parc foncier et immobilier disponible dans les régions en forte tension peuvent expliquer une partie de l'inflation des coûts ;

- les capacités de pilotage des services déconcentrés n'ont pas été renforcées à la mesure de la croissance des besoins.

Elle confirme à cet égard l'analyse faite par votre rapporteur spécial dans son rapport d'information sur l'hébergement d'urgence présenté en décembre 2016 95 ( * ) . Il avait alors été frappé par le nombre des critiques portant sur le manque de moyens consacrés par l'État au suivi de cette politique.

Deux dispositifs, certes, ont maîtrisé leurs dépenses en 2017 :

- les dispositifs de veille sociale (131 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement) ;

- les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS, dépenses de 657 millions d'euros en 2017). Les dépenses des CHRS sont en effet limitées par des contigents régionaux fixés par le ministre.

En revanche, les dispositifs de logement aux besoins des personnes en grande difficulté sociale (pensions de famille et intermédiation locative) ont vu leur consommation s'établir à 278,9 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.

b) Une insuffisante fluidité des parcours de logement

Les indicateurs du programme montrent que la fluidité des parcours de logement demeure insuffisante .

La part des personnes sortant de CHRS qui accèdent à un logement (indicateur 1.1) est seulement de 13 % en 2017, soit une légère baisse par rapport à 2015 et 2016 (14 %) et surtout une valeur nettement inférieure à la prévision de 17 % retenue dans le projet annuel de performances pour la préparation de la loi de finances pour 2017. Il en est de même de la part des personnes sortant de CHRS qui accèdent à un logement autonome (29 % contre une prévision de 34 %).

Le rapport annuel de performances explique ces résultats par le profil du public accueilli, à qui une situation de grande exclusion ou d'addictions peut rendre l'accès à un logement adapté ou autonome difficile.

Une autre raison invoquée est la difficulté à développer rapidement des solutions de logement adapté : les maisons-relais dépendent de projets d'investissement pluriannuels et la mise en place de l'intermédiation locative est retardée par les délais de captation de logements 96 ( * ) .

Votre rapporteur souligne pourtant que l'intermédiation locative , même si elle est certainement vue comme complexe à mettre en place par certaines directions départementales, présente un intérêt en termes de coût , puisqu'elle représenterait une dépense de 2 165 euros par place, contre 8 050 euros la place en hébergement d'urgence et 6 200 euros par an pour une nuitée d'hôtel 97 ( * ) .

L'indicateur 1.2, relatif au taux de réponse positive du service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO), est également peu satisfaisant.

Les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) sont des organisations mettant en réseau les acteurs et les moyens de la veille sociale dans chaque département. Ils assurent les missions prévues à l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles (accueil des personnes sans abri ou en détresse, première évaluation de leur situation et orientation vers les structures ou services qu'appelle leur état) et la régulation des orientations vers les places d'hébergement et de logement, que celui-ci soit adapté ou de droit commun. Pour cela, ils ont vocation à centraliser l'ensemble des demandes d'hébergement et à disposer d'une vision exhaustive des places disponibles.

Source : rapport annuel de performances pour 2017, mission « Égalité des territoires et logement »

Le taux de réponses positives du SIAO aux demandes d'hébergement (orientation devenue hébergement), qui était de 31 % en 2015, a baissé à 20 % en 2016 et 18,5 % en 2017, contre une prévision de 33 %. Quant aux demandes de logement, seulement 0,6 % ont reçu une réponse positive.

Le rapport annuel de performances explique cette évolution par la très forte augmentation du nombre de demandes en cours d'année 2016 : celles-ci sont passées de 1,6 million au 30 juin 2016 à 3,3 millions au 31 décembre de la même année.

2. Les aides au logement marquées par une baisse brutale ayant un simple objectif de rendement

Le fonds national d'aide au logement (FNAL), défini à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation, finance les aides personnalisées au logement (APL). Il est géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Ses dépenses connaissent une progression inéluctable, année après année. Or la subvention d'équilibre versée par l'État est restée stable à 15,4 milliards d'euros, alors même que le projet annuel de performances de la mission « Égalité des territoires et logement », annexé au projet de loi de finances pour 2017, prévoyait une dépense liée aux aides personnelles au logement en progression par rapport aux années précédentes, avec 18,3 milliards d'euros.

En 2017, un manque de financement est ainsi apparu au mois de juillet, s'expliquant aussi bien par une dépense supérieure à la prévision initiale que par une recette attendue plus basse sur le produit des cotisations employeurs.

Le Gouvernement a alors annoncé, et mis en place par un décret du 28 septembre 2017, une mesure de diminution forfaitaire de cinq euros des aides personnelles au logement versées à 6,5 millions de bénéficiaires, qui a fait l'objet d'un fort débat public.

Votre rapporteur spécial s'est rendu le 26 juillet à la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) afin de comprendre le fondement juridique de cette décision et sa nécessité pour équilibrer le budget du FNAL 98 ( * ) .

Il en est ressorti qu'une diminution de deux euros par mois avait été étudiée techniquement lors de la préparation de la loi de finances pour 2017. Le projet annuel de performances n'évoquait pas explicitement cette possibilité de diminution, mais indiquait que « S'il s'avérait que l'équilibre financier du système d'aides au logement nécessitait de nouvelles actions, des mesures réglementaires seraient envisagées sans remise en cause des conditions d'attribution . »

Votre rapporteur a donc constaté que cette mesure n'était envisagée, à l'automne 2016, que comme une éventualité pour la bonne exécution du budget alloué au FNAL en cours d'année, rien en tout état de cause ne prévoyant une entrée en vigueur au 1 er janvier 2017.

Or, à l'été 2017, le Gouvernement a fait état d'un besoin de financement par l'État supérieur de 139 millions d'euros à la prévision initiale. Ce surcroît de besoin de financement se décomposait, selon les prévisions à fin d'année que les services du ministère ont communiquées à votre rapporteur spécial, en :

- une prévision de charges supérieure de 75 millions d'euros à la prévision en loi de finances initiale (18 392 millions d'euros contre 18 317 millions d'euros) ;

- une prévision de recettes issues des cotisations employeurs inférieure de 64 millions d'euros (2 642 millions d'euros contre 2 706 millions d'euros).

Il apparaît pourtant, à l'examen du rapport annuel de performances annexé au présent projet de loi de règlement, que cette estimation du besoin de financement était sans doute surévaluée . Les cotisations employeurs sont en effet restées au niveau prévu dans les documents budgétaires de la loi de finances initiale, soit 2 706 millions d'euros 99 ( * ) . Le besoin de financement n'était donc pas aussi élevé que ce qui était indiqué à l'été 2017.

Votre rapporteur regrette qu'une mesure brutale ait été prise alors que c'est bien une réforme structurelle qui s'imposait pour le dispositif des APL. Il rappelle ainsi plusieurs pistes qu'il a déjà formulées :

- la prise en compte d'un taux d'effort minimal des ménages pourrait être introduite dans le mode de calcul des aides ;

- il pourrait être envisagé d'introduire un plafond de loyer par mètre carré ou encore un plafond de surface par occupant ;

- les aides versées aux étudiants pourraient être mieux ciblées, car leurs ressources sont insuffisamment prises en compte ;

- enfin, une analyse précise des importants coûts de gestion induits par ces aides devrait être menée.

3. Le lancement difficile du programme de PLAI adaptés

Le programme des « PLAI 100 ( * ) adaptés » tend à produire des logements très sociaux à bas niveau de quittance.

Ouvert aux bailleurs sociaux et aux associations investies sur la maîtrise d'ouvrage d'insertion, il a été lancé chaque année suite à la promulgation de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social. Il est financé par le produit des majorations de prélèvement opérées sur les communes « carencées » SRU, qui s'élève à environ 12 millions d'euros par an.

Les sommes étaient regroupées dans un fonds national pour le développement d'une offre de logements locatifs très sociaux (FNDOLLTS). Ce fonds, ainsi que le comité de gestion qui sélectionnait les opérations financées, a été regroupé au sein du FNAP où les PLAI adaptés bénéficient d'une enveloppe spécifique, indépendamment de l'enveloppe générale consacrée aux aides à la pierre « classiques ».

Les modalités de répartition et d'instruction des dossiers sont également particulières puisque le dispositif repose sur des appels à projet. Les opérations retenues bénéficient alors d'une subvention accordée en complément des aides octroyées normalement pour un PLAI.

Or 800 000 euros seulement ont été consommés sur le programme 335, au titre de ces appels à projets . La Cour des comptes constate que ce type de programme est confronté, année après année, à une sous-exécution budgétaire chronique, les crédits étant peu engagés et quasiment pas consommés. Certains opérateurs ont ainsi indiqué à votre rapporteur qu'ils rencontraient des difficultés croissantes pour monter les dossiers de financement.

S'agissant par exemple des pensions de famille, le nombre de places créées 101 ( * ) était de 1 471 en 2011 et 1 336 en 2014, mais a diminué considérablement et n'a atteint que 603 en 2016 et 890 en 2017. Or le gouvernement a fixé un objectif volontariste d'ouverture de 10 000 places sur le quinquennat, sans que l'on voie clairement quels moyens permettraient de doubler ou de tripler le nombre de places chaque année.

Votre rapporteur s'interroge donc sur la capacité du Gouvernement à atteindre les objectifs fixés dans son plan « Logement d'abord » , soit la production de 40 000 logements PLAI par an dès 2018, l'ouverture de 10 000 logements en pensions de famille sur cinq ans et la création sur cinq ans de 40 000 places supplémentaires via des dispositifs d'intermédiation locative 102 ( * ) .

4. L'incohérence de la gestion des aides à la pierre

La participation de l'État au FNAP en 2017 a été à peu près divisée par deux en cours d'exécution.

Alors que la loi de finances initiale avait prévu une participation de l'État au FNAP de 196,19 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, dont 16 millions d'euros ont été affectés à la réserve de précaution, cette contribution a été réduite successivement :

- de 20,06 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement lors d'un « sur-gel » d'avril 2017 ;

- de 76 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement par le décret du 21 juillet 2017.

Au total, la contribution effective de l'État au FNAP est de 84,14 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement en 2017, soit une diminution, hors réserve de précaution, de 96,06 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement par rapport aux crédits prévus initialement.

Les conséquences ont été majeures pour la gestion de l'opérateur , qui avait prévu dans son budget 2017 une participation de l'État à hauteur de 180,19 millions d'euros.

Le budget 2017 du FNAP

Le budget initial du FNAP pour 2017 prévoyait des recettes de :

- 270 millions d'euros  au titre d'une fraction du produit de la cotisation à la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) ;

- 180,2 millions d'euros versés par l'État 103 ( * ) ;

- 12 millions d'euros provenant de la majoration du prélèvement « SRU » sur les communes dites « carencées », qui n'atteignent pas l'objectif qui leur est assigné en matière de développement du parc locatif social.

Source : conseil d'administration du FNAP, délibération 2016-11, 1 er décembre 2016

Le montant consacré aux aides à la pierre a ainsi été de 349,4 millions d'euros, contre 445,5 millions d'euros prévus dans le budget initial. Les sommes consacrées aux aides à la pierre ont donc baissé en 2017, puisqu'elles étaient de 370,5 millions d'euros en 2016.

Cette diminution brutale a également eu des conséquences sur le fonctionnement du fonds.

Le 22 septembre 2017, le conseil d'administration a refusé de voter le projet de budget rectificatif qui tenait compte de la diminution de participation de l'État. D'après la Cour des comptes, les autorisations d'engagement excédentaires de 96,07 millions d'euros ont alors été bloquées en gestion mais n'ont pas été annulées depuis.

C'est la DHUP qui a adressé des lettres de notification rectificatives aux responsables de budgets opérationnels de programme (BOP) afin de prendre en compte cette diminution.

La Cour des comptes conclut à juste titre que le FNAP n'a ainsi pas permis de sécuriser les montants affectés aux aides à la pierre, alors qu'il s'agissait bien de l'un des objectifs principaux de sa création . La responsabilité en incombe à l'État, puisque les bailleurs sociaux ont bien apporté la contribution prévue de 270 millions d'euros.

Le fonctionnement du fonds a également été affecté en fin d'année par la démission de son président, M. Emmanuel Couet, remise le 6 octobre 2017. Il a entendu protester contre les orientations retenues dans le projet de loi de finances pour 2018, qui entérinaient le désengagement de l'État, en contradiction avec le principe du cofinancement entre les parties.

En effet, la loi de finances pour 2018 a prévu de diminuer encore la participation de l'État aux aides à la pierre à 50 millions d'euros, dont 38,8 millions prévus par le budget du FNAP 104 ( * ) , soit un niveau encore inférieur à sa participation effective en 2017, malgré la diminution drastique intervenue en cours de gestion.

Dans le même temps, la loi de finances prévoyait une augmentation de la contribution des bailleurs sociaux de 270 à 375 millions d'euros.

On constate donc un retrait presque total de l'État du financement des aides à la pierre . Alors que la contribution de l'État représentait encore 39 % du budget 2017 du FNAP en application de la loi de finances pour 2017, elle a diminué à 8 % dans le budget 2018, les partenaires « hors État » (bailleurs sociaux et Action Logement) représentant désormais 87 % du financement.

Évolution des sources de financement du FNAP

Source : commission des finances, DHUP

S'agissant du bilan en termes de financement de logements locatifs sociaux, l'année 2017 reste bien en deça des objectifs : 113 041 logements locatifs sociaux ont été financés, soit 20 % de moins que l'objectif de 142 428 notifié aux responsables de BOP en décembre 2016.

La Cour des comptes note toutefois que « l'année 2017 reste une année satisfaisante en matière de financement de logements locatifs sociaux » et considère que les décisions des bailleurs n'ont pas nécessairement été motivées uniquement par les diminutions de crédit d'État : les discussions budgétaires ont certainement eu également leur effet.

Ces décisions ont en effet eu lieu en cours et en fin d'année. Votre rapporteur craint donc que les conséquences des décisions survenues en cours d'année 2017 ainsi que de celles qui résultent de la loi de finances pour 2018 aient un impact préjudiciable sur la production de logement locatif social en 2018.

5. L'Agence nationale de l'habitat (Anah)

Au total, 80 720 logements ont bénéficié d'interventions de l'Anah en 2017, pour un montant de 550,7 millions d'euros de subventions, contre 69 769 logements en 2016 et 77 621 logements en 2015.

L'Agence retrouve un niveau d'activité élevé, tant en niveau d'engagement qu'en nombre de logements financés, après une baisse en 2016.

Activité de l'Anah

Source : commission des finances, documents budgétaires.

Ce montant n'inclut pas les aides engagées sur le fonds d'aide à la rénovation thermique (Fart) à hauteur de 99,3 millions d'euros, ni les aides propres confiées à certaines collectivités territoriales pour 24,8 millions d'euros.

S'agissant des réalisations, l'Anah n'a engagé que 82 % des autorisations d'engagement ouvertes à son budget rectificatif de novembre 2017, principalement en raison de la quasi non-réalisation du dispositif de lutte contre la précarité énergétique dans les copropriétés « fragiles » 105 ( * ) : seuls 2 239 logements ont été financés alors que la cible en loi de finances était de 30 000 logements.

Au total, le budget initial était basé sur un objectif de financement de 127 000 logements, dont 100 000 au titre du programme « Habiter mieux ». Seuls 80 720 logements ont été financés en 2017, dont 52 266 au titre du programme « Habiter mieux ».

Comme l'a montré l'enquête de la Cour des comptes réalisée sur le programme « Habiter mieux » à la demande de la commission des finances, ce programme qui aide les ménages modestes à entreprendre des travaux d'amélioration énergétique de leurs logements a permis en 2017 de rénover 52 266 logements, ce qui est sa meilleure année mais demeure très en-deça de l'objectif trop ambitieux de 100 000 rénovations de logement qui avait été fixé 106 ( * ) .

S'agissant de l'aide aux copropriétés dégradées par l'Anah, elle a porté sur 15 487 logements dans ce cadre en 2017.

Il convient de rappeler que le traitement des copropriétés dégradées était un volet important de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (loi ALUR), qui a notamment créé les opérations de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) afin d'améliorer la situation des copropriétés dégradées. D'après une enquête menée par le ministère du Logement et l'Anah, environ 100 000 copropriétés seraient en fragilité, soit 15 % du parc des copropriétés, représentant 1 million de logements.

La montée en charge de cette action est progressive, ce qui peut s'expliquer par la parution tardive, le 5 mai 2017, du décret en Conseil d'État 107 ( * ) qui a permis d'engager la rénovation des copropriétés dégradées et ouvert le champ d'octroi des aides aux copropriétés fragiles. En outre, les rénovations de copropriétés comprennent nécessairement des délais importants pour la mise au point des travaux et leur approbation en assemblée générale.

Votre rapporteur souligne que le financement de l'Anah demeure soumis à des aléas.

En particulier, la volatilité des prix du carbone est un enjeu majeur pour le financement de l'Anah. Le budget pour 2017 a été établi sur la base d'un cours de la tonne de carbone à 6 €, soit une recette de 323 millions d'euros. Or la recette effective a été pour l'Anah de 313 millions d'euros en raison d'un cours du carbone inférieur aux prévisions. Cette recette est en hausse par rapport à 2016 et comparable à 2015.

S'agissant par ailleurs du programme « Habiter mieux », le grand plan d'investissement (GPI) a prévu d'attribuer des crédits au programme « Habiter mieux » à hauteur de 1,2 milliard d'euros sur le quinquennat afin de compenser l'arrivée à son terme du programme d'investissements d'avenir (PIA), mais seuls 110 millions d'euros sont prévus pour 2018 108 ( * ) .

Enfin parmi les autres ressources, la taxe sur les logements vacants a une fraction affectée à l'Anah, qui est seulement de 21 millions d'euros en 2016, 2017 et 2018, contre 61 millions d'euros en 2015.

MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT » ET DIVERS COMPTES SPÉCIAUX - MME NATHALIE GOULET, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DES COMPTES SPÉCIAUX EN 2017

A. LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT »

La consommation des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » s'est élevée à 42,1 milliards d'euros en AE et 42,4 milliards d'euros en CP , soit une légère sur-exécution de 0,5 % en AE et 0,6 % en CP. La mission était dotée de 41,9 milliards d'euros en AE et 42,1 milliards d'euros en CP en loi de finances initiale pour 2016.

L'exécution 2017 est également légèrement supérieure à l'exécution 2016 , de 1,1 % en AE et 1,0 % en CP.

L'exercice 2017 rompt donc avec la tendance constatée les années précédentes , marquées par une sous-exécution de grande ampleur des crédits de la mission par rapport à la budgétisation initiale.

Exécution des crédits de la mission
par programme en 2017

(en millions d'euros et en %)

Programme

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Exécution 2017 par rapport à l'exéc. 2016

Exécution 2017 par rapport à la LFI 2017

Charge de la dette et trésorerie de l'État (crédits évaluatifs)

AE

41 447,02

41 548,00

41 697,19

0,6%

0,4%

CP

41 447,02

41 548,00

41 697,19

0,6%

0,4%

Appels en garantie de l'État
(crédits évaluatifs)

AE

121,58

27,40

34,98

-71,2%

27,7%

CP

121,58

27,40

34,98

-71,2%

27,7%

Épargne

AE

123,27

193,50

97,08

-21,2%

-49,8%

CP

123,27

193,50

97,05

-21,3%

-49,8%

Majoration de rentes

AE

32,10

145,60

260,90

712,8%

79,2%

CP

32,10

145,60

260,90

712,8%

79,2%

Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque

AE

-43,47

11,50

-49,96

14,9%

-534,5%

CP

197,72

194,76

174,00

-12,0%

-10,7%

Dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité

AE

0,00

0,00

86,71

CP

0,00

0,00

86,71

Augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement

AE

0,00

0,00

0,00

CP

0,00

0,00

0,00

Total de la mission

AE

41 680,49

41 926,00

42 126,90

1,1%

0,5%

CP

41 921,69

42 109,26

42 350,84

1,0%

0,6%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » , qui représente environ 98 % des crédits de la mission, explique la majeure partie des évolutions constatées tant entre la loi de finances initiale et l'exécution qu'entre 2016 et 2017. Les crédits liés à la charge de la dette et à la trésorerie de l'État ont en effet été légèrement sur-exécutés à hauteur d'environ 150 millions d'euros (+ 0,4 %) par rapport aux plafonds de la loi de finances initiale et de 250 millions d'euros par rapport à 2016 (+0,6 %), ce qui provient principalement d'hypothèses de budgétisation moins conservatrices que les années passées et, dans une moindre mesure, de la reprise de l'inflation.

Il faut noter que les crédits portés par le programme 117 ne sont pas directement versés aux acteurs financiers depuis la mission « Engagements financiers de l'État » : ils transitent, conformément à la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 109 ( * ) , par un compte de commerce 110 ( * ) .

Répartition des crédits de paiement de la mission
par programme en 2017

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'exécution des autres programmes de la mission, pour un poids budgétaire total beaucoup plus faible, est très contrastée et fait apparaître des différences significatives entre l'exécution 2016, les plafonds de crédits votés par le législateur en loi de finances initiale et le déroulé effectif de l'exercice 2017.

Ainsi, le programme 145 « Épargne » a de nouveau connu une sous-exécution de près de 100 millions d'euros , soit près de 50 % des crédits budgétés en loi de finances initiale. Comme l'an passé, cette baisse provient de l'action 1 « Épargne logement » qui regroupe les crédits destinés au paiement des primes d'épargne logement (dispositifs compte épargne logement, ou CEL, et plan d'épargne logement, ou PEL). En 2017, les primes PEL ont baissé de 20 % en montant par rapport à 2016 et les primes CEL de 63 %. En effet, les épargnants ont préféré conserver leur épargne sur leur PEL ou CEL dans la mesure où la rémunération des PEL (entre 1,5 % et 2,5 %) est attractive par rapport à d'autres produits de ce type tandis que le taux des prêts PEL est actuellement plus élevé que ceux du marché.

Les crédits décaissés au titre du programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque » ont été inférieurs de 10 % à la budgétisation initiale en crédits de paiement : 23,7 millions d'euros ont été annulés en juillet 2017 dans le cadre des mesures d'économies mises en oeuvre par le Gouvernement résultant des élections de mai 2017. Le rapport annuel de performances précise cependant que cette annulation « a été sans conséquence sur le versement des aides aux collectivités locales puisqu'ils correspondaient à des crédits mis en réserve en début d'année afin de couvrir une hausse imprévue des dépenses, liée notamment à une évolution défavorable des marchés financiers ». Or ce risque ne s'est pas matérialisé. La sous-exécution apparente très marquée en autorisations d'engagement résulte en fait d'une mesure technique : au titre de la convention signée avec l'Agence de services et de paiement, comme l'année dernière, un désengagement de 50 millions d'euros a été réalisé en avril 2017 - correspondant à des autorisations d'engagement « négatives » pour un même montant, sans impact sur le montant effectif des aides versées aux collectivités territoriales.

Le programme 168 « Majoration de rentes » a au contraire fortement dépassé la dotation prévue en loi de finances initiale : les dépenses du programme se sont élevées à 260 millions d'euros contre une autorisation de 145,6 millions d'euros. Cette sur-exécution de 80 % s'explique par le report d'une partie des dépenses qui auraient dû être effectuées en 2016 sur l'exercice 2017, en raison d'un déblocage trop tardif des crédits nécessaires.

De même, le programme 114 « Appels en garantie de l'État » (dont les crédits sont évaluatifs) a été sur-exécuté à hauteur d'environ 8 millions d'euros , à la suite des ouvertures prévues au titre du schéma de fin de gestion 111 ( * ) , en raison d'une sinistralité sur le dispositif de garantie de l'accession sociale à la propriété supérieure aux hypothèses qui fondaient la budgétisation initiale, entraînant un surcroît de dépense de l'ordre de 10,3 millions d'euros, partiellement compensé par de moindres consommations sur d'autres dispositifs de garantie. Ainsi, les dépenses résultant de la mise en jeu de la garantie de l'État sur les prêts à l'accession sociale (PAS) et les prêts à taux zéro (PTZ, NPTZ...) ont crû de 33 % entre 2016 et 2017 , ce que le Gouvernement explique par trois principaux facteurs : la facilitation du recours à la procédure de surendettement résultant de la loi dite « Lagarde » de 2010, la stagnation des valeurs immobilières depuis 2008 dans certaines zones qui ne favorise pas la revente des biens et des changements dans l'organisation des banques qui accélèrent le traitement des dossiers concernés.

Enfin, doit être signalée la consommation de 86,7 millions d'euros en crédits de paiement (contre une budgétisation initiale nulle, en AE comme en CP) sur le programme 336 « Dotation du Mécanisme européen de stabilité » , dont l'intitulé a été revu pour l'occasion 112 ( * ) . Ce versement s'explique par une modification du traitement des dépôts du MES auprès de l'Eurosystème : après avoir bénéficié d'une exemption jusqu'en 2017, ceux-ci sont désormais 113 ( * ) soumis au paiement des intérêts (dans la mesure où les taux d'intérêt à court terme sont pour l'heure négatifs, c'est le déposant qui verse les intérêts à l'institution financière dépositaire des fonds). Or, afin de préserver le capital du MES, la France s'est engagée à rétrocéder au MES les intérêts perçus sur ces fonds. Le décaissement constaté en 2017 correspond à la mise en oeuvre de cet engagement.

B. LE COMPTE SPÉCIAL « PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE »

Créé par la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 114 ( * ) , le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participation de la France au désendettement de la Grèce » traduit dans le droit national les engagements pris par la France dans le cadre des réunions des ministres des finances de la zone euro (Eurogroupe) :

- lors de la réunion du 20 février 2012, la France s'est engagée, aux côtés des autres États membres de la zone euro, à reverser à la Grèce les revenus perçus et à percevoir par la Banque de France entre 2012 et 2020 sur les obligations grecques que celle-ci détient en compte propre ( Agreement on Net Financial Assets ou «ANFA ») ;

- l'accord du 26 novembre 2012 prévoit que les banques centrales nationales de la zone euro doivent reverser aux États membres les revenus qu'elles reçoivent des obligations grecques détenues au titre du Programme pour les marchés de titres (PMT), ou Security Market Programme (SMP), qui sont ensuite restitués à la Grèce .

Restitutions prévues des revenus perçus par la France sur les titres grecs

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

SMP

450

399

309

233

183

148

ANFA

198,7

149

101,8

123,5

92,6

56

19,3

Total

198,7

599

500,8

432,5

325,6

239

167,3

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Ces deux initiatives s'inscrivent parmi les différentes mesures tendant à réduire la dette publique grecque et à rétablir la soutenabilité de celle-ci. Aussi, les transferts financiers opérés au profit de la Grèce dans ce cadre sont inscrits au sein du programme 795 du présent compte d'affectation spéciale 115 ( * ) , dont le responsable est le directeur général du Trésor.

Exécution des crédits du compte d'affectation spéciale

(en millions d'euros)

Exéc. 2016

LFI 2017

Exéc. 2017

Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs

AE

- 304,8

183

0

CP

0

239

0

Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France

AE

0

0

0

CP

0

0

0

Total des dépenses

AE

- 304,8

183

0

CP

0

239

0

Recettes

233

183

183

Solde annuel

CP

233

-56

183

Solde cumulé

CP

846,8

790,8

1029,8

Note : en 2016, une reprise sur autorisations d'engagement antérieures explique la constatation de montants négatifs (suppression d'AE engagées au regard de l'abandon de la dépense à laquelle elles correspondaient).

Source : commission des finances (à partir des documents budgétaires)

Ainsi, le compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » retrace :

- en recettes , le produit de la contribution spéciale versée par la Banque de France au titre de la restitution des revenus qu'elle a perçus sur les titres grecs. Celui-ci s'est élevé à 183 millions d'euros en 2017 ;

- en dépenses , d'une part, le versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus précités (programme 795) et, d'autre part, les rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France (programme 796). En 2017, les dépenses du compte ont de nouveau été nulles , de même qu'en 2015 et en 2016.

Au total, le solde annuel du compte est donc positif, à hauteur de 183 millions d'euros, et le solde cumulé dépasse pour la première fois le milliard d'euros .

C. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS »

En application de l'article 24 de la loi organique relative aux lois de finances, le compte « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » retrace les avances accordées par le Trésor aux organismes susceptibles d'en recevoir.

L'exécution des crédits de la mission, à hauteur de 15,4 milliards d'euros en AE et 14,2 milliards d'euros en CP, représente 92 % du plafond autorisé en loi de finances initiale en AE et 96 % en CP.

Exécution des dépenses et des recettes du compte de concours financiers

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2016

LFI 2017

Exécution 2017

Exécution 2017 / exéc. 2016

Exécution 2017 / LFI 2017

Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics

AE

52,9

346,6

179,755

239,80%

-48,14%

CP

27,9

346,6

116,83

318,75%

-66,29%

Avances à des services de l'État

AE

112,6

102,602

102,602

-8,88%

0,00%

CP

106,6

102,602

102,602

-3,75%

0,00%

Avances à l'ASP, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune

AE

14 330,00

16 000,00

15 100,00

5,37%

-5,63%

CP

13 488,50

16 000,00

13 954,30

3,45%

-12,79%

Avances à l'ONIAM

AE

0

15

0

CP

0

15

0

Total des dépenses

AE

14 495,50

16 464,20

15 382,36

6,12%

-6,57%

CP

13 623,00

16 464,20

14 173,73

4,04%

-13,91%

Recettes

n.s.

13 740,50

16 566,61

14 226,67

3,54%

-14,12%

Solde annuel

CP

117,5

102,41

52,94

-54,94%

-48,30%

Solde cumulé

CP

-2 052,50

-2 053,50

-1 999,56

-2,58%

-2,63%

N.B. : l'Oniam est l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. L'ASP est l'Agence de services et de paiement.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Le solde annuel est de nouveau positif , mais dans une moindre mesure qu'en 2016 (+ 53,0 millions d'euros en 2017 contre + 117 millions d'euros l'année précédente).

Le programme 821 « Avances à l'Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune » regroupe plus de 98 % des crédits consommés en 2017 sur la mission en AE et CP (14,0 milliards d'euros sur un total de 14,2 milliards d'euros). En effet, les aides de la politique agricole commune sont d'abord avancées par l'État avant d'être remboursées par l'Union européenne après vérification de la conformité des subventions attribuées - le refus d'apurement conduisant ainsi au constat d'une charge budgétaire importante pour l'État, comme ce fut le cas en 2015 116 ( * ) .

Comme le prévoyait la budgétisation initiale, l'exécution du programme 821 se maintient à un niveau élevé en 2017 et continue même de croître quoique de façon beaucoup plus mesurée qu'entre 2015 et 2016 : les crédits engagés et décaissés sont en hausse d'environ 5 % en AE et 3 % en CP par rapport à l'exercice précédent.

Cela s'explique par le fait qu'étaient prévues en 2017, comme en 2016, des avances couvrant deux voire trois campagnes d'aides agricoles . Le retard pris dans le versement des aides agricoles, à la suite du refus d'apurement communautaire de 2015, n'a pas encore été résorbé et l'Agence de service et de paiements a préfinancé en 2017 une partie de la politique agricole commune (PAC) 2017, mais aussi un reliquat de 2016, ainsi qu'un apport de trésorerie aux agriculteurs dans l'attente du versement des aides de la PAC 2015 et 2016.

En dehors des avances à l'agence de services et de paiement, les avances octroyées en 2017 ont concerné le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) pour 102,6 millions d'euros, France Agrimer pour 110 millions d'euros et l'agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE) pour 6,8 millions d'euros.

Pas plus qu'en 2016, aucune avance n'a été octroyée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM).

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des conditions de financement qui demeurent globalement favorables, mais des signaux faibles à ne pas négliger

Les conditions de financement de la France sont restées favorables en 2017 , ce qui a permis une stabilisation de la charge de la dette malgré une hausse de l'encours, à l'instar des années précédentes : au total, la France a payé 40,7 milliards d'euros au titre de la charge de la dette, contre 40,4 milliards d'euros en 2016 (+ 0,7 %), alors que le stock de dette est passé de 1 621 milliards d'euros à 1 686 milliards d'euros sur la même période (+ 4 %).

Ainsi, l'accroissement de la charge d'intérêts lié aux émissions nettes, à hauteur de 0,6 milliard d'euros, est plus que compensé par l'amortissement des titres arrivés à échéance et leur remplacement par des titres dont le coupon moyen est inférieur, pour 2,3 milliard d'euros. Le taux à l'émission des OAT à 10 ans s'est élevé à 0,65 % en 2017 (moyenne annuelle), soit un taux en hausse par rapport au « point bas » de 2016 (0,48 %), mais qui demeure inférieur aux taux constatés les exercices précédents (1,87 % en 2014 et 0,93 % en 2015).

Cependant, l'effet anesthésiant du contexte de taux actuel, marqué par une diminution des primes de risque et une réduction de l'écart entre les taux de court terme et ceux de long terme, ne doit pas conduire à négliger les « signaux faibles » de 2017 qui, derrière l'apparente stabilité de la charge de la dette, témoignent de vents contraires.

Il faut d'abord souligner que pour la première fois depuis 2012, la charge de la dette a crû par rapport à l'année précédente . Cette hausse après cinq années consécutives de baisse résulte essentiellement d'hypothèses de budgétisation moins conservatrices en 2017 117 ( * ) ainsi que de la reprise de l'inflation : la remontée des prix a été légèrement supérieure à celle attendue en loi de finances initiale, ce qui a conduit à une augmentation de la charge budgétaire d'indexation du capital de 700 millions d'euros par rapport à la budgétisation initiale et de 2,3 milliards d'euros par rapport à l'exécution 2016 . En effet, à l'inverse d'une remontée des taux d'intérêt, qui ne se transmet que progressivement à l'encours, au fur et à mesure des tombées de dette, une hausse de l'inflation a un effet immédiat sur la totalité des titres indexés.

Ensuite, les conditions d'émission se sont significativement tendues à l'approche des élections présidentielles , en lien avec le risque politique perçu par les marchés financiers en cas de victoire d'un candidat dont le programme n'aurait pas été compatible avec le maintien de la France dans la zone euro. Ainsi, le taux pour une maturité de 10 ans a culminé à 1,2 % à la mi-mars, l'écart de taux (« spread ») avec l'Allemagne s'étant dilaté jusqu'à 80 points de base. La sensibilité des marchés financiers au risque politique ne peut désormais plus être éludée , comme l'a encore récemment montré l'exemple italien. Si, à court terme, la France peut bénéficier des tensions sur la dette d'autres pays de la zone euro (grâce au phénomène de « fuite vers la qualité » des investisseurs), à moyen ou long terme, les doutes sur la solidité de l'union monétaire minent la crédibilité de la politique de la Banque centrale européenne et, par ricochet, celle de tous les pays de la zone euro.

En outre, si les annonces de la BCE restent très prudentes quant aux inflexions qui seront apportées au programme de rachats de titres, l'enveloppe en a cependant été réduite en avril 2017, passant de 80 milliards d'euros à 60 milliards d'euros, ce qui pourrait conduire à une remontée progressive des taux d'intérêt sur la dette souveraine . Par ailleurs, le maintien d'un contexte économique plus dynamique que par le passé pourrait plaider pour un resserrement graduel de la politique non conventionnelle de la BCE , d'autant plus que l'inflation, qui est le principal (et légalement, le seul) objectif de la BCE a redémarré au sein de la zone euro en 2017. La décision de la Réserve fédérale américaine d'opérer une remontée de ses taux directeurs devrait également exercer un effet d'entraînement sur le taux d'intérêt au niveau mondial. D'après les informations transmises à votre rapporteur, les modulations des taux souverains américains se répercutent en général dans une fourchette de 60 % à 70 % en Europe.

Enfin, une pression supplémentaire à la hausse sur les taux d'intérêt de la dette souveraine française provient du refinancement des dettes contractées durant la crise économique , qui contribue à augmenter le programme de refinancement de l'État et ainsi accentuer la remontée prévue . En 2017, les émissions brutes de l'État se sont élevées à 213 milliards d'euros (dont 28 milliards d'euros de rachats de titres proches de l'échéance), soit un montant supérieur de plus de 50 milliards d'euros aux émissions brutes de l'Allemagne 118 ( * ) . Les montants de dette à amortir sont particulièrement importants pour les prochains exercices : ils devraient atteindre 159 milliards d'euros en 2018, 155 milliards d'euros en 2019 avant un pic en 2020 avec 169 milliards d'euros. En d'autres termes, même si la France était à l'équilibre budgétaire en 2020, elle devrait quand même faire appel au marché pour 170 milliards d'euros, soit un montant supérieur aux émissions de l'Allemagne en 2017, alors même que le resserrement de la politique monétaire de la BCE pourrait dégrader les conditions dans lesquelles la dette souveraine arrivant à échéance est refinancée.

Ainsi, la hausse de l'encours de dette souveraine finira inévitablement par conduire à une augmentation de la charge d'intérêts payée par l'État à ses créanciers. Outre une politique résolue de maîtrise des déficits, il s'agit également de mettre en oeuvre des mesures de désendettement non conventionnelles au niveau européen , par exemple à travers la création de fonds sectoriels dédiés au financement de politiques publiques dont les externalités au niveau communautaire sont positives - comme la politique de défense.

2. La création de l'OAT « verte » en 2017 : démarche vertueuse ou poudre aux yeux ?

Le 24 janvier 2017, l'Agence France Trésor a lancé sa première obligation souveraine verte, l'OAT verte 1,75 % (qui arrivera à échéance le 25 juin 2039) pour un montant de 7 milliards d'euros. D'autres pays avaient déjà procédé à des émissions de nature similaire, mais pour des montants inférieurs. Cette émission fait suite à l'annonce du président de la République François Hollande, le 25 avril 2016, à l'occasion de la quatrième conférence environnementale, selon lequel la France serait « le premier pays au monde » à émettre des « obligations vertes » en précisant que l'État demanderait aux banques publiques (Caisse des dépôts et consignations, Banque publique d'investissement, Agence française de développement) de procéder à de telles émissions.

L'obligation verte de la France est en principe ciblée sur des « dépenses vertes éligibles » , qui peuvent être des dépenses du budget général ou des programmes d'investissements d'avenir.

Cependant, cette « éligibilité » est très abstraite , comme l'ont montré les échanges lors de l'audition conjointe relative au programme d'émission de dette par l'État qui s'est tenue à la commission des finances le 21 février 2017.

En effet, aucune affectation directe n'est prévue au sein du budget de l'État . L'allocation des fonds levés à des dépenses « vertes » est donc théorique et ne relève pas d'une « tuyauterie budgétaire » spécifique.

En pratique, le caractère « vert » de l'obligation signifie donc seulement que les montants levés ne peuvent être supérieurs aux dépenses identifiées comme « vertes » par l'État et certifiées comme telle par un tiers indépendant dans les documents de présentation du titre émis.

L'absence de connexion directe entre les fonds levés et les « dépenses vertes » est d'ailleurs démontrée par le fait que jusqu'à 50 % des fonds levés peuvent être « affectés » à des dépenses qui ont déjà été réalisées avant l'émission des titres par l'État .

Il convient de noter que, si le montant d'OAT vertes émis par la France est faible au regard du montant total de dette souveraine française (environ 1 550 milliards d'euros de dette à moyen et long termes), il est très significatif pour le marché des obligations vertes, qui demeure encore peu développé : au total, le marché annuel mondial était estimé à 37 milliards de dollars en 2014, avec une croissance soutenue depuis le début des années 2010.

En définitive, si la création de l'OAT verte a permis de diversifier la base d'investisseurs de l'État, force est de constater que son effet additif sur les dépenses « vertes » est extrêmement limité et qu'il s'agit davantage, pour la France, d'envoyer un signal sur ce segment de marché que de mettre en oeuvre une politique particulièrement innovante sur le plan écologique.

3. Le report de la restitution des intérêts perçus en 2017 sur les titres grecs pèsera à hauteur de 239 millions d'euros sur l'exercice 2018

Les dépenses du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » ont été nulles en 2017 pour la troisième année consécutive . En effet, le dispositif de rétrocession a été suspendu en lien avec l'arrêt du deuxième programme d'assistance financière à la Grèce, à la suite de la décision de l'Eurogroupe du 27 juin 2015. En d'autres termes, la Banque de France continue de reverser les intérêts sur les titres grecs mais ceux-ci ne sont plus décaissés à destination de la Grèce.

Cependant, ce programme devrait être réactivé : une telle possibilité était déjà envisagée en 2016 (communiqué de l'Eurogroupe du 25 mai 2016) - ce qui explique que les fonds aient été budgétés en loi de finances initiale pour 2017 - et a été confirmée en 2017 (communiqué du 15 juin 2017).

Ainsi, les reversements devraient reprendre au titre des années 2017 et suivantes . En revanche, les exercices 2015 et 2016 ne donneront pas lieu à un « rattrapage » et les intérêts perçus au cours de ces deux années ne seront pas rétrocédés 119 ( * ) .

Tableau récapitulatif de la situation au 31 décembre 2017 concernant les intérêts sur les titres grecs détenus par la Banque de France

(en millions d'euros)

Montant restitué à la Grèce par la France au 31 décembre 2017 au titre des exercices 2012 à 2014

1 298,5

Montant qui devrait être restitué à la Grèce en 2018 au titre des exercices 2017 et 2018

406,3

Montant des intérêts qui ne seront finalement pas restitués à la Grèce (exercices 2015 et 2016)

758,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les dépenses prévues en 2017, à hauteur de 239 millions d'euros, sont donc reportées en 2018 et pèseront d'autant sur le déficit budgétaire .

Le décaissement par la France des intérêts perçus en 2017 et 2018 sur les titres grecs devrait ainsi intervenir au cours de l'exercice 2018, pour un total de plus de 400 millions d'euros 120 ( * ) .

4. Des dépenses fiscales sur l'épargne et les placements financiers des particuliers dont le coût n'est pas correctement évalué

31 dépenses fiscales sont rattachées au programme 145 « Épargne » de la mission « Engagements financiers de l'État » dont 30 à titre principal et une à titre subsidiaire, pour un total évalué à 5,8 milliards d'euros en 2017 . Elles portent majoritairement sur l'impôt sur le revenu (IR) et visent à encourager les placements dans certains produits, par exemple les plans d'épargne salariale (dépense fiscale n° 120108, dont le coût en 2017 serait de 1,6 milliard d'euros) ou l'assurance-vie (dépense fiscale n° 140119, pour 1,5 milliard d'euros).

L'enjeu budgétaire est donc considérable, de même que les problématiques de politique publique - d'autant plus dans un contexte de réforme profonde de la fiscalité du capital, avec l'adoption du prélèvement forfaitaire unique (PFU) en loi de finances initiale pour 2018 et le projet de loi dit « PACTE » qui devrait également rénover la fiscalité de l'assurance-vie.

Ces dispositifs fiscaux dérogatoires ne peuvent faire l'objet d'un suivi approprié dès lors que leur coût pour les finances publiques n'est pas correctement évalué.

Or, d'après le rapport annuel de performances, le chiffrage des dépenses fiscales relatives à l'épargne des ménages présente des carences significatives .

Ainsi, dix dépenses fiscales ne sont pas chiffrées du tout . Sur le reliquat, c'est-à-dire les 21 dépenses fiscales qui sont chiffrées, la fiabilité de l'évaluation est indiquée comme « très bonne » dans un seul cas ! Sept autres dépenses fiscales sont estimées avec une fiabilité satisfaisante (jugée « bonne » par l'administration fiscale). Pour toutes les autres (soit treize dépenses fiscales), l'estimation présentée relève d'un « ordre de grandeur » : en d'autres termes, les données présentées ne sont pas fiables et le chiffrage est fait « au doigt mouillé ».

Ce problème n'est pas propre à la mission « Engagements financiers de l'État » : au total, sur 457 dépenses fiscales recensées dans le tome II de l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2018, 183 font l'objet d'une estimation qui est un ordre de grandeur et 53 ne sont pas chiffrées du tout. Or la mise en oeuvre de crédits et de réductions d'impôt dont le chiffrage est impossible paraît problématique en ce qu'elle ne permet pas d'évaluer leur efficience, c'est-à-dire le rapport entre leur coût et leurs bénéfices.

Ce constat appelle la mise en oeuvre d'une double démarche : d'une part, en aval de la création du dispositif, le chiffrage des dispositifs fiscaux dérogatoires doit être affiné par l'administration fiscale ; d'autre part, en amont, lors de la création d'une dépense fiscale, la méthodologie de chiffrage du Gouvernement devrait être précisée dans l'étude d'impact, afin que le législateur, avant d'adopter un dispositif donné, soit en mesure d'évaluer la capacité du Gouvernement à effectuer un suivi de qualité sur la réforme proposée.

MISSION « ENSEIGNEMENT SCOLAIRE » - M. GÉRARD LONGUET, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

En 2017, contribution au CAS (compte d'affectation spéciale) « Pensions » comprise, les dépenses de la mission interministérielle « Enseignement scolaire » se sont élevées à 70,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP) .

Évolution des dépenses de la mission « Enseignement scolaire »
en autorisations d'engagement par programme

(en millions d'euros)

Prévision 2016

Exécution 2016

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Évolution 2017/2016

Évolution 2017/2016

P.140 « Enseignement scolaire public du premier degré »

20 194

20 444

250

101,24 %

21 526

21 574

48

100,22 %

1 130

5,53 %

P.141 « Enseignement scolaire public du second degré" »

31 286

31 467

181

100,58 %

32 463

32 437

- 26

99,92 %

970

3,08 %

P.230 « Vie de l'élève"

4 817

4 890

73

101,51 %

5 077

5 169

92

101,81 %

279

5,71 %

P.138 « Enseignement privé du premier et du second degrés »

7 206

7 255

49

100,69 %

7 439

7 477

38

100,52 %

222

3,06 %

P.214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale »

2 265

2 288

24

101,05 %

2 336

2 229

- 107

95,43 %

- 59

- 2,60 %

P.143 « Enseignement technique agricole »

1 385

1 370

- 14

98,96 %

1 418

1 396

- 21

98,50 %

26

1,91 %

Total

67 151

67 715

563

6

70 258

70 283

24

100,03 %

2 568

3,79 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses de la mission « Enseignement scolaire »
en crédits de paiement par programme

(en millions d'euros)

Prévision 2016

Exécution 2016

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Évolution 2017/2016

Évolution 2017/2016

P.140 « Enseignement scolaire public du premier degré »

20 194

20 443

250

101,24 %

21 526

21 574

48

100,22 %

1 130

5,53 %

P.141 « Enseignement scolaire public du second degré" »

31 286

31 466

181

100,58 %

32 463

32 436

- 27

99,92 %

970

3,08 %

P.230 « Vie de l'élève"

4 833

4 906

73

101,51 %

5 000

5 168

168

103,35 %

262

5,34 %

P.138 « Enseignement privé du premier et du second degrés »

7 206

7 255

49

100,69 %

7 439

7 477

38

100,51 %

222

3,06 %

P.214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale »

2 308

2 288

- 21

99,10 %

2 353

2 278

- 75

96,81 %

- 10

- 0,44 %

P.143 « Enseignement technique agricole »

1 385

1 370

- 14

98,97 %

1 418

1 396

- 21

98,50 %

26

1,91 %

Total

67 211

67 729

518

6

70 198

70 329

131

100,19 %

2 600

3,84 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'exécution est globalement conforme aux prévisions inscrites en loi de finances, les taux de consommation s'élevant à respectivement 100,03 % en AE et 100,2 % en CP .

Par rapport aux crédits de paiement ouverts in fine , une sous-consommation de 304 millions d'euros peut être constatée, correspondant à un taux de consommation s'élevant à 99,6 %.

Mouvements de crédits intervenus en gestion
pendant l'exercice 2017

(en CP, en millions d'euros)

Prog.

LFI 2017 (y.c FDC et ADP)

LFI 2017 (hors FDC et ADP)

Virement ou transfert

Décrets d'avance

Reports entrants

Fonds de concours et attributions de produits

LFR de fin de gestion

Ouvertures / annulations

Crédits ouverts

Exécution 2017

Écart consommé/ prévu

Écart consommé/ ouverts

140

21 525,8

21 525,7

6,9

50,5

0,7

0,3

0,0

58,4

21 584,1

21 573,8

48,0

- 10,4

141

32 463,1

32 440,9

- 19,3

90,3

3,8

24,5

0,0

99,3

32 540,2

32 436,3

- 26,7

- 103,9

230

4 999,9

4 996,9

0,0

192,4

12,3

0,7

0,0

205,4

5 202,3

5 167,6

167,7

- 34,7

139

7 439,1

7 434,7

10,0

37,8

0,9

1,4

0,0

50,1

7 484,8

7 477,2

38,1

- 7,6

214

2 352,6

2 195,8

85,3

- 30,5

60,3

112,2

- 8,1

219,1

2 415,0

2 277,6

- 75,0

- 137,3

143

1 417,7

1 417,7

0,1

- 11,5

0,3

0,0

0,0

- 11,2

1 406,5

1 396,4

- 21,3

- 10,1

Total

70 198,1

70 011,8

82,9

328,9

78,3

139,1

- 8,1

621,1

70 632,8

70 328,8

130,6

- 304,1

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Entre 2016 et 2017, les dépenses ont augmenté de 2,6 milliards d'euros en AE comme en CP . Si l'ensemble des programmes - à l'exception du programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » - sont concernés par cette augmentation, les programmes 140 « Enseignement scolaire du premier degré » et 141 « Enseignement scolaire du second degré » en représentent à eux seuls plus de 80 % .

Évolution des dépenses en autorisations d'engagement par titre

(en millions d'euros)

Prévision 2016

Exécution 2016

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Évolution 2017/2016

Évolution 2017/2016

Titre 2

61 965

62 500

535

100,86 %

64 893

65 170

277

100,43 %

2 670

4,27 %

Titre 3

799

718

- 81

89,87 %

787

811

24

103,00 %

93

12,97 %

Titre 5

53

87

35

166,14 %

24

- 55

- 79

- 227,32 %

- 142

- 162,58 %

Titre 6

4 335

4 408

73

101,69 %

4 554

4 356

- 198

95,66 %

- 52

- 1,18 %

Titre 7

0

2

1

1261,51 %

0

1

0

300,00 %

- 1

- 67,79 %

Total

67 151

67 715

563

100,84 %

70 258

70 283

24

100,03 %

2 568

3,79 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses en crédits de paiement par titre

(en millions d'euros)

Prévision 2016

Exécution 2016

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Évolution 2017/2016

Évolution 2017/2016

Titre 2

61 965

62 500

535

100,86 %

64 893

65 170

277

100,43 %

2 670

4,27 %

Titre 3

802

691

- 111

86,19 %

795

709

- 85

89,28 %

19

2,69 %

Titre 5

94

119

25

126,72 %

34

99

65

291,52 %

- 20

- 16,84 %

Titre 6

4 350

4 417

67

101,54 %

4 476

4 350

- 126

97,19 %

- 67

- 1,51 %

Titre 7

0

2

1

1261,51 %

0

0

0

182,35 %

- 1

- 80,42 %

Total

67 211

67 729

518

100,77 %

70 198

70 329

131

100,19 %

2 600

3,84 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'augmentation des dépenses constatée entre 2016 et 2017 est en outre principalement imputable à une augmentation des dépenses de personnel (titre 2), à hauteur de 2,7 milliards d'euros .

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La création de 9 795 postes en 2017 : la poursuite d'une politique du chiffre risquée

Sur un total de 11 802 postes supplémentaires inscrits en loi de finances pour 2017 sur le périmètre de la mission « Enseignement scolaire », seuls 9 795 ont effectivement créés en 2017, soit une sous-exécution du schéma d'emplois s'élevant à - 2 007 postes .

Schéma d'emplois 2017

(en ETP)

Programme

Catégorie d'emplois

Sorties

dont départs en retraite

Entrées

dont primo recrutements

Schéma d'emplois

Schéma d'emplois

Écart aux prévisions

Prévision

Réalisation

140

Enseignants du 1 er degré

10 865

7 601

13 621

4 311

2 756

- 1 555

Enseignants stagiaires

13 542

14 427

14 079

0

885

885

Personnels d'encadrement

145

142

145

0

0

0

Total

24 552

7 743

28 193

14 079

4 311

3 641

- 670

141

Enseignants du 1 er degré

327

327

274

0

0

- 53

- 53

Enseignants du 2 nd degré

10 133

6 776

13 988

0

4 400

3 855

- 545

Enseignants stagiaires

10 330

0

9 993

9 993

0

- 337

- 337

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

163

93

116

0

0

- 47

- 47

Personnels d'encadrement

705

684

736

0

0

31

31

Personnels administratif, technique et de service

1 388

1 234

1 470

0

150

82

- 68

Total

23 046

9 114

26 577

9 993

4 550

3 531

- 1 019

230

Enseignants stagiaires

403

356

356

0

- 47

- 47

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

782

502

2 326

839

1 801

1 544

- 257

Personnels administratif, technique et de service

35

28

28

- 7

- 7

Total

1 220

530

2 710

1 195

1 801

1 490

- 311

139

Enseignants du 1 er degré

1 473

1 089

1 669

0

500

196

- 304

Enseignants du 2 nd degré

3 138

2 053

3 643

0

500

505

5

Enseignants stagiaires

2 131

0

2 294

2 294

0

163

163

Total

6 742

3 142

7 606

2 294

1 000

864

- 136

214

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

29

29

29

0

0

Personnels d'encadrement

44

41

44

0

0

0

Personnels administratif, technique et de service

688

615

827

0

139

139

Total

761

685

900

0

139

139

143

A administratifs

42

14

21

1

0

- 21

- 21

A techniques

43

13

21

3

0

- 22

- 22

B et C administratifs

108

39

136

23

0

28

28

B et C techniques

15

2

7

0

- 8

- 8

Enseignants

648

202

801

77

140

153

13

Total

856

270

986

104

140

130

- 10

Mission

57 177

21 484

66 972

27 665

11 802

9 795

- 2 007

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'écart aux prévisions, particulièrement élevé dans le second degré public, traduit les difficultés de recrutement auxquelles doit faire face l'éducation nationale .

Ainsi que le relevait votre rapporteur spécial dans son rapport sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2018, les taux de rendements aux concours dans certaines disciplines apparaissent extrêmement faibles . Cela est notamment le cas en allemand (- 220 postes), anglais (- 343 postes), lettres classiques (- 145 postes), lettres modernes (- 151 postes) et mathématiques (- 374 postes).

Hors programme 143 « Enseignement technique agricole », c'est-à-dire sur le seul périmètre de l'éducation nationale, sur un objectif de 54 000 créations de postes fixé par la loi pour la refondation de l'école de la République du 8 juillet 2013 121 ( * ) , 46 291 ont effectivement été réalisées, selon la répartition figurant dans le tableau ci-après .

Bilan des créations de postes depuis 2012

(en ETP)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Total

Prévision

4 326

9 076

8 804

9 421

10 711

11 662

54 000

Exécution

4 068

5 159

8 720

9 606

9 073

9 665

46 291

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017 de la mission « Enseignement scolaire »

Ce chiffre inclut en outre la création de 1 325 postes d'assistants d'éducation, qui ne sont par ailleurs pas placés sous plafond d'emplois ministériel .

Par ailleurs, ces créations de postes correspondent à des postes budgétaires et non « physiques » . Or aucune donnée sur les postes effectivement pourvus ne figure dans les documents budgétaires. Il conviendrait qu'une telle information soit communiquée dans les rapports annuels de performance, de même que le statut des personnels, titulaires ou contractuels, effectivement recrutés pour occuper ces postes .

Cette politique du chiffre menée par le précédent Gouvernement était en outre risquée , dans la mesure où elle pouvait se traduire par une baisse du niveau d'exigence aux concours de recrutement . Les seuils d'admissibilité et d'admission retenus lors du précédent concours du Capes apparaissent ainsi très faibles - fixés par exemple à respectivement 6 sur 20 et 8,3 sur 20 en mathématiques et à 7 sur 20 et 7,67 sur 20 en lettres modernes .

2. Des mesures de revalorisation salariale dont le coût, hors pensions, s'est élevé à plus de 1,1 milliard d'euros

L'année 2017 a vu la mise en oeuvre de plusieurs mesures de revalorisation salariale.

Hors contribution au CAS « Pensions », le coût des mesures générales s'est ainsi élevé à 386 millions d'euros . Il résulte principalement de la hausse du point d'indice intervenue au 1 er février 2017 , pour un montant de 370,4 millions d'euros .

Différentes mesures catégorielles ont par ailleurs été mises en oeuvre, pour un montant hors CAS « Pensions » s'élevant à 758 millions d'euros . Il s'agit notamment de :

- la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), pour un coût s'élevant à 507,3 millions d'euros ;

- la revalorisation de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE) décidée en 2016 et dont le coût en 2017 s'est élevé à 225,5 millions d'euros (dont 192,6 millions d'euros dans le premier degré public et 32,9 millions d'euros dans le premier degré privé) ;

- la revalorisation de l'indemnité de sujétion pour les enseignants effectuant 6 heures en CP, 1 ère et terminale de la voie professionnelle et pour les enseignants d'EPS décidée en 2016 et dont le coût en 2017 s'est élevé à près de 4 millions d'euros ;

- la revalorisation du régime indemnitaire des personnels de l'enseignement spécialisé et adapté, dont le coût s'est élevé à 2,5 millions d'euros .

3. Des choix se traduisant mécaniquement par une hausse des dépenses de personnel difficilement soutenable

Entre 2012 et 2017, les dépenses de titre 2 ont crû de 7 milliards d'euros (+ 12,5 %) , passant de 58 milliards d'euros à 65 milliards d'euros, soit un taux de croissance annuel moyen s'élevant à près de 2,4 % .

Évolution des dépenses de personnel
entre 2012 et 2017

(en milliards d'euros)

Champ : y compris contribution au CAS « Pensions »

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Contribution au CAS « Pensions » incluse, en 2017, la masse salariale a crû de 2,7 milliards (+ 4,3 %) .

Hors contribution au CAS « Pensions », cette hausse s'élève à près de 2 milliards d'euros . Les différents facteurs d'évolution des dépenses de T2 sont rappelés dans le graphique ci-après.

Comme le rappelle la Cour des comptes dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017 de la mission « Enseignement scolaire », le total des dépassements pour la période 2014-2017 par rapport aux plafonds fixés par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 122 ( * ) s'est élevé à plus de trois milliards d'euros.

Une telle évolution apparaissant difficilement soutenable dans le temps, votre rapporteur spécial considère que le choix du nouveau Gouvernement de rompre avec cette logique inflationniste était indispensable.

Facteurs d'évolution des dépenses de personnel
hors contribution au CAS « Pensions »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

4. Le maintien des aides au titre du fonds de soutien au développement des activités périscolaires pour les communes volontaires : une mesure nécessaire

Axe fort de la loi pour la refondation de l'école de la République du 8 juillet 2013 précitée, mise en oeuvre par le décret du 24 janvier 2013 relatif à l'organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires 123 ( * ) , dit décret « Peillon », la réforme des rythmes scolaires vise à organiser la semaine scolaire sur neuf demi-journées afin de réduire le nombre d'heures d'enseignement quotidiennes .

Pour favoriser la mise en oeuvre de la réforme, un fonds a été instauré par l'article 67 de la loi du 8 juillet 2013 124 ( * ) .

Les concours apportés par ce fonds comportent deux volets :

- une aide forfaitaire d'un montant de 50 euros par élève versée à l'ensemble des communes ayant mis en oeuvre la réforme des rythmes scolaires ;

- une majoration forfaitaire de 40 euros par élève pour les communes des départements d'outre-mer et de Saint Pierre et Miquelon bénéficiant de la quote-part de la dotation d'aménagement, pour la collectivité de Saint Martin ainsi que pour les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) « cible » ou à la dotation de solidarité rurale (DSR) « cible » en 2012 ou en 2013.

Par ailleurs, afin de tenir compte des difficultés de mise en oeuvre rencontrées par les collectivités territoriales, divers assouplissements ont été prévus par le décret du 7 mai 2014 portant autorisation d'expérimentations relatives à l'organisation des rythmes scolaires dans les écoles maternelles et élémentaires 125 ( * ) , dit décret « Hamon », qui a notamment permis, à titre expérimental, pour une durée de trois ans, le regroupement de l'ensemble des temps d'activités périscolaires sur une demi-journée, et le décret du 1 er août 2016 autorisant des dérogations à l'organisation de la semaine scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires publiques 126 ( * ) , qui a pérennisé ces dérogations.

Le décret du 27 juin 2017 127 ( * ) a franchi une nouvelle étape en permettant au directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN), sur proposition conjointe d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale et d'un ou plusieurs conseils d'école, d' autoriser le retour à la semaine de quatre jours dès la rentrée 2017 .

Au total, à la rentrée 2017, 36,8 % des communes de France ayant au moins une école publique, soit 31,8 % des écoles, ont fait le choix de revenir à la semaine de quatre jours, ce qui correspond à un peu plus d'un quart des élèves de l'école primaire (28,7 %).

Votre rapporteur spécial estime que la liberté offerte par le décret du 27 juin 2017 précité devait s'accompagner du maintien des aides du fonds de soutien au développement des activités périscolaires pour les communes souhaitant rester à la semaine de 4,5 jours . Il se félicite par conséquent du choix du nouveau Gouvernement de pérenniser ce fonds .

Au total, les crédits exécutés au titre du fonds de soutien au développement des activités périscolaires, qui se sont élevés à 339,2 millions d'euros, sont par conséquent inférieurs aux prévisions (372,9 millions d'euros) ainsi qu'à l'exécution 2016 (350 millions d'euros) .

5. Le plan numérique à l'école : un schéma de financement via des crédits du deuxième programme d'investissement d'avenir (PIA 2) contestable

Lancé en 2015, le plan numérique à l'école vise à généraliser les usages du numérique à l'école, en se concentrant plus particulièrement sur le collège. Sa mise en oeuvre repose sur 4 piliers : la formation au numérique, le développement de ressources, l'équipement des différents acteurs et le développement des usages.

Seul le premier pilier (formation) fait l'objet de crédits budgétaires, les trois autres sont financés via l'action « Innovation numérique pour l'excellence éducative » du deuxième programme d'investissements d'avenir (PIA 2) , qui a été doté de 306,5 millions d'euros 128 ( * ) .

La loi de finances pour 2017 prévoyait un montant de 191 millions d'euros, dont 173,3 millions d'euros financés par voie de fonds de concours issus du PIA 2.

Dans sa note sur l'exécution budgétaire 2017 de la mission « Enseignement scolaire », la Cour des comptes relève ainsi qu' « en 2017, tous programmes confondus (139, 141, 214), un montant de 124 millions d'euros a été rattaché sur les trois fonds de concours concernés , s'ajoutant aux reports de crédits 2016 sur 2017. Au total, la ressource disponible s'est élevée à 146 millions d'euros en AE et 172 millions d'euros en CP. Sur ces ressources, 49 millions d'euros en AE et 54 millions d'euros en CP ont été consommés en 2017, donnant lieu à des reports sur 2018 de 97 millions d'euros en AE et 118 millions d'euros en CP ».

Ainsi qu'il l'indiquait dans son rapport sur les crédits 2017 de la mission « Enseignement scolaire », votre rapporteur spécial regrette que les crédits destinés au financement du plan numérique à l'école ne soient pas intégralement inscrits en loi de finances, afin de permettre un suivi des crédits et des dépenses, les informations présentées dans les documents budgétaires apparaissant incomplètes ou imprécises .

Cette analyse est partagée par la Cour des comptes, qui estime dans sa note précitée que « les spécificités de financement et de gestion des PIA [...] s'apparentent [...] à un processus de débudgétisation, qui permet de soustraire les crédits dédiés au financement des opérations du PIA au principe d'annualité et aux risques de régulation budgétaire ».

6. Le lancement de dispositifs dans le premier et le second degrés à la rentrée 2017 qui semblent aller dans le bon sens

À la faveur du changement de majorité, plusieurs mesures ont été lancées dès la rentrée 2017, dont votre rapporteur spécial a indiqué, dans son rapport sur les crédits 2018 de la mission « Enseignement scolaire », qu'il en partageait les principaux objectifs .

Ainsi, 2 500 classes de CP en réseaux d'éducation prioritaire renforcés ont été dédoublées , correspondant au déploiement de 2 500 postes environ. Selon le ministère de l'éducation nationale, dans 86 % des cas, les locaux ont permis un dédoublement des classes de CP. Dans 14 % des cas, ce dispositif s'est traduit par la présence de deux enseignants intervenant en petits groupes dans la même salle de classe.

L'année 2018 verra le déploiement de cette mesure aux classes de CP en REP et de CE1 en REP+ .

Dans le second degré, la rentrée 2017 a vu le déploiement du dispositif « devoirs faits », qui vise à offrir aux collégiens volontaires un accompagnement après la classe leur permettant de faire leurs devoirs dans l'établissement.

Le Gouvernement a également souhaité relancer les « stages de réussite », dont la création remonte à 2008, à compter de l'année scolaire 2017-2018. Gratuits, ces stages de remise à niveau s'adressent aux élèves volontaires de CM1 et de CM2 qui rencontrent des difficultés scolaires. D'une durée de 15 heures, à raison de trois heures par jours pendant cinq jours, ils sont encadrés par des enseignants volontaires et ont lieu pendant les vacances scolaires de printemps et d'été.

Ces stages ont été recentrés sur les élèves de CM2 afin de préparer l'entrée au collège. En 2017, 80 000 élèves de CM2 ont ainsi bénéficié de ce dispositif.

Malgré les demandes répétées de votre rapporteur spécial, le ministère de l'éducation nationale ne lui a pas communiqué le coût de ces différentes mesures pour 2017 .

7. La contribution des opérateurs à la maîtrise des dépenses publiques : un effort qu'il convient de poursuivre

Le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » est chef de file de cinq opérateurs :

- le Cereq - Centre d'études et de recherches sur les qualifications ;

- le Ciep - Centre international d'études pédagogiques ;

- le Cned - Centre national d'enseignement à distance ;

- l'Onisep - Office national d'information sur les enseignements et les professions ;

- le réseau Canopé.

En 2017, le montant des subventions pour charges de service public versé aux opérateurs s'est élevé à 156,4 millions d'euros, soit un écart à la prévision de près d'un million d'euros . Cet écart résulte de plusieurs éléments :

- un montant de crédits de 4,19 millions d'euros n'ayant pas été dégelé ;

- une contribution au financement de la rémunération et de la formation des apprentis supérieure de 0,23 million d'euros aux prévisions ;

- des versements au titre du financement de dispositifs spécifiques dont le montant a été supérieur de 3,04 millions d'euros aux prévisions.

Le plafond d'emplois des opérateurs affiche également une sous-consommation à hauteur de - 253 équivalents temps plein travaillés (ETPT), 3 147 ETPT ayant été consommés pour une prévision s'établissant à 3 400 ETPT.

Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017 de la mission « enseignement scolaire », la Cour des comptes rappelle que cet écart résulte « d'une part, des vacances de postes sur lesquels les établissements ne sont pas parvenus à recruter dans les délais prévus et, d'autre part, des gels d'emplois effectués pour maîtrise la masse salariale ».

Ainsi qu'il l'a indiqué à plusieurs reprises , votre rapporteur spécial estime indispensable que les opérateurs de la mission contribuent à l'effort de maîtrise des dépenses publiques via une gestion plus économe de leurs effectifs et de leur masse salariale .

MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES », MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS » ET CAS « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT » - MM. CLAUDE NOUGEIN ET THIERRY CARCENAC, RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. LA MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

Principale mission du pôle économique et financier de l'État , la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est composée de quatre programmes depuis l'année 2017, le programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » ayant été transféré en loi de finances pour 2017 vers le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

- Le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » et le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges » correspondent aux deux grandes directions à réseau du périmètre ministériel. Il s'agit de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Ces deux programmes représentent à eux seuls 88,5 % des crédits de paiements de la mission.

Les deux autres programmes correspondent à des politiques de coordination et de pilotage à dimension interministérielle :

- le programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » porte les crédits de divers services à vocation transversale, voire interministérielle : les cabinets des ministres et des secrétaires d'État, la direction du budget (DB), la direction générale de l'administration et la fonction publique (DGAFP), la direction des achats de l'État (DAE), l'inspection générale des finances (IGF), la cellule anti-blanchiment Tracfin, l'agence du patrimoine immatériel de l'État (APIE), la direction des achats de l'État (DAE), l'autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), l'agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE), ou encore le centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines (CISIRH). Sont également inscrits sur cette action, depuis 2017, les effectifs et les crédits de l'agence française anti-corruption 129 ( * ) (AFA) ;

- le programme 148 « Fonction publique » finance diverses mesures relatives à la fonction publique, liées notamment aux actions de formation et à l'action sociale interministérielle, ainsi que l'École nationale d'administration (ENA) et les institutions régionaux d'administration (IRA). Il porte également depuis 2016 les crédits dédiés à l'apprentissage dans la fonction publique.

Exécution par programme des crédits de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

(en millions d'euros)

Programme

Exécution 2016

LFI
2017

Exécution 2017

Exé. 2017/
Exé 2016

Exé. 2017/ LFI 2017

[156] Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

AE

8 038,1

8 272,8

8 048,8

0,1%

-2,7%

CP

7 996

8 113,4

8 056,9

0,8%

-0,7%

[302] Facilitation et sécurisation des échanges

AE

1 603,1

1 548,1

1 510,6

-5,8%

-2,4%

CP

1 545,7

1 534,1

1 515,4

-2,0%

-1,2%

[218] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

AE

1 097,1

1 005,4

1 185,4

8,0%

17,90%

CP

987,8

1 009,8

1 176,8

19,1%

16,54%

[148] Fonction publique

AE

190,4

243

168,8

-11%

-30,5%

CP

190,7

243

194

2%

-20,2%

TOTAL MISSION

AE

10 928,7

11 069,2

10 913,6

-0,1%

-1,4%

CP

10 720,2

10 900,3

10 943,1

2%

0,4%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Exécution par titre des crédits de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

(en millions d'euros)

Titre

Exécution 2016

LFI
2017

Exécution 2017

Exé. 2017/
Exé 2016

Exé. 2017/ LFI 2017

Titre 2 -
Personnel

AE

8 577,3

8 758,9

8 669,6

1,1%

-1,0%

CP

8 577,3

8 758,9

8 669,6

1,1%

-1,0%

Titre 3 - Fonctionnement

AE

2 017,5

2 015,8

1 854,4

-11,5%

-8,0%

CP

1 825,9

1 861,8

1 860,3

-2,3%

-0,1%

Titre 5 - Investissement

AE

128,7

157,6

286,8

63,2%

82,0%

CP

112,1

142,6

306

89,9%

114,6%

Titre 6 - Intervention

AE

204,7

136,7

102,4

-50,0%

-25,1%

CP

204,6

136,7

106,9

-47,8%

-21,8%

Titre 7 -
Op. financières

AE

0,356

0,299

0,361

1,4%

20,7%

CP

0,356

0,299

0,362

1,7%

21,1%

TOTAL MISSION

AE

10 928,7

11 069,2

10 913,6

-0,1%

-1,4%

CP

10 720,2

10 900,3

10 943,1

2%

0,4%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Mouvements de crédits intervenus en gestion
au cours de l'exercice 2017

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires). FDC : fonds de concours. ADP

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une exécution en légère hausse après plusieurs années de baisse, qui ne soulève pas pour autant d'inquiétudes

À périmètre constant, les crédits de la mission sont en hausse de 2 % par rapport à l'exécution 2017, et de 0,4 % par rapport à la prévision initiale. Cette exécution en hausse fait suite à une contribution constante apportée à l'effort de maîtrise de la dépense publique par la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Toutefois, cette hausse ne suscite pas en elle-même d'inquiétudes particulières de vos rapporteurs spéciaux, dans la mesure où elle est essentiellement imputable à des dépenses de personnel résultant de mesures applicables à l'ensemble de la fonction publique et de créations de postes ponctuelles au sein de la direction générale des douanes et droits indirects.

Part des crédits de titre 2 dans la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. Des dépenses de personnel maîtrisées et bien pilotées, dont la hausse tient à des facteurs surtout conjoncturels

La hausse des dépenses de personnel s'explique par deux catégories de mesures :

- d'une part, des mesures applicables à l'ensemble de la fonction publique , tenant principalement à la mise en oeuvre de la seconde tranche du protocole relatif aux parcours professionnels, aux carrières et aux rémunérations et à l'avenir de la fonction publique (PPCR). Son montant a été de 46,8 millions d'euros en 2017, contre 7,9 millions d'euros en 2016. En outre, la revalorisation du point d'indice de 0.6 % en 2017 présente un coût estimé de 42,5 millions d'euros ;

- d'autre part, la création nette de 250 ETP en 2017 sur le programme 302, après 285 ETP en 2016, dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme (PLAT) annoncé après les attentats du 13 novembre 2015, qui se traduit pour la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), compte tenu du schéma d'emplois initial, par un schéma d'emplois positif de + 250 ETP en exécution . Cette création nette de 535 ETP sur deux ans équivaut à la création brute de 1 000 postes de douaniers supplémentaires, venant en correction du schéma d'emplois initial prévu par le triennal. Si une création nette de 200 ETP a également été prévue par la loi de finances initiale pour 2018 dans le contexte du Brexit , il n'est pas prévu que de telles hausses se prolongent pendant plusieurs années supplémentaires .

Cela ne remet nullement en cause le pilotage des dépenses personnel, puisque les schémas d'emplois ont été rigoureusement tenus - voire même sous-exécutés de 50 ETP, dans le cas du programme 218, du fait de la réduction du nombre de ministres et de secrétaires d'État relevant du programme, de la réduction du nombre de conseillers ministériels prévu par le décret n° 2017-1063 du 18 mai 2017, ainsi que de la montée en charge moins rapide que prévue de l'agence française anticorruption . Par conséquent, la réduction du nombre d'emplois a été de 1 448 ETP, contre 1 398 ETP prévus en LFI.

Schéma d'emplois de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

(en ETP)

Prévision
LFI 2017

Sorties

dont départs
en retraite

Entrées

Exécution
2017

Écart exé/LFI

P.156 - Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local

-1 630

6 103

4 008

4 473

-1 630

0

P.302 - Facilitation et sécurisation des échanges

250

705

499

955

250

0

P.218 - Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

-18

876

180

808

-68

-50

Total pour la mission

-1 398

7 684

4687

6 236

-1 448

-50

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les plafonds d'emplois ont quant à eux été systématiquement sous-exécutés : alors que 126 699 ETPT étaient prévus en loi de finances initiale pour 2017, seuls 125 367 ETPT (soit 2 694 de moins) ont été exécutés. Cette marge importante ne reflète pas seulement le respect des schémas d'emplois, mais aussi, comme les années précédentes, une programmation assez peu contraignante de ceux-ci en comparaison de la programmation des crédits . Ils pourraient donc être adaptés en conséquence.

Plafonds d'emplois de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

(en ETPT)

Exécution
2016

LFI+LFR
2017

Transferts en gestion

Exécution 2017

Écart exécution/prévision

P.156 - Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local

150 121

105 690

7

103 473

- 2 224

P.302 - Facilitation et sécurisation des échanges

16 258

16 759

3

16 641

-121

P.218 - Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

5 320

5 574

28

5 253

-349

Total pour la mission

126 699

128 023

38

125 367

-2 694

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Une réserve doit toutefois être faite au sujet de l'évaluation du nombre de départs à la retraite : ceux-ci ont été plus nombreux que prévu (la mission a enregistré 4 687 départs en retraite, pour une prévision de 4 358). Cet écart important à la prévision est le fait de la DGFiP, qui enregistre à elle seule un écart de 358 ETP. L'administration fiscale a tiré parti de cette situation pour procéder au recrutement d'agents de catégorie C , exactement dans la mesure permise par le schéma d'emplois.

Or l'autorisation votée en loi de finances initiale n'implique pas qu'il faille nécessairement atteindre le schéma d'emplois , mais seulement ne pas le dépasser. La DGFiP aurait ainsi pu utiliser les fonds libérés pour réaliser des investissements structurels , notamment en matière de modernisation des systèmes informatiques ou de formation de ses agents. Pour mémoire, une étude portant sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences réalisées par le service SPIB (stratégie pilotage budget) de la DGFiP indique que les besoins en emplois de catégorie C devraient se réduire dans les années à venir, en raison de l'automatisation et de la numérisation de certaines tâches.

3. Une réduction des dépenses de fonctionnement qui ne porte pas suffisamment sur les composantes les plus structurelles

En 2017, les dépenses de fonctionnement affichent une diminution de 8 % en exécution par rapport à l'exécution 2016 . L'enjeu global est important, puisque les crédits de titre 3 représentent 82 % des crédits de la mission hors crédits de personnel.

Toutefois, comme en 2016, cette diminution tient surtout à la sous-exécution des crédits consacrés à l'action sociale interministérielle (restauration, vacances, garde d'enfants, logement, associations socio-culturelles etc.) sur le titre du programme 218 et sur le programme 148 . Le pilotage de ces dépenses est en réalité malaisé, dans la mesure où celles-ci sont pour la majorité gérées au niveau déconcentré et confiées à des associations .

Les dépenses de fonctionnement des deux grandes directions à réseau que sont la DGFiP et la DGDDI sont quant à elles plus rigides - quoiqu'en diminution s'agissant de la DGFiP, mais en hausse pour la DGDDI, dans le contexte du renforcement de ses moyens opérationnels prévu par le plan de lutte anti-terroriste. Des marges de manoeuvre supplémentaires pourraient être dégagées, notamment grâce aux progrès de la dématérialisation , même si des efforts sont à signaler par exemple en matière de dépenses immobilières.

Les efforts réalisés sur le fonctionnement courant, s'ils sont réels, notamment en matière de dépenses immobilières et de frais d'affranchissement, apparaissent encore insuffisants , notamment au regard des perspectives ouvertes, pour l'ensemble de la mission, par la dématérialisation et la révolution numérique.

4. La réduction continue des dépenses d'intervention du fait de la refonte des aides versées aux buralistes

Les dépenses d'intervention représentent un enjeu de moins en moins important au regard de l'ensemble de la mission : la baisse tendancielle constatée depuis plusieurs années se trouve confirmée par la diminution de 50 % des AE et de 48 % des CP entre l'exécution 2016 et l'exécution 2017. Elles sont de surcroît inférieures de 22 % à la prévision fixée en loi de finances initiale.

Évolution des dépenses d'intervention de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Cela tient en grande partie à la diminution de 99,7 millions d'euros en CP des aides aux débitants de tabac, portées par le programme 302, et en particulier par la diminution de 46 millions d'euros des aides versées aux buralistes suite à la signature du quatrième contrat d'avenir pour la profession . À ce sujet, vos rapporteurs spéciaux rappellent une fois de plus que ces aides n'ont que peu de rapport avec les missions de la DGDDI , et qu'elles auraient vocation à être rattachées à la mission « Économie ».

5. Des dépenses d'investissement en hausse, bien davantage en raison de nouvelles décisions liées aux opérations immobilières de l'Insee que de développements informatiques

Même si leurs poids total dans les crédits de la mission (2,8 % en CP) n'est pas significatif, les dépenses d'investissement affichent un écart très important par rapport à la prévision (+ 114,6 %) et par rapport à l'exécution 2016 (+ 89,9 %) .

Cette situation était attendue : elle tient en effet au choix de financer l'achat - et non plus la location - de l'immeuble White à Montrouge pour héberger les services de l'Insee .

Dans le rapport de motivation du décret d'avance de juillet 2017, qui a procédé à l'ouverture de 164,8 millions d'euros en AE et en CP sur le programme 218, le Gouvernement explique que « L'État s'est d'ores-et-déjà juridiquement engagé à occuper ce nouvel immeuble, par la signature en juillet 2016 d'un bail avec option d'achat, l'option devant être levée avant le 30 septembre 2017. La loi de finances initiale pour 2017 ne prévoyait pas de crédits pour concrétiser cet achat, qui présente une option financièrement plus avantageuse pour l'État que la location, compte tenu du caractère pérenne de l'implantation de ces services dans ce bâtiment . L'option d'un crédit-bail immobilier, envisagée par le précédent gouvernement, a été écartée au motif du surcoût financier pour l'État, évalué à près de 20 millions d'euros d'intérêts cumulés. Compte tenu des conditions de levée de l'option d'achat, il est nécessaire pour l'État de signer l'acte de vente avant le 30 septembre 2017. En effet, au-delà de cette échéance et jusqu'au 31 décembre 2017, un paiement différé aura pour conséquence le versement de pénalités de retard et le paiement de loyers financiers au bailleur dès le milieu du mois d'octobre. Les franchises de loyer négociées au moment du bail expirent en effet au 30 septembre ».

Ces explications posent question quant à la sincérité des crédits soumis au vote du Parlement en loi de finances initiale sous la majorité précédente . Ainsi :

- soit les gestionnaires ont, en l'espace de quelques mois, changé d'avis quant à la pertinence de la location par rapport à l'achat , ce qui, compte tenu de l'importance de l'opération et des conséquences de long terme qu'elle emporte, est problématique ;

- soit l'arbitrage en faveur de l'achat était déjà envisagé - si ce n'est tranché - à l'époque , ce que suggère la présence de l'option d'achat dans le contrat initial, mais le choix a été fait de ne pas débloquer les crédits correspondants sur l'exercice 2016, puis de ne pas les prévoir en loi de finances initiale pour 2017, afin de ne pas dégrader à ce moment-là le solde du budget général .

Ce pilotage approximatif est d'autant plus regrettable que l'Insee a déjà rencontré d'importantes difficultés dans le cadre du déménagement d'une partie de ses services à Metz . À ce titre, il convient de souligner que la quasi-totalité des crédits de l'Insee, dont l'opération de Metz, relèvent du programme 220 « Statistiques et études économiques » de la mission « Économie » . À cet égard, l'imputation sur l'action 05 « Prestations d'appui et de support » du programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » ne semble pas justifiée, et vos rapporteurs spéciaux recommandent donc de rassembler l'ensemble des crédits de l'Insee au sein de la mission « Économie » .

S'agissant des dépenses informatiques , qui représentent une part importante des dépenses d'investissement de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », le pilotage souvent défaillant des grands projets menés par les ministères économiques et financiers appelle à une grande vigilance dans le cadre de la mise en oeuvre du prélèvement à la source .

Dans la mesure où cette réforme a été décalée du 1 er janvier 2018 au 1 er janvier 2019, il est toutefois trop tôt pour juger de la bonne exécution des dépenses prévues dans ce cadre . Pour mémoire, sur un coût total évalué à quelque 159,7 millions d'euros sur près de quatre ans, les dépenses exécutées en 2017 se sont élevées à près de 21 millions d'euros en CP . La réforme implique la mise à jour de plus de 40 applications de la DGFiP.

D'une manière générale, l'objectif des gestionnaires de la mission ne doit pas être la réduction des dépenses d'investissement, indispensables à la modernisation structurelle de l'administration, mais plutôt leur pilotage rigoureux et sincère , s'agissant en particulier des projets informatiques.

6. Les indicateurs de performance : une amélioration en cours, quoique toujours insuffisante

Si le nombre d'indicateurs et objectifs de performance a largement diminué entre 2011 et 2017, passant respectivement de 53 à 30 et 32 à 13 , les outils de mesure de la performance de la mission peuvent encore être améliorés.

Ainsi par exemple de l'indicateur 1.1 du programme 156, par ailleurs retenu comme l'un des deux indicateurs les plus représentatifs de la mission. Celui-ci qui mesure le taux de déclaration et de recouvrement spontanés, c'est-à-dire le civisme fiscal, est très stable depuis plusieurs années . En 2017, le taux de recouvrement spontané est une fois de plus supérieur à 98 % pour les particuliers comme pour les professionnels.

À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, vos rapporteurs spéciaux Thierry Carcenac et Michel Bouvard avaient suggéré de remplacer cet indicateur de la mission par l'indicateur 1.2 du programme 156 , bien plus significatif des défis que doit relever l'administration fiscale. Celui-ci mesure en effet non pas le recouvrement spontané, mais le recouvrement effectif des créances fiscales à N+2, qui reste bien moins élevé, quoiqu'en progression notable cette année : 70 % en 2017 , pour une cible de 60 %. Cela tient non seulement aux faillites et procédures contentieuses, mais aussi aux difficultés à recouvrer les sommes redressées dès lors que le contribuable - du particulier à l'entreprise multinationale - est établi à l'étranger , et que l'assistance administrative internationale, avec ses lenteurs et ses dysfonctionnements, doit être activée.

Sur le même sujet du contrôle et de la collecte de l'impôt, la Cour des comptes recommande, dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire, d' unifier les indicateurs de performance de la DGFiP et de la DGDDI afin de rendre compte de l'activité fiscale commune à ces deux administrations . Vos rapporteurs spéciaux notent que cette recommandation est satisfaite depuis le projet de loi de finances pour 2018 , qui prévoit, au niveau de la mission, un nouvel indicateur synthétique MGA.1.1 « Coût de collecte des recettes douanières et fiscales » , associé au nouvel objectif « Améliorer l'efficience des réseaux du recouvrement fiscal ».

II. LA MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

1. Une sous-consommation récurrente des crédits, donnant lieu cette année à l'apparition d'un solde

La loi de finances pour 2017 prévoyait l'inscription de crédits pour le seul le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles », à hauteur de 324 millions d'euros en AE et 24 millions d'euros en CP.

Trois mouvements d'exécution ont eu lieu dans l'année : deux décrets pour dépenses accidentelles et imprévisibles ont été pris et le décret d'avance de novembre 2017 130 ( * ) a opéré une annulation partielle des crédits non consommés, afin de conserver une provision pour le mois de décembre. Aussi subsiste-t-il un solde de crédits ni consommés ni annulés pour cette année 2017, mais ce solde est sans incidence sur le solde global des comptes de l'État.

Mouvements de crédits intervenus en gestion
pendant l'exercice 2017

(en millions d'euros)

Programme

Crédits ouverts en LFI 2017

Crédits ouverts ou annulés par décret d'avance

Crédits répartis en exécution

Solde

551 - Provision relative aux rémunérations publiques

AE

0

0

0

0

CP

0

0

0

0

552 - Dépenses accidentelles et imprévisibles

AE

324

- 112,6

17,2

194,2

CP

24

0

17,2

6,8

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données transmises par le ministère du budget et la note d'analyse sur l'exécution budgétaire de la Cour des comptes)

2. Une répartition incomplète des crédits du programme 552

Deux mouvements réglementaires sont intervenus en 2017, procédant à la répartition de 71 % des crédits ouverts sur le programme 552.

Mouvements réglementaires de répartition des crédits
en 2017

(en millions d'euros)

Annulation /

Ouverture de crédits

(AE et CP)

Programme 552 - « Dépenses accidentelles et imprévisibles »

Programme 129 - « Coordination du travail intergouvernemental »

Décret du 9 février 2017

- 10,7

+ 10,7

Décret du 13 novembre 2017

- 6,5

+ 6,5

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données transmises par le ministère du budget et la note d'analyse sur l'exécution budgétaire de la Cour des comptes)

En 2017, deux décrets pour dépenses accidentelles et imprévisibles ont réparti les crédits en provenance du programme 552 au bénéfice de la sous-action « Fonds spéciaux » du programme 129 - « Coordination du travail intergouvernemental », à hauteur de 17,2 millions d'euros. Ces deux décrets n'ont pas été publiés. Cette absence de publication demeure contraire à la lettre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 131 ( * ) , bien qu'elle puisse se comprendre au regard de la sensibilité et la confidentialité des opérations dont le financement est rendu possible par ces décrets . Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent néanmoins sur ce recours systématique à la provision pour dépenses accidentelles et imprévisible pour abonder les fonds spéciaux, alors que les techniques budgétaires de droit commun peuvent être utilisées pour faire face aux aléas de gestion.

Cependant, l'augmentation des crédits non répartis pour 2018 , destinée à compenser en partie l'abaissement du taux de mise en réserve, laisse penser qu' un plus grand nombre de décrets pour dépenses accidentelles et imprévisibles soit pris au cours de cette année, sans pour autant qu'ils concernent des opérations financées par les fonds spéciaux. Cette absence de publication serait donc d'autant plus préjudiciable à la bonne information du Parlement.

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Des autorisations d'engagement une nouvelle fois sous-consommées, conséquence de leur surévaluation initiale

Depuis 2012, le montant des AE du programme 552 est systématiquement fixé à 300 millions d'euros en sus du montant des CP du même programme . S'ils peuvent comprendre que ce montant laisse une marge confortable au Gouvernement pour la réalisation de prise à bail potentiellement onéreuse, vos rapporteurs spéciaux demeurent circonspects sur le maintien de ce montant d'année en année , dans la mesure où sa consommation « n'a jamais dépassé 150 millions d'euros, soit la moitié du montant ouvert chaque année » 132 ( * ) .

Évolution de la consommation des AE

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données transmises par le ministère du budget et la note d'analyse sur l'exécution budgétaire de la Cour des comptes)

Cette année encore, moins de la moitié des AE a été exécutée, et si l'on ne tient pas compte de l' annulation par décret d'avance de plus du tiers des AE ouvertes, seules 5 % des AE prévues en LFI ont été consommées . Lors de l'examen du projet de décret d'avance de novembre 2017, la commission des finances observait par ailleurs « que plus de 10 % des annulations en autorisations d'engagement portaient sur le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » de la mission « Crédits non répartis », ces annulations étant rendues possibles par une sous-consommation marquée de la provision spécifique du programme pour les éventuelles prises à bail des administrations centrales et déconcentrées, confirmant le caractère surévalué de la dotation du programme en autorisations d'engagement. » 133 ( * )

Malgré la baisse du taux de mise en réserve pour l'année 2018, partiellement compensée par une hausse des crédits du programme 552 , vos rapporteurs spéciaux considèrent que ces crédits destinés aux opérations de prise à bail pourraient être répartis ab initio dans les missions budgétaires ou, le cas échéant, sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », dans un souci de sincérisation et de meilleure planification des opérations immobilières de l'État.

2. Une consommation des crédits réalisée au bénéfice des fonds spéciaux

Les crédits du programme 552 ont une nouvelle fois contribué à un abondement de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », au titre de la sous-action « fonds spéciaux ». La fréquence de ces abondements en cours de gestion est liée à la difficulté inhérente aux fonds spéciaux de leur prévoir une dotation suffisante. Comme vos rapporteurs spéciaux l'avaient déjà souligné, l'augmentation de près de 20 millions d'euros des fonds spéciaux prévue par la loi de finances pour 2017 laissait espérer une meilleure budgétisation de cette sous-action et partant un moindre recours à la provision pour dépenses accidentelles et imprévisibles en exécution . 134 ( * )

Or, la répartition réalisée cette année à partir de cette provision, d'un montant de 17,2 millions d'euros , est presque équivalente à cette augmentation des crédits initiaux des fonds spéciaux , portant le montant de leur exécution en 2017 à 97 millions d'euros , et confirmant ainsi la difficulté d'inscrire une dotation initiale adéquate pour cette sous-action.

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE EN 2017

1. Le premier exercice budgétaire depuis la réforme de 2016

Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » est le principal instrument de la politique immobilière de l'État. Il vise à financer la modernisation du parc immobilier par le produit des cessions d'actifs, tout en contribuant, pour les ventes des biens situés à l'étranger, au désendettement de l'État .

Il s'agit du premier exercice depuis la réforme initiée en janvier 2016 135 ( * ) ayant procédé à la transformation de l'ancien service France domaine en direction de l'immobilier de l'État, à la rénovation de la gouvernance de la politique immobilière de l'État et à une modification des vecteurs budgétaires.

S'agissant des vecteurs budgétaires, la loi du 30 décembre 2016 de finances pour 2017 a ainsi été l'occasion de quatre changements :

- les dépenses relevant de l'ancien programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » ont été intégrées au CAS, qui peut désormais financer les dépenses d'entretien à la charge du propriétaire ;

- en regard, les recettes du CAS ont été étendues aux redevances d'occupation du domaine de l'État 136 ( * ) et la contribution obligatoire au désendettement de l'État, appliquée à chaque cession immobilière, a été supprimée - seule la contribution pour les biens situés à l'étranger a été maintenue, conformément aux dispositions de la loi de finances pour 2015 137 ( * ) ;

- le périmètre des opérations susceptibles d'être financées par le CAS a été élargi aux dépenses d'investissement ou d'entretien du propriétaire réalisées par l'État sur les infrastructures opérationnelles de la défense nationale ;

- deux programmes ont été créés pour exécuter les dépenses, distinguant selon que les opérations se rapportent à des administrations centrales ou déconcentrées.

Les recettes du CAS sont constituées par le produit des cessions d'actifs immobiliers de l'État et les produits des redevances domaniales , ainsi que, de manière accessoire, par des fonds de concours et des virements du budget général.

En 2017, les dépenses du CAS se sont réparties en trois programmes :

- le programme 721 , qui retrace la contribution des cessions immobilières à l'étranger au désendettement de l'État ;

- le programme 723 , qui retrace les dépenses d'investissement et de fonctionnement pour les opérations immobilières nationales et celles des administrations centrales ;

- le programme 724 , qui retrace les dépenses d'investissement et de fonctionnement des opérations immobilières déconcentrées.

2. Un exercice déficitaire en 2017 : une première depuis 2014

Alors qu'il était initialement prévu un CAS à l'équilibre, l'exécution enregistre un déficit du CAS s'élevant à près de 84 millions d'euros , soit plus de 14 % des crédits de paiements prévus.

Il s'agit du premier exercice déficitaire depuis 2014 .

Le déficit enregistré est le deuxième le plus important depuis la création du compte en 2006 .

Équilibre du compte en 2017

(en millions d'euros)

Programme

Recettes

Dépenses en CP

Solde

P. 721 Contribution des cessions immobilières à l'étranger au désendettement de l'État

Prévision LFI

60,0

Exécution

60,1

P. 723 Opérations immobilières nationales et des administrations centrales

Prévision LFI

374,8

Exécution

354,7

P. 724 Opérations immobilières déconcentrées

Prévision LFI

150,2

Exécution

102,8

TOTAL

Prévision LFI

585,0

585,0

0

Exécution

433,8

517,7

-83,9

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ce résultat s'explique par des recettes nettement moins importantes que prévues et par une consommation des crédits immobiliers supérieure aux exercices précédents.

Les recettes tirées des cessions immobilières sont inférieures de 32,1 % aux prévisions de la loi de finances initiale et diminuent de près de 40 % par rapport à 2016 .

Les recettes domaniales affectées au CAS pour la première année constituent 20 % de ses recettes et le quart des recettes tirées des cessions en 2017.

Recettes du CAS en 2017

(en millions d'euros)

Exécution 2016

LFI 2017

Exécution 2017

Exécution 2017 / LFI 2017

Exécution 2017 /

Exécution 2016

Cessions immobilières

559,5

500,0

339,6

- 32,1 %

- 39,3 %

Redevances domaniales et loyers

-

85,0

86,3

+ 1,5 %

-

Versements du budget général

6,7

0,0

3,9

-

- 41,8 %

Fonds de concours

7,5

0,0

4,0

-

- 46,6 %

TOTAL

573,7

585,0

433,8

- 25,8 %

- 24,4 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La consommation des crédits est très hétérogène selon les programmes. Seul le programme 724 se caractérise par une sous-consommation particulièrement forte , avec un taux d'exécution de 56,3 % en AE et de 67,4 % en CP (cf. tableau infra ).

Exécution des crédits du compte par programme en 2017

(en millions d'euros)

Programme

Crédits LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Exécution 2017 /
LFI 2017

P. 721 Contribution des cessions immobilières à l'étranger au désendettement de l'État

AE

60,0

60,1

100,2 %

CP

60,0

60,1

100,2 %

P. 723 Opérations immobilières nationales et des administrations centrales

AE

375,5

472,8

125,9 %

CP

374,8

354,7

94,6 %

P. 724 Opérations immobilières déconcentrées

AE

158,1

90,6

57,3 %

CP

150,2

102,8

68,4 %

TOTAL

AE

593,6

623,5

105,0 %

CP

585,0

517,7

88,5 %

NB : compte tenu de la modification de la maquette budgétaire entre 2016 et 2017, la comparaison de l'exécution entre les deux exercices n'est pas pertinente.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. La réforme de 2016 s'est traduite par une meilleure exécution, quoique hétérogène, des dépenses, mais sa mise en oeuvre doit se poursuivre

Contrairement à la dynamique constatée lors des précédents exercices, la consommation des crédits immobiliers 138 ( * ) est repartie à la hausse en 2017 .

En comparant l'exécution de l'ex-programme 309 et du programme 723 en 2016 et celle des programmes 723 et 724 en 2017, il ressort que la consommation des crédits a progressé de 53,2 % pour les AE et de 3 % pour les CP. Cette évolution est d'autant plus notable qu'entre 2013 et 2016, la consommation de ces crédits avait diminué de 43,6 % pour les AE et de 33,1 % pour les CP.

L'exécution est toutefois hétérogène entre les deux nouveaux programmes destinés aux opérations immobilières.

Ce constat traduit la mise en oeuvre progressive de la réforme initiée en 2016.

En effet, la consommation des crédits du programme 723 a été fortement soutenue par le ministère des armées , qui a engagé un nombre élevé d'opérations de gros entretien de son parc domanial, jusqu'alors supportées par le budget général. Cette évolution s'explique par l'élargissement des dépenses imputables sur le CAS, à la fois l'intégration de l'ex-programme 309 et la possibilité de financer les dépenses d'investissement ou d'entretien du propriétaire sur les infrastructures opérationnelles de la défense nationale.

Il s'agit sans nul doute d'un élément positif , compte tenu des difficultés régulièrement signalées par le ministère des armées pour imputer les dépenses sur le CAS 139 ( * ) , conduisant à des imputations budgétaires irrégulières dénoncées par la Cour des comptes 140 ( * ) .

En regard, les crédits du programme 724 « Opérations immobilières déconcentrées » n'ont guère été utilisés par les gestionnaires.

Cette sous-consommation, avec un taux d'exécution de 57,3 % en AE, résulte essentiellement de la mise en oeuvre des schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR) par les préfets de région. À l'appui d'un recensement transversal de l'ensemble du parc immobilier de l'État et de ses opérateurs sur le territoire régional, cette démarche vise à l'élaboration d'une stratégie d'intervention en déterminant les regroupements envisageables et les entretiens prioritaires. Alors que l'élaboration des SDIR se poursuivait, de nombreuses opérations structurantes ont été reportées, limitant de facto la consommation des crédits.

Plus largement, la segmentation des crédits immobiliers du CAS en deux programmes a pu se révéler complexe à mettre en oeuvre. C'est pourquoi la loi de finances pour 2018 a recentré l'architecture budgétaire du CAS , avec un unique programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État ».

Par ailleurs, ainsi que l'ont déjà relevé vos rapporteurs spéciaux 141 ( * ) , toutes les conséquences de la réforme n'ont pas encore été tirées. La maquette de performance se révèle à cet égard obsolète , puisqu'elle ne prend pas en compte l'extension des dépenses pouvant être supportées par le CAS.

Les deux recommandations formulées par la Cour des comptes au titre de l'analyse de l'exécution 2017 portent ainsi sur la définition d'indicateurs de performance renouvelés 142 ( * ) .

2. Le CAS, un outil budgétaire contraignant pour la politique immobilière de l'État

En faisant reposer les dépenses immobilières sur le produit tiré des cessions du parc, le CAS se révèle particulièrement complexe à piloter , comme le précise le graphique ci-après.

Évolution du solde entre la prévision et l'exécution

(en millions d'euros)

Source : rapports annuels de performances successifs

Le CAS est en effet très dépendant des cessions réalisées , liées à la conjoncture du marché immobilier, et de leur encaissement effectif. Pour les gestionnaires, il en résulte un manque de prévisibilité sur la disponibilité des crédits dont ils disposent et une difficile imputation des dépenses sur le CAS.

De plus, depuis 2015 , la gestion du CAS s'inscrit dans le cadre d'un pilotage renforcé de la dépense et du solde . Une concertation resserrée entre la direction de l'immobilier de l'État (DIE) d'une part et les ministères et préfectures de région d'autre part a été prévue afin de concentrer l'utilisation des crédits sur les opérations immobilières les plus urgentes.

Quoique motivée par l'objectif de maîtrise des finances publiques, cette démarche pourrait toutefois se révéler dangereuse à moyen terme. En renonçant à procéder à un entretien régulier du parc, ce sont des dépenses lourdes de rénovation qui pourraient ensuite être nécessaires.

3. La politique immobilière de l'État : un nouveau modèle économique à définir

Plus largement, le déficit enregistré en 2017 reflète l'essoufflement progressif du produit des cessions immobilières , régulièrement souligné par vos rapporteurs spéciaux. Ce produit a ainsi diminué de 40 % par rapport à 2016, tandis que le nombre de cessions a reculé de près de 25 %.

De fait, après une première phase de rationalisation des implantations immobilières de l'État, les cessions les plus faciles ont d'ores et déjà été, pour la plupart, réalisées. Un stock de biens difficilement cessible se crée progressivement. Ainsi que le note la Cour des comptes, « l'allongement relatif de la durée moyenne des ventes au cours des derniers exercices témoigne moins d'un essoufflement de la démarche d'optimisation du parc immobilier de l'État que de la difficulté croissante à laquelle se heurte la DIE pour maintenir un rythme suffisant de cessions au regard des besoins de financement du CAS » 143 ( * ) .

Aussi, toujours selon la Cour des comptes, « si la soutenabilité budgétaire du CAS est assurée, à long terme, la pérennité de son modèle économique paraît fragile ».

Dans cette perspective, la commission des finances a formulé plusieurs propositions en mai 2017 144 ( * ) , pour lequel vos rapporteurs spéciaux conduisent actuellement un travail de suivi.

Le changement de doctrine de gestion du CAS mis en oeuvre en 2017, consacrant le principe du financement de travaux d'entretien lourd, essentiellement récurrents, par des cessions de biens immobiliers ponctuelles, doit conduire à une évolution du modèle économique du CAS .

La part prise par les revenus tirés du domaine dans les recettes du CAS dès leur première année d'affectation constitue une piste intéressante, quoique insuffisante au regard des besoins. En tout état de cause, elle correspond à la stratégie de valorisation qui doit désormais guider la politique immobilière de l'État .

MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION » - M. SÉBASTIEN MEURANT, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

La mission « Immigration, asile et intégration » n'a pas vu, en 2017, son architecture connaître de modification. Elle reste ainsi composée de deux programmes :

- le programme 303 « Immigration et asile » , qui regroupe essentiellement les dépenses liées à la garantie du droit d'asile et à la lutte contre l'immigration irrégulière. Il s'agit principalement de dépenses contraintes dont la dynamique est, du fait du niveau historiquement élevé de la demande d'asile, en forte hausse ;

- le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » , qui rassemble les crédits en faveur de l'intégration des étrangers en situation régulière, à travers la subvention de l'État à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) ou les dotations aux associations. Il représente 188 millions d'euros de crédits consommés en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) en 2017.

Votre rapporteur spécial rappelle que les crédits de la mission ne regroupent qu'une part très minoritaire du budget de l'État relatif à l'immigration. À titre de comparaison, le document de politique transversale « Politique française de l'immigration et de l'intégration » annexé au projet de loi de finances pour 2017 évaluait le montant des CP prévus pour cette politique publique à 5,2 milliards d'euros au titre de l'année 2017. Ce document, qui retient une conception restrictive du coût budgétaire de l'immigration, omet certaines catégories de dépenses (à l'image de celles de l'administration pénitentiaire). Il montre néanmoins que les dépenses de la mission ne concentrent guère plus d'un cinquième des crédits recensés par le gouvernement contribuant aux politiques de l'immigration et de l'intégration.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2017

(en millions d'euros)

Programme

LFI 2017

Crédits exécutés 2016

Crédits exécutés 2017

Exécution 2016 / exécution 2015

Exécution 2017 / LFI 2017

303

AE

1010,26

920,8

1419,1

54,12%

140,47%

CP

883,39

912,9

1272,2

39,36%

144,01%

104

AE

248,63

87,4

188,43

115,59%

75,79%

CP

248,69

87,5

188,55

115,49%

75,82%

Mission

AE

1 258,89

1 008,20

1 607,53

59,45%

127,69%

CP

1 132,08

1 000,40

1 460,75

46,02%

129,03%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le montant total des crédits consommés en 2017 pour la mission excède de 740 millions d'euros en CP le plafond prévu par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2015-2017.

Comparaison de l'exécution 2017 avec les prévisions du budget triennal 2015-2017

(en CP, en milliards d'euros)

2017

Norme LPFP (a)

0,65

Périmètre et transferts (b)

0.2

Norme LPFP format 2017 (I=a+b)

0,67

Exécution 2017 (c )

1,46

Fonds de concours et attribution de produits (d)

0,05

Contribution de la mission au CAS « Pensions » (e)

0

Exécution 2017 hors FDC et CAS « Pensions » (II = c-d-e)

1,41

Écart Exécution-LPFP (III=I-II)

+0.74

Source : commission des finances (d'après la Cour des comptes)

L'exercice 2017 est en outre marqué par l'importance des mesures prises en cours de gestion. Ainsi, une ouverture de crédits par décret d'avance de 217,7 millions d'euros en AE et 206,1 millions d'euros en CP a été effectuée le 20 juillet 2017 afin de couvrir les besoins de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) et les besoins d'hébergements liés aux opérations de mises à l'abri.

Une ouverture de crédits a également été effectuée en loi de finances rectificative pour un montant de 166,6 millions d'euros en AE et 161,3 millions d'euros en CP, afin de solder la quasi-totalité de la dette due à Pôle emploi au titre de l'allocation temporaire d'attente (ATA).

Mouvements de crédits en cours de gestion
sur l'exercice 2017

(en CP, en millions d'euros)

Programme 303

Programme 104

AE

CP

AE

CP

LFI

985,1

858,2

239,5

239,55

LFR

166,6

161,3

0

0

Reports

18,7

25,5

5,7

6,2

Transferts

0

0

-0,1

-0,1

Décrets d'avance

217,7

206

-59,3

-59,8

Fonds de concours et attributions de produits

40,3

40,3

5,5

5,5

Total des crédits ouverts

1 428,40

1 291,50

191,3

191,4

Crédits consommés

1419,1

1272,2

188,4

188,6

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Un dérapage des dépenses relatives à l'allocation pour demandeurs d'asile, traduisant l'incapacité de l'État à faire face à l'importance des flux

Les dépenses de l'action 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » concentrent à elles seules plus de 78 % des crédits de paiement de la mission. Elles visent notamment au financement de l'allocation pour demandeur d'asile et des dispositifs d'hébergement de ces derniers. Cette action connaît, sur l'exercice, un taux d'exécution dépassant les 150 %. Les crédits prévus en loi de finances initiale pour 2017 s'élevaient à 868,7 millions d'euros en AE et à 740,9 millions d'euros en CP. L'exécution s'est ainsi révélée supérieure à cette prévision de plus de 410,9 millions d'euros en AE et 399,2 millions d'euros en CP.

Ces dépenses sont en augmentation de 42% par rapport à l'exercice précédent. Cette croissance s'explique notamment par la hausse importante de la demande d'asile entre 2016 et 2017, qui constitue le principal déterminant de ces dépenses, avec le délai d'instruction des demandes par l'Office française de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) et la Cour nationale du droit d'asile (Cnda).

Nombre de demandes d'asile enregistrées
par l'Ofpra

Source : commission des finances (d'après le rapport annuel 2017 de l'Ofpra)

Les dépenses relatives à l'allocation pour demandeurs d'asile, qui a remplacé, à compter du 1 er novembre 2015 l'allocation temporaire d'attente, connaissent pour la deuxième année consécutive une sur-exécution massive.

Cette sur-exécution s'explique par l'augmentation du nombre de bénéficiaires. Leur nombre moyen par mois s'est élevé à 112 500 en 2017 contre 95 000 en 2016. En 2017, le seuil des 110 000 individus bénéficiaires a été dépassé à partir de juillet et le pic annuel a été atteint en décembre avec près de 122 000 individus.

Le montant moyen versé par individu bénéficiaire est de 259 euros (361 euros en moyenne par mois par ménage bénéficiaire). Depuis le 1 er avril 2017, à la suite de la décision du Conseil d'État du 23 décembre 2016, le pécule versé aux bénéficiaires n'étant pas hébergés a été revalorisé à 5,40 euros par jour et par adulte bénéficiaire contre 4,20 euros antérieurement (décret n° 2017-430 du 29 mars 2017).

Montants prévus et exécutés des dépenses afférentes à l'allocation
temporaire d'attente et de l'allocation pour demandeur d'asile

(en CP, en millions d'euros)

ATA

ADA

LFI

Exécution

LFI

Exécution

2009

30

68,4

2010

53

105

2011

54

157,8

2012

89,7

149,8

2013

140

149,2

2014

129,8

169,5

2015

93,3

81

2016

0

30

148,8

316,1

2017

0

177,3

220

348,8

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

Montants prévus et exécutés des dépenses afférentes
à l'allocation temporaire d'attente

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Votre rapporteur spécial estime que cette sur-exécution est particulièrement préoccupante. Le caractère manifestement insincère de la prévision de dépense réduit à outrance la portée de l'autorisation parlementaire votée en loi de finances .

Si ces dépenses de guichet sont en partie imprévisibles et susceptibles de diverger de la prévision en fonction de la conjoncture, l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile (+ 17% par rapport à 2016) n'était pas inattendue, comme elle l'a pu l'être, par exemple, en 2015.

Au contraire, ces sous-budgétisations chroniques s'assimilent davantage à une volonté délibérée, de la part des gouvernements successifs, de masquer le niveau réel des dépenses afférentes à la prise en charge sociale des demandeurs d'asile .

Plus largement, elle traduit leur incapacité à maîtriser et anticiper suffisamment les flux migratoires au sein de l'Union européenne, comme en atteste notamment l'augmentation des mouvements secondaires. En effet, en 2016, 22 500 personnes (mineurs inclus) placées sous procédure « Dublin » avaient été recensées, soit environ 25 % des premières demandes d'asile en décembre 2016 contre 10 % en janvier de la même année. La tendance se poursuit : en 2017 ces demandeurs sont au nombre de 41 350 alors que les premières demandes en procédure normale s'élèvent à 46 150 (mineurs inclus). Ils représentent 36 % des premières demandes (tous types de procédure) et 34 % du total des demandes (y compris réexamen).

2. Une absence de prévision sincère des dépenses d'hébergement d'urgence (Huda)

Les dépenses relatives à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (Huda local) ont connu, en 2017, une évolution similaire. Alors que la loi de finances pour 2017 avait prévu 54,48 millions d'euros en AE et en CP, les dépenses s'élèvent finalement à 119,65 millions d'euros en AE et 120,22 millions d'euros en CP.

Montants prévus et exécutés des dépenses afférentes
à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ce niveau d'exécution s'explique, selon le gouvernement, par le fait que le parc d'hébergement d'urgence géré par les services déconcentrés a subi l'impact de l'augmentation du nombre des demandeurs placés sous procédure « Dublin », des orientations hebdomadaires en centres d'accueil et d'orientation (CAO) depuis l'Île-de-France et du démantèlement de campements comme celui de Grande-Synthe dont une partie des évacués a été prise en charge dans des hôtels.

Ce taux d'exécution, supérieur à 220 %, traduit là encore l'incapacité de l'État à maîtriser ces dépenses, qui découlent de l'absence de maîtrise des flux et des délais d'instruction des demandes d'asile.

3. Une sous-exécution regrettable des crédits relatifs à l'éloignement

L'action 03 « Lutte contre l'immigration irrégulière » est en sous-exécution de 9,70 millions d'euros en AE et de 13,07 millions d'euros en CP. Cet écart se décompose principalement comme suit :

a) + 1,99 million d'euros en AE et - 0,02 millions d'euros en CP s'agissant des dépenses de fonctionnement hôtelier des centres de rétention administrative (CRA) ;

b) + 0,2 million d'euros en AE et - 0,77 millions d'euros en CP au titre des investissements et de l'entretien immobilier des CRA ;

c) - 0,93 million d'euros en AE et - 0,95 millions d'euros en CP au titre de la prise en charge sanitaire des personnes en CRA ;

d) - 1,85 million d'euros en AE et - 1,81 millions d'euros en CP au titre de la prise en charge de migrants de Calais et Dunkerque (fin du démantèlement du camp de la lande de Calais et démantèlement du camp de Grande-Synthe).

L'exercice 2017 est surtout marqué par la sous-exécution, de 3,57 millions d'euros en AE et de 3,75 millions d'euros en CP des dépenses d'éloignement , qui s'élèvent à 29,76 millions d'euros en AE et 29,57 millions d'euros en CP, contre 33,29 millions d'euros en AE et en CP prévus en loi de finances initiale. Le gouvernement explique notamment cette sous-exécution par le fait que la police aux frontières est prioritairement impliquée dans la lutte contre le terrorisme et le contrôle aux frontières.

Le nombre total d'éloignements est passé de 24 707 en 2016 à 27 373 en 2017, soit une variation de 10,8 % ; le nombre des éloignements forcés a aussi augmenté de 14,6 % par rapport à 2016 (14 859 contre 12 961), et celui des éloignements forcés vers les pays tiers hors Union européenne de 7 % (6 596 contre 6 166).

Cette sous-exécution témoigne de l'absence de priorité politique accordée aux éloignements, notamment forcés, alors même que le contexte migratoire auraient dû entrainer, à minima, une consommation des crédits prévus.

MISSION « INVESTISSEMENTS D'AVENIR » - MME CHRISTINE LAVARDE, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

1. Pour le premier exercice budgétaire de la mission, seules des autorisations d'engagement avaient été prévues par le précédent Gouvernement

Le troisième programme d'investissement d'avenir (PIA 3) repose sur une mission budgétaire propre , la mission « Investissements d'avenir », créée par la loi de finances initiale pour 2017. Cette mission est composée de trois programmes distincts , dont le Secrétariat général pour l'Investissement (SGPI) (précédemment Commissariat général pour l'Investissement - CGI) est responsable, exclusivement dotés en autorisations d'engagement en 2017 :

- le programme 412 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » ;

- le programme 422 « Valorisation de la recherche » ;

- le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises ».

La mise en oeuvre des actions du PIA, et conséquence, la gestion des crédits n'est pas confiée aux ministères mais à des opérateurs , au nombre de quatre pour le PIA 3 : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Les relations entre l'État et chaque opérateur sont formalisées par voie conventionnelle , tant pour les modalités de gestion que d'utilisation des fonds.

Il s'agit de la première année d'exécution budgétaire de la mission , année durant laquelle aucun crédit de paiement n'était prévu , les ouvertures devant être réalisées progressivement à compter de la loi de finances initiale pour 2018. Seules des autorisations d'engagement ont ainsi été prévues par la budgétisation initiale pour 2017.

À ce titre, le rapporteur spécial de la mission, Albéric de Montgolfier, avait évoqué lors de l'examen du projet de loi de finances initiale une « astuce de budgétisation » du précédent Gouvernement, permettant de lancer un programme d'investissement dont il n'assumait pas le coût budgétaire 145 ( * ) et reportant la charge budgétaire sur les exercices postérieurs .

Les crédits de la mission « Investissements d'avenir » ne sont pas soumis à régulation budgétaire et ne peuvent donc faire l'objet de mise en réserve (qui, en tout état de cause, n'aurait pas été mobilisée en 2017 eu égard à l'absence de crédit de paiement).

2. ... dont la moitié seulement a été consommée en 2017

Comme l'illustre le tableau ci-dessous, 5,08 milliards d'euros des 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement prévus ont effectivement été consommés en 2017, soit 50,8 %.

Au total, 4,92 milliards d'euros d'autorisations d'engagement ont fait l'objet d'un report en 2018 :

- par un arrêté du ministre de l'action et des comptes publics du 25 janvier 2018, 3,5 milliards d'euros d'autorisations d'engagement ont fait l'objet d'un report anticipé, soit 35 % du montant total des engagements ; ces crédits correspondent principalement à des actions dont les conventions État-opérateur ont été publiées au Journal officiel en fin de gestion.

- 1,4 milliard d'euros d'autorisations d'engagement a été reporté en mars 2018, en raison, d'après le rapport annuel de performance, de la publication de certaines conventions seulement à compter de 2018.

Cette situation résulte principalement du ralentissement des engagements entre juin et septembre (cf. infra ), période durant laquelle le nouveau Gouvernement s'interrogeait sur la pérennité de la mission. Finalement, il a opté pour le maintien du PIA 3 mais en l'intégrant au sein du « Grand plan d'investissement » (GPI), tout en révisant à la baisse les montants de crédits de paiement inscrits entre 2018 et 2020 sur la mission 146 ( * ) .

Exécution des autorisations d'engagement de la mission « Investissements d'avenir » en 2017

(en millions d'euros)

Programme

AE votées LFI 2017

AE ouvertes 2017

AE exécutées 2017

Taux de consommation des AE

P. 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche »

2 900

2 900

2 000

69 %

p. 422 « Valorisation de la recherche »

3 000

3 000

880

29,3 %

p. 423 « Accélération de la modernisation des entreprises »

4 100

4 100

2 200

54 %

TOTAL

10 000

10 000

5 080

50,8 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une consommation des engagements variable selon les programmes

L'analyse de la gestion 2017 ne peut porter que sur la consommation des autorisations d'engagement, dès lors qu'aucun crédit de paiement n'était prévu pour 2017. Or, la consommation des autorisations d'engagement , de 50,9 % au niveau de la mission , varie sensiblement entre les programmes et entre les actions , comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Exécution des autorisations d'engagement du programme 421
en 2017

(en millions d'euros)

PL2017

Exécution 2017

Taux de consommation

PROGRAMME 421
« SOUTIEN DES PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE »

action 01 «Nouveaux cursus à l'université»

250

250

100 %

action 02 « Programmes prioritaires de recherche »

400

400

100 %

action 03 « Équipements structurants de recherche »

350

350

100 %

action 04 «Soutien des grandes universités de recherche»

700

700

100 %

action 05 «Constitution d'écoles universitaires de recherche»

300

300

100 %

action 06 «Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques»

400

0

0 %

action 07 «Territoires d'innovation pédagogique»

500

0

0 %

Sous-total

2 900

2 000

69 %

PROGRAMME 422 « VALORISATION DE LA RECHERCHE »

action 01 « Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs »

150

0

0 %

action 02 « Fonds national post-maturation « Frontier venture »

500

0

0 %

action 03 « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition »

1 500

500

33 %

action 04 « Nouveaux écosystèmes d'innovation »

230

230

100 %

action 05 « Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants »

620

150

24 %

Sous-total

3 000

880

29,3 %

PROGRAMME 423

« ACCÉLÉRATION DE LA MODERNISATION DES ENTREPRISES »

01 « Soutien à l'innovation collaborative »

550

550

100 %

02 « Accompagnement et transformation des filières »

1 000

1 000

100 %

03 « Industrie du futur »

350

150

43 %

04 « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre »

100

0

0 %

05 « Concours d'innovation »

300

300

100 %

06 « Fonds national d'amorçage 2 »

500

0

0 %

07 « Fonds à l'internationalisation des PME »

200

200

100 %

08 « Fonds de fonds Multicap Croissance 2 »

400

0

0 %

09 « Grands défis »

700

0

0 %

Sous-total

4 100

2 200

53,7 %

TOTAL

10 000

5 080

50,9 %

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2017

L'analyse de la consommation des engagements par programme révèle que le programme 421 » Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » , qui tend à soutenir l'investissement dans l'enseignement , principalement dans l'enseignement supérieur, et la recherche, enregistre le taux de consommation le plus élevé (69 %).

Deux actions de ce programme n'ont connu aucun engagement en 2017 : il s'agit de l'action 07 « Territoires d'innovation pédagogique », qui a pour spécificité de cibler l'enseignement scolaire et de s'inscrire dans le prolongement de l'appel à projets e-FRAN (« Espaces de formation, de recherche et d'animation numérique ») prévu dans le cadre du PIA 2 et de l' action 06 « Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques », seule action du programme reposant sur des financements ayant la nature de prises de participation.

Le programme 422 « Valorisation de la recherche » enregistre quant à lui le taux de consommation des autorisations d'engagement le plus faible des programmes de la mission (29,3 %). Par exemple, aucun crédit n'a été engagé sur l'action 02, qui prévoit la création d'un Fonds national post-maturation baptisé « Frontier venture » .

La consommation des engagements du programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » , qui vise à soutenir la compétitivité, l'innovation et l'internationalisation des entreprises, atteint la moyenne d'exécution de la mission.

Ce faible rythme de consommation découle pour partie d'une interruption des engagements entre juin et septembre de l'année 2017 , période durant laquelle la question de la pérennité de la mission se posait. Le PIA 3 a finalement fait l'objet d'une intégration au sein du « Grand plan d'investissement » (GPI).

D'après la Cour des comptes 147 ( * ) , la totalité des 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement votées en 2017 devrait être consommée avant la fin de l'exercice 2018. Or, en 2018, seul 1,08 milliard d'euros de crédits de paiement a été ouvert, ce qui représente une couverture d'à peine 10 % des engagements.

2. L'année 2017 a principalement été marquée par la négociation et la signature des conventions, exercice artificiel en l'absence de crédits de paiement délégués aux opérateurs

Comme le souligne le rapport annuel de performance de la mission annexé au projet de loi de règlement, « l'année 2017 a été consacrée à la publication des conventions entre l'État et les opérateurs et au lancement des premiers appels à projets ou appels à manifestations d'intérêt du PIA ». Ainsi, 25 conventions ou avenants ont été publiés au Journal officiel concernant le PIA 3.

Cet exercice se révèle en pratique totalement artificiel : des conventions ont été conclues entre l'État et les organismes gestionnaires des PIA alors même que ceux-ci n'ont pas disposé en 2017 d'un seul euro de crédit de paiement.

Comme le soulignait le rapporteur spécial de la mission, Albéric de Montgolfier, lors de l'examen des crédits de la mission dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, « il aurait été tout à fait envisageable de décaisser la totalité des crédits au moment même de la conclusion des conventions entre l'État et les opérateurs, de façon similaire aux précédents PIA ».

3. Une maquette de performance perfectible

À ce stade, les documents budgétaires présentent un dispositif d'évaluation de la performance pour le moins sommaire.

De manière générale, les indicateurs sont peu renseignés : l'examen du dispositif de performance de la mission laisse songeur, la mention « sans objet » remplaçant souvent ce qui devrait être un indicateur chiffré. De nombreux indicateurs sont ainsi dépourvus de résultat, quand d'autres ne présentent pas de cible à horizon 2020.

Les volets performance des programmes 421 et 422 comportent certes des objectifs et indicateurs qui sont propres à ces programmes mais les commentaires techniques, qui ont vocation à expliciter les méthodes permettant d'effectuer les mesures des indicateurs, ainsi que les sources des données ne sont pas suffisamment clairs et détaillés.

Comme l'illustre le tableau ci-dessous, seuls deux des six indicateurs ont un résultat renseigné en exécution pour le programme 423. Aussi votre rapporteur s'interroge-t-il sur la pertinence de ces indicateurs ainsi que sur la possibilité pratique de les mesurer. Une refonte de la maquette de performance apparaît dès lors indispensable et devrait faire l'objet d'un examen attentif au cours de la préparation du prochain projet de loi de finances.

Volet performance du programme 423 « Accélération de la modernisation
des entreprises »

Prévision PAP 2017

Réalisation 2017

Cible 2020

Objectif : accélérer la croissance des PME et des ETI

Taux de pérennité des entreprises soutenues

Supérieur ou égal à 15 %

Chiffre d'affaires à l'export des entreprises soutenues par rapport à celui des entreprises françaises

Investissements en capital innovation en proportion du PIB

0,041

0,06

Progression de la part des entreprises innovantes en France

50

55

Objectif : Soutenir la modernisation des entreprises françaises

Écart de taux de numérisation des entreprises soutenues par rapport au taux de numérisation des entreprises françaises

+25%

Taux de croissance de la valeur ajoutée des éco-activités soutenues par le PIA par rapport aux taux de croissance de la valeur ajoutée des éco-activités en France

Supérieur à 0,5 %

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2017

Enfin, les documents budgétaires ne présentent ni détail sur la nature ni estimations des prévisions de retours financiers associés aux prises de participation et avances remboursables portées par la mission.

Si ce niveau d'information n'est en effet pas indispensable pour l'exécution 2017, dès lors qu'aucun crédit de paiement n'était inscrit sur la mission pour cette année, votre rapporteur accordera une attention toute particulière au suivi de ces éléments dans les documents budgétaires des prochains exercices. À ce titre, ce sujet figure parmi les travaux de suivi engagés par votre rapporteur au cours de ce semestre, dont les conclusions donneront lieu à un développement spécifique lors de l'examen du prochain projet de loi de finances .

MISSION « JUSTICE » - M. ANTOINE LEFÈVRE, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

La loi de finances pour 2017 a ouvert 10,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 8,6 milliards d'euros de crédits de paiement (CP) pour la mission « Justice ». Le taux d'exécution des AE s'élève à 84 %, contre 91 % en 2016 et 90 % en 2015 ; s'agissant des CP, il atteint 98 %, soit le même niveau qu'en 2016 et légèrement moins qu'en 2015 (99 %). Par rapport à 2016, les moyens consacrés à la justice ont augmenté de 4 % en crédits de paiement et de 17 % en autorisations d'engagements .

Exécution des crédits de la mission par programme en 2017

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2016

LFI 2017

Exécution 2017

Exécution 2017 / Exécution 2016

Exécution 2017 / LFI 2017

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Justice judiciaire

3 227,1

3 225,1

3 428,9

3 322,7

3 273,7

3 291,9

+ 1,4 %

+ 2,1 %

95 %

99 %

Administration pénitentiaire

3 041,8

3 340,9

5 763,5

3 614,7

4 247,4

3 532,0

+ 39,6 %

+ 5,7 %

74 %

98 %

Protection judiciaire de la jeunesse

803,0

798,2

843,1

828,7

821,8

812,9

+ 2,3 %

+ 1,8 %

97 %

98 %

Accès au droit et à la justice

338,8

339,0

403,1

403,1

380,7

379,3

+ 12,4 %

+ 11,9 %

94 %

94 %

Conduite et pilotage de la politique de la justice

345,2

334,9

364,2

379,8

329,0

355,0

- 4,7 %

+ 6,0 %

90 %

93 %

Conseil supérieur de la magistrature

3,5

4,4

3,8

4,5

3,3

4,2

- 5,7 %

- 4,5 %

87 %

93 %

Mission Justice

7 759,4

8 042,5

10 806,6

8 553,5

9 055,9

8 375,3

+ 16,7 %

+ 4,1 %

84 %

98 %

Source : commission des finances du Sénat

Exécution des crédits de la mission par programme en 2017, hors dépenses de personnel

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2016

LFI 2017

Exécution 2017

Exécution 2017 / Exécution 2016

Exécution 2017 / LFI 2017

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Justice judiciaire

1 033,0

1 031,0

1 123,1

1 016,9

1 001,6

1 019,8

- 3,0 %

- 1,1 %

89 %

100 %

Administration pénitentiaire

840,9

1 140,0

3 414,0

1 265,2

1 911,6

1 196,2

+ 127,3 %

+ 4,9 %

56 %

95 %

Protection judiciaire de la jeunesse

317,4

312,6

343,0

328,6

321,1

312,2

+ 1,2 %

- 0,1 %

94 %

95 %

Accès au droit et à la justice

338,8

339,0

403,1

403,1

380,7

379,3

+ 12,4 %

+ 11,9%

94 %

94 %

Conduite et pilotage de la politique de la justice

206,5

196,2

203,3

218,9

179,9

205,9

- 12,9 %

+ 4,9 %

88 %

94 %

Conseil supérieur de la magistrature

1,1

2,0

1,1

1,8

0,9

1,8

- 18,2 %

- 10,0 %

82 %

100 %

Mission Justice

2 737,7

3 020,8

5 487,6

3 234,5

3 795,8

3 115,2

+ 38,6 %

+ 3,1 %

69 %

96 %

Source : commission des finances du Sénat

Si les dépenses de personnel ont augmenté de près de 5 %, les dépenses hors personnel ont augmenté de 39 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement .

Exécution des crédits de la mission par programme en 2017, uniquement dépenses de personnel

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2016

(AE = CP)

LFI 2017

(AE = CP)

Exécution 2017

(AE = CP)

Exécution 2017 / Exécution 2016

Exécution 2017 / LFI 2017

Justice judiciaire

2 194,1

2 305,8

2 272,1

+ 3,6 %

99 %

Administration pénitentiaire

2 200,9

2 349,5

2 335,8

+ 6,1 %

99 %

Protection judiciaire de la jeunesse

485,6

500,1

500,7

+ 3,1 %

100 %

Accès au droit et à la justice

-

-

-

-

-

Conduite et pilotage de la politique de la justice

138,7

160,9

149,1

+ 7,5 %

93 %

Conseil supérieur de la magistrature

2,4

2,7

2,4

+ 0,0 %

89 %

Mission Justice

5 021,7

5 319,0

5 260,1

+ 4,7 %

99 %

Source : commission des finances du Sénat

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des effectifs à la hausse
a) La création de 568 postes pour la justice judiciaire

Les dépenses de personnel du programme « Justice judiciaire » ont augmenté de 3,6 % , atteignant 2,27 milliards d'euros. Cette augmentation est supérieure à celle de l'an dernier (+ 3 %). Elle est la conséquence logique du schéma d'emplois. En effet, le projet annuel de performance prévoyait la création nette de 600 emplois ; au total, 568 postes nets ont été créés , contre 751 en 2016. En particulier, 209 postes de magistrats ont été créés contre 215 l'an dernier. Le schéma d'emploi concernant les métiers du greffe a été sous-exécuté (383 postes créés contre 465 prévus), afin, d'après le rapport annuel de performance, de compenser la sur-exécution de 2016.

Le plafond d'emplois (32 748 ETPT) a été respecté et l'on observe que l'écart entre ce plafond et la réalisation se resserre, par rapport aux années précédentes.

Évolution comparée du plafond d'emplois et de la réalisation
sur le programme 166 « Justice judiciaire »

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Le taux d'exécution des dépenses de personnel est quasiment identique à celui de 2016 et atteint 98,5 %.

Évolution de la prévision et de la consommation des dépenses de personnel
du programme 166 « Justice judiciaire »

(en millions d'euros) (en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

b) Une difficulté persistante à recruter des surveillants pénitentiaires

Concernant le programme « Administration pénitentiaire », les dépenses de personnel sont en hausse de 6,1 % et atteignent 2,34 milliards d'euros . Leur taux d'exécution par rapport à la loi de finances s'élève à 99,4 %.

Évolution de la prévision et de la consommation des dépenses de personnel
du programme 107 « Administration pénitentiaire »


(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

La difficulté à pourvoir les postes de surveillant pénitentiaire persiste : seuls 82 % des postes prévus dans le schéma d'emploi ont été pourvus. Le rapport annuel de performance pointe ainsi « des difficultés à recruter et à fidéliser » ces personnels. Plus précisément, « le taux de présence au concours n'excède pas le tiers des inscrits » et « 68 % des admissibles ne se présentent pas aux épreuves d'admission ». De plus, « 77 % des admis entrent effectivement à l'école » et « le taux de démission en cours de scolarité est relativement élevé : entre 8,3 % et 9,9 % des agents ne valident par leur formation, essentiellement par démission ».

Ce taux de 82 % est néanmoins bien meilleur qu'en 2016 , où il ne s'élevait qu'à 57 %. Ainsi, 722 postes de surveillants ont été créés, contre 507 en 2016.

Réalisation du schéma d'emploi des surveillants pénitentiaires
en 2016 et 2017

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

2. Une diminution des frais de justice

Les frais de justice constituent l'un des enjeux budgétaires de la mission « Justice », du fait des difficultés à les piloter, de leur montant (un demi-milliard d'euros) et d'une sous-budgétisation récurrente.

En 2017, ils se sont élevés à 496 millions d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de 55 millions d'euros (- 10 %) par rapport à 2016. Ainsi, pour la première fois depuis 2012, les frais de justice s'orientent véritablement à la baisse .

Le montant exécuté demeure néanmoins supérieur de 27 millions d'euros par rapport aux prévisions , soit une sur-exécution qui, bien qu'en diminution, demeure très proche de celle de l'an dernier (34 millions d'euros).

Évolution des frais de justice depuis 2014

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Cette diminution des frais de justice doit cependant être relativisé : elle est observée après une année 2016 où la hausse avait été particulièrement importante (+ 75 millions d'euros) et le montant 2017 est supérieur à celui de 2015.

Plus précisément, les frais de justice commerciale diminuent de 14 millions d'euros (- 21 %), mais des erreurs d'imputation avaient conduit à une minoration de la dépense en 2015 et à sa surestimation en 2016. De même, le projet annuel de performance prévoyait que la mise en oeuvre complète en année pleine de la plate-forme nationale d'interceptions judiciaires (PNIJ) permettrait des économies importantes, qui se limitent pour l'instant à 8 millions d'euros, alors même que 5 millions d'euros de factures avaient été reportés sur 2016. À l'inverse, on peut se réjouir que les frais d'interprétariat diminuent de 9 millions d'euros et les honoraires juridiques de près de 10 millions d'euros .

Enfin, les restes à payer diminuent, mais demeurent à un niveau important (73,4 millions d'euros).

3. L'aide juridictionnelle : une augmentation importante en lien avec la réforme de 2015

Le protocole d'accord signé le 28 octobre 2015 par le ministère de la justice et les représentants de la profession d'avocat a modifié le fonctionnement de l'aide juridictionnelle : en particulier, l'unité de valeur servant au calcul de la rétribution des avocats a été augmentée, la modulation géographique de cette rétribution a été supprimée et le barème de cette rétribution a été revu. De plus, la présence d'un avocat lors de la garde à vue d'un mineur est désormais obligatoire.

Il résulte de ces évolutions que les dépenses au titre de l'aide juridictionnelle sont en hausse. Elles ont ainsi augmenté de 12 % en 2017 par rapport à 2016 et atteignent 342,4 millions d'euros . Cette évolution a cependant été relativement bien anticipée lors de la budgétisation : les crédits de la loi de finances initiale étaient en hausse de 10 %.

Évolution des dépenses d'aide juridictionnelle

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

L'évolution de cette dépense devra être particulièrement suivie en 2018, lorsque l'ensemble des effets de la réforme de 2015 se feront sentir en année pleine.

Le programme de construction d'établissements pénitentiaires : un pur affichage qui impacte l'exécution de l'ensemble de la mission

L'exécution des AE hors dépenses de personnel de la présente mission est relativement basse et atteint à peine 69 %. Ce chiffre s'explique par le taux d'exécution du programme 107 « Administration pénitentiaire », limitée à 56 %. En excluant cette ligne, le taux d'exécution de la mission serait de 91 %.

Plus précisément, les AE des dépenses d'investissement (titre 5) du programme « Administration pénitentiaire » ont un taux d'exécution d'à peine 34 % . Par ailleurs, cette consommation d'AE est sensiblement supérieure à celle de 2016 (3,7 fois plus).

L'explication de ce chiffre est à trouver dans l'avancement du programme de construction d'établissements pénitentiaires annoncé en octobre 2016 148 ( * ) . Une enveloppe de près de 1,2 milliards d'euros était ainsi ouverte en AE. Mais comme le notait votre rapporteur spécial, ces AE n'étaient assorties de quasiment aucun CP : « grâce à ce subterfuge, le Gouvernement peut annoncer un programme immobilier ambitieux sans dégrader le déficit public. Il autorise ainsi l'administration pénitentiaire à initier les recherches de terrain et à engager les dépenses afférentes ; charge au prochain Gouvernement de trouver les moyens pour les financer ».

En définitive, sur les 1 157,7 millions d'euros d'AE ouvertes en 2017, 1 110,8 millions d'euros (96 %) ont été reportés en 2018. Ainsi, les crédits annoncés à l'automne 2016 par l'ancien Gouvernement n'étaient qu'un pur affichage . Le lancement du programme permet néanmoins d'avoir un niveau de crédits consommés supérieur à celui de 2016.

MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES » ET COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC » - M. ROGER KAROUTCHI, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

A. LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »

L'exécution des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » a été conforme à la budgétisation votée en loi de finances initiale pour 2017 . Les dépenses de la mission s'élèvent ainsi pour l'année 2017 à 558 millions d'euros en autorisations d'engagement et 548 millions d'euros en crédits de paiement, avec un taux d'exécution respectivement de 97,7 % et 96,4 %.

Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement de la mission « Médias, livre et industries culturelles »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La mission est composée de deux programmes de volume quasiment identique . Le programme « Presse et médias », qui représente en 2017 281,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 274,5 millions d'euros en crédits de paiement, regroupe les relations financières avec l'Agence France Presse (AFP) et les aides à la presse. Les crédits destinés au livre et aux industries culturelles sont rassemblés dans le programme 334 et représentent 276,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 274,1 millions d'euros en crédits de paiement.

L'exécution 2017 est marquée par l'achèvement de l'évolution de la maquette de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Celle-ci a en effet été modifiée sensiblement à l'occasion du projet de loi de finances pour 2017, le programme « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique » ayant été supprimé et, concomitamment, les programmes 180, désormais intitulé « Presse et médias », et 334 « Livre et industries culturelles » ont été partiellement reconfigurés.

La suppression progressive de la dotation sur crédits budgétaires de France Télévisions, qui faisait l'objet de l'action 1 du programme « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique », a été achevée en 2016. Seuls les crédits du Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER), pour un montant de 29,25 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2016, étaient encore portés par ce programme. Ils ont donc été regroupés, par souci de cohérence, au sein du programme 180, désormais intitulé « Presse et médias ».

Exécution des crédits de la mission par programme en 2017

(en millions d'euros et en %)

Exécution
2016

Prévision
LFI 2017

Exécution
2017

Taux d'exécution

Comparaison 2017/2016

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

180 - Presse et médias

225,82

231,03

292,57

292,57

281,61

274,55

96,25%

93,84%

24,71%

18,84%

334 - Livre et industries culturelles

255,85

265,49

278,73

276,71

276,82

274,13

99,31%

99,07%

8,20%

3,26%

313 - Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique

29,20

29,10

Total

510,87

525,62

571,30

569,28

558,43

548,68

97,75%

96,38%

9,31%

4,39%

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le taux d'exécution du programme « Livre et industries culturelles » est proche de 100 %, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, notamment parce que ce programme porte principalement les crédits dédiés à la Bibliothèque nationale de France , pour un montant exécuté de 205,6 millions d'euros, représentant les trois quarts des crédits du programme.

La mission ne comprend pas de dépenses de personnel de titre 2 , celles-ci sont toutes portées par le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture ». Cependant, la Bibliothèque nationale de France (BNF), opérateur rattaché au programme « Livre et industries culturelles », gère directement ses emplois. Les crédits correspondants sont donc inscrits dans la subvention pour charges de service public versée à l'opérateur et correspondent à des crédits de titre 3.

Le plafond d'emplois de la BNF voté en loi de finances initiale pour 2017 s'élevait à 2 249 ETPT. L' exécution a été inférieure à ce plafond , avec 2 182,5 équivalents temps plein travaillés, à un niveau cependant supérieur de 10 ETPT à celui de l'année 2016.

Ces dépenses de personnel de la BNF, 138,8 millions d'euros en 2017, représentent à elles seules la moitié des crédits de paiement du programme « Livre et industries culturelles ».

Le projet de réhabilitation du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France, le quadrilatère Richelieu, concentre la majeure partie des dépenses d'investissement de la mission . Ce projet, dont le coût total est évalué à 233,2 millions d'euros 149 ( * ) , a pesé sur le programme « Livre et industries culturelles » à hauteur de 6 millions d'euros en 2017. 53,3 millions d'euros resteront à financer sur ce programme dans les exercices ultérieurs, 16 millions d'euros ayant déjà été inscrits en loi de finances initiale pour 2018.

Les autres opérateurs de la mission sont également rattachés au programme « Livre et industries culturelles ». Certains sont directement financés par des crédits budgétaires tandis que d'autres bénéficient de l'affectation du produit de taxes : il s'agit du Centre national du livre (CNL) et du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).

Le montant du produit de ces taxes affectées s'élève en 2017 à 722,9 millions d'euros. Cependant, le CNC bénéficie à lui seul de 696 millions d'euros d'affectation de taxes. Il s'agit de différentes taxes, non plafonnées : la taxe sur les entrées en salle de cinéma, la taxe sur les services de télévision et la taxe sur les ventes de vidéo.

Le coût des dépenses fiscales de la mission est évalué en 2017 à 477 millions d'euros . Ce montant élevé est proche du montant total des crédits de la mission ( cf. infra ).

Évolution du montant des dépenses fiscales comparée au montant total des crédits de paiement de la mission de 2015 à 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Parmi ces dépenses fiscales, celles rattachées au programme « Presse et médias » représentent 161 millions d'euros en 2017, dont 160 millions d'euros uniquement pour le taux de taxe sur la valeur ajoutée de 2,1 % applicable aux publications de presse .

Les dépenses fiscales du programme « Livre et industries culturelles » bénéficient principalement au secteur du cinéma . Elles s'élèvent en 2017 à 316 millions d'euros. Ce montant est le double du montant exécuté en 2016, en raison de l'extension des dispositifs en faveur de la production cinématographique et audiovisuelle décidée en 2014 et en 2015 150 ( * ) . Le crédit d'impôt cinéma a ainsi été ouvert à certaines oeuvres en langue étrangère et l'ensemble des oeuvres cinématographiques tournées en langue française, ainsi que les films d'animation et les fictions dites à forts effets visuels bénéficient désormais d'un taux majoré à 30 %. De plus, le plafond du crédit d'impôt pour une même oeuvre a été porté de 4 millions à 30 millions d'euros.

B. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »

Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » comprend l'intégralité des crédits destinés aux organismes de l'audiovisuel public , depuis la suppression de la dotation sur crédits budgétaires de France Télévisions, auparavant inscrite au programme « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique » de la mission. Le compte retrace donc :

- en recettes , les remboursements d'avance correspondants au produit de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), le montant des dégrèvements de CAP pris en charge sur le budget général de l'État et la part de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) affectée à France télévisions depuis 2016. Les frais d'assiette et de recouvrement et le montant des intérêts sur les avances sont déduits ;

- en dépenses , le montant des avances accordées aux organismes de l'audiovisuel public.

Évolution de la répartition des crédits des sociétés
de l'audiovisuel public de 2014 à 2017

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

2017

France Télévisions

2 432

2 369

2 560

2 598

Arte France

266

267

270

280

Radio France

613

614

619

625

France Médias Monde

169

247

249

257

Institut national de l'audiovisuel

71

91

91

91

TV5 Monde

78

79

80

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La loi de finances pour 2017 avait fixé le montant total des dépenses des six programmes du compte de concours financiers à 3,93 milliards d'euros, en augmentation d'environ 60 millions d'euros par rapport à 2016. Les recettes issues des encaissements de contribution à l'audiovisuel public (CAP) étaient évaluées à 3,20 milliards d'euros. Le rendement pour 2017 a été inférieur à ces prévisions, s'élevant à 3,17 milliards d'euros. Pour la troisième fois 151 ( * ) , le mécanisme de garantie des ressources de l'audiovisuel public a été activé et le montant des dégrèvements de CAP pris en charge par l'État a été relevé de 563,3 millions d'euros à 592,2 millions d'euros.

Les dépenses du compte de concours financiers sont organisées autour de six programmes qui correspondent aux différentes sociétés de l'audiovisuel public : France Télévisions, Arte France, Radio France, France Médias Monde, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et TV5 Monde.

L'exécution pour chacun de ces programmes est conforme à la prévision de dépenses adoptée en loi de finances initiale. En effet, les ressources du compte de concours financiers sont calculées sur les besoins de dépenses des sociétés concernées.

Évolution du montant des crédits des programmes du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » de 2014 à 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Les résultats d'exécution de la mission ne donnent qu'une vision partielle des politiques publiques concernées

L'étude de l'exécution des crédits la mission ne permet pas d'avoir une vision complète de l'effort financier en faveur des secteurs concernés par cette mission : la presse, le livre et les industries culturelles. En effet, l'analyse de ces politiques publiques doit être complétée par l'étude des dépenses fiscales et des taxes affectées rattachées à la mission et de crédits budgétaires inscrits dans d'autres missions du budget de l'État.

Répartition du soutien financier au secteur de la presse, du livre
et des industries culturelles en 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'importance et la dynamique d'évolution du montant des dépenses fiscales rattachées à la mission conduisent à s'interroger sur l'efficacité des dispositifs concernés . En particulier, les crédits d'impôts en faveur du secteur du cinéma ont été étendus ces dernières années en lois de finances. Pourtant, le préalable à la reconduction et, a fortiori , à l'extension de ces dépenses fiscales devrait être une évaluation des effets de ces dispositifs au regard de leur coût.

Par ailleurs, l'ensemble des crédits budgétaires qui soutiennent les secteurs de la presse et du livre ne sont pas regroupés dans la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Ainsi, pour avoir une vision d'ensemble des crédits budgétaires consacrés au soutien de la presse ou à la politique du livre, il est nécessaire d'inclure des dépenses imputées sur des programmes qui ne sont pas dans le périmètre de la mission .

Concernant les aides à la presse, ce sont les moyens consacrés au soutien du transport postal de la presse qu'il convient d'ajouter, ceux-ci étant portés par le programme « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie ».

De même, la politique en faveur du livre, qui constitue une des priorités du ministère de la culture, n'est que partiellement prise en charge par le programme « Livre et industries culturelles ». En particulier, la volonté d'élargir les horaires d'ouverture des bibliothèques, défendue par la mission confiée à Erik Orsenna, se traduit budgétairement par une augmentation de la dotation générale de décentralisation pour les bibliothèques municipales et départementales de prêt, inscrite au programme « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » de la mission « Relation avec les collectivités territoriales ». Cette action du ministère de la culture n'est donc pas retracée dans les missions budgétaires dont elle a la responsabilité.

Votre rapporteur spécial souligne la nécessité de disposer, tant en loi de finances initiale que lors de l'examen du projet de loi de règlement, de documents budgétaires de synthèse permettant d'avoir une vision complète des politiques publiques étudiées , en particulier concernant les aides à la presse.

2. L'exécution 2017 confirme la fragilité persistante de l'AFP

L'année 2017 est marquée, pour la seconde année consécutive, par un effort financier renforcé de l'État envers l'Agence France Presse (AFP), qui se traduit par une dotation complémentaire par rapport au soutien financier prévu par le contrat d'objectifs et de moyens (COM) qui lie l'État et l'AFP.

Depuis 2015, une séparation est établie dans les relations financières entre l'État et l'AFP entre la compensation des missions d'intérêt général (MIG) et les abonnements des administrations de l'État aux services d'informations générales de l'AFP. 4,6 millions d'euros supplémentaires ont donc été exceptionnellement alloués à l'AFP en loi de finances initiale pour 2017 par rapport à la trajectoire prévue par le contrat d'objectifs et de moyens, au titre de la compensation des missions d'intérêt général.

L'AFP et l'État doivent aujourd'hui assurer la pérennité de cet opérateur . En effet, l'Agence doit faire face, sur le marché mondial, à la concurrence traditionnelle des grandes agences que sont Reuters News et The Associated Press , mais elle doit également répondre au développement considérable des agences russe et chinoise, dans un contexte fortement marqué par l'évolution des outils numériques.

Il est donc nécessaire pour l'AFP de trouver son modèle économique et la réponse de l'État ne peut se limiter à des financements exceptionnels destinés à redresser ponctuellement la situation financière de l'Agence. Des réformes de gouvernance et de structures sont donc indispensables , après la détermination par l'État d'orientations stratégiques claires .

Le processus de rationalisation des dépenses que l'AFP doit réaliser implique enfin d'améliorer la gestion des ressources humaines et de maîtriser la masse salariale de l'Agence.

3. L'audiovisuel public reste dans l'attente d'une réforme d'ampleur

L'exécution 2017 constitue la dernière année d'augmentation continue des moyens alloués aux sociétés de l'audiovisuel public, avant la diminution votée en loi de finances initiale pour 2018 et avant la réforme de l'audiovisuel public annoncée par l'exécutif au début du quinquennat.

Le 4 juin 2018, la ministre de la culture a présenté les grands axes du projet de réforme de l'audiovisuel public , sous la forme d'un « scénario d'anticipation ». Ce scénario découle du constat selon lequel de nouveaux acteurs et de nouveaux usages ont bouleversé le paysage audiovisuel français.

La réforme s'appuiera sur plusieurs axes présentés par la ministre, qui répondent aux carences actuelles de l'audiovisuel public : un média plus distinctif (à l'égard des sociétés de l'audiovisuel privé) ; un média plus numérique ; davantage de programmes régionaux ; un média qui s'adresse davantage aux jeunes ; un média fer de lance de la création ; des coopérations renforcées entre sociétés de l'audiovisuel public.

La question du financement et d'une éventuelle réforme de la contribution à l'audiovisuel public n'est évoquée dans cette présentation que pour indiquer qu'elle sera traitée au moment de la réforme de la taxe d'habitation.

Votre rapporteur spécial tient à rappeler que d'importantes réformes de structure sont indispensables et constituent un préalable à toute évolution du mode de financement actuel de l'audiovisuel public , des économies devant découler d'une évolution du fonctionnement des sociétés concernées, en particulier pour France Télévisions et Radio France. Il semble que les pistes tracées par la ministre de la culture sont à ce jour insuffisantes pour parvenir à cet objectif et en deçà des attentes suscitées par les annonces de l'exécutif au début du quinquennat.

MISSION « OUTRE-MER » - MM. NUIHAU LAUREY ET GEORGES PATIENT, RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

La mission « Outre-mer » regroupe une partie des moyens budgétaires alloués aux territoires ultramarins :

- le programme 138 « Emploi outre-mer » porte les crédits relatifs au soutien aux économies ultramarines, à travers notamment des exonérations spécifiques de charges sociales et des actions en faveur de l'insertion et de la qualification professionnelle des jeunes ultramarins ;

- le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » porte principalement les crédits en faveur du logement social et du soutien aux collectivités dans leur politique d'investissements structurants.

Elle ne permet toutefois pas d'appréhender globalement la politique de l'État en faveur des outre-mer.

Selon le document de politique transversale « Outre-mer » annexé au projet de loi de finances pour 2017, le montant total des AE (dépenses de personnel, de fonctionnement, d'investissement et d'intervention) consacré par l'État (toutes missions confondues) aux territoires d'outre-mer s'élève à 16,6 milliards d'euros. Les dépenses fiscales étant estimées à 4,1 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2017, l'effort total de l'État était estimé à 20,7 milliards d'euros en AE et 20,5 milliards d'euros en CP pour 2017.

Par rapport à l'année précédente, les crédits consommés augmentent de 6,68 % en AE et de 6,77 % en CP.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2017

(en millions d'euros, en %)

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2016

Crédits exécutés 2017

Exécution 2017 / exécution 2016

Exécution 2017 / LFI 2017

Conditions de vie

AE

848,94

636,7

724,52

13,79 %

85,34 %

CP

787,83

653,4

732,58

12,12 %

92,99 %

Emploi outre-mer

AE

1292,32

1 257,00

1 295,64

3,07 %

100,26 %

CP

1295,62

1 247,70

1 297,17

3,96 %

100,12 %

Total

AE

2 141,26

1 893,70

2 020,16

6,68 %

94,34 %

CP

2 083,45

1 901,10

2 029,75

6,77 %

97,42 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'exercice 2017 est marqué, pour la mission « Outre-mer », par la survenance d'événements sociaux en Guyane puis des deux ouragans dévastateurs « Irma » et  « Maria ».

Les évènements sociaux en Guyane ont conduit le Gouvernement à établir un plan d'urgence de 1,086 milliard d'euros adopté en conseil des ministres le 5 avril 2017. En 2017, ces événements ont nécessité de débloquer des crédits non prévus en loi de finances initiales pour 2017 à hauteur de 95,4 millions d'euros en AE et 92,5 millions d'euros en CP pour la Guyane.

Afin de financer le soutien aux territoires touchés par les événements climatiques, des crédits non prévus ont également été débloqués, à hauteur de 33,7 millions d'euros en AE et 15,2 millions d'euros en CP.

Au total, au cours de la gestion infra-annuelle, il a fallu libérer 129,13 millions d'euros en AE et 107,73 millions d'euros en CP, soit près de 15 % des montants votés en loi de finances initiale.

Les taux d'exécution, sont, en conséquence, particulièrement élevés. Ils s'élèvent respectivement à 92,99 % en CP pour le programme « Conditions de vie outre-mer » et à 100,12 % pour le programme « Emploi outre-mer ».

Exécution des crédits de la mission par programme en 2017

(en millions d'euros, en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La mission « Outre-mer » n'a subi aucune annulation, tous les crédits mis en réserve ont été dégelés et une ouverture de crédits a été effectuée en loi de finances rectificative à hauteur de 33,6 millions d'euros en AE et 15,1 millions d'euros en CP. En revanche, le responsable de programme a dû faire des choix et effectuer des baisses substantielles sur certaines lignes budgétaires afin de pouvoir financer les dépenses liées aux événements imprévus.

Mouvements intervenus en cours de gestion sur l'exercice 2017

(en millions d'euros)

LFI 2017

FDC/ADP prévus LFI 2017

Reports entrants hors FDC

Reports entrants sur crédits FDC

Transferts et virement

LFR 2017

Reports sortants

FDC/ADP rattachés

Crédits disponibles

Exécution 2017

Outre-mer

2 066,90

16,55

14,39

10,28

-82,80

15,11

-14,06

30,86

2 040,68

2 029,75

Programme 123

787,68

0,15

13,65

0,32

-82,80

15,11

-1,62

0,81

733,14

732,58

Programme 138

1 279,22

16,40

0,74

9,96

0,00

0,00

-12,44

30,05

1 307,54

1 297,18

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une sous-exécution des dépenses relatives au logement en contradiction avec la priorité affichée par l'État en la matière

Le taux de consommation de la ligne budgétaire unique, qui concentre l'ensemble des crédits de la mission destinés au logement social est, cette année, particulièrement faible. Il s'élève à 86 % en CP et 68% en AE, ce qui devrait se traduire par une diminution des engagements d'opérations de construction et de réhabilitation.

Cette sous-exécution se produit alors même que les crédits prévus pour le logement par la loi de finances pour 2017 étaient en diminution par rapport à ceux prévus pour 2016.

En conséquence, l'effort consacré à la politique du logement social est passé sous le seuil des 200 millions en AE et CP. L'année 2017 a connu une baisse en termes de logements locatifs sociaux et très sociaux financés par rapport à 2016 (4 844 en 2017 contre 5 413 en 2016), mais une hausse par rapport à 2015 (4 844 en 2017 contre 4 172 en 2015).

Cette évolution est préoccupante, alors même que les besoins restent particulièrement élevés . Vos rapporteurs spéciaux estiment ainsi que le nombre de demandeurs de logements sociaux s'élève à 62 699, et les besoins s'élèvent à 21 500 logements neufs par an (dont plus de la moitié en logements sociaux et en accession) 152 ( * ) . Cette problématique est particulièrement prégnante pour certains territoires ultramarins, comme la Guyane ou Mayotte, qui fait face à d'importants flux migratoires, et dont l'insalubrité des logements est de plus en plus alarmante.

Exécutions des crédits de la mission par programme en 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Selon le Gouvernement, cette sous-exécution peut admettre plusieurs explications :

- les mouvements sociaux en Guyane et les événements climatiques de grande ampleur dans l'arc antillais qui ont pu avoir des répercussions sur le démarrage des chantiers ;

- une diminution dans certains cas de la capacité des bailleurs sociaux pour monter des opérations de construction de logements sociaux ;

- une insuffisante capacité du secteur du BTP à faire face à la demande (retard dans les livraisons).

La sous-consommation est particulièrement importante à La Réunion et en Guadeloupe (difficultés des opérateurs à produire les dossiers dans le calendrier prévu avec un déport des décisions au 3 e voire au 4 e trimestre). En outre, le Gouvernement indique que « la mise en oeuvre du principe d'auto-assurance a conduit le responsable de programme à redéployer et prioriser certaines dépenses, au regard de la succession d'aléas de gestion de grande ampleur en 2017 » . Vos rapporteurs spéciaux contestent le recours au principe d'auto-assurance dans un pareil cas, qui conduit à « sacrifier » les crédits disponibles pour la politique du logement outre-mer en raison d'aléas qui en sont purement indépendants, ces derniers ne constituant pas des dépenses contraintes, bien qu'absolument nécessaires.

2. Une sur-exécution des dépenses relatives aux exonérations de cotisations sociales patronales traduisant le manque d'évaluation suffisamment réaliste de ces dépenses

Les exonérations de charges sociales sont le poste de dépenses le plus important de la mission (51 % des crédits consommés de la mission en 2017) et constituent à ce titre un enjeu majeur. Elles connaissent cette année une surconsommation de 8 millions d'euros en AE et de 2 millions d'euros en CP, tandis que le montant total des charges à payer à l'ACOSS constitué au titre de l'année 2017 s'élève à 25 millions d'euros.

Cette surconsommation peut s'expliquer en partie par le report de l'intégration de la réforme du régime des indépendants. Elle traduit également l'absence regrettable d'évaluation suffisamment réaliste des dépenses d'exonérations, dont la surconsommation est préjudiciable aux autres dépenses de la mission qui ne constituent pas des dépenses contraintes (logement, politique contractuelle de l'État, notamment).

3. L'atteinte de l'objectif « SMA 6 000 » : une évolution encourageante, même si elle ne doit pas masquer la nécessité de poursuivre l'amélioration du dispositif

En 2017, l'objectif à long terme « SMA 6 000 » a été très légèrement dépassé avec 6 010 bénéficiaires. Ce projet qui avait vu le jour en 2009 à l'occasion des États généraux de l'Outre-mer a été progressivement mis en place en augmentant le budget du dispositif de manière significative (en fonctionnement et investissement). L'objectif intermédiaire de 4 000 bénéficiaires avait été atteint en 2011.

Évolution des effectifs du SMA

(en ETP)

2014

2015

2016

2017

PLF 2018

Effectif total du SMA

5 296

5 296

5 301

5477

5525

dont volontaires

4 205

4 204

4 206

4387

4400

nombre de bénéficiaires

5 666

5 764

5 847

6010

6000

dont personnel civil et militaire

1 091

1 092

1 095

1090

1125

Source : commission des finances du Sénat (d'après la DGOM)

Vos rapporteurs spéciaux saluent l'atteinte de cet objectif, alors même que le service militaire adapté continue à obtenir de bons résultats (son taux d'insertion atteint 77 % en 2017). Ils souhaitent néanmoins que des mesures visant à approfondir les efforts (meilleurs taux d'encadrement, poursuite des investissements) se manifestent dès le projet de loi de finances pour 2019.

En effet, l'atteinte de l'objectif SMA 6 000 » a entraîné dès 2017 une baisse des crédits d'investissement consommés de 24,6 % en AE (contre une hausse de 6,4 % en CP).

4. Une sous-exécution des crédits de soutien à l'investissement public préoccupante pour les territoires d'outre-mer

Ensuite, le soutien à l'investissement public était envisagé en loi de finances pour 2017 avec des moyens stabilisés en AE dans le cadre de la politique contractuelle mais aussi avec les crédits du fonds exceptionnel d'investissement (FEI), à hauteur de 40 millions d'euros en AE et 34,8 millions d'euros en CP pour financer un plan de rattrapage des équipements structurants, soit un effort supplémentaire de 7,5 millions d'euros en CP par rapport à la loi de finances pour 2016.

Cependant, la consommation des crédits a été fortement réduite. Les contrats État-région, de développement et de projets ainsi que les autres opérations de l'action n° 02 « Aménagement du territoire » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » ont subi une sous-exécution de 26,8 millions d'euros en AE et de 40,4 millions d'euros en CP, en comparaison de la loi de finances initiale.

Là encore, vos rapporteurs spéciaux regrettent l'application du principe de fongibilité entre actions du programme afin de faire face aux événements de grande ampleur (mouvement social en Guyane et événements climatiques), par définition indépendants de l'objet même de ce programme ayant pour vocation de réduire l'écart structurel de niveau de vie entre l'outre-mer et l'hexagone.

CAS « PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT » - M. VICTORIN LUREL, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

1. Une comparaison de l'exécution à la prévision impossible

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État » constitue le support budgétaire des opérations conduites par l'État en tant qu'actionnaire , via l'Agence des participations de l'État (APE).

Ses caractéristiques sont les suivantes :

- en recettes, il retrace à titre principal les produits des cessions de participations conduites par l'État actionnaire ;

- en dépenses, il a pour objet de financer de nouvelles prises de participation 153 ( * ) et de contribuer au désendettement de l'État 154 ( * ) .

Pour des raisons de confidentialité et d'opportunité parfaitement compréhensibles, le Gouvernement refuse toutefois de s'engager sur un montant de cessions pour l'année à venir. Comme chaque année, le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017 indiquait ainsi que « pour des raisons de confidentialité, inhérentes notamment à la réalisation de cessions de titres de sociétés cotées, il n'est pas possible au stade de l'élaboration du projet de loi de finances de détailler la nature des cessions envisagées. La stratégie de cession dépend en effet très largement de la situation des marchés, très difficile à anticiper, des projets stratégiques des entreprises intéressées, de l'évolution de leurs alliances ainsi que des orientations industrielles retenues par le Gouvernement. Dans ce contexte, le responsable du programme évalue les opportunités, en ligne avec les lignes directrices de l'État actionnaire, et peut proposer au ministre de réaliser une opération ».

De ce fait, le compte spécial présente une particularité : la prévision de la loi de finances initiale, tant pour les recettes que pour les dépenses, est fixée conventionnellement à cinq milliards d'euros.

À cet égard, la loi de finances pour 2017 avait, de façon inédite, rompu avec cette convention en inscrivant un montant de dépenses prévisionnelles de 6,5 milliards d'euros, conduisant à un déficit prévisionnel du CAS de 1,5 milliard d'euros . Il s'agissait ainsi de prendre en compte les conséquences budgétaires de la recapitalisation du secteur nucléaire.

Pour autant, compte tenu du caractère conventionnel de la prévision, l'exécution ne saurait être comparée à la prévision dans les mêmes conditions que pour les autres missions.

2. Un montant de cession quasiment doublé par rapport à 2016

Pour l'exercice 2017, le total des recettes s'élève à 7,9 milliards d'euros , contre 5,3 milliards d'euros en 2016.

Évolution des recettes du compte spécial entre 2016 et 2017

(en millions d'euros)

2016

2017

Cessions

2 268,5

3 976,7

Reversement de produits

0,0

20,3

Reversement de dotations en capital

442,2

1 912,9

Remboursement de créances rattachées à des participations financières

23,8

480,0

Autres remboursements de créances

7,4

20,9

Versements du budget de l'État

2 538,7

1 500,8

Total

5 280,6

7 911,6

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette augmentation s'explique par la mise en oeuvre d'une importante vague de cessions , en partie contrebalancée par une réduction des versements du budget général.

Les recettes tirées des cessions progressent fortement par rapport à 2016 et s'élèvent à 3,97 milliards d'euros (+ 76 %).

Encore ce montant n'intègre-t-il pas la cession par l'État à Bpifrance de la totalité des titres PSA qu'il détenait, pour un montant de 1,9 milliard d'euros. En effet, comme ces titres étaient détenus par l'État via la holding SOGEPA, le produit de la cession est retracé sur le CAS comme une réduction de capital de SOGEPA à due concurrence.

En intégrant cette opération, les recettes tirées des cessions augmentent de 160 % entre 2016 et 2017 (4,9 milliards d'euros).

Quoique diminuant de 40 % par rapport à 2016, les versements du budget général demeurent à niveau élevé en 2017 (1,5 milliard d'euros). Ce montant s'explique par la poursuite de la recapitalisation de la filière nucléaire .

Évolution des recettes tirées des cessions depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les deux principales opérations réalisées et comptabilisées parmi les cessions correspondent à :

- la cession de 211 millions d'actions Engie 155 ( * ) pour un montant global de 2,67 milliards d'euros ;

- la cession de 14 millions de titres Renault pour un montant de 1,21 milliard d'euros.

3. La diminution des dividendes versés s'amplifie en 2017

Le montant des dividendes versés diminue de 20 % par rapport à 2016. Malgré une stabilisation entre 2010 et 2013, il s'agit d'une tendance puisque les dividendes versés ont été divisés par deux depuis 2008 (5,6 milliards d'euros). Cette diminution résultait toutefois essentiellement d'une performance limitée des titres détenus par l'État.

Évolution des dividendes versés depuis 2008

(en milliards d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Évolution
2008-2017

Dividendes en numéraire

5,6

3,3

4,3

4,4

3,2

4,2

4,1

3

1,8

1,5

- 73 %

Dividendes en actions

-

2,2

0,1

-

1,4

0,2

-

0,9

1,7

1,3

-

Total

5,6

5,5

4,4

4,4

4,6

4,4

4,1

3,9

3,5

2,8

- 50 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Malgré tout, l'indicateur mesurant le taux de rendement de l'actionnaire 156 ( * ) est positif en 2017 , porté par la hausse générale des cours du CAC 40 et par une performance supérieure du portefeuille côté de l'État.

La portée de cet indicateur doit toutefois être nuancée dans la mesure où il prend en compte la plus-value potentielle en cas de cession. Le bon résultat de 2017 s'explique en partie par la progression du titre Air France KLM en 2017 (+ 162,5 %), qui a depuis vu sa valeur divisée par deux au cours du premier semestre 2018.

4. Des dépenses multipliées par deux par rapport à 2016 quasi exclusivement imputables à la recapitalisation du secteur nucléaire...

S'agissant des dépenses, le montant total s'élève à 8,6 milliards d'euros au titre de l'année 2017 , soit plus du double des dépenses enregistrées en 2016 (4 milliards d'euros).

Dépenses du compte spécial en 2017

(en millions d'euros)

Dépenses

Augmentations de capital

7 970

dont...

Augmentation de capital EDF

3 000

Augmentation de capital Areva SA

2 000

Augmentation de capital New Areva Holding

2 500

Agence française de développement

160

Banques multilatérales de développement

133,9

Laboratoire français du fractionnement et de biotechnologies

90

Autres

86,1

Achats ou souscriptions de titres

566,6

dont...

Areva SA

285,3

Société technique pour l'énergie atomique

281,3

Autres

0,9

Prestations de services

25,5

Désendettement de l'État

100

Total

8 663

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires et la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes)

La quasi-intégralité (94 %) des dépenses du CAS résulte de la refondation de la filière nucléaire 157 ( * ) , pour un montant proche de 8,2 milliards d'euros, résultant de :

- la recapitalisation d'EDF, d'Areva SA et d'Areva NewCo (devenue Orano en 2018) pour un montant de 7,5 milliards d'euros ;

- l'acquisition de titres Areva SA pour un montant de 285,3 millions d'euros ;

- l'acquisition de titres de la Société technique pour l'énergie atomique pour un montant de 281,3 millions d'euros 158 ( * ) ;

- une dotation au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de 100 millions d'euros afin de le désendetter vis-à-vis d'Areva 159 ( * ) .

De fait, ainsi neutralisé de cette opération, aucune contribution réelle au désendettement n'est enregistrée pour l'exercice 2017 . La poursuite de la pause initiée en 2016 est conforme à l'intérêt patrimonial de l'État, compte tenu du faible coût de refinancement actuel.

5. ... ayant pour conséquence la constatation d'un déficit du compte pour la première fois depuis 2014

Au total, la différence entre les dépenses et les recettes fait apparaître un solde négatif (- 751,3 millions d'euros), pour la première fois depuis 2014. Ce résultat de gestion est le plus bas depuis 2010 (- 3,7 milliards d'euros).

Le déficit enregistré en 2017 est toutefois inférieur au montant initialement prévu en loi de finances initiale (- 1,5 milliard d'euros).

Solde des exercices 2016 et 2017

(en millions d'euros)

2016

2017

Recettes

5 280,6

7 911,6

Dépenses

4 004,9

8 662,9

Solde de l'exercice

1 275,7

- 751,3

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Pour autant, compte tenu des excédents précédemment enregistrés, le solde cumulé du compte spécial faisant l'objet d'un report en fin d'exercice s'élève à 2,9 milliards d'euros.

Évolution du solde cumulé du compte depuis 2012

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde de l'exercice

- 494

1 220

- 418

30

1 275,7

- 751,3

Solde cumulé

1 567

2 787

2 369

2 399

3 675

2 924

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La refondation du secteur nucléaire français est désormais concrétisée

La refondation de la filière nucléaire française, dont les contours ont été annoncés en juin 2015 par le précédent président de la République 160 ( * ) , s'est concrétisée au cours de l'exercice 2017 par la recapitalisation d'EDF et des deux nouvelles entités issues d'Areva SA, pour un montant cumulé de 7,5 milliards d'euros 161 ( * ) .

Ce montant a tiré les dépenses du CAS à la hausse, atteignant 8,7 milliards d'euros, soit un niveau inédit depuis 2013 (9,9 milliards d'euros).

La forte mobilisation du CAS avait toutefois été anticipée dès 2015, avec plusieurs décisions :

- d'une part, la mise en sommeil de la contribution au désendettement de l'État en 2016 et 2017 , cohérente avec le contexte de faiblesse des taux d'intérêt ;

- d'autre part, la mise en oeuvre d'une respiration active du portefeuille de participations , avec plusieurs cessions décidées en 2016 puis 2017 162 ( * ) .

De surcroît, l'effet des recapitalisations programmées sur le solde du CAS avait été comptabilisé dès le projet de loi de finances pour 2017 .

Le versement du budget général correspond au déficit initialement inscrit pour le compte de 1,5 milliard d'euros. Son impact sur le solde budgétaire était ainsi intégré dès la loi de finances initiale, attestant de la démarche de sincérité budgétaire ayant prévalu.

2. La gestion du CAS en 2017 traduit l'amorce d'un recentrage dangereux du périmètre de l'État actionnaire au détriment de ses intérêts patrimoniaux

Au-delà de la recapitalisation du secteur nucléaire, l'exercice 2017 a été marqué par les déclarations du nouveau Gouvernement en vue d'une nouvelle vague de cessions au profit d'un recentrage du portefeuille de l'État actionnaire.

Cette nouvelle orientation s'est d'ores-et-déjà traduite par la cession des titres de Peugeot détenus par l'État via la holding SOGEPA à Bpifrance, dans le cadre d'une réorganisation pertinente des portefeuilles.

Elle s'est surtout manifestée par l'annonce, puis la création en janvier dernier 163 ( * ) , du Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII). Ce fonds vise à investir dans des innovations de rupture et à permettre leur industrialisation en France.

Selon les informations transmises par le ministère de l'économie et des finances, sa dotation devrait être composée de 1,6 milliard d'euros en numéraire, issus des cessions de participations Engie et Renault effectuées en 2017, et de 8,4 milliards d'euros en titres EDF et TSA 164 ( * ) . Ces titres seraient mis à disposition du fonds à titre temporaire et repris progressivement à mesure des cessions d'autres participations.

À cet égard, la dégradation de l'indicateur 2.1 mesurant l'écart entre les recettes effectivement tirées des cessions et celles qui en auraient été retirées si les opérations avaient été conduites sur les six mois précédents et les six mois suivants pourrait traduire une précipitation du Gouvernement en vue de constituer la dotation du fonds. En effet, le ratio s'établit à - 12,1 %, contre - 3,9 % en 2016 : si les cessions avaient été opérées à une période de cours plus favorable, les recettes auraient été majorées de 129 millions d'euros.

Dès 2018, la mobilisation des titres mis à disposition du fonds pour en compléter la dotation réduira les dividendes en numéraire revenant au budget général .

Surtout, ce choix sanctionne plus globalement une attrition du portefeuille de participations de l'État actionnaire . Le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, présenté le 18 juin dernier en Conseil des ministres 165 ( * ) , propose ainsi d'autoriser des cessions de participations dans trois sociétés - Aéroport de Paris, Engie et la Française des Jeux.

À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2018 166 ( * ) , votre rapporteur spécial avait souligné les risques que ce recentrage pourrait entraîner , en particulier du fait d'une rigidité accrue du portefeuille accentuant la dépendance du CAS aux versements du budget général.

De même, cette attribution du portefeuille de participations de l'État se traduira par une baisse des recettes du budget général . La Cour des comptes relève que « les importantes cessions réalisées en 2017 devraient renforcer cette tendance à la baisse des versements de dividendes » 167 ( * ) . Nul doute que les cessions proposées accentueront davantage ce phénomène.

De surcroît, les caractéristiques même du fonds ne vont pas sans soulever des questions, tenant au respect du principe d'universalité budgétaire et à la budgétisation qu'il sous-tend.

MISSION « POLITIQUE DES TERRITOIRES » - MM. BERNARD DELCROS ET PHILIPPE DALLIER, RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

1. Malgré un élargissement du périmètre de la mission, l'exercice 2017 est marqué par une sous-exécution des crédits

La mission « Politique des territoires », consacrée à la politique d'aménagement du territoire de l'État, regroupe, depuis 2015, trois programmes :

- le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » qui comprend le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), la prime d'aménagement du territoire (PAT) et les dépenses de fonctionnement et de personnel du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) ;

- le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) , dont les crédits proviennent de différents ministères et finance des plans gouvernementaux interministériels répondant à certains enjeux territoriaux particuliers comme la qualité de l'eau en Bretagne, le programme exceptionnel d'investissements (PEI) en faveur de la Corse, le plan gouvernemental pour le Marais poitevin et le plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe ;

- et le programme 147 « Politique de la ville » 168 ( * ) qui finance notamment les contrats de ville, les programmes de réussite éducative et le dispositif adultes-relais.

En 2017, le périmètre de la mission a été modifié en raison d'un transfert de crédits du Fonds de soutien à l'investissement public local (FSIL) au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », en vue de financer deux dispositifs :

- les contrats de ruralité (216 millions d'euros en autorisations d'engagement -AE- et 30,4 millions d'euros en crédits de paiement - CP), qui ont vocation à financer des dépenses d'investissement et de soutien à l'ingénierie ;

- le « Pacte État-métropoles », dans le cadre du pacte du même nom conclu le 6 juillet 2016 (20 millions en AE et 2,8 millions d'euros en CP).

La loi de finances initiale pour 2017 prévoyait , pour l'ensemble de la mission, 996,4 millions d'euros en AE et 706 millions d'euros en CP, hors fonds de concours.

À la fin de l'exercice 2017, le niveau d'exécution des crédits de la mission se situe nettement en-deçà des crédits prévus en loi de finances initiale : 732,3 millions d'euros ont été consommés en AE et 630,6 millions d'euros en CP. 73,5 % des AE et 89,3 % des CP ont donc été consommés.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2017

(en millions d'euros)

Programmes

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017*

Crédits exécutés 2017

Exécution 2017/ exéc. 2016

Exécution 2017 / LFI 2017

(en %)

(en %)

Programme 112

AE

169,9

452,1

322,6

89,8%

-28,6%

CP

223,0

247,3

214,9

-3,6%

-13,1%

Programme 162

AE

38,6

29,9

43,3

12,1%

44,8%

CP

36,3

29,3

47,1

29,6%

60,8%

Programme 147

AE

389,6

514,4

366,4

-6,0%

-28,8%

CP

390,7

429,4

368,6

-5,7%

-14,2%

Total Mission

AE

598,2

996,4

732,3

22,4%

-26,5%

CP

650,0

706,0

630,6

-3,0%

-10,7%

* Hors fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport annuel de performances de la mission « Politique des territoires » annexé au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2017)

Par rapport à la consommation observée en 2016, les AE sont très largement supérieures (+ 22,4 %), tandis que les CP sont inférieurs de 3 %.

Exécution des crédits de la mission depuis 2015

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

2. La mission a été très fortement affectée par les annulations de crédits intervenues en cours de gestion

Les programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » (PICPAT) et 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) ont fait l'objet d'une réserve de précaution importante de leurs crédits, limitant fortement les ressources disponibles dès le début de la gestion :

- s'agissant du PICPAT, la mise en réserve initiale s'élevait à 34,3 millions d'euros en AE et 18 millions d'euros en CP ;

- la réserve de précaution initiale du PITE (2,4 millions d'euros en AE et en CP) a été abondée par des surgels à hauteur de 1,7 million d'euros en AE et 5,6 millions d'euros en CP.

La mission est très contributrice des annulations de crédits intervenues en cours de gestion . Ces annulations ont largement été financées par les crédits mis en réserve . Ainsi, l'intégralité de la réserve de précaution a été annulée pour le PICPAT 169 ( * ) . S'agissant du PITE, la réserve de précaution a été intégralement annulée, tandis que les reports de crédits ont été « surgelés » en début d'exercice puis annulés par les décrets d'avance de juillet et novembre 2017. Toutefois, une partie des reports de crédits a été rendue disponible en avril (1,5 million d'euros, en AE et en CP), pour l'accompagnement et la reconversion des pêcheurs dans le cadre du « Plan chlordécone ».

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2017

(en millions d'euros)

Programme

LFI 2017

Reports entrants

Décrets d'avance

Virement ou transfert

LFR de fin de gestion

Fonds de concours et attributions de produits

Crédits ouverts 2017

Crédits consommés 2017

112

AE

452,10

2,70

-106,00

-0,10

-0,30

7,30

355,70

322,60

CP

247,30

2,80

-35,00

1,32

-0,30

7,30

222,00

214,90

162

AE

29,90

21,00

-3,50

0,40

0,00

47,80

43,30

CP

29,30

25,60

-8,00

0,40

20,00

67,30

47,10

147

AE

514,40

1,90

-130,40

-16,20

0,30

370,00

366,40

CP

429,40

3,00

-46,50

-16,20

0,30

370,00

368,60

Total mission

AE

996,40

25,60

-239,90

-15,90

-0,30

7,30

773,20

732,30

CP

706,00

31,40

-89,50

-14,48

-0,30

27,30

660,00

630,60

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport annuel de performances de la mission « Politique des territoires » annexé au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2017)

Comme l'illustre le tableau ci-dessus, les ouvertures de crédits opérées par voie de fonds de concours et les reports de crédits, concernant principalement le programme 162, en particulier le Programme exceptionnel d'investissement (PEI) en Corse, n'ont pas compensé les annulations intervenues dans le décret d'avance du 20 juillet 2017 170 ( * ) : au total, les annulations ont représenté 240 millions d'euros en AE et 89,5 millions d'euros en CP, soit 24 % des AE et 13 % des CP votés en loi de finances initiale.

Ces annulations ont principalement porté, pour le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », sur les crédits mis en réserve , les contrats de ruralité et les CPER.

S'agissant du programme 147 « Politique de la ville » , 28 % des AE ont été annulées , principalement celles prévues pour le financement du Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU), soit 100 millions d'euros, qui marquaient pourtant le retour de l'État dans le financement de l'opérateur.

Tandis que les gels et surgels conduisent à « fausser » l'autorisation budgétaire initiale, les annulations ne correspondent pas à de véritables mesures d'économie . Au surplus, l'exposition régulière de la mission aux mesures de régulation budgétaire emporte des effets dommageables tant sur l'efficacité des dispositifs que sur le rythme de déroulement des projets. Par exemple, la Cour des comptes souligne 171 ( * ) qu'à la suite du décret d'avances de juillet 2017, la programmation des dépenses 2017 a du intégralement être revue sur le programme 112.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES 112 « IMPULSION ET COORDINATION DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE » ET 162 « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ÉTAT » (RAPPORTEUR SPÉCIAL : M. BERNARD DELCROS)

1. Des dépenses fiscales en matière d'aménagement du territoire particulièrement dynamiques

Seize dépenses fiscales sont rattachées au programme 112, dont le montant total en 2017 s'élève à 459 millions d'euros , soit plus du double des crédits de paiement du programme .

Or, ce montant est en constante augmentation depuis quelques années et apparaît difficilement prévisible . En effet, alors que le chiffrage initial pour 2017 prévoyait un coût total des dépenses fiscales de 420 millions d'euros, le chiffrage actualisé présenté dans le rapport annuel de performance annexé à la présente mission est de 10 % plus élevé (+ 39 millions d'euros).

Comme l'illustre le tableau ci-dessous, trois dépenses fiscales apparaissent particulièrement dynamiques .

Coût des principales dépenses fiscales en 2016 et en 2017

(en millions d'euros)

Dépense fiscale

2016

Prévision 2017

Chiffrage actualisé 2017

Taux particuliers applicables à divers produits et services consommés ou utilisés en Corse

175

175

180

Exonération totale ou partielle des bénéfices pour les entreprises nouvelles qui se créent entre le 1 janvier 2007 et le 31 décembre 2020 dans zones d'aide à finalité régionale (AFR) ou qui se sont créées entre le 1 er janvier 1995 et le 31 décembre 2010 dans les zones de revitalisation rurale (ZRR)

119

110

125

Exonération d'impôt sur les bénéfices dans les ZRR pour les entreprises créées ou reprises entre le 1 er janvier 2011 et le 31 décembre 2020

46

38

55

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport annuel de performances de la mission « Politique des territoires » annexé au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2017)

En particulier, la mesure d'exonération d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés pour les entreprises créées ou reprises dans les ZRR 172 ( * ) , prolongée fin 2015, progresse de 9 millions d'euros entre 2016 et 2017 . Son coût total est estimé à 55 millions d'euros . Cette augmentation découle principalement de la réforme du dispositif des ZRR et des critères de zonage, entrée en vigueur le 1 er juillet 2017 173 ( * ) .

De même, les dépenses fiscales en faveur de la Corse connaissent une tendance haussière (+ 5 millions d'euros du coût de la dépense en faveur des taux de TVA particuliers entre 2016 et 2017). Alors que le comité d'évaluation des dépenses fiscales avait fait part de ses doutes quant à l'utilité de cette dépense fiscale, la Cour des comptes, qui en recommande depuis plusieurs années l'évaluation, annonce que le CGET a proposé au ministre de la cohésion des territoires de demander au ministre de l'économie le lancement d'une mission de l'Inspection générale des finances destinée à évaluer « la pertinence de dépenses fiscales du programme 112 en faveur de la Corse », demande restée sans réponse à ce jour.

2. L'élargissement du périmètre de la mission a emporté une augmentation des restes à payer

Le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » (PICPAT) comprend majoritairement des dépenses d'intervention contractualisées ou versées sur plusieurs années : contrats de plan État-région (CPER), prime d'aménagement du territoire (PAT), pôles d'excellence rurale ou encore, depuis 2017, contrats de ruralité, financés par le Fonds national d'aménagement. Dès lors, 65 % des crédits de paiement (hors titre 2) du programme consommés en 2017 (127,5 millions d'euros) ont porté sur des engagements antérieurs à 2017 . Seuls 35 % (67,5 millions d'euros) des CP (hors titre 2) du programme ont porté sur des engagements de l'année 2017.

La gestion 2017 est marquée par une hausse importante des restes à payer, c'est-à-dire des engagements non couverts par des paiements au 31 décembre 2017. Ces restes à payer s'élèvent à 516,5 millions d'euros sur le programme 112, en hausse de 26 % par rapport à 2016 (409 millions d'euros fin 2016). Cette augmentation découle principalement de la mise en place des contrats de ruralité (138 millions d'euros, soit 27 % des restes à payer du programme). Le rapport annuel de performance annexé à la présente mission précise à ce titre que les engagements devraient faire l'objet de paiements s'étalant sur trois ou quatre années en moyenne.

Évolution des restes à payer des programmes 112 et 162

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

Écart 2017/2016

Programme 112

591,6

549,8

461,5

408,8

516,5

26,4 %

Programme 162

259,0

235,9

209,1

211,5

207,7

-1,8 %

Total

850,6

785,7

670,6

618,5

724,2

17 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des rapports annuels de performances pour 2013 à 2017)

D'autres dispositifs portés par le programme présentent également des montants élevés de restes à payer : les CPER (199 millions d'euros), et la PAT (83,4 millions d'euros). Toutefois, si l'on neutralise les restes à payer découlant des deux nouveaux dispositifs portés par le programme en 2017 (Pacte État-métropoles et contrats de ruralité), les restes à payer suivent la tendance baissière observée ces dernières années .

3. Le PITE présente le plus faible taux de consommation des crédits de paiement de la mission (70 %)

Malgré une légère amélioration par rapport à l'année 2016, le taux d'exécution en CP du programme 162 est le plus faible de la mission (70 %), principalement pour deux raisons.

D'abord, l'action 02 (« Eau et agriculture en Bretagne ») présente un taux d'exécution des CP de 60 %. Alors que 6,7 millions d'euros étaient prévus initialement en loi de finances initiale, 1,4 million d'euros de CP a été annulé dans le cadre du schéma de fin de gestion . Ces annulations ont conduit à la réduction du transfert prévu à l'agence de services et de paiement (ASP) pour l'engagement des dossiers relatifs aux mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) de 2017, dont l'instruction a débuté en 2018, et à la suppression du transfert destiné à leur paiement.

En deuxième lieu, l'exécution des crédits du programme a été ralentie, comme l'année précédente, par un rattachement trop tardif du fonds de concours versé par l'Agence de financement des infrastructures de transport (AFITF) au financement du volet « transport » du Programme exceptionnel d'Investissement (PEI) Corse . Le projet annuel de performance de la mission prévoyait un doublement des ressources disponibles sur le programme, grâce aux fonds de concours (25 millions d'euros en AE et 20 millions en CP). Le rapport annuel de performance précise que le conseil d'administration de l'AFITF ne s'est pas réuni au cours du dernier trimestre comme initialement annoncé afin de valider la programmation des opérations du PEI Corse pour 2017. La mise à disposition tardive des CP prévus pour 2017 n'a donc pas permis de réaliser les mandatements initialement envisagés. Seuls 20 millions d'euros de CP des reports issus de la gestion 2016 ont été consommés.

Les engagements non couverts par des paiements du PITE s'élèvent à 197,2 millions d'euros en 2017 . L'accumulation des retards sur le PEI a conduit le Gouvernement à présenter un amendement en commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale, le 19 mai 2018, sur le projet de loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan), afin de prolonger la durée du PEI Corse, que la commission a adopté.

Ainsi, alors qu'il avait déjà vu sa durée d'exécution prolongée de deux années par la loi « NOTRe » 174 ( * ) , le PEI pourrait de nouveau être prolongé, le décalage de l'échéance de programmation de fin 2018 à fin 2020 devant permettre à l'État d'honorer la totalité de ses engagements.

4. Des dépenses de personnel et de fonctionnement du CGET en légère hausse

Les dépenses de personnel et de fonctionnement du CGET sont portées par le programme 112.

Comme en 2016, on observe une légère sous-exécution du plafond d'emplois et des dépenses de personnel prévues en loi de finances initiale pour 2017. Fin 2017, le CGET comptait 276 équivalents temps plein travaillé (ETPT) , dont 178 contractuels, soit une baisse de 5 ETPT par rapport au plafond fixé en loi de finances initiale. Les dépenses de personnel (titre 2) s'établissent à 19,9 millions d'euros , ce qui correspond à une augmentation de 2 % par rapport à l'exécution 2016 mais à une sous-exécution de près de 4 % par rapport à la prévision initiale . Cette augmentation par rapport à l'exécution 2016 découle notamment de l'impact du coût du protocole relatif à la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations (PPCR). La sous-exécution par rapport aux prévisions initiales s'explique quant à elle par le non remboursement d'agents mis à disposition dont les états liquidatifs ne sont pas parvenus avant la fin de l'exercice.

Les dépenses de fonctionnement courant (3,7 millions d'euros en AE et CP) et les dépenses immobilières du CGET (1,8 million d'euros en AE et 4,7 millions d'euros en CP) ont quelque peu augmenté par rapport à 2016. En octobre 2017, le CGET, qui était temporairement installée à Saint-Denis, a en effet déménagé sur le site Ségur-Fontenoy , sur lequel les services du Premier ministre sont regroupés. Des économies sont attendues de cette nouvelle implantation, grâce aux mutualisations qui devraient en découler.

III. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LE PROGRAMME 147 « POLITIQUE DE LA VILLE » (RAPPORTEUR SPÉCIAL : M. PHILIPPE DALLIER)

La mission « Politique des territoires » comprenait, jusqu'à l'année 2017, le programme 147 « Politique de la ville ».

Comme l'avait souhaité votre rapporteur spécial, ainsi que son prédécesseur Daniel Raoul, rapporteur spécial pour les crédits de ce programme jusqu'en 2017, ce programme est rattaché à compter de l'année 2018 à la mission portant les crédits relatifs à la politique du logement, c'est-à-dire à la nouvelle mission « Égalité des territoires et logement ».

1. Une dépense en retrait

Le programme 147 connaît en 2016 une diminution de crédits consommés de 23,2 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit 5,96 %, et de 22,1 millions d'euros en crédits de paiement, soit 5,65 %, par rapport à l'année 2016.

Cette diminution porte principalement sur les actions 1 « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » (- 14,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et - 14,6 millions d'euros en crédits de paiement) et 2 « Revitalisation économique et emploi » (- 10,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et - 12,6 millions d'euros en crédits de paiement).

L'action 4 « Rénovation urbaine et amélioration du cadre de la vie » affiche un niveau de consommation nul en 2017, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. C'est toutefois elle qui a connu les mouvements de crédits les plus importants, avec une annulation de crédits réalisée par un décret du 21 juillet 2017.

Exécution des crédits du programme 147 « Politique de la ville » en 2017

(en euros)

Exécution
2016

Exécution
2017

Évolution
2016-2017

Loi de finances initiale
2017*

Taux de consommation
par rapport
à la prévision

Action 01
Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville

AE

301 249 019

286 565 705

- 4,87%

336 238 150

+ 85,23%

CP

301 543 906

286 906 969

- 4,85%

336 238 150

+ 85,33%

Action 02
Revitalisation économique et emploi

AE

64 771 306

54 507 000

- 15,85%

48 522 000

+ 112,33%

CP

67 061 306

54 507 000

- 18,72%

48 522 000

+ 112,33%

Action 03
Stratégie, ressources et évaluation

AE

23 188 765

25 323 920

+ 9,21%

29 913 510

+ 84,66%

CP

20 645 344

27 192 279

+ 31,71%

29 913 510

+ 90,90%

Action 04
Rénovation urbaine et amélioration du cadre de la vie

AE

399 889

ns

- 100,00%

100 036 000

ns

CP

1 445 853

ns

- 100,00%

15 036 000

ns

Total programme 147

AE

389 608 979

366 396 625

- 5,96%

514 709 660

+ 71,19%

CP

390 696 409

368 606 248

- 5,65%

429 709 660

+ 85,78%

* Y compris fonds de concours et attribution de produits

ns = non significatif

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de performances pour 2017

2. L'annulation des crédits consacrés au nouveau programme national de renouvellement urbain

Le Gouvernement avait annoncé , à l'automne 2016, le retour de l'État dans le financement de la rénovation urbaine , alors qu'il avait cessé au cours des années passées de participer au financement du programme national de rénovation urbaine (PNRU).

Cette nouvelle ambition avait été traduite dans la loi de finances pour 2017 :

- d'une part par l'augmentation à 6 milliards d'euros, contre 5 milliards d'euros précédemment, des moyens affectés jusqu'en 2014 à l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) pour la mise en oeuvre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) 175 ( * ) ;

- d'autre part, par l'inscription, en première lecture du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, d'un montant de 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et 15 millions d'euros en autorisations d'engagement pour le financement du NPNRU.

Il convient en effet de rappeler que la loi n° 2014-173 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014 a prévu le lancement d'un nouveau programme national de renouvellement urbain, faisant suite au programme national de rénovation urbaine lancé par la loi du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

Le NPNRU, qui couvre la période 2014-2024, vise en priorité les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants. Les moyens sont concentrés sur 216 quartiers d'intérêt national et 264 quartiers d'intérêt régional, mais doivent venir en complément, et non en remplacement des crédits de droits commun des autres ministères. Les crédits proviennent principalement d'Action logement.

Dans le même temps, le PNRU, dont la période d'engagement a pris fin en 2015, poursuit son application jusqu'en 2020.

Malgré les annonces faites fin 2017, le nouveau Gouvernement a décidé, dans le cadre du décret du 20 juillet 2017, d'annuler 130,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 46,5 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 147, soit respectivement 25 % et 11 % des enveloppes prévues en loi de finances initiale.

Cette annulation a porté majoritairement sur le NPNRU, dont la totalité des autorisations d'engagement et des crédits de paiement ont été annulés.

Cette décision apparaît en contradiction avec les ambitions très fortes affichées par le nouveau Gouvernement en matière de renouvellement urbain . Il a en effet affiché sa volonté d'augmenter à 10 milliards d'euros les moyens alloués au NPNRU : c'est ce qu'a réalisé l'article 132 de la loi de finances pour 2018, qui a également inscrit dans la loi le principe de la participation de l'État à hauteur de 1 milliard d'euros.

Certes, l'annulation des crédits du renouvellement urbain paraît liée à l'état d'avancement du NPNRU : la Cour des comptes note que l'année 2017 a essentiellement été consacrée à la réalisation d'études.

De fait, le projet annuel de performances de la mission « Politique des territoires », annexé au projet de loi de finances pour 2017, indiquait déjà que « L'année 2017 sera notamment consacrée à l'élaboration des protocoles de préfiguration qui permettent aux collectivités de constituer la feuille de route des projets, ainsi qu'à la négociation des premières conventions opérationnelles ». Fin novembre 2017, les protocoles de préconfiguration, qui constituent pour chaque quartier une feuille de route préalable à la signature de conventions de renouvellement urbain, étaient signés pour 91 % des quartiers d'intérêt national et 94 % des quartiers d'intérêt régional. La première convention, quant à elle, a été signée à Rennes le 16 février 2017.

NPNRU : les 450 quartiers d'intérêt national et régional

Source : Anru, dossier de presse, 31 janvier 2018.

On peut donc se demander si l'inscription en loi de finances pour 2017 de 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 15 millions d'euros en crédits de paiement n'était pas manifestement prématurée.

Il n'en reste pas moins que l'annulation des crédits est un mauvais signal envoyé aux opérateurs .

Pour 2018, la loi de finances a prévu l'attribution de 15 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 15 millions d'euros en crédits de paiement au renouvellement urbain. Ces montants sont inférieurs, en autorisations d'engagement, à ceux qui avaient été inscrits dans la loi de finances précédente. Or l'élaboration du programme est désormais plus avancée même si, comme votre rapporteur a pu le constater, le volet « co-construction » avec les conseils citoyens , qui est l'un des points les plus mis en avant du NPNRU, tarde à se mettre réellement en place dans bien des quartiers concernés .

Votre rapporteur réitère donc les interrogations qui étaient les siennes lors de l'élaboration du budget pour 2018 en rappelant que, en 2016, le conseil d'administration de l'ANRU avait dû se réunir au moins de juin pour voter un budget rectificatif prévoyant une augmentation de la contribution d'Action logement, afin de répondre à des besoins supplémentaires constatés en termes de décaissements sur le PNRU.

Pour l'avenir, les 10 milliards d'euros alloués désormais au NPNRU seraient apportés :

- par Action Logement à hauteur de 7 milliards d'euros, soit 2 milliards de plus que prévu précédemment. Cette augmentation a été inscrite dans la convention quinquennale 2018-2022 signée par l'État et Action Logement  le 16 janvier 2018 ;

- par l'État à hauteur de 1 milliard d'euros, dont 200 millions d'euros entre 2018 et 2022 ;

- par les bailleurs sociaux à hauteur de 2 milliards d'euros, un protocole d'accord ayant été signé en ce sens le 4 avril dernier.

Votre rapporteur souligne que , si la tension sur les crédits a été limitée en 2017, il faudra être vigilant sur le maintien des financements d'État au cours des prochaines années et tout particulièrement en fin de période, puisque 800 des 1 000 millions d'euros relevant de l'État devront être fournis après 2022 .

3. Les difficultés d'évaluation du coût des exonérations de charges patronales en ZFU

La Cour des comptes souligne le risque pesant sur la trajectoire de la dette de l'État au titre des exonérations de charges sociales en zones franches urbaines (ZFU) à l'égard de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) , établissement public qui assure la gestion commune et centralisée des ressources et de la trésorerie du régime général de Sécurité sociale.

Les gains et rémunérations versées en ZFU sont exonérés des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des allocations familiales ainsi que du versement de transport et de la contribution au Fonds national d'aide au logement.

Dégressives en fonction de la rémunération jusqu'à un niveau égal à deux fois le SMIC, ces exonérations s'appliquent à taux plein pendant cinq ans puis diminuent et s'annulent au bout de neuf ans. Enfin, elles sont réservées aux entreprises installées avant le 31 décembre 2014 : la transformation du dispositif des zones franches urbaines en zones franches urbaines - territoire entrepreneur (ZFU-TE) s'est accompagnée d'une disparition des exonérations de charges patronales.

De fait, les abaissements successifs du niveau des charges sur les bas salaires, ainsi que l'instauration du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), ont fait perdre une partie de leur intérêt aux baisses de charge sociales limitées à une zone géographique (ZFU, zones de revitalisation rurales...).

Le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) avait ainsi estimé à 19,6 millions d'euros seulement le montant de ces exonérations pour la construction du budget 2016. Or les dernières estimations indiquent que ce montant serait de 41,1 millions d'euros. Cette hausse inattendue a entraîné un déplacement de crédits entre la ligne consacrée aux contrats de ville et celle dédiée aux exonérations en ZFU.

Or le manque de fiabilité de ces prévisions est récurrent et révèle une réelle difficulté à assurer un paiement effectif des sommes nécessaires. L'inscription des crédits en loi de finances sous-estime chaque année les paiements effectifs et ne prend pas non plus en compte la dette passée.

Prévisions et réalisation des exonérations de charges sociales accordées dans le cadre des ZFU

Source : commission des finances, d'après des données CGET, Cour des comptes.

Les raisons de cet écart ne sont pas suffisamment connues . Or la Cour des comptes indique qu'une mission d'inspection demandée par le CGET n'a pas encore eu lieu afin de déterminer pourquoi les entreprises concernées ne basculent pas vers les exonérations de charges sociales de droit commun. Il serait utile que cette mission soit conduite afin de permettre l'apurement de cette dette, même si son montant ne met pas en danger la soutenabilité du programme dans son ensemble, et de mieux adapter à l'avenir l'autorisation donnée en loi de finances aux besoins finaux.

4. Des dépenses fiscales toujours considérables

Les dépenses fiscales rattachées au programme 147 sont évaluées à un montant de 437 millions d'euros selon le rapport annuel de performances pour 2017, dont 360 millions d'euros sur des impôts d'État et 77 millions d'euros sur des impôts locaux pris en charge par l'État, à comparer aux crédits consommés qui sont de 366,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 368,6 millions d'euros en crédits de paiement.

L'effort de l'État consacré spécifiquement aux quartiers de la politique de la ville , hors crédits de droit commun, passe donc en majorité par des dépenses fiscales .

Les deux dépenses fiscales les plus importantes sont :

- l'exonération d'impôt sur le revenu en ZFU ou ZFU-TE, pour un coût en 2017 de 196 millions d'euros, qui dépasse de 16 millions d'euros la prévision de 180 millions d'euros ;

- l'application d'un taux de TVA de 5,5 % pour les logements en accession sociale à la propriété dans les zones faisant l'objet de la politique de la ville, pour un coût de 140 millions d'euros, en croissance par rapport à 2016 (120 millions d'euros) mais quasiment identique à la prévision (139 millions d'euros).

La Cour des comptes constate une nouvelle fois qu' aucune véritable évaluation de ces mesures n'a été réalisée , malgré les dispositions des articles 22 et 23 de la loi de programme des finances publiques pour 2014-2019.

Or les effets d'aubaine de ce type de dispositif sont bien connus, ainsi que leurs limites : les exonérations d'impôt sur les sociétés ne profitent qu'aux entreprises qui dégagent un bénéfice. Il est également difficile d'éviter tout effet de « tourisme fiscal », malgré les dispositions tenant à éviter le cumul de ces dispositifs lorsqu'une entreprise se déplace d'un territoire fiscalement favorisé à un autre.

Ainsi, votre rapporteur rappelle qu'un dispositif de subventions peut produire de meilleurs résultats . C'est ce qu'a démontré l'enquête de la Cour des comptes, réalisée à la demande de la commission des finances, sur le programme « Habiter mieux » 176 ( * ) , à condition toutefois qu'un contrôle soit réalisé sur la réalité des effets de ces subventions. À cet égard, la création d'un dispositif « Habiter mieux agilité » pour des travaux moins importants ne devrait pas constituer une manière d'atteindre les objectifs chiffrés de rénovation thermique en laissant de côté l'exigence technique et environnementale.

5. Une mesure de la performance insuffisante

La mesure de la performance du programme 147 repose sur 4 indicateurs :

- indicateur 1.1 : écart entre la densité d'établissements exerçant une activité d'industrie et de commerce dans les territoires entrepreneurs et celle constatée dans les unités urbaines correspondantes ;

- indicateur 2.1 : évolution des chances de réussite scolaire des élèves scolarisés en collège REP+ dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) ;

- indicateur 3.1 : rapport entre le revenu fiscal moyen par unité de consommation des QPV et celui de leurs agglomérations

- indicateur 4.1 : taux de couverture des démolitions par des reconstructions.

L'indicateur 3.1 est particulièrement important pour la prise en compte des orientations de la politique de la ville. L'article 1 er de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine donnait en effet à cette politique l'objectif de « réduire les écarts de développement entre les quartiers défavorisés et leurs unités urbaines ». Mesuré au niveau de l'unité urbaine, il permet de prendre en compte le coût de la vie dans le territoire, qui diffère d'une région à une autre. Il est calculé par l'Insee à partir de données fiscales et sociales réunies dans le Fichier localisé social et fiscal (Filosofi).

Cet indicateur avait une valeur de 47,5 % en 2015 et 47,1 % en 2016. Malgré le léger recul de 2016, la prévision lors de l'élaboration du budget 2017 était ambitieuse avec 50 %, réduite plus tard à 49 %. La valeur réalisée n'est pas encore disponible.

Il reste donc un écart important de situation sociale entre les quartiers prioritaires de la politique de la ville et le reste de leur environnement urbain.

Votre rapporteur constate toutefois , comme le fait la Cour des comptes 177 ( * ) , que cet indicateur comporte une limite importante : il mesure un niveau global de revenu mais ne prend pas en compte leur disparité au sein des quartiers concernés.

Or la mixité sociale - ou son absence - est un enjeu majeur pour assurer une réelle intégration de ces quartiers dans la ville . Malgré les efforts des opérateurs, il reste difficile d'attirer dans ces quartiers des ménages plus aisés. Il serait donc utile qu'un indicateur, par exemple en distinguant les revenus par décile, prenne en compte l'évolution de la mixité sociale dans les quartiers de la politique de la ville, par rapport à l'ensemble de l'unité urbaine.

Une autre limite de ces indicateurs est qu'ils ne correspondent que très partiellement aux crédits budgétaires affectés au programme 147.

Le taux de couverture des démolitions par des reconstructions (indicateur 4.1) dépend de l'action de rénovation urbaine, qui n'a pas reçu de crédits d'État en 2017. L'évolution des chances de réussite scolaire des élèves (indicateur 2.1) relève d'abord des crédits de droit commun de l'éducation nationale.

Cette limite est liée à la difficulté à déterminer l'ensemble des dépenses consacrées par l'État et les autres collectivités aux quartiers prioritaires et à mesurer l'effet de levier des crédits spécifiquement inscrits au programme 147. Or l'évaluation correcte des effets des nouveaux contrats de ville, signés en application de la loi du 21 février 2014, dépend de la mesure de cet effet de levier.

MISSION « POUVOIRS PUBLICS » - M. JÉRÔME BASCHER, RAPPORTEUR SPÉCIAL

En application de l'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances 178 ( * ) , « une mission spécifique regroupe les crédits des pouvoirs publics ». Il s'agit des crédits relevant du 1° du I de l'article 5 de la même loi, dits crédits de titre 1, actuellement destinés au financement de la Présidence de la République, de l'Assemblée nationale et du Sénat - ainsi que des chaînes parlementaires -, du Conseil constitutionnel, de même que de la Cour de justice de la République. La spécificité de ces crédits se justifie au regard des principes de séparation des pouvoirs et d'autonomie des pouvoirs publics constitutionnels. À cet égard, dans sa décision du 25 juillet 2001, le juge constitutionnel avait souligné que ce dispositif devait assurer « la sauvegarde du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs » 179 ( * ) .

Récapitulation des crédits par dotation

(en euros)

Numéro et intitulé de la dotation ( prévision /consommation) (AE=CP)

2015

2016

2017

Variation 2017/2016 (en %)

Variation 2017/2015 (en %)

501 - Présidence de la République

Pr.

100 000 000

100 000 000

100 000 000

0,0%

0,0%

Cons.

100 000 000

100 000 000

100 000 000

0,0%

0,0%

511 - Assemblée nationale

Pr.

517 890 000

517 890 000

517 890 000

0,0%

0,0%

Cons.

517 890 000

517 890 000

517 890 000

0,0%

0,0%

521 - Sénat

Pr.

323 584 600

323 584 600

323 584 600

0,0%

0,0%

Cons.

323 584 600

323 584 600

323 584 600

0,0%

0,0%

541 - La Chaîne parlementaire

Pr.

35 489 162

35 489 162

34 887 162

-1,7%

-1,7%

Cons.

35 489 162

35 489 162

34 887 162

-1,7%

-1,7%

531 - Conseil constitutionnel

Pr.

10 190 000

9 920 462

13 696 974

38,1%

25,6%

Cons.

10 190 000

9 920 462

13 696 974

38,1%

25,6%

533 - Cour de justice de la République

Pr.

861 500

861 500

861 500

0,0%

0,0%

Cons.

861 500

861 500

861 500

0,0%

0,0%

TOTAL

Pr.

988 015 262

987 745 724

990 920 236

0,3%

0,3%

Cons.

988 015 262

987 745 724

990 920 236

0,3%

0,3%

Source : annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de règlement pour 2017, calculs de la commission des finances du Sénat

Les dépenses des pouvoirs publics s'illustrent à nouveau en 2017 par une grande stabilité, puisqu'elles s'établissent à un niveau très légèrement supérieur de 0,3 % à celui de l'année précédente. Le montant alloué à la Présidence de la République et aux chambres parlementaires en 2017, de même que celui de la dotation à la Cour de justice de la République, est identique à celui de 2016. Les crédits des chaînes parlementaires diminuent de 1,7 % par rapport à l'exercice précédent.

I. LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

La dotation à la présidence de la République a été stabilisée à hauteur de 100 millions d'euros en 2017, soit un montant identique aux exercices 2015 et 2016. Elle a été intégralement consommée, les charges totales de la présidence s'élevant à 103,2 millions d'euros (soit une progression de 1,57 % par rapport au niveau constaté en 2016).

La différence entre le montant total des dépenses et celui de la dotation de l'État a été financée par des ressources propres pour 1 million d'euros et par un prélèvement sur les réserves pour le reliquat (soit 2,1 millions d'euros).

Le rapport annuel de performances de la mission précise que l'exercice 2017 a été la première année de mise en oeuvre du règlement du 29 novembre 2016 déclinant le décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique 180 ( * ) , qui s'est accompagné de la mise en place d'un nouveau système d'information budgétaire et comptable.

II. LES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES

La loi de finances initiale pour 2017 prévoyait à nouveau, pour 2017, la stabilité en valeur des dotations de l'État, qui ont été reconduites à leur niveau des années antérieures (517,9 millions d'euros pour l'Assemblée nationale ; 323,6 millions d'euros pour le Sénat).

À l'Assemblée nationale, le montant total des dépenses de 2017 s'établit à 576,30 millions d'euros, soit 8,5 millions d'euros de moins que la prévision initiale, en hausse de 9,92 % par rapport à 2016.

Extrait du rapport du collège des Questeurs à la commission spéciale
chargée de vérifier et d'apurer les comptes de l'Assemblée nationale

[L'exercice 2017 constitue un] exercice particulier puisque marqué par les échéances électorales (élection présidentielle et élections législatives) qui ont entraîné une longue période d'interruption des travaux du Parlement au premier semestre. Par ailleurs, les élections législatives ont entraîné un très fort taux de renouvellement des députés (75 %).

La période d'interruption des travaux parlementaires a été mise à profit pour lancer plusieurs grandes opérations de travaux et a également entraîné la diminution des dépenses d'exploitation directement corrélées à l'activité parlementaire. Si chaque renouvellement de l'Assemblée nationale entraîne l'augmentation de certaines charges, en particulier celles liées aux ruptures de contrat des collaborateurs de députés, cette augmentation a été particulièrement forte en 2017 en raison du taux de renouvellement observé.

Cette particularité de l'exercice 2017 explique que les dépenses budgétaires totales ont augmenté de 9,92 % en 2017 (soit + 52,03 millions d'euros), pour atteindre 576,30 millions d'euros. Cette augmentation concerne à la fois la section d'investissement (+ 78,39 %, soit + 14,14 millions d'euros) et celle de fonctionnement (+ 7,48 %, soit + 37,89 millions d'euros).

Les ressources budgétaires n'ont, en revanche, que peu progressé (+ 0,66 %, soit + 3,46 millions d'euros). La dotation versée par l'État, restée au niveau qui est le sien depuis 2012 (soit 517,89 millions d'euros), représente 98,35 % de celles-ci. Les recettes propres de l'Assemblée ont très fortement progressé (+ 66,10 %, soit + 3,46 millions d'euros) pour atteindre 8,70 millions d'euros. Cette évolution s'explique par les conséquences de l'obligation pour tous les députés de la XIVème législature de reverser le reliquat non utilisé à la fin de leur mandat de leur indemnité représentative de frais de mandat (IRFM).

Ces évolutions ont entraîné un fort déficit budgétaire (- 49,71 millions d'euros), représentant 8,63 % des dépenses. Ce déficit, le plus élevé depuis 2007, fait suite au très léger déficit constaté en 2016 (- 1,14 million d'euros). Il a été financé par un prélèvement d'un même montant sur les disponibilités de l'Assemblée.

Les dépenses totales du Sénat se sont établies en 2017 à 345,0 millions d'euros, contre 324,9 millions d'euros en 2016, soit une hausse de 6,2 %. Hors dépenses liées au Jardin du Luxembourg et au Musée, les dépenses se sont établies à 333,26 millions d'euros contre 312,9 millions d'euros en 2016.

Extrait du rapport de la commission spéciale chargée d'apurer les
comptes du Sénat, sur les comptes du Sénat de l'exercice 2017

UN EXERCICE BUDGÉTAIRE MARQUÉ PAR LE TRÈS HAUT NIVEAU DES INVESTISSEMENTS, EXÉCUTÉS PARTIELLEMENT

Par rapport à 2016, le budget 2017 du Sénat, qui s'élevait à 365,1 millions d'euros, s'inscrivait en nette augmentation (+ 9,57 %) en raison principalement d'une forte progression des investissements (+ 269 %).

Celle-ci était liée au lancement d'un programme triennal de travaux de rénovations immobilières destinées à mieux répondre aux besoins des Sénateurs et aux contraintes du travail parlementaire et à diminuer les coûts liés à la location d'immeubles accueillant les services du Sénat dans les environs du Palais du Luxembourg.

Toutefois, au cours de l'exercice, une sous-exécution importante de ces investissements a été constatée (- 11,18 millions d'euros sur 34,74 millions d'euros, soit environ un tiers), causée par des retards pris dans le lancement ou la conduite de certains projets pluriannuels, qui aujourd'hui se poursuivent et dont la réalisation n'est pas remise en cause.

UNE ÉVOLUTION MAÎTRISÉE DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT DANS UNE ANNÉE MARQUÉE PAR UN RENOUVELLEMENT SÉNATORIAL ET UNE PROFONDE RÉFORME DES MODALITÉS DE FINANCEMENT DE L'EXERCICE D'UN MANDAT PARLEMENTAIRE

La perspective du renouvellement sénatorial de septembre 2017 avait été prise en compte dans l'élaboration du budget annuel, une enveloppe de 5,3 millions d'euros ayant été destinée à prendre en charge le surcoût traditionnellement lié à cette échéance.

Pour autant, la section de fonctionnement du budget achève l'exercice en sous-exécution de 7,7 millions d'euros, liée pour 2,4 millions d'euros au reversement exceptionnel du solde de l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) non dépensée par les 102 sénateurs dont le mandat s'est achevé le 30 septembre 2017 et pour le reste par une moindre augmentation des charges de fonctionnement courant et des dépenses liées à l'exercice du mandat parlementaire.

Par ailleurs, la diminution tendancielle des charges de personnel a permis de prendre en charge, sans augmentation de ce poste de dépense, la revalorisation de 0,6 % du point d'indice qui a eu lieu le 1er février 2017.

LA CONSOMMATION INTÉGRALE D'UNE DOTATION DE L'ÉTAT GELÉE POUR LE SIXIÈME EXERCICE CONSÉCUTIF

Depuis 2012, la dotation de l'État est gelée en euros courants à 323,58 millions d'euros. En 2017, les dépenses du Sénat, investissement et fonctionnement confondus, se sont quant à elles élevées à 345,12 millions d'euros. En conséquence, l'intégralité de cette dotation est consacrée à la prise en charge des dépenses de fonctionnement.

Comme les années passées, le solde de dépenses qu'elle ne couvre pas, qui s'élève à 21,54 millions d'euros, contre seulement 1,3 million d'euros en 2016, est financé par des produits budgétaires (13,09 millions d'euros) et un prélèvement sur disponibilités (8,45 millions d'euros). Le niveau de ce dernier est très largement inférieur à celui initialement prévu (31,2 millions d'euros) en raison du décalage de certains projets d'investissement.

III. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

La dotation de l'État au Conseil constitutionnel a été supérieure de 38,1 % à celle versée en 2016 (13,7 millions d'euros contre 9,9 millions d'euros).

Les dépenses du Conseil constitutionnel ont cependant été inférieures de 2,1 millions d'euros au montant de la dotation versée par l'État, en raison du report de travaux prévus au titre de l'année 2017.

L'essentiel de la hausse constatée par rapport à l'exercice 2016 provient du budget annexe, retraçant les dépenses prévues au titre de l'élection présidentielle, qui se sont élevées à 1,5 million d'euros, ainsi que de la croissance des dépenses de fonctionnement courant qui ont progressé du fait de la hausse du point d'indice de la fonction publique, de l'augmentation des dépenses inhérentes à la sécurité et du renforcement des services du Conseil. Le budget consacré aux membres a, toutefois, été maintenu inchangé et sous-exécuté à hauteur de 6,5 % en raison du départ en juin d'un membre et de l'arrivée de son remplaçant fin octobre.

La Cour de Justice de la République a reçu une dotation de 861 500 euros et a dépensé 679 794 euros. Elle a donc reversé au budget de l'État 181 706 euros par deux versements intervenus en novembre 2017 et en janvier 2018.

MISSION « RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » - MM. PHILIPPE ADNOT ET JEAN-FRANÇOIS RAPIN, RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

Globalement, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ont fait l'objet d'une consommation relativement proche de la prévision initiale en autorisations d'engagement , avec un taux d'exécution de 98,8 % et d'une sur-exécution en crédits de paiement (avec un taux d'exécution de 101 %). Les crédits consommés , au titre de l'exercice 2017, s'élèvent ainsi à 26,7 milliards d'euros, en autorisations d'engagement et à 27,2 milliards d'euros en crédits de paiement.

Entre 2016 et 2017, les dépenses constatées sur la mission sont en hausse de respectivement 1,6 % en autorisations d'engagement et 4,3 % en crédits de paiement.

En sus des crédits budgétaires mentionnés, la mission « Recherche et enseignement supérieur » bénéficie, sur 2017, de financements extra-budgétaires au titre du plan Campus - à hauteur de 9,7 milliards d'euros - et des programmes d'investissement d'avenir (PIA) - à hauteur de 18,29 milliards d'euros de ressources pour les PIA 1 et 2, et de 5,9 milliards d'euros d'autorisations d'engagement dans le cadre du PIA 3.

Par ailleurs, quinze dépenses fiscales sont rattachées à la mission dont le coût est estimé à 7,06 milliards d'euros, pour 2017, dont 5,7 milliards d'euros au titre du crédit d'impôt recherche (CIR).

Exécution des crédits de la mission par programme en 2017 (y compris fonds de concours)

(en millions d'euros et en %)

Intitulé du programme

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Écart exécution 2017 / exécution 2016

Écart exécution 2017 / LFI 2017

150

Formations supérieures et recherche universitaire

AE

12 945,5

13 264,4

13 147,5

1,56%

-0,88%

CP

12 807,5

13 226,9

13 133,6

2,55%

-0,71%

231

Vie étudiante

AE

2 577,0

2 691,4

2 642,7

2,55%

-1,81%

CP

2 546,9

2 688,1

2 643,7

3,80%

-1,65%

Total « Enseignement supérieur »

AE

15 522,5

15 955,8

15 790,2

1,72%

-1,04%

CP

15 354,4

15 915,0

15 777,3

2,75%

-0,87%

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

AE

6 274,1

6 513,9

6 537,2

4,19%

0,36%

CP

6 176,0

6 423,9

6 596,3

6,81%

2,68%

193

Recherche spatiale

AE

1 363,0

1 466,6

1 453,4

6,63%

-0,90%

CP

1 363,0

1 466,6

1 453,4

6,63%

-0,90%

190

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

AE

1 689,4

1 707,0

1 570,7

-7,03%

-7,98%

CP

1 665,3

1 713,0

1 902,5

14,24%

11,06%

192

Recherche et enseigne ment supérieur en matière économique et industrielle

AE

848,8

769,3

767,9

-9,53%

-0,18%

CP

909,4

794,6

862,3

-5,18%

8,52%

191

Recherche duale

AE

172,3

180,1

161,1

-6,50%

-10,55%

CP

166,7

180,1

166,7

0,00%

-7,44%

186

Recherche culturelle et culture scientifique

AE

117,7

115,4

111,9

-4,93%

-3,03%

CP

118,0

116,6

113,4

-3,90%

-2,74%

142

Enseignement supérieur et recherche agricole

AE

324,7

340,5

330,2

1,69%

-3,02%

CP

324,0

339,7

329,7

1,76%

-2,94%

Total « Recherche »

AE

10 790,1

11 092,8

10 932,4

1,32%

-1,45%

CP

10 722,3

11 034,5

11 424,3

6,55%

3,53%

Total général

AE

26 312,6

27 048,6

26 722,6

1,56%

-1,21%

CP

26 076,7

26 949,5

27 201,6

4,31%

0,94%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES « ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » (RAPPORTEUR SPÉCIAL : M. PHILIPPE ADNOT)

1. Un maintien des efforts budgétaires en faveur de l'enseignement supérieur

Exécution des crédits des programmes relatifs à l'enseignement supérieur en 2017

(en millions d'euros et en %)

Intitulé du programme

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Écart exécution 2017 / exécution 2016

Écart exécution 2017 / LFI 2017

150

Formations supérieures et recherche universitaire

AE

12 945,5

13 264,4

13 147,5

1,56%

-0,88%

CP

12 807,5

13 226,9

13 133,6

2,55%

-0,71%

231

Vie étudiante

AE

2 577,0

2 691,4

2 642,7

2,55%

-1,81%

CP

2 546,9

2 688,1

2 643,7

3,80%

-1,65%

Total « Enseignement supérieur »

AE

15 522,5

15 955,8

15 790,2

1,72%

-1,04%

CP

15 354,4

15 915,0

15 777,3

2,75%

-0,87%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La loi de finances pour 2017 avait doté l'enseignement supérieur (programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et programme 231 « Vie étudiante ») de crédits en forte progression , par rapport à 2016, avec 15,9 milliards d'euros inscrits en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour 2017 (respectivement + 2,85 % et + 3,71 %).

L'exécution budgétaire sur 2017 confirme les efforts réalisés en faveur de cette mission. Ainsi, les programmes consacrés à l'enseignement supérieur enregistrent un fort taux de consommation, avec 99 % en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Par rapport à l'exécution 2016, les crédits consommés en 2017 progressent également de 1,72% en autorisation d'engagement et de 2,75% en crédits de paiement.

Mouvements de crédits opérés au sein des programmes 150 et 231 en 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du ministère du budget

S'agissant des mouvements de régulation budgétaire , le programme 150 bénéficie d'un certain nombre de règles dérogatoires du droit commun concernant la réserve de précaution. Une mise en réserve forfaitaire est appliquée aux crédits consacrés aux opérateurs , lesquels représentent 12,5 milliards d'euros (AE=CP), soit plus de 80 % des autorisations d'engagement et des crédits de paiement inscrits sur le programme en loi de finances initiale. La Cour des comptes estime ainsi, dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission, que cette dérogation exonère les opérateurs de l'essentiel de leurs efforts en matière de réserve puisque la mise en réserve aurait dû s'élever - selon les calculs de la Cour des comptes - à plus de 250 millions d'euros pour les seules subventions allouées aux universités (environ 10,5 milliards d'euros).

Toutefois, bien que les crédits alloués à l'enseignement supérieur soient en hausse, les programmes 150 et 241 ont fait l'objet, en cours de gestion, d'annulations plus importantes qu'en 2016 . Alors que 33,4 millions d'euros en crédits de paiement avaient été annulés par décret d'avance en 2016, ce sont 163,4 millions d'euros qui ont été annulés par les décrets d'avance de juillet et novembre 2017 . Toutefois, compte tenu des ouvertures de crédit dont ont également bénéficié les programmes, le solde des mouvements intervenus s'élève à - 80 millions d'euros.

2. Des financements extra-budgétaires conséquents

En sus des crédits budgétaires mentionnés, l'enseignement supérieur a bénéficié, en 2017, de crédits issus des programmes d'investissement d'avenir (1,2 181 ( * ) et 3), dont 2,9 milliards d'euros d'autorisations d'engagement dans le cadre du PIA 3. Tout en se félicitant des crédits supplémentaires ainsi accordés à l'enseignement supérieur, votre rapporteur regrette - comme il l'a souligné à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2017 - l'absence de crédits de paiement associés en 2017, dans le cadre du PIA 3.

Exécution des crédits du programme 421 du PIA 3 en 2017 (en AE)

PL2017

Exécution 2017

Taux de consommation

PROGRAMME 421
« SOUTIEN DES PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE »

action 01 «Nouveaux cursus à l'université»

250

250

100 %

action 02 « Programmes prioritaires de recherche

400

400

100 %

action 03 «Équipements structurants de recherche

350

350

100 %

action 04 «Soutien des grandes universités de recherche»

700

700

100 %

action 05 «Constitution d'écoles universitaires de recherche»

300

300

100 %

action 06 «Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques»

400

0

0 %

action 07 «Territoires d'innovation pédagogique»

500

0

0 %

Sous-total

2 900

2 000

69 %

(en millions d'euros et en %)

Source : Contribution de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial de la mission « Investissements d'avenir »

L'exécution révèle que le programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche », qui tend à soutenir l'investissement dans l'enseignement, principalement dans l'enseignement supérieur et la recherche, enregistre le taux de consommation le plus élevé (69 %), malgré l'absence d'engagements 182 ( * ) en 2017 pour l'action 06 « Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques » . Cette action -qui vise à renforcer l'autonomie des universités, des écoles ou de leurs regroupements en soutenant les établissements qui souhaitent expérimenter de nouveaux modes de gestion leur permettant de valoriser l'ensemble de leurs compétences et de leurs actifs - repose sur des financements correspondant à des prises de participation au capital de ces entreprises par l'État. L'absence d'engagement sur 2017 s'explique par la parution tardive de la convention du 29 décembre 2017 entre l'État et la Caisse des dépôts et consignations.

Votre rapporteur regrette la signature tardive de cette convention, mais salue les efforts financiers entrepris et se félicite de l'ouverture, au titre du projet de loi de finances pour 2018, de crédits de paiement à hauteur de 142,5 millions d'euros , qu'il espère cependant voir consommés.

3. Un manque de visibilité sur la mise en oeuvre des 5 000 emplois nouveaux et une sous-consommation récurrente du plafond d'emploi

Sous le précédent quinquennat avait été mis en oeuvre un plan de création de 5 000 emplois , dont le coût cumulé est estimé par la Cour des comptes à 735 millions d'euros . Le projet de loi de finances pour 2017 prévoyait ainsi la création de 1 000 emplois nouveaux correspondant à la somme de 58,9 millions d'euros (dont 21,6 millions d'euros au titre du CAS « Pensions »).

D'après une enquête réalisée par la direction générale de l'enseignement supérieur et de la recherche auprès des établissements, 74 % des emplois auraient été effectivement créés depuis 2013 sur les emplois nouvellement notifiés. Votre rapporteur regrette néanmoins que le ministère ne puisse apporter plus de précisions quant à la mise en oeuvre effective de ces emplois nouveaux. Lors de l'examen des crédits pour 2017, il avait estimé « qu'il n'était pas acquis que ces emplois soient réellement créés ni certain que, lorsqu'ils le sont, ils conduisent véritablement à améliorer l'encadrement et les conditions d'enseignement des étudiants ».

Par ailleurs, il apparaît que les plafonds d'emplois des opérateurs du programme 150 restent largement sous-consommés , y compris en tenant compte des emplois hors plafonds. La réalisation totale des emplois sous plafond État atteint 153 199 ETPT en 2017 , soit une sous-consommation de 11 498 ETPT. Cette sous-consommation concerne majoritairement les catégories d'opérateurs « universités et assimilés » pour 9 618 ETPT, « écoles et formations d'ingénieurs » pour 850 ETPT et « autres opérateurs » pour 753 ETPT. Elle s'explique, de façon structurelle, par un taux de vacance frictionnel des emplois et par le fait que les communautés d'universités et établissements ( Comue) ont bénéficié en cours d'année de transferts d'emplois internes au programme qui ne pouvaient être prévus en loi de finances initiale.

4. Une sous-consommation des crédits consacrés aux aides directes aux étudiants, contrastant avec les années précédentes

Les aides directes aux étudiants , dont les crédits sont regroupés au sein de l'action 01 « Aides directes » du programme 231 « Vie étudiante » , représentent près de 83 % des crédits du programme . Alors que cette action avait fait l'objet d'une sur-exécution en 2016, les crédits consommés au titre de l'exercice 2017 (2,23 milliards d'euros) sont largement inférieurs aux crédits prévus en loi de finances initiale (2,26 milliards d'euros).

Répartition des dépenses d'aides sociales directes versées aux étudiants

(en millions d'euros)

Intitulé

Montants prévus (AE=CP)

Évolution

Crédits prévus en LFI 2017

Crédits consommés en 2017

Écart crédits consommés/crédits prévus en LFI

Bourses sur critères sociaux

2 051,90

2 041,62

- 0,50%

Aides au mérite

44,11

49,94

13,22%

Aides à la mobilité internationale

25,70

24,19

- 5,88%

Aides spécifiques

48,78

41,87

- 14,17%

Aide à la recherche du premier emploi (ARPE)

58,00

33,66

- 41,97%

Aide à la mobilité en Master

0,00

6,00

_

Grande école du numérique

0,00

1,50

_

Total

2 228,49

2 198,78

- 1,33%

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Cette sous-consommation s'explique principalement par :

- la sous-utilisation des crédits dédiés aux bourses sur critères sociaux, en raison d'un effectif réel de boursiers inférieur aux prévisions et de la mise en oeuvre d'une circulaire183 ( * ) sur les modalités d'attribution des bourses qui prévoit que les dépôts de dossiers de bourses après le 3 octobre ne font plus l'objet de paiements rétroactifs.

Votre rapporteur regrette néanmoins qu'aucune mesure forte n'ait été encore prise pour renforcer le contrôle d'assiduité et de présence aux examens des étudiants boursiers , contrepartie pourtant essentielle au versement des aides financières. Comme votre rapporteur spécial avait notamment pu le mettre en évidence dans le cadre d'un rapport d'information sur ce thème, les dispositifs actuellement mis en place par certains établissements universitaires (et selon les filières) ne garantissent en rien que les bénéficiaires de ces aides poursuivent effectivement leurs études 184 ( * ) , créant aussi, par la même occasion, une inégalité de traitement entre les boursiers.

- un surdimensionnement de l'aide à la recherche du premier emploi (ARPE) , qui a été créée par la loi du 8 août 2016 185 ( * ) à compter de la rentrée universitaire 2016, pour les jeunes de moins de 28 ans. Elle a pour objet l'accompagnement financier de la période d'insertion professionnelle entre la sortie des études et l'accès au premier emploi. Cette sous-consommation des crédits liés à l'ARPE n'étonne pas votre rapporteur qui avait pointé le risque de surestimation du dispositif lors de l'examen des crédits proposés par le projet de loi de finances pour 2017 . Les crédits prévus, lors de la loi de finances pour 2018, sont ainsi en baisse de 15 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.

5. Un meilleur suivi des regroupements d'établissements est nécessaire

Le regroupement d'universités et d'établissements a été renforcé par l'article L. 718-2 du code de l'éducation qui, issu de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche 186 ( * ) , crée une obligation de se regrouper à tous les établissements, en optant pour une fusion, une association ou une communauté d'universités et établissements (Comue).

La coopération entre les universités et les autres établissements d'enseignement supérieur ne peut qu'être soutenue , dès lors qu'elle aboutit à une mutualisation des moyens , améliore l'offre proposée et, éventuellement, rend les établissements plus visibles à l'échelle internationale . Pour autant, votre rapporteur spécial n'est personnellement pas convaincu du fait que le regroupement d'établissements tendant à « faire nombre » constitue réellement un atout pour développer l'excellence.

Par ailleurs, comme il n'a pas manqué de le signaler dans le cadre de l'examen des précédentes lois de finances, il convient de rester vigilant quant à la création de ces « superstructures » qui pourraient mener à plus de complexité et induire des coûts de fonctionnement importants . Il regrette, à l'instar de la Cour des comptes, dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission, que le ministère ne dispose pas de cadre d'analyse, ni de suivi spécifique de ces coûts . Votre rapporteur sera attentif aux conclusions du rapport de l'IGAENR en cours sur les conséquences des fusions d'établissements.

6. Des progrès à réaliser s'agissant de la mesure de la performance

La mesure de la performance, s'agissant de la mission « Enseignement supérieur », à l'instar d'autres politiques publiques, conduit à formuler des observations de deux ordres:

- la nécessité de définir des indicateurs pertinents permettant de juger de la performance des établissements d'enseignement supérieur ;

- la prise en compte des résultats de ces indicateurs de performance dans le financement des établissements.

Si l'on observe les indicateurs actuels de la mission, il semble qu'ils rendent difficiles la mesure de la performance. Les programmes relatifs à l'enseignement supérieur comptent 9 objectifs, 23 indicateurs et 49 sous-indicateurs. Le rapport annuel de performances leur consacre 31 pages et pourtant, il est difficile d'appréhender, par eux-mêmes, la mesure de la performance de la politique gouvernementale en matière d'enseignement supérieur , en particulier pour le programme 150.

Dans le cadre de son contrôle budgétaire en cours sur la prise en compte de la performance dans le financement des universités , votre rapporteur réfléchit à la mise en place d'indicateurs pertinents permettant de mesurer la performance des établissements, s'agissant notamment de la réussite étudiante. Il ne s'agit pas de multiplier ces indicateurs mais de définir des outils fiables et utiles.

Parmi les indicateurs qui pourraient être pertinents , figurent la mesure de l'insertion professionnelle des étudiants dès six mois après leur diplôme, en complément des données déjà disponibles à 36 mois, mais également la mesure d'objectifs plus qualitatifs, tels que l'adéquation entre l'insertion professionnelle et la formation initiale de l'étudiant, ou la qualité des enseignements et des enseignants . Des indicateurs pertinents permettront ainsi une comparaison plus aisée des établissements, et in fine une prise en compte facilitée de leur performance dans la répartition de leur dotation.

Votre rapporteur regrette, en effet, l'absence de corrélation entre l'atteinte des cibles et le niveau des moyens alloués par l'État . La France ne dispose toujours pas de modèle d'allocation des moyens à la performance pour les universités. Le modèle SYMPA (Système de répartition des moyens à la performance et à l'activité) - mis en oeuvre en 2009 afin de répartir les moyens alloués par l'État aux universités selon des critères liés à l'activité et la performance de l'établissement - n'est plus utilisé que pour identifier les établissements bénéficiant de financement supplémentaires au titre des 5 000 créations d'emplois. Les écoles d'ingénieurs bénéficient, elles, d'un modèle appelé MODAL , système de répartition d'une enveloppe de moyens entre établissements, établie également à partir de critères d'activité et de performance.

Le contrôle budgétaire en cours de votre rapporteur conclura à des propositions et recommandations sur ce sujet .

III. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES « RECHERCHE » (RAPPORTEUR SPÉCIAL : M. JEAN-FRANÇOIS RAPIN)

1. Un soutien budgétaire à la recherche en hausse en 2017

Dans un contexte de forte contrainte budgétaire , les programmes « Recherche » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ont bénéficié en 2017 d'une forte hausse des crédits alloués en loi de finances initiale.

La somme des crédits des programmes « Recherche » votés par le Parlement, hors attributions de produits et fonds de concours et hors programme d'investissements d'avenir, s'élevait ainsi à 11,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 11 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 3,5 % en AE et de 2,4 % en CP par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2016. Les crédits consacrés à la recherche ont ainsi représenté 3,45 % des dépenses du budget général de l'État en 2017 .

Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » , principal programme consacré à la recherche en France, est le principal bénéficiaire de cette augmentation. En 2017, les crédits du programme 172 ont ainsi connu une hausse très substantielle de 269,6 millions d'euros en AE (+ 4,3 %) et de 174,9 millions d'euros en CP (+ 2,8 %) , pour atteindre 6,5 milliards d'euros en AE et 6,4 milliards d'euros en CP.

Exécution des crédits des programmes « recherche » en 2017
(y compris fonds de concours)

(en millions d'euros et en %)

Intitulé du programme

Crédits exécutés 2016

Crédits votés

LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Écart exécution 2017 / exécution 2016

Écart exécution 2017 / LFI 2017

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

AE

6 274,1

6 513,9

6 537,2

+4,19%

+0,36%

CP

6 176,0

6 423,9

6 596,3

+6,81%

+2,68%

193

Recherche spatiale

AE

1 363,0

1 466,6

1 453,4

+6,63%

-0,90%

CP

1 363,0

1 466,6

1 453,4

+6,63%

-0,90%

190

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

AE

1 689,4

1 707,0

1 570,7

-7,03%

-7,98%

CP

1 665,3

1 713,0

1 902,5

+14,24%

+11,06%

192

Recherche et enseigne ment supérieur en matière économique et industrielle

AE

848,8

769,3

767,9

-9,53%

-0,18%

CP

909,4

794,6

862,3

-5,18%

+8,52%

191

Recherche duale

AE

172,3

180,1

161,1

-6,50%

-10,55%

CP

166,7

180,1

166,7

0,00%

-7,44%

186

Recherche culturelle et culture scientifique

AE

117,7

115,4

111,9

-4,93%

-3,03%

CP

118,0

116,6

113,4

-3,90%

-2,74%

142

Enseignement supérieur et recherche agricole

AE

324,7

340,5

330,2

+1,69%

-3,02%

CP

324,0

339,7

329,7

+1,76%

-2,94%

Total « Recherche »

AE

10 790,1

11 092,8

10 932,4

+1,32%

-1,45%

CP

10 722,3

11 034,5

11 424,3

+6,55%

+3,53%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Une sur-exécution traduisant une budgétisation initiale insuffisante, compensée par d'importants mouvements de crédits

En 2016, le montant des crédits consommés consacrés à la recherche avait été inférieur de 0,8 % aux crédits votés en loi de finances initiale.

En 2017, les crédits de paiement des programmes « Recherche » ont été, en exécution, supérieurs de 3,53 % aux crédits votés en loi de finances initiale et de 6,55 % aux crédits exécutés en 2016 .

Taux d'exécution des crédits des programmes « Recherche »

Intitulé du programme

Taux d'exécution par rapport aux crédits votés en LFI 2017

Taux d'exécution par rapport aux crédits ouverts

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

AE

100,36%

99,96%

CP

102,68%

99,99%

193

Recherche spatiale

AE

99,10%

100,00%

CP

99,10%

100,00%

190

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

AE

92,02%

99,97%

CP

111,06%

100,00%

192

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

AE

99,82%

93,10%

CP

108,52%

96,04%

191

Recherche duale

AE

89,45%

96,64%

CP

92,56%

100,00%

186

Recherche culturelle et culture scientifique

AE

96,97%

98,50%

CP

97,26%

98,87%

142

Enseignement supérieur et recherche agricole

AE

96,98%

78,19%

CP

97,06%

98,98%

Total « Recherche »

AE

98,55%

98,56%

CP

103,53%

99,64%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La prévision initiale en loi de finances s'est ainsi révélée largement insuffisante, traduisant une sous-budgétisation globale de la mission , en particulier de ses programmes 172 (Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires), 190 (Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables) et 192 (Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle).

S'agissant du programme 172 , qui dépend du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, la sous-budgétisation initiale (2,68 % en CP) concerne principalement, une nouvelle fois, les contributions aux organisations scientifiques internationales et aux très grandes infrastructures de recherche (TGIR) (voir infra ). Cette lacune, constatée en début d'exercice, a néanmoins été partiellement compensée dès le mois de mars 2017 par un arrêté de report de crédits entrant à hauteur de 153 millions d'euros .

S'agissant des programmes 190 et 192 , les taux d'exécution s'élèvent respectivement à 111,1 % et 108,5 % en CP rapportés à la LFI 2017 . Ces dépassements s'expliquent principalement par les effets de deux dispositifs non programmés en loi de finances initiale (dont le fonds de concours NANO, rattaché au programme 192 mais financé par la Caisse des dépôts et consignations), ainsi que par l'augmentation tendancielle des dépenses liées au dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI). Les taux d'exécution retombent ainsi respectivement à 1 00 % et 96 % lorsqu'ils sont rapportés aux crédits ouverts , en raison d'un versement respectivement de 270 millions d'euros et 77 millions d'euros de CP effectué par voie de fonds de concours au profit de ces deux programmes.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion pendant l'exercice 2017

(en millions d'euros)

Programme

Crédits LFI 2017

Reports entrants hors FDC

Reports entrants sur crédits FDC

Transferts et virements

Décrets d'avance

Décrets d'annulation

LFR 2017

Fonds de concours et attributions de produits

Reports sortants

Crédits consom-més

Taux d'exécution crédits consommés/crédits prévus en LFI

142

339,7

0,00

0,00

0,07

-6,57

0,00

-0,10

0,00

0,00

329,7

97,1%

172

6 423,9

153,00

0,04

1,01

-33,48

0,00

50,80

1,75

-0,73

6 596,3

102,7%

186

116,6

0,11

0,44

0,00

-5,05

0,00

0,00

2,61

-1,27

113,4

97,3%

190

1 713,0

0,00

0,00

0,09

-8,79

-71,76

0,00

269,98

0,00

1 902,5

111,1%

191

180,1

5,40

0,00

0,00

-18,77

0,00

0,00

0,00

0,00

166,7

92,6%

192

794,6

7,72

47,42

41,10

-70,38

0,00

0,00

77,40

-34,64

862,3

108,5%

193

1 466,6

0,00

0,00

0,00

-13,15

0,00

0,00

0,00

0,00

1 453,4

99,1%

Total programmes « Recherche »

11 034,5

166,23

47,91

42,27

-156,19

-71,76

50,8

351,75

-36,63

11,42

101,2%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

3. Programme 172 : une sous-budgétisation chronique du financement des très grandes infrastructures de recherche qui porte atteinte au principe de sincérité budgétaire

Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » constitue le support principal des politiques de recherche en France , puisqu'il représente 6,60 milliards d'euros en exécution en 2017, soit environ 60 % des crédits de paiement exécutés en matière de recherche .

Ce programme porte notamment les subventions de l'État en faveur des principaux organismes de recherche publics - CEA, CNRS, INRA, INRIA ou bien encore INSERM - et assure le financement des très grandes infrastructures de recherche (TGIR) . Le crédit d'impôt recherche (CIR) est également rattaché à ce programme stratégique (voir infra ).

Comme en 2014, 2015 et 2016, les crédits destinés au financement des contributions de la France aux organisations scientifiques internationales (OSI) et aux très grandes infrastructures de recherche (TGIR) ont été sous-budgétés . Après constitution de la réserve de précaution et mouvements de reports, les ressources prévisionnelles apparaissaient en effet nettement inférieures aux prévisions de dépenses, conduisant à une nouvelle impasse de 224,64 millions d'euros en AE et 222,13 millions d'euros en CP , en forte augmentation par rapport à 2016 (131,5 millions d'euros en AE et de 130,6 millions d'euros en CP), alors même que les crédits destinés aux OSI sont considérés comme des dépenses inéluctables et obligatoires (DIO) au sens de l'article 95 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

De fait, cette sous-budgétisation récurrente constitue une atteinte au principe de sincérité budgétaire que votre rapporteur spécial ne peut que déplorer. Couplé au circuit de financement complexe des TGIR, ce constat a conduit votre commission des finances à demander à la Cour des comptes la réalisation, en application de l'article 58-2 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, d'une enquête portant sur le financement et le pilotage des très grandes infrastructures de recherche , qui lui sera remise au premier semestre 2019.

4. Crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR) : un coût en hausse constante, une évaluation toujours en attente

Alors qu'il avait représenté une dépense fiscale de 5,27 milliards d'euros en 2015 et de 5,55 milliards d'euros en 2016 , le crédit d'impôt recherche (CIR) , deuxième dépense fiscale du budget de l'État , a atteint 5,71 milliards d'euros en 2017, soit une hausse de 2,9 %. Il représente à lui seul un peu plus de la moitié des dépenses fiscales de la MIRES et 6,1 % de la totalité des dépenses fiscales , un chiffre stable depuis 2014.

Grâce notamment à la dématérialisation de la déclaration de CIR ainsi qu'à l'actualisation des données relatives aux créances fiscales , le chiffrage du CIR semble de plus en plus fiable , ce dont votre rapporteur spécial se félicite. Tout comme la Cour des comptes, il déplore néanmoins que son efficacité au regard de l'augmentation de la dépense intérieure de recherche et de développement des entreprises (DIRDE) demeure difficile à mesurer . Ainsi que le relève la Cour dans sa note d'exécution budgétaire, l'effet multiplicateur du CIR n'apparaît pas, pour l'heure, clairement établi.

Un appel à projets de recherche pour « évaluer les effets du crédit d'impôt recherche », auquel a contribué le ministère, a été lancé en juin 2016 par la Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation (CNEPI). Trois sujets d'études retenus devraient ainsi être publiés d'ici la fin de l'année 2018. Une nouvelle d'étude d'impact du CIR , menée par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur des données postérieures à 2009 (intégrant les effets de la réforme du dispositif en 2008) et qui aurait dû aboutir en 2017, ne devrait finalement être publiée que courant 2018 .

Votre rapporteur spécial regrette que ce document n'ait toujours pas été finalisé et s'associe à la recommandation de la Cour des comptes, déjà formulée en 2016, d'achever cette étude d'impact dans les meilleurs délais .

Votre rapporteur spécial estime en outre que l'indicateur de performance 2.3 « Mesures de l'impact du crédit d'impôt recherche » demeure, en tout état de cause, trop imprécis pour permettre d'évaluer les effets véritables du CIR sur les dépenses de R&D des entreprises privées. À cet égard, il encourage donc l'administration à poursuivre l'amélioration du chiffrage du CIR , ce qui passe notamment par la dématérialisation totale de la déclaration de CIR , qui ne concerne à ce stade que 64 % des déclarants.

5. Une architecture budgétaire perfectible

La partie « Recherche » de la mission, qui comprend en 2017 sept programmes rattachés à six ministères, continue de souffrir d'une architecture budgétaire complexe la rendant peu lisible .

La masse salariale est ainsi essentiellement financée en crédits de titre 3 , au niveau des opérateurs, seuls les programmes 192 (« Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle ») et 142 (« Enseignement supérieur et recherche agricoles ») étant directement dotés de crédits de titre 2. Cette particularité est principalement liée au versement d'une dotation de service public aux organismes de recherche et aux universités, qui demeurent des opérateurs largement autonomes. Elle empêche toutefois la consolidation d'informations concernant la masse salariale globale de la mission, compliquant ainsi la programmation budgétaire et le pilotage y afférents.

La lisibilité de la partie « Recherche » de la mission est également brouillée par la part importante de ses crédits extrabudgétaires, principalement issus des programmes d'investissements d'avenir (PIA) , qui visent en partie des actions relevant de la MIRES 187 ( * ) . Ces crédits ont représenté 1,22 milliards d'euros de ressources supplémentaires en 2017 (867 millions d'euros de dépenses directes annuelles et 356 millions d'euros de rémunération annuelle des dotations non consommables), soit l'équivalent de plus de 10 % des crédits des programmes « Recherche » de la mission .

Ces crédits étant toutefois regroupés au sein d'une mission particulière du budget général (« Investissements d'avenir ») et faisant l'objet d'un mode de gestion spécifique 188 ( * ) , le suivi de leur articulation avec les crédits de la MIRES est peu aisé. La mise en place d'outils de suivi annuel des crédits PIA dépensés par opérateur de la MIRES s'avère donc indispensable afin d' assurer la traçabilité et d'évaluer l'utilisation des crédits du PIA en faveur de la recherche .

MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE » ET CAS « PENSIONS » - MME SYLVIE VERMEILLET, RAPPORTEURE SPÉCIALE

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION «  RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE » EN 2017

La mission « Régimes sociaux et de retraite » regroupe les subventions versées par l'État à certains régimes spéciaux en déséquilibre démographique et comporte, à ce titre, presque exclusivement des crédits de titre 6 (dépenses d'intervention).

Ces régimes correspondent à des entreprises (SNCF, RATP, SEITA...) ou à des professions (marins, mineurs...) considérées comme dotées de caractéristiques particulières du fait d'une diversité de facteurs propres à leur histoire, leurs équilibres, la nature des professions exercées...

Certains sont dits « ouverts » c'est-à-dire qu'ils renouvellent leur population quand d'autres dits « fermés » n'accueillent plus de nouveaux cotisants et sont appelés à s'éteindre plus ou moins rapidement.

Les dépenses budgétaires en provenance de la mission, qui ne couvre que certains des régimes spéciaux de retraite, s'élèvent en 2017 à 6,3 milliards d'euros .

À titre d'illustration, cette somme représente 11 % des dépenses de pensions autorisées dans le cadre du compte d'affectation spéciale « Pensions » ou encore, pour la comparer avec une autre mission budgétaire dédiée à des dépenses de transferts vers les ménages, deux fois et demi les dépenses d'intervention de la mission « Anciens combattants ».

Les dépenses de la mission ne financent pas la totalité des prestations servies par les régimes spéciaux mais seulement les déséquilibres financiers, assez différenciés selon les cas, entre les prestations qu'ils servent et leurs ressources propres.

Au niveau de la mission, qui comporte trois programmes d'importance inégale, les dépenses ont été globalement conformes aux crédits initialement programmés pour 2017 , moyennant un léger ajustement en gestion entre les programmes qu'elle regroupe.

La hausse des dépenses par rapport à l'exercice précédent se révèle plus apparente que réelle puisqu'elle provient d'une modification du périmètre de la mission alourdie par la charge nouvelle de contribuer au financement du régime complémentaire obligatoire des exploitants agricoles.

A. UNE EXÉCUTION PRESQUE CONFORME AUX PRÉVISIONS AU PRIX DE QUELQUES ADAPTATIONS EN GESTION

Au cours de l'exercice 2017, les crédits programmés ont connu des taux d'exécution élevés, manifestation d'une programmation budgétaire globalement satisfaisante. Quelques ajustements, mineurs, ont été nécessaires, au-delà de la loi de finances initiale afin de compenser la sous-dotation des besoins de financement de la caisse de retraite de la SNCF, qui se révèle récurrente. La pleine consommation des crédits a contraint les gestionnaires à lever la réserve de précaution, qui apparaît comme d'application largement virtuelle s'agissant d'une mission budgétaire chargée de financer des droits sociaux.

Dans ces conditions, la contribution de la mission au bouclage des objectifs macrofinanciers a été nulle.

1. Des dépenses globales très proches des crédits programmés...

L'écart entre la prévision de dépenses et l'exécution a été très faible ces trois dernières années.

En 2015, la dépense n'avait été supérieure aux crédits votés en loi de finances initiale que de 38 millions d'euros, soit un écart minime de 0,5 %. En 2016, l'exécution avait été « nominale ».

Pour l'exercice 2017, un léger dépassement des crédits ouverts en loi de finances initiale se traduit par une consommation en excédent de 23 millions d'euros (0 ,4 % des crédits initiaux).

En 2016, l'écart entre les crédits de la mission et les dépenses est nul .

Données l'exécution des crédits de la mission entre 2015 et 2017

(en millions d'euros)

Exécution 2015

Exécution 2016

Crédits votés en LFI 2017

Crédits ouverts en 2017

Exécution 2017

Dépenses 2017/2016

Dépenses 2017/ crédits votés en 2017

Programme 198 « Régimes sociaux de retraite et transports terrestres »

4 089

4 066

4 049

4 075

4 075

+ 9

+ 26

Programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins »

853

825

828

828

828

+ 3

0

Programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers »

1 510

1 429

1 430

1 427

1 427

- 2

- 3

Total

6 452

6 320

6 307

6 330

6 330

+ 10

+ 23

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport annuel de performances de la mission « Régimes sociaux et de retraite » annexé au projet de loi de règlement pour 2016 et 2017)

2. ... au prix d'adaptations en gestion, mineures mais récurrentes en leur nature
a) Le besoin de financement du régime de retraite plus important que prévu a suscité des ajustements

Les crédits initialement ouverts au titre du régime de retraite des personnels de la SNCF n'ont, une fois encore, pas suffi.

Lors des deux exercices précédents, des abondements avaient dû intervenir. En 2015, un déficit supplémentaire de près de 81 millions d'euros par rapport aux prévisions budgétaires avait dû être financé. En 2016, 51 millions d'euros avaient, à nouveau été dégagés pour combler le déficit de la programmation initiale, dont 16 millions d'euros prélevés sur la dotation prévisionnelle programmée au bénéfice de la Caisse de la RATP.

En 2017, la consommation des crédits a excédé de 18,3 millions d'euros les dotations de la loi de finances.

Ce besoin a été couvert par un ajustement des crédits du programme 198 pour un total de 25,8 millions d'euros (3,9 millions venant du programme 195 et 21,8 millions d'euros ayant été ouverts en loi de finances rectificative).

La partie de ces dotations complémentaires non allouée à la CPRPSNCF a été fléchée vers le financement du régime de congé de fin d'activité des conducteurs routiers. Ce régime a connu des dépenses encore supérieures à la prévision (122,9 millions d'euros contre 115,4 millions d'euros).

En ce qui concerne le transfert entre le programme 195 et le programme 198, votre rapporteure spéciale rappelle que, dans son analyse de l'exécution budgétaire, la Cour des comptes s'interroge sur la conformité de ce transfert aux dispositions de la loi organique sur les lois de finances (article 12-2° de la loi organique) dans la mesure où les objets initial et final des crédits transférés pourraient être considérés comme différents. Elle en conclut que ce mouvement de crédits aurait dû passer par un décret d'avance ou par une loi de finances rectificative.

Votre rapporteure spéciale prend acte de l'observation de la Cour des comptes et recommande qu'à l'avenir, si les conditions en sont réunies, des mouvements de crédits de cette nature empruntent les voies prévues par la loi organique.

b) Certains ajustements ont été quelque peu précipités

Il convient, en premier lieu, de rappeler que la discussion budgétaire a été marquée par l'ouverture de 55 millions d'euros pour couvrir les besoins financiers du régime complémentaire des exploitants agricoles (RCO) consécutive à un amendement du Gouvernement présenté en deuxième lecture du projet de loi de finances. Les crédits du programme 195 en ont été abondés d'autant et la mission budgétaire a dû prendre en charge un nouveau chef de dépenses avec le financement du déséquilibre d'un régime complémentaire, s'ajoutant à sa vocation traditionnelle de subventionner des régimes spéciaux dans toutes leurs composantes.

Cette mesure présentée comme provisoire car devant combler un déficit de trésorerie ponctuel, en lien avec le processus de revalorisation des retraites agricoles, et devant être remplacée par l'inscription de ressources supplémentaires au titre des taxes affectées a finalement été prolongée par la loi de finances pour 2018.

En second lieu, l'adoption de l'article 34 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ayant pour effet de priver l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM) de 15 millions d'euros de recettes correspondant aux droits sur les tabacs (dont la moitié versée au régime de retraite) n'avait pas été anticipé par la loi de finances. Dans ces conditions, la trésorerie de l'établissement a dû être sollicitée (6 millions d'euros) pour couvrir le surcroît de besoin de financement associé à cette mesure.

Ce palliatif ne fait que prolonger une tendance par laquelle à la dépense budgétaire est substituée la mobilisation du fonds de roulement de l'établissement. Celui-ci qui atteignait 98 millions d'euros à fin 2015 n'est plus que de 30,7 millions d'euros au terme de l'exercice 2017 (soit une économie budgétaire de 67,3 millions d'euros en deux ans).

c) Peu de mouvements internes aux programmes, mais des reports de charges liés à la gestion de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM)

Alors que des redéploiements de moyens importants avaient caractérisé l'exécution interne du programme 198 en 2016, l'année n'a été marquée que par peu de transferts entre les différentes actions du programme : 2 millions d'euros au total au profit de la CPRPSNCF et du gestionnaire du régime de fin d'activité des conducteurs routiers.

En ce qui concerne la CANSSM, le report de deux paiements pour 72 millions d'euros, dont 29 millions d'euros au titre des charges de retraite sur l'année 2018 est susceptible d'exercer une tension sur la subvention versée à la caisse en 2018 dans la mesure où l'État couvre 86 % des dépenses de la branche vieillesse du régime.

d) Une réserve de précaution intégralement levée, mais obstinément maintenue

La mise en réserve des crédits de la mission a été intégralement levée.

Compte tenu de son volume budgétaire, c'est le programme 198 qui avait, en montant, connu la mise en réserve la plus significative (324 millions d'euros).

Le taux de la mise en réserve a, en revanche, été à peu près uniforme pour chaque programme, à 8 %.

L'application d'un taux de réserve aussi élevé à des crédits dont la vocation, même si elle est moins directe que lorsque celui-ci verse directement des prestations représentatives de créances des administrés, est d'honorer des engagements de l'État, suscite une réelle perplexité. Prise à la lettre, elle jette une sorte de suspicion sur la parole de l'État, qui, convenons-en est particulièrement fâcheuse. Sa seule justification pourrait provenir d'ajustements sur les recettes propres des régimes dont l'État garantit les équilibres financiers. Or, cette variable est peu flexible, se trouvant l'objet d'une programmation réglementaire qui est au coeur des réformes des régimes spéciaux de retraite mises en oeuvre depuis 2007.

La réduction du taux de mise en réserve à 3 % dans la loi de finances pour 2018 ne change rien à l'affaire. Au demeurant, selon la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes, cette décision, qui maintient la réserve sur les dotations de la mission, bien que prise à l'initiative du ministère de l'économie et des finances, conduit son organe de contrôle, le contrôle budgétaire et comptable ministériel (CBCM) à émettre un avis favorable avec réserve sur les documents prévisionnels de gestion.

Cette situation offre des perspectives étonnantes sur l'application de certaines règles budgétaires.

B. UNE RÉDUCTION DES CHARGES DE LA MISSION CONTRARIÉE À COURT TERME

Les dépenses de la mission s'inscrivent sur une trajectoire régulièrement baissière dont la pente devrait s'accentuer à mesure de l'entrée en vigueur de l'ensemble des réformes apportées aux régimes spéciaux de retraite, dont le calendrier a été conçu comme devant être progressif et subir un décalage par rapport à son application aux autres régimes de retraite, notamment à celui de la fonction publique de l'État.

À court terme, cette tendance apparaît toutefois contrariée.

Certes, 2017 enregistre la poursuite de cette évolution une fois neutralisée la modification de son périmètre consécutive à l'inscription de 55 millions d'euros au titre de la retraite complémentaire obligatoire des exploitants agricoles (RCO).

À périmètre constant, les dépenses baissent de 45 millions d'euros. Le recul reste modeste (- 0,6 % par rapport à 2016) et s'accompagne de variations nuancées selon les régimes envisagés.

Par ailleurs, doivent être prises en compte plusieurs perspectives qui n'invitent pas à tabler sur un prolongement des économies budgétaires acquises ces dernières années, du moins à court terme.

1. Des économies supérieures à celles prévues dans les récentes programmations triennales, que ne prolonge pas la nouvelle loi de programmation des finances publiques

Ces dernières années, la mission peut être considérée comme ayant participé à la maîtrise des dépenses publiques programmée à moyen terme, au-delà de l'objectif d'économie fixé dans le cadre de la programmation des finances publiques.

En 2016, l'exécution avait dégagé une marge de l'ordre 76 millions d'euros sous le plafond de la programmation pluriannuelle. En 2017, si la marge apparaît plus faible (66 millions d'euros), une fois retraitée du changement de périmètre de la mission, elle ressort comme supérieure encore (121 millions d'euros).

Dépassement et respect des dernières lois de programmation

(en millions d'euros de crédits de paiement)

2013

2014

2015

2016

2017

Triennal 2013-2015 (au format 2014)

6 540

6 755

Exécution

6 438

6 506

Triennal 2015-2017 (au format 2015)

6 414

6 396

6 396

Exécution

6 452

6 320,3

6 330

LFI

6 414

6 320,3

6 307

* Programmation initiale, à périmètre courant.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des rapports annuels de performances de la mission et des lois de programmation pour 2012-2017 et pour 2014-2019)

La loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoit qu'à l'échéance de 2020 les dépenses de la mission puissent être stables, à 6,3 milliards d'euros. Cette programmation est moins rigoureuse que les précédentes, mais elle ne prolonge pas la baisse des dépenses effectives constatées ces dernières années.

Les données justifiant cette programmation ne sont pas entièrement appréciables, les documents budgétaires annexés au projet de loi de programmation étant des plus allusifs.

On en suggère ici une explication possible qui traduit les termes de l'équation de l'équilibre des régimes de retraite.

Force est, d'abord, de relever que les économies budgétaires observées ces dernières années ont été essentiellement passives.

Elles ont été tirées par des facteurs exogènes dont la répétition est affectée d'une certaine improbabilité.

Le résultat acquis lors de la dernière période couverte par la programmation pluriannuelle a profité d'une inflation plus faible que celle sur laquelle avait été construite la programmation budgétaire. Sans donner une valeur absolue à cette estimation, un différentiel de 1 % d'inflation se traduit par une économie de l'ordre de 60 millions d'euros une année donnée.

Ces économies sont susceptibles de se cumuler au cours d'une période pluriannuelle finissant par dégager de substantielles économies (ou, à l'inverse, en cas d'inflation supérieure à la prévision, des surcoûts importants) au terme de la période.

Plus techniquement, on rappelle qu'en 2016 les réformes apportées aux modalités d'indexation des prestations sociales, parmi lesquelles les retraites, par les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2016 sont entrées en application.

L'indexation des pensions depuis la réforme de 2016

Aux termes de la loi du 21 août 2003, le coefficient de revalorisation des pensions est égal à l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac pour l'année N , corrigé, le cas échéant, de la révision de la prévision d'inflation de l'année N-1 telle que figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances de l'année N.

Entre 2009 et 2013 , la revalorisation de l'ensemble des pensions est intervenue au 1 er avril de chaque année et non plus au 1 er janvier. La revalorisation pour l'année N était égale à la prévision d'inflation établie par la Commission économique de la Nation, ajustée sur la base de l'inflation définitive constatée pour N-1 (connue en avril N de manière définitive).

En application de la loi du 20 janvier 2014 « garantissant l'avenir et la justice du système de retraites », la revalorisation de l'ensemble des pensions (hors minimum vieillesse et majoration pour tierce personne) doit désormais intervenir au 1 er octobre de chaque année 189 ( * ) .

Dans ces conditions, aucune revalorisation n'est intervenue en 2014 compte tenu de l'application du correctif destiné à compenser les effets d'une surestimation du rythme de l'inflation en 2012 (0,7 effectif contre une prévision de 1,2 %) dans un contexte où cet écart s'était révélé juste égal à l'inflation prévue dans le rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année (0,5 %).

Compte tenu des prévisions d'inflation, les pensions de retraite ont été revalorisées de 0,1 % au 1 er octobre 2015 , soit la prévision d'inflation pour 2015 telle que figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2016, car le gel initialement prévu lors de l'élaboration de la loi de financement rectificative pour la sécurité sociale de juillet 2014 a conduit à ne pas appliquer le correctif entre l'inflation prévisionnelle de 2014 et l'inflation définitive constatée.

Compte tenu du nouveau calendrier d'application des revalorisations des pensions, l'effet en année pleine de la revalorisation des pensions en 2015 peut être estimé à un équivalent-revalorisation entre 0,015 et 0,025 %.

Les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2016 ont apporté de nouvelles évolutions. Elles prévoient d'harmoniser et de simplifier les règles de revalorisation de l'ensemble des prestations sociales, y compris des pensions de retraite. Ainsi, les pensions de retraite sont revalorisées au 1 er octobre de chaque année mais cette revalorisation se fonde désormais sur l'évolution des prix hors tabac constatée en moyenne annuelle sur les douze derniers mois disponibles . En cas d'évolution négative des prix, une règle de « bouclier » garantit le maintien des prestations à leur niveau antérieur.

Source : commission des finances du Sénat

Du fait, des hypothèses d'inflation de la nouvelle loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, qui dessinent la trajectoire d'un lent retour vers la cible d'inflation de la Banque centrale européenne, les pensions versées par les régimes spéciaux devraient connaître une croissance plus dynamique que celle observée ces dernières années. Cette perspective pourrait justifier une certaine prudence de la programmation pluriannuelle. En effet, l'accélération de la valeur des pensions pèserait sur les besoins de financement de ces régimes.

Toutefois, l'augmentation de l'inflation pourrait conduire à une croissance de la masse salariale qui constitue la base de financement des régimes de retraite d'autant plus susceptible de compenser l'alourdissement des charges de retraite, qu'elle accompagnerait un scénario de reprise économique.

Au demeurant, dans la trajectoire pluriannuelle, le différentiel entre l'assiette des recettes et les prix semble réunir les conditions d'une amélioration du solde des régimes, d'autant que les taux de prélèvements obligatoires sont appelés à augmenter.

Mais, il faut enfin tenir compte de deux caractéristiques fortes des régimes spéciaux : les perspectives particulières s'attachant aux équilibres démographiques de ces régimes et les doutes susceptibles d'entourer la déclinaison microéconomique aux entreprises qu'ils couvrent des scénarios macroéconomiques utilisés pour cadrer leurs équilibres.

L'une des caractéristiques fortes des régimes spéciaux réside dans leur situation démographique. Déjà dégradée, elle est appelée à connaître une détérioration au moins transitoire pour certains régimes fermés tandis que, pour les grands régimes retracés par la mission, les perspectives sont inévitablement placées sous l'influence des gains de productivité recherchés par les entreprises concernées dans un contexte où les dynamiques des pensions peuvent présenter une certaine inertie. D'un point de vue plus économique, les situations particulières aux entreprises ou aux secteurs couverts par les régimes subventionnés par la mission ne laissent pas nécessairement présager la complète déclinaison d'un scénario de reprise économique à leur niveau.

Dans ce contexte, la poursuite des tendances observées ces dernières années et au cours de l'exercice 2017 est rien moins que certaine, en dépit de l'entrée en vigueur progressive des réformes des régimes spéciaux.

2. Une baisse des dépenses de la mission qui admet de sérieuses nuances...
a) Une baisse globale des dépenses de la mission, à périmètre constant, favorisée par un contexte a priori facilitant...

Le contexte de l'année 2017 était a priori plutôt favorable à la maîtrise des dépenses de la mission. Outre la poursuite de la réduction du volume des pensionnés relevant des régimes fermés, l'impact des réformes des retraites de 2008, 2010 et 2014, ainsi que les conditions dans lesquelles les pensions ont été revalorisées en 2016 et 2017 dessinaient un environnement propice à une ample réduction des besoins de financement des régimes.

Or, les résultats se révèlent décevants sous cet angle.

L'absence de toute indexation des pensions en 2016 (les évolutions des prix ayant conduit à « passer » l'indexation initialement prévue de 0,6 % au 1 er octobre 2016) avait installé un contexte favorable à la baisse du besoin de financement des régimes spéciaux pour 2017. Par définition, l'« effet d'extension en année pleine » s'en était trouvé neutralisé. L'indexation mise en oeuvre en octobre 2017 (+ 0,8 %) doit cependant être prise en compte. Elle aurait engendré un supplément de charges de 18,4 millions d'euros pour les régimes couverts par la mission. Mais, ce supplément de charges paraît peser très modestement dans la dynamique globale des soldes des régimes, à côté de modifications de comportements et de phénomènes retardés qui sont deux manifestations des difficultés de pilotage des régimes de retraite, l'un illustrant la difficulté d'anticiper l'ensemble des réactions suscitées par les périodes de transition, l'autre traduisant la propriété d'inertie des régimes.

Les réformes des régimes de retraite inaugurés en 2003 ont commencé à toucher les régimes spéciaux à partir de 2016 moyennant un calendrier d'application décalé (de quatre ans) par rapport à leur application aux fonctionnaires de l'État. Par ailleurs, des régimes ont été exemptés de ces réformes : les régimes fermés et le régime des marins que finance le programme 197 de la mission.

Principales composantes de la réforme des régimes spéciaux de 2008

La durée de cotisation

La durée de cotisation nécessaire pour atteindre un taux plein de liquidation a été augmentée si bien que le rendement des cotisations a, toutes choses égales par ailleurs, été réduit. Cette mesure est appelée à entrer en vigueur progressivement.

- Avant réforme : 37 ans et demi

- Après réforme : augmentation progressive de la durée de cotisation pour une pension à taux plein (75 % du salaire de référence) depuis le 1 er juillet 2008 pour passer de 150 à 166 trimestres en 2018 (suppression des bonifications). Le nombre de trimestres varie selon la date de naissance et la nature de l'emploi, sédentaire ou agent de conduite. La bonification de 5 ans d'annuités maximum est supprimée pour les agents d'exploitation et de maintenance recrutés après le 1 er janvier 2009.

Le choix de l'âge de départ en retraite

- Avant réforme : à l'initiative de l'agent ou de l'entreprise.

- Après réforme : à l'initiative de l'agent seulement (la clause « couperet » autorisant l'employeur à recourir à la mise à la retraite d'office a été supprimée).

L'instauration d'une décote et d'une surcote

- Avant réforme : ni décote si surcote.

- Après réforme : décote à partir du 1 er juillet 2010 et surcote à partir du 1 er juillet 2008 ; les assurés qui cotiseront au-delà de la durée nécessaire pour obtenir le taux plein de 75 % verront leur pension majorée et, à l'inverse, ceux qui cesseront leurs fonctions avant de remplir ces conditions verront leur pension minorée.

L'indexation des pensions

- Avant réforme : les pensions évoluent comme les salaires.

- Après réforme : les pensions évoluent comme l'indice des prix à la consommation hors tabac à compter du 1 er janvier 2009.

L'année 2017 est la première étape du relèvement progressif des seuils d'âge prévu par la loi de novembre 2010 (plus deux ans en respectant les différences existantes entre les catégories sédentaires et les catégories actives).

Par ailleurs, elle prolonge un certain nombre de dispositions déjà entrées en vigueur : relèvement des taux de cotisation salariales et employeurs, décote, décalage de l'échéance de l'indexation des pensions..., tandis que les mesures de carrière négociées dans le cadre des réformes, (comme la création d'échelons supplémentaires de fin de carrière) exercent des effets sur les comportements de départ en retraite.

Ces mesures modifient le système dans le sens d'une hausse des recettes des régimes qu'elles touchent et d'une modération de la progression des dépenses. A contexte donné 190 ( * ) , elles tendent à réduire structurellement les besoins de financement des régimes.

Néanmoins, ces enchaînements sont tributaires de changements de comportement, qui peuvent les contrarier temporairement, en particulier dans les périodes de transition.

L'exercice 2017 traduit la complexité des logiques à l'oeuvre.

b) ... qui admet de sérieuses nuances

Les économies réalisées en 2017 n'ont pas touché les régimes spéciaux les plus lourds d'enjeux financiers pour la mission, illustrant principalement l'impact de changements de comportement dans les phases de transition.

Le régime de la RATP a sollicité en 2017 une subvention d'équilibre très supérieure à celle de l'année précédente, comme cela avait été le cas en 2016. L'augmentation de la subvention a été de 44 millions d'euros (+ 6,9 %). Les charges de la caisse de retraites du personnel de la RATP ont connu une forte dynamique (+ 40 millions d'euros dont 37 millions d'euros pour les seules pensions) tandis que les cotisations ont été à peu près stables, malgré le relèvement des taux. La hausse des pensions résulte d'une augmentation du nombre des pensionnés, qui devrait se prolonger jusqu'en 2050, associée à une augmentation de la valeur liquidative des pensions. Celle-ci résulte d'un gain structurel des salaires au fil des générations, qui a pu se trouver accéléré par les mesures d'accompagnements adoptées lors des réformes des retraites.

Des mesures analogues avaient concerné la SNCF et contribuent également à la dynamique des pensions versées par la caisse des retraites de l'entreprise ferroviaire. Elles progressent de 43 millions d'euros en 2017. Le compte de résultat de la caisse s'est par ailleurs trouvé impacté par la reprise de près de 100 millions d'euros de provisions qui s'est soldée par une réduction des charges de la caisse de 64,4 millions d'euros.

La réduction de la dotation aux provisions évoquée résulte du reversement à la SNCF d'un montant de cotisations indûment perçues du fait d'une erreur dans la fixation du taux dit T1 de cotisations patronales sanctionnée par deux décisions du Conseil d'État intervenues en 2016. Les conditions dans lesquelles cette opération a été financée restent à exposer plus complètement. En effet, selon la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes, elle n'aurait été prise en compte qu'à hauteur de 30 millions d'euros dans la programmation initiale des crédits budgétaires, ce qui ne représente qu'une partie de la dette acquittée par la caisse. L'inscription en recettes du compte de résultat de la caisse d'un montant de 99,8 millions d'euros de produits financiers ne fournit guère d'informations sur l'origine de ce produit.

En toute hypothèse, le fait notable est bien que face à des flux de départs en retraite plus importants qu'il n'avait été anticipé, les cotisations sociales ont été inférieures à la prévision et aux produits de l'exercice précédent. Par rapport à ce dernier, elles déclinent de 66,5 millions d'euros, soit - 3,3 %. Ce résultat qui s'explique en partie par la régularisation apportée au taux T1 de cotisations patronales peut être considéré comme une mauvaise surprise dans un contexte de relèvement des taux de cotisation d'autant qu'un produit non anticipé de 60 millions d'euros a été perçu après le relèvement du taux T2 (ce taux de cotisation patronal est censé couvrir les avantages particuliers du régime de retraite des personnels de l'entreprise) en cours d'année.

La baisse du nombre des cotisants ainsi qu'une évolution mesurée des salaires avec une évolution du salaire moyen moins forte que prévu fournissent à cette déconvenue des explications qui illustrent bien les aléas inhérents à la gestion des régimes spéciaux relevés plus haut.

Dans ces conditions, alors que l'essentiel du repli de la dépense de la mission est généralement attribuable aux régimes des marins et aux régimes des mines, en lien avec la baisse régulière des pensionnés de ces deux régimes, cette année, à cette évolution (- 51 millions d'euros pour les subventions à la CNASSM) s'ajoute la réduction des charges au titre de la gestion de la fin d'activité des conducteurs routiers qui accusent une baisse de plus de 39 millions d'euros.

c) Les limites d'un raisonnement à périmètre constant : la création d'une nouvelle charge pérenne au titre des retraites agricoles

L'analyse des dépenses de la mission à périmètre constant fait ressortir une baisse de la charge budgétaire de la mission telle qu'elle se présentait au cours de l'exercice précédent.

Le raisonnement à périmètre constant est justifié si l'on souhaite apprécier le devenir d'engagements constitués dans le passé. Il s'agit de voir comment la « photographie » évolue.

Néanmoins, ce raisonnement ne doit pas conduire à négliger les évolutions du réel, à « prendre l'image pour la réalité ».

Sauf lorsque le rattachement d'une charge à une mission budgétaire ne résulte que d'un simple jeu d'écritures, on ne peut considérer autrement que comme une charge bien réelle l'inscription d'une nouvelle dotation dans une mission budgétaire.

La création d'une nouvelle action dans le programme 195 correspondant au besoin d'équilibre du RCO ne saurait être traitée autrement.

Elle s'inscrit en effet dans le cadre du bouclage financier du plan de revalorisation des retraites agricoles de 2014 à l'issue duquel, à partir de 2017, les chefs d'exploitation agricole justifiant d'une carrière complète bénéficient de la garantie de disposer d'une pension (de base + complémentaire) au moins égale à 75 % du SMIC.

Tant que des recettes particulières n'auront pas été dégagées pour financer complètement cette amélioration bienvenue des retraites des exploitants agricoles, la solidarité nationale ne manquera pas d'être sollicitée pour assurer ce financement.

L'alourdissement des dépenses de la mission correspondant, de 55 millions d'euros en 2017, doit donc être considéré, à ce stade, comme pleinement représentatif d'une charge nouvelle et pérenne, dont l'impact en 2017 sur les dépenses de la mission a pu être limitée par une réduction des charges résultant des engagements traditionnels de la mission.

C. UNE ÉTAPE VERS UNE RÉDUCTION PLUS PÉRENNE DES SUBVENTIONS AUX RÉGIMES SPÉCIAUX DE RETRAITE ?

Malgré une érosion des dépenses de la mission, les taux de subventionnement des régimes spéciaux demeurent élevés.

Néanmoins, l'exécution des crédits en 2017 peut être considérée comme une étape supplémentaire vers une réduction des dépenses d'équilibre des régimes spéciaux. Celle-ci reste toutefois entourée d'incertitudes. Par ailleurs, elle s'accompagne du maintien d'une perspective d'appel aux contributions publiques pour couvrir un besoin de financement persistant, même à un horizon très long marqué par l'amplification des effets de rééquilibrage attendus d'une désindexation des pensions, dont la soutenabilité au long cours peut susciter une certaine perplexité.

1. Les taux de subventionnement des régimes spéciaux par la mission demeurent élevés...

Taux de subventionnement des plus importants régimes spéciaux par la mission

SNCF

RATP

Marins

Mines

Total

Subvention de la mission

(A)

(en millions d'euros)

3 271,4

680,6

828,1

1 215,7

5 995,8

Pensions

(B)

(en millions d'euros)

5 308,3

1 124,9

1 052

1 437,4

8 922,6

A/B

61,6 %

60,5 %

78, 7%

84,6 %

62 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission

La contribution des crédits de la mission au financement des pensions servies par les régimes spéciaux de retraite est variable selon le régime considéré, mais elle dépasse 60 % pour les plus grands de ces régimes.

Si l'on considère que la plupart des régimes spéciaux correspondent à des entreprises opérant sur des champs plus ou moins concurrentiels, on pourrait juger que cette situation revient à subventionner par appel aux contribuables une partie des coûts sociaux de l'exploitation, conduisant à des perturbations de concurrence.

Cette conclusion serait probablement hâtive dans la mesure où la subvention accordée par l'État résulte en réalité de deux facteurs agissant dans des proportions variables selon le régime considéré. En effet, la contribution versée par l'État vient, d'une part, pallier les effets de l'isolement de régimes aux ratios démographiques défavorables, et, d'autre part, compenser un certain nombre d'avantages de retraites supposés constituer une contrepartie à la pénibilité particulière de certains métiers. C'est le volet « solidarité » de la subvention qui est alors en cause.

On pressent que la réforme des retraites en voie de définition, qui devrait se traduire par l'adoption d'un régime universel en points fondé sur une uniformisation de la contrevaleur des contributions retraites en points (soit la mise en oeuvre du slogan « pour un euro cotisé les mêmes droits de retraite pour tous »), modifiera en profondeur les conditions dans lesquelles pourrait être déterminée une éventuelle subvention publique des régimes de retraite.

Cette perspective demeurant à vérifier, on se bornera à indiquer, qu'en l'état actuel de l'information budgétaire, ni la justification fine des subventions versées aux différents régimes spéciaux couverts par la mission, ni une quelconque analyse de leurs impacts économiques et sociaux ne sont accessibles.

2. ... mais la baisse des charges de la mission devrait se prolonger...

Le compte général de l'État présente une projection à long terme (horizon 2050 et 2117) des besoins de financement cumulés, et actualisés, des principaux régimes spéciaux de retraite qui fait ressortir les montants d'engagements implicites correspondant à différentes hypothèses de taux d'intérêt.

La fourchette va de 377,6 milliards d'euros à 179,5 milliards d'euros en 2116 , et de 163,3 milliards d'euros à 120,7 milliards d'euros en 2050.

Les résultats de la projection ressortent comme très sensibles au choix du taux d'actualisation 191 ( * ) .

Projection à moyen terme des besoins de financement cumulé actualisé
des grands régimes spéciaux de retraite financés par la mission

(en millions d'euros de 2017)

Source : compte général de l'État en 2017

Ces résultats sont de nature à impressionner mais il convient de garder à l'esprit qu'ils expriment des besoins de financement cumulés à long, voire très long, terme 192 ( * ) , le haut de la fourchette étant au surplus fondé sur une hypothèse d'assez nette contraction des conditions économiques et monétaires qui se traduirait par un taux d'intérêt réel constamment négatif au cours de la période.

Même en ce cas, le graphique ci-dessous l'illustre, le besoin de financement des régimes spéciaux se réduirait très fortement en début de période pour connaître une relative stagnation après 2065 autour d'un besoin de financement de 1,5 milliard d'euros constants.

Les charges de la mission devraient ainsi subsister tout au long de la période de projection mais connaître une très nette diminution, de 4,8 milliards d'euros à terme, si bien que le poids de la mission se trouverait allégé de près de 80 %.

Financement des retraites des régimes spéciaux subventionnées
(hors SEITA)

Source : compte général de l'État pour 2017

Toutefois, la lecture du graphique suggère que cette évolution résulterait d'un mouvement en ciseaux, les pensions se réduisant tandis que les recettes propres des régimes progresseraient. Cette dissociation des dynamiques des ressources et des charges est attribuable à des variables en volume mais également au choix d'une mécanique d'indexation des retraites qui suscite des interrogations puisqu'elle aboutit à un décrochage considérable du niveau de vie des retraités par rapport à celui des actifs.

Par ailleurs, la part prise par le besoin de financement des retraites de la SNCF dans le total des besoins de financement des régimes spéciaux doit être remarquée. Elle conduit à souligner l'influence de ce régime spécial sur la problématique d'ensemble des régimes spéciaux (du moins pour ceux couverts par la mission) et, de ce fait, les liens entre la santé économique de l'entreprise et sa charge en subventions publiques.

Dans ce contexte, la loi pour un nouveau pacte ferroviaire accroît les incertitudes. Pour préserver les droits des personnels actuels de la SNCF, sa disposition principale, qui prévoit la fin du recrutement au statut, se traduira progressivement par une accélération de la baisse du nombre des cotisants par rapport à la situation ex ante tandis que le profil d'évolution des pensionnés n'est appelé à se trouver modifié que moyennant un délai. La période de transition sera ainsi marquée par un creusement du besoin de financement, qui, pour être temporaire, est susceptible de modifier très sensiblement les perspectives exposées ci-dessus.

3. ... non sans susciter quelques interrogations sur son modèle

Dans ces évolutions l'application des réformes des retraites aux régimes spéciaux joue un rôle important malgré l'hypothèse d'un maintien des limites d'âge dérogatoires ménagées au profit des catégories non sédentaires des entreprises de transport.

Une modification des bornes d'âge de ces catégories accentuerait la baisse du besoin de financement des régimes. Même si elle supposerait sans doute des évolutions de toutes sortes, comme l'expérience a pu le montrer dans un passé récent, il est assez peu probable qu'elle n'intervienne pas au cours de la très longue période considérée ici.

La réduction du besoin de financement des régimes serait alors plus forte que ne le montrent les projections.

Sous les conditions de celles-ci, à législation constante, c'est l'impact du différentiel entre l'indexation des pensions et la dynamique économique qui pèse joue principalement sur les résultats de la projection ainsi que l'illustrent les écarts entre les résultats de long terme selon l'hypothèse de croissance.

Tout comme pour le régime de la fonction publique d'État pris en charge par le compte d'affectation spéciale « Pensions » (voir ci-dessous), on peut s'interroger sur la soutenabilité d'un modèle d'équilibre des régimes de retraite basé sur un décrochage des revenus des pensionnés par rapport à celui des actifs .

Même si sa traduction en niveau de vie peut être tempérée par plusieurs facteurs (situations patrimoniale, familiale, charges diverses...), ce décrochage programmé revient à rompre radicalement avec un objectif de parité des niveaux de vie des retraités et des actifs, certes non écrit et susceptible de modulations, mais qui, au demeurant atteint , a toujours constitué un horizon pour les régimes de retraite.

À ce titre, nul doute qu'il sera pleinement pris en compte dans les débats à venir sur la réforme du régime des retraites, dans la mesure, en particulier, où une répartition cible des revenus entre période d'activité et période d'inactivité déterminera très étroitement la fixation des contributions au nouveau régime par points.

Par ailleurs, dans un tel modèle d'équilibre des comptes de la retraite, l'attractivité des régimes obligatoires de retraite tend à se détériorer par rapport à des alternatives où les créances constituées par les épargnants se trouvent implicitement indexées sur le PIB.

On dira que la portée pratique d'une telle perte d'attractivité , qui en soi mérite d'être relativisée dans un contexte où la faculté d'un « opting out » 193 ( * ) n'est légalement pas ouverte, est assez virtuelle compte tenu de la structure de financement des régimes spéciaux pour lesquels la subvention de l'État revient à élever le taux de rendement des cotisations supportés par les salariés que ce soit directement (les cotisations salariales) ou indirectement (les cotisations des employeurs) 194 ( * ) .

Néanmoins, l'inévitable baisse du niveau de vie des retraités créera un besoin de revenus complémentaires dont les conditions de réunion n'ont aucune raison d'être équivalentes à celles dont dépendent les pensions versées par les régimes. La perspective d'une baisse des taux de rendement offerts par ceux-ci au niveau desquels la subvention de la collectivité publique contribue aujourd'hui fortement, posera la question de la distribution entre les différents niveaux de revenu des transferts publics alternatifs qui peuvent bénéficier à certaines formes d'épargne de précaution.

Une dernière observation conduit à mettre en relief les disparités de rendements des régimes spéciaux de retraite entre les générations. En effet, pour la partie qui correspond au différentiel d'indexation des pensions et des assiettes contributives, la réduction du besoin de financement peut être lue comme recelant la perspective d'un allègement structurel des contributions des générations futures aux pensions des retraités.

D. LA SUPERPOSITION DES RÉGIMES SPÉCIAUX CRÉE DES SURCOÛTS DE GESTION DONT LA JUSTIFICATION N'APPARAÎT PAS CLAIREMENT

Le suivi de la performance de la mission est conduit exclusivement à partir d'indicateurs de gestion dont la responsabilité échappe assez largement aux responsables de programme. Certes, les conventions d'objectifs et de gestion (COG) conclues avec les différents organismes chargés de la gestion des régimes, auxquelles les responsables de programme peuvent être associés, comportent des cibles visant à optimiser les coûts d'administration des régimes spéciaux subventionnés par l'État.

Il n'empêche que ce sont les organismes gestionnaires qui disposent d'une maîtrise, au demeurant relative, des conditions de gestion des prestations qu'ils servent.

C'est dans ce contexte et sous ces réserves que votre rapporteur spécial prend acte des commentaires, plutôt satisfaits, qui accompagnent ce volant du suivi de la performance.

Certaines observations ne s'en imposent pas moins.

En premier lieu, force est de constater que les données fournies manquent d'homogénéité et d'exhaustivité. À titre d'exemple, le déficit d'homogénéité peut être illustré par le recensement des coûts de gestion des régimes administrés par la Caisse des dépôts et consignations qui ne sont pas présentés, seule étant exposée la rémunération versée par l'État à la Caisse des dépôts et consignations en contrepartie de sa gestion de la caisse des mines.

En deuxième lieu, les performances extériorisées par les indicateurs apparaissent très disparates.

Éléments de comparaison des coûts de gestion
de quelques régimes spéciaux de retraite

Coût de gestion

(en millions d'euros)

Coût de gestion rapporté au volume des prestations (euros/1 000 euros de prestations)

SNCF

24,7

4,7

RATP

4,64

4,1

Marins

8,52

8,2

Mines

15

10,5

Source : commission des finances du Sénat à partir des données du rapport annuel de performances 2017 de la mission

Selon les données fournies par le rapport annuel de performances de la mission, les coûts de gestion des différents régimes vont du simple au double entre le régime de la SNCF et celui des marins, le régime des mines ressortant comme le plus coûteux, situation paradoxale puisqu'il est en voie d'extinction. De même l'écart entre les coûts de gestion unitaire des régimes des transports terrestres (SNCF et RATP) atteint près de 15 %, les coûts de gestion de la caisse de SNCF représentant plus de cinq fois ceux de la caisse de la RATP.

Ces différences sont difficilement explicables. Les pensions déjà liquidées suscitent normalement de plus faibles coûts de gestion si bien que la valeur de l'indicateur suivi devrait être sensible aux flux de liquidation. Or, cette corrélation est loin d'être systématique suggérant une forme d'inertie des coûts de gestion des caisses dans un environnement de réduction des volumes d'activité. Par ailleurs, l'écart entre le coût d'une primo liquidation par la caisse de retraite de la SNCF et la même donnée pour la caisse de la RATP (en faveur de la seconde) témoigne de l'existence d'un différentiel de performances qui mériterait une évaluation.

Enfin, il convient de s'interroger sur la rationalité d'une gestion séparée, entité par entité, des régimes sociaux. Il est peu douteux que cette organisation puisse conduire à des duplications de coûts qui, pour ne représenter qu'un enjeu relativement mineur au regard de la masse des prestations servies, et même des subventions accordées par l'État, s'élèvent pour les quatre régimes mentionnés dans le tableau ci-dessus à plus de cinquante millions d'euros.

Une appréciation plus systématique de la justification de ces éventuels, mais probables, surcoûts s'impose dans la perspective d'une meilleure utilisation des ressources.

Quoi qu'il en soit, la prochaine réforme du système de retraite, orientée vers l'institutionnalisation d'un régime unique de retraite devrait conduire à de profondes modifications des conditions de gestion des régimes spéciaux.

II. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS »

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite et d'invalidité des agents de l'État. Doté en loi de finances initiale de 57,6 milliards d'euros 195 ( * ) en 2017, il est structuré en trois programmes, représentant chacun une section du compte spécial :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » est consacré aux régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'État, gérés par le service des retraites de l'État (SRE), créé en 2009. Il a mobilisé en 2017 93,4 % des crédits initiaux du CAS (53,824 milliards d'euros) ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » retrace les opérations du fonds spécial des pensions des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et du fonds gérant les rentes d'accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM), tous deux gérés par la Caisse des dépôts et consignations. Les dotations de loi de finances initiale correspondantes (1,888 milliard d'euros) représentaient 3,3 % des crédits du CAS ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » regroupe les pensions dues au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) ainsi que des pensions financées par l'État au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Programme-miroir reflétant les crédits correspondants ouverts dans le programme 169 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », sa part dans les crédits initiaux du CAS « Pensions » tend à diminuer (3,3 % en 2017, soit 1,940 milliard d'euros).

Les deux derniers programmes cités voient leurs crédits reculer tendanciellement.

Conformément à la vocation du compte d'affectation spéciale, les crédits sont ouverts moyennant des prévisions de recettes concourant au financement des charges particulières portées au compte.

Généralement, ces recettes doivent avoir un lien « naturel » avec les charges qu'elles financent si bien qu'un plafond de 10 % des crédits initiaux est imposé aux versements que le budget général peut effectuer au profit des comptes d'affectation spéciale.

Toutefois, le compte « Pensions » bénéficie d'une dérogation à cette règle qui s'explique par la structure de financement du CAS. Celle-ci comporte en effet des cotisations salariales et des contributions des employeurs qui se trouvent inévitablement versées à partir du budget général même si par leur nature ces recettes sont incontestablement en lien avec les charges à financer, comme pour n'importe quel régime de retraite suivant les principes de la répartition.

Par ailleurs, les dépenses effectuées à partir des crédits du compte doivent être couvertes par des ressources suffisantes, ce qui ne signifie pas que les recettes d'une année doivent couvrir les dépenses de la période mais que l'addition de ces recettes et des ressources disponibles en trésorerie ne soit pas inférieure aux dépenses.

Autrement dit, le CAS « Pensions » peut présenter un déficit prévisionnel sous la condition que sa trésorerie, issue des opérations effectuées lors des exercices précédents couvre ses dépenses.

Ces dernières années, cette faculté n'a pas été utilisée dans la gestion globale du CAS même si, certains programmes composant le compte ont pu être votés en situation de déficit prévisionnel.

L'exercice 2017 n'a pas dérogé à cette tendance.

Il a été marqué par la poursuite d'une gestion du CAS orientée vers la constitution d'excédents, les recettes continuant à suivre un rythme supérieur à celui des dépenses .

Ce différentiel résulte principalement des réformes des retraites publiques adoptées depuis 2003, qui accroissent les prélèvements obligatoires appliqués aux rémunérations des agents publics et modèrent la dynamique des dépenses. Mais il résulte aussi d'un élargissement de la base des prélèvements obligatoires destinés à financer les pensions de retraite, du fait de mesures nouvelles dont les effets, encore mesurés en 2016, se sont renforcés lors de l'exercice sous revue tandis que leur impact en dépenses ne deviendrait significatif qu'à un terme nettement plus éloigné.

Cette orientation traduit également un choix de gestion consistant à maintenir la pression d'une contrainte de financement des retraites sur les ministères et autres employeurs publics dont les finalités peuvent apparaître, pour certaines, un peu « périphériques » par rapport à la problématique du financement des pensions en elle-même.

Cependant, il faut tenir compte du fait que, si l'équilibre global du compte d'affectation spéciale est mieux que respecté à court et plus encore à long terme, une période plus incertaine pourrait être traversée à moyen terme sous l'effet d'une dégradation transitoire du rapport démographique 196 ( * ) .

En outre, force est d'observer que l'excédent structurel des régimes de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État, au terme duquel on pourrait considérer que l'achat par un investisseur des engagements de retraite qu'ils portent constituerait un placement avisé (du moins aux conditions actuelles de financement), dépend évidemment d'un grand nombre d'hypothèses plus ou moins robustes, mais surtout plus ou moins soutenables.

Cette problématique de soutenabilité ouvre sur des questions plus larges.

Les régimes de retraite n'ont pas qu'une dimension macro-financière ; ce sont également des « véhicules d'informations », reflets de préférences collectives plus ou moins explicitées, susceptibles d'orienter les choix individuels, et passibles, sous cet angle, d'évaluation en termes d'efficacité et d'équité .

De ce point de vue, l'année 2017 a été marquée par quelques travaux d'importance dont votre rapporteur spécial recommande l'approfondissement.

A. UNE EXÉCUTION PRESQUE « NOMINALE » DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE EN 2017

Les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2017 ont été plus qu'intégralement dépensés , des reports de crédits d'un montant de 1 434,7 millions d'euros complétant les ouvertures de début d'année.

Cependant, après ces reports, les dotations finalement disponibles n'ont pas été toutes consommées, un surplus de 1,4 milliard d'euros (analogue à celui de l'an dernier) ayant été laissé après des dépenses effectives de 57,7 milliards d'euros.

La sous-consommation des dotations disponibles atteint presque exactement le même montant qu'en 2016 soit 2,4 % des dotations ouvertes pour l'année.

Les reports de crédits intervenus en début d'année (arrêté du 27 mars 2017) n'auront finalement été que partiellement utiles permettant pour l'essentiel d'envisager de nouveaux reports sur l'exercice 2018.

Dans ce contexte, la sur-exécution des crédits ouverts en loi de finances initiale a atteint 54 millions d'euros (0,1 % des crédits initiaux). Les dépenses de pension ne sont pas responsables de la surconsommation des crédits ouverts en début d'année. Elles ont été globalement inférieures à la prévision. Ce fut particulièrement le cas pour les dépenses du programme 741 dont les charges de pension ont été surestimées à hauteur de 87 millions d'euros. Ce sont les cotisations sociales versées dans le cadre de la compensation démographique et l'affiliation rétroactive aux régimes général et de l'IRCANTEC des personnels ayant quitté la fonction publique prématurément qui expliquent la surconsommation des dotations initiales (+ 142,5 millions d'euros).

Équilibre en recettes et en dépenses du CAS « Pensions » en 2017

(crédits de paiement, en millions d'euros)

Recettes

Dépenses

Écart dépenses 2017 par rapport à

Solde

LFI 2017

Exécution 2017

Exécution 2016

LFI 2017

Exécution 2017

Exécution 2016

LFI 2017

Prévision LFI 2017

Exécution 2017

Programme 741
« Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité »

56 063

55 876

53 156

53 825

53 880

+ 1, 4 %

+0,1 %

+ 2 238,4

+ 1 995,3

Programme 742
« Ouvriers des établissements industriels de l'État »

1 868

1 852

1 898

1 888

1 903

+0,3 %

+0,8 %

- 20,8

- 50,9

Programme 743
« Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions »

1 940

1 919

1 973

1 941

1 924

- 2,5 %

- 0,9 %

0

-5,3

Total mission

59 871

59 647

57 027

57 654

57 707

+ 1,2 %

+0,1 %

+2 217,6

+ 1 939,1

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport annuel de performances du compte d'affectation spéciale « Pensions » annexé au projet de loi de règlement pour 2017)

Pour les recettes , les prévisions pour 2017 se montaient à 59,871 milliards d'euros. Les recettes finalement encaissées ont été légèrement inférieures à cette prévision , faisant apparaître, avec 59,647 milliards d'euros, un déficit de réalisation de 224 millions d'euros (0,4 % de la prévision). L'écart peut être jugé minime puisqu'il ne correspond guère plus qu'à quatre millièmes des recettes anticipées.

L'essentiel des moins-values de recettes a été constaté sur le premier programme du compte (- 187 millions d'euros), ce qui n'a rien que de normal compte tenu de son importance relative. Les assiettes de contribution ont été moins dynamiques que prévu dans la fonction publique d'État civile.

Dans ces conditions, l'équation de la réalisation des opérations du compte a permis de constater un excédent en hausse mais moins important que celui initialement projeté .

La programmation budgétaire extériorisait un excédent prévisionnel du compte de 2 217,6 millions d'euros. Avec 1 939,1 millions d'euros , il s'est avéré inférieur de 278,5 millions d'euros au solde prévisionnel (un niveau inférieur de 12,6 % par rapport à la prévision).

B. DES MASSES FINANCIÈRES DONT LA LÉGÈRE ACCÉLÉRATION NE REMET PAS EN CAUSE LES INFLEXIONS INTERVENUES APRÈS LES RÉFORMES APPLIQUÉES AUX RÉGIMES DE RETRAITE DES FONCTIONNAIRES

Les masses financières retracées dans le CAS connaissent une certaine accélération.

Mais, celle-ci reste modérée par rapport aux tendances observées sur longue période qui ont connu une rupture après la mise en oeuvre des réformes des régimes de retraite de la fonction publique.

1. Les recettes ont connu un fort dynamisme, principalement attribuable à l'alourdissement des cotisations salariales qui a pesé sur les salaires nets des fonctionnaires

En ce qui concerne les recettes, malgré la légère déception enregistrée par rapport aux prévisions de la loi de finances pour 2017, une croissance de 3,2 % (contre 0,8 % l'an dernier) peut être observée de 2016 à 2017.

Le supplément de recettes s'élève à 1 858 millions d'euros.

Il se trouve concentré sur le programme 741 (+ 1 967 millions d'euros), les deux autres programmes connaissant, de leur côté, une diminution de leurs recettes (- 110 millions d'euros).

Évolution des recettes du compte entre 2016 et 2017

(en millions d'euros)

Exécution 2016

Exécution 2017

Écart (en %)

Écart (en valeur)

Programme 741

53 908

55 875

3,7

1 967

Programme 742

1 897

1 852

- 2,4

- 45

Programme 743

1 984

1 919

- 3,3

- 65

Total

57 789

59 647

3,2

1 858

Source : commission des finances du Sénat à partir des données des rapports annuels de performances pour 2016 et 2017

Les variations de recettes peuvent être décomposées comme suit.

Contributions à l'augmentation des recettes du CAS
entre 2015 et 2016

(en millions d'euros)

Relèvement du taux de cotisation salariale (0,35 point en 2017)

227

Augmentation des assiettes de contributions des employeurs

1 612

dont :

civils

1 157

militaires

455

Diminution des recettes du programme « Ouvriers et établissements industriels de l'État »

- 44

Diminution des subventions versées au programme 743

- 66

Source : commission des finances du Sénat d'après les données des annexes budgétaires (2017)

On relève l'importance relative du rôle joué par la politique salariale de l'État dans l'augmentation des recettes observée en 2017 (près des 9/10 e de la variation nette de recettes), même si une partie de la dynamique des recettes est attribuable à un effet de composition qui a vu la part des assiettes cotisées croître davantage que la rémunération des fonctionnaires elle-même (voir infra ).

En lien avec la dynamique des assiettes cotisées, les contributions des employeurs ont progressé de 3,2 %, le taux de la « contribution employeur » étant resté inchangé, comme depuis 2014.

De son côté, le relèvement du taux de cotisation sur les rémunérations d'activité des fonctionnaires (+ 3,5 %) a exercé un effet d'amplification sur le rendement des cotisations proprement salariales qui ont progressé de 6,3 %, soit un rythme deux fois plus rapide que celui des contributions des employeurs.

Les évolutions des recettes du programme 741 détaillées ci-dessous illustrent l'existence d'un dynamisme différencié des deux principales catégories de recettes finançant les pensions civiles et militaires.

Évolution des différentes catégories de recettes du programme 741
entre 2016 et 2017

(en millions d'euros)

Exécution 2016

Exécution 2017

Variation entre 2016 et 2017 (en %)

Variation entre 2016 et 2017 (en valeur)

Cotisations salariales

6 201

6 589

6,3

388

Contributions des employeurs

46 886

48 412

3,2

1 526

Autres

821

874

6,4

53

Total

53 908

55 875

3,7

607

Source : commission des finances du Sénat

La croissance des cotisations correspondant à des retenues sur les traitements des fonctionnaires a suivi un rythme deux fois plus soutenu que les contributions des employeurs.

Ce différentiel provient, à dynamique des assiettes de prélèvements identiques, d'une élévation du taux des cotisations salariales , qui a épargné les contributions des employeurs.

En ce qui concerne l'assiette des prélèvements, son évolution, restée très contenue ces dernières années, a été marquée par un certain dynamisme .

Outre les effets traditionnels de revalorisation due au « glissement-vieillesse-technicité », auxquels il faut ajouter celui de mesures catégorielles diverses, il convient de mettre en évidence cette année l'impact de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et le commencement de l'application du protocole sur l'amélioration des parcours professionnels, des carrières et rémunérations (PPCR), dont les impacts à long terme ont été exposés par votre commission des finances 197 ( * ) , qui consiste à élargir légèrement la part indiciaire des rémunérations publiques, et, par-là, augmente l'assiette des prélèvements alimentant les comptes d'affectation spéciale.

Ces deux évolutions, qui n'avaient eu en 2016 qu'une faible incidence sur les recettes du CAS, exercent des effets plus nets en 2017. Combinées avec une augmentation des emplois, elles ont abouti à une progression de la masse salariale de 3,7 %.

Cette dynamique des salaires ne se retrouve pas entièrement en recettes du fait de décalages temporels, l'augmentation des salaires ayant été concentrée sur la fin de l'année.

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène, parmi lesquelles il est intéressant de relever celle mise principalement en avant par le ministère du budget : les difficultés de recrutement dans la fonction publique.

Celles-ci, à leur tour, peuvent témoigner de différentes rugosités du marché du travail, de phénomènes plus conjoncturels, comme la reprise des recrutements dans le secteur marchand, ou de pertes plus structurelles d'attractivité de l'emploi public, toutes hypothèses qu'il convient assurément de prendre en compte pour apprécier les perspectives de l'équilibre des régimes de retraite retracés dans le CAS.

2. Une progression mesurée des dépenses

La progression des dépenses a été plus modérée que celle des recettes (autour de 1,2 %, soit un supplément de dépenses de 681 millions d'euros par rapport à 2016).

Elle a été un peu plus rapide (+ 1,4 %) pour les seules dépenses de pensions civiles et militaires retracées par le programme 741, qui concentre près de 94 % des dépenses du CAS, et est responsable de la totalité de l'alourdissement de la charge de pensions.

Les deux autres sections du compte enregistrent, de leur côté, une réduction structurelle de leurs charges.

La dynamique des charges peut être attribuée à la revalorisation des pensions en stock et, principalement, aux entrées nettes en pensions au cours de l'année.

En contraste avec ces dernières années, la modération des charges supportées par le compte n'a pas été soutenue par l'absence de toute revalorisation des pensions. Le jeu de l'indexation a, au contraire, tiré les dépenses à la hausse. Les pensions ont été revalorisées de 0,8 % au 1 er octobre 2017, entraînant une dépense supplémentaire de 83 millions d'euros. Cette estimation, donnée pour les seules pensions civiles de l'État 198 ( * ) (programme 741) ouvre la perspective d'un effet en année pleine de l'ordre de 332 millions d'euros en 2018, année que le Gouvernement a annoncé devoir être « blanche » au regard de l'indexation des pensions, dans un contexte pourtant marqué par une reprise de l'inflation.

Dans ce contexte, on peut estimer qu'une revalorisation de 1 % des pensions civiles au premier octobre coûte 103,7 millions d'euros au programme 741 l'année où elle intervient soit 414,8 millions d'euros en année pleine 199 ( * ) . On remarque que le décalage de la date d'indexation du 1 er avril au 1 er octobre permet d'économiser, l'année où elle intervient, un semestre de charges de revalorisation, soit 207,4 millions d'euros (252,4 millions d'euros en ajoutant les pensions militaires).

Ces éléments permettent également de mesurer l'incidence d'une résurgence éventuelle de l'inflation sur les charges de pensions civiles et militaires de l'État.

Il convient enfin de souligner que les charges du programme 743, qui correspondent aux prestations versées aux anciens combattants, sont tributaires d'un autre mécanisme d'indexation que pour les pensions civiles et militaires. Leur indexation est liée à « l'indice de traitement brut-grille indiciaire de la fonction publique » dans le cadre du mécanisme dit du « rapport constant ». Cette formule, comparativement favorable lorsque l'évolution de l'inflation conduit à geler les pensions civiles et militaires, peut, en revanche peser sur la dynamique des pensions d'anciens combattants quand la politique salariale aboutit à un gel de l'indice.

L'essentiel de l'augmentation des charges supportées par le compte doit toutefois être attribué à l'effet de noria résultant des entrées nettes en retraite.

Les bilans des flux affectant le stock des pensions exercent un effet haussier sur les charges par deux canaux : l'augmentation nette du nombre des pensionnés et le renchérissement progressif de la valeur de la pension moyenne en stock.

Pour les pensions civiles, si les sortants entraînent une économie de 521 millions d'euros (pour 57 200 sorties de pensions en 2017), les entrées en pensions (59 500, soit davantage que les 54 800 départs prévus) alourdissent les charges de 873 millions d'euros 200 ( * ) .

Le « coût unitaire budgétaire » 201 ( * ) des nouvelles pensions (14 672 euros) est plus élevé que pour la pension moyenne du stock (9 108 euros) de l'ordre de 60 %.

Pour les pensions militaires, les départs en retraite ont été de 11 600 tandis que les sorties se sont élevées à 19 200. Les premiers ont pesé sur les charges pour 179 millions d'euros tandis que les secondes ont engendré 146 millions d'euros d'économies. On relève également un écart entre le coût unitaire budgétaire de la pension en stock et celui des nouvelles pensions.

Dans l'ensemble, les anticipations sur lesquelles reposait la budgétisation des pensions ont été déjouées. En ce qui concerne les entrées en retraite, elles ont été supérieures de 4 700 unités pour les pensions civiles, soit une erreur de près de 8 %. Les départs pour carrière longue ont été supérieurs à la prévision (+ 1 000, soit une erreur de 11,6 %). Le relèvement des bornes d'âge par la réforme de 2010 ainsi que le durcissement du régime de la décote (qui a débuté en 2016), qui renforcent leurs effets dans le sens d'une réduction des charges de retraite d'une année sur l'autre, ont moins joué qu'escompté.

La part des nouveaux retraités concernés par la décote a considérablement augmenté, passant de 12,54 % à 14,11 % tandis que ceux bénéficiant de la surcote a baissé (de 29,86 % à 27,66 %) dans un contexte où, pourtant, le coût de la décote augmente (le bénéfice de la surcote se dévalorisant). Le premier s'établit à 163,18 euros par mois (soit 16,4 millions d'économies de dépenses publiques en année pleine pour les entrants de 2017).

Le niveau de la perte de revenu associée à la décote ressort comme élevé. Mais, son impact sur les comportements est manifestement contrebattu par d'autres considérations auxquelles il conviendrait de porter une attention particulièrement vigilante, dans une perspective où il est assez probable que le paramètre d'âge du départ en retraite demeurera un levier d'équilibrage du système des pensions.

3. Mises en perspective

Sur longue période, tant les recettes que les charges du CAS ont connu une progression continue et forte.

Mais, comme l'illustre le graphique ci-dessous, une inflexion s'est produite après la mise en oeuvre des réformes des régimes de retraite dans les fonctions publiques.

Évolution des recettes et des dépenses du CAS
(2010-2017)

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017

Depuis 2013, les recettes affectées aux pensions budgétées à travers le CAS dépassent les dépenses et augmentent régulièrement plus vite que celles-ci.

De 2013 à 2017, les recettes du CAS ont progressé de 6,8 % tandis que les dépenses se sont alourdies de 3,8 %.

En dépit de la stabilité du taux de contribution employeur observée depuis 2014, et qui se poursuit en 2017, l'année contribue fortement à ce différentiel puisque les recettes du compte s'accroissent de 3,1 % tandis que les dépenses n'augmentent que de 1,2 %.

Ce résultat semble confirmer une tendance dont la persistance doit être envisagée au vu d'évolutions structurelles (voir infra ).

C. UN EXCÉDENT APPAREMMENT DURABLE

Le bilan des recettes et des dépenses du CAS en 2017 prolonge les effets de l'inversion récente du différentiel de croissance entre les recettes et les dépenses portées par le CAS. Celui-ci a abouti à la constitution d'un excédent à partir de 2013 dont l'ampleur n'a depuis cessé de croître.

Malgré des perspectives plus incertaines à moyen terme, le régime de retraite de la fonction publique d'État ressort en projection de long terme comme sur-financé.

1. Un excédent en expansion qui contribue à accroître le « fonds de roulement » du compte

Les dynamiques effectives des recettes et des dépenses du compte en 2017 ont conduit à un solde d'exécution, qui, bien qu'inférieur au niveau envisagé par la loi de finances initiale, amplifie les résultats positifs des années précédentes.

L'excédent a atteint 1 939,2 millions d'euros (contre 2 217,6 millions en prévision) et fait plus que doubler par rapport au résultat de 2016 (un excédent de 762,5 millions d'euros).

Ce résultat prolonge la tendance à la constitution d'un solde cumulé de plus en plus fortement positif.

(en milliards d'euros)

Source : rapport annuel de performances 2016

Depuis 2008, le solde positif cumulé du compte a été multiplié par plus de 6 .

Il atteint 5,1 milliards d'euros à la fin de l'exercice 2017 , soit 8,8 % des dépenses totales de pensions qu'il finance. C'est plus qu'un mois de service des pensions.

Ce niveau, techniquement excessif par rapport aux normes usuelles, doit cependant être apprécié en fonction de considérations plus structurelles.

Parmi celles-ci doit d'abord être mentionné le processus de convergence des cotisations salariales de retraite des fonctionnaires avec celles en vigueur dans le régime général qui aboutit à une élévation du taux de contribution des fonctionnaires au financement du régime, même à contribution inchangée des employeurs.

Compte tenu de l'objectif de parité des systèmes de prélèvement entre public et privé, la réduction du taux de contribution des employeurs apparaît comme la seule variable d'ajustement mobilisable pour limiter la progression du solde du compte.

Or, deux éléments au moins rendent cette variable peu maniable :

- la nature de la « contribution employeur » affectée au compte ne correspond pas strictement à une cotisation sociale vieillesse employeur, mais, destinée à équilibrer les dépenses du compte, elle intègre partiellement la contrainte de financement correspondant à des « avantages » non contributifs. Dans ces conditions, une baisse de cette contribution ne saurait être entreprise sans qu'une clarification des déterminants divers de son taux n'intervienne ;

- et, probablement surtout, l'atténuation de la contrainte budgétaire appliquée aux ministères dans la gestion de leurs personnels qu'induirait une baisse de la contribution des employeurs.

2. Un excédent structurel ?

Le régime de retraite de la fonction publique de l'État (civile et militaire), qui représente l'essentiel des engagements du compte d'affectation spéciale, semble doté d'un excès de financement à moyen et, surtout, à long terme.

Ce résultat permet de tempérer l'impression exercée par le niveau élevé des engagements de retraite portés par l'État publiés dans le hors-bilan du compte général de l'État .

a) Des engagements de retraites élevés correspondant à un patrimoine important pour les ménages...

Ces engagements, qui totalisent l'ensemble des prestations que l'État devrait servir aux retraités actuels et, en fonction des droits acquis par eux au moment où ils sont évalués, aux personnes en activité, étaient estimés à 1 535 milliards d'euros à la fin de l'année 2015 . Le compte général de l'État pour 2017 les chiffre entre 1 410,4 milliards d'euros et 2 212,3 milliards d'euros. La fourchette d'estimation est particulièrement large.

Cette évaluation a été affinée dans le compte général de l'État pour 2016 avec quatre scénarios correspondant à des taux d'actualisation différenciés dont un nouveau taux d'actualisation négatif correspondant à une situation de taux d'intérêt réel négatif, qui n'a qu'une probabilité très minime d'occurrence.

Évaluation des engagements de pensions de l'État
selon différentes hypothèses de taux d'actualisation

Source : compte général de l'État pour 2017

Les différentes évaluations récapitulées ci-dessus correspondent au montant des réserves dont devrait disposer l'État pour financer l'ensemble des prestations de retraite actuellement portées en engagements par l'État, tout au long de la retraite des pensionnés .

Cette estimation est sensible à de nombreux paramètres, la plupart fondés sur des hypothèses , parmi lesquelles l'espérance de vie des titulaires des droits à pension constitués au jour de l'évaluation, qui, sans être arbitraires peuvent être discutées.

On souligne également l'influence du taux d'actualisation sélectionné pour calculer l'indicateur. Plus il est bas, plus le montant des réserves dont doit disposer le débiteur doit être élevé, le rendement du fonds de pension fictif devant répondre des dettes de pensions se trouvant poitivement corrélés avec le taux d'intérêt.

Cette corrélation permet d'illustrer l'incidence des rendements d'actifs sur la valeur des engagements actuels des débiteurs, et, à travers elle, sur les liens entre la valorisation de ces engagements et le taux de croissance anticipé . Plus celui-ci est élevé, plus faible doit être le niveau des actifs en réserve nécessaire pour acquitter les dettes de pension.

Avec un taux d'actualisation de 1,5 %, la valeur des actifs permettant de couvrir les engagements de retraite de l'État passe à 1 410,4 milliards d'euros (contre 1937,7 milliards d'euros avec un taux d'actualisation de 0 % et 2 212,3 milliards d'euros avec un taux négatif de 0,55 %).

Moyennant quelque simplification, 1 point de rendement supplémentaire allège les contraintes liées aux engagement de pension de l'État d'un niveau de l'ordre de 380 millions d'euros.

Etant observé que l'indicateur des engagements de pension du hors-bilan de l'État permet d'apprécier l'équivalent patrimonial des droits à la retaite des fonctionnaires couverts par le régime, information utile à toute analyse des comportements d'épargne des ménages, on doit en nuancer l'intérêt pour ce qui concerne la soutenabilité du régime.

Celle-ci est nettement mieux appréciable à partir d'un raisonnement sur le besoin de financement du régime de retraite.

b) ... mais une capacité de financement durable du système de pensions de la fonction publique d'État

Le besoin de financement actualisé à l'horizon de 2050 est plus ou moins négatif en fonction des perspectives de croissance économique, mais il est toujours négatif, ce qui signifie que le régime dégage une capacité de financement.

Projection du besoin de financement à l'horizon 2050

Source : compte général de l'État pour 2017

À l'horizon 2050, celle-ci varie dans une fourchette large, de 8,3 milliards d'euros à 1,4 milliard d'euros, en fonction du taux d'actualisation. Le compte général de l'État pour 2017 comporte par ailleurs une projection à long terme 202 ( * ) (horizon 2050) qui extériorise un profil temporel évolutif.

Après une période de onze années d'excédents continus du compte, une période de déficit de onze ans à nouveau, ferait place, au-delà, à une nouvelle phase d'excédents.

Financement des retraites du régime des fonctionnaires
de l'État et des militaires

Source : compte général de l'État pour 2017

Dans ces conditions, le solde cumulé du compte resterait constamment positif jusqu'en 2044 dans un contexte où il varierait, en valeur actualisée, entre 31 milliards d'euros, soit plus de la moitié des charges de pensions, et un retour à l'équilibre à l'échéance 2043.

Ainsi, malgré la résurgence de déficit après 2031, les charges de pensions pourraient être acquittées sans augmentation des prélèvements obligatoires jusqu'en 2043. Ce n'est qu'au-delà que les besoins de financement réguliers accumulés provoqueraient une dégradation très transitoire du solde cumulé.

A plus long terme, le système de pensions de l'État serait plus que financé, du moins si l'on se reporte aux informations publiées dans le compte général de l'État pour 2015 203 ( * ) .

La courbe verte du graphique ci-dessous cumule les barres du graphique colorées en rouge, qui figurent les excédents annuels du régime. À l'horizon de la projection (2111), l'excédent cumulé atteindrait 437 milliards d'euros .

Les résultats de la projection publiée en 2015, qui repose sur la législation en vigueur, montrent qu'en l'état actuel des financements et des projections portant sur les dépenses de pensions civiles et militaires correspondant aux engagements de retraite le régime connaît un excès de financement par rapport à une cible d'équilibre

Besoin de financement actualisé des retraites du régime
des fonctionnaires civils et militaires de l'État

Source : compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2015

On doit insister sur les incertitudes que comportent les projections à long terme d'équilibre du régime des pensions civiles et militaires de l'État, le solde projeté étant sensible à des erreurs portant à la fois sur les recettes et les charges projetées.

La révision des projections de capacité de financement basée sur une recommandation de l'institut d'évaluation des politiques publiques au terme de laquelle les capacités de financement à horizon 2050 seraient nettement moins élevées que dans les projections usuelles illustre la sensibilité des projections aux conventions utilisées.

Les projections publiées dans le dernier rapport du conseil d'orientation des retraites en témoignent également puisqu'en lieu et place d'un excédent elles font apparaître un déficit transitoire de début de période, mais suivi d'un excédent continu au-delà de 2040.

Projection du solde technique du régime de retraite des fonctionnaires
de l'Etat à l'horizon 2070

(en milliards d'euros)

Source : rapport du COR, novembre 2017

Cette dernière projection paraît liée à une perspective démographique plus défavorable à court terme.

Projection du rapport démographique du régime de retraite des fonctionnaires
de l'État à l'horizon 2070

Source : rapport du COR, novembre 2017

Au-delà des hypothèses relatives à la démographie du régime, il convient de mettre en évidence l'influence des scenarios macroéconomiques servant de cadrage aux projections, mais aussi une caractéristique commune, qui est d'être établie à législation constante.

Or, celle-ci favorise mécaniquement un décrochage entre les ressources du régime et ses dépenses. Sauf configuration très particulière, les premières sont assises sur une base plus dynamique, la croissance du PIB, que les secondes indexées sur les seuls prix.

Il en résulte nécessairement une dégradation du niveau de vie relatif des retraités, qui peut poser problème (voir ci-dessous).

Par ailleurs, on doit rappeler que le taux de contribution de l'État au régime de retraite des fonctionnaires, qui est relativement élevé, n'a pas vocation à le demeurer. Il pèse sur les dépenses budgétaires dont la réduction peut apparaître comme l'une des conditions d'un assainissement financier quand leur recomposition vers des emplois plus cohérents avec une cible d'élévation de la croissance potentielle peut sembler recommandable.

Dans ces circonstances, il peut apparaître réconfortant que les perspectives d'équilibre de long terme du régime paraissent compatibles avec le choix entre une réduction des prélèvements obligatoires et une amélioration du niveau des pensions.

Le graphique ci-dessous, extrait des travaux du Conseil d'orientation des retraites, illustre à plus courte échéance (2059) les perspectives de réduction des prélèvements obligatoires (retenues salariales et/ou contribution des employeurs, assimilées à un prélèvement obligatoire) offertes par le surfinancement actuel du régime.

Projection du solde du régime des fonctionnaires de l'État
sous l'hypothèse d'un maintien du taux de contribution de l'État
à son niveau de 2016 (1,72 % du PIB)

(en point de PIB)

Source : rapport du COR, novembre 2017

Sous l'hypothèse d'un maintien de la contribution de l'État au niveau de départ (1,72 % du PIB), le solde du régime des fonctionnaires atteindrait entre 0,9 % du PIB et 1 % du PIB.

Votre rapporteur spécial s'interroge sur les possibilités existant pour lisser dans le temps d'éventuels ajustements des prélèvements obligatoires d'autant que les générations actuelles semblent être confrontées à la perspective d'une baisse du rendement implicite de leurs contributions au financement du régime, ce qui, à l'évidence, ne satisfait pas au critère d'équité intergénérationnelle .

D. PAR DELÀ LES PROBLÈMES DE FINANCEMENT, CHOIX DE VIE, JUSTICE ET LISIBILITÉ

À supposer que les problèmes de financement du système de retraites publiques soient résolus, comme invitent à l'estimer les projections exposées ci-dessus, demeurent les problèmes de choix collectifs et d'évaluation de la justice du système de retraite que de nombreux travaux parus en cours d'année ont entrepris d'explorer.

Dans le rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2016, Jean-Claude Boulard, auquel votre rapporteure spéciale tient ici à rendre hommage, avait souhaité que ces travaux puissent être approfondis afin de disposer d'un diagnostic plus étayé encore sur l'ensemble des problématiques pertinentes associées au CAS « Pensions ».

Cette perspective, qui est plus que jamais nécessaire alors que l'engagement du Président de la République d'instaurer un régime universel de retraite fondé sur une uniformité des rendements contributifs des affiliés fait l'objet des travaux de M Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, a conduit votre rapporteure spéciale à entamer des travaux destinés à clarifier les enjeux d'une telle réforme pour les régimes de retraite qu'elle est amenée à suivre.

On trouvera ci-après quelques problématiques qu'il est nécessaire de prendre pleinement en compte.

1. La question de la répartition du temps de vie entre emploi et retraite appelle un approfondissement

La plupart des mesures prises pour ajuster le système de retraites publiques ont tendu, comme pour les réformes du régime général, à élever l'âge de départ à la retraite, en instaurant des systèmes d'incitation au maintien en activité, en relevant les âges de départ en retraite ou le nombre d'années de cotisations nécessaires pour disposer d'une pension à taux plein.

Ces mesures se sont traduites par un relèvement progressif de l'âge effectif de départ en retraite d'autant qu'elles se sont inscrites dans un contexte marqué par un décalage dans l'entrée en emploi du fait de l'extension du temps de formation initiale, des accidents de vie professionnelle plus nombreux et des incertitudes sur la valeur future des pensions du fait de la modification des règles d'indexation.

C'est ainsi qu'en 2017 l'âge de départ en retraite a progressé de 2 mois pour les catégories sédentaires de la fonction publique civile de l'État et de 4 mois pour les catégories actives.

Le relèvement de l'âge de départ en retraite, qui satisfait des conditions d'équilibre financier des régimes de retraite, est, en outre, souvent justifié par l'allongement de l'espérance de vie et par un objectif d'élévation du taux d'activité des seniors.

a) Réduction du temps en retraite et allongement du temps au travail, une relation à mieux apprécier

Sur ce dernier point, il existe une différence importante entre la situation des affiliés du régime général et de ceux des fonctions publiques 204 ( * ) pour lesquels il existe généralement une concomitance entre la fin d'activité et l'entrée en retraite. Cependant, on peut s'interroger sur les effets de la hausse des taux d'activité des seniors de la fonction publique sur les taux d'activité des autres catégories de la population, du moins dans un raisonnement où l'effet de « file d'attente » jouerait effectivement.

En bref, il n'est pas établi que la réduction du temps de vie en retraites s'accompagne systématiquement, et à due proportion, d'un allongement de la durée de vie passée au travail , tant macroéconomiquement que du point de vue microéconomique des personnes appelées à se présenter sur le marché du travail.

Cette question devrait faire l'objet d'une évaluation fine, notamment pour ses effets sur les revenus de toute sorte (activité et revenus différés d'inactivité des générations futures) .

b) Report de l'âge de la retraite, allongement de l'espérance de vie et durée de vie en retraite en bonne santé, une combinatoire à préciser

Quant à l'incidence du décalage de l'âge de liquidation des pensions sur la répartition entre temps de travail et temps de retraite, il ressort d'un document de travail publié l'an dernier 205 ( * ) qu'elle suit des profils différenciés selon les générations. Si, globalement, une certaine progression subsisterait malgré le relèvement des âges de départ en retraite, elle ne serait pas proportionnelle à l'élévation de l'espérance de vie et connaîtrait des modulations selon un certain nombre de caractéristiques sociodémographiques, dont il faut recommander la prise en compte dans les règles de liquidation des pensions .

Tant l'existence des catégories actives de la fonction publique que celle du compte pénibilité dans le régime privé témoignent que cette préoccupation n'est pas absente des systèmes de retraites.

Toutefois, une évaluation plus systématique, qui devrait comprendre une dimension générationnelle, s'impose .

c) Quel objectif de parité de niveau de vie en retraite et en activité ?

Un élément important de la répartition entre temps de travail et temps de retraite réside dans les conditions de niveau de vie attachées à chacune de ces situations.

L'un des objectifs historiques de la politique des retraites a été d'assurer un niveau de vie satisfaisant aux retraités. C'était du reste l'une des missions du comité de pilotage des retraites créé par la loi de 2010 que de veiller à ce que le niveau de vie des retraités soit satisfaisant.

Ce critère peut prendre des acceptions différentes. Mais, dans la pratique, la France lui a donné deux prolongements jusqu'à présent. C'est le pays où le niveau de vie relatif des retraités est le plus proche de celui des actifs (les différences de composition des ménages relevant des deux catégories jouant un grand rôle dans cette homogénéité) et c'est également l'un des pays de l'OCDE qui connaît le taux de pauvreté des retraités le plus faible.

Cependant, la réforme des conditions d'indexation des pensions déliées de toute référence à la croissance économique tend à instituer un décalage entre la dynamique des revenus d'activité, et de la propriété, et celle des retraités.

Sur la base d'une vingtaine d'années passées en retraite et d'un différentiel de 1 % entre l'indexation des retraites et la croissance économique, l'écart de gains de pouvoir d'achat dépasse 20 % entre les actifs et les retraités au cours de la période de perception de la retraite.

Ces perspectives accentueraient la tendance actuelle à un décrochage entre le niveau de vie des retraités et celui des actifs après l'atteinte d'une quasi-parité au milieu des années 2000. Certaines réformes tendant à restructurer le système des prélèvements obligatoires autour d'une plus grande neutralité de l'origine des revenus pourraient l'accentuer. Ainsi en va-t-il du renforcement de la part de la CSG dans le financement de la protection sociale.

Il convient d'ajouter que la future configuration d'un régime universel de retraite basé sur l'acquisition de points sur la base d'un rendement uniforme des contributions sociales porte en soi deux effets préoccupants 206 ( * ) pour le pouvoir d'achat des retraites.

D'une part, il laisse entière la question de la prise en compte des droits non contributifs dont la disparition serait cohérente avec le principe d'uniformité contributive, mais qui affecterait considérablement le niveau de vie de nombre de retraités. D'autre part, dans la mesure où un tel régime pourrait s'accompagner d'une érosion de la fonction tutélaire de l'État, dans un contexte où il reviendrait aux assurés de mettre en oeuvre leur arbitrage entre niveau de la pension et durée de vie à la retraite, il pourrait aboutir à l'instauration d'une catégorie de retraités précoces mais pauvres.

Nul doute que la réforme en cours d'élaboration s'attachera à obvier à ces prolongements indésirables.

La soutenabilité des effets de toutes sortes d'un tel décrochage, qui est une variable centrale de la « planification » des retraites, mériterait d'être évaluée sous l'angle des comportements des agents en tenant le plus grand compte de la distribution des droits de retraite entre ceux-ci 207 ( * ) .

Le recul de l'attractivité des systèmes de retraite de base ne saurait être indifférent du point de vue de nombre de paramètres majeurs de la vie économique : taux d'épargne, répartition des revenus, incitations au travail...

2. La question des différences entre le régime de retraites de la fonction publique d'État et le régime général

Malgré des réformes qui en ont homogénéisé de nombreuses règles, il existe des différences institutionnelles importantes entre le régime général de retraites et celui de la fonction publique d'État.

Les travaux récemment publiés conduisent à attribuer à des différences a priori considérables des effets mineurs.

Toutefois, ces résultats devraient être complétés afin de mieux faire ressortir les niveaux comparés des taux de rendement implicites des régimes et d'appréhender certaines situations concrètes.

a) Des différences institutionnelles a priori majeures demeurent

Les réformes des retraites ont tendu à faire converger les règles applicables aux salariés du secteur privé et aux fonctionnaires. Mais des différences subsistent.

L'architecture des régimes et les règles de calcul
(en cas de retraite sans décote ni surcote)

Régimes de salariés du privé

(CNAV, MSA salariés, ARRCO, AGIRC)

Régimes de fonctionnaires

(CNRACL, régime de la FPE, RAFP)

Partie

« principale »

des

rémunérations

Rémunérations sous le plafond de la sécurité sociale (= environ 85 % du total des rémunérations en moyenne)

Régime de base ( CNAV ou MSA salariés ) :

Pension = 50 % x salaire moyen des 25 meilleures années x proratisation

+ Régime complémentaire ARRCO :

Pension = nombre de points acquis sur toute la carrière x valeur du point

+ Régime supplémentaire d'entreprise

(éventuellement) : règles spécifiques à chaque régime

Traitement indiciaire de base (= environ 75 à 80 % des rémunérations totales en moyenne, dépend du grade et de l'ancienneté)

Régime intégré ( régime des fonctionnaires d'État , ou CNRACL pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers) :

Pension = 75 % x traitement indiciaire

des 6 derniers mois x proratisation

Reste des

rémunérations

Rémunérations au-dessus du plafond de la sécurité sociale (= environ 15 % du total des rémunérations)

Régime complémentaire ARRCO (pour les non-cadres) ou AGIRC (pour les cadres) :

Pension = nombre de points acquis sur toute la carrière x valeur du point

+ Régime supplémentaire d'entreprise

(éventuellement) : règles spécifiques à chaque régime

Primes et indemnités (= environ 20 à 25 % du total des rémunérations)

(dans la limite de 20% du traitement indiciaire)

Régime additionnel de la Fonction publique ( RAFP ) :

Pension = coefficient d'ajournement x nombre de points acquis sur toute la carrière (depuis 2005) x valeur du point

+ Une partie des primes est prise en compte dans la pension du régime intégré (pour certaines catégories actives)

+ Rémunérations non prises en compte pour la retraite : participation, intéressement...

+ Rémunérations non prises en compte pour la retraite : partie des primes au-delà de 20 % du traitement indiciaire

Parmi ces différences, les conditions du calcul de liquidation des droits dans le régime de base (assiette de référence et taux plein) ressortent tout particulièrement comme l'indique le tableau ci-dessus.

Néanmoins, d'autres différences doivent être prises en compte, parmi lesquelles la structure des rémunérations prises en compte et l'existence de régimes complémentaires, voire supplémentaires, nettement plus développés dans le secteur privé.

b) Au total, des taux de remplacement analogues ?

Une fois la totalité des différences institutionnelles prises en compte, les taux de remplacement offerts par les pensions publiques et privées seraient globalement proches.

Tel est l'enseignement du tableau ci-dessous qui porte sur le taux de remplacement net médian dans la fonction publique d'État et dans le secteur privé.

Taux de remplacement nets médians
dans la fonction publique d'État et le secteur privé

Champ : Retraités de droit direct nés en 1946, résidant en France, en emploi salarié après 49 ans, dont le régime d'affiliation principal est le régime général, la fonction publique civile ou un régime spécial.

Source : COR, Rapport annuel juin 2015, DREES, Études et résultats n° 926, juillet 2015, « Le taux de remplacement du salaire par la retraite diminue au fil des générations »

Le taux de remplacement net médian ressort comme légèrement supérieur dans le secteur privé mais des écarts de sens inverse caractérisent certaines situations-types si bien qu'une analogie des situations peut être dégagée.

Par ailleurs, les âges de liquidation dans les deux catégories se sont progressivement homogénéisés, du moins pour les personnels ne relevant pas des statuts « actifs », ce qui permet d'exclure, sauf à constater des espérances de vie en retraite différentes, une différenciation réelle résultant d'un effet d'accumulation.

Âges moyens des nouveaux retraités de 2002 à 2014

Champ : retraités de droit direct liquidant leurs droits au cours de l'année. Pour la CNRACL : hors départs anticipés pour carrière longue, invalidité, parents de 3 enfants ou handicap. Pour la fonction publique d'État : hors invalidité, parents de 3 enfants ou handicap (mais y compris départs anticipés pour carrière longue).

Source : rapport annuel du COR - juin 2016

Cependant, les situations particulières des agents considérés comme « actifs », qui continuent de liquider leurs pensions à un âge beaucoup plus précoces conduisent à nuancer la conclusion d'une équivalence des taux de remplacement. Encore conviendrait-il de disposer d'une information plus aboutie sur la durée de perception de la retraite par ces agents pour disposer d'un diagnostic plus précis.

c) Mais un flou à dissiper sur le rendement des contributions des affiliés

L'existence d'un taux de remplacement analogue dans le régime de la fonction publique d'État et dans le régime général n'équivaut pas à constater que la justice contributive est assurée. Le recours à un critère d'équivalence des taux de rendement implicites des régimes est nécessaire pour apprécier cette condition 208 ( * ) .

Cette question difficile en soi l'est encore davantage quand on la considère d'un point de vue prospectif dans la mesure où les taux de contribution d'équilibre sont appelés à évoluer sous l'effet d'un grand nombre de variables.

En toute hypothèse, on peut mentionner à ce stade les travaux réalisés par le COR et publiés en juin 2016 qui tendent à comparer les taux de prélèvement qui équilibreraient les différents régimes, ces taux pouvant être considérés comme illustratifs des taux de contribution implicites desdits régimes.

Si a priori, d'un point de vue nominal, les taux de contribution aux régimes de pensions varient considérablement, un certain nombre de corrections permettant d'assurer la significativité des comparaisons aboutissent à un panorama plus homogène que celui offert par la comparaison des taux faciaux.

Au total, d'un écart de près de cinquante points entre le régime de la fonction publique d'État et le régime général, elles ramènent l'écart entre ces régimes à 6 points.

Taux de prélèvement corrigés des écarts de champs et de rapports démographiques de grands régimes de retraites

Source : COR, rapport annuel juin 2016 - Cour des comptes

Les résultats obtenus restent d'une interprétation difficile dans la mesure où l'écart final de taux de contribution d'équilibre peut refléter des profils de revenus et d'activité des affiliés aux régimes en cause différents et devrait être corrigé d'effets fiscaux généraux non pris en compte.

Il convient également de mentionner les difficultés que rencontre l'analyse du fait de l'hétérogénéité des structures de financement des régimes qui font une place plus ou moins grande à des ressources prélevées sur des tiers .

Le tableau ci-dessous en témoigne.

Structure de financement des retraites
par groupe professionnel en 2011

Source : calculs COR, séance de novembre 2013

Le niveau relatif des cotisations sociales dans le total des financements varie nettement d'un régime à l'autre et le renforcement de la part des pensions financées par l'impôt en liaison notamment avec les allègements de cotisations sociales trouve un écho particulier dans les régimes hors fonction publique (salariés, exploitants agricoles, artisans et commerçants et régimes spéciaux).

De même, l'existence de droits non contributifs plus ou moins développés selon les régimes (voir le tableau ci-dessous ) devrait être prise en compte pour apprécier la hiérarchie des taux de rendement des cotisations sociales entre régimes (comme d'ailleurs au sein de chaque régime).

Les dépenses d'avantages non contributifs en 2012

Source : EIR 2012, DREES

Dans ce contexte, au-delà des différences entre régimes, les écarts internes à chaque régime appellent une attention particulière.

En toute hypothèse, votre rapporteure spéciale recommande que le débat sur les retraites puisse reposer sur des comparaisons claires de taux effectifs de contribution dans les différents régimes ainsi que sur des taux de rendement implicites suffisamment précis pour informer l'appréciation de la justice contributive du système de retraite.

MISSION « RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES » ET COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES » - MM. CHARLES GUENÉ ET CLAUDE RAYNAL, RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2017

1. La mission « Relations avec les collectivités territoriales »

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » retrace pour l'essentiel les crédits de dotations versées aux collectivités territoriales en compensation de transferts de compétences et, dans une moindre mesure, de certaines dotations d'investissement. Toutefois, les principaux transferts de l'État au profit des collectivités territoriales et en particulier la dotation globale de fonctionnement (DGF) constituent des prélèvements sur recettes et, à ce titre, ne figurent pas dans la présente mission .

Au titre de l'exercice 2017, les crédits exécutés sur la présente mission se sont élevés à 4,37 milliards d'euros en autorisations d'engagement (102 % de taux d'exécution) et à 3,39 milliards d'euros en crédits de paiement (99 % de taux d'exécution).

Évolution et exécution des crédits de la mission

(en millions d'euros)

Exécution 2016

Crédits votés LFI 2017

Exécution 2017

Évolution 2016-2017

Exécution 2017 / LFI 2017

Programme 119 : « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements »

AE

3 453,4

4 017,6

3 935,1

+ 14 %

98 %

CP

2 491,9

3 181,3

2 930,0

+ 18 %

92 %

Programme 122 : « Concours spécifiques et administration »

AE

291,2

289,4

437,6

+ 50 %

151 %

CP

321,8

254,5

459,0

+ 43 %

180 %

Mission « Relations avec les collectivités territoriales »

AE

3 744,6

4 307,0

4 372,7

+ 17 %

102 %

CP

2 813,7

3 435,8

3 389,0

+ 20 %

99 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2017 sur la mission
« Relations avec les collectivités territoriales »

(en millions d'euros)

LFI 2017

Reports entrants

Transferts et virement

Décrets d'avance

LFR 2017

Reports sortants

FDC/ADP rattachés

Crédits disponibles

Prog. 119

3 181

+ 14

- 4

- 257

+ 0

- 2

-

2 933

Prog. 122

254

+ 205

+ 8

- 7

+ 50

- 50

+ 0

459

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

2. Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales »

Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » retrace principalement les versements aux collectivités territoriales, du produit des impôts locaux perçus pour leur compte par l'État. Il garantit également le versement, depuis 2014, de frais de gestion sur divers impôts locaux qui ont été transférés aux départements et aux régions.

En 2017, la consommation des crédits s'élève à 102,1 milliards d'euros, soit une augmentation de 3 % par rapport à 2016 .

Exécution du compte de concours financiers
« Avances aux collectivités territoriales »

(en millions d'euros)

Exécution 2016

Crédits votés LFI 2017

Exécution 2017

Évolution 2016-2017

Exécution 2017 / LFI 2017

Programme 832 : « Avances aux collectivités territoriales et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie »

-

6,0

-

-

0%

Programme 833 : « Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes »

99 573,1

105 689,2

102 074,1

+ 3%

97%

Total

99 573,1

105 695,2

102 074,1

+ 3%

97%

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Le solde du compte est excédentaire de 161 millions d'euros , soit un montant assez faible comparé aux années précédentes.

Évolution du solde du compte de concours financiers

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

- 453

- 458

- 1 453

10 247

696

1 089

- 375

838

74

1 381

161

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une remise en cause inacceptable du montant des dotations aux collectivités territoriales voté par le Parlement

Les crédits votés par le Parlement sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ont un caractère particulier : ils s'inscrivent dans un ensemble plus grand - les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales - qui comprend notamment de nombreux prélèvements sur recettes. Or, c'est l'ensemble de ces concours financiers qui fait l'objet d'une concertation entre l'État et les collectivités territoriales . Ainsi, en 2017, l'effort demandé aux collectivités territoriales avait été fixé à 2,6 milliards d'euros, après minoration de l'effort demandé aux collectivités territoriales.

Dès lors que le montant des concours financiers aux collectivités territoriales doit être établi en concertation avec les collectivités, il n'est pas acceptable que le montant des dotations soit minoré en cours de gestion .

Or, le décret d'avance de juillet 2017 209 ( * ) a minoré le montant des dotations d'investissements : plus précisément, il a annulé 50 millions d'euros en autorisation d'engagements et 209 millions d'euros en crédits de paiement . Le rapport annexé indiquait alors que « ces annulations [étaient] permises par l'anticipation d'une moindre consommation sur la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), sur la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et sur la dotation politique de la ville (DPV) ». De même, 8,8 millions d'euros en AE et 7,3 millions d'euros en CP étaient annulés sur le programme 122, tandis qu'en novembre le second décret d'avance 210 ( * ) annulait 50 millions d'euros supplémentaires du fait d'un « rythme de paiement plus lent qu'anticipé sur la dotation de soutien à l'investissement local ».

Il est raisonnable de penser que ces mesures de pilotage budgétaire ont été à l'origine d'une moindre consommation des crédits et non l'inverse . Ainsi, les élus locaux ont constaté dans la foulée de ces mesures que les préfets « fermaient les vannes de la DETR et de la DSIL » 211 ( * ) . De même, l'Association des maires de France pointait dans sa lettre d'information de juillet 2017 que « plusieurs dizaines de dossiers portant sur des projets d'investissement imminents seraient remis en cause ».

S'agissant des taux d'exécution, la consommation des crédits est proche de celle de l'an dernier . On observe que le taux d'exécution en AE de la DSIL est meilleur que l'an dernier mais demeure médiocre (49 %).

Exécution des crédits des dotations d'investissement en 2017

(en millions d'euros)

Consommation 2016

LFI 2017

Crédits disponibles 2017

Consommation 2017

Taux d'exécution 2016

Taux d'exécution 2017

Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR)

AE

770,6

996,0

966,0

965,7

94,5%

97,0%

CP

591,2

718,7

622,8

621,0

88,7%

86,4%

Dotation politique de la ville (DPV)

AE

96,3

150,0

159,6

159,4

96,3%

106,3%

CP

62,4

88,4

83,4

83,2

85,1%

94,1%

Dotation de soutien à l'investissement local (DSIL)

AE

790,6

570,0

550,0

536,0

98,8%

94,0%

CP

42,4

322,6

152,5

159,5

35,3%

49,4%

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de la DGCL

2. Une date de mise en ligne des dotations proche de celle des années précédentes et un effort de transparence sur les données

La dotation forfaitaire et les dotations de péréquation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ont été mises en ligne le 6 avril 2017, soit une date assez proche de 2016 (respectivement le 31 mars et le 4 avril).

Date de mise en ligne de la DGF

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Cette mise en ligne relativement tardive pose de nombreuses difficultés aux collectivités territoriales. Il faut cependant souligner que l'exercice s'est complexifié dans les années récentes , avec la mise en oeuvre de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) à partir de 2014 et les évolutions importantes de la carte intercommunale - notamment en 2017 - voire de la carte communale avec l'avènement des communes nouvelles.

Par ailleurs, vos rapporteurs souhaitent souligner l'effort de transparence mené par la Direction générale des collectivités locales (DGCL) quant à la mise en ligne des données utilisées pour calculer la DGF . Ils ont pu à de nombreuses reprises regretter le caractère limité des informations mises en ligne et le recul qu'ils avaient observé en cette matière. Ce rapport est donc l'occasion de souligner que, pour la DGF 2018, la DGCL a mis en ligne l'ensemble de ces données et que cet effort de transparence permettra au Parlement de mieux travailler.

MISSION « REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS » - M. PASCAL SAVOLDELLI, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

En 2017, les crédits consommés sur la mission « Remboursements et dégrèvements » se sont élevés à 112,6 milliards d'euros, en hausse de 8,7 % par rapport à 2016 (+ 9 milliards d'euros). L'écart aux prévisions de la loi de finance initiale atteint un montant raisonnable de 3,7 milliards d'euros.

L'exécution des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » est marquée en 2017 par un ajustement des prévisions réalisé à l'occasion de la loi n° 2017-1640 du 1 er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, qui a tiré les conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel de la contribution de 3 % sur les dividendes distribués .

La maquette de la mission n'a pas connu en 2017 de modifications, malgré les observations répétées tant des rapporteurs spéciaux que de la Cour des comptes . La mission continue donc de retracer des mouvements de crédits de nature très diverse : certains sont la conséquence directe de la mécanique de l'impôt, tandis que les autres résultent de politiques publiques et de dispositifs fiscaux ayant une finalité précise, tels que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ou les différents crédits d'impôt sur le revenu. La Cour des comptes considère ainsi que « les dépenses relatives à la mécanique de l'impôt font partie intégrante de la gestion de l'impôt et devraient à ce titre être enregistrées directement en moindres recettes » .

De même, le dispositif de performance reste inchangé en 2017, les cibles choisies pour chacun des indicateurs continuent à être largement en-dessous des réalisations observées depuis plusieurs années.

Les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État atteignent en 2017 un niveau record proche de 100 milliards d'euros , supérieur d'environ 3 milliards d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2017. Cette sur-exécution s'explique principalement par les conséquences du contentieux portant sur la taxe à 3 % sur les dividendes.

L'impact de ce contentieux sur le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » est cependant atténué par les effets de la conjoncture économique qui a conduit à une diminution des remboursements d'excédents d'impôts sur les sociétés et de crédits de TVA par rapport aux prévisions initiales.

Les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux s'élèvent à 12,7 milliards d'euros, en diminution de 2,4 % par rapport à 2016.

Exécution des crédits de la mission en 2017 (crédits de paiement)

(en millions d'euros)

Exécution 2016

LFI 2017

Prévision actualisée LFR 2017

Exécution 2017

Évolution
2017/2016

Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt

66 909

69 757

65 660

65 660

- 1 249,06

- 1,87%

Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques

13 002

15 781

16 208

16 208

3 205,99

+ 24,66%

Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État

10 707

11 421

18 041

18 041

7 334,04

+ 68,50%

Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État

90 618

96 960

99 909

99 909

9 290,97

+ 10,25%

Taxe professionnelle et contribution économique territoriale et autres impôts économiques créés dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle

6 725

6 599

6 898

6 970

244,99

+ 3,64%

Taxes foncières

1 748

1 076

1 328

1 508

- 239,51

- 13,70%

Taxe d'habitation

3 978

3 717

3 703

3 674

- 303,83

- 7,64%

Admission en non valeur d'impôts locaux

531

481

531

513

- 18,27

- 3,44%

Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux

12 981

11 874

12 460

12 664

- 316,62

- 2,44%

Total des remboursements et dégrèvements

103 599

108 834

112 369

112 573

8 974,35

+ 8,66%

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Les remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l'impôt sont inférieurs aux prévisions initiales en raison de la conjoncture économique favorable

Les remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l'impôt ont sensiblement diminué en 2017. Ils s'élèvent à 65,7 milliards d'euros, ce qui représente 1,2 milliard d'euros de moins qu'en 2016 et un écart de 4,1 milliards d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2017.

Ce niveau inférieur aux prévisions s'explique principalement par les effets de la conjoncture économique favorable qui a entraîné :

- une diminution de 2 milliards d'euros du montant des remboursements d'excédents d'impôts sur les sociétés par rapport à l'exécution 2016 ;

- une augmentation contenue des remboursements de crédits de TVA de 0,8 milliard d'euros par rapport à 2016.

2. La poursuite de la montée en puissance du CICE se traduit par une augmentation des remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques

Le programme continue de répercuter la montée en puissance du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). En effet, les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État liés à des politiques publiques sont en augmentation de 3,2 milliards d'euros en 2017, à un niveau supérieur de 0,5 milliard d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2017.

Cette augmentation sensible est principalement due au niveau de restitutions de créances de CICE, le premier millésime de créance pour l'année 2013 étant devenu restituable pour l'intégralité des entreprises à compter de 2017.

Les remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques s'élèvent donc en 2017, pour le seul impôt sur les sociétés, à 12 milliards d'euros, alors qu'ils représentaient 8,9 milliards d'euros en 2016.

Votre rapporteur souligne à nouveau la nécessité, au vu du coût budgétaire du CICE, de disposer d'informations plus détaillées sur les bénéficiaires de ce crédit d'impôt, en particulier concernant leur répartition territoriale, ainsi que sur les effets du dispositif.

3. Le contentieux portant sur la taxe à 3 % sur les dividendes a pesé lourdement sur le programme en 2017

Les remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État sont en nette augmentation en 2017, de plus de 7 milliards d'euros par rapport à 2016 mais aussi par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2017.

Cette sur-exécution résulte en particulier de la prise en compte de la dépense liée au contentieux portant sur la taxe à 3 % sur les dividendes. Elle correspond pour un montant de 4,5 milliards d'euros aux décaissements anticipés au titre de l'annulation prononcée par le Conseil constitutionnel 212 ( * ) , qui a entraîné un remboursement des entreprises assujetties ayant acquitté la contribution de 3 % et qui ont effectué une demande de restitution.

Les conséquences de cette décision ont été tirées par la loi n° 2017-1640 du 1 er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, qui a ouvert les crédits correspondants sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».

4. Une diminution des dégrèvements d'impôts locaux qui s'explique essentiellement par une décision du Conseil constitutionnel et une disposition de la loi de finances pour 2018
a) Les conséquences de la censure de la consolidation du chiffre d'affaires pour le calcul du dégrèvement barémique à la CVAE

Le dégrèvement barémique de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est le dispositif fiscal par lequel l'État prend en charge une partie de cette imposition, afin de la rendre progressive en fonction du chiffre d'affaires.

La contribution nette de CVAE dépendant du chiffre d'affaires, certaines entreprises pourraient être tentées de multiplier les filiales, afin de réduire artificiellement leur chiffre d'affaires et ainsi de bénéficier d'un taux effectif de CVAE moins élevé. Pour éviter ces comportements, le chiffre d'affaires des groupes de sociétés fiscalement intégrés est consolidé au niveau du groupe.

Cependant, ces dispositions ont été déclarées contraires à la Constitution en mai dernier 213 ( * ) , en considérant qu'elles créaient une inégalité devant la loi entre les groupes satisfaisant les conditions d'intégration fiscale selon qu'elles avaient opté ou non pour le régime de l'intégration fiscale, dans la mesure où leur taux d'imposition global serait différent.

Il en est résulté un surcoût pour l'État d'environ 300 millions d'euros qui se retrouve sur les crédits de l'action 1 du programme 201 , correspondant aux montants réclamés par les entreprises au titre des exercices passés du fait de l'application de la consolidation du chiffre d'affaires.

b) Les conséquences de l'article 7 de la loi de finances pour 2018

L'article 7 de la loi de finances pour 2018 prévoit le maintien des exonérations de taxe d'habitation pour certaines catégories de contribuables 214 ( * ) prévues par la loi de finances pour 2016 , avant l'entrée en vigueur du dégrèvement total de taxe d'habitation prévue en 2020 par l'article 5 de la même loi de finances.

En maintenant le bénéfice de ces exonérations , l'article précité a entrainé une sous-consommation du dégrèvement au titre du plafonnement de la taxe d'habitation en fonction du revenu , ce qui explique la différence de 43 millions d'euros entre la consommation effective et la prévision de la loi de finances pour 2017.

MISSION « SANTÉ » - M. ALAIN JOYANDET, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

1. Une baisse de 5 % des crédits de paiement de la mission entre 2016 et 2017

La mission « Santé » du budget général participe à la mise en oeuvre de la politique sanitaire du Gouvernement. La plupart des dépenses publiques de santé étant financées par la sécurité sociale, le périmètre de la mission est limité. Elle regroupe essentiellement les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs sanitaires (programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ») et l' aide médicale d'État (AME) (programme 183 « Protection maladie »).

Les dépenses de la mission relèvent exclusivement du titre 3 « Dépenses de fonctionnement » (28 %) et du titre 6 « Dépenses d'intervention » (72 %). Celle-ci ne comporte pas de crédits de personnel : les crédits de rémunération des personnels concourant à la mise en oeuvre de la mission sont regroupés au sein du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

En 2017, les crédits de paiement consommés au titre de la mission « Santé » s'élèvent à 1 248,6 millions d'euros , soit 1,4 % de moins que la prévision faite en loi de finances initiale et 5 % au-dessous de l'exécution 2016 . Cette réduction est toutefois liée à des mesures de périmètre du programme 204 (cf. infra ).

Exécution des crédits de la mission « Santé »
par programme à périmètre courant en 2017

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits ouverts 2017

Crédits exécutés 2017

Évolution exécution 2017 / 2016

Écart exécution 2017 / LFI 2017

P. 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

AE

474,1

441,4

443,2

441,4

-6,9%

0,0%

CP

476,7

442,7

437

436,9

-8,3%

-1,3%

P. 183 Protection maladie

AE

837,7

823,2

811,9

811,7

-3,1%

-1,4%

CP

837,7

823,2

814,1

811,7

-3,1%

-1,4%

TOTAL

AE

1311,8

1264,6

1255,1

1253,1

-4,5%

-0,9%

CP

1314,4

1265,9

1251,1

1248,6

-5,0%

-1,4%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. Une exécution « en apparence » conforme aux prévisions initiales

L'analyse de l'exécution des crédits de la mission « Santé » en 2017 appelle deux remarques.

Alors que l'exécution des crédits des deux programmes de la mission apparaissait contrastée depuis quelques années, ces programmes respectent tous deux la budgétisation fixée en loi de finances initiale ; ainsi, 99 % des crédits de paiement du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » ont été effectivement consommés par rapport à la prévision initiale et le taux de consommation des crédits de paiement du programme 183 « Protection maladie » s'élève à 98,5 % des crédits prévus en loi de finances initiale pour 2017. Pour mémoire, en 2016, les taux d'exécution des crédits s'élevaient respectivement à 96 % et 111 %.

Loin de témoigner de la fiabilité des prévisions initiales, ce constat inquiète votre rapporteur spécial sur la soutenabilité de la mission , au regard de la faiblesse de la stratégie de pilotage et du manque de sincérité des prévisions budgétaires mises à disposition du Parlement.

Évolution du taux d'exécution des crédits de la mission « Santé »
par programme

(en %)

Note de lecture : le taux d'exécution est calculé par référence aux crédits ouverts en loi de finances initiale, y compris fonds de concours et attributions de produits, et non aux crédits disponibles (qui incluent également les reports de crédits et les mouvements réglementaires intervenus en cours d'exercice).

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

En outre, pour la première fois depuis 2012, les crédits exécutés au titre du programme 183 « Protection maladie » sont inférieurs au montant de crédits initialement prévus en loi de finances initiale pour 2017 , contrastant avec les dépassements antérieurs, répétés d'une exécution à l'autre. Cette tendance découle davantage des mesures prises en cours de gestion que d'une baisse structurelle du nombre de bénéficiaires de l'aide médicale d'État (AME) (cf. infra ) .

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Un manque de sincérité des prévisions budgétaires en matière d'aide médicale d'État (AME)

En 2017, 804,3 millions d'euros de crédits de paiement ont été consommés au titre de l'AME (programme 183 « Protection maladie »), soit une baisse de 21,1 millions d'euros par rapport aux crédits consommés en 2016 (-3 %).

Or, les prévisions budgétaires réalisées en loi de finances initiale pour 2017 estimaient à 815,2 millions d'euros le coût de l'AME. Si, comme l'illustre le graphique ci-dessous, cette prévision apparaissait en hausse de plus de 10,3 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2016, elle était surtout inférieure de 10 millions d'euros à la consommation des crédits relatifs à l'AME à la fin de l'année 2016 .

Comparaison entre la prévision initiale et l'exécution

des crédits relatifs à l'AME de la mission « Santé »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des rapports annuels de performances pour 2010 à 2017 et du projet annuel de performances pour 2017

En dépit d'une programmation plus « cohérente », consistant à augmenter les crédits de paiement de plus de 10 % par rapport à la budgétisation initiale de l'année précédente, l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement apparaissait d'ores et déjà « obsolète » au moment du vote des crédits de l'AME pour 2017 . En effet, la construction de la budgétisation des crédits de l'AME repose sur la prévision réalisée en loi de finances initiale de l'année n-1 , et non sur la consommation effective de l'année en cours, conduisant à une sous-budgétisation récurrente.

Au regard de la proximité entre la prévision réalisée pour 2018 et l'exécution constatée en 2017, cet « effet de base » devrait toutefois être moins important en 2018.

Votre rapporteur spécial s'interroge également sur la fiabilité des hypothèses sous-tendant la construction de la budgétisation de l'AME , sur lesquelles se basent les parlementaires au moment du vote des crédits. En loi de finances initiale pour 2017, les prévisions de dépenses d'AME de droit commun se basaient en effet sur un pourcentage d'évolution des effectifs de bénéficiaires consommant des soins contestable (+5 % par an, alors que la progression tendancielle des effectifs de bénéficiaires depuis 2011 atteint 12 % par an) ainsi que sur une diminution du coût moyen des dépenses de santé prises en charge . C'est exactement l'inverse de ces prévisions qui s'est réalisé en 2017. Ces hypothèses erronées ont toutefois entraîné l'annulation de crédits importante et imprudente sur le programme 183 (cf. infra ).

2. Une régulation budgétaire imprudente sur le programme 183

Alors qu'au cours des années précédentes, la quasi-totalité des annulations réalisées en cours et en fin de gestion portaient sur les crédits du programme 204, tandis que le programme 183 bénéficiait d'ouverture de crédits afin de couvrir le besoin de financement en matière d'AME, près de 62 % des crédits de paiement annulés en 2017 concernent le programme 183 .

Ainsi, près de 9,2 millions d'euros de crédits de paiement du programme 183 ont été annulés par voie de décret d'avance en 2017 215 ( * ) . À titre de comparaison, le même programme avait bénéficié en 2016 d'une ouverture de 85,3 millions de crédits, dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative pour 2016 216 ( * ) .

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2017

(en millions d'euros)

Prog.

LFI 2017

Décrets de transfert

Décrets d'avance

Décrets de virement

Arrêtés de report

Fonds de concours et attributions de produits

Lois de finances rectificatives

Total des ouvertures et annulations

Exécution 2017

Écart consommé/ crédits alloués en LFI

P204

AE

441,4

0,8

-22,4

5,3

-

18

0,008

1,7

443,1

0,4%

CP

442,7

0,8

-24,5

-

-

18

0,008

-5,7

437

-1,3%

P183

AE

823,2

-

-9,8

-1,6

-

-

-

-11,4

811,8

-1,4%

CP

823,2

-

-9,2

-

-

--

-

-9,2

814

-1,1%

Total mission

AE

1264,6

0,8

-32,2

3,7

0

18

0,008

-9,7

1254,9

-0,8%

CP

1265,9

0,8

-33,7

0

0

18

0,008

-14,9

1251

-1,2%

Note de lecture : les chiffres présentés n'intègrent pas les ajustements techniques prévus par le présent projet de loi de règlement ; ils peuvent donc légèrement différer des données présentées dans le rapport annuel de performances de la mission.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette annulation de crédits découlait d'une prévision de baisse des dépenses de l'AME de droit commun, en raison d'une diminution du nombre de ses bénéficiaires ayant recours à des soins, observée au premier semestre 2017. Or, celle-ci s'est finalement révélée imprudente, dans la mesure où une augmentation de la dépense au titre de l'AME a finalement été constatée en fin d'année.

Le rapport annuel de performance de la présente mission annexé au projet de loi de règlement indique que cette hausse découle principalement d'une augmentation du coût moyen par bénéficiaire de l'AME en 2017 , de 5,3 % par rapport à 2016. Cette hausse concerne surtout les dépenses de médicament et dispositifs médicaux (+ 8,2 %) et les honoraires d'auxiliaires médicaux (+ 9,5 %).

L'annulation de 9,2 millions d'euros de crédits au titre de l'AME en cours de gestion témoigne d'une prise de risque excessive, décidée sur la base d'une hypothèse contestable de baisse du nombre de bénéficiaires de l'AME - que notre ancien collègue Francis Delattre, alors rapporteur spécial, avait d'ailleurs contestée lors de l'examen du projet de loi de finances initiale.

3. ... entraînant un accroissement de la dette de l'État auprès de l'assurance maladie au titre de l'AME

En apparence, les crédits de paiement dédiés à l'AME budgétés sur le programme 183 diminuent entre 2016 et 2017, passant de 825 à 804 millions d'euros.

Crédits consommés au titre de l'AME (programme 183)

2016

2017

Évolution 2017/2016

AME

AME de droit commun

783,7

763,3

-3 %

Soins urgents

40

40

-

Autres

1,7

0,99

-42%

Total

825,4

804,3

-3 %

Source : commission des finances du Sénat

Or, pour appréhender le coût total de l'AME, il convient de prendre en compte le solde restant dû à l'assurance maladie en fin d'exercice, dans la mesure où les crédits exécutés inscrits en loi de règlement ne couvrent généralement pas l'intégralité des dépenses du dispositif géré par la CNAMTS. Ce décalage entraîne la constitution d'une dette de l'État vis-à-vis de la CNAMTS.

Ainsi, les dépenses enregistrées par la CNAMTS au titre de l'AME de droit commun ont finalement dépassé le montant des crédits exécutés sur l'exercice 2017 de la mission : les crédits de paiement dédiés s'élevaient à 763,3 millions d'euros en fin de gestion 2017 , tandis que la CNAMTS enregistrait un montant total de dépenses pour 2017 de 801,1 millions d'euros .

La dette cumulée de l'État vis-à-vis de la CNAMTS au titre des dépenses d'AME représentait ainsi 11,5 millions d'euros fin 2016 , en diminution par rapport aux années précédentes (57,3 millions d'euros de dette à la fin de l'année 2014). L'accroissement non anticipé des dépenses, aggravé par des mesures de régulation imprudentes a entraîné la reconstitution d'une dette dont le montant passe de 11,5 millions d'euros à 49,8 millions d'euros à la fin de l'année 2017 (+38,3 millions d'euros) .

À cette dette s'ajoute celle résultant de l'écart entre la dotation forfaitaire de 40 millions d'euros au titre des soins urgents de l'AME et les dépenses effectivement prises en charge par l'assurance maladie (65,1 millions d'euros en 2017).

Finalement, la diminution des crédits dédiés à l'AME exécutés en 2017, qui permet au Gouvernement d'afficher une maîtrise de la dépense publique, a été compensée par l'assurance maladie . Votre rapporteur spécial déplore ce désengagement de l'État et dénonce ce transfert à l'assurance maladie de la prise en charge de dépenses qui relèvent pourtant exclusivement du périmètre de la politique de santé publique - périmètre qui d'ailleurs, se réduit d'année en année à la portion congrue.

4. En dépit d'un paysage des opérateurs sanitaires profondément remanié, les économies structurelles tardent à se concrétiser

Le programme 204 enregistre une forte baisse des crédits de paiement consommés en 2017 par rapport à 2016 (-8,3 %, cf. tableau supra ), principalement en raison de mesures de périmètre.

Après le regroupement, en 2016, de trois opérateurs, l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut national de prévention et d'éducation à la santé (INPES) et l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), au sein d'une nouvelle Agence nationale de santé publique (ANSP) dénommée « Santé publique France », l'année 2017 a emporté un resserrement du périmètre de la mission . Les crédits du programme 204 destinés aux agences régionales de santé (ARS) pour le financement des projets régionaux de santé (PRS) ont été transférés sur le Fonds d'intervention régional (FIR) de l'Assurance maladie, pour un montant de 116 millions d'euros. Ce transfert a permis d'unifier autour d'un financeur unique la contribution au FIR.

En sens inverse, la part de financement de l'ANSP relevant de l'assurance maladie a été transférée à l'État (64 millions d'euros).

Ces mesures de transfert de dépenses traduisent une volonté de simplification du financement des dépenses de santé ainsi qu'un pilotage resserré du périmètre de la mission , en lieu et place de la poursuite d'économies structurelles sur les opérateurs sanitaires , qui peinent toujours à se faire sentir.

Ainsi, alors que le regroupement des trois opérateurs au sein de l'ANSP devait permettre une réduction de 10 % des effectifs d'ici 2019, les gains d'efficience ne devraient produire leur effet qu'à moyen terme . En 2017, les équipes ont été regroupées temporairement sur un même site, à Saint-Maurice (94), ce qui a permis de mettre un terme aux baux locatifs occupés par les ex-organismes constitutifs ayant fusionné. Ce regroupement implique la construction d'un nouveau bâtiment dont la livraison n'est prévue qu'au troisième trimestre 2018, et permet une réduction des dépenses de 1,26 million d'euros.

Les crédits de paiement exécutés au titre des subventions pour charges de service public ont considérablement augmenté en 2017, passant de 259 millions d'euros en 2016 à 329,6 millions d'euros en 2017 . Cette augmentation découle d'une part, de la montée en charge de la nouvelle ANSP et d'autre part, du transfert de son financement de l'assurance maladie au programme 204.

La situation des cinq opérateurs qui n'ont pas évolué entre 2016 et 2017 est contrastée : excepté pour l'Agence de biomédecine (ABM) et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), les crédits consommés ont augmenté entre ces deux exécutions - pour l'INCa, ils sont supérieurs de 10 millions d'euros en 2017 par rapport à 2016 (+30,9 %).

Si cette augmentation découle principalement de l'élargissement de leurs missions prévu par la loi de la modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, votre rapporteur estime que les opérateurs de la mission représentent un gisement d'économies que le pilotage resserré de la mission et de son périmètre n'ont pas permis, à ce jour, de mobiliser.

Subventions pour charges de service public versées aux opérateurs

(en millions d'euros)

Opérateur

Exécution 2015

Exécution 2016

LFI 2017

Exécution 2017

Écart crédits consommés/ alloués en LFI

Écart 2017/2016

Agence de biomédecine (ABM)

12,7

13

13,8

12,9

-6,5 %

-0,8 %

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

113,2

111,8

112,7

109,8

-2,6 %

-1,8 %

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansés)

14,5

12,7

14,3

13,3

-7,0 %

4,7 %

École des hautes études en santé publique (EHESP)

9,7

7,1

9,2

7,4

-19,6 %

4,2 %

Institut national du cancer (INCa)

38,8

31,4

44,5

41,1

-7,6 %

30,9 %

Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus)

8,4

Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes)

22,3

Institut de veille sanitaire (INVS)

53,3

Agence nationale de santé publique (ANSP)

82,9

150,5

145,1

-3,6 %

198 %

Total

272,9

259

344,9

329,6

-4,5 %

46,7 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des projet et rapport annuels de performances de la mission Santé pour 2017)

MISSION « SÉCURITÉS » - PROGRAMMES « GENDARMERIE NATIONALE » ET « POLICE NATIONALE » - M. PHILIPPE DOMINATI, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

Les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » regroupent 97,2 % des crédits de paiement (CP) consommés en 2017 au sein de la mission « Sécurités ».

Pour ces deux programmes, l'année 2017 est marquée par le maintien d'une activité opérationnelle importante et la poursuite de la mise en oeuvre, par le Gouvernement, de divers plans d'action ou de renforcement, notamment le pacte de sécurité (PDS) et le plan de lutte anti-terroriste (PLAT) 217 ( * ) . En conséquence, les crédits des deux programmes poursuivent leur augmentation, de 4,48 % en AE et de 3,83 % en CP.

Exécution des crédits en 2017

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Évolution des crédits exécutés

Exécution 2017 / LFI 2017

(en %)

(en %)

Police nationale

AE

9 927,10

10 520,30

10 397,90

4,74%

98,84%

CP

9 957,80

10 386,20

10 311,20

3,55%

99,28%

Gendarmerie nationale

AE

8 490,40

8 931,65

8 844,22

4,17%

99,02%

CP

8 308,30

8 725,80

8 653,63

4,16%

99,17%

Total

AE

18 417,50

19 451,95

19 242,12

4,48%

98,92%

CP

18 266,10

19 112,00

18 964,83

3,83%

99,23%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette priorité explique les taux d'exécution élevés des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » , qui s'établissent respectivement à 99,56 % et 99,18 % en crédits de paiement (CP) et 99,28 % et 99,17 % en autorisations d'engagement (AE).

Évolution du taux d'exécution des crédits des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale »

(en crédits de paiement)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » ont fait l'objet de mouvements de crédits en cours de gestion, qui ont entrainé une diminution des crédits hors titre 2 disponibles. Afin de financer des mesures relatives à l'allocation pour demandeur d'asile, qui dépend de la mission « Immigration, asile et intégration », le décret d'avance du 20 juillet 2017 a annulé 133 millions d'AE et 110 millions d'euros de CP sur le programme « Police nationale » ainsi que 111,4 millions d'euros d'AE et 90 millions d'euros de CP sur le programme « Gendarmerie nationale ».

Le décret d'avance du 30 novembre 2017 a quant à lui procédé à l'ouverture de 14,7 millions d'euros (en AE et en CP) au profit du programme « Sécurité civile », afin de couvrir les dépenses les plus urgentes résultant de l'épisode cyclonique « Irma » (aide d'urgence, réquisitions décidées localement, transports maritimes ou aériens à rembourser en priorité). Cette ouverture de crédits était partiellement gagée par des annulations sur le périmètre de la mission « Sécurités ».

Votre rapporteur spécial regrette fortement ces annulations en cours de gestion, en contradiction totale avec la volonté affichée par le nouveau gouvernement de faire de la sécurité intérieure une de ses priorités. La concentration de ces annulations sur les crédits hors titre 2 a en outre détérioré le ratio « dépenses de personnel /ensemble de crédit » en cours d'exercice (cf. infra), alors même que ce dernier avait d'ores et déjà été jugé trop défavorable aux crédits d'investissement et de fonctionnement à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2017 218 ( * ) .

Mouvements de crédits intervenus en gestion sur l'année 2017

(en millions d'euros)

Police nationale

Gendarmerie nationale

AE

CP

AE

CP

LFI

10 493,73

10 359,61

8 814,59

8 608,77

LFR

0

0

0

0

Total des mouvements de crédits, dont :

-34,80

-42,04

66,77

70,15

Reports

60,08

32

43,11

25

Virements

4,08

4,12

0,31

0,35

Transferts

1,57

-0,66

4,50

4,50

Décrets d'avance

-133,35

-110,326

-111,45

-90

Décrets d'annulation

/

/

/

/

Fonds de concours

16,22

16,22

7,77

7,77

Attributions de produits

16,60

16,60

122,53

122,53

Total des crédits disponibles

10 458,93

10 317,57

8 881,32

8 679,26

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une évolution contrastée des taux d'exécution de l'ensemble des crédits et des seules dépenses de personnel

Le niveau élevé des taux d'exécution des crédits ne doit pas masquer la différence existant entre les dépenses de personnel et les dépenses hors titre 2. Si l'ensemble des dépenses affichent des taux d'exécution proches de 100 %, les dépenses de fonctionnement et d'investissement présentent un niveau d'exécution plus faible, respectivement à 94,8 % pour la police nationale et à 97 % pour la gendarmerie nationale.

Taux d'exécution des crédits des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » en 2017

(en crédits de paiement)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Au total, en prenant en compte les dépenses hors titre 2, les deux programmes présentent une exécution très inférieure à celle prévue en loi de finances initiale, alors même que la sécurité intérieure est continuellement présentée comme une priorité gouvernementale. En considérant le niveau des crédits en valeur absolue, la Cour des comptes indique que la mission « Sécurités » est la troisième mission du budget de l'État la plus touchée par ce phénomène, avec une sous-exécution de 136 millions d'euros, soit -4,7 % , derrière les missions « Écologie, développement et mobilité durables » et « Action extérieure de l'État » 219 ( * ) .

2. Une poursuite des recrutements sur l'année 2017, fragilisant la qualité du recrutement et de la formation des policiers et des gendarmes

Le schéma d'emplois réalisé en 2017 par la mission « Sécurités » (2 284 ETP) est proche de celui prévu en loi de finances initiale (2 306 ETP). Il se situe à un niveau intermédiaire en comparaison des schémas d'emplois de faible ampleur, voire déflationnistes, réalisés de 2013 à 2015, et le schéma d'emplois en nette rupture exécuté en 2016 (4 730 ETP).

La réalisation du schéma d'emplois de 2017 est principalement imputable au programme « Police nationale » (2 031 ETP), le programme « Gendarmerie nationale » ayant réalisé un schéma d'emplois de moindre importance (233 ETP).

Créations nettes d'emplois prévues et réalisées

(en ETP)

Gendarmerie nationale

Police nationale

LFI

Exécution

LFI

Exécution

Sorties

10 017

11 618

7 757

10 801

dont retraites

2 800

3 235

2 895

2 868

Entrées

10 272

11 851

9 788

12 832

Schéma d'emplois

255

233

2 031

2 031

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les plans de recrutement importants décidés par le gouvernement sont source de risques importants. Dès le début de l'année 2017, un risque de sous-exécution du schéma d'emplois est apparu du fait d'un nombre de sorties et de mobilités supérieur aux prévisions, notamment dans la catégorie des adjoints de sécurité. En outre, le concours de commissaires est resté infructueux, faute de candidats « de qualité », ce qui témoigne de la fragilité de ces plans de recrutement massifs en l'absence de vivier suffisant. Le schéma d'emplois n'a pu être rempli qu'en ouvrant des recrutements supplémentaires de gardiens de la paix et d'adjoints de sécurité, en septembre puis en décembre.

Les recrutements prévus par les plans affichent une sur-réalisation de 31 ETP dans la police nationale, provenant d'un reliquat de l'année 2016 reporté sur l'année 2017, soit 7 ETP pour le PLAT et 24 pour le PDS.

Créations nettes d'emplois prévues et réalisées
dans le cadre des plans de renfort

(en ETP)

Gendarmerie nationale

Police nationale

PLAT

55

366

PDS

0

1365

Total

55

1 731

Réalisé

55

1 762

Source : commission des finances du Sénat (d'après la Cour des comptes)

Si l'exercice est, globalement, marqué par le respect des annonces gouvernementales et des mesures votées en loi de finances initiale, ces importants recrutement ont, comme en 2016, « nécessité un effort particulier des filières de formation » 220 ( * ) . Votre rapporteur rappelle que cette mise sous tension des filières de formation n'est à terme, pas soutenable. Il est à cet égard symptomatique que les durées de scolarité aient été réduites de 12 à 8 mois pour les gendarmes et de 12 à 9,5 mois pour les policiers, dans un contexte où les difficultés opérationnelles sont accrues et le matériel utilisé de plus en plus exigeant (utilisation de fusils d'assaut HK, par exemple).

Les décisions prises en la matière par le nouveau gouvernement ne devraient pas inverser cette tendance. Le rythme de recrutement devrait sensiblement s'accroître sur le quinquennat actuel, puisque le Président de la République s'est engagé à créer 10 000 emplois sur la période 2018/2022 pour renforcer les forces de sécurité intérieure. Dans ce cadre, la Police nationale bénéficiera de 7 500 ETP et la Gendarmerie nationale de 2 500 ETP.

3. Un risque de dérapage des dépenses de personnel de plus en plus prégnant

Les dépenses de personnel ont connu, en 2017, une forte augmentation, de plus de 3,8 %, par rapport à l'exercice précédent.

Variation des dépenses de personnel

(en CP, en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Évolution 2016-2017

Police nationale

Titre 2

8 269,30

8 421,50

8 568,30

8 692,7

8 837,9

9 174,2

3,81%

Total

9 205,20

9 345,50

9 467,30

9 702,5

9 957,8

10 311,2

3,55%

Titre 2 / Total

89,80%

90,10%

90,50%

89,60%

88,80%

88,97%

Gendarmerie nationale

Titre 2

6 649,50

6 825,90

6 859,40

6 908,6

6 998,1

7 331,6

4,77%

Total

7 849,30

8 051,50

8 076,50

8 147,3

8 308,3

8 653,6

4,16%

Titre 2 / Total

84,70%

84,80%

84,90%

84,80%

84,20%

84,72%

Total pour les deux programmes

Titre 2

14 918,90

15 247,50

15 427,60

15 601,3

15 836

16 505,8

4,23%

Total

17 054,60

17 397

17 543,80

17 850

18 266,1

18 964,8

3,83%

Titre 2 / Total

87,50%

87,60%

87,90%

87,40%

86,70%

87,03%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Outre les plans massifs de recrutement (cf. supra ), l'augmentation des dépenses de personnel s'explique par les mesures de revalorisation générales (point d'indice) et catégorielles. Les policiers et les gendarmes ont obtenu, en avril 2016, la signature de deux protocoles leur accordant d'importantes mesures de revalorisation des carrières et des rémunérations. Les coûts supplémentaires liés à ces protocoles, limités sur l'année 2016, seront particulièrement élevés sur les années 2017 à 2019 et s'échelonneront jusqu'en 2022.

Comme l'a relevé la Cour des comptes dans un récent référé 221 ( * ) , l'ensemble de ces mesures catégorielles ont un coût annuel élevé et mal maîtrisé. Leur coût supplémentaire en 2017 par rapport au montant des dépenses exécutées en 2016, hors contribution au CAS « Pensions » est ainsi estimé à plus de 200 millions d'euros en 2017 et à 492,8 millions en 2019.

Coût des mesures générales et catégorielles en 2017

(en millions d'euros, hors CAS « Pensions »)

Coûts PPCR

Coûts hors PPCR

Revalorisation du point d'indice

Total

Gendarmerie nationale

18

46,1

28,2

92,3

Police nationale

29,9

49,8

40,5

120,2

Deux forces

47,9

95,9

68,7

212,5

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de la Cour des comptes)

La soutenabilité des dépenses de rémunération est en outre obérée par l'augmentation du stock d'heures supplémentaires, qui atteint 21,2 millions d'heures au 31 décembre 2017 (l'équivalent de 13 000 ETPT), soit une variation de 3,17 % par rapport à l'année précédente.

Stock d'heures supplémentaires

(en heures)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Par ailleurs, la refonte, en cours, de l'organisation du temps de travail au sein de la police comme de la gendarmerie nationale apparait comme un facteur de diminution de la disponibilité des policiers et des gendarmes.

Au total, la perte opérationnelle liée à la mise en place de la « vacation forte » au sein de la police nationale ne devrait s'élever, en 2018, qu'à 433 ETPT. Toutefois, les choix propres à chaque unité ne sont pas immuables, et il est possible que davantage d'effectifs soient, à terme, concernés par la « vacation forte », ce cycle suscitant un fort enthousiasme des agents. Dans la police, la mise en place dans l'ensemble des services de sécurité publique de ce nouveau cycle horaires nécessiterait la mobilisation de 3 000 à 4 000 emplois supplémentaires de policiers.

Depuis le 1 er septembre 2016, la directive européenne de 2003 relative au temps de travail 222 ( * ) est applicable à la gendarmerie nationale. Son application dans les groupements départementaux a d'ores et déjà entraîné une diminution de la durée moyenne du travail représentant l'équivalent de 4 000 ETPT.

4. Une augmentation de la proportion des dépenses de personnel...

La part des dépenses de personnel au sein de l'ensemble des dépenses des deux programmes avait connu une diminution à partir de 2014, à la faveur, notamment des volets « investissements » des différents plans décidés par le Gouvernement.

Votre rapporteur spécial avait salué, l'an dernier, la poursuite de cette diminution, de nature à contribuer à restaurer la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure.

Il est regrettable que l'exercice 2017 inverse les efforts entamés en 2015, la part des dépenses de personnel dans les dépenses totales passant, de 2016 à 2017, de 86,70 % à 87,03 %.

Dépenses de personnel / dépense totale des programmes
« Police nationale » et « Gendarmerie nationale »

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

De ce fait, la part des dépenses de personnel dans le total des dépenses demeure encore à un niveau significativement plus élevé qu'en 2006. Alors que les dépenses de personnel ont augmenté de plus de 30 % en 11 ans, les dépenses de fonctionnement et d'investissement ont connu une baisse de 6,89 % sur la période.

Évolution comparée des dépenses de personnel
et des autres dépenses depuis 2006

(en millions d'euros)

2006

2017

Évolution 2006 / 2016

Titre 2

12 685

16 505,8

30,12%

Hors titre 2

2 641

2 459

-6,89%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

5. ... préjudiciable à l'effort d'investissement et d'équipement

Les dépenses de fonctionnement augmentent de 5,6% en AE et de 3,3 % en CP (contre respectivement 14,7 % et 3,8 % l'année précédente). Ces dépenses ont principalement été affectées à l'intégration et aux premiers équipements des recrues, à la protection et à l'armement, et aux munitions.

Évolution des dépenses de fonctionnement entre 2016 et 2017

(en millions d'euros)

Programme

Dépenses de fonctionnement 2016

Dépenses de fonctionnement 2017

Variation

Police nationale

AE

897

998

11,26%

CP

841

903

7,37%

Gendarmerie nationale

AE

1302

1325

1,77%

CP

1147

1151

0,35%

Total

AE

2199

2323

5,64%

CP

1988

2054

3,32%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les dépenses d'investissement connaissent pour leur part une hausse de 11,82 % en AE et une baisse de 7,93 % en CP. Les investissements des deux forces ont principalement porté sur les véhicules et les opérations immobilières.

Évolution des dépenses d'investissement entre 2016 et 2017

(en millions d'euros)

Programme

Dépenses d'investissement 2016

Dépenses d'investissement 2017

Variation

Police nationale

AE

147

190

29,25%

CP

234

197

-15,81%

Gendarmerie nationale

AE

183

179

-2,19%

CP

157

163

3,82%

Total

AE

330

369

11,82%

CP

391

360

-7,93%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Si elles représentent près de 40 % des dépenses d'investissement de la police nationale, les acquisitions de véhicules diminuent de 25 % par rapport à 2016. Les dépenses réalisées n'ont, à titre d'exemple, pas permis de réaliser le plan de renouvellement automobile prévu , puisque seule 2 085 véhicules légers ont été acquis, contre les 2 813 prévus. Ceci constitue une évolution préoccupante, le parc des véhicules légers ayant déjà atteint un âge trop élevé, de 6,7 ans, contre 5,16 ans en 2017 223 ( * ) .

Nombre de véhicules de la police nationale et âge moyen

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses aux questionnaires budgétaires)

Alors même que le rajeunissement de cette flotte est régulièrement présenté par le directeur général de la police nationale comme une priorité, le parc automobile de la police nationale aura poursuivi son vieillissement en 2017, puisque le seuil permettant de l'enrayer se situe entre 2 500 et 3 000 acquisitions annuelles 224 ( * ) . Votre rapporteur spécial estime que cette évolution est préoccupante pour le maintien des capacités opérationnelles de la police nationale. Ce « retard » accumulé dans l'acquisition des véhicules est tel que la cible à atteindre afin d'enrayer ce vieillissement devra nécessairement atteindre un niveau sensiblement supérieur à 3 000, ce qui apparaît difficilement compatible avec la trajectoire pluriannuelle et les objectifs de création de postes de policiers annoncés par le président de la République.

MISSION « SÉCURITÉS » - PROGRAMME « SÉCURITÉ ET ÉDUCATION ROUTIÈRES ET CAS « CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS » - M. JEAN-MARC GABOUTY, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. LE PROGRAMME 207 « ÉDUCATION ET SÉCURITÉ ROUTIÈRES »

Le programme 207 « Sécurité et circulation routières » retrace les dépenses réalisées par l'État pour réduire le nombre d'accidents de la route à travers des mesures de prévention, d'information et d'éducation routières. Les dépenses liées au volet répressif de la politique de sécurité routière (radars et gestion des points des permis de conduire) sont, quant à elles, financées par le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Il y a trois ans, le montant des crédits alloués à ce programme a été considérablement réduit. En effet, le 1 er janvier 2015, les dépenses de titre 2 du programme 207 « Sécurité et éducation routières » ont été transférées au programme support 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieure », de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », afin d'en améliorer la gestion.

1. Des taux d'exécution élevés et en progression

Les taux de consommation sont élevés sur le programme 207 « Sécurité et éducation routières », tant en autorisations d'engagement (AE) qu'en crédits de paiement (CP). Au regard des crédits ouverts, les taux demeurent très hauts et s'établissent respectivement à 96,6 % (AE) et 100 % (CP). Au regard des crédits votés en loi de finances initiale (LFI), les taux de consommation se redressent nettement, après avoir fléchi en 2016, et franchissent le seuil des 90 %.

Évolution des taux de consommation des AE et des CP du programme 207

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi de règlement pour 2017

Le tableau ci-dessous retrace les principaux chiffres de l'exécution 2017 pour le programme :

Récapitulation de l'exécution 2017 du programme 207

(en millions d'euros)

Type de crédit

Exécution 2016

Crédits ouverts
en LFI

Total des crédits ouverts

Exécution 2017

Écarts exécution 2017/

Exéc. 2016

LFI

AE

31,59

38,83

36,03

35,12

+ 11,17 %

- 9,6 %

CP

31,91

38,83

35,33

35,33

+ 10,72 %

- 9,0 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi de règlement pour 2017

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2017

Prog.

Type de crédit

LFI 2017

Reports entrants

Décrets d'avance

Virement ou transfert

LFR de fin de gestion

Reports sortants

Fonds de concours et attributions de produits

Ajustements 2017 et DDAI 1

Exécution 2017

Écart consommé/ prévu

207

AE

38,83

0,70

3,61

0,11

35,12

90,45 %

CP

38,83

3,61

0,11

35,33

90,99 %

(en millions d'euros)

1 Dotation pour les dépenses accidentelles et imprévisibles

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Sécurités » de la Cour des comptes pour 2017

Les mouvements enregistrés en gestion sont loin d'être négligeables.

- 3,61 millions d'euros en AE et en CP ont été annulés 225 ( * ) ,

- 0,69 million d'euros en AE, correspondant à des reports 226 ( * ) de crédits non consommés en 2016 venus abonder le montant des crédits ouverts.

Comme l'an passé, la réserve de précaution - qui s'élevait à 3,11 millions d'euros en 2017 en AE et CP -, n'a pas été utilisée. Puis le programme a même fait l'objet d'un « surgel » au mois d'avril à hauteur de 500 000 euros. Le décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance, a annulé cette réserve de précaution et ce « surgel ».

Par ailleurs, dans sa note d'exécution budgétaire, la Cour des comptes souligne qu'à l'instar des autres programmes de la mission « Sécurités », « la prévision de dépenses était supérieure au montant des crédits disponibles après régulation. L'insuffisance de crédits, à hauteur de 3,1 millions d'euros [en AE et CP] devait être couverte par le dégel total de la réserve de précaution, conduisant le CBCM 227 ( * ) à émettre un avis défavorable sur cette programmation. » Ce constat conduit votre rapporteur spécial à demander, à l'instar de la Cour des comptes, une programmation bâtie à partir de l'ensemble des besoins connus et tenant compte du principe d'affectation de la réserve de précaution au financement des seuls aléas de gestion .

2. Une reprise des dépenses hors personnel portée par la hausse des dépenses de communication

En exécution, les dépenses hors personnel se sont élevées à 35,12 millions d'euros en crédits de paiement, soit un montant nettement supérieur - de 3,2 millions d'euros, soit 10,1 % - à celui de 2016, mais qui demeure nettement inférieur aux montants dépensés annuellement entre 2013 et 2015.

En loi de finances initiale pour 2017, un montant de 38,83 millions d'euros avait été inscrit pour les dépenses hors personnel. Ce sont donc près de 3,71 millions d'euros qui ont été économisés en exécution.

Évolution des dépenses hors personnel
du programme 207 (2013-2017)

(en millions d'euros)

Montant des dépenses hors personnel

Année

AE

CP

2013

42,66

44,02

2014

42,04

43,12

2015

41,03

39,61

2016

31,59

31,91

2017

35,33

35,12

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi de règlement pour 2017

Cette augmentation bénéficie aux dépenses de fonctionnement (titre 3) qui enregistrent une hausse significative de 19,9 % (27,91 millions d'euros en 2017 contre 23,30 millions en 2016), essentiellement supportée par les crédits destinés à la communication. Cette évolution est à mettre en regard de celle des dépenses de communication du programme 751 du CAS « Radars » qui ont nettement diminué de 14,4 millions en 2016 à 6,7 millions en 2017.

Les dépenses d'intervention (titre 6) sont en légère augmentation (6,12 millions d'euros en 2016 contre 6,57 millions en 2017). L'écart par rapport à la programmation initiale (10,4 millions) est lié au nombre de prêts subventionnés alloués dans le cadre du dispositif « permis de conduire à un euro par jour », nettement inférieur à celui qui était prévu (90 000 contre 106 000).

Enfin, les dépenses d'investissement (titre 5), qui sont consacrées à la création ou à la rénovation de centres d'examen du permis de conduire, n'ont jamais été aussi basses depuis 5 ans. Leur enveloppe avait déjà été réduite de 3,2 millions (en loi de finances initiale pour 2016) à 2,72 millions d'euros (en loi de finances initiale pour 2017) ; le montant des crédits consommés en représente à peine le tiers. Il s'avère aussi plus de la moitié inférieur - de 52,4 % - à celui enregistré en 2016 (0,86 million d'euros ont été consommés en 2017 contre 1,84 million en 2016, 1,43 million en 2015, 2,41 millions en 2014 et 3,25 millions en 2013)

3. Une courbe de la mortalité routière qui s'infléchit enfin

D'après le bilan de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), en 2017, 3 600 228 ( * ) personnes ont perdu la vie sur les routes françaises (3 448 en France métropolitaine et 152 dans les 5 DOM), contre 3 655, en 2016, 3 616 en 2015, 3 557 en 2014, 3 427 en 2013, 3 842 en 2012 et 4 111 en 2011.

Après 3 années consécutives de hausse - une première depuis 45 ans - la mortalité repart enfin à la baisse . Cependant , l'objectif que s'est assigné le Gouvernement depuis 2012, de parvenir à moins de 2 000 morts en 2020, apparaît hors de portée.

Ce bilan est toutefois à nuancer : le nombre d'accidents corporels continue d'augmenter (de 2,4 % en 2017) : 58 894 accidents en métropole en 2017 contre 57 522 en 2016. De même, le nombre de blessés hospitalisés (+ 1,8 %) et des blessés (+ 2 %) est en hausse. Outre-mer, les hausses sont encore plus prononcées pour le nombre d'accidents corporels (+ 7,4 %) et de blessés (+ 11,6 %). Seul le nombre de blessés hospitalisés diminue (de 3,2 %).

Si la mortalité automobiliste reste stable en 2017 par rapport à 2016 et la mortalité des piétons recule nettement (- 17 %), celle des motocyclistes (+ 9 %) et des cyclistes (+ 7 %) est en augmentation. De même, alors que la mortalité des jeunes (0 à 24 ans) et des 65-74 ans est en baisse -respectivement de 4,2 % et de 7 % - celle des 45-64 ans (+ 1 %), et surtout des plus de 75 ans (+ 7 %) continue d'augmenter.

À cet égard, votre rapporteur spécial s'interroge, comme son prédécesseur, sur l'opportunité de la suppression , en 2015 , de l'indicateur de performance « caractérisation de la mortalité routière selon les catégories d'usagers de la route », introduit l'année précédente. Cet indicateur comptait 9 sous-indicateurs affichant des objectifs ciblant, dans l'Hexagone et dans les DOM, la mortalité des usagers de deux-roues motorisés, des 18-24 ans ainsi que le nombre de personnes tuées dans des accidents de la route impliquant au moins un conducteur dont l'alcoolémie est supérieure au taux légal.

4. Le permis de conduire : des indicateurs de performance aux résultats de nouveau mitigés

Les indicateurs de performance relatifs au permis de conduire affichent en 2017 un bilan mitigé.

La réduction du délai moyen d'attente pour un candidat entre sa première et sa deuxième présentation à l'examen pratique marque un coup d'arrêt . Après avoir diminué fortement - de 27 jours - entre 2014 (90 jours) et 2016 (63 jours), en raison, d'une part, de l'augmentation du nombre de passages d'examens pratiques B par jour, et d'autre part, du transfert de l'organisation de l'examen pratique général à des organismes agréés en 2016, il stagne à 63 jours en 2017.

De même, le coût unitaire d'obtention du permis de conduire augmente légèrement pour la deuxième année consécutive (61,50 euros en 2017, contre 61,30 euros en 2016 et 60,6 euros en 2015) alors que la prévision 2017 était une baisse à 59,50 euros. Cette hausse est, comme l'an passé, justifiée par le recrutement plus important d'inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière .

Enfin, il est regrettable que l'administration ne soit « pas en mesure de fournir une estimation » du taux de conducteurs novices parmi les conducteurs impliqués dans un accident corporel , dont la baisse observée depuis plusieurs années, tendait à marquer le pas .

II. LE COMPTE SPÉCIAL « CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS »

1. Un compte spécial au solde excédentaire pour la troisième année consécutive

Le compte spécial « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » se caractérise en 2017 par une faible sur-exécution des dépenses pour les autorisations d'engagement ( 7,96 millions d'euros , soit + 3,83 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale) et une légère sous-exécution des dépenses pour les crédits de paiement ( 16,48 millions d'euros , soit - 1,20 %), comme l'illustre le tableau suivant qui retrace les principaux chiffres de l'exécution 2017 du compte spécial.

Comme en 2015 et 2016, l'action 01 « Dispositifs de contrôle » du programme 751 « Structures et dispositifs de sécurité routière » se distingue par des restes à payer importants - 123 millions d'euros - et en augmentation par rapport à 2015 (99,8 millions d'euros) et 2016 (94,2 millions d'euros). Ces restes à payer sont liés d'une part, à un défaut de mise à jour des engagements juridiques pris dans le cadre de marchés à bons de commande et, d'autre part, à l'étalement sur plusieurs mois des travaux de déploiement et de maintenance de radars, ce qui peut entraîner un paiement postérieur au terme de l'année civile.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2017

(en millions d'euros et en %)

Programme

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits
exécutés
2017

Exécution 2017
/exéc. 2016
(en %)

Exécution 2017
/ LFI 2017
(en %)

En %

En %

Section 1 - Contrôle automatisé

AE

231,62

249,00

251,44

+ 8,56

+ 0,98

CP

237,70

249,00

227,76

- 4,2

- 8,53

751 - Structures et dispositifs de sécurité routière 229 ( * )

AE

208,19

249,00

251,44

+ 8,56 %

+ 0,98

CP

216,08

249,00

227,76

- 4,2 %

- 8,53

752 - Fichier national du permis de conduire

AE

23,43

CP

21,62

Section 2 - Circulation et stationnement routiers

AE

1 104,02

1 129,77

1 135,29

+ 2,83

+ 0,49

CP

1 104,33

1 129,77

1 134,53

+ 2,76

+ 0,42

753 - Contrôle

et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

AE

26,20

26,20

26,20

0

0

CP

26,20

26,20

26,20

0

0

754 - Contribution
à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

AE

637,28

664,79

670,31

+ 5,18

+ 0,83

CP

637,59

664,79

669,55

+ 5,01

+ 0,72

755 - Désendettement de l'État

AE

440,54

438,78

438,78

- 0,40

0

CP

440,54

438,78

438,78

- 0,40

0

Total

AE

1 135,64

1 378,77

1 386,73

+ 3,83

+ 0,58

CP

1 342,03

1 378,77

1 362,29

+ 1,51

- 1,20

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi de règlement pour 2017

Évolution du taux d'exécution des crédits du CAS
« Contrôle de la circulation et du stationnement routiers »

(en %)

Crédits de paiement exécutés en 2016, prévus initialement
et exécutés en 2017, rattachés au CAS « Contrôle de la circulation
et du stationnement routiers »

(en millions d'euros)

Source: commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi de règlement pour 2017

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2017

(en millions d'euros et en %)

Prog.

Type de crédit

LFI 2017

Reports entrants

Décrets d'avance

Annulation

Reports sortants 230 ( * )

Exécution 2017

Écart consommé/ prévu

751

AE

249,00

8,55

0,00

251,44

+ 0,98

CP

249,00

17,00

0,00

227,76

- 8,53

753

AE

26,20

26,20

0

CP

26,20

26,20

0

754

AE

664,80

609,95

0,00

670,31

+ 0,83

CP

664,80

608,78

0,00

669,55

+ 0,71

755

AE

438,77

438,78

0

CP

438,77

438,78

0

Total mission

AE

1 378,77

618,50

0,00

1 386,73

+ 0,58

CP

1 378,77

625,78

0,00

1 362,29

- 1,20

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances« Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi de règlement pour 2017

Pour la troisième année consécutive, le compte spécial enregistre, au terme de l'exercice 2017, un solde positif . De l'ordre de 165 millions d'euros , il résulte de l'écart entre les dépenses en CP (près de 1,527 milliard d'euros) et les recettes affectées au compte, soit 1,362 milliard d'euros (78,2 % du produit total des amendes).

Le montant cumulé du solde du compte spécial , depuis son ouverture en 2006 , se monte désormais à 1 043 millions d'euros .

Évolution des recettes et dépenses du CAS depuis 2011

(en millions d'euros)

Année

Produit total des amendes

Recettes affectées au CAS

Dont contrôle automatisé

Dépenses en CP du CAS

Solde budgétaire du CAS

2011

1 515,60

1 299,60

641,80

683,90

615,70

2012

1 623,90

1 296,09

730,70

1 375,40

- 79,31

2013

1 597,50

1 382,30

708,30

1 315,10

67,20

2014

1 562,80

1 315,10

740,10

1 332,90

- 17,80

2015

1 607,70

1 329,60

789,00

1 285,60

44,00

2016

1 817,90

1 421,40

920,30

1 342,00

79,40

2017

1 978,20

1 527,70

1 013,20

1 362,30

165,40

Source: commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi de règlement pour 2017

Le compte d'affectation spéciale a vu également ses recettes augmenter en 2017 pour la troisième année consécutive . Après s'être établies à 1,421 milliard d'euros en 2016, elles enregistrent une hausse de 7,50 % et atteignent 1,527 milliard d'euros.

Pour mémoire, le produit total des amendes de stationnement et de la circulation routière - 1 978,20 millions d'euros en 2017 - n'est pas intégralement affecté au CAS .

En effet, seule une partie du produit des amendes forfaitaires perçues par la voie des radars - qui s'élève à 824,50 millions d'euros en 2017 - lui est affectée. Cette fraction est plafonnée 231 ( * ) à un montant fixé dans la loi de finances initiale pour 2017, à 419 millions d'euros . 249 millions d'euros sont affectés à la section 1 « Contrôle automatisé » (programme 751) tandis que 170 millions d'euros bénéficient à la section 2 « Circulation et stationnement routiers » (programmes 753, 754 et 755).

Quant au solde des amendes « radars » - soit 405,5 millions d'euros -, il est affecté à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

En outre, l'intégralité du produit des amendes forfaitaires hors radars et des amendes forfaitaires majorées de toute nature - qui s'élève à 1 153,70 millions d'euros - n'est pas affectée au CAS . En effet, une fraction, inférieure à 4 % - soit 45 millions d'euros en 2017 - est versée au budget général. Le montant affecté au CAS pour ces types d'amende est donc de 1 108,70 millions d'euros.

Au total, près de 77 % du produit total des amendes de toute nature est donc affecté au CAS.

2. Des recettes record, de nouveau sous-estimées dans la loi de finances initiale

Pour la deuxième année consécutive, le produit total des recettes issues des amendes de la circulation et du stationnement routiers (radars et hors radars) a, en 2017, été sous-estimé : 1,848 milliard d'euros en loi de finances initiale 2016 contre 1,978 milliard d'euros réalisés (dont versement à l'AFITF et au budget général). L'écart entre prévision et en réalisation (130 millions d'euros) est légèrement moins élevé que celui observé en 2016 (137 millions en 2016).

Ce constat vaut également pour les seules recettes liées aux radars, qui s'élèvent en 2017 à 1 013,20 millions d'euros (amendes forfaitaires et amendes forfaitaires majorées) - un record depuis 2003, année de déploiement des premiers radars - et enregistrent une hausse de 10,1% par rapport à 2016.

Contribuent à cette hausse :

- l'augmentation du parc de radars dont le nombre, après avoir stagné ces dernières années, augmente pour la deuxième année consécutive et atteint 4 446, soit une augmentation de 48 radars par rapport au 31 décembre 2016. Au 31 décembre 2017, le nombre de radars est bien supérieur à la prévision inscrite en loi de finances initiale (4 200) et au nombre observé fin 2015 (4 116). Cette augmentation s'explique par la stratégie « radars » annoncée par le Premier ministre le 2 octobre 2015 qui vise à déployer 500 radars supplémentaires d'ici 2018 et quadrupler le nombre de zones sécurisées par des équipements de contrôle automatisé. Elle comprend également une augmentation du nombre de radars mobiles, embarqués sur des véhicules, qui rendent le contrôle bien moins prévisible ;

- l'amélioration du taux de disponibilité des radars automatiques. En effet, la disponibilité des équipements, après avoir chuté de 92,6 % à 92,3 % en 2015, continue de s'améliorer (93,08 % en 2017 contre 92,5 % en 2016), sans pour autant atteindre le niveau constaté en 2012 (94,5 %). L'anticipation des perturbations engendrées par la canicule et l'absence de pic de vandalisme participent à ce redressement ;

- la verbalisation de plus en plus fréquente des véhicules immatriculés à l'étranger grâce à la mise en place d'accord bilatéraux d'échanges d'informations avec 13 pays européens, après la conclusion en 2017 de 3 nouveaux accords avec la Hongrie, la République Tchèque et la Slovaquie ;

- la nette amélioration du pourcentage d'avis de contravention émis par rapport au nombre de « flashs » qui, à la suite d'une « hausse d'activité particulièrement exceptionnelle », repart nettement à la hausse, après avoir diminué en 2016. Il s'élève désormais à 75,8 % (contre 69,6 % en 2016) sans toutefois atteindre son niveau de 2015 (77,1 %).

3. Un programme 751 marqué par des décalages importants entre crédits votés et montants consommés

En 2017, 200,78 millions d'euros ont été consommés pour maintenir en état et étendre le parc et pour traiter les messages d'infraction envoyés par les équipements de contrôle automatisé.

Des écarts importants entre les crédits de la loi de finances initiale et les crédits consommés caractérisent certaines dépenses de l' action 01 « Dispositifs de contrôle » du programme 751 « Radars ».

Le coût du déploiement de nouveaux dispositifs - consistant à remplacer des radars existants par des équipements plus « intelligents » - s'élève à 19,43 millions d'euros en CP en 2017, soit un montant très nettement inférieur - 46,16 millions - à celui prévu en loi de finances initiale. Cet écart conséquent est justifié par le « retard observé dans la mise en oeuvre du marché emplacements, et surtout aux difficultés rencontrées avec le titulaire du marché de fourniture et de pose des panneaux . » Cette situation a abouti à la résiliation du marché et à la réduction de moitié du nombre d'itinéraires sécurisés prévus initialement.

De même, les crédits consommés pour le maintien en condition opérationnelle , s'élèvent à 50,05 millions d'euros contre 65,01 millions en loi de finances initiale, cet écart conséquent étant justifié par le retard de l'externalisation des prestations de conduite des « radars mobiles » et des difficultés rencontrées avec le prestataire du marché « panneaux ».

À l'inverse, les dépenses de « pilotage » 232 ( * ) , définies comme « des dépenses transversales à la fois au déploiement et à la maintenance des dispositifs de contrôle », s'élèvent à 36,81 millions d'euros, soit un montant nettement supérieur aux 20,33 millions prévus en loi de finances initiale. L'écart est expliqué par la notification de plusieurs nouveaux marchés et l'extension du champ de compétence du nouveau prestataire en charge de l'assistance à maîtrise d'ouvrage .

Dans le cadre de l'action 02 « Centre national de traitement » , l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI), au titre du traitement des messages d'infraction émis par les radars, reçoit quant à elle un budget de 82 millions d'euros, soit un montant identique à celui prévu en loi de finances initiale. Ce budget est en nette réduction par rapport à 2016 (92,7 millions) mais est complété par une « dotation pour charges de services publics » de 26,2 millions d'euros - au montant inchangé par rapport à 2016 - provenant du programme 753.

Enfin, dans le cadre de l'action 03 « Soutien au programme » 12,4 millions d'euros sont consacrés à des études, du fonctionnement courant et des programmes de communication de la délégation à la sécurité routière (DSR). Ce montant est bien plus élevé que celui prévu par la loi de finances initiale (7,5 millions d'euros), en raison du lancement de campagnes de communication supplémentaires, et de la diminution des crédits du programme 207 de la mission « Sécurités » consacrés à la prévention routière.

4. Un programme 753 dont l'existence pose question

Compte tenu de son montant (26,2 millions d'euros) qui représente environ 2 % de celui des recettes affectées au compte spécial , la pertinence du programme 753 « Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers » interroge .

À l'instar de celle du programme 752 « Fichier national du permis de conduire », désormais intégré au programme 751 « Structures et dispositifs de sécurité routière », sa suppression permettrait au compte spécial de gagner en lisibilité , d'autant plus que son unique action « Déploiement du procès-verbal électronique » permet de subventionner l'ANTAI, dont le budget est financé par l'action 03 « Soutien au programme » du programme 751 233 ( * ) .

S'agissant du déploiement du procès-verbal électronique (PVé), fin 2017, 3 600 communes avaient intégré le dispositif dont la totalité des villes de plus de 100 000 habitants. Ces communes équipées de PVé ont délivré 16,91 millions d'avis de contravention contre 17,65 millions en 2016 (soit une baisse de 4,2 %).

5. Des programmes 754 et 755 qui s'apparentent davantage à des supports budgétaires permettant de reverser des recettes qu'à de véritables programmes

Comme l'a déjà fait plusieurs fois remarquer le précédent rapporteur spécial, la plupart des dépenses du compte spécial obéissent à des facteurs sur lesquels les responsables de programme ne peuvent influer . C'est le cas notamment des programmes 754 « Collectivités territoriales » et 755 « Désendettement de l'État » dont les crédits sont calculés sur la base d'une formule établie par une loi de finances. Seule la baisse des recettes inscrites sur le compte peut conduire à une diminution de ces crédits.

Concernant le programme 754, la règle de détermination et de répartition de la part du produit des amendes 234 ( * ) , imputée en février aux communes et aux groupements de communes, a pour effet de décaler la consommation de crédits (en AE et en CP) à l'exercice suivant celui où ils étaient disponibles, ce qui engendre un report de plus de 600 millions d'euros chaque année.

Alors qu'en 2016, les collectivités territoriales avaient supporté une large partie de la sous-exécution du CAS avec un « manque à gagner » de plus de 32 millions d'euros, celles-ci ont reçu un montant légèrement supérieur - de 5,52 millions d'euros - à celui programmé dans la loi de finances initiale pour 2017.

S'agissant du programme 755 235 ( * ) , un décalage entre la programmation en loi de finances initiale et la consommation en 2017, est également constaté. Il provient du fait que le montant consommé en 2017 correspond :

- au versement au budget général du produit des amendes au titre des dix premiers mois de 2017,

- au versement des recettes des deux derniers mois de 2016.

Dans la mesure où le montant global était supérieur au disponible de la loi de finances pour 2017, le rapport annuel de performances indique qu' « il n'était pas possible de réaliser le versement selon les modalités habituellement retenues ». « Le montant finalement reversé au budget général s'est élevé à 438,8 millions d''euros, soit un montant identique à la LFI ».

En conclusion, votre rapporteur souligne que ces deux programmes s'apparentent davantage à des supports budgétaires permettant de reverser des recettes qui ne sont plafonnées que par la loi de finances qu'à de véritables programmes .

6. Un compte d'affectation spéciale qui contrevient toujours au principe de spécialité

L' article 21 de la loi organique portant loi de finances 236 ( * ) dispose que les comptes d'affectation spéciale « retracent (...) des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ».

Dans la mesure où plus de la moitié des recettes du CAS ne financent pas directement la politique de sécurité routière, son fonctionnement actuel contrevient au principe de spécialité dicté par la loi.

En effet, en 2017, 483,78 millions d'euros ont bénéficié au budget de l'État, ce qui représente environ un peu moins d'un tiers des recettes des amendes de la circulation et du stationnement routiers affectées au CAS. En outre, dans la mesure où 405,5 millions d'euros ont été versés à l'AFITF, il apparaît qu'environ 45 % du produit total des recettes des amendes ne sont pas directement affectées à la mission.

En 2017, en application de l'article 160 de la LFI pour 2017, un rapport a été annexé au projet de loi de finances pour 2018 sur « l' utilisation par l'agence de financement des infrastructures de transport de France et par les collectivités territoriales du produit des recettes qui leur est versé par le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » ». Si cette nouveauté constitue un net progrès pour le contrôle de l'exécution des crédits de la sécurité routière, son contenu est perfectible.

En effet, en ce qui concerne l' AFITF , bien que ce rapport indique que « l'agence contribue de façon significative à la lutte contre l'insécurité routière par les investissements qu'elle finance, bien au-delà des recettes issues du CAS », il n'isole pas les travaux réduisant spécifiquement l'insécurité routière et ne mesure pas leur contribution effective à la politique de sécurité routière.

S'agissant des collectivités territoriales, l'étude se limite à celles comptant moins de 10 000 habitants. Certes le rapport atteste que celles-ci utilisent les crédits du programme 754 pour financer des opérations de sécurité routière, mais il exclut les collectivités de plus de 10 000 habitants qui concentrent 87 % des crédits versés aux communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

7. L'ANTAI, une agence dont le fonctionnement anticipe la décentralisation du stationnement payant

Le décret n° 2017-1136 du 5 juillet 2017 a assigné de nouvelles missions à l'agence , qui se voit confier le traitement des redevances de stationnement (forfait post-stationnement (FPS)) et les infractions autres que routières mentionnées à l'article R.481 du code de procédure pénale.

Le fonds de roulement continue d'augmenter sensiblement. Son montant s'élève en 2017 à 41,3 millions d'euros (soit 11,3 millions de plus qu'en 2015), ce qui représente un peu moins de 5 mois d'activité. La délégation à la sécurité routière (DSR) justifie cette nouvelle augmentation par la nécessité de pouvoir anticiper les évolutions liées à l'entrée en vigueur, le 1 er janvier 2018, de la décentralisation du stationnement payant prévue par la loi MAPTAM 237 ( * ) et des éventuels décalages de paiement des collectivités locales. En raison du niveau inédit atteint par ce fond de roulement, il convient de rester très vigilant quant à l'évolution de l'agence, dont le mode de fonctionnement et les flux financiers font actuellement l'objet d'un contrôle budgétaire de votre rapporteur spécial.

8. Une stratégie gouvernementale de lutte contre l'insécurité routière qui doit encore faire ses preuves

Dans la mesure où la stratégie gouvernementale arrêtée en 2015 - relançant l'implantation des radars sur l'ensemble du territoire - n'a pas encore été totalement déployée, il s'avère difficile en 2017, de mesurer pleinement ses effets. Cette évaluation est d'autant plus délicate que l'inflexion de la courbe de la mortalité est encore timide, alors que les autres indicateurs de l'accidentalité sont loin d'être encore tous « passés au vert » (voir supra ).

Comme l'a souligné son prédécesseur, M. Vincent Delahaye, dans son rapport de contrôle budgétaire 238 ( * ) déposé en 2017, votre rapporteur spécial réitère le souhait que l'implantation et les trajets des nouveaux radars soient mieux corrélés à l'accidentalité qu'ils ne le sont aujourd'hui, un rééquilibrage vers réseaux secondaires où se produisent la majorité des accidents, au détriment des autoroutes, un ciblage plus efficace des départements où la mortalité est supérieure à la moyenne nationale , ainsi qu'un déploiemen t des nouveaux types de radars dans les départements d'outre-mer seraient en effet bienvenus.

MISSION « SÉCURITÉS » - PROGRAMME « SÉCURITÉ CIVILE » - M. JEAN PIERRE VOGEL, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

La loi de finances pour 2017 prévoyait pour le programme 161 « Sécurité civile » de la mission « Sécurités » 520,6 millions d'euros de crédits de paiement (CP) et 482,6 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE).

La consommation des AE et des CP est supérieure à la prévision, le s taux d'exécution s'élevant à 115,33 % en AE et 111,78 % en CP.

Exécution des crédits en 2017

(en millions d'euros)

Programme

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2016

Crédits exécutés en 2017

Exécution 2017 / exécution 2016

Exécution 2017 / LFI 2017

(en %)

(en %)

Sécurité civile

AE

482,6

418,8

483

115,33%

100,08%

CP

520,6

454,2

507,7

111,78%

97,52%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les crédits exécutés augmentent de près de 12 % en CP par rapport à 2016, du fait de l'intense activité opérationnelle générée par la saison feux exceptionnelle et les épisodes cycloniques. La sécurité civile a notamment supporté les dépenses liées au cyclone Irma, y compris les secours exceptionnels pour les particuliers sinistrés de Saint-Martin et Saint-Barthélemy (2,5 millions d'euros). S'élevant à 184,3 millions d'euros de crédits de paiement consommés, les dépenses de fonctionnement de la sécurité civile font apparaître un niveau d'exécution supérieur de 57,7 millions d'euros à l'enveloppe initiale (soit 45,6 % des crédits ouverts). Les besoins ont été couverts par le dégel de 19,8 millions d'euros sur la réserve de précaution en CP ainsi que par des ouvertures de crédits à hauteur de 34 millions d'euros en CP.

En gestion 2017, les crédits hors-titre 2 du programme ont notamment été modifiés par des arrêtés de report de crédits de l'exercice 2016 vers 2017 (21,5 millions d'euros en AE et 266 876 euros en CP), de décrets de transfert et de virement, des décrets d'avance et d'annulation et une loi de finances rectificative.

Les abondements de crédits en fin d'exercice ont été motivés par le surcroît de dépenses engendré par l'intensité de la saison opérationnelle (feux de forêts et ouragans) :

- 4,6 millions d'euros ont ainsi été ouverts en AE et en CP par le décret d'avance n° 2017-1639 du 30 novembre 2017 ;

- 22,6 millions d'euros en AE et 19,3 millions d'euros ont été ouverts en CP par la loi de finances rectificative n° 2017-1918 du 29 décembre 2017.

Mouvements de crédits étant intervenus en gestion pendant l'exercice 2017

(en millions d'euros)

Sécurité civile

AE

CP

LFI 239 ( * )

469,69

507,75

LFR

22,63

19,33

Total des mouvements de crédits, dont :

9,40

-11,80

Reports

21,48

0,27

Virements

0,26

0,27

Transferts

1,22

1,22

Décrets d'avance

-28,89

-28,89

Décrets d'annulation

/

/

Fonds de concours

14,94

14,94

Attributions de produits

0,39

0,39

Total des crédits disponibles

483

507,7

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Un taux d'exécution des crédits d'investissement particulièrement faible, en raison du report du remplacement des avions Tracker

Les taux d'exécution des crédits d'investissement du programme diminuent par rapport à 2016 et s'établissent à 73,4 % des AE ouvertes en loi de finances initiale et à 54,9 % pour les CP. En montant, les crédits exécutés diminuent de 3,2 millions d'euros par rapport à 2016, soit de 8,1 %, en raison essentiellement de la réduction de la charge financière engendrée par la relocalisation de la base aérienne de la sécurité civile (BASC) à Nîmes (Gard). Les principaux investissements ont porté sur l'immobilier, à hauteur de 25,5 % des crédits exécutés, dont 5,1 millions d'euros affectés à l'aménagement de la BASC. Les investissements ont également porté sur le système d'alerte et d'information des populations (SAIP), dont le volet mobile, qui reposait jusque-là sur une application smartphone, a été abandonné, à la suite notamment des observations de votre rapporteur spécial 240 ( * ) .

Par ailleurs, il a été décidé en cours de gestion de remplacer l'acquisition d'un aéronef d'occasion, inscrite dans la programmation initiale 2017, par un programme de renouvellement de la flotte d'avions de la sécurité civile par des Dash 8. La notification du marché est intervenue au début de l'année 2018 et les crédits initialement prévus à cet effet par la loi de finances pour 2017 ont été annulés, à hauteur de 25 millions d'euros en AE et en CP. Cette annulation explique en partie la forte sous-consommation des crédits d'investissements.

Principaux investissements de la sécurité civile

(en crédits de paiement et en millions d'euros)

Nature

Montant

En proportion des crédits d'investissement exécutés

Immobilier et travaux

9,2

25,5%

Projet SAIP

6,6

18,3%

Projet ANTARES

5,2

14,4%

Modernisation des avions

3,9

10,8%

Véhicules et équipements spécialisés
des UIISC 241 ( * )

2,9

8%

Modernisation des hélicoptères

0,9

2,5%

Équipement du déminage

0,8

2,2%

Source : commission des finances du Sénat (d'après la Cour des comptes)

2. Une poursuite des recrutements dans le cadre du pacte de sécurité

Si la priorité donnée à la mission « Sécurités » lui a permis de bénéficier, dès 2013, d'un relèvement de son plafond d'emploi, cette tendance ne concernait toutefois que la police et la gendarmerie. Depuis 2013, le plafond d'emploi de la sécurité civile a diminué et n'a connu sa première augmentation qu'en 2017, atteignant 2 411 ETPT.

Plafond d'emplois exécutés de 2012 à 2017

(en ETPT)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Écart à la LFI+LFR 2017

Sécurité civile

2 451

2 422

2 395

2 382

2 379

2 411

- 39 (2 450)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le schéma d'emplois, fixé à 20 ETP se composait de 15 démineurs, 2 personnels techniques et 1 personnel administratif. En l'absence de candidat retenu, un des postes d'ingénieur n'a pas pu être pourvu. Le schéma d'emploi réalisé s'élève donc à 19 recrutements. Cette augmentation porte le nombre total d'effectifs du programme à 2 402 ETP au 31 décembre 2017.

Les dépenses de personnel ont augmenté de 2,87 % en CP par rapport à 2017, à un rythme moins soutenu que l'ensemble des dépenses du programme. Les dépenses hors titre 2 ont en effet connu une augmentation plus forte, principalement du fait de l'augmentation des dépenses de fonctionnement, de 31 %, en raison de la hausse de l'activité opérationnelle.

Évolution de la part des dépenses de personnel
au sein du total des dépenses du programme

(en millions d'euros)

2016

2017

Évolution 2016 / 2017

Titre 2

167,1

171,9

2,87%

Total

454,2

507,7

11,78%

Titre 2 / Total

36,79%

33,86%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

3. Une poursuite bienvenue de l'apurement des restes à payer

L'engagement, pour une durée de sept ans, d'un marché de maintien en condition opérationnel (MCO) des quatre flottes fin 2015 a entrainé une forte augmentation des restes à payer, qui ont atteint 124 % des CP consommés en 2015. En 2016, ces derniers poursuivent la baisse amorcée en 2017, pour atteindre 267,68 millions d'euros, soit 78,75 % des CP consommés.

Évaluation comparée des restes à payer et des CP hors titre 2 depuis 2012

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Restes à payer

130,442

115,32

101,186

323,5

292

267,68

CP hors titre 2 (consommés)

282,67

268,436

262,162

259,1

292,8

339,9

Restes à payer / CP

46,1 %

43,0 %

38,6 %

124 %

99,73%

78,75%

hors titre 2

4. Une performance du dispositif de lutte contre les feux de forêts contrastée, en raison de l'intensité du danger météorologique

Les performances réalisées sont, pour l'ensemble des indicateurs du programme, proches des objectifs fixés en loi de finances, à l'exception de celles relatives à la lutte contre les feux de forêts pendant la campagne « saison des feux ».

Ce dernier dispositif connaît une performance en retrait de près de 4 points par rapport aux années précédentes et de près de six points par rapport à la cible. Le pourcentage des incendies ne dépassant pas 5 hectares ne s'élève ainsi qu'à 88,26 %, contre près de 93% en 2016. En 2017, durant la période de référence, 14 750 hectares de végétation ont été parcourus par le feu en région méditerranéenne durant la campagne, ce qui est nettement supérieur à la moyenne décennale (3 810 ha), et supérieur à 2016 (10 410 hectares).

Efficacité du dispositif de protection contre les feux de forêts pendant
la campagne « saison des feux » : incendies ne dépassant pas 5 hectares

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette situation s'explique, selon la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise, par l'intensité du danger météorologique qui a prévalu sur le littoral méditerranéen (sécheresse intense, établissement fréquent de régimes de vents violents dans les vallées du Rhône et de l'Aude, fortes chaleurs).

Cette sous-performance met en évidence la nécessité de pouvoir intervenir très rapidement sur les départs d'incendie et l'importance de l'apport du guet aérien armé pour atteindre cet objectif. À ce titre le maintien d'une composante aéronautique adaptée permettant de couvrir l'ensemble des zones sensibles, comme devrait le permettre la nouvelle flotte de Dash 8, constitue une évolution positive.

MISSION « SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES » - MM. ARNAUD BAZIN ET ÉRIC BOCQUET, RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

1. Une exécution des crédits qui dépasse de 6 % la prévision budgétaire...
a) Une exécution qui dépasse de 1,2 milliard la prévision de la loi de finances pour 2017

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - qui porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles - a été dotée de 17,83 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 17,85 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) en loi de finances pour 2017. Toutefois, les crédits exécutés sont largement supérieurs à cette prévision et s'établissent à 18,98 milliards d'euros en AE et 19,02 milliards d'euros en CP.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2017

(en millions d'euros et en %)

Programme

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Exécution 2017 / LFI 2017

304 - Inclusion sociale et protection des personnes

AE

5 701,7

6 546,0

12,9%

CP

5 701,7

6 546,4

12,9%

157 - Handicap et dépendance

AE

10 606,0

10 978,2

3,4%

CP

10 606,0

10 980,3

3,4%

137 - Égalité entre les femmes et les hommes

AE

29,8

21,4

-38,8%

CP

29,8

22,3

-33,5%

124 - Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

AE

1 487,9

1 438,2

-3,5%

CP

1 507,8

1 470,3

-2,5%

Total

AE

17 825,4

18 983,8

6,1%

CP

17 845,3

19 019,3

6,2%

* Crédits votés en LFI 2017 y compris fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Par ailleurs, à périmètre constant , les crédits exécutés en 2017 sont également en hausse de 1,18 milliard d'euros par rapport aux crédits consommés en 2016 . Cette hausse est principalement due au dynamisme de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés.

Les modifications de périmètre de la mission en LFI 2017

Parmi les changements de périmètre notables :

- le transfert du financement des dotations de fonctionnement des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) à l'assurance-maladie (1,47 milliards d'euros) ;

- le transfert des moyens de fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées ( MDPH) de l'État à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) (58 millions d'euros) ;

- la suppression du fonds national des solidarités actives (FNSA ) et la prise en charge par le budget de l'État (programme 304) des dépenses qu'il finançait (205 millions d'euros).

Source : commission des finances du Sénat

Les crédits exécutés en 2017 - hors CAS Pension et fonds de concours - d'un montant de 18,80 milliards d'euros sont ainsi supérieurs à la norme fixée par la loi de programmation des finances publiques qui s'élevait, à périmètre constant, à 17,22 milliards d'euros pour 2017.

b) Une exécution marquée par le dynamisme des dépenses d'intervention qui représentent 92% de la mission

Ce dépassement budgétaire est principalement dû au dynamisme des dépenses d'intervention financées par cette mission , qui sont structurellement orientées à la hausse, en raison :

- des évolutions démographiques, avec le vieillissement de la population ;

- du recul de l'âge légal de départ à la retraite, qui conduit également à augmenter le « stock » de personnes bénéficiant de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) ;

- de l'extension du champ et de la reconnaissance du handicap, qui joue un rôle non négligeable dans l'augmentation des dépenses d'AAH.

Par ailleurs, l'évolution conjoncturelle de la situation économique ainsi que les revalorisations annuelles des prestations contribuent également au dynamisme de ces dépenses.

Il convient, enfin, de souligner que les crédits consommés pour l'allocation aux adultes handicapés (9,39 milliards d'euros) et la prime d'activité (5,32 milliards d'euros) représentent près de 80 % des crédits consommés pour l'ensemble de la mission.

2. ... qui a nécessité le dégel de la réserve de précaution et des ouvertures massives de crédits en loi de finances rectificative

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2017

(en millions d'euros et en %)

Programme

LFI 2017

Reports entrants

Décrets d'avance

Virement ou transfert

LFR de fin de gestion

Fonds de concours et attributions de produits

Crédits ouverts

Crédits consommés

Taux d'exécution consommé/prévu

304

5 701,72

6,60

839,51

0,52

6 548,34

6 546,35

12,9%

157

10 606,03

0,96

368,72

5,00

10 980,70

10 980,27

3,4%

137

29,77

0,06

-7,50

0,00

0,05

22,38

22,29

-33,5%

124

1 507,81

7,72

-75,74

37,11

2,60

1 479,50

1470,33

-2,5%

Total mission

17 845,32

15,34

-83,24

37,11

1 208,22

8,17

19 030,92

19 019,25

6,2%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ces dépassements budgétaires ont ainsi rendu nécessaire, en cours de gestion :

- Un dégel quasi-complet de la réserve de précaution (93,8 % des crédits mis en réserve) : la réserve, en fin de gestion, s'est élevée à 5,4 millions d'euros en CP alors qu'1,3 milliard d'euros avait été initialement « gelé ». Vos rapporteurs pointent ainsi, comme la Cour des comptes, dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission, le caractère artificiel  de cette réserve portant sur des dépenses d'intervention, largement sous-budgétisées. Ils estiment ainsi que l'abaissement du taux de mise en réserve à 3 %, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, n'aura que peu de conséquence puisque l'enveloppe budgétaire prévue pour la mission risque de ne pas suffire à assumer les dépenses de 2018.

Mise en réserve des crédits de la mission (en CP)

(en millions d'euros)

Programme

304

157

137

124

Total

Gel initial

455,58

847,10

2,31

24,94

1 329,92

Surgels

256,26

17,00

5,19

56,54

334,99

Dégels en gestion

481,21

864,10

0,00

0,31

1 345,62

Annulation de crédits gelés

7,50

75,74

83,24

Réserve en fin de gestion

0,00

0,00

0,00

5,43

5,43

Source: commission des finances du Sénat d'après données de la Cour des comptes

- L'ouverture de 1,2 milliard de crédits supplémentaires lors de la seconde loi de finances rectificative 242 ( * ) dont :

- 839,5 millions d'euros sur le programme 304 notamment pour le financement de la prime d'activité,

- 368,7 millions d'euros sur le programme 157 notamment pour le financement de l'allocation aux adultes handicapés.

Ces ouvertures massives, en cours de gestion, sont récurrentes, s'agissant de la mission Solidarité . Vos rapporteurs le regrettent, car, s'ils considèrent que la prévision exacte du montant d'une dépense de guichet constitue un exercice complexe, la récurrence de ces ouvertures de crédits révèle une pratique volontaire - et regrettable - de sous-budgétisation.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une sous-budgétisation chronique de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés portant atteinte au principe de sincérité budgétaire

Comme vos rapporteurs l'avaient annoncé dans leur rapport budgétaire à l'occasion du projet de loi de finances pour 2018, l'exécution des crédits en 2017 révèle, une nouvelle fois, des sous-budgétisations massives s'agissant notamment de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés.

Concernant l'allocation aux adultes handicapés , les crédits prévus en loi de finances 2017 étaient quasiment équivalents au montant exécuté en 2016 ; une prévision sous-estimant « l'effet volume »  et « prix » (revalorisations) de cette prestation. Vos rapporteurs considèrent donc, que cette sous-budgétisation, existante depuis plusieurs années, porte atteinte à la sincérité budgétaire, puisque les facteurs de dynamisme de la prestation sont connus et identifiés depuis plusieurs années et non intégrés aux prévisions budgétaires.

Écart entre la prévision et l'exécution des dépenses d'AAH (en CP)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après documents budgétaires et Cour des comptes

S'agissant de la prime d'activité, alors que le dépassement observé en 2016 pouvait se comprendre au vu de la nouveauté de la prestation et de la difficile prévisibilité de ses déterminants, le dynamisme de cette nouvelle prestation aurait dû être mieux intégré dans la prévision des crédits pour 2017 . Le montant prévu en loi de finances pour 2017 était inférieur au montant exécuté en 2016, alors que l'estimation du taux de recours à la prime était connue en 2016.

Écart entre la prévision et l'exécution des dépenses
de la prime d'activité (en CP)

(en millions d'euros)

* à périmètre constant

Source : commission des finances du Sénat d'après documents budgétaires

S'agissant des prévisions inscrites en loi de finances pour 2018 , vos rapporteurs ont salué, dans leur rapport budgétaire, une « volonté louable de rendre plus sincère la budgétisation des crédits après des années de sous-budgétisation ». Toutefois, au vu de « l'effet volume » de ces prestations, qui sont extrêmement dynamiques et des revalorisations envisagées, vos rapporteurs estiment que les risques de dépassement budgétaires sont encore prégnants, notamment s'agissant de la prime d'activité.

Évolution de la prime d'activité et de l'AAH : les inquiétudes des rapporteurs spéciaux face aux annonces du Gouvernement

Vos rapporteurs - à la suite des annonces gouvernementales s'agissant d'une éventuelle réforme des prestations sociales - s'inquiètent de l'évolution de la prime d'activité mais également de l'AAH, et souhaitent pointer les contradictions du Gouvernement , en la matière. Alors que la revalorisation de la prime d'activité et de l'AAH constituaient des mesures phares du programme d'Emmanuel Macron, le Gouvernement semble aujourd'hui « faire machine arrière » . Déjà, à l'occasion de la loi de finances pour 2018, vos rapporteurs, avaient pointé, dans leur rapport spécial sur les crédits de la mission « Solidarité », l'écart entre les annonces faites par le Gouvernement et la réalité des mesures proposées . Ils avaient alors dénoncé l'augmentation « en trompe l'oeil » de la prime d'activité et de l'AAH , financée en partie par des mesures discrètes d'économie, faisant notamment sortir de la prime d'activité les bénéficiaires de pension d'invalidité et de rentes d'accidents du travail/maladie professionnelle.

Vos rapporteurs souhaitent également pointer la contradiction du Gouvernement quant aux arguments employés pour justifier d'une éventuelle réforme de la prime d'activité . Alors que le ministre Gérald Darmanin a souligné l'incohérence entre une augmentation de 2 milliards d'euros de dépenses entre 2016 et 2018 et l'amélioration de la situation économique, vos rapporteurs rappellent que cette augmentation est en grande partie liée à une sous-évaluation budgétaire du dispositif dès sa création en 2016, sous-évaluation qui est récurrente depuis lors.

Sur le sujet de l'AAH, vos rapporteurs souhaitent, par ailleurs, attirer l'attention sur la nécessité d'améliorer la qualité des délais de traitement dans les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Le délai moyen de traitement des dossiers relatifs aux adultes est - d'après les dernières données disponibles dans le rapport annuel de performances - supérieur au délai légal de quatre mois. En revanche, vos rapporteurs saluent les efforts accomplis en matière d'harmonisation des pratiques des MDPH et souhaitent que ce travail - qui vise à réduire les disparités territoriales existantes - se poursuive.

2. Les mineurs non accompagnés (MNA) et la protection juridique des majeurs : des sujets de tension budgétaire

S'agissant du dispositif d'accueil et d'orientation des mineurs non accompagnés (MNA) , les crédits exécutés en 2017 s'élèvent à 20,2 millions d'euros , soit une augmentation de 22 % par rapport au montant dépensé en 2016 (16,8 millions d'euros), et une hausse de 52 % par rapport à 2015 (9,5 millions d'euros). Le montant dépensé est croissant comme le nombre de mineurs non accompagnés pris en charge par les conseils départementaux : 10 200 en 2015, 13 000 en 2016, et près de 21 000 en 2017.

Afin de faire face à cette progression croissante du nombre de MNA, l'État avait décidé d'allouer, dans le projet de loi de finances pour 2018, une enveloppe exceptionnelle de 66,8 millions d'euros, en faveur des départements, au titre du financement d'une partie des dépenses d'aide sociale à l'enfance. Toutefois, comme indiqué dans leur rapport budgétaire à l'occasion du projet de loi de finances pour 2018, vos rapporteurs craignent que cette enveloppe soit insuffisante, au vu de la croissance exponentielle du nombre de MNA.

D'après les informations transmises par la DGCS à vos rapporteurs, le scénario envisagé pour le financement de ce dispositif pour 2019 prévoirait notamment une hausse du forfait de remboursement des départements pour les dépenses d'évaluation et de mise à l'abri, sans que cette solution ne soit, pour autant, pleinement satisfaisante pour les départements.

Par ailleurs, l'exécution 2017 confirme également la poursuite de la progression du nombre de mesures de protection des majeurs , qui a augmenté de 26 % entre 2010 (356 939) et 2017 (451 223). La hausse des crédits consommés - de 637,6 millions d'euros en 2016 à 649,5 millions d'euros en 2017 - s'explique ainsi par la progression des mesures et le financement du nouveau dispositif d'information et de soutien aux tuteurs familiaux. Toutefois, vos rapporteurs souhaitent rappeler que les crédits prévus, dans le projet de loi de finances pour 2018, sont en baisse et regrettent que cette diminution du financement public soit compensée par une augmentation de la participation des personnes protégées.

3. L'aide alimentaire : une gestion difficile se heurtant à la complexité des fonds européens

Le dispositif d'aide alimentaire est financé principalement par des crédits en provenance du fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) qui sont complétés à hauteur de 15 % par des crédits nationaux .

Or, vos rapporteurs - dont le contrôle budgétaire sur le financement de l'aide alimentaire est en cours - ont constaté que, depuis 2014, des contrôles de la Commission européenne et de la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) , autorité d'audit française des fonds européens, ont conclu à « l'inéligibilité » de certaines dépenses . Ces audits ont, en effet, relevé des irrégularités dans la passation des marchés, des erreurs de gestion ou de défaut dans le système d'organisation (comme l'absence de séparation fonctionnelle entre services de gestion et de contrôle).

Ces dépenses inéligibles - pourtant réglées par France Agrimer, établissement public en charge du paiement des fournisseurs de denrées alimentaires - n'ont pas pu être déclarées en remboursement à la Commission européenne par les autorités françaises. Elles se sont donc traduites par des « corrections financières » sur les montants déclarés en remboursement, à hauteur de 18,56 millions d'euros . En raison de ces irrégularités, la France a suspendu ses appels de fonds auprès de la Commission européenne, qu'elle a pu reprendre en juin 2017, à la suite de la mise en place d'un plan d'actions destiné à corriger les anomalies constatées.

Au titre de l'exercice 2017, l'État a donc compensé France Agrimer - sur les crédits du programme 304 - des remboursements non effectués par la Commission européenne - à hauteur de 15,33 millions d'euros . Parallèlement, France Agrimer a remboursé l'avance consentie, en 2015, par l'État de 12,24 millions d'euros.

Toutefois, la complexité de gestion du FEAD demeure . Bien que des évolutions aient été engagées, la lourdeur des procédures et des contrôles - dont la nécessité interroge vos rapporteurs - met en difficulté les autorités de gestion du fonds, et notamment France Agrimer, qui fait actuellement face à un déficit de trésorerie de 105 millions d'euros concernant le FEAD.

4. L'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants : un dispositif qui n'a pas trouvé son public et qui nécessite une simplification d'accès

La loi de finances pour 2016 avait mis en place, à compter du 1 er janvier 2016, une nouvelle aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leurs pays d'origine (ARFS) .

Cette aide est destinée aux travailleurs immigrés âgés disposant de faibles ressources afin de leur permettre de compenser la perte de certaines prestations sociales servies sous condition de résidence (par exemple les aides personnelles au logement) lors des séjours prolongés qu'ils effectuent dans leurs pays d'origine. Elle est exclusive des aides au logement et des minima sociaux.

À l'origine, en 2016 , le Gouvernement prévoyait qu' environ 10 000 à 15 000 personnes bénéficieraient de cette aide - pour un coût estimé à 60 millions d'euros-, mais dès le mois de juin 2016, 50 millions d'euros ont été annulés par décret. En 2017, les crédits demandés ont été divisés par six (soit 10 millions d'euros) par rapport aux crédits ouverts en 2016, mais aucune dépense n'a été effectuée à ce titre sur 2017.

Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur les raisons pour lesquelles ce dispositif ne trouve pas son public, et notamment sur la complexité de cette aide et de ses conditions d'éligibilité. Ils souhaitent que le Gouvernement procède à un examen attentif de ces facteurs de blocage afin d'aboutir à une mise en oeuvre effective de cette aide.

5. L'égalité femmes-hommes : une priorité politique qui ne se traduit pas dans l'exécution budgétaire

Le taux d'exécution des crédits du programme 137 relatif à l'égalité entre les hommes et les femmes s'élève à 74,9 % en 2017 . Ce programme fait ainsi l'objet d'une sous-exécution récurrente depuis 2014 .

Taux d'exécution du programme 137 relatif à l'égalité
entre les femmes et les hommes

Source: commission des finances du Sénat

Alors que les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2017 étaient en hausse de 7,9 % par rapport à 2016 - sous l'effet de l'augmentation des moyens affectés à la lutte contre les violences sexistes et contre le système prostitutionnel - l'exécution budgétaire s'avère extrêmement décevante .

La sous-consommation des crédits s'explique principalement par le retard dans la mise en oeuvre du parcours de sortie de la prostitution - prévu par la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées - et de l' aide financière à la réinsertion sociale et professionnelle (AFIS) . Sur les 3,8 millions d'euros prévus en loi de finances initiale pour 2017, 20 000 euros seulement ont été dépensés, en 2017, pour le financement de cette aide.

Vos rapporteurs regrettent la lenteur de la montée en charge de ce dispositif et souhaitent que le Gouvernement s'attèle à sa mise en oeuvre effective , en identifiant et levant les facteurs de blocage à la montée en charge de ce dispositif.

Par ailleurs, ils réitèrent leur remarque faite à l'occasion de leur rapport sur le projet de loi de finances pour 2018, selon laquelle l'augmentation des crédits, en loi de finances initiale, n'a d'intérêt pour le programme et les actions concernés que si les crédits sont ouverts et exécutés. Ils estiment, en effet, que si l'on veut faire de ce programme une priorité politique, il faut absolument qu'elle se traduise dans l'exécution budgétaire.

6. Le programme 124, support des ministères sociaux, touché sévèrement par des mesures de régulation budgétaire

Le programme 124 porte l'ensemble des crédits de soutien des politiques des ministères sociaux (ministère de la santé et solidarité, du travail et du sport), c'est-à-dire les dépenses de personnel et de fonctionnement liées aux directions centrales et déconcentrées de la cohésion sociale, de la jeunesse et des sports, ainsi que la contribution de l'État au fonctionnement des agences régionales de santé (ARS).

Sur les 1 507,8 millions d'euros de crédits de paiement prévus en loi de finances pour 2017, 1 470,3 millions d'euros ont été consommés . Le solde des mouvements intervenus sur l'année 2017 s'élève à - 28,3 millions d'euros en CP. Ce programme a ainsi fait l'objet d'annulations de crédits importantes, les ministères sociaux faisant partie des ministères non prioritaires, touchés de manière importante par les mesures d'économies budgétaires.

Les ARS ont également fait l'objet - au titre de l'exercice 2017 - d'annulations de crédit, qui sont d'ailleurs récurrentes et croissantes depuis 2015 . L'écart entre la loi de finances initiale et l'exécution est passé de 35 millions d'euros en 2016 à 52 millions d'euros en 2017. La Cour des comptes, dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission, pointe ainsi l'impact de ces annulations de crédits sur le fonctionnement des ARS . Leur trésorerie disponible a ainsi été ramenée à 14 jours de fonctionnement courant en moyenne fin 2017, alors que la direction des finances, des achats et des services du Secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales (SGMAS) - responsable du programme 124 - estime que le seuil prudentiel de référence devrait être de 20 jours. Vos rapporteurs s'inquiètent ainsi de ces choix de gestion du Gouvernement qui risquent de mettre les ARS en difficulté.

Par ailleurs, les ARS comme les ministères sociaux ont vu leur plafond d'emploi largement sous-consommé sur l'exercice 2017. L'écart au plafond d'emploi 2017 s'élève à -187 ETPT pour les ARS qui ont atteint 8 409 ETPT en 2017, et à -186 ETPT pour les ministères sociaux qui ont atteint 10 070 ETPT en 2017.

7. Une hausse des dépenses fiscales, qui pourraient faire l'objet d'un meilleur pilotage

En sus des crédits budgétaires alloués à la mission, sont rattachées 29 dépenses fiscales , dont la prévision actualisée pour 2017 s'établit à 13,72 milliards d'euros, soit un montant équivalent à 70 % des dépenses budgétaires de la mission. Les trois dépenses fiscales 243 ( * ) les plus importantes représentent 55 % du montant total des dépenses.

Ce montant est en légère augmentation par rapport à 2016 (13,55 milliards d'euros) et fait de la mission « Solidarité, insertion, égalité des chances », la troisième mission la plus importante en matière de dépenses fiscales derrière les missions « Économie » et « Cohésion des territoires ».

Néanmoins, ces dépenses fiscales font l'objet de critiques récurrentes de la Cour des comptes depuis quelques années ; la Cour des comptes estimant le pilotage de ces dépenses insuffisant, et regrettant notamment l'absence de conférence fiscale en 2017. À la lueur des remarques de la Cour des comptes, vos rapporteurs souhaitent également - sans remettre en cause à ce stade ces dépenses - qu'une réflexion soit menée sur l'évolution et le pilotage de ces dépenses.

8. Des inquiétudes s'agissant de la compensation des 5,2 millions d'euros consommés au titre de la réserve parlementaire en 2017

D'après les informations indiquées dans le rapport annuel de performances, 5,2 millions d'euros ont été utilisés au titre de la réserve parlementaire pour financer des actions de la mission « Solidarité, insertion, égalité des chances ».

Bien que ces crédits constituent un montant relativement faible au regard du montant total de la mission, ils constituent néanmoins une ressource capitale voire vitale pour certaines associations oeuvrant dans le domaine de la solidarité. Ainsi, 1,1 million d'euros de crédits issus de la réserve ont été versés à des associations d'aide alimentaire, 1,4 million d'euros à des associations venant en aide aux personnes vulnérables, et près de 2,5 millions d'euros aux associations oeuvrant pour les droits et la défense des femmes.

Vos rapporteurs expriment, de nouveau, leurs inquiétudes quant à la non-compensation de ces crédits issus de la réserve parlementaire . La seule réponse apportée par la direction du budget sur ce sujet est l'abondement du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA). Or, l'augmentation de ce fonds à hauteur de 25 millions d'euros est largement insuffisant au regard du montant de la réserve qui est d'un montant près de trois fois supérieur sur l'exercice 2017.

MISSION « SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE » - M. ÉRIC JEANSANNETAS, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

La mission « Sport, jeunesse et vie associative » est composée de deux programmes :

- le programme n°219 « Sport » porte principalement sur le soutien aux fédérations sportives et l'ouverture à tous de la pratique sportive, ainsi que sur le soutien aux opérateurs du sport (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance [INSEP], écoles nationales du sport ; l'institut français du cheval et de l'équitation [IFCE] et musée national du sport) ;

- le programme n°163 « Jeunesse et vie associative » concerne essentiellement le développement du service civique, par le biais de l'Agence du service civique (ASC), ainsi que le soutien à la vie associative, principalement par le soutien au Fonds de coopération de la Jeunesse et de l'Éducation populaire (FONJEP).

Cette mission représente 0,2 % du budget général.

1. La poursuite de la montée en charge du service civique se traduit par une nouvelle surexécution des crédits de la mission

L'exécution de la mission reflète la poursuite de la montée en charge du service civique , décidée en 2015 par le Président de la République François Hollande. En 2017, 123 000 jeunes ont ainsi pu effectuer un service civique. Ce sont désormais 83 % des crédits du programme n°163 « Jeunesse et vie associative » qui sont consacrés à cette politique publique.

L'exécution budgétaire de la mission est supérieure de 7,83 % en autorisation d'engagements (AE) aux crédits votés en loi de finances, et de 9 % en crédits de paiement (CP).

Exécution des crédits de la mission par programme en 2016

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits ouverts 2017

Crédits exécutés 2017

Exécution 2017 / Exécution 2016

Exécution 2017 / LFI 2017

2019

AE

224,7

243,7

242,7

241,4

7,4 %

- 0,9 %

CP

232,2

247,4

245,4

243,5

4,9 %

- 1,6 %

163

AE

433,1

481,4

545,2

540,6

24,8 %

12,3 %

CP

433,6

481,4

545,6

540,2

24,6 %

12,2 %

Total

AE

657,8

725,1

787,9

782

18,9 %

7,8 %

CP

665,8

728,8

791

783,7

17,7 %

7,5 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

De fait, les mouvements de crédits ont conduit à majorer les crédits de la mission à hauteur de 62,24 millions d'euros en crédits de paiement .

Les majorations de crédit ont essentiellement porté sur l'action 04 « développement du service civique » du programme 163 « Jeunesse et vie associative », ce dernier ayant fait l'objet d'un décret d'avance de 62,09 millions d'euros.

La régulation budgétaire opérée sur le programme 219 « Sport » n'a pas permis de compenser cette hausse.

Mouvements de crédits intervenus en gestion
pendant l'exercice 2017, en CP

(en millions d'euros)

Programmes

LFI 2017

Reports entrants

Fonds de concours et attribution de produits

Mouvements en cours de gestion (DA)

Mouvements de fin de gestion (LFR de décembre)

Transfert

Total des crédits alloués

Écart crédits alloués / LFI 2017

Écart crédits consommés / LFI 2017

163

481,41

2,65

0,46

62,09

- 0,89

- 0,12

545,6

13 %

12 %

219

247,39

1,7

21,1

- 24,83

0,15

- 0,07

245,44

- 1 %

- 2 %

Total

728,8

4,35

21,56

37,26

- 0,74

- 0,19

791,04

9 %

8 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Compte tenu de l'adoption de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 avant la décision d'universaliser le service civique, les crédits initialement votés pour 2017 dépassaient déjà de 37 % le plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019. Les crédits exécutés en 2017 le dépassent de 42,8 %.

2. Les dépenses fiscales représentent plus de trois fois les crédits de la mission

Les dépenses fiscales rattachées à la mission s'élèvent à 2,9 milliards d'euros, un chiffre en baisse de 8 % par rapport à l'exécution 2016 . L'essentiel de ce montant (96,9 %) est porté par le programme 163 « Jeunesse et vie associative ».

La plus importante dépense fiscale est la réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons , qui contribue à hauteur de 1,4 milliard d'euros au financement de la vie associative. Elle connaît une progression régulière depuis quelques années, son coût ayant augmenté de 2,1 % par rapport à 2016 et de 90 % depuis 2010.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le Centre national pour le développement du sport : une disparition probable, mais qui reste à organiser pour ne pas nuire à la soutenabilité de la mission

Pour 2017, le fonds de concours versé par le CNDS à l'État pour le financement d'une partie des conventions d'objectifs signées par le ministère des sports a été maintenu. Compte tenu des modifications intervenues en loi de finances pour 2018, il s'agit toutefois du dernier exercice suivant cette pratique , dont la non-conformité avec les principes de la loi organique relative aux lois de finances 244 ( * ) était dénoncée chaque année par la Cour des comptes depuis l'exercice 2011.

Dans le cadre des travaux lancés début 2018 sur la nouvelle gouvernance du sport, le CNDS pourrait être inséré dans une structure globale de soutien au mouvement sportif. Selon les informations transmises à votre rapporteur spécial par la direction des sports, un groupement d'intérêt public (GIP) associant l'État, les collectivités territoriales, le mouvement sportif et les acteurs économiques, pourrait être créé au cours de l'année 2019.

Cette nouvelle structure entraînerait la disparition du CNDS. Mais des difficultés demeurent, qui pourraient peser sur la soutenabilité de la mission.

La loi de finances pour 2018 a acté, pour l'avenir, le transfert de certaines dépenses, notamment liées à l'organisation des grands évènements sportifs internationaux, vers le budget général, procédant à une réduction concomitante des ressources du CNDS. Cependant, le CNDS a conclu des engagements pluriannuels qui doivent encore être honorés au cours des exercices 2018 à 2020, pour un montant total de 250 millions d'euros 245 ( * ) .

Une solution devra donc être proposée pour honorer ces engagements sans mettre sous tension le soutien au mouvement sportif assuré par le CNDS et le programme 219.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial se félicite du renouvellement à venir de la convention entre la fédération française de rugby (FFR) et le consortium du stade de France (CSDF) jusqu'en 2025 246 ( * ) . En l'absence de renouvellement, l'État aurait en effet été redevable de l'indemnité pour absence de club résident, ce qui aurait pesé sur le programme 219 à hauteur de 23 millions d'euros par an.

2. La stabilisation du service civique pourrait être menacée par le futur service national universel

Sur le plan budgétaire, la multiplication par 2,5 depuis 2015 du nombre de jeunes effectuant une mission de service civique , passé de 52 000 jeunes en 2015 à 126 000 en 2017, explique l'essentiel de l'augmentation des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » depuis 2015. Elle s'est surtout traduite par l'ouverture de crédits supplémentaires en gestion. En 2017, ce sont ainsi 62,1 millions d'euros qui ont été ouverts par décret d'avance 247 ( * ) pour répondre au besoin de financement du dispositif.

Votre rapporteur souligne la difficulté de prévoir les dépenses afférentes , dans la mesure où elles dépendent à la fois du nombre de jeunes s'engageant dans un service civique et de la durée de cet engagement. La variable essentielle est ainsi le nombre de « mois-jeunes » 248 ( * ) en service civique à indemniser, avec un délai de trois mois requis pour consolider le nombre de jeunes entrant dans une mission.

Le dispositif entre désormais dans une phase de stabilisation , ce qu'atteste la progression moins marquée du nombre de jeunes en mission prévu pour 2018 (150 000 jeunes). L'entrée dans une phase de plateau se perçoit même dans l'exécution 2017, dans la mesure où la progression des crédits consommés sur le programme 163 diminue entre 2016 et 2017 (+ 24,6 %) par rapport à celle constatée entre 2015 et 2016 (+ 63,4 %).

Cependant, cette tendance pourrait être remise en question par la mise en oeuvre prévue du service national universel , pour lequel la réflexion se poursuit.

Le rapport du groupe de travail remis au Président de la République en avril dernier envisage un service national universel en deux phases : une phase obligatoire d'un mois pour les jeunes lycéens, puis une phase optionnelle, tournée vers l'engagement, d'une durée d'environ six mois. Son coût s'élèverait à « quelques milliards d'euros ». Il concernerait entre 800 000 et 900 000 jeunes par an, soit six fois plus que le nombre de jeunes en service civique attendu en 2018.

L'articulation entre ce nouveau dispositif et le service civique, de même que les modalités de sa gouvernance et ses traductions budgétaires demeurent très incertaines à ce stade .

3. Une mission et une politique profondément marquées par les décisions prises en 2017

Si l'exécution enregistrée en 2017 s'inscrit dans la continuité de l'exercice précédent, plusieurs décisions ont été prises qui conduiront, à partir de 2018, à modifier en profondeur l'architecture budgétaire de la mission et la conduite de la politique sportive et associative.

Plusieurs changements peuvent être relevés :

- la suppression de la réserve parlementaire par la loi organique du 15 septembre 2017 249 ( * ) , dont l'effet ne se matérialisera qu'à partir de l'exercice 2018 : en 2017, la mission a été abondée à hauteur de 16,4 millions d'euros à ce titre ;

- la diminution du nombre de contrats aidés décidée par le nouveau Gouvernement, les prévisions inscrites en loi de finances pour 2018 conduisant à une réduction de plus de 100 000 contrats par rapport à 2017, concernant particulièrement le secteur associatif ;

- les mesures fiscales conduisant à transformer l'impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière, ainsi que la mise en oeuvre décalée au 1 er janvier 2019 du prélèvement à la source pour l'impôt sur le revenu, qui suscitent des interrogations de la part du mouvement associatif compte tenu des réductions d'impôts qui leur sont associées au titre des dons des particuliers.

Par ailleurs, l'architecture budgétaire de la mission a profondément évolué à l'occasion de la loi de finances pour 2018, avec deux modifications :

- premièrement, une mesure de périmètre conduisant à un recentrage du soutien du Centre national pour le développement du sport (CNDS) sur la part territoriale et à un transfert de crédits vers le programme 219 « Sport » pour un montant de 72,8  millions d'euros (cf. infra ), conjuguée à un effort de réduction de la dépense du CNDS de 63,8 millions d'euros ;

- deuxièmement, la création d'un nouveau programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques de 2024 » à la suite de la décision du Comité international olympique d'attribuer l'organisation des Olympiades de 2024 à la France 250 ( * ) .

Ces différents éléments n'ont pas eu de conséquences sur l'exécution des crédits de la mission en 2017. Ils ont toutefois affecté les mouvements sportif et associatif , comme votre rapporteur spécial a pu le constater à l'occasion des différentes auditions qu'il a conduites au cours du premier semestre 2018.

Les associations doivent en effet faire face à une mutation des modes d'engagement, conjuguée à une mise sous tension de leurs sources de financement.

Le nouvel impôt sur la fortune immobilière réduit à la fois le nombre de redevables et le montant de l'impôt dû, ce qui devrait conduire à une réduction des dons, tandis que les effets de la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu à compter du 1 er janvier 2019 pourraient fortement réduire les dons au cours de l'année de transition en 2018, et demeurent incertains pour la suite.

Parallèlement, les crédits supplémentaires attribués au fonds pour le développement de la vie associative par la loi de finances pour 2018 en compensation de la suppression de la réserve parlementaire n'ont pas encore pu être répartis. Le décret actualisant les missions du FDVA et précisant les modalités de ce soutien n'a été publié que le 8 juin dernier 251 ( * ) .

Dans ces conditions, si votre rapporteur spécial approuve la conduite d'une évaluation des dépenses fiscales portées par la mission comme le recommande la Cour des comptes 252 ( * ) , il considère qu'elle devrait s'inscrire dans le cadre d'une réflexion plus globale sur les modalités du soutien et du financement de la vie associative.

MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » ET CAS « FINANCEMENT NATIONAL DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA MODERNISATION DE L'APPRENTISSAGE » - M. EMMANUEL CAPUS ET MME SOPHIE TAILLÉ-POLIAN, RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

En 2017, contribution au CAS « Pensions » incluse, les dépenses de la mission « Travail et emploi » se sont élevées à 15,6 milliards d'euros en AE comme en CP , soit une diminution de plus de 1,1 milliard d'euros en AE et une augmentation de près de 2,6 milliards d'euros en CP, par rapport à 2016 .

L'exercice 2017 se caractérise par le plus faible taux de consommation des crédits depuis 2009 en AE (92,7 %) et depuis 2014 en CP (98,2 %) .

Évolution du niveau de consommation des crédits
de la mission « Travail et emploi »

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

AE

Prévision

12 109,20

11 426,10

12 425,50

10 143,40

12 519,20

12 332,60

11 958,60

11 547,00

16 851,04

Exécution

13 722,40

14 746,90

12 284,90

10 631,80

12 494,60

11 648,70

12 785,70

16 764,30

15 628,12

Taux de consommation
(en pourcentage)

113,3 %

129,1 %

98,9 %

104,8 %

99,8 %

94,5 %

106,9 %

145,2 %

92,7 %

CP

Prévision

12 195,60

11 478,60

11 650,60

10 175,50

10 392,50

11 186,90

11 376,60

11 704,30

15 866,79

Exécution

13 650,70

14 685,80

11 745,60

10 344,30

10 527,10

10 674,00

12 105,30

13 025,80

15 579,63

Taux de consommation
(en pourcentage)

111,9 %

127,9 %

100,8 %

101,7 %

101,3 %

95,4 %

106,4 %

111,3 %

98,2 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En AE, l'écart aux prévisions est principalement imputable à une sous-consommation des crédits de l'action 01 « Anticipation et accompagnement des conséquences des mutations » du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », à hauteur de - 1,6 milliard d'euros .

La diminution constatée entre 2017 et 2016 est quant à elle portée par les actions 02 « Amélioration des dispositifs en faveur de l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail » du programme 102 « Accès et retour à l'emploi » ( - 1 milliard d'euros ), 01 « Anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques ( - 895 millions d'euros ) et 02 « Amélioration de l'insertion dans l'emploi par l'adaptation des qualification et la reconnaissance des compétences » ( - 442,1 millions d'euros ) du programme 103. Elle est en partie compensée par une hausse portée par l'action 03 « Développement de l'emploi » du programme 103 ( + 1,7 milliard d'euros ).

Évolution des dépenses de la mission « Travail et emploi »
en autorisations d'engagement par programme

(en millions d'euros)

Prévision 2016

Exécution 2016

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Évolution 2017/2016

Évolution 2017/2016

P. 102 « Accès et retour à l'emploi »

7 279

8 893

1 614

122,18 %

7 113

7 442

328

104,62 %

- 1 451

- 16,32 %

P. 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi »

3 457

7 089

3 633

205,09 %

8 970

7 459

- 1 511

83,15 %

369

5,21 %

P. 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail »

57

59

2

103,67 %

41

44

3

107,71 %

- 15

- 25,35 %

P. 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail »

755

723

- 32

95,79 %

727

684

- 43

94,02 %

- 39

- 5,45 %

Total

11 547

16 764

5 217

145,18 %

16 851

15 628

- 1 223

92,74 %

- 1 136

- 6,78 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En CP, les sous-consommations constatées sur les actions 01 des programmes 102 (- 167 millions d'euros) et 103 (- 408,3 millions d'euros) sont en partie compensées par des surconsommations sur les actions 02 de ces programmes (+ 191,4 millions d'euros pour le programme 102 et + 220,4 millions d'euros pour le programme 103).

La progression constatée entre 2016 et 2017 résulte d'une augmentation des dépenses des actions 01 (+ 1,1 milliard d'euros) et 03 (+ 1,7 milliard d'euros) du programme 103.

Évolution des dépenses de la mission « Travail et emploi »
en crédits de paiement par programme

(en millions d'euros)

Prévision 2016

Exécution 2016

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Évolution 2017/2016

Évolution 2017/2016

P. 102 « Accès et retour à l'emploi »

7 536

8 332

797

110,57 %

7 664

7 688

24

100,32 %

- 644

- 7,73 %

P. 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi »

3 310

3 892

582

117,60 %

7 387

7 120

- 266

96,39 %

3 228

82,94 %

P. 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail »

92

85

- 7

92,09 %

79

84

6

107,46 %

0

- 0,24 %

P. 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail »

767

717

- 50

93,44 %

738

687

- 51

93,09 %

- 30

- 4,21 %

Total

11 704

13 026

1 322

111,29 %

15 867

15 580

- 287

98,19 %

2 554

19,61 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses en autorisations d'engagement par titre

(en millions d'euros)

Prévision 2016

Exécution 2016

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Évolution 2017/2016

Évolution 2017/2016

Titre 2

625

620

- 6

99,11 %

629

619

- 10

98,40 %

0

- 0,07 %

Titre 3

1 794

1 731

- 63

96,46 %

1 761

1 711

- 49

97,19 %

- 19

- 1,11 %

Titre 5

0

3

3

0

0

0

- 3

- 90,93 %

Titre 6

9 128

14 431

5 303

158,10 %

14 455

13 291

- 1 163

91,95 %

- 1 140

- 7,90 %

Titre 7

0

- 20

- 20

6

6

0

95,93 %

26

- 129,29 %

Total

11 547

16 764

5 217

145,18 %

16 851

15 628

- 1 223

92,74 %

- 1 136

- 6,78 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses en crédits de paiement par titre

(en millions d'euros)

Prévision 2016

Exécution 2016

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Évolution 2017/2016

Évolution 2017/2016

Titre 2

625

620

- 6

99,11 %

629

619

- 10

98,40 %

0

- 0,07 %

Titre 3

1 810

1 743

- 67

96,32 %

1 775

1 726

- 48

97,27 %

- 17

- 0,95 %

Titre 5

0

3

3

0

0

0

- 3

- 92,93 %

Titre 6

9 269

10 680

1 410

115,22 %

13 457

13 228

- 229

98,30 %

2 548

23,86 %

Titre 7

0

- 20

- 20

6

6

0

95,93 %

26

- 129,29 %

Total

11 704

13 026

1 322

111,29 %

15 867

15 580

- 287

98,19 %

2 554

19,61 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En AE comme en CP, l'essentiel des évolutions concerne les dépenses d'intervention (titre 6) , ces dernières représentant environ 85 % des AE et des CP de la mission « Travail et emploi » .

Répartition des crédits de paiement de la mission « Travail et emploi »
par nature de dépense

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le bilan des ouvertures et des annulations de CP en cours d'exercice s'élève à + 487,8 millions d'euros . Au total, l'écart entre crédits consommés et crédits ouverts a donc atteint près de 366 millions d'euros .

Mouvements de crédits intervenus en gestion
pendant l'exercice 2017

(en millions d'euros)

Prog.

LFI 2017 (y.c FDC et ADP)

LFI 2017 (hors FDC et ADP)

Virement ou transfert

Décrets d'avance

Décrets d'annulation

Reports entrants

Fonds de concours et attributions de produits

LFR de fin de gestion

Ouvertures / annulations

Crédits ouverts

Exécution 2017

Écart consommé/ prévu

Écart consommé/ ouverts

102

7 664,0

7 609,1

- 2,0

0,0

0,0

6,8

0,0

188,5

193,3

7 802,3

7 688,3

24,3

- 114,0

103

7 386,6

7 036,6

0,0

51,9

- 1,7

262,3

2,9

0,0

315,5

7 352,1

7 120,2

- 266,4

- 231,9

111

78,5

78,5

0,0

- 1,0

0,0

12,7

0,0

0,0

11,7

90,2

84,4

5,9

- 5,8

155

737,7

733,6

- 33,9

- 15,1

0,0

11,9

11,9

- 2,2

- 32,6

701,0

686,8

- 51,0

- 14,2

Total mission

15 866,8

15 457,8

- 35,9

35,7

- 1,7

293,6

9,7

186,3

487,8

15 945,6

15 579,6

- 287,2

- 365,9

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Un exercice marqué par d'importantes mesures de périmètre, portées à hauteur de près de 1,8 milliard d'euros par le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi »

L'exercice 2017 a été marqué par d'importantes mesures de périmètre . La très forte progression des crédits de l'action 03 « Développement de l'emploi » du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » entre 2016 et 2017, à hauteur de 1,7 milliard d'euros en AE comme en CP, est principalement liée à la compensation à la sécurité sociale des exonérations de charges patronales dont bénéficient l'aide à domicile employée par un particulier fragile, l'aide à domicile employée par une association ou une entreprise auprès d'une personne fragile et l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise.

La loi de finances pour 2017 prévoyait ainsi un montant d'1,8 milliard d'euros en AE comme en CP au titre de ces compensations . Sur ce montant, 1,75 milliard d'euros a été consommé .

Principales mesures de périmètre portées
par le programme 103

(en millions d'euros)

Mesure

Prévision
(AE = CP)

Exécution
(AE = CP)

Compensation de l'exonération de cotisations sociales pour l'aide à domicile employée par une association auprès d'une personne fragile

835,00

807,30

Compensation de l'exonération de cotisations sociales pour l'aide à domicile employée par un particulier fragile

804,00

739,70

Compensation de l'exonération de cotisations sociales pour l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprises

199,00

204,70

Total

1 838,00

1 751,70

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport annuel de performances pour 2017

2. Une diminution du nombre de contrats aidés de près de 167 000 unités entre 2016 et 2017

L'essentiel de la baisse des crédits constatée sur l'action 02 « Amélioration des dispositifs en faveur de l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail » du programme 102 « Accès et retour à l'emploi » - à hauteur de - 1 milliard d'euros en AE et - 213,4 millions d'euros en CP - est imputable à une diminution significative de la dépense consacrée aux contrats aidés, à hauteur de - 1,4 milliard d'euros en AE et - 617,4 millions d'euros en CP .

Au total, 2,5 milliards d'euros en AE et 2,7 milliards d'euros en CP ont été dépensés en 2017 au titre des contrats aidés, contre respectivement 3,9 milliards d'euros et 3,3 milliards d'euros en 2016 .

Évolution de la dépense consacrée aux contrats aidés
entre 2016 et 2017

(en millions d'euros)

2016

2017

AE

CP

AE

CP

Prévision

Exécution

Écart

Prévision

Exécution

Écart

Prévision

Exécution

Écart

Prévision

Exécution

Écart

CUI-CAE

1 106,93

1 944,85

837,92

1 023,31

1 739,41

716,10

1 006,06

1 538,44

532,38

1 329,85

1 664,58

334,73

CUI-CIE

274,24

369,15

94,91

196,50

311,88

115,38

169,41

120,22

- 49,19

142,89

129,52

- 13,37

Emplois d'avenir

767,89

1 585,87

817,98

1 211,49

1 281,84

70,35

610,14

797,11

186,97

943,56

921,65

- 21,91

CAE-DOM

6,36

5,73

6,36

6,36

5,73

- 0,63

0,00

1,84

1,84

0,00

1,93

1,93

Total

2 149,06

3 899,87

1 750,81

2 431,30

3 333,13

901,83

1 785,61

2 455,77

670,16

2 416,30

2 715,75

299,45

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette diminution s'explique par une réduction importante du nombre de contrats aidés réalisés . 293 901 contrats ont ainsi été financés en 2017, contre 460 607 en 2016, soit une baisse de près de 167 000 contrats (- 36,2 %), dont - 74 393 contrats aidés dans le secteur non-marchand (CUI-CAE), - 52 022 contrats aidés dans le secteur marchand (CUI-CIE) et - 40 291 emplois d'avenir.

Évolution du nombre de contrats aidés

2014*

2015**

2016

2017

2018

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

Prévision

CUI-CAE

290 000

310 000

200 000

289 000

200 000

304 393

200 000

230 000

200 000

CUI-CIE

40 000

50 000

80 000

91 895

60 000

80 323

45 000

28 301

-

Emplois d'avenir

50 000

95 000

65 000

87 180

35 000

75 891

35 000

35 600

-

Total

380 000

455 000

345 000

468 075

295 000

460 607

280 000

293 901

200 000

* Après débasage de 40 000 CUI-CAE transformés en aides au poste

** Après débasage de 100 000 CUI-CAE transformés en aides au poste

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le nombre total de contrats aidés réalisés est cependant supérieur à l'enveloppe votée en loi de finances, à hauteur de 13 901 contrats .

Cette sur-exécution concerne principalement les CUI-CAE (+ 30 000 contrats) et, dans une moindre mesure, les emplois d'avenir (+ 600 contrats) . Le nombre de contrats aidés dans le secteur marchand a quant à lui été inférieur aux prévisions (- 16 699 contrats) .

L'exécution est ainsi supérieure aux prévisions à hauteur de 670 millions d'euros en AE et 300 millions d'euros en CP .

La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus

Ainsi qu'il l'a déjà indiqué dans le rapport sur les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2018, votre rapporteur spécial estime que la décision de ne pas augmenter l'enveloppe de contrats aidés en cours d'année dans les mêmes proportions que les années précédentes - si elle a incontestablement pu poser d'importantes difficultés pour les collectivités territoriales et les associations - procède d'une mesure de bonne gestion, dans le respect du vote du Parlement .

Dans son audit des finances publiques de juin 2017 253 ( * ) , la Cour des comptes avait ainsi identifié un risque de dérapage pour un montant compris entre 300 millions d'euros et 600 millions d'euros . En effet, la circulaire du 18 janvier 2017 a autorisé la conclusion de 189 500 contrats sur le premier semestre, soit les deux tiers de l'enveloppe totale, contre la moitié seulement prévue en loi de finances.

Votre rapporteur constate qu'en dépit de la décision prise par le Gouvernement à l'été, le nombre de contrats conclus in fine a été supérieur à la prévision initiale, de près de 14 000 contrats .

Au-delà de la question budgétaire, votre rapporteur spécial estime que les contrats aidés ne constituent qu'une mesure de court terme à la problématique du chômage de masse, les taux d'insertion dans l'emploi, notamment durable, des CUI-CAE étant particulièrement faibles (seuls 41 % des bénéficiaires étaient en emploi 6 mois après la sortie du dispositif et 26 % s'agissant de l'emploi durable).

La position de la rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Votre rapporteure spéciale ne peut, une nouvelle fois, que regretter le choix du Gouvernement, qui a posé d'importantes difficultés aux bénéficiaires de ces contrats - en particulier, les demandeurs d'emploi âgés et éloignés de l'emploi -, aux collectivités territoriales, cette décision ayant été prise à la veille de la rentrée scolaire, et aux structures associatives, notamment les plus petites, dont le fonctionnement voire même le maintien a été remis en cause .

Elle rappelle que, dans un rapport établi au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, nos collègues Alain Dufaut et Jacques-Bernard Magner 254 ( * ) dénoncent la brutalité de la décision de diminuer drastiquement le nombre de contrats aidés ainsi que « l'absence de concertation avec les parties prenantes ».

Ils considèrent en effet que, si l'accompagnement des contrats aidés est perfectible, ces derniers permettent une amélioration de la qualité de vie des bénéficiaires tant du point de vue financier que social, « en leur donnant - ou leur redonnant - une identité et une utilité sociales ».

Ils rappellent en outre que le coût des contrats aidés doit être relativisé , dans la mesure où, d'une part, ces contrats sont également à l'origine d'externalités positives (utilité sociale, impact sur la consommation, etc.) et, d'autre part, ce coût apparaît, à court terme, justifié, avec un effet sur l'emploi plus important que celui des exonérations de cotisations patronales pour un salaire au niveau du SMIC et pour un coût bien moindre pour les finances publiques (12 853 euros par an et par emploi créé, contre 26 429 euros par emploi créé 255 ( * ) pour les exonérations de cotisations sociales).

Ils notent enfin que « les autres dispositifs valorisés par le Gouvernement au détriment des contrats aidés [sont] sous-dimensionnés pour permettre d'accueillir les anciens bénéficiaires de contrats aidés qui pourraient légitimement y prétendre ».

Votre rapporteure spéciale regrette donc cette diminution brutale du nombre de contrat aidés, sans réelle solution alternative, ni pour les bénéficiaires de ces contrats, ni pour les structures accueillantes.

3. La suppression anticipée de l'aide à l'embauche en faveur des PME

Créée par le décret n° 2016-40 du 25 janvier 2016 256 ( * ) , l'aide à l'embauche à destination des PME faisait partie du plan d'urgence pour l'emploi.

D'un montant maximum de 4 000 euros , elle était attribuée aux entreprises ou associations de moins de 250 salariés qui embauchaient un salarié, en contrat à durée indéterminée (CDI) ou en contrat à durée déterminée (CDD) de six mois et plus, pour un niveau de salaire pouvant atteindre jusqu'à 1,3 SMIC .

Initialement prévue comme une mesure temporaire n'ayant vocation à s'appliquer qu'aux contrats dont l'exécution débutait entre le 18 janvier 2016 et le 31 décembre 2016, la loi de finances pour 2017 a prévu la prolongation de ce disposition jusqu'au 31 décembre 2017.

3,6 milliards d'euros en AE et 1,9 milliard d'euros en CP étaient inscrits à ce titre en LFI au sein de l'action 01 « Anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques » du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

Le Gouvernement a cependant décidé de supprimer ce dispositif par anticipation au 30 juin 2017, au lieu du 31 décembre 2017. Au total, comme le rappelle le rapport annuel de performances pour 2017, 0,65 million de demandes d'aides ont été comptabilisés en 2017, contre une budgétisation initiale s'élevant à 1,39 million .

L'exécution 2017 au titre de cette aide s'élève donc à 2,1 milliards d'euros en AE et 1,6 milliard d'euros en CP, soit un écart aux prévisions de - 1,5 milliard d'euros en AE et de - 345 millions d'euros en CP .

La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus

Votre rapporteur spécial considère que l'aide à l'embauche dans les TPE et les PME constituait une mesure d'urgence pour diminuer le chômage . Ainsi que le rappelait la direction générale du Trésor dans un note d'août 2016 257 ( * ) , elle devait contribuer à la création de 60 000 emplois en 2016 . Une telle mesure, coûteuse pour les finances publiques , constituait donc une réponse de court terme, n'ayant pas d'impact sur le chômage structurel .

Le retour de la croissance invite désormais à la mise en oeuvre de réformes de structure .

Le soutien aux PME et aux TPE demeure cependant essentiel dans la mesure où ces entreprises sont responsables de l'essentiel des créations d'emplois en France . Tel est notamment l'objet du projet de loi « plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises » (PACTE) .

Le soutien à l'embauche dans les PME passe aussi et avant tout par la formation . Ainsi que l'a rappelé Muriel Pénicaud, ministre du travail, lors de son audition, « l'an dernier, Pôle emploi a constaté que 300 000 emplois étaient non pourvus. Il est tout de même dommage que les PME ne puissent pas conquérir certains marchés faute de compétences, tandis que 2,7 millions de personnes ne trouvent pas d'emploi ».

La position de la rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Votre rapporteure spéciale regrette une nouvelle fois qu'aucune évaluation approfondie n'ait été conduite en 2017 pour mesurer l'impact de cette mesure , notamment dans les secteurs les plus concernés (l'hébergement et la restauration, le commerce et l'industrie). Elle déplore par conséquent la suppression brutale de cette aide alors qu'un ciblage vers les TPE aurait pu en limiter les effets d'aubaine .

Elle rappelle enfin l'existence d'études démontrant l'effet de levier de l'aide à l'embauche pour les PME, et notamment la note d'août 2016 de la direction générale du Trésor précitée , qui, estimant que cette aide contribuerait à la création de 60 000 emplois en 2016, rappelait que le caractère temporaire d'une telle mesure permettait d'en limiter les effets d'aubaine .

4. Une prorogation du plan « 500 000 formations supplémentaires » qui n'était pas prévue en loi de finances

Lancé en 2016, le plan « 500 000 formations supplémentaires » visait à doubler le nombre de formations à destination des demandeurs d'emploi afin de le porter de 500 000 à un million .

Ce plan a été prorogé une premières fois au cours du premier semestre 2017 par le précédent Gouvernement puis une seconde fois par le Gouvernement actuel afin d'assurer la transition avec le plan d'investissement dans les compétences (PIC) .

Or les crédits inscrits en loi de finances n'avaient vocation qu'à assurer le financement à titre résiduel des formations prescrites en 2016 . Aussi seuls 196,5 millions d'euros en CP étaient inscrits à ce titre au sein de l'action 02 « Amélioration de l'insertion dans l'emploi par l'adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences » du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

Compte tenu notamment de la prorogation de ce dispositif, l'exécution a été supérieure aux prévisions, s'élevant à 504,5 millions d'euros en AE et 690,4 millions d'euros en CP .

Au 30 novembre 2017, 720 450 formations ont ainsi été financées pour l'ensemble des personnes en recherche d'emploi, dont 125 626 au titre « de l'effort supplémentaire couvert par l'État en sus des engagements propres des autres acteurs, les régions principalement ».

La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus

Votre rapporteur spécial estime que la prorogation du plan « 500 000 formations » procède d'une logique de transition vers un dispositif plus efficace et plus compréhensible, le plan d'investissement dans les compétences (PIC).

Il convient, à l'avenir, de cesser de privilégier une approche strictement quantitative, se limitant bien souvent à des effets d'annonce, au profit d'une logique axée sur la qualité des formations proposées . Ainsi que l'a rappelé la ministre du travail lors de son audition devant votre commission des finances, « il vaut mieux former une fois efficacement que multiplier les stages courts ».

Dans un rapport de décembre 2017, le comité technique d'évaluation du plan « 500 000 formations supplémentaires » 258 ( * ) , piloté par la Dares (direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques), estimait ainsi que « l'urgence des objectifs quantitatifs, le stop and go ne sont pas des conditions compatibles avec la réalisation d'actions de formation innovantes et en lien avec les opportunités d'emploi ».

La Cour des comptes dénonce également régulièrement l'hétérogénéité des formations et la faible qualité de nombre d'entre elles.

Il conviendra de veiller, dans le cadre de la mise en oeuvre du PIC, à l'efficience de la dépense dans une logique d'investissement au profit d'une politique publique coûteuse mais nécessaire pour adapter les travailleurs français aux mutations du marché du travail .

La position de la rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Votre rapporteure spéciale tient à rappeler que l'effort financier lié au plan « 500 000 formations » a été essentiellement porté par Pôle emploi. Elle invite par conséquent le Gouvernement à en tenir compte, d'une part, lors de la détermination du montant de la prochaine subvention pour charges de service public versée à l'opérateur et, d'autre part, au moment d'annoncer la suppression massive de postes pourtant nécessaires .

Elle s'interroge par ailleurs sur les raisons conduisant le ministère à établir un bilan négatif de ce plan, en-dehors de la durée des formations, généralement présentée comme trop courte .

Votre rapporteure spéciale salue cependant la prorogation du plan « 500 000 formations » avant la mise en place du PIC , d'autant que ce dernier peine à se mettre en oeuvre, les premières formations ne commenceront en effet à se mettre réellement en place qu'au dernier trimestre 2018 .

Elle considère en outre que les formations ouvertes et à distance (FOAD), qui seront proposées dans le cadre du PIC, peuvent d'avérer moins adaptées aux décrocheurs et aux personnes plus éloignées de l'emploi . Elle appelle par conséquent à ce que les formations qui seront ainsi proposées prennent bien en compte cette contrainte.

5. Un nombre d'entrées dans le dispositif « Garantie jeunes » inférieur de près de 70 000 unités aux prévisions

L'article 46 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et la sécurisation des parcours professionnels 259 ( * ) prévoyait la généralisation de la Garantie jeunes à compter du 1 er janvier 2017 .

Les crédits ouverts en loi de finances au titre de ce dispositif s'élevaient à 498,5 millions d'euros en AE et 420,1 millions d'euros en CP , dont 258,5 millions d'euros en AE comme en CP au titre du financement de l'allocation et 240 millions d'euros en AE et 161,6 millions d'euros en CP au titre de l'accompagnement.

Au total, la dépense s'est élevée à 371,8 millions d'euros en AE et 351,9 millions d'euros en CP, soit une sous-consommation de 126,7 millions d'euros en AE et 68,3 millions d'euros en CP .

Cette situation résulte notamment d'un nombre d'entrées significativement inférieur aux prévisions (81 329 pour une prévision s'établissant à 150 000) .

La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus

Lors de son audition par votre commission des finances, la ministre du travail a indiqué que la non-atteinte des objectifs en termes d'entrées dans la Garantie jeunes était due à la montée en puissance progressive de ce dispositif, alors que 2017 constituait la première année de sa généralisation . Les missions locales ont ainsi pu rencontrer des difficultés dans sa mise en oeuvre .

Il conviendra d'être vigilant sur l'exécution 2018, afin de s'assurer de la réalité de cette explication, ou de constater, le cas échéant, une cause plus structurelle.

La position de la rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Votre rapporteure spéciale regrette que le nombre d'entrées dans le dispositif Garantie jeunes, unanimement reconnu comme positif, soit significativement inférieur aux prévisions, et s'interroge sur les difficultés rencontrées par les missions locales .

Le ministère ayant prévu 100 000 entrées en 2018, elle sera vigilante à la réalisation de cet objectif et, si tel n'est pas le cas, aux raisons ayant conduit à ne pas pouvoir l'atteindre .

6. Une contribution de la mission à l'effort de redressement des comptes publics se traduisant par une diminution des effectifs ainsi que des dépenses de personnel et de fonctionnement

Contribution au CAS « Pensions » comprise, les dépenses de personnel ont atteint 619,3 millions d'euros , soit une consommation des crédits inférieure aux prévisions à hauteur de 10 millions d'euros .

Hors contribution au CAS « Pensions », les dépenses de titre 2 se sont élevées à 434,1 millions d'euros en 2017, soit une baisse d'un million d'euros par rapport à 2016 et une sous-consommation de plus de 4 millions d'euros par rapport à la prévision (438,2 millions d'euros).

Les principaux facteurs d'évolution de la masse salariale sont les suivants :

- une sous-consommation du schéma d'emplois à hauteur de 113 équivalents temps plein (ETP) , se traduisant par une diminution des dépenses de titre 2 à hauteur de 8,7 millions d'euros ;

- des mesures catégorielles dont le coût s'élève à 7 millions d'euros (en particulier, la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » pour un montant de 2,65 millions d'euros et le versement d'un complément indemnitaire annuel (CIA) dans le cadre de la mise en oeuvre du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), pour un coût de 3,7 millions d'euros) ;

- un glissement vieillesse technicité (GVT) solde dont le montant s'élève à 2,8 millions d'euros .

Facteurs d'évolution des dépenses de personnel
hors contribution au CAS « Pensions »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport annuel de performances pour 2017

Schéma d'emplois 2017 de la mission « Travail et emploi »

(en ETP)

Catégorie d'emplois

Sorties

dont départs en retraite

Entrées

dont primo recrutements

Schéma d'emplois

Schéma d'emplois

Écart aux prévisions

Réalisation

Prévision PAP

Emplois fonctionnels

18

10

9

0

- 9

0

- 9

A administratifs

215

23

227

59

12

24

- 12

A techniques

128

66

67

28

- 61

26

- 87

B administratifs

91

32

144

63

53

46

7

B techniques

145

120

19

0

- 126

- 126

0

Catégorie C

225

147

93

29

- 132

- 120

- 12

Total

822

398

559

179

- 263

- 150

- 113

Source : rapport annuel de performances 2017

La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus

Votre rapporteur spécial estime que la diminution des effectifs du ministère participe de sa nécessaire contribution à l'effort de maîtrise des dépenses publiques, sans pour autant remettre en cause l'efficacité de son action .

En particulier, s'agissant de l'inspection du travail, ainsi que l'a rappelé la ministre du travail lors de son audition , « les effectifs se maintiennent, avec 2 000 agents inspecteurs au sens opérationnel du terme, soit un ratio de 1 agent pour 9 000 salariés, ce qui est là encore dans les normes ».

Le ministère poursuit en outre sa transformation numérique, source de gains de productivité.

Votre rapporteur spécial estime cependant nécessaire, dans les années à venir, d' explorer des viviers de rationalisation supplémentaires .

La position de la rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Votre rapporteure spéciale s'inquiète des annonces gouvernementales quant à la mise en place du plan « Action publique 2022 » et du nombre croissant de suppression de postes au sein de la mission « Travail et emploi » . En 2017, 150 suppressions d'emploi étaient prévues. Or 263 postes ont été supprimés. Pourtant, la définition des priorités du ministère laisse apparaître un besoin d'effectifs qui ne sauraient être remplacés par la dématérialisation des procédures, bien au contraire .

Elle s'interroge surtout sur la baisse du nombre d'agents de contrôle de l'inspection du travail (un agent pour 9 000 salariés) et, par conséquent, sur l'adéquation réelle entre les moyens humains et financiers et les nouvelles priorités assignées à l'inspection du travail (la santé et les conditions de travail, la lutte contre le travail illégal, la lutte contre la fraude au travail détaché et l'égalité salariale entre les hommes et les femmes).

7. Une hausse de 10 % des concours de l'État à Pôle emploi

Le total des concours de l'État à Pôle emploi a atteint 2,2 milliards d'euros, soit une hausse de 206 millions d'euros par rapport à 2016 (+ 10,3 %) et un écart à la prévision s'élevant à 325 millions d'euros .

La subvention pour charge de service public versée à Pôle emploi s'est ainsi élevée à 1 507,53 millions d'euros, soit un montant proche de celui inscrit en loi de finances (1 507 millions d'euros). L'écart résulte du remboursement à l'opérateur des dépenses liées à l'embauche d'apprentis.

L'augmentation constatée entre 2016 et 2017 (+ 30 millions d'euros) est liée à l'absence d'annulation de crédits , contrairement à 2016 (pour le financement du plan d'urgence pour l'emploi).

Le montant des transferts s'est quant à lui élevé à 696 millions d'euros, soit un montant supérieur de 324 millions d'euros par rapport aux prévisions et correspondant à une hausse de 176,3 millions d'euros par rapport à 2016 . Ces écarts sont liés à la prorogation du plan « 500 000 » formations (cf. supra ).

8. Le compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (CAS « FNDMA »)

Le compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (CAS « FNDMA ») a été créé par l'article 23 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, en remplacement du fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage.

Depuis 2015, le CAS « FNDMA » retrace en recettes :

- les versements opérés au Trésor public au titre des sanctions prévues en matière de taxe d'apprentissage ;

- les fonds de concours ;

- la fraction régionale de la taxe d'apprentissage.

Par ailleurs, le CAS « FNDMA » comporte deux programmes :

- le programme 787 « Répartition de la ressource régionale consacrée au développement de l'apprentissage » ;

- le programme 790 « Correction financière des disparités régionales de taxe d'apprentissage et incitations au développement de l'apprentissage ».

Exécution des crédits du CAS « FNDMA »
par programme en 2017

(en millions d'euros et en %)

Programmes

Crédits votés LFI 2016

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Exécution 2017 / exéc. 2016

Exécution 2017 / LFI 2017

Répartition régionale de la ressource consacrée au développement de l'apprentissage

AE

1 395,78

1 395,78

1 393,55

1 393,55

99,8 %

100,0 %

CP

1 395,78

1 395,78

1 393,55

1 393,55

99,8 %

100,0 %

Correction financière des disparités régionales de taxe d'apprentissage et incitations au développement de l'apprentissage

AE

95,08

106,42

179,69

241,46

226,9 %

134,4 %

CP

95,08

106,42

179,69

241,48

226,9 %

134,4 %

Total

AE

1 490,85

1 502,19

1 573,24

1 635,01

108,8 %

103,9 %

CP

1 490,85

1 502,19

1 573,24

1 635,03

108,8 %

103,9 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le CAS « FNDMA » était doté pour 2017 de 1,57 milliard d'euros en AE comme en CP , en hausse de 82,4 millions d'euros par rapport à 2016, traduisant une augmentation attendue des effectifs d'apprentis.

Évolution des effectifs d'apprentis

2017

2017

2017

2017

Prévision PAP 2017

Prévision actualisée PAP 2018

Réalisation

Cible PAP 2017

Effectif d'apprentis au 31 décembre de l'année considérée

500 000

420 000

421 700 (provisoire)

500 000

Part d'entrées supplémentaires en apprentissage au 31 décembre de l'année considérée / nombre d'entrées enregistrées en n-1

(en pourcentage)

2,50 %

2,30 %

9 %

Source : rapport annuel de performances 2017

De fait, 421 700 apprentis (chiffre provisoire) ont été recensés en 2017 , correspondant à une hausse de + 2,3 % par rapport à 2016.

Le programme 787 vise à répartir le montant de la fraction régionale pour l'apprentissage (51 % du produit de la taxe d'apprentissage). Il était doté en 2017 de 1,394 milliard d'euros en AE comme en CP .

Par ailleurs, conformément à l'article L. 6241-2 du code du travail, ces crédits ont été complétés par une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) s'élevant à 150,4 millions d'euros pour atteindre le montant de la part fixe de la ressource régionale pour l'apprentissage fixé à 1 544,09 millions d'euros . Au total, ces crédits ont été répartis selon la clé figurant dans le tableau ci-dessous.

Répartition de la part fixe
de la ressource régionale pour l'apprentissage

(en euros)

Régions

Total

CAS

TICPE

Auvergne-Rhône-Alpes

171 919 332

155 157 927

16 761 455

Bourgogne-Franche-Comté

68 326 924

61 665 339

6 661 605

Bretagne

68 484 265

61 807 340

6 676 945

Centre-Val de Loire

64 264 468

57 998 955

6 265 531

Corse

7 323 133

6 609 159

713 977

Grand Est

142 151 837

128 292 637

13 859 242

Hauts-de-France

133 683 302

120 649 748

13 033 593

Ile de France

237 100 230

213 983 965

23 116 335

Normandie

84 396 951

76 168 607

8 228 369

Nouvelle Aquitaine

145 763 488

131 552 167

14 211 364

Occitanie

114 961 330

103 753 089

11 208 275

Pays de la Loire

98 472 922

88 872 230

9 600 720

Provence-Alpes-Côte d'azur

104 863 542

94 639 792

10 223 781

Guadeloupe

25 625 173

23 126 827

2 498 353

Guyane

6 782 107

6 120 880

661 229

Martinique

28 334 467

25 571 977

2 762 498

Réunion

41 293 546

37 267 601

4 025 957

Mayotte

346 383

312 612

33 771

France entière

1 544 093 400

1 393 550 853

150 543 000

Source : rapport annuel de performances 2017

Le programme 790 vise à procéder à la répartition du solde dynamique de la ressource régionale pour l'apprentissage, après versement de la part fixe tel que prévu par le programme 787. Il était doté pour 2017 de 179,7 millions d'euros .

Le programme 790 a bénéficié de reports de crédits à hauteur de 40 millions d'euros, ainsi que d'une majoration à hauteur de 20 millions d'euros.

Répartition de la part dynamique
de la ressource régionale pour l'apprentissage

Régions

Montant

(en euros)

Pourcentage

Auvergne-Rhône-Alpes

22 074 550

11,05

Bourgogne-Franche-Comté

10 849 519

5,43

Bretagne

8 453 425

4,23

Centre-Val de Loire

10 495 289

5,25

Corse

1 559 504

0,78

Grand Est

20 457 219

10,24

Hauts-de-France

15 682 392

7,85

Île-de-France

25 692 144

12,86

Normandie

12 366 712

6,19

Nouvelle Aquitaine

19 100 167

9,56

Occitanie

15 996 157

8,01

Pays de la Loire

15 817 992

7,92

Provence-Alpes-Côte d'azur

14 316 518

7,17

Guadeloupe

1 225 150

0,61

Guyane

323 475

0,16

Réunion

4 143 493

2,07

Martinique

828 028

0,41

Mayotte

421 325

0,21

France entière

199 803 059

100

Source : rapport annuel de performances 2017

Au total, si le niveau des recettes réalisé (1 596 millions d'euros) a été supérieur de près de 23 millions d'euros aux prévisions, les dépenses ont également été supérieures au montant inscrit en loi de finances, à hauteur de + 61,8 millions d'euros.

Le solde du CAS « FNDMA » s'est donc établi à - 39 millions d'euros, permettant de réduire le solde cumulé, qui s'élevait à 55 millions d'euros fin 2016, à 16,2 millions d'euros .

Évolution de l'équilibre du compte

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

Recettes

575

653,5

688

675,7

774

678,3

1 490,70

1 498,30

1 490,85

1 545,02

1 573,24

1 596,04

Dépenses

575

560,1

825

813,7

865,8

785,4

1 490,70

1 497,10

1 490,85

1 502,19

1 573,24

1 635,03

Solde

0

93,4

- 137

- 138

- 91,8

- 107,1

0

1,2

0

42,83

0

38,99

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, actuellement en discussion au Parlement, prévoyant une évolution du rôle des régions en matière de financement de l'apprentissage - ces dernières ne devant disposer, à terme, que de 250 millions d'euros pour financer des formations en centre de formation d'apprentis et d'un montant qui sera déterminé par décret en matière de dépenses d'investissement - le projet de loi de finances pour 2019 devrait par conséquent procéder à la suppression du CAS « FNDMA » .


* 1 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 2 Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

* 3 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 4 L'article 86 du règlement (UE) n° 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 définit la procédure de dégagement d'office de la façon suivante : « Tous les programmes sont soumis à une procédure de dégagement fondée sur le principe que les montants correspondant à un engagement qui ne sont pas couverts par un préfinancement ou par une demande de paiement au cours d'une période déterminée, y compris lorsque tout ou partie de la demande de paiement fait l'objet d'une interruption du délai de paiement ou d'une suspension des paiements, sont dégagés ».

* 5 Rapport spécial de la mission « Affaires européennes », PLF pour 2018.

* 6 Commission européenne, Analyse de l'exécution budgétaire des fonds européens structurels et d'investissement en 2017, mai 2018.

* 7 Article 99 de la proposition de règlement du parlement européen et du conseil COM (2018) 375 final

* 8 Rapport spécial, PLF 2018, p.21.

* 9 Note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes, p.7.

* 10 Votre rapporteur spécial souhaite vivement que les rapports annuels de performances présentent systématiquement une confrontation entre les dépenses de la mission AGTE au cours de l'exercice sous revue et la norme de dépense cohérente avec la programmation pluriannuelle.

* 11 « Sous-préfectures : l'État à proximité ». Rapport d'information de M. Hervé Marseille, fait au nom de la commission des finances n° 420 (2016-2017) - 15 février 2017.

* 12 Vos rapporteurs spéciaux réitèrent leur souhait que les avis de contrôle budgétaire et comptable ministériel soient annexés aux projets de loi de finances.

* 13 Dans la nouvelle programmation pluriannuelle des finance publiques, le taux de mis en réserve a été abaissé à 3 %.

* 14 Pour la commodité de la présentation, on expose à part les crédits de la forêt désormais regroupés, comme on l'a indiqué, dans un programme 149 (nouveau) qui les agrège avec les crédits de développement agricole.

* 15 Par rapport à une base hors fonds de concours.

* 16 Aux arrondis près.

* 17 Auquel vos rapporteurs spéciaux ne donnent pas le même sens que le responsable du programme.

* 18 Dans cette dernière, les charges sont rattachées non pas à l'exercice où elles sont payées mais à l'exercice où elles sont constituées.

* 19 Publiés par l'INSEE le 14 décembre 2017, ces comptes ne retracent pas la totalité des flux économiques de l'année. Il apparaît, en particulier, que les opérations budgétaires de fin de gestion, qui peuvent être particulièrement lourdes, comme l'exercice 2017 l'atteste à nouveau, ne sont pas comptabilisées. Dans ces conditions, les subventions ne peuvent être qu'estimées. La campagne de publication des comptes de l'agriculture pourrait utilement intégrer une mise à jour permettant de disposer de comptes provisoires actualisés par la prise en considération de l'exécution budgétaire assez rapidement après la fin de l'année.

* 20 Ce poste des comptes provisoires restent incertain du fait des conditions acrobatiques de l'exécution budgétaire, les opérations de fin de gestion pouvant induire des retards de paiement ainsi qu'on l'a amplement exposé dans le présent rapport.

* 21 Ainsi, les exonérations de cotisations sociales ne sont pas isolées venant directement en déduction des charges salariales qui sont comptabilisées pour leur valeur nette.

* 22 La modification du financement de la protection sociale entreprise en 2018 et la perspective d'un abandon du CICE en 2019 ajoutent à ces motifs d'inquiétude.

* 23 Rapport d'information de M. Joël Bourdin, fait au nom de la commission des finances n° 93 (2008-2009) - 13 novembre 2008.

* 24 Compte tenu des montages complexes auxquels donne lieu les décisions de la commission européenne relatives au paiement des aides agricoles, les agriculteurs subissent une série de coûts supplémentaires du fait de l'atmosphère contentieuse de la gestion des aides européennes.

* 25 « Nous avons cependant, de manière générale, une difficulté à bien répondre aux questions touchant la politique agricole commune » ; « Le ministère de l'agriculture travaille à davantage professionnaliser son ministère... ».

* 26 « Pour une politique de sécurité sanitaire des aliments « zéro défaut » ». Rapport d'information de MM. Alain Houpert et Yannick Botrel, fait au nom de la commission des finances n° 442 (2016-2017) - 23 février 2017

* 27 La recherche fondamentale financée sur fonds publics est principalement prise en charge par les dispositifs fiscaux ou budgétaires mis en oeuvre par le ministère de la recherche.

* 28 Il existe actuellement 20 ONVAR financés par le CASDAR, deux ONVAR étant présentés comme « non financés ».

* 29 L'indicateur « Part des financements correspondant aux priorités retenues pour l'évolution quantitative » correspond à la poursuite de l'objectif intitulé « Renforcer l'évolution qualitative des appels à projets et des programmes pluriannuels ».

* 30 Il s'agit des crédits de la mission « Aide publique au développement » et des parts de fiscalité affectées au développement (la taxe sur les billets d'avion et une partie du produit de la taxe sur les transactions financières).

* 31 On rappelle que si les crédits votés par le Parlement constituent un plafond de dépenses, certaines approches, non dénuées de justification, tendent à leur attribuer également la nature d'un choix plus positif par lequel le Parlement traduit ses choix d'allocation des ressources.

* 32 Voir le rapport spécial n° 140 du 24 novembre 2016 consacré à la mission dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2017 par votre rapporteur spécial.

* 33 La loi de programmation des finances publiques fixe un plafond aux dépenses fiscales mais celui-ci est global et, en conséquence, n'est pas décliné par mission au contraire du régime applicable aux crédits de paiement qui sont, de leur côté, plafonnés par mission. Ce hiatus dans le statut des transferts de l'État selon qu'ils passent par des dépenses ou par des faveurs fiscales n'est pas purement arbitraire dans la mesure où les dépenses fiscales sont présumées moins pilotables que les crédits mais, outre que cette présomption n'est pas irréfragable (le plafond de dépenses fiscales fixé par la loi de programmation l'atteste), elle ouvre la perspective d'arbitrages au profit de transferts par les dépenses fiscales plutôt que par des dépenses publiques pouvant aboutir (effet pervers s'il en est) à une plus grande inertie des finances publiques et à une plus faible visibilité des interventions de l'État.

* 34 Selon la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

* 35 Rapport d'information de Marc Laménie, fait au nom de la commission des finances n° 475 (2015-2016) - 16 mars 2016.

* 36 Chiffres DSN pour la classe d'âge 1989 (annexe 7 du rapport de la Cour des comptes).

* 37 Rapport d'information de M. Marc Laménie, fait au nom de la commission des finances n° 72 (2016-2017) - 25 octobre 2016.

* 38 Rapport d'information de M. Marc Laménie, fait au nom de la commission des finances, n° 550 (2017-2018) - 6 juin 2018.

* 39 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 40 Hors contribution au CAS « Pensions », la hausse atteint même 4,6 %. La contribution a en effet diminué de 2 % en 2017 par rapport à 2016.

* 41 Le montant des frais de justice (sous-action 06-01 du programme), obtenu à partir de la somme des frais postaux, d'interprétariat et diverses dépenses de consommables, s'élevait à 8,8 millions d'euros pour l'exécution 2017, contre 10,5 millions d'euros inscrits en LFI 2017.

* 42 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 portant réforme du droit d'asile.

* 43 Cour des comptes, Mission Conseil et contrôle de l'État, Note d'analyse de l'exécution budgétaire, 2017

* 44 Audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques devant la commission des finances du Sénat, sur le rapport relatif au budget de l'État en 2017, la certification des comptes de l'État pour l'exercice 2017 et l'avis du Haut Conseil des finances publiques relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2017, 30 mai 2018.

* 45 Annexe n° 7 au rapport général n° 108 (2017-2018), de M. Didier RAMBAUD, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017.

* 46 Cette disposition, qui ne figurait initialement que dans le rapport annexé, a été inscrite dans le texte de loi par l'Assemblée nationale et complétée par le Sénat en première lecture.

* 47 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 48 Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

* 49 Audition du 3 avril 2018.

* 50 La question de la disponibilité de la composante « hélicoptères » a fait l'objet d'un contrôle budgétaire spécifique de votre rapporteur spécial.

* 51 Voir la communication de M. Michel Canévet du 18 avril 2018 sur la montée en puissance de l'ANSSI.

* 52 Pour lequel les données sont issues d'une enquête réalisée en ligne auprès de 1 000 individus, auxquels est posée la question suivante : « D'une manière générale, vous sentez-vous très bien, assez bien, assez mal ou très mal informé sur l'action du Gouvernement ? ».

* 53 Ce dernier constitue le programme support commun de gestion du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer et du ministère du logement et de l'habitat durable.

* 54 Décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 55 Décret n° 2017-1183 du 20 juillet 2017 portant annulation de crédits.

* 56 Décret n° 2017-1639 du 30 novembre 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance

* 57 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017 de la mission.

* 58 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 59 Aides à la rénovation énergétique des logements privés, IGF-CGEDD, avril 2017.

* 60 Rapport d'information n° 110 (2016-2017) du 8 novembre 2016 de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, sur l'enquête de la Cour des comptes sur l'efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable.

* 61 Fiscalité environnementale, un état des lieux, Commissariat général au développement durable (CGDD), janvier 2017.

* 62 Les aides dommageables à l'environnement, une réalité complexe, Commissariat général au développement durable (CGDD), décembre 2017.

* 63 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

* 64 Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

* 65 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

* 66 Note du ministre de la transition écologique et solidaire du 26 septembre 2017 aux préfets de région.

* 67 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017 de la mission.

* 68 Pour l'année 2018, le malus a encore été durci avec un seuil de déclenchement abaissé à 120 g de CO 2 /km et un montant maximal relevé à 10 500 euros.

* 69 Le programme 345 regroupe les charges liées à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées, aux dispositifs sociaux, au soutien à la cogénération, les intérêts de la dette accumulée auprès des opérateurs au titre du déficit de compensation, le budget du médiateur de l'énergie et les frais de gestion de la CDC au titre du CAS « Transition énergétique » et du programme 345.

* 70 La liste de ces taxes est déterminée par le I de l'article 5 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 qui a créé le CAS.

* 71 Cette action devient sans objet avec la modification des recettes du CAS réalisée en loi de finances pour 2017.

* 72 Ces dispositifs étaient prévus à l'article L. 121-21 du code de l'énergie.

* 73 Les appels d'offres visant à développer les capacités d'effacement de consommation électrique seront organisés à partir de 2018, d'où un montant nul pour 2016 et 2017. L'ancien dispositif de soutien aux effacements, financé par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE), perdure en 2017.

* 74 Cour des comptes, Le soutien aux énergies renouvelables, avril 2018.

* 75 Arrêté du 25 septembre 2017 relatif au taux 2017 de la contribution due par les gestionnaires des réseaux publics de distribution pour le financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale.

* 76 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017 du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

* 77 « Le FACÉ : un outil indispensable mais perfectible au service de la qualité de l'électricité dans le monde rural », Rapport d'information n° 422 (2016-2017) de M. Jacques Genest, fait au nom de la commission des finances le 15 février 2017

* 78 Ibidem

2 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017 du CAS « FACÉ ».

* 79 Il s'agit du décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance et du décret n° 2017-1183 du 20 juillet 2017 portant annulation de crédits.

* 80 À ce titre, il définit les obligations que l'exploitant doit assurer pour l'ensemble de ces trains, en matière de desserte des gares, de fréquence, de maintenance et de régénération du matériel roulant existant.

* 81 L'État avait seulement versé à SNCF Mobilités le solde de 19 millions d'euros de contribution à l'exploitation des TET pour 2015.

* 82 La ligne Paris-Tarbes-Hendaye était maintenue jusqu'au 1 er juillet 2017 (ouverture de la ligne Tours-Bordeaux) et Paris-Nice jusqu'au 1 er octobre 2017.

* 83 Paris-Caen-Cherbourg/Trouville-Deauville, Paris-Rouen-Le Havre, Paris-Evreux-Serquigny, Paris-Granville et Caen-Le Mans-Tours.

* 84 Redevance pour services terminaux de la circulation aérienne.

* 85 Il s'agit en particulier de la garantie individuelle de pouvoir d'achat (GIPA) et de la prime d'intéressement à la performance collective.

* 86 Rapport d'information n° 568 (2017-2018) « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe », réalisé par Vincent Capo-Canellas au nom de la commission des finances du Sénat.

* 87 Le décret n° 2011-1371 du 27 octobre 2011 précise les statuts et le fonctionnement de cet établissement public administratif.

* 88 Dans le cadre de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (loi ACTPE).

* 89 Le contrat de performance signé en 2011 entre l'État et la Banque de France prévoit un paiement au coût réel des prestations effectuées par la Banque de France pour le compte de l'État. Ces prestations sont : le secrétariat des commissions de surendettement ;  la tenue du compte du Trésor ; la mise en circulation des monnaies métalliques neuves ; l'organisation des séances d'adjudication des valeurs du Trésor ; la gestion des accords de consolidation des dettes des États étrangers ; le secrétariat du comité monétaire de la zone franc.

* 90 Sur le plan budgétaire, la participation de l'État au plan « France très haut débit » est portée par deux outils :

- jusqu'en 2014, le fonds national pour la société numérique (FSN), géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir (PIA), à hauteur de 900 millions d'euros ;

- depuis 2015, le programme 343 « Plan France très haut débit », qui prend le relais du FSN pour les financements restants, soit 2,1 milliards d'euros à horizon 2022.

* 91 Cour des Comptes, Les réseaux fixes de haut et très haut débit : un premier bilan, 31 janvier 2017.

* 92 Cette aide est versée à des organismes qui logent temporairement des personnes défavorisées et qui ne peuvent être hébergées en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).

* 93 Le programme 303 ne parvient pas à assurer l'hébergement de tous les demandeurs d'asile.

* 94 Source : Cour des comptes, note d'exécution budgétaire.

* 95 « L'hébergement d'urgence sous forte tension : sortir de la gestion dans l'urgence » , rapport d'information n° 193 (2016-2017) de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 décembre 2016.

* 96 La mission de « captation » de logeemnts consiste, pour les opérateurs chargés de mettre en place un dispositif d'intermédiation locative, à prospecter auprès des bailleurs afin de trouver des logements pouvant être placés en intermédiation locative. Cette mission est financée de manière forfaitaire spar logement.

* 97 Chiffres de la direction générale de la cohésions sociale (DGCS), recueillis par votre rapporteur dans le cadre du rapport d'information précité sur l'hébergement d'urgence.

* 98 Cette visite a fait l'objet d'un compte rendu devant la commission des finances le 3 août 2017.

* 99 Le rapport annuel de performances précise que « Les prévisions d'encaissement fournies en octobre 2017 par l'ACOSS et les estimations effectuées sur le champ de la CCMSA sont de 2 706 millions d'euros. La prévision s'appuyait sur une hypothèse d'augmentation de la masse salariale en 2017 qui s'est donc vérifiée ».

* 100 Prêt locatif aidé d'insertion.

* 101 Source : Union professionnelle du logement accompagné (Unafo).

* 102 Plan quinquennal pour le logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme .

* 103 Ce montant correspondait au montant inscrit dans le projet de loi de finances pour 2017 alors en discussion, soit 200 millions d'euros, hors dépenses relatives à la politique des gens du voyage, à la réserve de précaution et au système national d'enregistrement (SNE) de la demande de logement social.

* 104 Certaines actions de l'État en faveur des aides à la pierre, telles que la participation au financement du système national d'enregistrement (SNE) de la demande locative, ne transitent pas par le FNAP.

* 105 Auparavant, ce type d'intervention était réservé aux seules copropriétés dégradées.

* 106 Rapport d'information n° 399 (2017-2018) de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances sur l'enquête de la Cour des comptes relative au programme « Habiter mieux ».

* 107 Décret n° 2017-831 du 5 mai 2017 relatif à l'organisation et aux aides de l'Agence nationale de l'habitat

* 108 Voir le document « Grand Plan d'investissement » , annexé au projet de loi de finances pour 2018, p. 19.

* 109 Article 22 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances : « les opérations budgétaires relatives à la dette et à la trésorerie de l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont retracées dans un compte de commerce déterminé ».

* 110 Compte de commerce 903 « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'État ».

* 111 Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

* 112 Jusqu'alors, le programme s'intitulait « Dotation en capital au Mécanisme européen de stabilité », mais cette dénomination ne convenait plus dès lors que les derniers versements ne correspondent pas à une dotation en capital mais à une simple rétrocession des intérêts perçus.

* 113 À compter du 1 er février 2017 conformément à la décision du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne.

* 114 Article 21 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 115 Conformément à l'article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les « comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, les opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ».

Le choix de recourir à un compte d'affectation spéciale (CAS) pour faire transiter ces flux connaît deux justifications. En premier lieu, il convient de rappeler l'interdiction du financement monétaire des États membres de la zone euro par les banques centrales nationales prévue par l'article 123 du traité relatif au fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). En second lieu, il était nécessaire d'isoler ces opérations spécifiques au sein du budget de l'État.

* 116 La Commission européenne a refusé en 2015 de rembourser un milliard d'euros d'aides agricoles attribuées par l'État français en raison de l'insuffisance du registre parcellaire.

* 117 Pour la première fois au cours de la précédente mandature, la charge de la dette prévue en 2017 était proche de la charge constatée en exécution en 2016.

* 118 Qui se sont élevées à 160 milliards d'euros environ d'après les données transmises par le Gouvernement.

* 119 Soit un montant total d'intérêts non rétrocédés de 758,1 millions d'euros : 532 millions d'euros au titre de l'année 2015 et 226,1 millions d'euros au titre de l'année 2016.

* 120 239 millions d'euros au titre de l'exercice 2017 et 167,3 millions d'euros au titre de l'exercice 2018.

* 121 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

* 122 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 123 Décret n° 2013-77 du 24 janvier 2013 relatif à l'organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires.

* 124 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République.

* 125 Décret n° 2014-457 du 7 mai 2014 portant autorisation d'expérimentations relatives à l'organisation des rythmes scolaires dans les écoles maternelles et élémentaires.

* 126 Décret n° 2016-1049 du 1er août 2016 autorisant des dérogations à l'organisation de la semaine scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires publiques.

* 127 Décret n° 2017-1108 du 27 juin 2017 relatif aux dérogations à l'organisation de la semaine scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires publiques.

* 128 17,1 millions d'euros ont été redéployés vers les actions « Internats d'excellence » et « Développement de l'économie numérique » en fin de gestion 2017, portant le montant de l'action INEE à 289,4 millions d'euros.

* 129 Créée par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique.

* 130 Décret n° 2017-1639 du 30 novembre 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 131 « Les décrets et arrêtés prévus par la présente loi organique sont publiés au Journal officiel. Il en est de même des rapports qui en présentent les motivations, sauf en ce qui concerne les sujets à caractère secret touchant à la défense nationale, à la sécurité intérieure ou extérieure de l'État ou aux affaires étrangères » - article 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 132 Annexe n°16 au rapport général n° 140 (2016-2017) de MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016.

* 133 Avis de la commission des finances du Sénat sur le projet de décret d'avance notifié le 21 novembre 2017.

* 134 Rapport n° 645 (2016-2017) sur le projet de loi de règlement d'approbation des comptes de l'année 2016, contribution de MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux.

* 135 Voir la communication en Conseil des ministres du 20 janvier 2016.

* 136 Trois recettes domaniales, jusqu'alors comptabilisées parmi les recettes non fiscales, ont été attribuées au CAS : les redevances des concessions ou autorisations de toute nature de la compétence du directeur départemental des finances publiques (revenus du domaine public non militaire), les redevances des logements concédés par l'État dont il est propriétaire (autres revenus du domaine public) ainsi que les loyers et indemnités d'occupation (revenus du domaine privé).

* 137 Cette contribution exceptionnelle résulte des dispositions de l'article 38 de la loi de finances pour 2015, qui prévoit le versement annuel jusqu'en 2017 d'une contribution annuelle au désendettement au moins égale à 25 millions d'euros.

* 138 Hors contribution au désendettement.

* 139 Voir le rapport d'information n° 661 (2016-2017) de M. Dominique de Legge au nom de la commission des finances du Sénat « Le parc immobilier des armées : quand l'intendance ne peut plus suivre », juillet 2017.

* 140 En particulier, des rétablissements de crédits entre le budget général et le CAS, voir les notes d'analyse de l'exécution budgétaire en 2015 et 2016.

* 141 Voir le rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2018.

* 142 Voir la note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2017 de la Cour des comptes.

* 143 Voir la note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2017 de la Cour des comptes, pages 30-31.

* 144 Voir le rapport d'information n° 570 (2016-2017) de MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac au nom de la commission des finances du Sénat, « De la rationalisation à la valorisation : 12 propositions pour une politique immobilière de l'État soutenable et efficace », mai 2017.

* 145 Rapport sur le projet de loi de finances pour 2017, Tome III, annexe n° 18 « Investissements d'avenir », Albéric de Montgolfier.

* 146 Ainsi, 6 milliards d'euros de crédits de paiement ne devraient être inscrits qu'à partir de 2021, contre 4 milliards d'euros prévus initialement.

* 147 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Investissements d'avenir », 2017.

* 148 Programme d'encellulement individuel (PEI), désormais dénommé programme « 15 000 places ».

* 149 Le financement total de 233,2 millions d'euros est assumé à hauteur de 189,8 millions d'euros par le ministère de la culture, dont 155,6 millions d'euros au titre du programme « Livre et industries culturelles ». Le reste de la contribution du ministère de la culture est imputé sur le programme « Patrimoines » de la mission « Culture », pour la partie monuments historiques. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui exerce la tutelle sur l'École nationale des Chartes et partage la tutelle sur l'Institut national d'histoire de l'art avec le ministère de la culture, participe à hauteur de 42,7 millions d'euros au financement du projet.

* 150 Article 111 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016. Cet article a lui-même modifié l'article 77 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

* 151 Le mécanisme de garantie des ressources a été activé pour la première fois en 2010. Il a également permis de garantir le niveau de ressources de l'audiovisuel public en 2016.

* 152 Rapport général n° 140 (2016-2017) de MM. Nuihau Laurey et Georges Patient, fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016

* 153 Ces opérations relèvent alors du programme 731 « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État ».

* 154 Ces opérations relèvent alors du programme 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État ».

* 155 La cession a eu lieu en deux temps : la première est intervenue le 13 janvier 2017 à hauteur de 1,14 milliard d'euros, la seconde est intervenue le 8 septembre 2017 à hauteur de 1,38 milliard d'euros.

* 156 Cet indicateur représente l'enrichissement lié à la détention d'action sur une période donnée, intégrant à la fois la plus-value potentielle ou réalisée et la perception de dividendes.

* 157 Voir le rapport général n° 108 (2017-2018) de M. Victorin Lurel sur le projet de loi de finances pour 2018, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017, pages 12 à 14.

* 158 Dans le cadre du contrat signé entre l'État, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), DNCS et Areva le 15 décembre 2016 relatif à la vente par Areva de sa participation majoritaire au capital de la Société technique pour l'énergie atomique.

* 159 Cet endettement résulte du transfert en 2004 vers Areva NC de certaines charges d'assainissement et de démantèlement d'installations du CEA.

* 160 Présidence de la République, communiqué de presse du 3 juin 2015.

* 161 Dans le détail, EDF a fait l'objet d'une recapitalisation à hauteur de 3 milliards d'euros intervenue en mars 2017 et les entités issues d'Areva SA d'une recapitalisation à hauteur de 4,5 milliards d'euros au cours du mois de juillet 2017.

* 162 En particulier, les cessions des aéroports de Nice (1,22 milliard d'euros) et de Lyon (535 millions d'euros) pour 2016 puis les cessions de titres Engie (2,7 milliards d'euros) et PSA (1,9 milliard d'euros) en 2017.

* 163 Communiqué du ministère de l'économie et des finances n° 297 du 15 janvier 2018 « Mise en place du fonds pour l'innovation doté de 10 milliards d'euros ».

* 164 La holding détenant la participation de l'État dans l'entreprise Thalès.

* 165 Voir le compte-rendu du conseil des ministres du 18 juin 2018.

* 166 Voir rapport général précité n° 108 (2017-2018) de M. Victorin Lurel sur le projet de loi de finances pour 2018, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017, pages 42 à 52.

* 167 Note d'analyse de l'exécution budgétaire du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » pour 2017, Cour des comptes, page 26.

* 168 L'élargissement du périmètre de la mission à la politique de la ville par la loi de finances initiale pour 2015 faisait suite à la création, en mars 2014, du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), qui regroupe la délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), le secrétariat général du comité interministériel des villes (SG CIV) et l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé).

* 169 À l'exception de 104 021 euros en titre 2, en AE et en CP.

* 170 Décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 171 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Politique des territoires », 2017.

* 172 Prévue à l'article 44 quindecies du code général des impôts.

* 173 À la suite de la réforme introduite par l'article 45 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

* 174 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 175 Article 9-2 de la loi n° 2003-710 du 1 août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, modifié par l'article 137 de la loi n 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 176 Rapport d'information n° 399 (2017-2018) de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances sur l'enquête de la Cour des comptes relative au programme « Habiter mieux ».

* 177 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2017, mission « Politique des territoires ».

* 178 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 179 Cf. décision du Conseil constitutionnel n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001.

* 180 Décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

* 181 La mission « Recherche et enseignement supérieur » a bénéficié de 18,3 milliards sur 2017 au titre des PIA 1 et 2

* 182 L'action 07 « Territoires d'innovation pédagogique » - qui vise à financer des innovations dans le domaine éducatif, principalement pour l'enseignement scolaire et la transition avec l'enseignement supérieur - relève plutôt de la mission « Enseignement scolaire ».

* 183 Circulaire 2017-059 du 11 avril 2017.

* 184 Rapport d'information n° 729 (2015-2016) de Philippe Adnot, fait au nom de la commission des finances, « Le contrôle des conditions de maintien des droits des étudiants boursiers : le scandale des "copies blanches" ».

* 185 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 186 Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013.

* 187 Deux concernent la valorisation de la recherche et quatre l'enseignement supérieur.

* 188 Qui conduit notamment à contourner la règle de l'annualité budgétaire, les crédits du PIA étant transférés d'un bloc aux opérateurs de l'État l'année du lancement de chaque PIA, puis progressivement dépensés par ces derniers.

* 189 En pratique, compte tenu des délais de paiement, le versement effectif de la pension revalorisée n'intervient qu'en novembre, dans la plupart des cas.

* 190 Le contexte des régimes spéciaux est sensible à des évolutions économiques et sociodémographiques pouvant marquer les entreprises auxquelles ils sont associés, sort commun à tous les régimes de retraites mais particulièrement prononcé pour les régimes spéciaux qui, du fait de leur isolement, ne bénéficient pas des effets amortisseurs de régimes plus diversifiés.

* 191 Par ailleurs, compte tenu de l'isolement de ces régimes et du fait que certains d'entre eux concernent des entreprises (plus ou moins) soumises à la concurrence, les hypothèses économico-démographiques sur lesquelles reposent les projections apparaissent d'emblée affectées d'incertitudes qu'il serait utile d'illustrer par des projections établies en variantes. Cette recommandation s'impose d'autant plus que les hypothèses choisies pour réaliser les projections ne sont pas présentées avec un détail suffisant dans le cadre du compte général de l'État. On ne peut qu'ajouter quelques interrogations sur les effets de l'innovation technologique notamment sur les conditions de financement des régimes concernant les entreprises de transport où les progrès de productivité par tête pourraient aboutir à une reconsidération radicale des modalités de financement de la protection sociale dans l'hypothèse où ils seraient captés par le capital.

* 192 Ainsi, un besoin de financement de 346 milliards d'euros en 2117 équivaut grosso modo à un besoin de financement annuel moyen de 3,5 milliards d'euros, résultat à comparer avec les 6,3 milliards d'euros de dépenses de la mission en 2017.

* 193 L'« opting out » désigne l'option ouverte dans certains régimes d'assurances sociales de ne pas s'affilier au régime de base. La levée de l'option dépend d'une appréciation d'opportunité reposant sur une perception du bilan risque-rendement des différentes offres d'assurance.

* 194 Votre rapporteur spécial tend à considérer que cotisations salariales et cotisations employeurs sont également des éléments de rémunération différées des salariés.

* 195 En autorisations d'engagement (AE) = crédits de paiement (CP).

* 196 Le rapport démographique comporte à son numérateur les effectifs de cotisants et à son dénominateur les effectifs de retraités de droit direct ou indirect.

* 197 Rapport d'information de M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial, fait au nom de la commission des finances n° 109 (2016-2017) - 8 novembre 2016 .

* 198 La revalorisation a suscité un alourdissement des pensions militaires de 18 millions d'euros.

* 199 Respectivement 22,5 millions et 90 millions d'euros pour les pensions militaires.

* 200 Dont 149 millions d'euros de droits dérivés.

* 201 Le coût unitaire budgétaire est égal au coût unitaire pondéré par la durée de service de la pension.

* 202 Fondée sur un nouveau jeu d'hypothèses.

* 203 Le compte général de l'État pour 2016 ne reprend pas la projection à très long terme (horizon de 100 ans) des besoins de financement actualisés cumulés du compte. Peut-être est-ce dû à un changement de module d'évaluation, le modèle PABLO ayant pris la suite du modèle ARIANE par lequel étaient évalués jusqu'en 2015 les besoins de financement du régime.

* 204 Cette asymétrie des effets de l'instrument de régulation des équilibres financiers des régimes de retraite qu'est le décalage de l'âge de départ en retraite entre les fonctionnaires et les salariés du secteur privé passe par une inégale probabilité d'être sans emploi au long de la vie professionnelle et, en particulier, dans les dernières années de celle-ci. Elle est rarement prise en compte dans les études sur l'équité du système de retraite et de ses différents régimes alors qu'elle peut exercer des impacts considérables sur les situations individuelles. Il faut donc en recommander une évaluation systématique.

* 205 « L'espérance de vie en retraite sans incapacité sévère des générations nées entre 1960 et 1990 : une projection à partir du modèle Destinie » G 2017/3 Alexandre Cazenave-Lacroutz et Fanny Godet. DESE. INSEE.

* 206 On doit évoquer ici la question de la profondeur du futur régime de retraites universel. Sur ce point, les engagements du Président de la République de limiter la réforme des retraites aux régimes de base laissent un peu perplexe compte tenu de la structuration très diverse des régimes complémentaires, les uns intégrés au régime de base, les autres distincts.

* 207 L'impact de la désindexation sur les taux de pauvreté en retraite en est bien sûr une des composantes.

* 208 Ce critère satisfaisant pour apprécier la justice contributive ne l'est pas nécessairement pour mesurer l'équité contributive. Celle-ci est une notion plus complexe qui suppose de tenir compte d'un ensemble d'éléments plus diversifié que le seul revenu des affiliés (les conditions concrètes des carrières par exemple).

* 209 Décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 210 Décret n° 2017-1639 du 30 novembre 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 211 Voir les déclarations de l'association des maires ruraux de France par exemple.

* 212 Cons. Const., 6 octobre 2017, n° 2017-660 QPC, Société de participations financière.

* 213 Décision n° 2017-629 QPC, Société FB Finance, Conseil constitutionnel, 19 mai 2017.

* 214 Il s'agit des bénéficiaires des dispositifs prévus à l'article 28 de la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 et de l'article 75 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 215 Décret n° 2017-1639 du 30 novembre 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 216 Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

* 217 « Plan de renforcement du dispositif de lutte contre le terrorisme » (PLAT), présenté en avril 2015 ; et « Pacte de sécurité » (PDS), annoncé en novembre 2015 ; « Plan de sécurité outre-mer » (PSOM), annoncé en avril 2016 ; « Plan de sécurité publique » (PSP), annoncé en octobre 2016.

* 218 Rapport général n° 140 (2016-2017) de M. Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016

* 219 Cour des comptes, le budget de l'État en 2017 - résultats et gestion, mai 2018.

* 220 Rapport IGA-IGF « Évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales », février 2017.

* 221 Cour des comptes, référé au Premier ministre du 13 mars 2018 sur les rémunérations et le temps de travail dans la police et la gendarmerie nationales.

* 222 Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

* 223 Rapport général n° 108 (2017-2018) de M. Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017.

* 224 Ibid.

* 225 Décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits.

* 226 Arrêté du 31 janvier 2017 portant report de crédits.

* 227 Contrôle budgétaire et comptable ministériel.

* 228 Bilan de l'accidentalité routière en 2017 de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR).

* 229 Libellé modifié par rapport à 2016 : le programme 751 intègre, depuis le 1 er janvier 2017, les anciens programmes 751 « Radars » et 752 « Fichier national du permis de conduire ».

* 230 Engagements non couverts par paiements au 31 décembre 2017

* 231 En application de l'article 49 modifié de la loi n° 2005-1719 de finances pour 2006.

* 232 Ce poste comprend trois catégories de dépenses :

- la gestion du déploiement et de la maintenance des dispositifs par chacun des équipementiers de radars (il inclut notamment la permanence d'un technicien au Centre national de traitement de Rennes chargé de la supervision des radars) ;

- la maintenance et la supervision des télécommunications par un prestataire afin d'assurer la transmission des messages d'infractions au Centre national de traitement de Rennes ;

- l'assistance à maîtrise d'ouvrage confiée à des prestataires chargés de coordonner les différents acteurs des marchés publics, d'assurer le suivi financier et le suivi du stock des pièces de rechange.

* 233 À cet égard, l'existence de deux sections au sein du CAS (« Contrôle automatisé » et « Circulation et stationnement routiers »), aux circuits financiers à la fois distincts et croisés, complique la compréhension de la politique de sécurité routière, ce qui n'est pas sans affecter son acceptabilité par le citoyen.

* 234 Pour mémoire, le programme 754 bénéficie :

- de 170 millions d'euros provenant des amendes forfaitaires « radars » (montant plafonné par la loi de finances initiale),

- de 53 % des amendes forfaitaires hors « radars » et des amendes majorées « radars » ou « hors radars » (hors versement au budget général et au programme 753, au profit de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI)), soit 573,7 millions d'euros.

Sont imputés sur ce programme en 2017 :

- en février, le paiement des sommes dues aux communes et à leurs groupements, au titre des amendes encaissées en 2016, réparties selon les statistiques de verbalisation de 2015, pour un montant de 601,15 millions d'euros, auquel s'ajoutent 1,15 million d'euros en AE et CP au titre de 2014 ;

- en novembre, le montant de 64 millions d'euros (fixé par la loi de finances initiale pour 2017) dû aux départements, au titre des amendes forfaitaires radars, encaissées en 2016.

* 235 Le programme 755 bénéficie de 47 % des amendes forfaitaires (hors « radars ») et des amendes majorées « radars » ou « hors radars » (hors versement au budget général et au programme 753, au profit de l'ANTAI).

* 236 « I. - Les comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. »

* 237 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 238 « Les radars automatiques : la recette miracle contre l'insécurité routière ? », rapport n° 644 (2016-2017) d'information fait par Vincent Delahaye au nom de la commission des finances.

* 239 Hors fonds de concours et attributions de produits.

* 240 Rapport d'information de M. Jean Pierre Vogel, fait au nom de la commission des finances n° 595 (2016-2017) - 28 juin 2017

* 241 Unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile

* 242 Loi n°2017-1775 du 25 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

* 243 Il s'agit des dépenses fiscales n° 120401 : abattement de 10 % sur le montant des pensions (y compris

les pensions alimentaires) et des retraites (programme 157) : 4 060 millions d'euros ; n° 120202 : exonération des prestations familiales, de l'allocation aux adultes handicapés ou des pensions d'orphelin, de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, de l'allocation de garde d'enfant à domicile, et, depuis le 1er janvier 2004, de la prestation d'accueil du jeune enfant (programme 304) : 1 905 millions d'euros ; n° 070101 : exonération de taxe d'habitation en faveur des personnes âgées, handicapées ou de condition modeste (programme 157) : 1 647 millions d'euros.

* 244 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 245 Selon les informations transmises à votre rapporteur spécial par le CNDS.

* 246 Selon les informations transmises à votre rapporteur spécial par la direction des sports.

* 247 Décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017.

* 248 Il s'agit du nombre d'indemnités mensuelles à verser aux jeunes en service civique.

* 249 Article 14 de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

* 250 Décision du 13 septembre 2017 ; pour 2018, le programme est doté de 58 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 48 millions d'euros en crédits de paiement.

* 251 Décret n° 2018-460 du 8 juin 2018 relatif au fonds pour le développement de la vie associative.

* 252 Note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour l'année 2017.

* 253 Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017.

* 254 Réduction des contrats aidés : offrir une alternative crédible au secteur associatif, rapport d'information n° 321 (2017-2018) d'Alain Dufaut et Jacques-Bernard Magner, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 21 février 2018.

* 255 « Évaluation du pilotage des contrats aidés et de leur performance en termes d'insertion », rapport IGAS - IGF (non publié), janvier 2012.

* 256 Décret n° 2016-40 du 25 janvier 2016 instituant une aide à l'embauche dans les petites et moyennes entreprises.

* 257 Direction générale du Trésor, « Les aides à l'embauche : un outil efficace de soutien à l'emploi ? », trésor-éco, n° 177, août 2016.

* 258 Comité technique d'évaluation, « Rapport d'évaluation du plan « 500 000 formations supplémentaires », décembre 2017.

* 259 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et la sécurisation des parcours professionnels.

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